Ossip Lubitch (1896-1990) d'Odessa à Montparnasse

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OSSIP

LUBITCH 1896-1990

D’ODESSA À MONTPARNASSE

GALERIE LES MONTPARNOS


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VUE DE L’ATELIER Rue d’Odessa 1945 - Huile sur toile - Signée en bas à droite - 38 x 46 cm


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ssip Lubitch, originaire de Grodno (Biélorussie), étudie à l’Académie des Beaux-arts d’Odessa. De 1919 à 1923, il travaille à Berlin où il réalise des décors pour le fameux théâtre l’ « Oiseau bleu », pour l’Opéra et d’autres scènes berlinoises. Arrivé à Paris, en 1923, il s’installe à Montparnasse. On retrouve dans l’expression artistique de Lubitch les influences culturelles de son pays d’origine, du Berlin des années vingt, des grands maîtres (Rembrandt, Daumier, Degas, Goya) et des contacts avec des peintres, sculpteurs et musiciens du monde entier dans l’ambiance artistique de Montparnasse. Mon père est mort à l’âge de 94 ans. Il ne m’a guère parlé de son passé, remettant toujours à plus tard son récit. Ainsi j’ignore presque tout de sa jeunesse à Grodno, de sa vie à Odessa et à Berlin, de son arrestation à son atelier de la rue d’Odessa par les gendarmes français en 1944, de son internement à Drancy où il a fait de nombreux dessins qui, mieux que les mots, disent l’irréparable du désastre. C’était un homme silencieux, très sensible, et qui s’animait dès qu’il entendait parler russe, allemand ou yiddish.

VUE DE L’ATELIER 1975

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Quelques années après la guerre, mon père fait la connaissance de ma mère, artiste peintre. Elle était l’élève d’André Lhote dans son Académie du 18 rue d’Odessa, et devint celle de mon père. Je me souviens de son atelier de la rue d’Odessa, où flottait l’odeur de la térébenthine, de son poêle Godin au milieu de la pièce, de ses amis artistes peintres,Volovick dont la femme Lya donnait des cours de danse de caractère, Dobrinsky, Naiditch, Krémègne, Pikelny, Pougny, Indenbaum, Schreter, Mané-Katz qui aimait me faire des farces. J’étais bien petite ; et de ses amis musiciens, la pianiste, Monique Haas et son mari, le compositeur Mihalovici qui étaient liés au milieu des compositeurs de l’École de Paris. Mon père aimait la musique classique et contemporaine. Il savait apprécier la virtuosité d’Arthur Rubinstein ou le jeu subtil de Leonid Kogan. Il m’emmenait souvent écouter des concerts. La musique, c’est le complément de la vie, pensait-il. Nous allions chaque année en Provence - terre d’inspiration et d’expression pour mes parents. Chaque jour, mon père allait travailler en plein air, sur le motif. Souvent, des enfants l’entouraient en silence ou bien lui posaient des questions. Ce qui l’enchantait. Une fois, il est revenu à la maison sans toile. Le mistral l’avait emportée dans le canal des Alpilles ! Je me souviens très bien du regard de mon père observant la nature, des odeurs des tubes de couleur et du bruit des pinceaux sur la toile. Il aimait lire Pouchkine et surtout Gogol. Il aimait son pays qu’il avait quitté pour rejoindre la « Capitale des arts ». En 2012, le Musée national des beaux-arts de Minsk m’a invitée au vernissage de l’exposition « Peintres de l’École de Paris, originaires de Biélorussie ». À cette occasion, j’ai eu la chance de visiter sa ville natale, Grodno où j’ai pu admirer le vieux château qui domine le fleuve Niémen, du haut de sa colline. Ce château dont mon père parlait souvent. C’était bien sûr, très émouvant. ◆ Dinah Lubitch

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PORTRAIT DE FEMME AU GILE T ROUGE 1948 - Gouache sur papier - Signée en bas à droite - 39 x 33,5 cm


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NOTRE-DAME DE PARIS 1926 - Huile sur toile - Signée en bas à gauche - 73 x 54 cm


QUAI DE SCÈNES Ossip Lubitch… Le nom est familier. On l’entend comme celui d’un lointain cousin qui fait partie de la famille mais dont on ne se souvient plus. Ossip Lubitch… Montparnasse, l’entre-deux-guerres, oui, c’est là que le nom me revient. Et puis il y avait eu ce tableau qu’on avait vu, ces autres noms qui viennent naturellement à l’esprit lorsque l’on prononce le sien, Soutine, Krémègne, Indenbaum… Et puis un jour chez un ami, ce portrait de femme, et une vue de Paris, les quais de Seine, un pont, deux huiles, pleines de force retenue et toute de sensibilité de tons, avec au bas de chacune, bien visible, cette signature : Lubitch… Ossip Lubitch…

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Découvrir son œuvre, entrer dans son atelier, c’est d’abord éprouver le monde comme une scène merveilleusement animée. La réalité est filtrée par tout un univers de personnages appartenant aux arts de la musique et du spectacle. Le peintre n’a-t-il pas quitté son pays, sa famille, pour les lumières de Paris ? Il arrivera à la croisée des routes, aux rues du Carrefour Vavin des années 20, dans ces nuits bruissant d’extravagances. C’est une fête, un excès prolifique et joyeux, née des tranchées, qui découpe sans mesure les heures illuminées en tranches d’éternité.


