Vers une Architecture du réemploi - Donner du sens aux matériaux récupérés

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VERS UNE ARCHITECTURE DE RÉEMPLOI Donner du sens aux matériaux récupérés Mathieu MARCHÉ-ZERNA

ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE DE CLERMONT-FERRAND DOMAINE D’ÉTUDES ECO CONCEPTION DES TERRITOIRES ET ESPACES HABITÉS 2017-2018


1ère de COUVERTURE Bureau de l’Actlab, Bellastock photos Clément Guillaume, www.clementguillaume.com


VERS UNE ARCHITECTURE DE RÉEMPLOI Donner du sens aux matériaux récupérés

Mathieu MARCHÉ-ZERNA

ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE DE CLERMONT-FERRAND DOMAINE D’ÉTUDES ECO CONCEPTION DES TERRITOIRES ET ESPACES HABITÉS 2017-2018



Remerciements

Je souhaite tout d’abord remercier Rémi Laporte, Shahram Abadie et Jean-Baptiste Marie pour leur suivi, leurs retours et leur soutien tout au long du processus de création de ce mémoire. Je tiens également à remercier les interlocuteurs qui ont participé de près ou de loin à mes recherches et à l’élaboration de ce mémoire, notamment Michael Ghyoot du collectif Rotor. Enfin, je remercie Charlotte, Denis, Anne, Josep, Marion, Noémie, Julien, Romane, Pierre et Antoine, lecteurs et relecteurs assidus, toujours de bons conseils, à l’affût des coquilles inopportunes et soutient indéfectibles.



SOMMAIRE



Sommaire

Remerciements

Sommaire

Introduction Note sur la méthodologie de travail PARTIE I - LES SOURCES D’APPROVISIONNEMENT DES MATÉRIAUX DE RÉCUPÉRATION Chapitre 1 // Contextualisation du réemploi en architecture Chapitre 2 // Quel impact sur le processus de projet ?

PARTIE 2 - INTÉGRATION ARCHITECTURALE DES MATÉRIAUX DE RÉEMPLOI

4 6 10

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24

25 37

46

Chapitre 1 // Obectifs et enjeux Chapitre 2 // Comment ensembler ?

47 55

Conclusion

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Bibliographie Webographie Iconographie

79 81 83

TABLE DES MATIÈRES

86

9



INTRODUCTION


1. Formule employée par René DUBOS (agronome, biologiste et écologue français), lors du premier sommet sur l’environnement en 1972, qui résume l’esprit du développement durable. 2. Jean Marc Huygen, Réemploi et artisanat, Matière Grise, Choppin J., Delon N., éd. du Pavillon de l’Arsenal, 2014, p.153

Nos ressources naturelles, qu’elles soient matérielles ou énergétiques s’épuisent. On pourrait se résigner à cet état de fait et marcher irrémédiablement vers la pénurie. Il semble plus pertinent de se réjouir d’avoir tant à inventer, d’être acteur de cette mutation nécessaire. Les années 70 ont vu naître cette prise de conscience globale concernant les limites des ressources terrestres. Néanmoins, malgré des actions et évolutions ponctuelles, on ne remarque que peu de changements dans notre modèle de production : extraction / production / consommation / rejets (déchets). Nous pouvons ajouter, entre chaque maillon de cette chaîne d’utilisation de ressources, le coût énergétique des transports de matière, puis de produits, puis de déchets. Même s’il est difficile de changer un modèle bien (trop) ancré dans nos diverses industries, il est aujourd’hui primordial, voire vital pour les générations futures, d’opérer à des changements de pratique dans le but d’économiser les ressources, de limiter les déplacements de matière et de produits finis et de diminuer le recyclage en faveur d’un réemploi. Ces modifications doivent s’inscrire dans un plan de développement durable de nos territoires, avec la notion d’efforts locaux pour servir un but planétaire. Il s’agit de « penser global, agir local »1, c’est à dire prendre des mesures à petite échelle en questionnant notre rapport à la matière et aux ressources tout en mettant en valeur nos déchets en exploitant leurs potentialités constructives. Au delà de cette notion de « durabilité », le « penser global » relève davantage de la soutenabilité : « on ne pourra réduire l’exploitation des ressources non renouvelables de la planète, la dégradation de l’environnement naturel et celle des sociétés humaines que par leur prise en compte conjointe »2. A petite échelle, parlons du recyclage des déchets ménagers. Il est aujourd’hui très répandu en France et la majeure partie des gens, qu’ils soient convaincus ou non de son bien-fondé, ont adopté le tri sélectif. C’est une pratique qui s’est en quelque sorte ancrée dans l’inconscient collectif et qui fonctionne très bien. On pourrait cependant se demander si elle ne fonctionne pas « trop bien », ou plutôt trop systématiquement. En effet, le recours au recyclage est devenu tellement habituel et les techniques étant de plus en plus efficaces que le recyclage est devenu, plus qu’un réflexe, un automatisme. On jette nos bouteilles d’eau pour en racheter de nouvelles, on jette nos papiers plutôt que de s’en servir comme brouillons ou supports à dessin pour les enfants. Le recyclage n’est-il pas devenu une excuse pour acheter du neuf avec bonne

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conscience ? La question du gâchis se pose de moins en moins car ce qu’on recycle n’est pas perdu, il est transformé pour resservir ensuite. En réalité, on s’aperçoit que le recyclage coûte cher en transport, en transformation, puis de nouveau en transport et que de nombreux produits pourraient être réemployés plutôt que considérés comme des déchets à transformer. Le recyclage, tel qu’on le pratique aujourd’hui, peut déresponsabiliser. Quand on parle de recyclage on pense aux objets issus du recyclage comme de nouvelles bouteilles d’eau, des vêtements ou encore des fauteuils roulants. Mais on ne pense pas à toute l’énergie déployée pour en arriver là : entre la collecte, le traitement des déchets, l’incinération, l’enfouissement et tous les transports nécessaires, on arrive à une quantité phénoménale de moyens énergétiques, humains, matériels et techniques.

3. Jean Marc HUYGEN, La poubelle et L’architecte, Vers le réemploi des matériaux, Actes Sud, Arles, 2008, p.11

L’idée n’est pas ici de remettre en question le bien fondé du recyclage, sa légitimité n’est plus à prouver, mais n’existe-il pas une autre façon de considérer les déchets ? Un objet ou produit fini qu’on a utilisé n’est pas forcément un déchet à jeter. Il faudrait réemployer ce produit si possible sans transformation, tout du moins avec un circuit court et de faibles transformations. Ainsi, on économiserait de la matière, de l’énergie, du temps. Serait-il envisageable de concevoir un réemploi intégrant également la dégradation du matériau réemployé ? Pourrait-on imaginer créer un paysage urbain, friches ou parcs, « en décomposition » ? On utilise aujourd’hui le béton comme matériau de finition en lui prêtant un intérêt tout particulier, peut être pourrait-on traiter le grava de béton comme une composante d’un parc qui s’éroderait comme s’érode la roche. « Réemployer est l’acte par lequel on donne un nouvel usage à un objet existant tombé en désuétude, qui a perdu l’emploi pour lequel il avait été conçu»3. Autrement dit le réemploi est une alternative à l’enfouissement, à l’incinération et au recyclage. Le travail de ce mémoire distingue le réemploi du recyclage en ce qu’il n’implique pas de transformation profonde des matériaux. Le réemploi vise à conserver les propriétés des matériaux récupérés. Avant d’aborder des problématiques quelques précisions terminologiques s’imposent : Déchet : matériau non utilisé ou non utilisable dans sa destination première

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4. Agence française De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie 5. Le Syctom du Loire Béconnais est depuis 2010 dans une démarche de prévention des déchets. Dans le cadre du Grenelle de l’Environnement, le Syctom a donc décidé de réduire la production de déchets de 7% en 5 ans. Afin d’y parvenir, le Syctom a mis en place un plan d’actions afin de sensibiliser les usagers à consommer autrement. http://optigede.ademe. fr/fiche/mise-en-placede-la-filiere-reemploi 6. Identification des freins et des leviers au réemploi de produits et matériaux de construction, rapport final, avril 2016. Étude réalisée pour le compte de l’ADEME par RDC Environment, éco BTP et I Care & Consult

Matériau de récupération : matériau issu de déconstruction dont on ne connaît pas la nouvelle destination Matériau de réemploi : matériau issu de déconstruction destiné à être intégré dans un nouvel ouvrage Bien que la pratique du réemploi existe depuis des millénaires (utiliser des pierres issues d’une déconstruction pour construire un nouvel édifice) il est aujourd’hui nécessaire de systématiser cette pratique dans les filières du bâtiment et de la construction. Depuis une dizaine d’années, plusieurs personnes, collectifs ou associations remettent au premier plan la question des problématiques liées au cycle de vie des matériaux et au réemploi. Citons notamment J-M Huygen, Encore Heureux et l’association Bellastock en France mais également Rotor en Belgique ou Superuse Studio aux PaysBas. Les questions d’économie circulaire et des déchets dans les filières de la construction se sont ainsi développées depuis une décennie et les acteurs de ces questionnements participent à un renouveau de la pratique architecturale. Des initiatives se créent autour du réemploi dans les déchetteries avec des partenariats entre Emmaüs, l’ADEME4 et les collectivités adhérentes5. Elles sont axées sur la récupération de mobiliers ou d’objets du quotidien permettant ainsi de donner une seconde vie à ces objets récupérés. Il existe cependant très peu de filières tournées vers la récupération de matériaux issus du bâtiment destinés à être réemployés dans les métiers de la construction. Bien que la réutilisation de matériaux de réemploi soit sujette à de nombreux freins tels que des problèmes techniques aussi bien que des problèmes d’évaluation6, il devient nécessaire de comprendre ces matériaux afin de les réutiliser au mieux dans la construction. La particularité des matériaux issus de la déconstruction est qu’il faut connaître leur disponibilité. Pour que la pratique du réemploi se développe réellement et devienne efficiente à une échelle nationale, il est nécessaire, voir indispensable, de développer une filière spécifique à ces matériaux et de déployer toute une gamme de métiers spécialisés. Selon l’Agence française De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie, le secteur du BTP à un fort impact sur la production du déchet. Pour l’année 2010, environ 260 millions de tonnes ont été enregistrées pour ce secteur ce qui représente 40% de la production totale de déchets en France. En ce qui concerne le secteur du bâtiment, il représente à lui

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FIGURE 1 37 millions de Tonnes, c’est la part des déchets ciblée pour le réemploi. chiffre : ADEME 2010

Enfouissement

1

Incinération

3

Centre de tri Réemploi - Réutilisation

31 690 FIGURE 2 Nombre d’équvalent Temps Plein pour 10 000 T de déchets traités source : ORDIF, Observatoire des ressourceries

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7. ADEME, Fiche technique Déchet du Bâtiment, 2016 8. Franck Stassi, Collecte des déchets de chantier: les recycleurs en embuscade, usinenouvelle.com.

seul 39 millions de tonnes qui sont réparties en 3 catégories (déchet inertes, déchet non dangereux, déchet dangereux)7. L’ADEME estime également la consommation du secteur du bâtiment à 44% de la consommation énergétique totale française. Ainsi, en tant que premier pôle de consommation d’énergie en France et second pôle de production de déchets, l’architecture à un rôle majeur à jouer face à cet enjeu mondial et nécessite de se développer pour aller contre cette tendance. En ce qui concerne les filières du BTP, il existe des lois et des directives qui incitent ou obligent les entreprises à avoir une gestion des déchets efficiente. C’est le cas de la directive européenne relative aux déchets qui vise un objectif de 70% des déchets de construction et de déconstruction devant être recyclés d’ici à 2020. Afin d’aboutir à ce résultat certaines solutions sont proposées, d’autres sont à imaginer. L’article 21 quater du projet de loi sur la transition énergétique oblige, à compter du 1er janvier 2017, chaque distributeur de matériaux de construction à «s’organiser pour reprendre, sur ses sites de distribution ou à proximité de ceux-ci, les déchets issus des mêmes types de matériaux, produits et équipements de construction à destination des professionnels qu’il vend». Or, seuls 2% à 3% des points de vente se sont aujourd’hui engagés8. Il existe donc déjà un cadre légal ayant pour but de diminuer la production de déchet, mais il s’agit d’avantage d’une valorisation du recyclage et non du réemploi, c’est à dire considérer un produit qui ne semble plus utile non comme un déchet à recycler en matière première puis en produit, mais comme une ressource déjà transformée, quasiment prête à l’emploi. Une telle démarche présente des enjeux environnementaux certes mais également la nécessité de déployer des moyens logistiques et financiers importants. Ne serait-il donc pas plus judicieux d’améliorer une filière déjà existante avec des entreprises expérimentées ? Se pose alors la question de ce qu’il serait raisonnable de faire afin de déployer ce système de réemploi par de grands groupes? Ces groupes pourraient réutiliser les réseaux en place, adapter les emplois, former les gens à un nouveau système de réemploi. C’est à dire s’engager dans l’amélioration d’une filière déjà existante. Selon Géraud Spire, président de la Fédération du négoce de bois et des matériaux de construction, « les négoces ne sont pas faits pour s’occuper du traitement de déchets ! Il faut donner une solution viable à tout artisan afin qu’il puisse trouver une solution pour ses déchets de chantier dans un périmètre donné. Il

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faudrait par ailleurs passer d’une approche par point de vente à une approche en réseau, en partenariat avec des sociétés spécialisées »9. En première partie de cette étude nous proposons d’expliquer de quels matériaux de réemploi il peut s’agir, en quels lieux ils peuvent être récupérés (« gisements ») et quelle méthodologie de collecte il est possible de mettre en place.

9. Propos recueilli par Franck Stassi pour Usine Nouvelle lors d’une table ronde sur la gestion des déchets du BTP, 24 juin 2015.

