EN IMAGES
P. 4-5
À côté du pétrole et du gaz, Total investit aussi le domaine des énergies renouvelables
ENTRETIENS
P. 8
L’énergie de l’avenir
La transition énergétique ouvre à Total de nouvelles perspectives de développement et d’innovations
ÉDITORIAL
N°14 ÉTÉ 2013
© MICHEL LABELLE / TOTAL
PAR CHRISTOPHE DE MARGERIE Les idées reçues sont souvent faites pour être combattues. C’est donc le moment ou jamais de rappeler que Total n’a pas attendu le débat sur la transition énergétique pour s’y engager. Pourrait-il en être autrement alors que notre industrie est la première concernée ?
Il y a plus de trente ans que nous travaillons dans le solaire photo voltaïque et, depuis le rachat de
LA CONTRIBUTION DE TOTAL AU DÉBAT SUR L’ÉNERGIE
SPÉCIAL TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
Face à la croissance de la demande mondiale d’énergie, l’efficacité énergétique devient un enjeu majeur, qui nécessite l’engagement de tous.
SunPower, nous faisons partie des premiers mondiaux. Le secteur est actuellement dans une situation délicate, mais nous y croyons. Nous développons aussi la biomasse et mobilisons d’importants budgets pour la recherche dans les biotechnologies. Ces choix correspondent à ce que nous savons faire. Pour autant, cela ne signifie pas que nous rejetons les autres renouvelables ou le nucléaire. Surtout pas. Nous aurons besoin de toutes les énergies… Y compris bien entendu du pétrole et du gaz, que nous voulons produire et raffiner de la meilleure des manières. Nous travaillons tous les jours à améliorer l’efficacité énergétique de nos installations. Nous avons, par exemple, diminué le brûlage des gaz associés de 28 % depuis 2005 et réduit nos émissions de gaz à effet de serre de 19 % par rapport à 2008. Nous ne nous en tenons pas là, notre engagement est quotidien. Et, comme il n’y a pas de petits profits, nous fournissons à nos clients des solutions innovantes et des produits écoperformants qui leur permettent de faire des économies tout en diminuant leur empreinte écologique. Je le dis, nous n’avons pas attendu pour faire de l’efficacité énergétique un axe majeur de notre R&D et de nos produits.
On soupçonne souvent les indus triels d’être intéressés. Nous le sommes. Il est dans notre intérêt
ILLUSTRATION : FOTOLIA / RAMPAZZO
de développer les énergies renouvelables et de ne pas gaspiller les hydro carbures. Nous en avons besoin. C’est une raison supplémentaire pour mieux les utiliser. L’énergie est un bien précieux mais près de 2 milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’électricité et il n’y a pas besoin d’aller loin pour trouver des familles en situation de précarité énergétique.
DÉBATS Chantal Jouanno L’ancienne secrétaire d’État chargée de l’Écologie revient sur le caractère inéluctable de la transition énergétique
P. 6-7
Yves Blein Le maire PS de Feyzin invite la France à développer un bouquet énergétique basé sur la variété de ses ressources
François de Rugy Le député Europe Écologie Les Verts de Loire-Atlantique en appelle au contrôle du coût de l’energie
Le débat sur l’énergie se poursuit sur www.politiques-energetiques.com
Le débat sur la transition énergé tique est un vrai débat de société,
de ceux qui intéressent et concernent tout le monde – et pas seulement la France. On ne peut que se réjouir qu’il ait lieu. Et puis, agissons ! l
2 REPÈRES
SPÉCIAL TRANSITION ÉNERGÉTIQUE N°14 ÉTÉ 2013
LE CHIFFRE
C’est approximativement ce que représentent les émissions de gaz à effet de serre de la France, comparées aux émissions mondiales.
« Incitez les populations à adopter des comportements plus intelligents. Investissez. Désinvestissez. Rappelez aux gens qu’il n’y a pas de contradiction entre un environnement sain et une forte croissance économique. » Barack Obama, président des États-Unis, 25 juin 2013
© AFP
1 %
LA CITATION
UN BOUQUET ÉNERGÉTIQUE MONDIAL À L’ÉVOLUTION PROGRESSIVE… AUTRES
S
710
TOTAL MONDIAL
LE
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Demande mondiale d'énergie, en millions de tonnes équivalent pétrole
UVELAB
1 881
1990 - 8 778 2010 B
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2035 -
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488
17 197
1 138
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12 730
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36
4 656
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526
1 668 GAZ
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3 230
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LE
2 231 CH
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1990
2000
2010
2020
2030
2035
ANALYSE La demande mondiale d’énergie devrait croître de plus d’un tiers entre 2010 et 2035.
À cette date, les différents scénarios prévoient que les deux tiers de la consommation mondiale d’énergie seront encore d’origine fossile. Il est donc essentiel de consommer de manière plus sobre et plus efficace.