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C’est le Montparnasse des arts réunissant le monde entier autour de la création sous toutes ses formes, pour l’esprit et la liberté. Un tournoiement de peinture, de musique, de littérature, de danse, de cirque, de théâtre, ou de sculpture… Les bals et cafés, les rencontres simples, l’ivresse à se rire des ombres passées et à venir. Une farandole entre deux guerres, la comédie jouée entre deux tragédies. Ce Paris allait être pour le jeune Ossip Lubitch l’occasion d’une mise en scène, celle du grand spectacle de l’humain. Dans l’atelier de la rue d’Odessa on surprend la pose d’une danseuse, le ballet des clowns, des jongleurs et des acrobates sous le chapiteau du cirque, une péniche qui passe sous les ponts de Paris et le paysage lointain de la Russie de son enfance. Cette enfance c’était la musique, le violon, la guitare et la clarinette.

L’ATELIER DE LUBITCH, rue d’Odessa, à la veille de la démolition, en 1975

LUBITCH AVEC SES AMIS MUSICIENS MONIQUE HAAS E T MARCEL MIHALOVICI, vers 1950

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D’un tempérament réservé, mais espiègle et farceur, c’est avec une précise lucidité qu’il dépeint le monde tout en intériorité et délicatesse. De ses visites au zoo à regarder les singes et les ours du jardin d’acclimatation, il préservera toujours une âme d’enfant. Sa palette exprime une douceur de vivre. C’est une Arcadie de couleurs, les tons que le peintre emploie sont apposés avec tendresse. Une œuvre sans violence. Les touches et aplats de lueurs pâles rendent aux éclats leur accalmie. Ces verts se mêlent de ci, de là, aux petites notes de rouges vifs. Jaunes paisibles et roses que découvre le soleil, ombres mauves sous un clair ciel bleu. Une peinture qui résiste à la nuit ; c’est une aube ou un crépuscule qui durent. Une lumière atténuée, étudiée, qui se dépose formant un halo et enlace discrètement les contours de l’être et des choses. Une pudeur et une retenue domptent l’agitation extérieure et mettent à distance les faux-semblants révélant ainsi toute la secrète profondeur du peintre. Ossip Lubitch, il y a tant de couleurs et de formes sur cet habit d’Arlequin. Le tableau doit-il être une bonne humeur ? Or nous le savons un peu, la peinture n’est pas une histoire, c’est autre chose, d’une nature intraduisible, une parole suspendue telle une image bien plus qu’un langage peut-être. Une présence silencieuse qui par l’intermédiaire des sujets les plus ordinaires dit sans mot quelque autre manière de voir.


Cette force muette qui nous ramène à notre propre perplexité de spectateur face au mystère. Le tableau est silence. Ut pictura poesis, la peinture est une poésie. À sentir parfois d’une toile cet à-peine tracé comme lavis d’un pas à pas de la vie du peintre. Une enfance à Grodno de petit garçon élevé dans la tradition juive, sur fond de tension d’un monde qui change, et l’art ouvrant la fenêtre sur un univers intérieur sans limite. Une vie enrichie d’échanges artistiques avec ses amis de l’École de Paris. Avec les peintres Pinchus Krémègne, Pavel Tchelitchev, Jean Pougny, Georges Rouault, Vladimir Naiditch, Lazare Volovick ou les sculpteurs Antoine Bourdelle ou Léon Indenbaum… Une œuvre si personnelle où chaque tableau est un regard sur les arts, du cirque à la danse, de la musique au théâtre, de la sculpture à la nature, de la Russie à Paris. La peinture d’Ossip Lubitch comme la tentative poétique de réunir tous les arts autour du merveilleux dans cette surface peinte qu’on appelle le tableau. Comme une espérance pleine de clarté capable à elle seule de vaincre les noirceurs du monde. Peintre faussement tranquille, un invisible sourire au coin des lèvres, quel bonheur offert en ses œuvres d’harmonie et de lumière. Posés sur un guéridon, un vase, une fleur, un marbre à l’antique et un masque. Le peintre est un personnage jouant le rôle de la peinture. Pour sa grande exposition des printemps du Montparnasse, la galerie Montparnos est heureuse d’accueillir sur ses murs et cimaises les œuvres du peintre Ossip Lubitch (1896 -1990). Exposition retraçant au travers d’œuvres choisies, cette vie de peintre au cœur du Montparnasse de la grande époque. Exposition du jeudi 22 mars au mercredi 9 mai 2018. À l’Art Vivant ! 12