La deuxième partie aborde l’intégration architecturale des matériaux de réemploi. Un premier chapitre est consacré aux objectifs, à la manière de les atteindre, aux acteurs concernés ainsi qu’à l’intégrération de la dimension humaine. Le concept et la démarche d’ensemblage sont ensuite développés. Cette démarche suppose une réflexion préalable, impose de connaître les matériaux et de mobiliser des compétences.

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// Notes sur la méthodologie de travail.

Les thèmes exposés dans ce mémoire sont illustrés de manière récurrente par trois cas d’études liés à trois structures différentes : Bellastock, Rotor et Superuse studio Superuse studio C’est en 1997 que Cesare Peeren et Jan Jongert créent Superuse Studios à Rotterdam. Ils sont aujourd’hui reconnus nationalement et internationalement pour leurs approches novatrices en termes de conception durable. Ce bureau est devenu un pionner du Design durable, lequel n’est pas considéré comme la première étape d’un processus linéaire, mais comme une phase d’un cycle continu de création et de recréation, d’utilisation et de réutilisation. Leur approche « open sources » les a obligé à concevoir des outils et des méthodes qu’ils mettent à la disposition d’autres entrepreneurs souhaitant créer des flux de valorisation des déchets. Depuis la création de l’entreprise, Superuse Studios inverse radicalement les pratiques traditionnelles en matière d’architecture et de design. Ils ne se contentent pas uniquement de concevoir les espaces et de rechercher ensuite les matériaux les plus appropriés. Ils étudient également le projet et son environnement pour trouver des ressources disponibles à proximité pour les utiliser comme matériaux de construction. C’est ainsi qu’ils se forcent à examiner l’ensemble de la chaîne de construction sous un angle différent. Superuse Studios est géré par des ingénieurs tous spécialistes dans un domaine bien spécifique : urbanisme et recherches, design, intervention. Leur collaboration interdisciplinaire interne permet une grande flexibilité dans leur approche et leur intervention. Ils exercent leurs compétences multiples à différentes échelles et les appliquent à des concepts tels que le design social, l’agriculture urbaine ou encore l’économie circulaire. Lorsqu’ils ont créé leur agence leur objectif était de créer une architecture qui intégrerait tous les flux (eau, énergie, matériaux et utilisateurs) dès le début du projet. Il y a vingt ans, la conception de systèmes d’approvisionnement en eau et en énergie renouvelable était déjà bien développée. Par contre, peu d’attention était accordée aux matériaux. Forts de ce constat, ils ont élaboré une méthodologie spécifique ainsi que les outils nécessaires qu’ils nommeront « Superuse ». Elle consiste à transformer des déchets en matériaux de construction en gaspillant le moins d’énergie possible dans le transport et dans le processus de transformation. (Ré)utiliser

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des déchets incite à accorder plus d’attention aux matériaux. Ceux qui existent déjà possèdent des propriétés techniques et esthétiques très spécifiques se les procurer reste difficile. La réalisation d’un bâtiment ou d’un objet dépend donc de ces critères. Superuse Studios considère la conception et la construction de façon dynamique : c’est le résultat de l’implication de différents partenaires, de l’environnement, de la disponibilité des matériaux disponibles et du programme de transformation. Cette démarche novatrice les a obligé à commencer Rotor Rotor est une association crée en 2005 par Tristan Boniver et Maarten Glelen, l’origine de cette association est une passion commune pour le flux des matériaux dans l’industrie, la construction et le design. Le collectif se positionne sur la pratique en concevant des projets architecturaux et sur la théorie, en développant une position critique des ressources matérielles. Une vingtaine de collaborateurs aux profils très différents est désormais impliqués, architectes, ingénieur, scénographe, bio-ingénieur, juriste, scénographe, etc. En 2012, un site internet est créé : Opalis.be. Ce site se veut à la fois une plateforme où trouver les revendeurs de matériaux de seconde main à une heure de route tout au plus de Bruxelles et un guide sur le réemploi des matériaux de construction. En 2014, le collectif décide après le chantier de démantèlement de l’université de Liège de créer une entité à part : « Rotor déconstruction ». Certains membres du collectif vont alors s’établir dans une zone d’activités de Vilvorde (Belgique). Ils y installent un entrepôt, un terrain de stockage et un showroom pour entreposer les matériaux issus du démantèlement d’un patrimoine récent. C’est la suite logique de leur démarche engagée avec la plateforme Opalis. C’est en maintenant une réelle vigilance sur les démolitions programmées et en gardant le contact avec les promoteurs spécialisés dans le secteur des bureaux que le collectif parvient à alimenter ses différents outils de revente. Il faut noter que la situation idéale est que le client ait montré son intérêt pour les matériaux présentés en ligne avant le démontage. Ils sont directement prélevés et soigneusement transportés sur le chantier de construction sans passer par l’entrepôt de stockage. Un travail de

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nettoyage, référencement, prises de côtes, photographie en laboratoire est systématiquement réalisé. L’historique et le relevé précis nécessaire à la (re) mise en œuvre sont fournis à l’acheteur. Si certains immeubles qui reçoivent la visite de Rotor sont des immeubles tout à fait banals, ils regorgent tout de même de matériaux valorisables, certains autres sont de vrais morceaux d’histoire. Par exemple les lustres en cristal imposants et d’autres très belles pièces de l’Hôtel de ville d’Anvers ou encore les pépites des tours de l’ancien siège de la Générale de Banque à Bruxelles. Quand le projet de démolition a été enclenché sur ce site, Rotor est rentré dans le processus. Son rôle : démonter, désincruster, sauver les composantes qualitatives du bâtiment, les éléments intérieurs qui, habituellement, auraient terminé dans une benne à déchets. Grâce à leur expertise, Rotor réussi sur nombreux projets a révélés des matériaux et préserver un grand pourcentage de l’existant. En 20014, le collectif a livré l’aménagement intérieur des abattoirs de Bomel, nouveau centre culturel de Namur, un véritable manifeste de cette implication dans le secteur du réemploi. Rotor à sa manière contribue au développement d’une économie circulaire et, sans être le but premier, l’aspect social a aussi son importance dans la récupération des matériaux. Lorsque le chantier le permet, Rotor fait volontiers appel à des entreprises d’intégration ou de réinsertion par le travail. Enfin, le fait de sensibiliser autant d’acteurs, architectes, entrepreneurs, investisseurs, artisans etc. et de récupérer autant d’éléments permet, en quelque sorte, de revaloriser le patrimoine culturel de ces anciens bâtiments. Bellastock Bellastock a été créée en 2006 par des étudiants d’architecture de Paris-Belleville qui désiraient pallier au manque d’expérimentations pratiques et de manipulations pendant leur formation. Leur première initiative a été de monter un festival d’architecture consistant en la création d’une ville éphémère expérimentale. Cette association d’architecture expérimentale, oeuvre pour la valorisation des lieux et de leurs ressources. Leurs travaux de recherches s’orientent principalement sur des problématiques liées aux cycles de la matière et au réemploi. Les compétences que Bellastock développent depuis sa création sont volontairement partagées avec le grand public. Elle initie ainsi

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des projets innovants, écologiques et solidaires, et propose des alternatives à l’acte traditionnel de construire ; elle organise la matière et préfigure les transformations territoriales Aujourd’hui l’association compte huit salariés à temps plein et de nombreux bénévoles très actifs. Elle diversifie son activité en multipliant les partenaires et les collaborations avec les écoles françaises et internationales, les entreprises, les institutions publiques et avec l’ensemble des acteurs impliqués au sein des aménagements de la ville et du territoire. C’est à l’initiative de l’Agence nationale pour la Rénovation urbaine (ANRU) que Bellastock s’est engagé sur la transformation du quartier du Clos Saint lazare à Stains. Sa mission a été de suivre les démollitions de plusieurs tours d’immeubles et à apporter son expertise pour réemployer la matière en proposant l’aménagement d’un lieu de vie dans l’espace public. Plusieurs prototypes ont été construits sur cet espace, La fabrique du Clos, à partir de matériaux réutilisés pour créer une continuité entre le passé et le futur de ce quartier. L’objectif principal étant de tisser du lien social entre les habitants et les structures locales (écoles, associations de quartier, régie de quartier) au sein même de ce nouveau lieu de vie. Pour impliquer les habitants du quartier dans le projet et permettre une réelle transmission de compétences, le chantier s’est déroulé conjointement avec 4 artisans de Bellastock, 5 jeunes employés par la régie de quartier du Clos Saint lazarre ainsi que 8 stagiaires en architecture-paysage. D’autre part, Bellastock ne conçoit pas la construction sans s’intéresser aux cycles de vie de la matière, de son état brut à sa désuétude en passant par son exploitation, ses transformations et sa mise en œuvre. Ils deviennent experts sur le réemploi dans la construction notamment à travers Actlab, laboratoire manifeste du réemploi. Il est situé au cœur de la ZAC du futur éco quartier Fluvial de l’Ile-Saint-Denis (Plaine Commune). C’est in situ qu’ils expérimentent des prototypes d’aménagement à partir de matériaux réemployés issus de chantiers du territoire de Plaine commune. Toujours avec un souci de pédagogie et de sensibilisation, Actlab est ouvert aux habitants, aux usagers, aux professionnels de l’aménagement et aux artistes, curieux d’appréhender autrement la fabrique de la ville, sans « trou noir » dans l’espace urbain.

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Pour chaque projet Bellastock développe des solutions adaptées et intégrées, mettant en valeur le caractère unique de chaque site. Chaque maillon de la filière du réemploi est maîtrisé : du diagnostic des gisements et de leur déconstruction sélective, jusqu’à leur réemploi dans les constructions futures. Les architectes exercent leur créativité pour faire du déchet une ressource de qualité en y associant des solutions techniques adaptées aux moyens contemporains. La maîtrise du cycle de vie de la matière est une préoccupation majeure de Bellastock, c’est par là que s’invente une autre architecture. Le réemploi est une alternative à l’extraction de matière première et à l’enfouissement de déchets. A l’inverse du recyclage, il faut travailler avec des matériaux de seconde vie sans leur faire subir une transformation importante.

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I

Les sources d’approvisionnement des matériaux de récupération


CHAPITRE 1 // Contextualisation du réemploi en architecture. 1.1 / DYNAMIQUE DU RÉEMPLOI : SA PLACE DANS LE CYCLE DE LA MATIÈRE 10. L’énergie grise est la quantité d’énergie nécessaire lors du cycle de vie d’un matériau ou d’un produit : la production, l’extraction, la transformation, la fabrication, le transport, la mise en œuvre, l’entretien puis pour finir le recyclage, à l’exception notable de l’utilisation. h t t p s : / / w w w. d i c t i o n n a i r e environnement.com/ energie_grise_ID5863. html 11. Selon la définition de ‘‘déchet’’ du dictionnaire de français Larousse.

Nous avons une représentation très figée de la matière. Comme si cette dernière échappait à l’emprise du temps et du mouvement. Nous percevons la ville comme un amoncellement de matières inertes qui composent nos routes, nos mobiliers urbains ou nos bâtiments. Ne pourraiton pas cependant changer le regard sur la matière et les matériaux et les appréhender comme une composante en mouvement ? Nous parlons ici de matière en tant que ressource première, comme le bois ou la pierre, et les matériaux qui sont une transformation de cette matière première. Cette manipulation humaine passant de la matière au matériau évoque déjà une notion de mouvements largement entendu par tous (cf. figure 3 ci-contre). La durée de vie d’un matériau est jalonnée de mouvements depuis son extraction jusqu’à sa mise en œuvre. Cette mobilité ne s’arrête cependant pas là. En effet arrive ensuite l’obsolescence d’usage du bâtiment et/ou l’obsolescence technique des matériaux qui implique une démolition ou déconstruction. Enfin le matériau devient déchet et est de nouveau acheminé mais cette fois dans des déchèteries, centres de recyclage ou d’incinération. C’est donc l’intervention humaine qui provoque l’usure anticipée des matériaux mis en œuvre et donc de la matière. Dans un contexte de développement soutenable, et d’économie circulaire il semble pertinent de ne plus considérer les déchets comme des rebus mais comme des ressources. On peut ainsi envisager un bâtiment ou une ville en tant que système, à l’intérieur duquel il est possible de voir combien de ressources et d’énergies y entrent et en sortent. Les ressources étant ici les matériaux de construction et l’énergie correspond à l’énergie grise10 de ces matériaux. L’analyse de ce système repose sur l’étude de flux : on peut par exemple parler de flux de voitures pour la ville, de flux humain entre les quartiers et, en ce qui nous intéresse, de flux de matériaux à l’échelle du ou des bâtiments. De manière générale, la plupart en sortent comme des déchets car ils ne sont pas réutilisés ou récupérés, ils ne sont pas revalorisés. En effet, un matériau est considéré comme déchet dès lors que l’on estime qu’il n’a plus de valeur immédiate11. Or, si on redonne de la valeur à ce matériau en le réutilisant, par exemple, il n’est plus considéré comme un déchet mais bien, à nouveau, comme un matériau à part entière et on renouvelle ainsi son cycle de vie. En connectant des parties du système, on peut ainsi utiliser efficacement ces flux de déchets.

26 - Partie I - Les sources d’approvisionnement des matériaux de récupérations


Ces connexions ne sont pas seulement des solutions durables, dans le sens de développement durable ou soutenable, elles offrent également des opportunités économiques, car créatrices d’emplois. Elles sont également des opportunités de projet en créant une ouverture vers de nouveaux gisements de matières premières pour la construction, les matériaux de récupérations, et vers de nouvelles manières de concevoir l’architecture. C’est l’un des enjeux du réemploi : comment puiser dans les ressources matérielles d’un territoire pour permettre son renouvellement.

