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Emmanuelle Maître de Pembroke

Emmanuelle MAÎTRE DE PEMBROKE

Université Paris-Est-Créteil LIRTES EA 7313

Résumé

Cet article vise à revisiter les ancrages épistémologiques qui ont profondément influencé mon travail et que j’ai hérités de Louis Porcher. Ces fondements m’ont permis de poser les bases de démarches valables tant pour la médiation que pour la relation pédagogique. Très conscient déjà de l’importance d’un point de vue intersubjectif et situé, Louis Porcher considérait même cette entrée comme une garantie éthique. L’ouverture à la phénoménologie m’a permis de développer des recherches sur les dimensions incorporées du geste et d’approfondir encore ce qui relève de l’émergence du sens, en particulier dans une classe.

Mots clés : Gestes d’ajustement / médiation / sémiologie / phénoménologie / éthique /

Introduction

Devant la complexité du métier et le désarroi de nombreux enseignants en difficulté, une quantité importante de travaux émerge sur le geste professionnel. Face aux besoins du terrain, les recherches visant à analyser le savoir-faire professionnel d’un enseignant viennent compléter les travaux de didactique disciplinaire dans une articulation fructueuse. Lors de mon parcours universitaire encadré par Louis Porcher, j’ai été sensibilisée à cette articulation entre ces deux pôles didactiques, ainsi qu’à la nécessité de croiser les champs théoriques qui éclairent et nourrissent les réflexions sur la profession enseignante.

Didacticienne de la langue, recrutée au sein de l’ESPE (École supérieure du professorat et de l’éducation) de Créteil, j’ai été sensible aux besoins importants de travaux sur les thèmes de la diversité linguistique et culturelle et de la médiation dans une perspective qui allie les dimensions verbales et non verbales. Puis, les thèmes de climat de classe, de posture et de positionnement m’ont permis d’approfondir le questionnement sur le geste dans ses dimensions sémiologiques et éthiques. Qu’il s’agisse de médiation lors de malentendus – thème de ma thèse écrite auprès de Louis Porcher – ou de clarté de communication au sein de la classe pour faciliter la compréhension des élèves, les questions fondamentales sont les suivantes : comment, dans la communication avec les élèves, ajuster le sens pour soi et la compréhension qu’en ont les élèves ? Comment co-construire le sens émergent dans l’instant de l’échange et quels indices saisir pour évaluer cet ajustement mutuel ? Enfin,

comment accompagner l’acquisition d’une posture réflexive, non seulement après une séance, mais également au cœur des échanges en train de se faire ?

Mon engagement fort sur le terrain m’a permis de mesurer l’urgence et l’importance de ces questions qui sont devenues miennes. À la suite des visites faites en classe par les conseillers pédagogiques et inspecteurs, il n’est pas rare que l’enseignant s’entende dire qu’il a un positionnement adéquat ou une bonne posture. Au contraire, certains reçoivent la remarque que leur positionnement n’est pas juste. Dans chacune de ces situations, les différents plans de lecture ne sont pas explicités ce qui ne permet ni appui sur des compétences, ni capacité de changement. Finalement la plupart des gestes réussis sont intuitifs, tout comme l’est le conseil divulgué.

Les questions qui m’ont été posées émanent donc tout autant des enseignants que des conseillers et des inspecteurs chargés d’accompagner cette entrée dans le métier : quelle démarche favorise la réflexivité, laquelle porte tout à la fois sur des gestes visibles, des savoir-faire et sur le sens et les valeurs sous-jacentes ? Comment guider vers une posture visible ou lisible (tout d’abord pour soi et pour autrui) où l’identité se pose dans des choix clairs pour un positionnement et une communication plus consciente avec les élèves ? En d’autres termes, comment accéder aux différents niveaux de contenus de sens du geste et favoriser l’émergence de sens neufs, tout à la fois éthiques et adaptés aux situations émergentes ?

La grande difficulté pour accéder à ce sens profond est qu’il est intégré sous forme d’habitus incorporés. Savoir remédier à des difficultés de gestion de classe, tout comme savoir transférer des savoir-faire pour prendre appui dessus dans les situations délicates, nécessitent de reprendre conscience de ces couches de contenus incarnés. Autre question importante : les formateurs de formateurs et conseillers préconisent des fiches de préparation, c’est-à-dire une planification solide des séances menées en classe. L’essentiel des contenus de formation de base à l’ESPE visent à aider les jeunes enseignants à planifier leurs leçons dans une démarche adaptée aux niveaux des élèves et progressive. Cette démarche, tout en leur donnant une colonne vertébrale solide, n’éclaire cependant pas l’autre pôle complémentaire et fondamental qui est la capacité à accueillir et traiter le sens émergent dans les situations inédites. Les jeunes enseignants se disent ainsi peu préparés à gérer l’imprévisibilité forte qui caractérise la profession.