Mathyeu Le Bal Galerie Les Montparnos


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COUPLE EN SCÈNE, GAÎTÉ-MONTPARNASSE 1932 - Gouache - Signée en bas à droite - 60 x 73 cm


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OSSIP LUBITCH (1896-1990)

Ossip Lubitch est né le 6 décembre 1896, au sein d’une famille juive russe, à Grodno, en Biélorussie. La région fut disputée durant des siècles entre la Pologne et l’Empire russe. La ville, située non loin de la Pologne et de la Lithuanie, compte une importante communauté juive, présente depuis le 14e siècle. Meer, le père d’Ossip est maréchal-ferrant, une profession fort honorable à l’époque. Il travaille aussi comme ferronnier d’art dans un atelier où il réalise des ouvrages extérieurs comme des rampes, des grilles ou des balcons. Grodno est d’ailleurs fort réputée pour ses ferronneries d’art, en témoignent les balcons qui ornent les façades et les grilles des jardins. Selon les archives de la ville, la maison familiale, en pierre, située sur la rive gauche du fleuve Niémen, était mitoyenne avec la forge et la grange en bois. L’atmosphère pouvait rappeler la maison de jeunesse de son compatriote le peintre Marc Chagall à Vitebsk. LUBITCH À LA CIOTAT, 1926

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Grodno est une ville aux multiples religions et d’une grande richesse architecturale : la cathédrale catholique SaintFrançois-Xavier dans le style baroque, l’église orthodoxe romane Saint-Boris-et-Gleb du 12e siècle, la grande synagogue en pierre, reconstruite dans un style mauresque. Grodno a également été un centre culturel et politique. Le Vieux Château (Staryj Zamok) souvent évoqué par le peintre, et le Nouveau Château (Novyj Zamok) ont servi de résidence aux souverains de la République polono-lituanienne.


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NOTRE-DAME DE PARIS Gravure - Signée en bas à droite, justifée 11/25 - À vue 19 x 15 cm


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CANAL SAINT-MARTIN 1924 - Huile sur toile - Signée en bas à droite - 50 x 61 cm


LUBITCH (AU CENTRE) AVEC CHARLES DURAND-RUEL E T SON ÉPOUSE au vernissage de son exposition, à la Galerie Durand-Ruel en 1967

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PORTRAIT DE LEO BRONSTEIN, HISTORIEN D’ART 1926 - Huile sur toile - Signée en bas à droite - 65 x 54 cm


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Au cœur de toutes ces influences, il était aisé d’être imprégné par les schémas de représentation de la peinture occidentale ainsi que par la lumière des icônes orthodoxes. Au vrai, une atmosphère favorable à la création artistique. Il semble que le jeune Ossip ait eu une enfance heureuse, sa famille laissant libre cours à ses passions. Il aide souvent les paysans russes à lire ou à rédiger leur courrier. Jeune, il apprend à parler le russe, le yiddish et l’allemand qu’il connaît très bien. Sa vocation artistique est précoce. Enfant, il hésite entre la musique et la peinture. Il joue de la clarinette, du violon et de la guitare. La musique évoquant le parfum de sa jeunesse et les paysages de son enfance. << Ossip Lubitch a toujours dessiné. Il a commencé dès l'âge de 12 ans, bien que se préparant à une carrière musicale. Le regard chez lui l'a emporté sur l'oreille. Il est devenu peintre, n'abandonnant jamais le crayon. >> J. Dalveze

LUBITCH (À DROITE) AVEC LE SCULPTEUR LÉON INDENBAUM, 1965

De nombreuses troupes de théâtres ambulants, de cirques, de spectacles de magie passent régulièrement par Grodno. Il faut imaginer pour le jeune Ossip la découverte extraordinaire de ce monde de gymnastes, d’athlètes, de clowns, un univers de postures et d’expressions. Il gardera plus tard ce goût pour les tours de magie et les farces, conservant jusqu’à la fin une âme d’enfant. De la musique au dessin, de la mélodie au trait.