L’efficacité énergétique, un enjeu majeur Comment mieux utiliser l’énergie indispensable aux activités humaines ? C’est tout l’enjeu de l’efficacité énergétique. Des pouvoirs publics
aux industriels, en passant par les associations, chacun s’accorde à penser que c’est le premier levier d’action en matière de transition énergétique. Pour la Commission européenne, c’est même « la préoccupation majeure ». Pourtant, l’idée n’est pas nouvelle. En 1973, lors du premier choc pétrolier, les pouvoirs publics des pays de l’OCDE avaient initié des politiques de réduction de la consommation de pétrole. Puis, dans les années 1990, il s’est agi de moins consommer, et surtout, de consommer mieux. Cette tendance s’est concrétisée par l’adoption, en décembre 2008, du paquet Énergie-Climat
par l’Union européenne, qui soulignait l’importance des choix politiques et la nécessité de l’engagement de tous les acteurs de l’économie. Alors que la demande augmente, notamment dans les pays émergents, l’accès aux ressources énergétiques se révèle de plus en plus difficile. Pour diminuer la facture et la dépendance énergétiques d’un État, il est donc nécessaire de mieux consommer. Pour répondre aux engagements politiques de la France et de l’Union européenne – règle des « trois fois vingt » (réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, porter la part des énergies renouvelables à 20 % de la consommation et réaliser 20 % d’économies d’énergie) –, les industriels, dont
c’est l’intérêt, ont, en quelques décennies, considérablement réduit leur consommation. À l’échelle mondiale, la consommation de pétrole du secteur a ainsi été divisée par deux entre 1973 et 2007, grâce à l’investissement massif de l’industrie dans des innovations technologiques.
L’exemple du secteur des platiques
Dans le secteur des transports – l’un des plus gros consommateurs d’énergie avec celui du bâtiment –, les TGV consomment moins et récupèrent leur énergie cinétique. Quant aux nouveaux avions gros porteurs, ils intègrent jusqu’à 50 % de matériaux composites à base de fibre de carbone plastifiée qui diminuent
leur poids et, de fait, leur consommation de kérosène de 20 %. Le secteur automobile innove aussi. Les versions les plus avancées des véhicules hybrides permettent de récupérer l’énergie libérée lors des freinages afin d’alimenter le véhicule en électricité. La voiture tout électrique, elle, concentre ses avancées sur des technologies de stockage de l’énergie plus sûres, plus économiques et plus durables. Du côté des moteurs thermiques, on innove en association avec les pétroliers. Les molécules d’essence sont rendues plus détonantes afin d’accroître leur production d’énergie et d’entraîner une baisse de la consommation de carburant. On ajoute ainsi à l’essence des substances atténuant l’encras-
REPÈRES 3
SPÉCIAL TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ÉTÉ 2013 N°14
L’ENJEU
LA PERSPECTIVE
À Durban, en 2011, la communauté internationale décidait de conclure un accord mondial pour tenter de contenir à + 2° C le réchauffement de la planète. L’enjeu de la conférence de Paris, en 2015, visera à concrétiser cet accord, auquel la Chine et les États-Unis se sont associés.
« D’ici à 2030, trois milliards de personnes devraient intégrer la classe moyenne mondiale. Avec les conséquences que cela implique en termes de consommation d’énergie et de ressources. »
Laurence Tubiana, économiste, directrice de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri)
Renouvelables : d’autres défis à relever
… MAIS DES CHOIX … QUI SE TRADUISENT DANS LE NIVEAU LOCAUX CONTRASTÉS… DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE UNION EUROPÉENNE
8
Émissions liées à l’énergie, en millions de tonnes
INNOVATION Les énergies renouvelables sont fournies
par le soleil, le vent, l’eau, la chaleur de la terre ou les matières organiques. Elles sont donc inépuisables.
Qualifiées d’énergies « flux », en opposition aux énergies « stock » constituées des gisements de combustibles fossiles, elles offrent un très grand avantage dans la lutte contre le changement climatique : elles ne produisent pas ou très peu de gaz à effet de serre (GES). Selon les projections de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), publiées en juin 2013, les énergies renouvelables constituent le secteur le plus dynamique du bouquet énergétique mondial : leur part dans la génération d’électricité, qui s’élevait à 19 % en 2006 et 20 % en 2011, devrait atteindre 25 % en 2018. En outre, tirée par le solaire photovoltaïque et l’éolien, la part des renouvelables non-hydrauliques devrait passer à 8 % en 2018, soit le double de 2011. Les coûts du solaire photovoltaïque et de l’éolien terrestre s’approchent de la compétitivité – voire l’atteignent – par rapport aux énergies fossiles. Cependant, ils nécessitent encore d’être subventionnés, d’autant que s’impose une approche globale tenant compte de la réalité des coûts de l’intégration de ces énergies dans les réseaux. L’utilisation croissante du solaire et de l’éolien impose une flexibilité des marchés et le renforcement des réseaux et interconnexions. Il faut aussi travailler à développer de réels moyens de stockage et favoriser les complémentarités : solaire et éolien, mais aussi solaire et gaz – l’énergie fossile la moins productrice de GES. Il faut également étudier les moyens de mieux gérer la demande par des solutions d’effacement et de modulation, ainsi que par une évolution des modes de consommation. Car, si les énergies sont intermittentes, la consommation l’est également. Les énergies renouvelables sont, elles aussi, confrontées aux exigences de l’acceptabilité, notamment en ce qui concerne les fermes éoliennes. Quant à la biomasse, il est préférable que son exploitation ne vienne pas concurrencer les ressources alimentaires. C’est pourquoi les chercheurs se tournent déjà vers la deuxième génération, soit l’exploitation de la partie non alimentaire de la plante. Le rôle de l’innovation technologique se révèle donc crucial, comme sont aussi primordiaux les choix industriels et politiques qui permettront de développer ces énergies afin d’accroître encore leur place dans le bouquet énergétique mondial. l
1
TOTAL MONDIAL
2010
20 14
37037
7
980
DONT UNION EUROPÉENNE
2035
10 224
CHINE
2 7 17 CHINE
1990
2010
2030 2035
4
2010
12
66
2035 51
Répartition de la demande d'énergie, en %
Des besoins toujours croissants MUTATIONS Comme on peut le voir cicontre, la demande mondiale d’énergie primaire croîtra de plus d’un tiers entre 2010 et 2035, la part des énergies fossiles restant prédominante. Par ailleurs, en raison des inquiétudes générées par l’accident de Fukushima en 2011, le recours au nucléaire restera relativement stable, alors que la part des énergies renouvelables passera de 13 % aujourd’hui à 18 % en 2035. Entre 2010 et 2035, la demande mondiale d’énergie ne sera tirée que par les pays hors OCDE, notamment la Chine, dont les besoins augmenteront de 60 %, et l’Inde où ils doubleront.