EXTRACTION MATIÈRE PREMIÈRE

TRANSFORMATION

RÉEMPLOI

CONDITIONNEMENT

DÉCONSTRUCTION

MISE EN OEUVRE

DÉCHET

RECYCLAGE FIGURE 3 Cycle de la matière document MMZ

Chapitre I - Contextualisation du réemploi en architecture- 27


12. Actlab est le laboratoire manifeste du réemploi de Bellastock, situé au cœur de la ZAC du futur Ecoquartier Fluvial de L’Île-SaintDenis (Plaine Commune). 13. REPAR, Réemploi comme passerelle entre architecture et industrie, 2012-2014. Étude réalisée pour le compte de l’ADEME par BELLASTOCK

1.2 / DE QUELS MATÉRIAUX PARLE-T-ON? Quand on parle de réemploi on peut penser bien sûr aux objets récupérés et détournés comme des bouteilles en verre vide utilisées comme luminaire. Autant de transformations qui font pour la plupart appel à des objets du quotidien et s’appliquent plutôt au mobilier ou objets de décoration. Si cette pratique, parfois appelée upcycling existe depuis longtemps et permet à son échelle une revalorisation certaine des déchets ou du moins influe sur la diminution de production de déchets, nous proposons de l’étendre ici aux matériaux de construction. Il nous paraît important à ce stade de relater l’expérience des trois projets choisis comme cas d’étude et portés par trois structures différentes : Superuse Studio, Bellastock et Rotor. Par l’analyse de ces cas d’étude, nous avons tenté de faire un inventaire des types de matériaux que l’on est susceptible de rencontrer lorsque l’on souhaite construire avec des matériaux de récupération et d’en préciser les différences. Nous les avons classés en 3 catégories :

- les matériaux issus du secteur des bâtiments - les matériaux issus de l’industrie - les matériaux présents in-situ

Les matériaux issus du secteur des bâtiments Pour le bureau de la base de vie de l’Actlab12 , l’association Bellastock s’est saisi des opportunités qui s’offraient à elle pour récupérer des matériaux. Ces opportunités ont été les immeubles voués à être démolis ou bien réhabilités : ces bâtiments sont à l’origine de leur travail sur le réemploi. C’est ainsi que l’association a pu récupérer des fenêtres déposées lors de la réhabilitation d’un immeuble de logements sociaux situé à proximité de leur site d’expérimentation13 (cf. figure 4 ci-contre). Leur glanage leur a également permis de réaliser le bardage de leur bureau presque entièrement avec des dormants de portes récupérés sur d’autres chantiers (cf. figure 5 ci-contre). Quant aux plafonniers, ils ont été conçus à partir des tuyaux alimentant un système de sécurité anti-incendie (cf. figure 6 page suivante).

28 - Partie I - Les sources d’approvisionnement des matériaux de récupérations


FIGURE 4 Stockage des fenêtre récupérées sur le chantier de l’immeuble de logements sociaux. source : Bellastock - Architecture et réemploi: Nouveau territoire d’économie circulaire

FIGURE 5 Façade du Bureau sur l’Actlab réalisée en dormants de portes source : Bellastock - Architecture et réemploi: Nouveau territoire d’économie circulaire

Chapitre I - Contextualisation du réemploi en architecture- 29


FIGURE 6 Réseaux d’extincteur automatique à eau. source : Bellastock - Architecture et réemploi: Nouveau territoire d’économie circulaire

FIGURE 7 Bois récuépéré sur bobine de fil electrique pour réaliser le bardage de la villa Welpeloo document MMZ

30 - Partie I - Les sources d’approvisionnement des matériaux de récupérations


Quant à l’équipe de Superuse Studio, elle a conçu un bâtiment (villa Welpeloo) en intégrant 60% de matériaux d’occasion récupérés par l’agence. Leur méthode de glanage, développée dans le chapitre suivant, leur a permis de récolter un bon nombre de matériaux issus de la construction. On y retrouve des lames de parquet en bois, démontées sur des constructions alentours, sur les planchers et plafonds. La structure secondaire est quant à elle composée de bois d’œuvre d’occasion (second hand). Tous ces matériaux proviennent de différentes typologies de gisements : surplus de fournisseurs, dépose en réhabilitation lourde, déconstruction partielle ou bien démolition sélective. Ces matériaux issus de ces gisements finissent, de manière relativement systématique, dans des bennes puis sont ou non triés pour être ensuite recyclés, incinérés ou enfouis. Cela implique donc une anticipation de la part du maître d’ouvrage et/ou du maître d’œuvre afin que le glanage puis la collecte de matériaux débutent le plus tôt possible dans le projet. Matériaux issus de l’industrie La villa de l’agence Superuse Studio est aussi composée de matériaux issus de l’industrie. Le bardage est réalisé à partir du bois récupéré sur des bobines de câbles électriques trop abimés pour être réutilisés (cf. figure 7 cicontre). La structure principale en acier provient de machines abandonnées d’une usine de textile locale. Un monte charge récupéré pour le chantier a ensuite été incorporé à l’intérieur de la villa. La plupart des vitrages utilisés pour la construction de cette maison proviennent de chutes industrielles. S’agissant de ces chutes peut on parler de réemploi ? Ce sont en effet des chutes neuves, donc non utilisées. Est-ce de l’emploi premier plutôt que du réemploi ? On peut considérer que c’est du réemploi dans le sens où le producteur de cette chute neuve ne pourra rien en faire ou bien n’avait pas l’intention d’en faire autre chose que de la mettre au rebus. Utiliser cette chute dans la construction permet de prolonger le cycle de vie de ce fragment de matière. On peut donc assimiler l’utilisation de cette chute à du réemploi. Les matériaux présents in-situ Cette catégorie relève également de matériaux issus du secteur des bâtiments; cependant ils ont la particularité d’être réemployés sur le site même où ils ont été déposés, c’est à dire déconstruits méthodiquement. C’est le cas pour l’intervention de Rotor dans les futurs locaux de la Fondation Lafayette (cf. figure 8 page suivante). Leur intervention n’a pas pris en compte le

Chapitre I - Contextualisation du réemploi en architecture- 31


Combles

Le faux plafond a été déposé soigneusement puis transformé en table.

R+3

Les lampes des bureaux sont devenues les luminaires de cuisine.

R+2

Les tablettes d’auditoire ont été utilisées pour fabriquer les meubles de cuisine ou des bureaux.

R+1

Les luminaires ont été déposés dans les salles de classe et réinstallés dans l’auditoire.

Les chaises récupérées du sous-sol ont été néttoyées et sont aujourd’hui autour de la grande table du 3ème étage.

Rez-de-chaussée

Sous-sol

FIGURE 8 Dépose, récupération et repositionnement des matériaux dans les futurs locaux de Lafayette Anticipation. document de Rotor / modifié MMZ

32 - Partie I - Les sources d’approvisionnement des matériaux de récupérations


gros œuvre, dans un souci d’économie mais aussi car le bâtiment est destiné à être réhabilité en 2018 par l’agence OMA. Le recours à des matériaux in-situ relève d’une intervention particulière sur l’édifice. On peut en effet les retrouver dans des projets de réhabilitation mais surtout dans des projets temporaires dont le budget est limité et nécessite une intervention minimale.

14. Gilles Perraudin Conférence Matière, Matériaux, Réemploi - Café d’architecture désirable, 1er déc. 2015 au pavillon circulaire, Paris.

1.3 / QUELS SONT LES GISEMENTS DE MATÉRIAUX DE RÉCUPÉRATION ? Un projet d’architecture peut se diviser en deux étapes : celle de la conception et celle de la construction. Si la première précède toujours la seconde, il arrive parfois qu’elles se croisent. Dans une construction impliquant des matériaux de réemploi, une nouvelle étape s’ajoute à ce schéma « classique » : l’approvisionnement. On sait construire avec des matériaux neufs on connaît leur disponibilité : aucune nécessité pour un maitre d’oeuvre d’avoir en stock des matériaux avant de concevoir un bâtiment. On conçoit le projet, on se procure les matériaux nécessaires et on les met en œuvre pour construire l’édifice. Dans une architecture de réemploi, c’est le gisement qui influe sur la forme du bâtiment et non le bâtiment qui conditionne les matériaux, c’est ce que Gilles Perraudin appelle la « conception par réaction »14.

Superuse Studio : une banque de matériaux Selon Superuse Studio, la nature est un système cyclique et dynamique, caractérisé par la diversité et les interconnexions en constante évolution. En général, les processus se développent et rétrécissent, mais la diversité est toujours maintenue. En revanche, notre société est un système linéaire et rigide, caractérisé par l’homogénéité et le désir de réparer les liens existants plutôt que de les améliorer ou de les développer. Par conséquent, les processus parallèles prennent de l’ampleur et la diversité est minimisée. Cela conduit à d’énormes quantités de déchets et donc à un gaspillage de ressources. Les outils et méthodes qu’ils développent tendent à interconnecter les différents systèmes de la société en y incorporant les systèmes issus de la nature dans le but de transformer notre société actuelle en une société plus durable et à utiliser plus efficacement les ressources, l’énergie et la maind’œuvre, tout ceci afin d’utiliser de manière efficace les ressources et l’énergie

Chapitre I - Contextualisation du réemploi en architecture- 33


FIGURE 9 Carte de récolte, extrait d’un article en ligne datant de nov. 2015 https://www.biorama.eu/harvest-map/

FIGURE 10 Carte de récolte, consultée en nov. 2017 https://www.harvestmap.org/

34 - Partie I - Les sources d’approvisionnement des matériaux de récupérations


qui sont malheureusement trop souvent gaspillées car « le développement durable consiste à prendre des raccourcis […] au sein des systèmes disponibles et d’utiliser les possibilités existantes de façon optimale »15. Le travail de recherche que Superuse Studio effectue sur ses projets, ou simplement pour mettre à jour les données, alimente en permanence la plateforme d’échange ce qui en fait une carte de ressources (« Carte de Récolte ») qui évolue presque en temps réel. Par ailleurs, ce qui fait la force de cette Carte de Récolte, en plus de cette évolutivité (cf. figure 9 et 10 ci-contre), c’est son aspect participatif. En effet, des entreprises et des particuliers peuvent s’inscrire sur la plateforme et partager leur propre ressource de matériaux, des astuces ou des expériences liées à la récupération ou au réemploi de matériaux, et également trouver des ressources disponibles dans leur voisinage ou dans les environs d’un projet. Ainsi dans ce marché en ligne de matériaux de récupération, on peut aussi bien trouver de petites quantités de matériaux, disponibles ponctuellement, qu’un flux continu de chutes et résidus industriels.

15. Entretien avec Superuse Studios, in Choppin J., Delon N. Matière grise, éd. du Pavillon de l’Arsenal, 2014 16. REPAR, op. cit., p.21

Bellastock : la déconstruction comme gisement Le postulat de la recherche de l’association Bellastock est que la filière réemploi peut s’adapter à la déconstruction classique que mettent en place la plupart des entrepreneurs face à la nécessaire disparition de bâtiments obsolètes16. Bellastock teste ainsi la filière réemploi au sein du chantier de déconstruction de l’entrepôt du Printemps et s’appuie sur les étapes habituelles du processus de déconstruction. Bellastock travaille avec la ville de Paris qui a de nombreux projets de démolition ou de réhabilitation. Grâce à leurs capacités d’expertises, ils sont sollicités pour établir des diagnostics de déconstruction, pour identifier les matériaux pouvant potentiellement être récupérés, réutilisés ou réemployés. Cette étape permet la constitution d’un gisement. A ce moment précis il n’y a pas forcément de projet de construction. L’association travaille aussi sur des expérimentations d’aménagement et de mobilier urbain en collaboration avec des maîtres d’ouvrages. Bellastock effectue des diagnostics de démolition, et comment réutiliser/réemployer du béton sur place ou comment le transformer pour le réutiliser/réemployer sur un autre chantier. Leur source d’approvisionnement c’est la ville de Paris comme une mine urbaine, carrière de nouveaux matériaux.

Chapitre I - Contextualisation du réemploi en architecture- 35


17. Échange avec Michael Ghyoot du collectif Rotor. 18. Lafayette Anticipation est une Fondation d’entreprise Galeries Lafayette est une fondation d’intérêt général structurée autour de son activité de production et de soutien à la création dans son ensemble. Elle est un catalyseur qui offre aux artistes des moyens surmesure uniques pour produire, expérimenter, et exposer.

Rotor : anticiper la fonction future du lieu Suite à leur installation Usus/Usures à la Biennale de Venise en 2010, le collectif Rotor à été contacté par François Quintin, directeur délégué de la Fondation Lafayette, qui leur a demandé de scénographier un évènement de deux jours qui devait se dérouler dans les espaces non réaffectés de la future Fondation. Après plusieurs visites, les membres du collectif n’étaient pas convaincus de la demande. Puis une évidence s’est imposé : « un grand bâtiment, à quelques pas du centre Pompidou, c’est un potentiel »17. Ils ont ainsi eu l’idée d’investir tout le bâtiment et de proposer une permanence dans les locaux jusqu’aux travaux de réhabilitation menés par l’Agence OMA pour 2018: cette permanence permettant d’anticiper sur la création d’un lieu d’art et de culture permettant l’ouverture de Lafayette Anticipation18 dès 2013. Le gisement était devant eux, sous leurs pieds : le bâtiment lui même. Les sources d’approvisionnement de matériaux des projets menés à partir de matériaux de récupération sont diverses. Bien qu’elles relèvent le plus souvent de l’opportunité, comme on a pu le voir avec Bellastock et Rotor, la recherche de gisement peut être la première étape d’un projet d’architecture à l’image de la démarche de Superuse Studio pour la villa Welpeloo.