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LE GUÉRIDON 1958 - Huile sur toile - Signée en bas à gauche - 65 x 46 cm

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VUE DE SON ATELIER Rue d’Odessa 1945 - Huile sur papier Signée en bas à gauche 33,5 x 27 cm


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NATURNE MORTE AU CHIFFON ROUGE 1948 - Huile sur papier marouflé sur bois - Signée en bas à gauche - 22 x 27 cm


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NATURE MORTE À LA CHAISE 1955 - Huile sur toile marouflée sur bois Signée en bas à droite - 36 x 15 cm


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LE POT AU CHIFFON BLEU 1926 - Huile sur toile - Signée en bas à gauche - 38 x 46 cm


<< Il serait dommage que mes dessins disparaissent avec moi : je dessine depuis mon plus jeune âge, c'est pour moi le seul moyen d'exprimer ma gratitude devant tout ce que je vois : êtres humains, animaux, objets, paysages. Rien n'est plus beau que la nature : le dessin essaye d'être l'humble approche de ce qui est l'œuvre du Créateur. Si les dessins présents pouvaient toucher quelques amis, j'y trouverais la récompense de mon travail. >> Ossip Lubitch, 1975

Après des études au lycée de Grodno, Lubitch décide de se consacrer à la peinture et part pour Odessa, en Ukraine, où l’enseignement des arts est alors réputé comme étant le moins académique. Il étudie à l’École des Beaux-Arts de 1915 à 1919, en plein tourbillon de la révolution russe. De nombreux artistes sont passés par Odessa, dont Vassily Kandinsky et Sonia Delaunay... Dès 1910, Odessa est un foyer important de création d’avant-garde. Alexandra Exter, l’une des figures majeures du constructivisme russe, y exerce une influence sur un grand nombre de jeunes artistes. Ossip Lubitch y apprend non seulement la peinture classique historique russe, dont le représentant le plus célèbre est Isaac Levitan, mais aussi celle des « Peredvizhniki » ou « Ambulants », ce mouvement réaliste et naturaliste qui décrit le quotidien du peuple russe, le monde rural et son histoire... Mais il étudie aussi la peinture occidentale de la Renaissance italienne au Fauvisme.

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MASQUE E T POT 1949 - Huile sur toile - Signée en bas à droite - 33 x 41 cm


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NATURE MORTE À LA PIPE E T TABAC 1932 - Huile sur toile - Signée en bas à gauche - 19 x 27 cm


FEMME À LA TOILE TTE 1948 - Huile sur toile - Signée en bas à droite - 65 x 50 cm

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BERLIN 1919-1923 Comme la plupart, Lubitch aspire à se rendre à Paris, mais la guerre l’oblige à un séjour à Berlin où il s’établit en 1919. À cette époque, jusqu’en 1930, Berlin est, à l’instar de Paris ou New York, une des capitales de l’avant-garde des arts et de la culture occidentale. Ville d’émigrants, Berlin est un centre d’échanges entre l’Est et l’Ouest. Lubitch y retrouve un groupe d’artistes russes : Pavel Tchelitchev, Ivan Pougny et sa femme Xenia Boguslavskaya dont l’atelier devient le point de ralliement d’un cercle cosmopolite d’artistes, tous désargentés, en recherche de travail. Cette activité culturelle se situe à une période sociale d’extrêmes difficultés économiques et financières. Malgré cela, les manifestations scéniques connaissent un essor d’une puissante diversité : théâtre, chorégraphie, music-hall, cabaret… Pavel Tchelitchev, Jean Pougny et Ossip Lubitch réalisent ensemble des décors pour l’Opéra de Berlin, le Deutsches Theater, le Théâtre Duvan-Torzoff et le Cabaret-théâtre « Der blaue Vogel » (l’Oiseau Bleu) fondé à Berlin par l’acteur Yasha Yuzhny en 1920. Il travaille aussi sur des décors de cinéma, avec son ami Lazare Meerson, l’un des pionniers de ce tout nouveau domaine qu’offre le cinématographe aux artistes du visuel. Les années berlinoises seront de plus pour Lubitch une période de recherche et d’ouverture au Constructivisme. Une série d’œuvres, collages et sculptures témoignent de ses expérimentations et avancées. Ses travaux ne le convaincront pas tout à fait, malgré la qualité et l’inspiration de ces œuvres. Il se tournera vers une peinture correspondant davantage à sa sensibilité profonde et à sa vision.

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PAVEL TCHELITCHEV E T LUBITCH, Berlin, 1921

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NU ALLONGÉ 1930 - Gouache - Signée en bas à droite - 63 x 98 cm


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NU ALLONGÉ 1936 - Encre de chine / lavis - Signée en bas à droite - 30 x 62 cm


LUBITCH (AU CENTRE) AVEC VLADIMIR NAIDITCH EN VISITE CHEZ XENIA BOGUSLAVSKAYA, à l’occasion de son anniversaire

LE PEINTRE ADOLPHE FEDER AVEC LYSICA CODRÉANO E T IRÉNE CODRÉANO, 1927

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AUTOPORTRAIT 1960 - Huile sur toile - Signée en bas à droite - 27 x 22 cm