Quant aux émissions mondiales de CO2 issues de l’utilisation d’énergie, elles passeront de 30,2 milliards de tonnes (Gt) en 2011 à 37 Gt en 2035. Dans l’Union européenne, ces émissions, qui ont baissé de 11 % entre 1990 et 2010, devraient diminuer de 25 % entre 2010 et 2035, date à laquelle elles ne représenteront que 7 % du total mondial. Parallèlement en revanche, les émissions de CO2 de la Chine pourraient augmenter de 42 %. Son niveau d’émissions serait alors, à lui seul, égal à celui de l’ensemble des pays de l’OCDE, notamment en raison de la place prépondérante du charbon. l
Source : AIE, World Energy Outlook 2012 (New policies scenario)
sement des moteurs pour les rendre plus performants et… moins gourmands. Dans l’Europe des années 1990, le secteur des plastiques a été le premier à généraliser des procédés d’éco-conception visant à réduire les quantités d’énergie employées pour fabriquer le produit et le transporter. L’amélioration de l’efficacité énergétique représente aussi un objectif primordial pour les pétroliers, eux-mêmes gros consommateurs d’énergie pour extraire, transporter et raffiner le pétrole brut. Il s’agit d’optimiser les conditions opératoires et de partager les meilleures pratiques dans la conception des projets, y compris dans l’exploration-production où l’on compare les performances énergétiques des différentes catégories d’installations. Dans le raffinage, l’énergie représente plus de la moitié des coûts d’exploitation ; dans la pétrochimie, elle atteint 70 %. Il faut donc rendre les installations plus performantes, penser les usines en fonction de leur environnement et les rendre « intelligentes ». D’où la création de « plates-formes » intégrées raffinage-chimie utilisant la complémentarité de leurs activités. Le rôle de la Recherche & Développement est fondamental. Chaque piste mérite d’être explorée et les innovations technologiques sont indispensables. Mais elles ne suffiront pas si les comportements collectifs et individuels ne changent pas. l
EN HAUSSE LE STOCKAGE DE L’ÉLECTRICITÉ
C’est l’une des solutions nécessaires pour optimiser la production électrique et faciliter le développement des énergies renouvelables. En effet, le réseau électrique évolue d’un système monodirectionnel production-distributionconsommation vers un système multidirectionnel, avec une production décentralisée. En outre, périodes de production et de consommation ne coïncident pas toujours, en particulier dans le cas des énergies intermittentes. Et une fois produite, l’électricité ne se stocke pas. Demain, nous aurons donc besoin davantage encore
EN UN COUP D’ŒIL
de systèmes de régulation production/consommation répartis à tous les niveaux. Particuliers, collectivités ou entreprises, chacun pourrait être acteur du système en réduisant ou interrompant sa consommation aux heures de pointe et en étant autonome durant d’autres périodes. De tailles modulables, grâce aux différentes technologies existantes, les batteries sont l’une des réponses aux exigences des nouveaux marchés. Des pilotes sont déjà lancés. Ils ont pour objectif de trouver une rentabilité à ces nouveaux modes de gestion de notre énergie.
L’EUROPE « EFFICACE »
Quelles activités émettent du CO2 ? Répartition des émissions mondiales de gaz à effet de serre (en % équivalent CO2)
Sources : GIEC/AIE
Selon le dernier rapport du GIEC, 31 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont liées à l’agriculture et à la déforestation. Autant le sont à l’industrie (production d’hydrocarbures et raffinage compris) et à la génération d’électricité. Deux activités qui utilisent du pétrole et du gaz, mais surtout du charbon. Les transports contribuent pour 13 % et l’habitat pour 8 %.
Investissements dans l'efficacité énergétique, en 2011, en milliards de dollars ÉTATS-UNIS
20
UNION EUROPÉENNE
76,3
AUTRES PAYS DE L'OCDE
18,6
30,6
CHINE INDE AUTRES NON-OCDE
9,5 25,1
Source : AIE
4 EN IMAGES
SPÉCIAL TRANSITION ÉNERGÉTIQUE N°14 ÉTÉ 2013
Face à l’augmentation croissante de la demande, le monde aura besoin de toutes les énergies. Si le pétrole et le gaz constituent le métier de base de Total, le groupe est aussi très engagé dans le domaine des énergies renouvelables, notamment le solaire et la biomasse.
Avenir énergétique : les priorités de Total
Ci-contre : Laboratoire de la société américaine Amyris, partenaire de Total pour la recherche dans les biotechnologies.
© SHAM / TOTAL
et performants qui s’intègreront dans le bouquet énergétique des vingt prochaines années. Ce défi industriel et technologique doit concilier des performances techniques et environnementales avec une rentabilité économique, mais aussi avec une « acceptabilité sociétale », notamment en développant des solutions qui permettront d’utiliser de la biomasse non destinée à l’alimentation. La recherche de Total porte également sur le stockage de l’énergie, condition essentielle pour l’avenir des renouvelables.
