GALERIE LES MONTPARNOS
1882 - 1956
Les chairs de l’âme
LES CHAIRS DE L’ÂME Pourquoi un nom plus qu’un autre ? Il y a tant de noms qui ont fait partie de ce Montparnasse de l’entredeux-guerres, tant d’entre eux qui sont tombés dans l’oubli après la Seconde Guerre mondiale. On en a retenu si peu, une dizaine tout au plus, qui ont - par leur postérité - jeté hors la mémoire des centaines d’autres, attirant tous les projecteurs sur eux. C’est une histoire inachevée à laquelle manque un grand nombre de pages et de chapitres. Cent ans après, avec du recul, aller explorer cette mémoire encore brûlante de l’art vivant et découvrir peu à peu une autre histoire. Celles des nouveautés enfouies, dissimulées dans les brumes de ce passé si éclatant de lumières et de libertés. Comme si ces noms attendaient dans les zones sombres de l’oubli qu’on les nomme à nouveau afin qu’ils puissent échapper au néant. L’oubli devenant ce purgatoire des grands artistes, des géants inconnus. Montparnasse, nous le savons, fut le carrefour central et mondial de l’art moderne. Tous les pays réunis ici autour d’une seule langue : la peinture… des milliers de noms. Il y avait le Montparnasse des « ismes » (cubisme, fauvisme, surréalisme, futurisme…) et celui plus inclassable de l’Art Vivant. Celui où la nouveauté ne se situe pas dans la recherche effrénée d’une formule, mais plutôt dans la quête d’être soi par la peinture. Celle-là même qui conduit à aller chercher dans les profondeurs intimes et secrètes une matière personnelle, cette pâte et ce trait qui en finalité peuvent faire écho en chacun. Ce n’est pas intellectuel, mais sensuel, instinctif, voire parfois spirituel. De la chair à l’esprit, les traits du muscle. Les tendresses sculptées dans la matière.
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D’âmes et d’épiderme. Arpenter la vie comme on arpente le Boulevard Montparnasse, avec et par la peinture. Le trait imprévisible de l’existence humaine, sa trace permanente, le frisson d’être, une épaisseur posée, placée, ajustée, empâtée, écrasée sur la toile. Alors, convoquer, inviter à se présenter à nous un nouveau nom. Celui-ci est difficilement prononçable. D’ailleurs, n’est-ce pas cela le domaine de la peinture, le domaine de l’imprononçable ? La surface d’une toile ou d’une feuille de papier devenue le lieu de la rencontre avec le voir. Kwiatkowska. Sans doute sommes-nous au tout début d’une vraie découverte. Aujourd’hui, on sait si peu de choses sur sa vie, son enfance, son parcours de peintre, ses liens avec les artistes du Montparnasse. Tout reste encore à découvrir. Son nom apparaît ici et là dans les expositions de l’époque. L’emblématique ouvrage d’André Warnod Les berceaux de la jeune peinture fait état d’une exposition collective importante en 1924 à la Closerie des Lilas avec Clergé, Le Scouëzec, Mané Katz, Mela Muter et Kwiatkowska… Elle faisait partie du groupe. Lorsque Jean-François Thibault est venu à la galerie, il y a de cela quelques années, avec certaines photographies en noir et blanc des oeuvres de Het Kwiatkowska provenant du fond Marc Vaux, le saisissement fut immédiat. Il y avait chez ce peintre un tempérament, une force véritable, nue. Par la suite il y eut la découverte des cartons remplis de dessins, d’encres et d’aquarelles et ce moment très émouvant où l’on découvre pour la première fois ces oeuvres laissées dans l’ombre depuis des décennies. Des oeuvres réalisées il y a près d’un siècle et qui apparaissaient aussi neuves que dessins d’une cartographie de terra incognita. Dans ces cartons, des nus d’hommes et de femmes, quelques paysages à l’aquarelle, ces traits à la fois maîtrisés et fluides, tout en muscle et en volume. Des visages expressionnistes où se reflètent jusqu’à la précision la délicate discrétion des sentiments, des silhouettes tout en postures. 7
AUTOPORTRAIT Mine de plomb sur papier