PARIS L’ENTRE-DEUX-GUERRES

Après quatre années passées à Berlin, Lubitch décide de se consacrer entièrement à la peinture et réaliser son désir de s’installer à Paris, ville prestigieuse dans le domaine des arts. La vraie raison du départ, c’est la volonté de peindre en homme libre et de se former au contact de l’art occidental. En 1923, un engagement pour la décoration d’un cabaret montmartrois lui en donne l’occasion. Il vit grâce à la décoration de cabarets, restaurants et aussi d’appartements. C’est la grande époque des Années Folles et de « l’Art Déco ». Il visite les musées et salons où il étudie les œuvres des peintres français du XIXe et XXe siècle tel qu’Albert Marquet. Ils ont en commun cette même spontanéité du dessin ainsi qu’un traitement très chaleureux de la couleur. II comprend au contact des grands maîtres que le dessin n’est pas seulement une question de perfection graphique, mais aussi et avant tout un merveilleux moyen de s’exprimer. L’œuvre dessiné d’un Rembrandt, d’un Daumier, d’un Goya, d’un Degas lui révèle un monde intérieur vivant, vibrant qu’ils ont su exprimer par les moyens les plus simples. Le sculpteur Antoine Bourdelle qui apprécie le travail de Lubitch, l’encourage et l’introduit au Salon des Tuileries en 1925. Il expose aussi au Salon d’Automne en 1926. Fixé à Montparnasse, Lubitch participe à la vie artistique de l’École de Paris avec le groupe de peintres Jean Pougny, Pinchus Krémegne, Chaïm Soutine, les sculpteurs Irène Codréano et Léon Indenbaum.

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LUBITCH DANS SON ATELIER, 1930


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FONTENAY-AUX-ROSES 1930 - Huile sur toile - Signée en bas à droite - 33 x 60 cm


VUE DE L’ATELIER, 1970

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CLOWNS MUSICIENS ca 1960 - Gouache - Signée en bas à gauche - 99 x 132 cm


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ANTIBES 1954 - Huile sur toile - Signée en bas à gauche - 50 x 65 cm


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PORTRAIT DE FEMME 1926 - Huile sur toile - Signée en bas à droite - 48 x 38 cm


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AUTOPORTRAIT 1936 - Huile sur toile - Signée en bas à gauche - 27 x 19 cm


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LES « BAS FONDS » DE GORKI 1930 - Gouache sur papier - Signée en bas à gauche - 41 x 50 cm


Il fréquente quotidiennement les cafés emblématiques du quartier : le Sélect, la Rotonde, le Dôme et la Coupole, point de rencontre de la communauté artistique des Montparnos. Son milieu est celui des musiciens du groupe Triton, animé par de jeunes compositeurs : Marcel Mihailovici, Alexandre Tansman, Alexandre Tcherepnine, Conrad Beck, Tibor Harsanyj, Bohuslav Martinu, les pianistes Monique Haas, Inna Marika, et le chef d’orchestre Charles Munch. Il peint le Paris qu’il observe depuis la fenêtre de son atelier de la rue d’Odessa. Il dessine les ponts, les quais de la Seine, Notre-Dame… et les scènes de la vie parisienne. Il peint aussi dans les environs, la banlieue, proche ou lointaine : Pontoise, Crécy-en-Brie, Fontenay-aux-Roses, et même la Bretagne. Ossip Lubitch est inspiré dans sa peinture par le monde qui l’entoure. Pour lui, tout est spectacle : visages, objets, intérieurs, paysages. Le cirque et le théâtre ne l’ont-ils pas toujours attiré… Au début des années 30, il en exploite le thème dans des variations de rythmes sur les clowns, les danseurs ou les arlequins. Il saisit l’atmosphère particulière de ce milieu itinérant, précaire, du cirque, sa poésie poignante. Mais il recherche aussi l’harmonie unissant le corps humain aux structures du paysage et aux architectures. On peut voir dans l’œuvre de cette période l’influence du constructivisme, réminiscence des quatre années passées à Berlin.

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FEMME BLONDE ASSISE DE TROIS QUART 1927 - Gouache - Signée en bas à droite - 65 x 50 cm


Intéressé par ce regard, le peintre Georges Rouault lui fait l’honneur d’un poème préfaçant « le Cirque », un ensemble de dix eaux-fortes aquatintes, présentées dans un coffret par son ami le peintre et poète futuriste Iliazd. Ossip Lubitch fréquente à Montparnasse le milieu des artistes suisses, entre autres, Cuno Amiet et Max Gubler. Dans les années trente, il séjourne en Suisse chez le peintre Cuno Amiet. Il se rend aussi à Florence où il s’offre le costume d’Arlequin, souvent représenté dans ses œuvres peintes, dessinées et gravées et continuera d’aborder des thèmes liés au cirque et aux saltimbanques (masques, arlequins, clowns, dompteurs). Entre les deux guerres, il expose à Bruxelles, Berlin, Londres et Paris. L’État lui acquiert des œuvres.