Poursuivre le développement du solaire C’est en 2011 que Total a fait le choix de devenir actionnaire majoritaire de SunPower, l’un des premiers acteurs mondiaux du solaire photovoltaïque. Un engagement qui a donné une nouvelle impulsion à cette activité, dans laquelle le groupe s’implique depuis plus de trente ans. Grâce à l’avance technologique de SunPower, qui produit les panneaux photovoltaïques les plus performants du marché, avec un rendement de plus de 21 % contre 16 % pour la moyenne de ses concurrents, Total compte désormais parmi les leaders mondiaux du solaire. Le groupe est également présent dans le domaine du solaire concentré. Aux côtés de Masdar et de l’espagnol Abengoa Solar, il a construit et exploite, à Abou Dhabi (photo ci-dessus), la plus grande centrale à solaire concentré en activité au monde. Grâce à ses 258 000 miroirs paraboliques, Shams 1, inaugurée en mars 2013, représente 100 mégawatts de puissance installée et permet de réduire les émissions de CO2 de 175 000 tonnes par an.
© ÉTIENNE FOLLET / TOTAL
Aujourd’hui plutôt réservée aux usages domestiques, la biomasse – qui regroupe les matières organiques d’origine végétale, animale ou fongique pouvant devenir source d’énergie par combustion, après méthanisation ou après transformations chimiques – est la seule ressource renouvelable capable de fournir aussi bien des carburants ou des lubrifiants que des molécules de base pour la chimie, trois secteurs d’activité traditionnels de Total. L’ambition du groupe est donc d’identifier puis de conduire à maturité industrielle des procédés de valorisation de la biomasse, conjointement avec des laboratoires, des start-up et des partenaires industriels, afin de fournir aux marchés des produits innovants
© MARC ROUSSEL / TOTAL
Valoriser la biomasse
Ci-dessus : L’un des 258 048 miroirs paraboliques de la centrale à solaire concentré Shams 1, à Abou Dhabi, aux Émirats arabes unis. Ci-contre : Les panneaux photovoltaïques installés sur le site de Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques. Plus d’infos sur les énergies de Total sur www.total.com/fr/ energies-900098.html
TRANSITION ÉNERGÉTIQUE AVRIL- MAI 2013 N°14
© THIERRY GONZALEZ / TOTAL
© PATRICK BOULLEN / COLLECTION ARCHIVES RAFFINERIE DE NORMANDIE
Mieux utiliser les énergies fossiles Selon Total, en 2030, le gaz représentera dans le bouquet énergétique mondial la deuxième source d’énergie fossile, devant le charbon, beaucoup plus émetteur de CO2. Les avantages du gaz naturel liquéfié (GNL), en termes de transport et de flexibilité, seront alors déterminants. C’est pourquoi Total est présent sur l’ensemble de la chaîne du GNL, de sa production à sa commercialisation auprès des clients industriels. Le groupe possède notamment 39,62 % du projet Yemen LNG et entend poursuivre ses investissements dans le raffinage en Europe : 1 milliard d’euros pour la plate-forme raffinage-chimie de Normandie, tout comme pour celle d’Anvers, sa plus grande plate-forme de raffinage et pétrochimie en Europe. De plus, Total s’est fixé pour objectif d’améliorer de 1,5 % par an l’efficacité énergétique de ses sites industriels. Dans le cadre du projet RN 2012, la raffinerie de Normandie a ainsi diminué son impact en CO2 de plus de 20 %. Ci-dessous : Le premier cargo GNL amarré à la jetée de l’usine de liquéfaction de Balhaf, au Yémen. Ci-contre : Trois opérateurs sur le site de la raffinerie de Normandie.
6 DÉBATS
SPÉCIAL TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
© LIONEL PREAU / RESERVOIR PHOTO
N°14 ÉTÉ 2013
CHANTAL
JOUANNO Mutation, révolution, Grenelle, New Deal… la profusion créative ne manque pas pour tenter d’imprimer sa marque, nécessairement politique, sur une réalité qui tient plus du fait que de la volonté.