Ainsi, au fil de mes travaux en didactique du français, communication interculturelle (Maître de Pembroke, 2003, 2013, 2016) puis en didactique professionnelle, les propos de Louis Porcher ont constitué le fondement et le terreau sur lequel je me suis appuyée. À l’occasion de cet hommage, relire texte par texte les écrits de Louis Porcher m’a permis de saisir à quel point la question éthique était posée. Elle permet d’éclairer les thématiques fondamentales de la profession enseignante et de déployer des démarches complémentaires favorisant une entrée dans le métier faite de maturité, de vigilance et de conscience. Ainsi cet article de synthèse me permet d’expliciter

chacun des ancrages théoriques que je mobilise dans mes travaux, lesquels sont un héritage du parcours mené avec Louis Porcher en tant que doctorante, lectrice et interlocutrice lors de ce « compagnonnage » réflexif (terme qu’il aimait utiliser).

1. LA FORMATION DES ENSEIGNANTS

1.1. LES GESTES DE MÉTIER ET GESTES PROFESSIONNELS

Les travaux actuels en didactique professionnelle montrent à quel point enseigner est un métier difficile qui nécessite un apprentissage. Deux terminologies se dégagent pour parler de ces savoir-faire enseignants. Les « gestes de métier » sont ceux qui permettent de perpétuer et structurer des savoir-faire établis. Ces gestes que l’on retrouve dans toutes les classes donnent à la profession un socle et permettent de s’appuyer sur un cadre de référence commun. Codifiés, répertoriés et connus, ils fonctionnent de manière routinière. Cependant, si l’enseignant intègre ces gestes qui lui préexistent, il est nécessaire qu’il les actualise de façon personnelle et ajustée à la situation. Le « geste professionnel » (Jorro, 2007) est le fruit de cet ajustement qui nécessite, d’une part, des choix, d’autre part, une qualité d’écoute de l’autre et du moment. Si les gestes de métier correspondent à une conception externe et générique, les gestes professionnels reflètent, quant à eux, une conception singulière et contextuelle.

En adoptant cet angle, les auteurs soulignent l’importance des choix que l’enseignant doit poser à chaque instant dans une posture flexible d’adaptation aux élèves. Ils mettent également en exergue les dimensions culturelles, mais surtout identitaires et éthiques qui constituent le geste à destination des élèves. Il serait grave que les gestes qui leur sont adressés ne soient que des routines non pensées. Une posture critique, une conscience fine des valeurs que l’on souhaite véhiculer dans la classe sont nécessaires pour redonner au geste la dimension relationnelle si fondamentale dans l’enseignement. C’est en ce sens que de nombreux auteurs soulignent les dimensions sémiologiques et axiologiques du geste professionnel enseignant (Allin, 2010 ; Maître de Pembroke, 2015a). Bucheton et Soulé (2009) accordent une telle importance à ces compétences d’adaptation réciproque entre enseignants et élèves qu’ils les abordent dans une catégorie spécifique qu’ils nomment gestes d’ajustement, aux côtés des gestes de pilotage, d’étayage, de tissage et de gestion spatio-temporelle. Jorro (2007) parle également de gestes d’ajustement et propose une catégorie spécifique aux gestes éthiques qui instaurent une qualité de relation. Cet auteur insiste sur les dynamiques du geste enseignant en mettant en exergue quatre dimensions : le sens postural (qu’elle nomme « liberté d’agir ») permet l’adaptation à la réalité de la classe ; le sens du kaïros est une temporalité encore plus fine puisqu’il s’agit d’un geste émergent dans l’instant permettant de transformer l’imprévu en événement favorable ; le sens de l’altérité favorise la rencontre interpersonnelle ; l’adresse est une qualité d’expression qui va permettre de véhiculer des valeurs.

Nous voyons que l’ensemble des travaux articulent une dimension routinière et codifiée et une dimension située impliquant des choix adaptés à l’instant. Louis Porcher la soulignait déjà : « Toute pratique est en effet constituée d’une double articulation et ne peut être véritablement acquise opératoirement que par ce double mouvement, c’est-à-dire à travers une dialectique entre le système et le vécu, entre le code et les messages, entre la langue et les paroles, entre le formel et l’imprévisible. » (Porcher, 2004, p. 98).

D’autre part, la question éthique, qui constitue un fondement fort des travaux de didactique professionnelle jalonne toute l’œuvre de Louis Porcher. Il me semble qu’il n’y ait pas un écrit qui ne pose d’emblée ce prérequis éthique : « E. Levinas fait reposer l’éthique sur l’expérience d’autrui. On ne peut penser l’Autre à partir de la logique du Même. L’éthique est cette rencontre de l’Autre comme autre, dans une altérité pleine et entière. L’exigence de la liberté de l’autre conditionne ma propre liberté et ma responsabilité. » (Porcher et Groux, 2003, p. 75).