36 - Partie I - Les sources d’approvisionnement des matériaux de récupérations


Chapitre I - Contextualisation du rĂŠemploi en architecture- 37


CHAPITRE 2 // Quel impact sur le processus de projet ? 2.1 / MÉTHODOLOGIE DE COLLECTE La nature, les dimensions, la disponibilité et la quantité de matériaux de réemploi conditionnent la conception d’un bâtiment. Une fois les gisements identifiés, comment mettre en œuvre un système de collecte de matériaux issus de déconstruction ou de rebuts industriels ? La démarche peut s’effectuer de manière improvisée au gré des opportunités locales ou au contraire calée sur une recherche systématique et méthodologique. Dans un cas la recherche est « opportuniste » dans l’autre il s’agit d’une démarche active. Le terme « opportuniste» peut sembler péjoratif mais on entend par là une attitude de veille, d’ouverture à toutes opportunités. Bellastock, à l’affut des opportunités Pour le projet de bureau au sein de l’Actlab, laboratoire d’expérimentation de la friche industrielle des Ateliers de Printemps et emplacement d’un futur éco quartier, l’association a récupéré les matériaux par opportunité. Sans collecte préalable, le bâtiment a mis du temps à se construire. Il n’y avait pas d’échéance véritable pour cette construction, qui apparait comme un chantier école, l’objectif étant de prendre le temps de l’expérimentation. Elle s’est faite au fur et à mesure des opportunités tant matérielles qu’humaines. Cela a nécessité une forte réactivité : s’adapter au moindre matériau récupéré et faire preuve d’ingéniosité pour les mettre en œuvre. L’association a pris son temps : elle s’est donné le challenge d’avoir au moins 85% de matériaux de réemploi issu d’un périmètre de moins de 10km aux alentours du site. L’objectif est identique au cas d’étude qui suit, à savoir utiliser un maximum de matériaux de réemploi locaux, mais la méthode différente. L’atelier Fratellini à Saint Denis par Patrick Bouchain est également un exemple de récupération de matériaux par opportunités. En effet, la façade a été habillée de plaques de métal destinées à être intégrées à un bâtiment de Disneyland Paris mais que le maître d’ouvrage à refusées pour défaut de fabrication. Si le réemploi a été possible ici par l’opportunité que représentaient ces matériaux récupérés, ces derniers n’ont pas réellement influencé la conception de l’édifice.

38 - Partie I - Les sources d’approvisionnement des matériaux de récupérations


Planches

Chutes de verre

Surplus de verre

Tuiles Villa Welpeloo

Isolation en fibre de bois

Profil en acier incurvés

Bobine de câble électrique

Acier de construction

FIGURE 11 Carte de récolte spécifique à la Villa Welpeloo Document MMZ

CHAPITRE 2 - Quel impact sur le processus de projet ? - 39


19. Notes de travail de Rotor, 2013

La recherche méthodologique de Superuse Studio La villa Welpeloo est une résidence conçue pour un couple d’amateurs d’art qui avaient la volonté de créer un espace d’exposition pour de jeunes artistes contemporains. Elle a été réalisée par Superuse Studio qui, souhaitant développer leur pratique, a voulu récupérer autant de matériaux que possible pour la conception de cette maison. La particularité de l’intervention a été l’utilisation de 60% de matériaux de récupération et de chutes industrielles récupérées. C’est, en quelque sorte, un manifeste du réemploi car sa conception est basée sur une réflexion poussée sur la récupération de matériaux et pose également la question de l’approvisionnement et de l’origine de ces matériaux récupérés. En effet, lors de la phase de conception, une équipe fut chargée de rechercher les possibilités et les disponibilités de surplus de matériaux dans les environs du site de projet. Cette équipe a commencé son travail de recherche en se servant d’un outil développé par Superuse Studio : l’harvest map (cf figure 9 et 10 p.33), autrement dit il s’agit d’une carte de récolte dont nous avons parler précédemment. Il s’agit d’une plateforme d’échange qui recense les potentiels fournisseurs de matériaux (antiquaires, déconstructeurs, revendeurs) et permet de les localiser. Ainsi, les matériaux utilisés pour la conception et la construction de la maison ont été récupérés dans un rayon de 15km autour du site de projet. Les matériaux de réemploi ainsi ciblés ont fourni un flux continu de nouvelles opportunités pour développer et affiner la conception. La démarche particulière du collectif Rotor Le constat de Rotor sur le bâtiment du 13-15 rue du de la Verrerie à Paris est clair : les espaces et aménagements sont en état d’abandon, en parfaite désuétude. Par ailleurs, l’édifice comprenait plusieurs typologies d’espaces allant du grand volume de plain-pied, fragmenté par des parois légères, aux bureaux génériques avec cloisons vitrées en passant par des salles de classes. Pour Rotor, ce ne sont pas vraiment des espaces mais « plutôt une accumulation d’implémentations hâtives de modernités jetables. Et ce sont là les ingrédients obligatoires pour en faire des espaces à nouveau : il n’y a pas de sens à tout vider, ni à rajouter quoi que ce soit »19. L’ambition de cette intervention était de décontextualiser les aménagements précédents par un travail de soustraction et recollage des matériaux déjà en place. Le but étant de libérer la connotation trop explicite (bureaux des années 80, locaux de classe …) pour laisser des lieux dans lesquels les repères formels sont brouillés.

40 - Partie I - Les sources d’approvisionnement des matériaux de récupérations


2.2 / INTÉRÊT D’UN PÉRIMÈTRE DE COLLECTE : VALORISER L’ÉCHELLE LOCALE. La filière du réemploi en France est plutôt composée d’une multitude d’actions locales issues d’initiatives des collectivités publiques ou d’acteurs privés. Un certain nombre d’acteurs préconisent la mise en place de réseaux sur l’ensemble du territoire comme les groupes Icade et Egis qui en 2017 ont créée Cycle Up, une plateforme de réemploi des matériaux de construction. Ils explique prévoir « de travailler à plus grande échelle » (que Rotor et Bellastock) et s’intéressent à « un marché national et international »20. Si le groupe esquive la question de l’image de leur démarche, on peut se poser la question de la pertinence de l’échelle nationale pour cette filière du remploi. Par exemple, bien que ce ne soit pas l’unique enjeu, l’aspect environnemental est important lorsqu’il s’agit d’architecture de réemploi. En effet, récupérer un matériau est certes pertinent au niveau du bilan carbone21 car il n’est plus nécessaire de fabriquer un nouveau matériau avec de nouvelles matières premières ce qui engendrerait une consommation d’énergie supplémentaire. Mais il faut également prendre en compte l’incidence sur l’environnement du transport des dits matériaux. Vaut-il mieux acheter un matériau de réemploi sur une plateforme de stockage et de distribution dont le site est à 800km ou un matériau neuf sur un site de production local ? Il est important de prendre en compte l’impact global du bilan carbone. Pour cela, il est essentiel de savoir d’où viennent les matériaux que l’on réemploie et de privilégier les circuits courts, ce que permet une gestion locale des matériaux. On réduit ainsi les émissions de CO2 et la consommation de ressources fossiles (carburant) liées au transport. De plus, en créant des emplois spécifiques, on revitalise une économie et une dynamique locales. On part d’une pensée globale visant à répondre à des enjeux environnementaux et on répond par des actions locales ayant des répercussions économiques. Faire du réemploi sur des périmètres très locaux signifie que les matériaux ne se déplacent pas (Energie grise) mais cela peut impliquer que le système de production (machine, homme,…) vienne sur place et c’est avec cette logique que l’on est en mesure de créer de l’emploi de manière locale. Par ailleurs on conserve les matériaux donc on développe l’idée de valoriser les différentes ressources d’un territoire : les matières premières, l’humain, les savoir-faire…

20. Propos recueillis par Jean-Philippe Hugron in L’Architecture d’aujourd’hui, n°422, déc. 2017. 21. Un bilan carbone désigne une démarche permettant de comptabiliser l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à une activité. Il vise à calculer les émissions directes (par exemple, les émissions d’une voiture) mais aussi les émissions indirectes (par exemple, les émissions liées à la construction des différents matériaux). source:www.conaissance desenergies.org/

Rotor Deconstruction, une filière du collectif belge Rotor, a ajouté

CHAPITRE 2 - Quel impact sur le processus de projet ? - 41


depuis peu à son site de vente en ligne de matériaux de récupération une activité de vente à l’export. C’est une plateforme permettant d’envoyer des colis de moins de 30 kilos dans 14 pays européens. Une initiative intéressante mais qui soulève cependant plusieurs questions. On peut en effet s’interroger sur la pertinence de ‘calquer’ la filière du réemploi sur la filière classique de distribution ainsi que l’échelle internationale d’une telle démarche. Ce système permet : - de développer le réemploi et de le diffuser - de mettre à disposition des matériaux de récupération au plus grand nombre - de faciliter une transition possible vers ce mode de construction - de développer une alternative à un système de diffusion qui à ses limites quant aux enjeux économique et environnementaux actuels Mais si ce système ouvre le champ des possibles dans la conception, l’échelle internationale du développement de cette filière n’est pas vertueux d’un point de vue environnemental. L’architecture de réemploi s’inscrit dans une démarche durable en ce qu’elle réduit la consommation de ressources naturelles mais une stratégie des circuits courts permettrait d’optimiser encore la performance en matière de développement durable.

2.3 / IMPACT SUR LA CONCEPTION La particularité des matériaux de récupération c’est la question des sources d’approvisionnement. Il est en effet nécessaire de savoir où l’on peut récupérer des matériaux mais également de connaître quels matériaux sont disponibles ainsi que leur état, et ce dès la phase de conception. La manière dont on récupère des matériaux pour le réemploi, le lieu de collecte, le type de matériaux récupérés, leur quantité influent sur la manière de concevoir un bâtiment. Par exemple, la dimension des éléments récupérés conditionne la taille des espaces. En effet, si on à un stock de palettes suffisant, on peut envisagé de faire une partie des murs. Ainsi, la hauteur du mur, et donc de la pièce, est dictée par la dimension de la superposition de deux ou trois palette les unes sur les autres. De la même manière, le nombre de fenêtres récupérées et leurs dimensions ont déterminé d’une certaine manière la dimension de la façade rideau du bureau de l’Actlab. Ainsi une architecture dite de réemploi est conditionnée par les matériaux récupérés et nécessite une approche différente de l’architecte et plus particulièrement de la conception.

42 - Partie I - Les sources d’approvisionnement des matériaux de récupérations


La conception induit un choix de matériaux, non pas en terme de sensibilité mais plutôt d’intuition. On choisira tel ou tel matériau en fonction de l’espace et l’ambiance que l’on souhaite concevoir et de ce qu’on connaît du matériau, c’est à dire ses qualités, défaut et propriétés. De plus, il y a un échange qui se fait entre les propriétés des matériaux récupérés, leur quantité, et ce qu’on veut en faire ensuite pour ne pas perdre la dimension architecturale de l’édifice. En effet, on pourrait prendre n’importe quel matériau récupéré et donner libre cours à son imagination mais le résultat ne serait pas la même chose que s’il y avait vraiment une relation forte avec le matériau récupéré et l’architecte. La question de faire de l’architecture de réemploi implique qu’il y ait une certaine forme d’adaptation aux matériaux récupérés dans la conception et donc un processus itératif entre celle-ci et le glanage de matériaux. En quelque sorte, le matériau doit générer une forme de conception.

22. On entend ici par temporalité l’intégration du facteur temps dans le processus, depuis la collecte jusqu’au projet finalisé, et donc à la fois la durée et la chronologie.

Au vu de ce que nous avons étudié jusqu’à présent il ressort clairement que ces projets, avec des gisements, des approvisionnements et des méthodes différentes, ont une temporalité22 également bien différente (cf. figure 12 page suivante). L’utilisation de matériaux de récupération en architecture à un impact particulier sur le temps nécessaire pour construire le bâtiment mais aussi pour le concevoir. Cet impact sur la conception est lié au fait que l’on travail avec une très grande variété de matériaux dont la disponibilité n’ai ni garanti, ni quantifiable, ce qui fait que l’approvisionnement des matériaux, le choix des matériaux et la conception se font un peu en même temps avec un processus itératif. Bellastock C’est assez flagrant dans le projet de Bellastock : la volonté d’optimisation et l’objectif d’employer 85% de matériaux récupérés ont généré un allongement de la durée globale du projet. Cette durée fut accentuée par la méthodologie de glanage par opportunités (cf. 2.1). Si la démarche avait été identique à celle de Superuse Studio et le protocole de récolte en préalable au projet, la conception finale du bâtiment aurait pu être totalement différente : si le nombre de fenêtres collecté avait été plus grand, le bâtiments aurait-il été plus grand ? La façade rideau aurait-elle été plus imposante ? Si l’occasion s’était présentée de déposer un grand nombre de lames de parquets dans les appartements d’un immeuble, le bardage n’aurait-il pas été différent ? Toutes ces interrogations révèlent bien le caractère imprévisible, en terme

CHAPITRE 2 - Quel impact sur le processus de projet ? - 43


Temporalité 01 Projet Classique

Temporalité 02 Bureau Actlab

demande

demande

esquisse

esquisse premières intentions de matériaux

confrontation des intentions avec matériaux collectés

mise en oeuvre des matériaux

conception mise en oeuvre des matériaux

chantier

conception

confrontation des intentions avec matériaux collectés

DCE PRO EXE

réflexion sur la mise en oeuvre des matériaux

collecte

collecte conception mise en oeuvre des matériaux

chantier

confrontation des intentions avec matériaux collectés

chantier

collecte conception mise en oeuvre des matériaux

chantier

Temporalité 03 Villa Welpeloo

demande esquisse

Temporalité 04 Lafayette Anticipation premières intentions de matériaux

demande état de lieux / constat proposition

collecte collecte et stockage

confrontation des intentions avec matériaux collectés

conception

mise en oeuvre des matériaux

premières intentions de matériaux

conception

chantier

chantier

FIGURE 12 Les différentes temporalités de projets documents MMZ

44 - Partie I - Les sources d’approvisionnement des matériaux de récupérations


de conception et d’esthétique, de la méthode d’approvisionnement par opportunités. Superuse Studio Bien que tout à fait remarquables, les 60% de matériaux récupérés pour la villa Welpeloo sont inférieurs de 25% à la performance des bureaux de l’Actlab. Il semble donc tout à fait pertinent d’envisager que la méthode de Superuse studio de constituer un gisement, un stock de matériaux comme première étape du projet permet certes de gagner du temps mais que ce stock est pour ainsi dire figé, limitant ainsi les possibilités de réemploi. D’un autre côté, la villa Welpeloo paraît plus moderne et moins patchwork que les bureaux expérimentaux parisiens. Ce côté patchwork est tout à fait assumé de la part de Bellastock mais, à contrario, le fait de constituer un stock de matériaux de récupération ne permettrait-il pas d’anticiper d’avantage sur la conception et d’éviter un certain nombre d’aléas? Rotor S’agissant du projet Rotor, la démarche a dû intégrer un facteur supplémentaire : un usage limité dans le temps. La différence de conception réside surtout sur le côté temporaire de l’occupation des locaux. En effet, le fait d’intervenir dans un édifice en attente d’une réhabilitation crée des conditions particulières. Le bâtiment est au cœur de Paris mais temporairement abandonné, les espaces sont utilisables sans beaucoup de confort mais surtout sans exigence de rentabilité. Dans ce contexte, Rotor avance que certaines stratégies ou actions de déconstruction ou destruction partielle deviennent possibles et tout a fait pertinentes alors qu’elles sont difficilement applicables ailleurs. Ici, c’est la temporalité du projet qui a eu un impact sur le choix de conception et non l’inverse. Quand on fait de la récupération, on est obligé de faire des aller retour entre la conception de l’édifice et la manière dont on va assembler les matériaux récupérés. Ces derniers sont ils en concordance avec la conception ou bien faut il adapter celle-ci pour pouvoir réemployer ces matériaux ? C’est un continuel processus itératif entre la conception, l’approvisionnement des matériaux et la mise en œuvre sur le chantier.