Dans notre pays d’ingénieurs, la transition est étrangement réduite à un enjeu technologique. Faudraitil préférer le nucléaire ou les éoliennes ? Ridicule débat puisque, les deux ne participant pas au même service énergétique, ils sont complémentaires dans Le changement de modèle énergétique est inexorable la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il pour de multiples raisons. La plus évidente est la faudrait attendre l’évolution du photovoltaïque pour nécessaire réduction des émissions de gaz à effet de en améliorer le rendement. L’espoir serait dans l’hydro serre – jugée prioritaire par les Nations unies si nous gène, dont les promesses commencent à dater. Il voulons tenir les Objectifs du millénaire pour le faudrait encore du temps pour améliorer l’autonomie développement, tant ils sont intimement liés à la des véhicules électriques… En réalité, nous avons pauvreté. Les changements climatiques auront et suffisamment de technologies sous la main pour ont déjà un impact majeur sur les rendements agri- cette transition énergétique. Je suis toujours émercoles, la disponibilité des ressources en eau ou les veillée par l’immense foisonnement d’innovation et déplacements de population. La deuxième raison, d’intelligence dont nous disposons, tout particulièfort bien documentée, concerne la raréfaction des rement en France. J’ai encore récemment visité une ressources énergétiques. La troisième, l’impact sani- entreprise qui a développé un système de microtaire des pollutions – l’exemple le plus frappant étant algues capables de purifier les eaux usées, de particelui de Pékin, soumise à de récurrents épisodes de ciper à l’isolation des bâtiments et de produire de la pollution aux particules. biomasse. Nous avons les technologies. Nous le La question n’est pas le caractère inexorable de ce savons. Mais il est plus confortable de se tourner changement de modèle énergétique, mais la rapidité vers les ingénieurs pour esquiver le débat de fond. de ce changement. Les débats d’experts sur le pic La problématique n’est pas technologique. Elle est pétrolier ou la disponibilité et le purement et fondamentalement coût des énergies non convention- Nous devrions nous sociétale. La preuve la plus évinelles sont interminables. Ils ont garder de tout jugement dente est le débat économique. d’ailleurs trop occulté d’autres Taxe carbone, fiscalité du diesel, enjeux, au premier rang desquels de valeur. La transition fin des subventions indirectes aux l’extrême dépendance européenne est un fait inexorable. énergies fossiles… n’ont d’intérêt aux ressources stratégiques telles que si elles s’accompagnent de la que le lithium, le cuivre ou le tantale. Au-delà des baisse des charges pesant sur le travail et la producexperts, le débat est politique. Cette transition est-elle tion. C’est un choix de modèle économique en rupbénéfique ? Exige-t-elle que nous l’anticipions pour ture avec celui hérité de l’après-guerre. Basculer la qu’elle soit moins difficile ? Le politique doit-il inter- fiscalité du travail vers les énergies et plus encore la venir par le droit et la fiscalité pour réorienter le pollution aurait, par exemple, pour conséquence de modèle économique et social ? remettre en question le paritarisme. C’est un débat Les pessimistes évoquent cette transition en termes fondamentalement politique qui explique les blocages, de contraintes, d’exigences, de coûts, de taxes. Les au-delà de la crainte de la phase de transition. D’ailoptimistes lui préfèrent les mots d’innovation, d’op- leurs, nous ne devrions pas parler de fiscalité écoportunité, de nouveau modèle. Laissons de côté les logique mais de modèle économique. Le basculement extrêmes de la décroissance ou du business as usual. de la fiscalité n’a de sens que s’il s’accompagne de Nous devrions nous garder de tout jugement de la construction d’un nouvel indicateur de croissance valeur. La transition est un fait inexorable. Je soutiens ou de développement en remplacement du PIB. cette transition et son accélération. Mais j’ai constaté À cet égard, la question du gaz de schiste est carique le débat est souvent mal posé. caturale. Avec objectivité, cette énergie peut être
B IO E XP R ESS
« La transition est plus sociétale qu’énergétique »
transitoirement intéressante dans certains pays qui ont un mauvais bilan en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Ce Chantal JOUANNO a fondé, en mars 2013, n’est pas le cas de la France, ni de la l’association Écolo-Ethik, majorité des pays européens. Les antithink tank pour l’innovation gaz de schiste ne veulent même pas écologique. connaître les réserves européennes, information pourtant utile dans les Née le 12 juillet 1969, diplômée de Sciences politiques, énarque, négociations à long terme sur les approelle a présidé l’Agence de visionnements en gaz. Les pro-gaz de l’environnement et de la maîtrise schiste ne s’intéressent pas davantage de l’énergie (Ademe) de 2008 à nos réserves, ignorent l’enjeu du chanà 2009, avant d’intégrer le gement climatique et ne s’interrogent gouvernement de François Fillon, pas sur la soutenabilité à terme du d’abord comme secrétaire d’État chargée de l’Écologie, de 2009 modèle économique nord-américain. La à 2010, puis comme ministre des transition écologique est intimement Sports, de 2010 à 2011. Sénatrice liée à la connaissance, à l’objectivité. de Paris, conseillère régionale Elle implique des choix politiques, mais d’Île-de-France, elle quitte l’UMP personne ne saurait argumenter la nécesen 2012 pour rejoindre l’Union sité de la transition sur le refus de savoir. des démocrates et indépendants Ce ne sont pas des slogans qu’il faut (UDI) de Jean-Louis Borloo. s’envoyer à la figure dans les débats médiatiques, mais des faits, de la modesChantal Jouanno est l’auteur de Sans Tabou, paru en 2010 tie et quelques idéaux. (Éditions de la Martinière, Au sein d’Écolo-Ethik, avec Laurence coll. « Hors Collection »). Vichnievsky, nous considérons que l’écologie porte un idéal de société. Nous nous concentrons sur l’enjeu des innovations sociétales, qui sont le préalable et la conséquence des innovations technologiques. Ainsi, le véritable enjeu de la transition énergétique n’est pas la réduction du parc nucléaire, la place du gaz de schiste ou l’évolution des tarifs d’achat de l’éolien et du photovoltaïque. Ces débats sont utiles, mais ils occultent nos véritables choix. La priorité est de remettre en question notre urbanisme, fondé depuis plus de cinquante ans sur la spécialisation des espaces et l’étalement. La consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre sont inversement proportionnelles à la densité des villes. Plus encore, la spécialisation des espaces, qui a éloigné le domicile du travail et des lieux de consommation, induit une dépendance aux transports, quasi irréductible à court terme, extrêmement pénalisante pour nombre de familles face à l’inévitable
DÉBATS 7
SPÉCIAL TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ÉTÉ 2013 N°14
POINT DE VUE
YVES BLEIN
DR
Maire de Feyzin et député (PS) du Rhône
YVES BLEIN (à dr.) en visite à la raffinerie de Feyzin en 2008 avec (de g. à dr.) Michel Guilloux, un de ses adjoints, Maud Lelièvre et Guy Geoffroy, ex-directrice et président de l’association Les Éco maires, et Patrick Guérard, alors directeur de la raffinerie.