1.2. L’ARTICULATION DE DIFFÉRENTS SAVOIRS

Fortement conscient de l’importance de précisions didactiques en matière d’analyse de besoins et de construction de contelnus progressifs et adaptés aux apprenants, Louis Porcher soulignait la complexité de l’autre pôle : celui de la relation pédagogique. La clé de voute de ses travaux est donc l’articulation du savoir, du savoir-faire et du savoir-être enseignant : – « C’est justement le savoir-enseigner qu’il faut acquérir et celui-ci s’inscrit parmi les compétences : il est à la fois un savoir-faire et un savoir se comporter (savoir-être). » (Porcher, 2004, p. 99). – « La formation des enseignants n’est pas seulement académique : elle englobe des compétences “diagonales”, pertinentes pour toutes les disciplines, et qui relèvent de la “capacité relationnelle”, dont la nécessité est exactement proportionnelle à la diversité qui constitue la caractéristique la plus forte des populations scolaires d’aujourd’hui. » (Porcher, ibid., p. 98). Déjà Louis Porcher avait conscience des mutations importantes qui touchaient la profession. « Former des enseignants : un métier qui change dans un monde qui, luimême, se transforme. » (Porcher, ibid., p. 93). Face à ces changements, les enseignants ont besoin d’un accompagnement qui les aide à articuler ces niveaux : « La formation des enseignants a besoin, pour devenir opératoire, d’être complètement transformée et de s’inscrire dans un projet d’ensemble où l’apprentissage tient toute sa place à côté de l’enseignement et où les acquisitions académiques restent de niveau élevé et continuent à l’être, mais où aussi les compétences pédagogiques (le métier d’enseignant) sont d’emblée puissantes et se perfectionnent tout au long de la carrière. » (Porcher, ibid., p. 97).

1.3. ACCUEILLIR LE SENS

Dans cet accompagnement, la question du sens est cruciale : pour soi, pour les élèves, ainsi que pour le sens émergent d’une co-construction mutuelle. Jorro parle de négociation du sens. Elle insiste sur l’articulation du faire et du signifier (Jorro, 1998). Or, comme le dessus de l’iceberg, le geste ne donne à voir qu’une seule face : celle qui est observable.

Dans ses écrits, Louis Porcher soulignait l’importance des dimensions dialogiques et intersubjectives qui imprègnent les gestes professionnels enseignants : « Comme l’a montré Jakobson, le destinataire d’un message est toujours celui qui produit le sens de celui-ci. L’apprenant attribue une signification au discours de son professeur qui n’est pas nécessairement celle que ce dernier a voulu. La transmission implique toujours deux partenaires. » (Porcher, 2004, p. 95). Pour lui, « l’objectif serait d’apprendre à analyser, dans une situation et dans une relation, les informations (directes ou non, implicites ou non, verbales et non verbales) qui sont échangées et qui, elles, sont de nature sociologique, psychologique, culturelle… C’est en ce sens que la reconnaissance d’autrui, en tant que sujet dans son altérité pleine et entière, précède la connaissance. » (Porcher, ibid.).

En me faisant découvrir Barthes, Louis Porcher me donnait des clés de lecture du sens qui imprègne les gestes professionnels. Si trois niveaux constituent le geste, seul le premier est observable et visible : celui des actes. Les niveaux sémiologique et axiologique (valeurs) demeurent opaques pour l’interlocuteur, mais aussi, bien souvent, pour le sujet lorsqu’il est dans le cœur de l’action. Une démarche d’accès aux couches profondes du geste est nécessaire pour l’enseignant, ce qui nécessite un mouvement d’intériorité et de retour sur le sens pour soi, articulé avec un travail de distanciation sur le sens saisi dans les interactions avec les élèves. Un accompagnement à l’entrée dans la profession nécessite cette réflexivité.

1.4. ACCUEILLIR L’IMPRÉVISIBILITÉ

Les travaux actuels sur les gestes professionnels soulignent des caractéristiques essentielles à la profession que sont la complexité, l’imprévisibilité face à des situations inédites, le besoin d’adaptabilité et de prise de décision dans l’instant. Ces compétences de « conversation avec une situation » (Perrenoud, 2001, reprenant Schön, 1994), mobilisent une activité mentale de haut niveau, qui engage de multiples ressources pour trouver une solution originale. Comme le rappelle cet auteur, un raisonnement professionnel n’est pas assimilable à une suite de syllogismes, il mobilise des processus intuitifs et créatifs. C’est pourquoi ces travaux s’inscrivent de plus en plus dans le paradigme de l’émergence. Accompagner à entrer dans le métier consiste à donner les moyens d’accueillir cette imprévisibilité.