CHAPITRE 2 - Quel impact sur le processus de projet ? - 45



II

INTÉGRATION ARCHITECTURALE DES MATÉRIAUX DE RÉEMPLOI


CHAPITRE 1 // Objectifs et enjeux

Il y a une dizaine d’année, le réemploi n’en était qu’a ses balbutiements. Il s’agit aujourd’hui de développer de nouveaux savoirs et savoir-faire qui soient spécifiques au réemploi et permettent d’élaborer des méthodes intégrant le réemploi dans un projet d’architecture. Parallèlement à la collecte des matériaux de réemploi se met en place une réflexion sur la manière de les assembler pour que le bâtiment ait un sens nouveau. C’est ce que nous appelons l’intégration architecturale. Quels en sont les objectifs, comment les atteindre, quels acteurs et quelles compétences faut-il mobiliser ?

1.1 / OBJECTIFS ET ENJEUX D’UNE PRATIQUE DU RÉEMPLOI DES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION Le réemploi de matériaux issus de la construction offre des opportunités intéressantes : dynamisation d’une économie locale, diminution de la production de déchets, diminution des impacts environnementaux. Cependant, comme déjà évoqué en première partie de ce mémoire, le réemploi fait face à de nombreux obstacles. Des freins économiques d’une part car si le coût de la matière est diminué, celui de la main-d’œuvre augmente de façon significative. Un frein culturel d’autre part : une vision négative du réemploi liée au temporaire, à l’urgence et à la notion de déchet et de l’aspect usé, ancien des matériaux récupérés. Comment éviter cette impression de minoration qualitative de certains usagers ? Il semble que reconnaître un élément réemployé ne soit pas problématique si la nouveauté et la cohérence globale prédominent. Réemployer des matériaux est une chose, faire de l’architecture à partir de matériaux récupérés en est une autre. Faire de l’architecture ce n’est pas seulement faire en sorte qu’un édifice tienne debout, c’est aussi prendre en compte l’environnement de la construction future, créer des espaces en fonction des usages et pour les usagers. Faire de l’architecture c’est maîtriser l’ensemble de ces paramètres dans le but de concevoir puis construire un bâtiment. Le réemploi ne doit pas être la finalité d’une architecture de réemploi, c’est un moyen, un processus de conception et de mise en œuvre. L’objectif de ce mémoire n’est pas de promouvoir la pratique du réemploi mais de voir comment faire de l’architecture avec des matériaux de récupération et ce que cela implique dans le processus de conception architecturale.

48 - Partie II - Intégration architecturale des matériaux de réemploi


PROJET

commande

MAÎTRISE D’OUVRAGE valide MAÎTRISE D’OEUVRE

PROJET

commande

propose

CONCEPTION

MAÎTRISE D’OUVRAGE valide MAÎTRISE D’OEUVRE

EXÉCUTION entreprises fournisseurs propose

consulte choisit

CONCEPTION FIGURE 13 consulte EXÉCUTION Projet d’architecture classique - Organisation verticale choisit entreprises PROJETMMZ document fournisseurs connaissances matériaux sensibilisation

MAÎTRISE D’OUVRAGE

sensibilisation

MAÎTRISE D’OEUVRE CONCEPTION

PROJET demande connaissances matériauxvolonté architecturale

EXÉCUTION entreprises fournisseurs

MAÎTRISE D’OEUVRE

MAÎTRISE D’OUVRAGE

CONCEPTION

demande

EXÉCUTION entreprises fournisseurs

volonté architecturale

FIGURE 14 Projet d’architecture de réemploi - Organisation horizontale document MMZ

CHAPITRE 1 - Objectifs et enjeux - 49


Est-il possible, au-delà des constructions manifestes de réemploi, de faire de l’architecture avec ces matériaux ? Comment (re)donner de la valeur, du sens à ces matériaux aux yeux des usagers? Dans quelle mesure la pratique du réemploi peut-elle devenir une pratique courante ?

1.2 / QUELS ACTEURS SONT IMPLIQUÉS ? D’une manière générale et simplifiée, les acteurs d’un projet sont : le maître d’ouvrage (privée ou public), le maître d’œuvre, bureaux d’études, artisans, et éventuellement les usagers lorsque le projet implique une consultation publique (cf. figure 13 page précédente). Il semble important que cette organisation verticale laisse place à une « hiérarchie horizontale » de tous les acteurs. II s’agit en effet d’impliquer tous les acteurs d’un projet dès la conception afin que chacun s’empare de la démarche, donne du sens à ce qu’il exécute et s’implique complètement dans cette nouvelle conception. Cela signifie que le concepteur doit associer à la démarche non seulement les hommes mais aussi mettre en exergue leurs savoir-faire professionnels. En fonction de ses compétences, chacun a une part de responsabilité dans la finalité du projet et peut apporter un éclairage différent, une approche spécifique et complémentaire (cf. figure 12 page précédente). En effet, chaque acteur impliqué dans un projet a des compétences spécifiques, l’enjeu est bien sûr d’en tirer le meilleur potentiel en leur accordant de l’intérêt et un rôle précis. Par ailleurs, dans la mesure où le réemploi tend à devenir une pratique courante, le rôle des architectes concepteurs est important. Car, comme nous l’avons vu dans la première partie et en comparaison avec des produits neufs, le choix des matériaux devient une étape particulièrement importante, qui demande une expertise spécifique, une vue d’ensemble sur le projet et une bonne connaissance des matériaux et de leur disponibilités. D’où l’importance pour l’architecte de savoir s’entourer des personnes présentant des compétences spécifiques et de les impliquer dans un projet aussi bien dans la construction que la conception. Lorsqu’il conçoit en partant d’un objet de réemploi dont il détourne l’usage, l’architecte trouve des combinaisons nouvelles qui rendent fertile le projet. L’innovation se trouve dans la conjonction du partage de savoirs et de savoir-faire, et des interactions générées par cette mise en commun.

50 - Partie II - Intégration architecturale des matériaux de réemploi


Pour opérer ces détournements de matière, l’architecte a parfois besoin de réquisitionner le savoir-faire spécifique d’artisans. Le réemploi les rassemble autour de l’expérimentation de la matière. Cela a été le cas pour le réaménagement d’un restaurant par l’agence d’architecture NA Architecture23 (cf figure 15 page suivante). Le mobilier a été réalisé en planches récupérées de différentes essences et dimensions, provenant de l’agglomération Grenobloise (bardage, lames de terrasse, etc.). Au-delà de la démarche économique et écologique du réemploi, ce procédé a permis de valoriser les savoir-faire de l’artisan, en limitant le coût des fournitures et en augmentant le temps de travail de la matière. Pour les deux architectes de l’agence, l’architecture est la rencontre entre « le regard subjectif d’une approche sensible, [que porte l’architecte,] et le regard objectif de la technique des artisans ouvriers »24.

23. Agence Grenobloise fondée en 2014 par Sébastien FABIANI et Mehtab SHEICK BADORDINE. 24. Propos recueilli lors de la journée d’étude « Récupérer / Réemployer / Réinventer » du 05 avril 2017 au sein de l’ENSA de Clermont-Ferrand.

1.3 / DÉPASSER LES FREINS AU RÉEMPLOI Réglementation Le réemploi est trop souvent confronté aux normes et aux règles (assurances, décennales, sanitaires, bureau de contrôle…) des marchés publics. Proposer des matériaux de réemploi reste délicat au regard de la législation. Les recherches, notamment initiées par Rotor et Bellastock, se poursuivent afin de combler un vide juridique. D’où l’intérêt de recourir à un juriste pour répondre au mieux aux exigences. Bien que l’alternative à la démolition ait fait ses preuves, on ne peut contraindre les acteurs de la construction à l’intégrer dans leurs projets. Rotor a édité un document intitulé Objectif réemploi. Pistes d’action pour développer le secteur du réemploi des éléments de construction en Région de Bruxelles-Capitale, qui, bien qu’à destination des acteurs de la construction en Belgique, s’adresse indirectement à tous les acteurs intéressés par le développement de telles filières : concepteurs, entrepreneurs, maîtres de l’ouvrage, administrations publiques, décideurs politiques, législateurs, revendeurs de matériaux, entrepreneurs en démolition… Il ambitionne de dresser un portrait inspirant de la place que pourraient prendre les pratiques de réemploi dans le secteur de la construction. Le Système Économie de la construction « L’absence de synergie entre chantier se retrouve à plusieurs niveaux : quantitatif, géographique et temporel. Il est intéressant de réaliser une évaluation économique des procédés développés dans la recherche afin de rendre lisible la répartition de la valeur économique générer par le réemploi

CHAPITRE 1 - Objectifs et enjeux - 51


FIGURE 15 en haut: Diversité de matériaux récupérés en bas: Échange entre Mehtab SHEICK BADORDINE (NA Architecture) et Thibaut DEFRANCE le menuisier Source NA architecture

52 - Partie II - Intégration architecturale des matériaux de réemploi


sur tous les (nouveaux) acteurs de la filière. Ainsi, celle-ci pourra se voir consolider et l’écoulement entre l’offre et la demande facilité »25. Les freins économiques sont principalement liés à l’adéquation aléatoire entre l’offre et la demande. En effet, nous avons déjà évoqué la nécessité de connaître la disponibilité des matériaux pouvant être récupérés et réemployés. En admettant que la demande de ces matériaux augmente, il deviendrait alors nécessaire de disposer d’un répertoire de ces offres de matériaux. C’est ce qu’ont pressenti Rotor et Superuse Studio qui ont mis en place des plateformes (respectivement www.opalis.be et wwws.oogstaart. nl) qui répertorient les matériaux de récupération sous forme de carte. Une autre méthode consiste à prélever ces matériaux directement à la source. À l’image de Bellastock qui considère les bâtiments comme un gisement et qui récupère ses matériaux de la démolition des anciens magasins Printemps pour construire et expérimenter au sein de l’Actlab. Si ces deux méthodes permettent de faciliter la récupération de matériaux issus de la construction et ainsi de faire des économies sur l’achat de matériaux neufs, un autre paramètre, également lié à l’économie, rentre en compte. Il s’agit du temps.

25. Bellastock, REPAR 2 Favoriser le réemploi en accompagnant les prescripteurs, p.5

Temps Construire avec des matériaux de réemploi prend du temps. Il faut en effet identifier les gisements, identifier les matériaux puis les acheminer et les stocker. Si, comme le dit l’adage, « le temps c’est de l’argent » ne serait-il pas temps de penser autrement ? Ne pourrait-on pas envisager ce temps comme une ressource ? Une ressource de connaissance, une ressource d’inspiration ? On pourrait par exemple envisager le temps de stockage comme étant aussi un temps d’usage où l’on pourrait expérimenter, communiquer et sensibiliser sur les matériaux de réemploi. Il est également raisonnable de penser que la filière du réemploi va se développer et ainsi réduire considérablement cette phase de collecte de matériaux.