La vertu de la France pourrait nuire à la compétitivité de son industrie »
© SCHNEIDER D. / URBA IMAGES SERVER
Alors que le débat sur la transition énergétique se poursuit en France, la question du coût de l’énergie, en particulier pour l’industrie, se pose chaque jour avec une acuité plus grande. L’effet « gaz de schiste » aux États-Unis, qui rend les activités industrielles intensives ultracompétitives par rapport à l’industrie européenne, et le coût de l’énergie en Allemagne ne cessent de poser problème aux industriels français. S’ajoutent à cela les effets induits par la baisse du coût du charbon américain, qui le rend à nouveau attractif à l’exportation et conduit, en Europe, à relancer des centrales à charbon alors que des centrales à gaz s’arrêtent… cela étant en totale incohérence avec les objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Où va-t-on ? À vouloir être trop vertueuse, la France pourrait donc se retrouver seule à investir dans des énergies renouvelables coûteuses, lesquelles mettraient en difficulté la compétitivité de son industrie ou le budget de l’État, contraint de combler les écarts de coûts
LIGNES À HAUTE TENSION et circulation intense aux abords de Nantes.
TROIS QUESTIONS À…
FRANÇOIS DE RUGY
« Il faut contrôler le coût de l’énergie » © FIGAROPHOTO
hausse du prix de l’énergie. Les réponses sont la neutralisation de l’artificialisation des espaces, et une profonde remise en question de notre organisation sociale. Ainsi, les espaces de co-working, qui permettraient, quelques jours par semaine, d’éviter les déplacements domicile-travail, offrent un potentiel considérable de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Or, la difficulté n’est pas technique. Elle est dans la réorganisation induite du droit du travail et de son inaltérable principe de subordination. Immédiatement et à peu de frais, les smart grids offrent une opportunité de réduction de la consommation d’énergie. Les technologies existent. Elles posent la question fondamentale de la vie privée, de la mise en réseau des données de notre quotidien, de nos habitudes. De même pouvons-nous prendre l’exemple des imprimantes 3D. Elles permettraient, demain, de produire sur place non seulement des objets de décoration, mais aussi des pièces mécaniques, des outils. Leur potentiel est infini. La relocalisation de la production, la fin de l’uniformisation des produits sont autant de mutations profondes qui permettraient d’aborder avec plus de sérénité l’enjeu du transport de marchandises. Pour autant, la rupture est immense entre ce modèle de relocalisation et la suprématie de grands groupes uniformisants. Certains considéreront avec suspicion cette proposition qu’ils pourraient qualifier de rétrograde. Ils devraient creuser avec bienveillance ce sujet, et observer ainsi l’immense potentiel de mise en commun des savoirs qu’offrent l’impression 3D et les Fab Lab. Une nouvelle ère s’ouvre, mais nous avons du mal à en détecter les signaux faibles. Nous la considérons parfois avec condescendance, pessimisme et la tête tournée vers le passé. Et pourtant, cette intelligence collective naissante, qui déborde l’organisation politique structurée dans sa verticalité, est une chance immense. Pour la première fois, nous pouvons interconnecter les intelligences pour apporter des réponses à nos questions. Pour la première fois, nous pouvons déconnecter travail et déplacements, consommation et déplacements. Les créateurs de la transition énergétique, inévitable et stimulante, ne se trouvent pas toujours là où on le croit… l
provoqués par ses choix. Imaginons que la France, a priori peu dotée en ressources naturelles conventionnelles, décide au contraire d’exploiter l’ensemble de ses ressources afin d’obtenir un mix énergétique dont la force résiderait dans la variété : électricité produite à partir de ressources conventionnelles importées, nucléaire, hydraulique, éolien, solaire, hydrolien, biomasse, gaz de houille et de schiste, huiles de schiste, et demain, pourquoi pas, hydrogène. Imaginons que l’exploitation de toutes ces ressources permette une utilisation mieux équilibrée de chacune d’elles, et contribue à renforcer l’indépendance énergétique de la France. Le fruit de cette indépendance – un moindre coût de l’énergie – lui permettrait, tout en redonnant de la compé titivité à son industrie, de concentrer ses investissements en recherche sur le très long terme… On dit d’ailleurs que l’hydrogène se trouve aujourd’hui sous une forme qu’il reste à savoir capter… l
Le débat national sur la transition énergétique est en cours : qu’attendezvous des industriels ? Ils représentent 21 % de la consommation d’énergie en France en 2011. Ils jouent donc un rôle primordial. Anticiper les contraintes, s’y adapter François de Rugy est député et les transformer en opportunités est de Loire-Atlantique et coprésident un enjeu majeur pour réindustrialiser du groupe Europe Écologie Les Verts le pays. Les industriels doivent maî(EELV) à l’Assemblée nationale. triser l’évolution des coûts de producNé en 1973, il est l’auteur de À quoi peut bien servir un député tion par le contrôle du coût de l’énerécolo (Les Petits Matins, 2012). gie. La problématique est forte car nous devons faire face à l’épuisement prochain des ressources fossiles, et la légende du nucléaire s’évapore peu à peu. La transition énergétique implique de fait la sobriété – donc de nouveaux process de production – et le développement des énergies renouvelables. Elle offre de nombreuses opportunités de développement dans l’énergie et les transports. La condition d’une réussite partagée par tous implique que chacun joue son rôle, notamment les producteurs d’énergie. À la stratégie des profits de court terme, aux conservatismes, à l’esprit de prédation des ressources naturelles doivent se substituer une culture de l’innovation et une vision de long terme. Les énergies renouvelables sont-elles opérationnelles ou nécessitent-elles encore des investissements de R&D ? Si l’on compare les investissements en R&D réalisés dans le nucléaire et les renouvelables, le rapport passe de 10 à 1… Or les partisans du nucléaire n’en concluent pas que le nucléaire n’est pas opérationnel ! Les énergies renouvelables, elles, le sont. Elles représentent 14 % de la production énergétique nationale en 2011. De nouveaux
investissements et la poursuite de la recherche sont nécessaires. Selon le Giec, 80 % des besoins pourraient être couverts par les renouvelables d’ici à 2050. Mais pour ce faire, il faut valoriser la diversité des énergies disponibles. La transition énergétique implique donc de passer du tout nucléaire à des énergies moins polluantes et plus sécurisées : solaire, biomasse sous des formes variées – bois, sous-produits de l’agriculture sans concurrence avec les productions alimentaires ou micro-algues. Pour rendre ce mix énergétique opérationnel, les investissements et la R&D doivent se concentrer sur la mise en place de réseaux intelligents reliant les diverses énergies aux différents foyers de demande, tout en s’adaptant à leurs spécificités.