Louis Porcher et Dominique Groux (1997) cernaient bien ces compétences requises en parlant de l’enseignant improvisateur. Tout en soulignant les fondements

éthiques de cette posture, ils recensaient les savoir-faire nécessaires pour y parvenir, ainsi que l’articulation intime du savoir-être et savoir-faire. C’est donc encore une fois une conscience éthique aigüe qui amenait Louis Porcher à souligner l’imprévisibilité. Loin de la déplorer, il s’en réjouissait ! : « Dans une pédagogie de l’autonomie, l’imprévisibilité est une composante méthodologique essentielle. C’est le principe même de l’autonomie. » (Porcher et Abdallah-Pretceille, 1996, p. 119).

Sans le savoir, la posture de Louis Porcher m’avait imprégnée et c’est cette motivation profonde qui guide mes travaux actuels. L’imprévisibilité n’est pas un obstacle supplémentaire à l’entrée dans le métier, elle est constitutive à la rencontre et à la relation : « L’irruption de l’altérité exige une perspective plurielle et fluide qui suggère davantage une posture… L’Autre n’est pas un objet mais une aventure, un processus, un devenir, un événement. » (Porcher et Abdallah-Pretceille, ibid., p. 71). Il me semble que c’est cette formation à accueillir l’imprévisible qu’il est important de mettre en place dans les ESPE, appuyée sur des démarches de compréhension et de réflexivité éthique : « La formation à l’éthique est certainement complexe parce qu’elle ne supporte pas de contenus préalables, sauf sur le plan philosophique. Elle est fondamentalement repérage des valeurs et compréhension de l’altérité et de l’altérité mutuelle. » (Porcher, 1999, p. 20).

2. DÉMARCHES ÉPISTÉMOLOGIQUES POUR ÉCLAIRER LE SENS DU

GESTE

La question de la formation des enseignants est si vaste et riche qu’elle s’inscrit nécessairement dans le paradigme de la complexité. En lien avec Ricœur et Morin, Louis Porcher défendait cette position : « Les différentes disciplines, au service de l’apprentissage de la communication et de l’altérité ont intérêt à puiser dans l’irrespect des frontières et non pas dans une technicisation maximum des savoirs. L’enjeu consiste à passer du stade descriptif au processus d’engendrement et d’interprétation en s’appuyant sur des savoirs mêlés. La construction d’un cadre de référence respectant la complexité s’impose. » (Porcher et Abdallah Pretceille, 1996, p. 65).

2.1. LES APPORTS DE LA PRAGMATIQUE : DIMENSIONS DIALOGIQUES, INTERSUBJECTIVES ET SITUÉES

Dans les années soixante-dix, les théories de l’énonciation et le courant de la pragmatique vont mettre la subjectivité au centre des réflexions. En 1972, Del Hymes soulignait l’importance de la prise en compte du contexte du message (moment, lieu, interlocuteurs impliqués) pour la compréhension. Les théories de l’énonciation reflètent un intérêt accru pour les dimensions identitaires et subjectives (Benveniste, 1974). Grâce à ce courant, la focale revient sur le point de vue du sujet et sur les multiples dimensions de son positionnement.

La parole unique et située devient centre d’intérêt car ces travaux éclairent la difficulté à traiter de ce sens émergent qu’il faut construire dans le moment de l’échange.

En prolongement, le courant de la pragmatique (Austin, 1970 ; Searle, 1972) souligne les effets du message sur l’interlocuteur à travers les actes de parole, ainsi que les difficultés de co-construction du sens (Kerbrat-Orecchioni, 2005). Louis Porcher se situe clairement dans ces courants : « Le savoir-être consiste à être capable de réaliser cet acte de parole dans la situation adéquate, avec les interlocuteurs appropriés au moment opportun. » (Porcher, 2004, p. 36). Ces courants répondent à ses préoccupations relationnelles et éthiques : « Le sens d’une communication est dialogique, c’est-àdire qu’il est co-produit. L’altérité anthropologique est relationnelle et se pense dans un réseau d’intersubjectivités… On ne peut risquer de nier le contexte de l’interlocution sans risquer de nier l’autre. » (Porcher et Abdallah-Pretceille, 1996, p. 119). Pour que l’enseignant soit compétent sur le plan communicationnel, « [l]es savoir-être et les savoir-faire doivent être impérativement exprimés en réalisation d’actes de parole (tels que définis par Austin)… Cependant, et c’est là le grand apport des linguistiques énonciatives et de la pragmatique, il existe beaucoup d’autres moyens, ni syntaxiques formels ni lexicaux de réaliser un acte de parole. Ils sont d’ordre sémantique ou contextuel. » (Porcher, 2004, p. 35).

2.2. ANTHROPOLOGIE DE LA COMMUNICATION ET MÉTACOMMUNICATION

En allant puiser dans les démarches anthropologiques, Louis Porcher soulignait à quel point les réflexions portant sur la relation devaient prendre en compte l’ensemble de la communication, verbale et non verbale. Tout comme la parole, le geste est opaque et la compréhension requiert une démarche située et intersubjective : « Un geste relève toujours d’une intentionnalité (conscient ou inconsciente, voulue ou seulement consentie, obligée ou non, etc. » (Calbris et Porcher, 1989, p. 15).