LUBITCH (À GAUCHE) AVEC LE PEINTRE SUISSE CUNO AMIE T E T SON ÉPOUSE, à Oschwand (Suisse), 1930

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LA BARQUE Huile sur toile - Signée en bas à droite - 38 x 45,5 cm


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LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Pendant la guerre, Lubitch ne cesse de peindre dans son atelier de la rue d’Odessa, à Montparnasse. En 1940, il ne se déclare pas comme juif à la Préfecture de Police. Mais, dénoncé en 1944, il est arrêté et interné au camp de Drancy jusqu’à la libération de Paris, le 18 août 1944, au lendemain du dernier convoi pour Auschwitz.

LE CAMP DE DRANCY

LUBITCH E T SON VIOLON

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Conscient qu’il n’y aurait pas de retour, qu’il ne reverrait plus son atelier, il ne prend avec lui que des crayons et du papier. Il dessine clandestinement ce qu’il voit : des hommes, des femmes, des enfants qui attendent sans espoir dans une atmosphère d’inactivité forcée et d’impuissance. Il léguera des dessins exécutés au camp à l’Institut Yad Vashem de Jérusalem et à la collection de Beit Lohamei Haguetaot. D’autres sont conservés au Musée du Mémorial de l’Holocauste de Washington et au Mémorial de la Shoah de Paris. Après l’épreuve de la guerre, Il retrouve enfin son atelier et se remet à peindre. Maintenant, il travaille toutes les techniques et tous les sujets : portraits, natures mortes, paysages, compositions, gravures, pastels, aquarelles. Sa vie privée change : il rencontre Suzanne Bouldoire également peintre, qui deviendra sa femme. De leur union naîtra une fille, Dinah.


SUZANNE BOULDOIRE, son épouse

L’ARLEQUIN AU CHEVALE T 1946 - Huile sur toile - Signée en bas à gauche - 65 x 40 cm

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ARLEQUIN 1939 - Gravure - Signée en bas à droite - 42 x 27,5 cm

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NATURE MORTE AUX MASQUES E T MIMOSAS 1956 - Huile sur toile - Signée en haut à gauche - 22 x 36 cm


Miousic ! Au rythme des orchestres populaires Oublie un instant Ta croix parfois lourde à porter Intouchable ou paria De la Citée Dorée. Dans les frises Jeunes et souples Acrobates évoluent en astragales Festons, arabesques variées. Et sur la corde raide Vois Jim rechercher Un équilibre instable Sur la pointe des pieds Enfin y réussir Après quelques simagrées. D’autres en tradition picturale Prétendue intégrale, Sans avoir l’air d’y toucher Croient trouver un meilleur équilibré. Miousic Oubliez un instant La vie précaire où vous êtes parqué Et de vos rêves la faillite Tristes Os et Terre d’Ombre Ici les prix sont doux À la portée de tous. Public sans malice Public tout en or, Acrobates et pitres Te fêtent et te saluent Loin des snobs et snobinettes, Des coupeurs de cheveux en quatre. 60

À LUBITCH DU VÉ TÉRAN AU NOVICE EN SYMPATHIE D’ART G. R.


Loin des intellectuels Parfois desséchés Comme fleurs en herbiers Des diplomates ou des parlementaires Qui supposent faire tourner la terre Qu’il est bon de voir un vrai pitre Cossu, magnifique Fastueux, généreux Stupide, insensé, fou à lier Ou mélancolique et déjeté Qui n’a jamais mérité Tristes Os tant de gifles Ni de coups de pieds au cul Que certains faux bonshommes Ou très glorieux pontifes Au sourire satisfait ou réticent À l’air très suffisant -Vessies gonflées de ventBien trop sûrs de leur fait Miousic, Miousic Georges Rouault 61


LUBITCH dans un cafĂŠ de Montparnasse

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FEMME ROUSSE DE PROFIL 1925 - Huile sur toile - Signée en bas à gauche - 65 x 54 cm


Ses amis, de gauche à droite : MARC STERLING, ZYGMUND SCHRE TER, PINCHUS KRÉMÈGNE E T LEURS FAMILLES.