Le signal prix est-il le seul facteur de l’évolution des comportements ? C’est évidemment un facteur important de l’évolution des comportements puisque chaque ménage souhaite voir sa facture énergétique diminuer. Cependant, le prix est aujourd’hui trompeur, car il n’est pas toujours juste, notamment pour le nucléaire, fortement sous-évalué. Ce secteur bénéficie en effet de nombreuses subventions et n’intègre pas, dans ses coûts, ceux des déchets et du démantèlement des centrales. En outre, la recherche sur le nucléaire a bénéficié, depuis soixante ans, de 55 milliards d’euros, tandis que celle sur les renouvelables commence à peine. Au-delà du signal-prix, il faut s’intéresser à la facture énergétique, qui est le produit du prix unitaire et de la consommation. Or l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas. C’est pourquoi l’investissement dans l’efficacité énergétique est primordial, notamment la rénovation thermique des logements. C’est également vrai dans le secteur des transports. l
8 ENTRETIENS ENTRETIEN
TRANSITIONÉNERGÉTIQUE ÉNERGÉTIQUE SPÉCIAL TRANSITION N°14 AVRIL - MAI 2013 N°14 ÉTÉ 2013
ARNAUD CHAPERON, directeur Prospectives et Relations institutionnelles, Énergies nouvelles de Total préconisons le gaz, bien moindre émetteur de CO2 que le charbon. Nous devrons proposer au client des services élargis : autoconsommation, efficacité énergétique, optimisation de la facture nette. Ce sont des domaines en croissance, créateurs d’emplois et que nous connaissons bien.
© MICHEL MONTEAUX / TOTAL
Lorsque Total parle de renouvelables, il s’agit du solaire et de la biomasse ? Oui. Dans les biotechnologies, nous commençons à produire des molécules de base pour des applications allant de la chimie verte aux biocarburants. Nous en sommes encore à la première génération. Mais nos chercheurs travaillent sur la deuxième, qui utilisera la partie non alimentaire de la plante. Notre présence est plus visible dans le solaire, car, avec notre filiale SunPower, nous sommes le deuxième acteur mondial par le chiffre d’affaires. Nous nous appuyons sur une excellence technologique reconnue, un outil de production de grande qualité, un positionnement solide aux ÉtatsUnis, un ancrage sur la plupart des marchés mondiaux, dont l’Europe, mais aussi le Japon, où SunPower a vendu 25 % de sa production au premier trimestre 2013.
POLITIQUES ÉNERGÉTIQUES En quoi la transition
énergétique offre-t-elle des opportunités à Total ? ARNAUD CHAPERON La complémentarité entre le gaz et les énergies renouvelables est l’un des principaux leviers de la transition énergétique. L’Europe de l’électricité est entrée dans une période de mutation complexe, conséquence de l’ouverture des marchés, du rôle croissant des énergies renouvelables, des interconnexions entre pays et de leurs choix propres. Les renouvelables trouveront progressivement leur place dans le bouquet énergétique des prochaines décennies dès lors que l’on aura su en abaisser les coûts, en améliorer les performances et définir au juste prix, et dans l’intérêt général, les modalités de leur intégration aux réseaux. Ces énergies sont intermittentes. Leur gestion requiert de combiner l’évolution des modes de consommation et une meilleure utilisation du foisonnement des réseaux, des boucles locales et des solidarités régionales. Et, bien sûr, le stockage aux différents niveaux de la chaîne électrique qui mettra du temps à atteindre la rentabilité suffisante pour un déploiement à grande échelle. Le bouquet électrique devra donc être associé à une énergie flexible et stockable. Chez Total, nous
Pourquoi investir dans ces activités hors de France ? Mais SunPower a des activités en France ! Nous avons deux usines de fabrication de modules à Toulouse et Vernejoul : elles produisent les panneaux les plus performants d’Europe. Nous disposons aussi, à Lyon, d’un centre d’ingénierie pour tous les projets de SunPower, hors Amériques. Nos équipes de R&D en France travaillent en réseau avec les grands laboratoires français, européens et mondiaux. Que dit Total de la crise qui frappe l’industrie des modules ? Cette crise résulte de deux phénomènes. D’abord, une bulle spéculative, qui a brutalement éclaté en 2010 avec la crise de la dette et a poussé les États, notamment en Europe, à cesser ou diminuer leurs subventions. Ensuite, le marché, devenu surcapacitaire, notamment en Asie, a généré baisse des coûts et effondrement des marges. L’industrie manufacturière a souffert, y compris SunPower, qui s’en est sorti grâce à son excellence technologique, à ses efforts pour réduire drastiquement les coûts et… à Total. La crise est-elle derrière nous ? Je ne dirais pas cela. Il ne faut pas baisser la garde, mais continuer d’améliorer nos performances par l’innovation et développer de nouveaux produits sur de nouveaux marchés. Les opportunités ne manquent pas ! l
« Le gaz comme appoint aux renouvelables »
Grâce à cette ressource, les États-Unis se réindustrialisent. Ce processus peut-il se répéter en Europe ? B. C. Je ne pense pas, parce qu’il y a encore beaucoup d’exploration à faire, et surtout, pour des raisons d’acceptabilité. Même si le sol européen en regorgeait, je ne crois pas que les prix chuteraient. De surcroît, les États
© MICHEL MONTEAUX / TOTAL
Le gaz de schiste est-il toujours un sujet pour Total ? BRUNO COURME, chargé des gaz de schiste en Europe Oui, il fait partie de nos axes de développement dans l’exploration-production aux États-Unis, en Argentine, en Chine, en Pologne et au Danemark. En France, nous sommes spectateurs du débat. Le rapport parlementaire de MM. Bataille et Lenoir, favorable à une exploration maîtrisée, n’est qu’une pièce de plus versée à un dossier politique.