Si les travaux actuels sur les gestes professionnels enseignants s’accordent à souligner l’imbrication du corps et de la parole, cette articulation n’était pas si évidente à l’époque et Louis Porcher a été l’un des premiers à l’aborder. Tout d’abord en empruntant à Bourdieu (1980) le concept d’habitus, il soulignait à quel point la communication est incarnée. Les sujets assimilent dans leur corps les dimensions sociales et intersubjectives. Ainsi, nos habitudes sociales et nos modes de communication sont incorporés dès la petite enfance (Mead, 1926 ; Mauss, 1936 ; Jousse, 1991) : « Le corps est à l’interface de l’individuel et du collectif ou, pour le dire d’une autre manière, il est cet espace où s’articulent les structures internes de la subjectivité et les structures externes de la socialisation. » (Andrieu, 2010, p. 37).

Laplantine (2005) souligne que, dès le plus jeune âge, la manière d’être porté conditionne notre perception kinesthésique de notre rapport social et notre manière d’être au monde. Selon le principe d’habitus, les gestes, attitudes et postures sont intégrés au sein de groupes d’appartenance sans que la personne n’en ait conscience et confèrent à un individu son identité. La grande difficulté est justement le fait

que l’incorporation rend difficile la conscience de ces gestes (Maître de Pembroke, 2013). Un travail est requis pour explorer le sens profond qui les imprègne (Maître de Pembroke, 2014). Dès 1989, nourri des travaux de Palo Alto, Calbris et Porcher soulignaient l’importance de ces dimensions dans le cadre de la formation des enseignants en évoquant deux pôles : une démarche sur soi et une ouverture du regard sur autrui : « Construire chez les enseignants les instruments opératoires leur permettant d’objectiver leur propre gestuelle. » (Calbris et Porcher, 1989, p. 19). Savoir analyser « [l]a gestuelle des apprenants est pédagogiquement aussi importante que toutes les informations qu’il s’efforce de recueillir depuis le début sur leur biographie langagière…. C’est à travers ses habitus qu’un élève reçoit le message pédagogique (comme tout autre message) : l’habitus est sa grille de lecture, de tri, de sélection. Sans repérage des habitus des apprenants, aucun enseignement ne peut espérer une quelconque efficacité » (Porcher et Abdallah-Pretceille, 1996, p. 40).

Encore une fois, les textes de Louis Porcher soulignent tout à la fois le décalage entre production et réception du message, ainsi que l’imprévisibilité et la complexité inhérentes à la gestion de classe : « L’anthropologie herméneutique s’attarde sur la culture en action, à la culture en situation et, à ce titre, prend en charge à la fois l’intention des interlocuteurs, la relation interpersonnelle et l’énoncé. Il s’agit non pas de décrire les faits culturels mais d’investiguer le sens qui, par ailleurs, n’existe que dans une relation intersubjective » (Porcher et Abdallah-Pretceille, ibid., p. 72).

Former des enseignants à la métacommunication est donc une priorité. « Le message pédagogique va inéluctablement donner lieu à des interprétations à la fois semblables et différentes. La circulation de ces interprétations, leur confrontation, leur échange, tel est le comportement éducatif approprié » (Porcher et Abdallah-Pretceille, ibid., p. 41). Cette méta-compréhension nécessite une réflexion (au sens de Piaget, 1974) sur « le sens pour soi » (c’est-à-dire une démarche de prise de conscience), ainsi que l’ouverture et l’accueil du sens pour autrui : « La compréhension d’autrui repose sur une exigence et une prudence éthiques. Elle sort d’une logique tautologique (connaissance de l’Autre par prolongement de soi) au profit d’un travail sur soi, sur la relation, sur le contexte, sur une pratique de la solidarité au détriment d’une technique et d’une possession. » (Porcher et Abdallah-Pretceille, 1998, p. 112).

2.3. APPORTS DE LA PHÉNOMÉNOLOGIE ET DE L’EXPLICITATION

Lors de ma soutenance, Louis Porcher m’orientait vers un troisième ancrage épistémologique qui allait se révéler fondamental dans ma démarche et apporter un éclairage aux gestes professionnels enseignants : la phénoménologie.

En effet, cet ancrage phénoménologique allait me permettre d’approfondir les concepts de subjectivité, de points de vue, d’émergence, ainsi que les dimensions incarnées et les liens entre corps et pensée. En outre, il apportait un maillon man-

quant fondamental pour accompagner les enseignants à un retour réflexif sur leurs gestes : celui des mécanismes de prise de conscience.

Selon la phénoménologie, les perceptions sensibles sont les vecteurs indispensables à la construction des significations et ce sens ne peut être saisi qu’à la première personne (Vermersch, 2012 ; Petitmengin, 2001 ; Depraz, 2014). Ce courant souligne les liens qui unissent cognition (pensées) et incarnation (actes). Il met l’accent sur la richesse de la subjectivité. Seule la personne ayant vécu le moment peut retrouver et formuler quel est le sens pour elle.