1.4/ INTÉGRER LA DIMENSION HUMAINE Le réemploi doit être une véritable prise de position du concepteur. L’esthétique du réemploi, au-delà de l’aspect plastique d’un matériau, propose une autre dimension de lecture. Par le biais de l’ensemblage, le réemploi révèle la mémoire. Il permet une mise en valeur, voire la sauvegarde, d’un patrimoine. Épargner un matériau de la décharge, c’est lui permettre de

CHAPITRE 1 - Objectifs et enjeux - 53


continuer à s’exprimer par les traces et les usures dont il témoigne, il reflète les usages passés et donne à lire l’activité humaine dont il est imprégné. Cette pratique de l’architecture du réemploi implique une attitude volontaire pour mettre en oeuvre et véhiculer la richesse matérielle offerte par le réemploi des matériaux. Elle permet un autre regard sur la société, son patrimoine historique et humain. La récupération de matériaux de construction implique une conception différente. Cela crée une rupture définitive avec la conception ex-nihilo. Elle ajoute au contexte de paysage et de site de l’architecture invivo, un nouveau paramètre au cœur des bâtiments, au cœur de la matière : le matériau existant. On considère le matériau comme vecteur créatif qui n’est pas du tout dans une esthétique de la poubelle ou du déchet. Le matériau rajoute donc une dimension sensible et créative. Ne serait-ce pas là une des manières pour que le réemploi ne soit plus perçu comme une minoration qualitative mais constitue une plus-value reconnaissable ? Cette dimension sensible permettrait donc de conserver par fragments savamment orchestrés la mémoire d’un quartier, d’une ville. Pour la villa Welpeloo, l’agence Superuse Studio s’est servie du prétexte d’une explosion d’un site industriel pour en sublimer les débris au sein d’une construction nouvelle. Si les objets collectés n’étaient pas ceux de l’explosion, ils y faisaient néanmoins référence. Cette action de réemploi répare en assumant une cicatrice plutôt que par l’application d’un pansement. Le réemploi permet ainsi une sauvegarde de la mémoire locale, il met en valeur le patrimoine tout en réinventant l’architecture. À une tout autre échelle on peut évoquer le musée d’Histoire de Ningbo par l’architecte chinois Wang Shu. Une partie du bâtiment a été réalisée à partir de brique, de pierres et de tuiles recyclées conférant à l’ensemble un caractère unique mêlant modernité et passé architecturals. C’est en retrouvant les matériaux du passé dans les nouvelles constructions que l’architecture devient le reflet du bagage culturel et constructif des générations précédentes tout en économisant les ressources de la terre. Considérant l’importance des ressources humaines au même titre que les gisements de matériaux évoqués en première partie de ce mémoire, le réemploi apporte une dimension de transmission de savoir -faire. En effet, par leurs savoir-faire technique et leur connaissance du site, de la région et des matériaux (matière), les artisans sont une ressource locale. L’implication

54 - Partie II - Intégration architecturale des matériaux de réemploi


de ces acteurs participe à donner du sens à ce type d’architecture. Le réemploi redonnerait aux matériaux une valeur de transmission d’un savoir-faire technique au service d’une dimension plus sensible portée par l’architecture de réemploi. Les savoir-faire liés à la connaissance des matériaux à réemployer, sont générateurs de synergie humaine. De fait, ce type de conception lie le maître d’ouvrage, le maître d’oeuvre et l’artisan. Sans la volonté des uns et les compétences des autres, ce type de projet ne peut voir le jour. Si une filière de réemploi peut, en tant que ressource, soutenir un projet d’architecture de réemploi, ce sont bien les compétences et la maîtrise de savoir-faire technique qui apportent la cohérence à l’ensemble, que l’on peut alors qualifier d’ensemblage .

CHAPITRE 1 - Objectifs et enjeux - 55


CHAPITRE 2 // Comment ensembler ? 26. Huygen, JeanMarc, La poubelle et l’architecte, Actes SUD, l’Impensé, 2008. 27. Huygen, Jean-Marc, ibid. p.146

Une architecture de réemploi certes, mais pas une architecture de bricolage. Même si l’assemblage peut sembler être fait de bric et de broc, il est en fait strictement ingénieux, c’est à dire totalement pensé et structuré. Assembler des éléments de différentes origines, différentes matières, pour faire de l’architecture, est un acte qui demande davantage que des compétences manuelles et des savoir-faire artisanaux. C’est le concept d’ensemblage tel que décrit par Jean-Marc Huygen dans son ouvrage La poubelle et l’Archite26.

2.1 / L’ENSEMBLAGE SELON JEAN MARC HUYGEN Cette démarche nécessite de comprendre chacun des éléments afin de les assembler et d’en faire « un » élément. Il ne s’agit pas seulement de faire en sorte que l’élément final tienne, l’ensemblage raconte une histoire : histoire de chacun des matériaux et l’histoire de leur ensemblage. L’ensemblage c’est l’assemblage sémiotique des matériaux, c’est à dire un assemblage porteur de sens. L’ensemblage porte un sens en tant que tel, en tant qu’objet autonome mais il est également porteur du sens des différents matériaux qui le composent. Ainsi cet ensemblage peut être défini comme « l’interaction entre les différentes informations, la ‘’force d’attirance’’ entre les messages portés par les divers objets (forme, textures, couleurs, histoire des objets et de leur usage obsolète) »27. L’autonomie nécessaire de chaque objet, de chaque élément ensemblé, s’obtient par l’organisation des éléments qui le composent. C’est cette organisation que Jean-Marc Huygen appel l’ensemblage et qu’il décline en trois familles (cf figure 16 ce contre) : L’ensemblage par continuité : trouver dans un matériau ce qui est proche d’un autre matériau L’ensemblage par conjonction : faire appel à un troisième élément qui met en relation les deux premiers L’ensemblage par combinaison : le lien entre les matériaux est une partie de chacun d’eux. Mais une démarche n’a pas besoin d’être qualifiée d’ensemblage pour en être une application. Par exemple, une des façades du bureau de Bellastock a été réalisée à partir de matériaux issus de plusieurs collectes différentes. Il en résulte un certain patchwork, cependant l’ensemble de ces matériaux sont des dormants de portes ce qui confère une cohérence dans l’assemblage, une cohérence de forme mais également d’usage antérieur des matériaux (cf.

56 - Partie II - Intégration architecturale des matériaux de réemploi


FIGURE 16 Ensemblage par continuité, conjonction ou combinaison Source JM Huygen, La Poubelle et l’architece, p. 150

CHAPITRE 2 - Comment ensembler ? - 57


FIGURE 17 Façade réalisé à partir de dormants de portes source Clément Guillaume, www.clementguillaume.com

FIGURE 18 Espace de travail et de réception. source Rotor - http://rotordb.org/project/2013_LAF

58 - Partie II - Intégration architecturale des matériaux de réemploi


figure 17 ci contre). Cette cohérence se retrouve dans la mise en oeuvre de ces matériaux. En effet, mis à part le bandeau vertical, l’ensemble des dormants de portes a été assemblé verticalement. On peut d’ailleurs se demander si cette différence d’orientation du bardage est due à une volonté de conception de créer du rythme ou bien est-elle dûe à la quantité de matériaux disponibles au moment de la mise en oeuvre. Quoi qu’il en soit, la mise en oeuvre de cette façade illustre bien la notion d’ensemblage et plus particulièrement celle par continuité évoquée par Jean-Marc Huygen.

28. Jean Marc Huygen, Réemploi et artisanat, Matière Grise, Choppin J., Delon N., éd. du Pavillon de l’Arsenal, 2014, p.156

De même que la table confectionnée par Rotor qui possède son autonomie propre en tant que mobilier mais qui conserve l’autonomie des matériaux qui la composent. On reconnaît l’élément comme étant une table mais, si on y prête attention, on peut remarquer que cette table a été réalisée à partir d’éléments de récupération différents. C’est ce qu’on pourrait nommer un ensemblage par conjonction : c’est la fonction de l’objet ensemblé qui fait le lien entre les matériaux qui composent le plateau et les pieds (cf figure 18 cicontre). Au-delà de l’aspect technique d’un assemblage, l’ensemblage « est la mise en commun de matières, textures et couleurs diverses pour conduire à un tout harmonieux, de l’ordre de l’esthétique»28 . Il ne s’agit pas seulement de faire en sorte que l’élément final tienne, l’ensemblage raconte une histoire : l’histoire de chacun des matériaux et l’histoire de leur ensemblage. L’ensemblage c’est l’assemblage sémiotique des matériaux, c’est-à-dire un assemblage porteur de sens. L’ensemblage porte un sens en tant que tel, en tant qu’objet autonome mais il est également porteur du sens des différents matériaux qui le composent. Cet assemblage sémiotique ne serait-il pas le moyen de pallier à l’impression de minoration qualitative à aquelle le réemploi est sujet ? En effet, les objets de seconde main font l’objet d’un engouement certain et ce depuis longtemps. On ne va pas seulement chez le brocanteur ou dans les vide-greniers pour acheter moins cher, on y va également pour acquérir des objets qui ont une histoire. Au-delà de la logique énergétique ou économique, le recours à des matériaux usés affirme, d’un point de vue esthétique, un rapport au temps et un assemblage de matières et de couleurs. L’ensemblage, par sa capacité à être porteur de sens, ne serait-il pas le moyen d’assembler ces matériaux, d’origines et de composition diverses, de manière noble ? Noble dans le sens ‘au dessus du commun’, qui se distingue par sa qualité, qui manifeste de l’élévation. Autrement dit, ne serait-ce pas le

CHAPITRE 2 - Comment ensembler ? - 59


29. Léa Muller, Rotor ou quand la déconstruction se fait architecture, in www.chroniquesarchitecture.com, 17 janvier 2017

moyen de faire de l’architecture avec des matériaux de réemploi ? D’aller au delà d’un simple assemblage technique ?

2.2 / ENGAGER UNE REFLEXION PRÉALABLE La conception implique une réflexion préalable sur les matériaux, leur utilisation et leur transformation éventuelle. Mais dans la démarche d’ensemblage il est aussi impératif de prendre en compte l’usage passé, en quelque sorte l’histoire de ces matériaux et d’en conserver la forme initiale au maximum dans un nouvel usage. Prenons, par exemple, le cas de l’intervention de Rotor. Dans leur démarche de soustraction et recollage des matériaux déjà en place, l’équipe du collectif a conçu un espace de travail et de réception, ainsi qu’un espace cuisine attenant. Les anciens plafonniers de l’auditoire ont été habillés d’un encadrement réalisé à partir des portes d’armoires des bureaux. La table quant à elle a été fabriquée à partir d’éléments de faux plafond qui ont seulement été retournés, repeints et posés sur des pieds fabriqués à l’aide de portes coupefeu. Les réservations des luminaires dans le faux plafond ont été conservées, ce qui confère au produit fini une certaine esthétique portée par les marques de l’usage passé du matériau utilisé. Par ailleurs, on peut tout à fait envisager que ces cavités conservées pourront avoir un nouvel usage comme un passage pour des câbles d’alimentation d’ordinateur ou de luminaire par exemple. Si la pérennité d’un tel assemblage peut poser la question de la conservation de cette table dans les futurs locaux de la Fondation Lafayette ou bien se retrouver sur la plate-forme d’échange de matériaux de Rotor, il n’en reste pas moins que la démarche peut tout à fait être répétée et déclinée. On peut par exemple se référer au constat fait par Rotor qui, s’intéressant à des chantiers de construction postmoderne, a découvert que le bail moyen d’un bureau pour une entreprise était de neuf ans. «Que fait-on de tous ces matériaux, faux plafonds, cloisons et autres, qui au bout de neuf ans ne sont pas obsolètes ?»29. Par contre, le réemploi implique souvent de changer la forme initiale pour s’adapter à la conception, pour s’adapter à son nouvel usage, ce qui peut générer par exemple des surplus de matériaux, ou chutes à réutiliser. Du coup cela implique de savoir ce qu’on va faire de ces nouvelles chutes, pour éviter qu’elle ne deviennent à leur tour des déchets.

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FIGURE 19 Dépose minutieuse d’un faux-plafond source Rotor - http://rotordb.org/project/2013_LAF

FIGURE 20 Espace de travail et de réception. source Rotor - http://rotordb.org/project/2013_LAF

CHAPITRE 2 - Comment ensembler ? - 61


30. op. cité, Huygen, Jean-Marc, La poubelle et l’architecte, p. 31

« Principe de réduction des chutes : d’ abord, utiliser le matériau disponible selon sa plus grande dimension ; puis, si elles existent, utiliser les chutes au maximum ; puis seulement envisager le recyclage»30. Modifier le matériau peut impliquer une découpe et engendrer de nouvelles chutes : doit-on anticiper cette étape avec le calepinage ? On étudiera les dimensions à couvrir en fonction de la taille des matériaux disponibles afin que la chute issue de leur découpe soit utilisée ailleurs dans le but d’optimiser la matière. On reste ainsi dans la même logique. On peut citer, parmi d’autres exemples, un des quatre pavillons de l’espace culturel Le Channel à Calais dont la structure a été conçue par Patrick Bouchain : le Pavillon monolithe. L’habillage de ce pavillon a été conçu par une équipe d’étudiants en architecture qui a pris le temps d’étudier le calepinage de chaque tôle qui compose l’édifice afin que chaque chute soit réutilisée ailleurs. Ne pas trouver d’utilisation pour ces chutes c’est produire à nouveau des déchets et la démarche initiale perd en cohérence. Il en est de même pour la villa Welpeloo et la mise en œuvre de son bardage réalisé à partir des planches de bois d’anciennes bobines électriques. Outre l’exemple d’un ensemblage par continuité induit par l’usage passé de ce matériau ayant une incidence directe sur la dimension du bardage et le rythme qu’il crée sur la façade, cette dernière illustre également l’optimisation des chutes de matière (cf figure 21 ci contre). Nous avons vue dans la première partie que les matériaux récupérés influençaient fortement la conception et que cela nécessitait de s’adapter aux dits matériaux. Cependant, bien que dans une architecture de réemploi le matériau soit au cœur de la conception, n’oublions pas que le réemploi est un moyen de faire de l’architecture et non un objectif en soi. Une attention particulière est à apporter quant à l’optimisation de la matière afin qu’elle ne devienne pas une obsession et que cela prenne le dessus sur la conception et les intentions architecturales. Il s’agit d’un processus itératif entre l’étude du matériau récupéré, la conception et la mise en œuvre où l’enjeu final est de faire de l’architecture. Le temps passé à réfléchir à comment mettre en œuvre les matériaux récupérés pour les réemployer dans une construction est autant de temps gagné dans la mise en œuvre et permet une économie de matière et de moyens. Bien que l’optimisation des chutes ne soit pas spécifique au réemploi, l’intérêt

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lame entière lame partielle demies lames

chute

lame entière lames partielles

chute FIGURE 21 Optimisation des chutes de matières dans la conception et la mise en oeuvre photo Allard van der Hoek - document MMZ

CHAPITRE 2 - Comment ensembler ? - 63


31. De l’agence Superuse Studio

de cette démarche est d’être cohérent jusqu’au bout.