producteurs voudront s’approprier une rente. C’est vital pour les pays riverains de la mer du Nord, confrontés au déclin de leur production de gaz conventionnel. Quelle place doit être conférée aux gaz de schiste dans la transition énergétique ? B. C. On peut les voir comme une source de revenus affectables au développement des énergies renouvelables par les États. C’est la stratégie qu’a adoptée le Danemark, qui vise à s’affranchir de toute consommation d’énergie fossile d’ici à 2050. Par ailleurs, le gaz, qu’il soit conventionnel ou non, ou même biosourcé (le biométhane), s’affirme comme une énergie d’appoint aux énergies renouvelables. Si l’éolien ou le solaire sont indisponibles pour couvrir un pic de consommation électrique, le gaz est là.
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« Nous nous appuyons sur une excellence technologique reconnue » JEAN-FRANÇOIS MINSTER,
directeur scientifique de Total
« Apprendre à être efficaces tous ensemble »
POLITIQUES ÉNERGÉTIQUES La transition énergétique sera-t-elle violente, avec de fortes ruptures technologiques ? JEAN-FRANÇOIS MINSTER Les transitions énergétiques ont toujours été de longs processus, accompagnés de profonds changements sociaux : les villes n’auraient pu apparaître sans production d’énergie concentrée et l’industrie n’aurait pu se développer sans le charbon. La transition que nous devons construire sera sans doute assez lente. Il faut notamment remplacer des infrastructures éminemment capitalistiques. L’originalité de la transition actuelle, c’est qu’il faut l’aborder par les usages, optimiser l’utilisation de l’énergie face à des besoins croissants. Or l’efficacité énergétique est ce qu’il y a de plus économique pour transformer le mix énergétique. Est-ce encore le métier d’un producteur d’énergie comme Total ? Oui. L’efficacité énergétique oriente nos activités et nos choix de R&D. La performance de nos outils de production est un enjeu majeur. Cela suppose, notamment, de mieux insérer les usines dans leur environnement, afin de favoriser les échanges d’énergie et de matière entre sites industriels voisins. C’est le principe de l’écologie industrielle : les sous-produits de l’un peuvent servir à l’autre. C’est aussi ce qui guide nos innovations en matière de lubrifiants ou de polymères. Ce n’est pas un hasard si Peugeot s’associe à Total pour concevoir un véhicule consommant 2 litres aux 100 km ! De la même manière que l’on sait faire des colles, des élastomères et des isolants pour l’habitat sobre. L’efficacité énergétique de nos produits est devenue un avantage sur le marché. De quels laboratoires vous entourez-vous ? Géosciences, réseaux intelligents, automates de production, nouvelles commodities… nous devons garder un œil sur tout. Aussi soutenons-nous environ 600 partenariats de recherche avec des universités de 30 pays. En France, c’est le cas du projet d’Institut photovoltaïque d’Île-de-France, à Saclay. Le captage et le stockage de carbone ont-ils leur place dans la transition énergétique ? Il est trop tôt pour le dire, même si notre opération pilote de Lacq est riche d’enseignements. Le déploiement de cette filière requiert des conditions économiques adéquates (or le prix du CO2 est bas), une bonne acceptabilité sociale et une maturité technologique (mais les techniques restent chères). En outre, chaque site potentiel de stockage géologique doit faire l’objet d’une étude spécifique pour en connaître les capacités. l Le débat sur l’énergie se poursuit sur www.politiques-energetiques.com Pour mieux comprendre les énergies et leurs enjeux : www.planete-energies.com
Édité par Total, direction des Affaires publiques France • Directeur de la publication : François Tribot-Laspière • Rédactrice en chef : Fabienne Mirbeau • Journaliste : Jérôme Labeyre Conception et réalisation : Rampazzo & Associés (www.rampazzo.com) • Infographies : Lorena Foucher • Impression : Stipa • Tirage : 6 000 exemplaires • Routage : Staci N° ISSN : 2103-3234 Total S.A. – Société anonyme au capital de 5 914 232 865 euros • Siège social : 2, place Jean-Millier, 92078 La Défense Cedex • www.politiques-energetiques.com