Dans la mesure où mes travaux portent sur la dimension incarnée des valeurs, ils interrogent la relation qui unit le corps et les cognitions. Le concept de cognition incarnée (Varela et al., 1993) ou embodied cognition (Damasio, 1999) est essentiel pour éclairer cette analyse. Ce courant récuse la séparation entre cognition et incarnation. Selon Varela et al. (1993), l’énaction est la dynamique qui unit perception et action dans un contexte précis. De cette interaction émerge le sens, lequel est dépendant d’un moment vécu, ressenti et spécifié. La difficulté de la perception est due à deux points essentiels.

D’une part, la perception est globale. Bien que nous percevions une multitude de noèmes (indices de sens), ceux-ci sont amalgamés et il est difficile de les séparer pour les analyser. Par exemple, dans la classe, l’enseignant saisit tout à la fois des mouvements, des expressions, des soupirs, des bruits d’agitation, des niveaux sonores, des murmures. Ces éléments peuvent se situer dans son dos mais, consciemment ou pas, il les saisit comme des indices pour prendre des décisions pédagogiques.

D’autre part, bien que nous les percevions, la plupart sont de l’ordre de micro-perceptions et passent en deçà de notre seuil de conscience. Ces travaux éclairent le mécanisme selon lequel la conscience ne se pose que sur des éléments éclairés par notre attention (Husserl, 1970 ; Vermersch, 2012 ; Depraz, 2014 ; Mouchet, 2015 et 2016). Or, notre champ attentionnel est plus au moins focalisé ou plus ou moins centré sur telle ou telle modalité de la perception. Ainsi, de multiples informations (hors champ attentionnel) sont saisies inconsciemment. De nombreux détails sont inscrits dans notre mémoire vécue (épisodique) sans que nous n’en ayons une saisie consciente (champ de pré-donation).

Dans le cadre professionnel, une démarche appuyée sur la phénoménologie, permet de reprendre conscience de ces micro-composantes d’un geste professionnel. Il s’agit de l’entretien d’explicitation. En revenant sur une situation vécue spécifique, il est possible de reprendre prise sur des indices de sens saisis dans le moment de l’action (Schön, 1994) et qui, tout en étant non conscients ou non perçus, ont été au fondement de nos inférences, de nos décisions et de nos actes. La réflexivité est le passage de la conscience pré-réfléchie à la conscience réfléchie par le mécanisme de réfléchissement dont parle Piaget (1974). En étant accompagnée, la personne redécouvre sur quels éléments son attention s’est posée, quels éléments ont été saisis

hors champ attentionnel et comment le tout a permis de donner sens à telle ou telle situation. Ce sont les mécanismes d’émergence du sens et de choix qui sont explorés. Dans cette démarche, la personne reprend conscience des actes, lesquels sont tout à la fois perceptifs, moteurs et cognitifs (pensée privée ou en première personne). L’expérience professionnelle signifie deux choses. D’une part, le fait que les savoirs professionnels sont expérimentés, c’est-à-dire vécus, sentis, incorporés. D’autre part, que ces expériences se sédimentent pour donner une structure à l’action. À la suite de Piaget, Vergnaud (1996) parle de « schèmes d’action incorporés », qui soustendent les dimensions structurales de l’action, qu’elle soit « concrète » (perceptive, motrice), symbolique (actes de parole) ou purement cognitive (opérations mentales). Ces schèmes constituent la structure cachée de l’action, non consciente, qui s’appuie sur « la mémoire du corps » et qui permet à la personne d’agir sans avoir à réfléchir à tout ce qui sous-tend son action. Il s’agit de « connaissances en acte » (Piaget, 1974) ou savoirs tacites qui se réalisent en deçà de la conscience. Ces schèmes jouent un rôle particulièrement important dans les moments de stress ou d’urgence où les savoirs tacites prennent le relais de la pensée rationnelle (Perrenoud, 2001) ou dans les moments d’intuition (Mouchet, 2014) où l’on sent ce qui est juste et ce qu’il faut faire sans pour autant faire appel à une pensée rationnelle. Il est donc intéressant d’analyser les gestes professionnels grâce à cette démarche dans la mesure où les gestes d’ajustement aux élèves sont des gestes intuitifs (Mouchet, 2016).

Les valeurs sont des formes particulières de cognitions (actes de pensées) qui donnent une valence aux actions. C’est grâce à elles que la personne sent que telle ou telle décision est juste. C’est un ressenti qui évalue la cohérence entre l’acte posé et les valeurs qu’elle souhaite véhiculer. Rogers avait déjà analysé en 1958 ce mécanisme sous le concept de congruence, mais il signifiait surtout la cohérence perçue par l’observateur extérieur. Or, c’est la cohérence interne, ressentie par le sujet qui m’intéresse. Un travail de prise de conscience sur le ressenti corporel peut permettre une réflexivité sur ce lien unissant actions et valeurs.