32. Ashes Magazine Publication about the projects and design philosophy of Superuse Studio, FELMULLER, Mel, in www.issu.com, juillet 2015, p.3

2.3 / REMISE EN CAUSE DE LA DISTINCTION ENTRE SAVOIR ET FAIRE

33. Franck Lloyd Wright, The Language of Organic Architecture, Architectural Forum, XCVIII, 1953, p. 106.

Connaître les matériaux L’ensemblage requiert une parfaite connaissance des matériaux de réemploi. Ce n’est pas tant le réemploi qui implique diverses compétences dans un projet architectural, n’importe quel projet d’architecture requiert l’intervention de différents corps de métiers, c’est la volonté de faire de l’architecture avec des matériaux de récupération qui implique de meilleures connaissances des matériaux. Pour faire de l’architecture avec du réemploi, il est nécessaire d’avoir plus que des compétences techniques, il faut également des connaissances sur les matériaux. Césare Peeren31 explique l’importance d’avoir une grande compréhension des dimensions et propriétés fonctionnelles des matériaux de construction disponibles. La clé étant d’ « écouter le matériau et de travailler avec lui plutôt que contre lui : de nouvelles structures, de nouveaux dessins, et usages émergent alors qu’on ne les aurait pas découverts si l’on avait commencé par dessiner l’idée et essayer de rendre le matériau compatible par la suite »32. Nous savons que l’on dispose de nombreux matériaux en quantité très importante, les architectes n’ont plus à gérer les stocks de matériaux quand ils conçoivent. C’est l’héritage des Modernes qui nous ont appris à industrialiser les choses, à les simplifier, à oublier les ornements. C’était l’époque du rythme et de la systématisation de trames structurelles ou fonctionnelles. On y a gagné en rapidité et en maîtrise des coûts. On affirmait alors la volonté de maîtriser le bâtiment du début à la fin : « la partie est au tout comme le tout est à la partie »33. Tout est interdépendant, tout est lié tout en étant autonome. Cependant, cette profusion de matériaux nous a fait oublier leurs propriétés. On tend à perdre le rapport aux matériaux, à oublier pourquoi on utilisait de la brique, du bois ou de la pierre. Par exemple, quand on veut construire un mur on fait un choix esthétique ou économique, « je préfère le bois car la pierre fait ancien », « j’aime le côté industriel de la brique »

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ou bien « le bois est plus cher que le parpaing, non ? ». On se pose moins la question de la pertinence du choix de tel ou tel matériau en fonction de leurs propriétés d’inertie, de conductivité ou d’hygrométrie. Les bâtisseurs Modernes expérimentaient et éprouvaient les matériaux pour tester leur potentialité. Cette « re découverte » ou connaissance des matériaux dans la construction permet d’utiliser au mieux les matériaux et d’optimiser leurs propriétés. Ceci est d’autant plus vrai quand on souhaite construire avec des matériaux de réemploi car on peut ainsi multiplier les opportunités de réemploi. Par exemple, une porte en bois peut être réutilisée comme une porte dans une nouvelle construction ou bien être mise en oeuvre en tant que vêture de la même manière que l’on met en oeuvre du bois en bardage: le matériau bois en effet, a la capacité de gérer l’humidité de l’air et, selon l’essence, possède une certaine résistance à l’eau. C’est surement la raison pour laquelle Superuse Studio et Bellastock ont mis en œuvre du bois sur leur façade. Il est par ailleurs important de savoir comment le matériau était mis en oeuvre, quelle était sa fonction dans l’édifice. Connaître et comprendre la manière dont était sollicité le matériau récupéré permet de le remettre en œuvre de la meilleure façon. En effet, ce matériau a été éprouvé dans cet usage et a donc déjà prouvé sa résistance mécanique et sa résistance aux éléments. Les volets récupérés pour la Vegan House à Ho Chi Minh City au Vietnam en sont l’illustration (cf figure 22 page suivante). Ils sont utilisés pour une question esthétique d’une part mais également technique. En effet les persiennes permettent d’empêcher les rayons du soleil de pénétrer dans le bâtiment tout en laissant l’air circuler. Plutôt que d’utiliser ce système uniquement aux fenêtres, les architectes ont mis en œuvre ces volets sur la quasi totalité de la façade ainsi qu’une partie de la toiture. Si l’idée est simple, le résultat illustre l’intelligence de mise en œuvre et d’optimisation des propriétés d’un matériau. Cet ensemblage allie la technicité de mise en œuvre, l’esthétique et la qualité d’usage par l’utilisation d’un simple matériau. Avec l’ensemblage, on s’oblige à « retrouver » le matériau, à se réapproprier les connaissances des matériaux par le biais de la pratique du réemploi. Non pas en disant qu’on va réinventer l’industrie mais en se servant à nouveau de ce qui a déjà été fabriqué. On se réapproprie les matériaux comme une nouvelle ressource, une matière première secondaire.

CHAPITRE 2 - Comment ensembler ? - 65


FIGURE 22 Vegan House, Block Architects, Ho Chi Minh City, Vietnam, 2014 photo de Quang Tran

66 - Partie II - Intégration architecturale des matériaux de réemploi


Connaître la matière Nous avons aujourd’hui affaire à de plus en plus de matériaux différents pour un même usage. Nous avons par exemple le choix d’utiliser le bois, la brique, ou bien le plâtre pour faire une cloison. Avant il y avait une raison à l’emploi de tel ou tel matériau mais aujourd’hui, avec l’industrialisation et la standardisation des matériaux de cloisonnement, on ne garde que le côté esthétique, on donne le choix de l’esthétique de notre cloison. Mais du coup on perd le sens de l’emploi de la matière, on se pose moins la question de pourquoi utiliser tel matériau plutôt qu’un autre. Le bois par exemple a des qualités thermiques et hygrométriques car il est peu conducteur et gère très bien le taux d’humidité.

34. Intervention de Jean Marc Huygen à l’occasion du cycle de formation Ekopolis «Concevoir et construire durable, du territoire au bâtiment», 4 décembre 2009.

La Réglementation Thermique 2012, visant la diminution de la consommation énergétique des constructions, a engendré la conception de maisons de plus en plus performantes. Cependant, l’un des critères pour y parvenir est l’étanchéité à l’air et cela à donne lieu à des maisons où l’air ne circulait plus (ou mal) naturellement. C’est pourquoi, ce sont vu généraliser les Ventilation Mécanique Contrôlée double flux visant, notamment, à renouveler l’air des logements. Mais la VMC est-elle toujours pertinente ? Certains types de parois on en effet des propriétés perspirantes gérant l’humidité y circulant et qui laissent l’air circuler. Je pense notamment aux murs en pierre ou en pisé. Donc créer une paroi étanche à l’air à l’intérieur de ce type de construction est contradictoire et peut engendrer des problèmes d’humidité dans ces parois. C’est une méconnaissance des matériaux qui a engendré ce genre de phénomènes. Il faut plus de capacités techniques, plus de compétences pour réemployer car il faut savoir comment assembler le matériau de récupération, comment le mettre en oeuvre et où le mettre en oeuvre. Mobiliser les compétences « Le travail transdisciplinaire permet de croiser savoirs et savoir-faire. L’architecte doit travailler, en amont, avec l’ingénieur, le créateur textile, l’artiste, le sociologue, le paysagiste… Ensemble, ils peuvent élaborer des dispositifs complexes »34. Les compétences à mobiliser pour réaliser un ensemblage de matériaux de réemploi ne diffèrent pas radicalement d’un travail avec des

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35. Terme emprunté à l’illustration de Benoît Bonnefrite, in Matière Grise, Choppin J., Delon N., éd. du Pavillon de l’Arsenal, 2014,p.21. 36. Paul Chantereau, Conférence du Mois du Réemploi, Réemploi : Matières, Construction, Architecture, Maison de l’Habitat, ClermontFerrand, 23 mars 2017.

matériaux neufs. Disons qu’elles doivent intégrer une part de « matière grise». Ainsi, l’artisan ne doit pas seulement maîtriser l’élément finit, il doit aussi maîtriser la matière. Le plaquiste et le plâtrier35 Le plâtrier à des compétences sur la matière tandis que la plaquiste à des compétences sur l’assemblage. Il met en oeuvre des panneaux et des matériaux préfabriqués et prêts à l’emploi comme les plaques de plâtre ou les cloisons alvéolaires. Le plâtrier quant à lui fait lui même son plâtre avant de le mettre en œuvre. Il est donc nécessaire qu’il connaisse la matière qu’il utilise pour fabriquer son matériau au mieux et le mettre en œuvre comme il se doit. Le travail du plaquiste et sa légitimité sur certain chantier ne sont pas ici remis en question il s’agit seulement d’une image permettant de parler de connaissance de la matière et des matériaux associés. La majeure partie des matériaux qui ont servies à la construction du bureau de l’Actlab est issue de la récupération. La construction s’est faite au « coup par coup et tout a été conçue et réalisée de manière artisanale »36. Il a donc été nécessaire de faire appel à des savoir-faire particuliers. Cela a été l’occasion de mobiliser les membres de l’association qui sont par ailleurs menuisier, charpentier ou maçon. Par ailleurs, Bellastock accueille de nombreux étudiants en architecture chaque année et cette construction a été l’occasion de faire un chantier école : transmettre les compétences et les connaissances en matière de matériaux de réemploi et de mise en œuvre de ceux-ci. Toujours avec un souci de pédagogie et de sensibilisation, Actlab est ouvert aux habitants, aux usagers, aux professionnels de l’aménagement et aux artistes, curieux d’appréhender autrement la fabrique de la ville, sans « trou noir » dans l’espace urbain. Durant la transformation du quartier du Clos Saint Lazare, plusieurs prototypes ont été construits sur cet espace, nommé La fabrique du Clos, à partir de matériaux réutilisés pour créer une continuité entre le passé et le futur de ce quartier. L’objectif principal étant de tisser du lien social entre les habitants et les structures locales (écoles, associations de quartier, régie de quartier) au sein même de ce nouveau lieu de vie. Pour impliquer les habitants du quartier dans le projet et permettre une réelle transmission de compétences, le chantier s’est déroulé conjointement avec 4 artisans

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FIGURE 23 Opus incertum et mur en pierre sèche à la Fabrique du Clos photo Bellastock

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37. De l’agence Superuse Studio.

de Bellastock, 5 jeunes employés par la régie de quartier du Clos Saint Lazare ainsi que 8 stagiaires en architecture-paysage. La Fabrique du Clos, équipement de chantier expérimental proposé par Bellastock, à l’origine de la conception hybride de chantier dans des sites en transformation, s’ancre dans le projet de Rénovation Urbaine du Clos Saint-Lazare à Stains. À l’échelle du quartier, le projet vise à le désenclaver et à le transformer en profondeur pour le mieux vivre des habitants. La Fabrique s’implante sur un lieu vacant et hybride depuis la démolition d’une tour. Cette friche sert à la fois de recyclerie pour stocker les matériaux issus de la démolition, d’expérimentations de prototypes en réemploi pour les futurs espaces urbains et bâtiments, de lieux de convivialité pour les habitants (jardin, scène...), de formation (chantier avec des entreprises en insertion). A l’échelle territoriale, ce projet constitue une capsule pour mettre en place une filière de réemploi des matériaux et développer l’attractivité économique du territoire. La recyclerie de chantier constitue un lieu de valorisation de matériaux issus de la démolition du quartier devenus matériaux à construire. Elle est aussi une vitrine démonstrative des opportunités du réemploi. Elle permet de proposer des aménagements publics en conception et construction collectives, avec une maîtrise d’œuvre et d’ouvrage participative, d’intégrer le chantier à la vie du quartier afin de favoriser l’appropriation par tous des futures constructions. Ces projets illustrent bien l’interaction globale engendrée dans ce type de démarche. La manipulation de la matière ne serait elle pas une des étapes clés ? Ne permettrait-elle pas de valider ou d’invalider des hypothèse que le porteur de projet à déjà en tête (phase entre collecte et conception, cf figure 12p.43) ? Mais à plus forte raison, le temps d’expérimentation pourrait permettre des découvertes insoupçonnées, en apportant de l’originalité et de l’intérêt. Citons Superuse Studio et la structure en acier issu d’une machine de l’industrie textile utilisée pour la structure de la villa Welpeloo. La démarche d’une architecture de réemploi s’accompagne ainsi d’une remise en cause de la traditionnelle distinction entre savoir et faire (hiérarchie verticale) où le savoir serait l’apanage de l’architecte et le faire celui des artisans et ouvriers. Rotor et Bellastock, par exemple, architectes et designers, ont su à l’étape expérimentale s’entourer de compétences diverses, travailler et

70 - Partie II - Intégration architecturale des matériaux de réemploi


apprendre des soudeurs, plaquistes, menuisiers, maçons... Ils se consacrent au façonnage in situ de matériaux récupérés plutôt qu’à une maîtrise d’oeuvre pilotée à distance. Césare Peeren37 explique l’importance d’avoir une grande compréhension des dimensions et propriétés fonctionnelles des matériaux de construction disponibles. La clé étant d’ « écouter le matériau et de travailler avec lui plutôt que contre lui : de nouvelles structures, de nouveaux dessins, et usages émergent alors qu’on ne les aurait pas découverts si l’on avait commencé par dessiner l’idée et essayer de rendre le matériau compatible par la suite»38 .

38. Paul Chantereau, Conférence du Mois du Réemploi, Réemploi : Matières, Construction, Architecture, Maison de l’Habitat, ClermontFerrand, 23 mars 2017.