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On trouve également ses œuvres aux deux expositions organisées à l’occasion de la visite du Président Nikita Khrouchtchev à Paris, en mars 1960 : « Les peintres russes de l’École de Paris » au Musée de Saint Denis et à la Maison de la Pensée Française. La presse française parle beaucoup ces jours-ci des peintres russes et de l’École de Paris. O. Fradisse, Conservateur du Musée d’Histoire et d’Art de Saint-Denis se rappelle lui aussi le rôle des Russes dans ce mouvement artistique qui a fait la gloire de la capitale de la France : << La municipalité de Saint-Denis a groupé sous le nom de << Peintres russes de l'École de Paris >> des artistes nés en Russie ou qui y ont vécu. Certains d'entre eux ont aujourd'hui la nationalité française. Venus très jeunes en France, ils ont adopté comme patrie artistique Paris, capitale de la peinture, fière de les compter parmi ses plus brillants sujets ! Ces artistes n'ont pas oublié pour autant leurs origines (....) Les gens de ma génération ont connu l'émerveillement des Ballets russes de Diaghilev dans les décors de Larionov, Goncharova, Léon Bakst, Alexandre Benois. Ces chefs-d'oeuvre ont révolutionné l'art chorégraphique et théâtral en même temps qu'ils constituèrent un événement culturel dont l'influence se fait encore sentir (...) Vers 1925 et jusqu'à la guerre, un grand nombre de peintres russes ont pris l'habitude de se réunir au Vaudoué, non loin de Barbizon (...). Dans les discussions, ici, comme à Montparnasse, revenaient toujours les noms de Monet, Sisley, Cézanne et Bonnard. Ils ne séparaient point la France de leur art (...) Il en résulte cet art à la fois russe par sa fougue et français par la finesse de la vision, dont les représentants furent Pougny, Krémègne, Mintchine, Terechkovitch, Lubitch, Annenkoff et bien d’autres que nous regrettons de ne pouvoir exposer. Toutes les tendances de l’art contemporain se retrouvent chez les artistes russes de l'École de Paris (...). Dans leur diversité, tous ces artistes démontrent par la qualité de leurs œuvres combien féconds sont les résultats des échanges internationaux. >>

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À partir des années 50, il se fixe en famille pour des séjours de trois à quatre mois sur la Côte d’Azur, à Saint-Paul-deVence où il rencontre Chagall, Prévert et d’autres artistes, puis à Cannes, Antibes, Grasse, Collioure, Vence, Banyuls. Ensuite dans les années 1960 à 1975, ce sera la Provence. La diversité des Alpilles et sa lumière le fascinent. Il peint les paysages de Nyons, de Mérindol, d’Eygalières et de SaintRémy-de-Provence qui resteront ses lieux de prédilection jusqu’à la fin de sa vie. Il dira toujours que la France est le plus beau pays du monde par la variété incroyable de ses paysages.

L’APRÈS-GUERRE

En 1948, une rétrospective de ses œuvres est présentée à la galerie Zak. Le critique d’art René Guilly va écrire dans « Combat » du 28 avril 1948 : SON ATELIER DE LA RUE D’ODESSA, à la veille de sa démolition, en 1975

<< Lubitch travaille en France depuis 1923. Mais il n'avait encore montré ses oeuvres que dans des expositions de groupe. Pour la première fois, il expose seul... Il a réuni un ensemble de toiles où toutes les périodes de son travail sont représentées. On y remarque une recherche constante d'un réalisme simple et direct, personnel et sans aucune concession aux << trucs >> qui font la peinture d'avant ou d'arrière-garde... Mais ce qui frappe le plus dans cette rétrospective, c'est une remarquable et régulière progression vers la plénitude de l'expression et l'ampleur de la composition. Lubitch affectionne les sujets de genre, personnages de cirque, arlequins, modèles à l'atelier... >>.

D’autres expositions ont aussi lieu en Israël (Tel Aviv), 1950, en Italie (Milan), 1952-1953, aux États-Unis et en Angleterre (New York et Londres, 1957), en Suisse (Zurich, 1963). Il est représenté également au Salon du Dessin et de la Gravure « le Trait », à l’exposition du Musée des Arts Populaires « Le Cirque » ; « Dessins et gravures des maîtres contemporains » à la Maison de la Pensée Française. Ossip Lubitch est connu en France et apprécié par le public éclairé et par la critique : 67


<< Peu d'artistes dessinent comme Lubitch avec cette perfection et ce sentiment de gravité que nous donne chacune de ses gravures. Lubitch ne cherche pas l'exceptionnel. Tout lui est bon du quotidien familier pour nous faire partager son émotion devant la silhouette ou l'objet. Quelques traits lui suffisent pour dépouiller ses personnages et leur donner cette valeur plastique faite de simplicité que nous aimons retrouver dans toute son œuvre... >> G. J. Gros in Ce Matin-Le Pays, 1 juin 1950.