3. MES TRAVAUX : ACCOMPAGNER L’ENSEIGNANT DANS UNE

DÉMARCHE RÉFLEXIVE ET ÉTHIQUE

C’est sur ces fondements épistémologiques que j’ai mené mes recherches sur le sens du geste dans la communication interculturelle (Maître de Pembroke, 2003, 2013, 2016) et interpersonnelle (Maître de Pembroke, 2014). De mes lectures, se dégageait l’importance de démarches situées interrogeant les dimensions intersubjectives et incarnées. L’analyse de mes entretiens sur des situations de malentendus, générées tant par des gestes que par des paroles, montrait les apports d’une démarche favorisant la co-construction du sens dans l’instant. La rencontre (et la non-concordance des grilles de lecture), provoque la prise de conscience du sens pour soi et du sens pour autrui. Cependant, un accompagnement est nécessaire pour favoriser cette ouverture

du regard et apprendre à interroger les strates de sens contenues dans le geste à ce moment-là.

Lorsqu’en 2000, j’ai été recrutée à l’IUFM (Institut universitaire de formation des maîtres) pour former des enseignants, mes préoccupations se sont reportées sur les gestes professionnels. Les demandes du terrain étaient fortes, émanant, d’une part, des formateurs (formateurs à l’IUFM, conseillers pédagogiques, inspecteurs) et, d’autre part, des enseignants eux-mêmes. Ces professionnels exprimaient le besoin de démarches favorisant une réflexivité, portant tout à la fois sur des gestes visibles, des contenus de sens et des valeurs. Par ailleurs, face aux dimensions imprévisibles, se posait la question suivante : comment avoir une qualité de lecture du sens qui favorise l’émergence de gestes éthiques et adaptés aux situations inédites ?

3.1. L’ACCOMPAGNEMENT PAR LES FORMATEURS ET CONSEILLERS PÉDAGOGIQUES

Ces travaux sur les gestes professionnels (Maître de Pembroke, 2015a et 2015b) sont basés sur des entretiens menés avec des formateurs (Maître de Pembroke, 2015c). L’objectif était de clarifier les concepts de positionnement et de posture en dégageant l’articulation des niveaux visibles et invisibles du geste. Le but était également d’expliciter les grilles de lecture qui permettaient d’évaluer le positionnement, lesquelles étaient intuitives, tant pour les formateurs que pour les formés. Une souffrance pouvait résulter de cette opacité. Elle était exprimée, d’une part, par les enseignants visités qui recevaient des retours sans trouver de points d’appui tangibles sur lesquels poser leur attention pour progresser. D’autre part, elle émanait également des formateurs démunis pour pouvoir communiquer des éléments considérés comme « intuitifs ». Enfin, comme l’expérience ne se transmet pas, elle s’expérimente, les formateurs ne disposaient pas d’outils pour accompagner les enseignants visités à des prises de conscience.

Une première série d’entretiens semi-directifs permettait de verbaliser les valeurs que le formateur-conseil jugeait fondamentales lorsqu’il observait une classe. Puis, un entretien d’explicitation mené avec chaque enseignant visité permettait de revisiter un moment précis de conseil. La visée était de reprendre conscience des éléments sur lesquels son attention s’était posée. Ainsi les grilles de lecture de la classe étaient minutieusement analysées et l’explicitation permettait de ressaisir tous les éléments qui avaient été perçus. En revivant ces moments, je réinterrogeais le sens donné sur l’instant, ainsi que les valeurs contenues dans ces grilles de lecture.

Ces travaux ont mis en exergue l’importance des dimensions non verbales et paraverbales sous des formes de l’ordre du micro-perceptif. Il semblerait que ces formateurs, rôdés à la lecture d’une classe, mobilisent une acuité perceptive, c’est-àdire une capacité à saisir de nombreux éléments du contexte en mobilisant un large

empan perceptif. Ces travaux ont aussi permis d’analyser comment est perçue la congruence (cohérence interne entre formes expressives (actes visibles) et valeurs).

Ces travaux ont aussi provoqué la prise de conscience que les éléments les plus importants en termes de qualité de gestion de classe et de relation pédagogique en appui sur des valeurs étaient les moins explicités car ils relevaient de niveaux micros, non perçus spontanément et non verbalisés aux enseignants visités. Ce sont pourtant les éléments les plus récurrents dans les entretiens.

Enfin, il est important de souligner que ce travail d’explicitation et de prise de conscience de valeurs a mis l’accent sur une manière d’accompagner les jeunes enseignants lors des visites-conseils (Maître de Pembroke, 2017a). Le fait de disposer d’une démarche éclairant le sens et les valeurs contenues dans le geste professionnel a favorisé l’intégration d’une posture d’accompagnant faite de qualité d’écoute éthique. L’incorporation d’une posture de conseil est faite d’accueil du sens pour la personne en situation, de guidage vers des niveaux de perception et de sens importants pour elle, à partir d’un point de vue en première personne.