CHAPITRE 2 - Comment ensembler ? - 71



CONCLUSION


Conclusion

Vers une architecture de réemploi,

Pour donner un sens aux matériaux récupérés, nous nous sommes attachés ici à comprendre la spécificité des matériaux de réemploi à travers les acteurs actuels de cette pratique, en nous posant la question de savoir si elle pourrait devenir un outil de conception pour l’architecte en dépassant le stade de l’expérimentation. Tout au long de ce mémoire nous nous sommes efforcés de répondre à deux questions principales. Comment donner une valeur spécifique aux matériaux de réemploi, sans générer une impression de minoration qualitative pour l’usager et convaincre les architectes que cette voie est vertueuse ? Dans quelle mesure la pratique du réemploi peut-elle devenir une pratique courante ? S’agissant de l’impression de minoration qualitative nous avons vu qu’elle pouvait être parfaitement évitée et dépassée, notamment par l’intégration de la notion d’ensemblage : en donnant un sens aux matériaux utilisés, en tenant compte de leur histoire et de leur destination initiale et en intégrant ces éléments dans le nouvel ouvrage, qui de ce fait n’est plus un empilement de matériaux récupérés mais une oeuvre nouvelle avec son sens propre. De notre point de vue, l’ensemblage dans la pratique de l’architecture de réemploi élève la notion de glanage, de bricolage et d’assemblage au rang de théorie architecturale. En ce sens où elle est emprunte de technique, d’ingénierie mais aussi de poésie. En effet, dans chacun des projets exposés dans ce mémoire, le matériau réemployé, intégré dans un ensemble, conserve néanmoins les traces de son premier usage. C’est en cela que, comparé à un matériau neuf, l’écriture de l’ensemblage nous apparaît comme poétique. Conjointement à la satisfaction de réemployer un matériau voué à la destruction, cette valeur multiple l’éloigne de la notion de déchet.

74 - Conclusion

Quant à la possibilité que l’architecture de réemploi devienne une


pratique courante, nous nous sommes attachés à démontrer qu’elle est raisonnablement envisageable, en adoptant une démarche spécifique, un protocole transmissible. En premier lieu, constituer un inventaire ouvert des matériaux réutilisables. C’est la première étape pour ancrer une pratique en plein essor. Tel qu’évoqué pour le recyclage, si signaler la disponibilité d’un matériau dont on a plus besoin sur une plate forme d’échange ouverte devient un reflexe, alors il sera plus facile pour chacun de piocher dans ce stock établi et répertorié. Ainsi, on ajoute au catalogue des possibilités pour optimiser la consommation de nos ressources. Ensuite, mettre en place un système de repérage et de collecte des matériaux de réemploi, en privilégiant l’approvisionnement local. La déconstruction devient ainsi une nécessité pour préserver la ressource que constitue le matériau à réemployer. Enfin, sensibiliser tous les acteurs, de la conception à la réalisation, à la nécessité de raisonner le choix des matériaux, leur nature, leur origine et leur mise en oeuvre, de manière à donner un sens particulier au nouvel ouvrage et à lui conférer une plus-value reconnaissable. Ce sont ces éléments qui constituent le point de base nécessaire, impératif à la constitution d’une filière et permettra l’émergence d’une pratique admise par tous. La principale difficulté dans ce travail de recherche est que le sujet est volatil en ce sens que l’objet est en création. Il y a énormément d’acteurs qui sont en train de tester ces méthodes, et de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Cette pratique encore à la marge et il est très difficile de dresser une liste exhaustive de tous les acteurs de cette (r)évolution. Néanmoins, un inventaire plus large de propositions concrètes en matière de conception et de réemploi de matériaux issus de déconstruction, intégré à un système comparatif serait porteur de plus d’informations afin d’approfondir cette analyse. Reconnaisson que l’on a aujourd’hui très peu de retours d’expériences sur la systématisation de ce type d’architecture à l’échelle des constructions « répétitives » (lotissements, habitations collectives…) ; en effet, chaque acteur du réemploi expérimente la démarche qui est propre à

Conclusion - 75


chaque situation de projet. S’il apparaît que l’architecture de réemploi est déjà utilisée dans les opérations de réhabilitations et reconversions (friches industrielles), il serait intéressant d’étudier les possibilités d’anticipation du réemploi dans les constructions neuves dès la conception. Ces principes de réemploi pourraient être intégrés dans un contexte d’architecture modulable et de mutabilité des édifices. Ainsi, le réemploi permettra d’être le support de la multiplicité d’usages dans la durée de vie des bâtiments. En ce sens, cette anticipation pourrait concerner l’intégration de possibilités de réemplois dans le choix des matériaux neufs. Ainsi, nous pourrions opter pour des procédés techniques facilitant la déconstruction et le réemploi. Est ce que la question du réemploi peut aboutir à la création d’une filière et à une pratique architecturale établie ? Ou bien n’est-ce qu’une étape temporaire vers une systématisation de la prise en compte du potentiel de réemploi des matériaux dans les constructions neuves ? Finalement, à travers le réemploi d’un matériau,remet-on en question la pérennité d’un bâtiment ? A t-on besoin de lier un usage à la pierre ?

76 - Conclusion


Conclusion - 77



Biblio Webo GRAPHIE Icono


Bibliographie

AMSING, Tatiana, Le réemploi : mutation du cerveau de l’architecte ?, Mémoire de recherche en Master d’Architecture, ENSAP Lille, mai 2016. BELLASTOCK, LabCDC, Guide pour maîtrise d’ouvrage - La Fabrique du Clos, Mardaga, 2016. BILLIET, LIONEL, DEVLIEGER, LIONEL, GHYOOT, MICHAËL, WARNIER, ANDRÉ - Rotor, Déconstruction et réemploi. Comment faire circuler les éléments de construction, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR), collection Architecture, janvier 2018. BOUDALI, Maeva, Le réemploi des matériaux dans la conception architecturale, mémoire de Master 1 Archtiectecture et Cultures Constructives, ENSA Grenoble, Avril 2014. CHOPPIN Julien, DELON Nicolas, Matière grise : Matériaux, réemploi, architectur, éd. du Pavillon de l’Arsenal, 2014. DAVOINE, Gilles, Le réemploi de matériaux : bricolage ou architecture?, in AMC n°249, mars 2016. DRAPEAU, Lambert, Rémploi : Comment le réemploi se développe-t-il audelà des architectures manifestes ?, ENSA Nantes, 2017. EVENO, Erwan, [Consumérisme, Gaspillage, Obsolescence, Réemploi] Un marché de seconde main. Le réemploi a-t-il sa place dans l’architecture ? , 2013. FITZ, Angelika, RITTER, Katharina, Architekturzentrum Wien Az, Assemble: How We Build. Hintergrund 55, Park Books , 2017. HUGRON, Jean-Philippe, Vers une industrie du réemploi, in L’architecture d’Aujourd’hui, n422, déc. 2017, p.44-49. HUYGEN, Jean-Marc, La poubelle et l’architecte, Actes SUD, l’Impensé, 2008. LE BERRE, Marion, Sur le tas, Association Bellatock, in EcologiK n°34, p.1415, septembre 2015. LOCHON, Christina, Le réemploi par les Bâtisseurs d’Emmaüs : une conception architecturale qui s’adapte au savoir-faire ou au matériaux ?, 2012. LOZE, Pierre, SHUITEN, Luc, Archiborescence, Mardaga, 2006. NAMIAS, Olivier, Réemploi : quand l’architecte part à la chasse aux matériaux, in CREE n°376, p. 112-119, 2016.

80 - Bibliographie


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Bibliographie - 81


Webographie

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POUCHARD, Alexandre, Comment San Francisco s’approche du « zéro déchet », URL : http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/05/28/comment-sanfrancisco-s-approche-du-zero-dechet_4421676_3244.html, mise en ligne le 28 mai 2014. POUTHIER, Adrien, Réemploi, recyclage, démontage… Des solutions pour des bâtiments zéro déchet, URL : https://www.lemoniteur.fr/article/ reemploi-recyclage-demontage-des-solutions-pour-des-batiments-zero-dechet-32178733, mise en ligne le 29 avr. 2016. PROTAIS, Marine, Egis et Icade œuvrent pour le réemploi des matériaux de construction, URL : https://www.usinenouvelle.com/article/egis-et-icadeuvrent-pour-le-reemploi-des-materiaux-de-construction.N600863, mis en ligne le 17 oct. 2017. TREVISAN, Kim-Olivier, Retrouver le savoir-faire artisanal pour préserver les ressources naturelles, URL : http://www.ecologiehumaine.eu/retrouver-lesavoir-faire-artisanal-pour-preserver-les-ressources-naturelles/, mis en ligne le 13 juin 2013.

Webographie - 83


Iconographie

COUVERTURE Bureau de l’Actlab, Bellastock source Clément Guillaume, www.clementguillaume.com FIGURE 1 37 millions de Tonnes, c’est la part des déchets ciblée pour le réemploi chiffre : ADEME 2010 FIGURE 2 Nombre d’équvalent Temps Plein pour 10 000 T de déchet traités données : ORDIF document Mathieu Marché Zerna (MMZ) FIGURE 3 Cycle de la matiére, document MMZ FIGURE 4 Stockage des fenêtre récupérées sur le chantier de l’immeuble de logements sociaux source : Bellastock - Architecture et réemploi: Nouveau territoire d’économie circulaire FIGURE 5 Façade du Bureau sur l’Actlab réalisée en dormants de portes source : Bellastock - Architecture et réemploi: Nouveau territoire d’économie circulaire FIGURE 6 Réseaux d’extincteur automatique à eau. source : Bellastock - Architecture et réemploi: Nouveau territoire d’économie circulaire FIGURE 7 Bois récuépéré sur bobine de fil electrique pour réaliser le bardage de la villa Welpeloo document MMZ FIGURE 8 Dépose, récupération et repositionnement des matériaux dans les futurs locaux de Lafayette Anticipation. document de Rotor / modifié MMZ FIGURE 9 Carte de récolte, extrait d’un article en ligne datant de nov. 2015

84 - Iconographie

https://www.biorama.eu/harvest-map/ FIGURE 10 Carte de récolte, consulté en nov. 2017 https://www.harvestmap.org/ FIGURE 11 Carte de récolte spécifique à la Villa Welpeloo Document MMZ FIGURE 12 Les différentes temporalités de projets documents MMZ FIGURE 13 Projet d’architecture classique - Organisation verticale document MMZ FIGURE 14 Projet d’architecture de réemploi - Organisation horizontale document MMZ FIGURE 15 en haut: Diversité de matériaux récupérés en bas: Échange entre Mehtab SHEICK BADORDINE (NA Architecture) et Thibaut DEFRANCE le menuisier Source NA architecture FIGURE 16 Ensemblage par continuité, conjonction ou combinaison Source JM Huygen, La Poubelle et l’architece, p. 150 FIGURE 17 Façade réalisé à partir de dormants de portes source Clément Guillaume, www.clementguillaume.com FIGURE 18 Espace de travail et de réception. source Rotor http://rotordb.org/ project/2013_LAF FIGURE 19 Dépose minutieuse d’un faux-plafond source Rotor http://rotordb.org/ project/2013_LAF


FIGURE 20 Espace de travail et de réception. source Rotor - http://rotordb.org/ project/2013_LAF FIGURE 21 Optimisation des chutes de matières dans la conception et la mise en oeuvre photo Allard van der Hoek - document MMZ FIGURE 22 Vengan House, Block Architects, Ho Chi Minh City, Vietnam, 2014 photo de Quang Tran FIGURE 23 Opus incertum et mur en pierre sèche à la Fabrique du Clos photo Bellastock

Iconographie - 85



TABLE DES MATIÈRES


Remerciements Sommaire

4 6

Introduction

10

Note sur la méthodologie de travail

17

PARTIE I - Les sources d’approvisionnement des matériaux de récupération

24

Chapitre 1 // Contextualisation du réemploi en architecture 1.1 / Dynamique du reemploi : sa place dans le cycle de la matiere 1.2 / De quels matériaux parle-t-on? Les matériaux issus du secteur des bâtiments Matériaux issus de l’industrie Les matériaux in-situ 1.3 / quels sont les gisements de matériaux de récupération ? Superuse studio : une banque de matériaux Bellastock : la déconstruction comme gisement Rotor : anticiper la fonction future du lieu

25 25 27 27 30 30 32 32 34 35

Chapitre 2 // Quel impact sur le processus de projet ? 2.1 / Méthodologie de collecte Bellastock, à l’affut des opportunités La recherche méthodologique de superuse studio La démarche particulière du collectif rotor 2.2 / Intérêt d’un périmètre de collecte : valoriser l’échelle locale 2.3 / Impact sur la conception

37 37 37 39 39 40 41

PARTIE 2 - Intégration architecturale des matériaux de réemploi

46

Chapitre 1 // Obectifs et enjeux 1.1 / Objectifs et les enjeux d’une pratique du réemploi des matériaux de construction 1.2 / Quels acteurs sont impliqués ?

47 47

88 - Table des matières

49


1.3 / Dépasser les freins au réemploi Réglementation Le système économique de la construction Temps 1.4/ Intégrer la dimension humaine

50 50 50 52 52

Chapitre 2 // Comment ensembler ? 2.1 / L’ensemblage selon jean marc huygen 2.2 / Engager une réflexion préalable 2.3 / Remise en cause de la distinction entre savoir et faire Connaitre les matériaux Connaître la matière Mobiliser les compétences

55 55 59 63 63 66 66

Conclusion

72

Bibliographie Webographie Iconographie

79 81 83

Table des matières- 89


4e de COUVERTURE Bureau de l’Actlab, Bellastock photos Clément Guillaume, www.clementguillaume.com


Vers une architecture de réemploi, pour donner un sens aux matériaux récupérés, nous nous sommes attaché ici à comprendre la spécificité des matériaux de réemploi à travers les acteurs actuels de cette pratique, en nous posant la question de savoir si elle peut devenir un outil de conception pour l’architecte en dépassant le stade de l’expérimentation. Tout au long de ce mémoire nous nous sommes efforcé de répondre à deux questions principales.

Comment donner une valeur spécifique aux matériaux de réemploi, sans générer une impression de minoration qualitative pour l’usager et convaincre les architectes que cette voie est vertueuse ? Dans quelle mesure la pratique du réemploi peut-elle devenir une pratique courante ? MOTS CLÉS : RÉEMPLOI - CONSTRUCTION - ARCHITECTURE - MATÉRIAUX RÉCUPÉRATION - MISE EN OEUVRE - PROCESSUS Mémoire encadré par Shahram ABADIE et Rémi LAPORTE dans le cadre du séminaire du domaine d’études Eco-conception des territoires et espaces habités. ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 École Nationale Supérieure d’Architecture de Clermont-Fd 85 Rue du Docteur Bousquet 63000 CLERMONT-FERRAND


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