LUBITCH DEVANT SA SCULPTURE

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PORTRAIT DE FEMME 1930 - Pastel - Signé en bas à droite - 32 x 25,5 cm


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ST RÉMY-DE- PROVENCE 1975 - Huile sur toile - Signée en bas à gauche - 50 x 71 cm


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SES ATELIERS À PARIS

D’abord au 5 rue Belloni, puis au 9 rue Campagne-Première et de la fin des années 1930 à 1975, au 18 de la rue d’Odessa (Passage du Départ) près de la gare Montparnasse. À cette adresse se trouvaient aussi le Théâtre du Lucernaire, l’Académie Goetz, ancienne Académie André Lhote ouverte en 1925 et l’atelier du peintre Ljuba, voisin de palier de Lubitch. En 1974-1975, une opération immobilière les oblige à quitter les lieux. Son dernier atelier sera celui du 23 rue CampagnePremière. ◆

LUBITCH DANS SON ATELIER, 1965

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EXPOSITIONS 1925, 1927 - Salon des Tuileries, Paris 1926, 1929 - Salon d’Automne, Paris 1928 - Salon des Indépendants, Paris 1929 - Galerie René Drouet, Paris 1930 - Galerie Zak, Paris 1934 - Présentation de l’Album de 10 eaux-fortes, avec un poème de G. Rouault

aux éditions « Les Quatre chemins », Paris 1934 - Salon Comparaisons, Paris 1935 - Palais des beaux-arts, Bruxelles - « Artistes de Paris (1925-1935) » 1935 - Galerie Aktuaryus, Zurich 1936 - The Leger Galleries, Londres - « The Circus » 1937 - Galerie Dalpayrat, Limoges 1939 - Galerie Les Pendus, Paris - « Dessins et Gravures » 1948 - Galerie Zak, Paris 1950 - The Jewish national museum Bezalel, Jérusalem 1950 - Galerie Le Garrec-Sagot, Paris 1952 - Galleria d’Arte Cairola, Milan 1953 - Galleria Gian Ferrari, Milan - « Mostra dell’Incisione Francese Contemporanea » 1953 - Galleria Metro-Cristallo, Turin 1953 - Musée d’art moderne, Paris - Salon de dessins et gravures « Le Trait » 1956 - Musée des Arts et Traditions Populaires, Paris - « Les arts et traditions du Cirque » 1957 - Durlacher Bros, New York - « Ossip Lubitch » 1960 - Musée et bibliothèque Saint Denis - « Peintres russes de l’École de Paris » 1961 - Maison de la Pensée française, Paris - « Les Artistes russes de l’École de Paris » 1966, 1969 - Galerie Tivey-Faucon, Paris 1967 - Galerie Durand-Ruel, Paris 1971, 1983 - Galerie d’art Chantepierre, Aubonne, Suisse - « Peintres de Montparnasse » 1983 - Salons de la Rose-Croix, Paris 1983, 1989, 1991, 1992 - Galerie Colette Dubois, Paris 1985 - Salons de la Rose-Croix, Paris - « l’École de Paris à Montparnasse » 1988/89 - Musée municipal de Boulogne- Billancourt - « L’École de Paris- Boulogne »

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1991, 2000 - Galerie Saphir, Dinard, Paris 1992/93 - Forum des Arts, Marseille - « Montparnasse atelier du monde,

Ces artistes venus d’ailleurs, 1910-1935 » 1993 - Mairie du IX arrdt, Paris - « Peintres et sculpteurs russes à Paris -

Présence d’un siècle » 1997 - Galerie Di Veroli, Paris 1999 - Musée du Montparnasse, Paris - « Saint-Peterbourg/Vavin, les russes à Montparnasse » 2002 - Bibliothèque historique de la ville de Paris - « Regard sur le cirque » 2003 - Musée juif de Budapest - « Modigliani, Soutine et leurs amis de Montparnasse » 2003 - Musée du Montparnasse, Paris - « Paris-Marseille, de la Canebière à Montparnasse » 2004 - Château Borely, Marseille - « Paris-Marseille, de la Canebière à Montparnasse » 2005/2006 - Musée du Montparnasse, Paris - «Montparnasse déporté, artistes d’Europe ». Exposition également présentée à Yad Vashem, Jérusalem et au Musée de la Déportation,Turin 2012/2014 - Musée national des beaux-arts, Minsk (Belarus) - « Peintres de l’École de Paris, d’origine biélorusse ». Exposition également présentée à Gomel, Vitebsk et Vilnius 2015 - Galerie Peinture Fraîche, Paris. - « Dessins » 2018 - Galerie Les Montparnos, Paris

AUDIOVISUEL • France-Musique, « l’École de Paris » in Le Matin des Musiciens du 16 au 20 juillet 1988 • Ossip Lubitch, peintre contemplatif, film documentaire réalisé par Oleg Lukashevich et Alexandr Alekseev, Minsk, 2014

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REMERCIEMENTS La galerie remercie chaleureusement Dinah Lubitch, la fille du peintre, qui a permis la réalisation de cette exposition. À la Fondation Georges Rouault qui nous a donné son aimable autorisation pour la reproduction dans le catalogue de l’exposition du poème de Georges Rouault adressé à Ossip Lubitch. Au photographe des œuvres : Monsieur Éric Pineau.

CONCEPTION GRAPHISME TANGUY FERRAND 2018

© ADAGP, PARIS 2018

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