Comme le souligne Perrenoud (2001), le travail sur le sens et l’affinement de l’attention sur des composantes fines sont des leviers de professionnalisation. Cela permet de dégager la pertinence des savoir-faire et favorise l’élargissement de la palette de choix dans l’action. L’analyse de ces entretiens montre bien que les conseillers ayant vécu et intégré une démarche d’explicitation ont adopté une posture d’accompagnants réflexifs. Celle-ci, appuyée sur une vigilance éthique importante, permet de guider l’enseignant « avec intégrité » dans la construction du sens pour lui (Perrenoud et al., 2008 ; Simondi et Perrenoud, 2011).

Ces entretiens soulignent également un point déjà mentionné par Faingold (2006) : il est beaucoup plus difficile de saisir les moments qui fonctionnent dans la classe que les difficultés. Cependant, la saisie de ces moments de réussite est plus efficace afin de pouvoir transférer ces points d’appui.

3.2. LES GESTES D’AJUSTEMENT DES ENSEIGNANTS

Sensible aux dimensions imprévisibles du métier et à l’importance des gestes d’ajustement nécessitant des prises de décisions émergentes, j’ai poursuivi mes travaux sur cette question (Maître de Pembroke, 2017b). En effet, la démarche de l’explicitation, permettant de déployer tous les actes (physiques, cognitifs) et perceptions saisis sur un moment bref me semblait adéquate pour analyser ces moments d’émergence dans la classe. La visée de la recherche était donc de caractériser les dimensions intuitives des gestes d’ajustement. La question était : « quels savoirs et savoir-faire tacites les enseignants mobilisent-ils pour décider d’un geste ajusté ? ». Des entretiens d’explicitation ont été menés sur une situation inattendue ou de crise. L’analyse des entretiens a permis de dégager des éléments encore peu documentés dans les gestes d’ajustement. Une qualité d’ancrage physique appuyée sur des ressources cor-

porelles permet à la personne de garder une posture d’équilibre et de clarté dans ses choix. Une amplification des perceptions permet de saisir (inconsciemment sur le moment) les indices pertinents. J’appelle cette compétence « acuité perceptive » faite de saisie d’éléments très fins multi-sensoriels. Une double centration de l’enseignant lui permet d’être à la fois très centré en lui, c’est-à-dire connecté à son raisonnement et ses valeurs et très réceptif aux élèves. Les entretiens ont montré que deux socles servaient de points d’appui à cette « posture d’écoute » : un ancrage physique stable et une conscience fine des valeurs importantes pour l’enseignant.

Cet ancrage sur les valeurs est amplement souligné. Ces dernières jouent comme des valences qui vont pousser à opter pour tel ou tel acte parce qu’il est juste. Il s’agit bien là d’une congruence interne, laquelle est facteur d’épanouissement et d’adéquation avec soi-même.

Conclusion

« Telle est exactement la définition d’un cours : un échange où chacun cherche à se décentrer pour comprendre la centration de l’autre sans pour autant abandonner sa propre centration. » (Porcher, 2004, p. 97).

Cet article a cherché à revisiter les ancrages épistémologiques qui ont profondément influencé mon travail et que j’ai hérités de Louis Porcher. Ces fondements m’ont permis de poser les bases de démarches valables tant pour la médiation que pour la relation pédagogique. Très conscient déjà de l’importance d’un point de vue intersubjectif et situé, Louis Porcher considérait même cette entrée comme une garantie éthique. L’ouverture à la phénoménologie m’a permis de développer des recherches sur les dimensions incorporées du geste et d’approfondir encore ce qui relève de l’émergence du sens, en particulier dans une classe. Les implications sont importantes dans le cadre de la formation des enseignants, ainsi que dans la formation des conseillers qui accompagnent l’entrée dans le métier. Ces travaux et cette démarche de prise de conscience du sens peuvent apporter des éléments édifiants pour répondre de façon éthique à l’imprévisibilité et à la complexité de la profession. D’une part, cela souligne les éléments de qualité de perception et de compréhension des élèves qui qualifient un moment pédagogique réussi (même en situation difficile d’imprévu). Ce que j’appelle « posture d’écoute » vise une compréhension bienveillante et totalement ouverte à autrui. Elle s’appuie sur une conscience fine, non seulement des éléments verbaux mais aussi non verbaux. Elle repose sur la capacité à être bien centré en soi et paradoxalement, en même temps, centré sur autrui. D’autre part, ces démarches phénoménologiques amènent à un positionnement particulier, appuyé sur une attention au sens et aux valeurs (pour soi et pour autrui), qui permet aux conseillers de mieux accompagner les jeunes enseignants. En effet, selon Bruner (1966), tout apprentissage n’est valide que si la personne en a construit le sens pour elle-même.

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