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À y déceler parfois une détermination aiguisée, cette force que rappelle le tableau d’Artemisia Gentileschi, « Judith tranchant la tête d’Holopherne ». L’homme est mis à mort d’un trait. On ne peut s’empêcher non plus de rapprocher son oeuvre avec celle de sa compatriote polonaise Tamara de Lempicka, cette âme slave, la Pologne peut-être, entre passion et élégance. Het Kwiatowska et Marcelle Challiol, un couple de femme, les « deux demoiselles » de l’atelier du 27 de la rue Delambre. La rue des grands ateliers de l’histoire. Quelques huiles de nus massifs maçonnés dans la matière, telles sculptées au couteau, des paysages de Provence si chère à l’artiste, la maison de Bramafam, et les natures mortes aux accents d’une méditerranée chantée. Ces fameux légumes de la ratatouille. Ou encore ces canaux d’Amsterdam se reflétant dans des nords d’ocres. Une peinture solide, virile, d’où le mièvre est banni. Tant de mystères restent encore sur cette œuvre, sur les éléments biographiques, sur la localisation des huiles. C’est un enthousiasme réel d’être à l’orée d’une telle redécouverte, certainement davantage d’informations viendront avec le temps et compléteront cette histoire. Ainsi la grande exposition de rentrée de la galerie Les Montparnos va-t-elle donner à voir une sélection de dessins et d’aquarelles choisie ainsi que des huiles fortes qui permettront aux visiteurs et amoureux de l’histoire de l’art du quartier de découvrir un nouveau nom de ce Montparnasse qui est le nôtre et celui de tous. Kwiatkowska. Une œuvre personnelle, libre et vraie, s’inscrivant pleinement dans la tenue de route de la galerie Les Montparnos qui est celle de l’Art Vivant. Nous serons très heureux de vous accueillir et de vous présenter cette exposition lors du vernissage qui se déroulera le jeudi 25 octobre à partir de 18h30 et partager ainsi un beau moment en présence de Jean-François Thibault et de Marta ChrzanowskaFoltzer, historienne de l’art. Exposition du jeudi 25 octobre au mardi 4 décembre 2018. t MATHYEU LE BAL GALERIE LES MONTPARNOS 9
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MARCELLE CHALLIOL (1902-1958), PUIS HET KWIATKOWSKA (1882-1956)
Marcelle Challiol est la fille du Dr Edouard Challiol et de Lucie Mallarmé, la sœur ainée de ma grand-mère, Jane Mallarmé. Née à Oran au début du siècle, orpheline de mère alors qu’elle n’a qu’un an, Marcelle est adoptée par sa tante Jane, épouse Fischbacher, le ménage Fischbacher n’ayant pas encore d’enfant. Elle sera désormais considérée comme la sœur aînée de la famille où naissent bientôt quatre enfants : Jeanine (1904-1978), Jean (1907-1986), France (ma mère, 1911-2000) et Pierre (1913-1940), dont Marcelle devient la marraine. La petite Marcelle fait très tôt preuve de dons pour le dessin et la peinture. Dès sa jeunesse, elle peint des scènes familières (intérieurs, natures mortes, paysages, bords de Seine autour de l’Île de la Cité où habite sa grand-mère Berthe Mallarmé, paysages de Normandie, de la Côte normande surtout, où la famille Fischbacher-Mallarmé s’est réfugiée pendant la Première Guerre, et en particulier à Varengeville-sur-Merdont elle peint souvent les falaises). À cette époque (1915-1917), elle se lie d’amitié avec le peintre de marines Jean Francis Auburtin (1886-1930) qu’elle accompagne dans ses excursions picturales. Sa vocation est encouragée par sa famille. Elle devient l’élève du peintre Clotilde Martin Prégniard (1885-1945) qui expose régulièrement au Salon des Artistes Français. Marcelle y expose bientôt ses propres œuvres, souvent inspirées par des vacances en famille ou par les vues des fenêtres de sa grand-mère Berthe Mallarmé, chez qui elle habite désormais : en 1928, deux huiles sur toile, Le Chevet de Notre-Dame et Marée Montante, Île d’Oléron ; en 1931, Les Parcs à Huitres, Île d’Oléron, une grande huile sur toile conservée dans la famille ; et, en 1932, Village du midi, aquarelle. En 1932, elle obtient un prix pour une Vue de Notre-Dame dans le brouillard. Vers 1933, Marcelle pratique le dessin de nu à l’Académie de la Grande Chaumière. C’est là, probablement, qu’elle fait la connaissance de la peintre polonaise Het Kwiatkowska, qui habite Montparnasse, 27 rue Delambre. Elles deviennent amies et, en 1930, Marcelle et Het emménagent au 1, Quai aux Fleurs, dans l’appartement de Berthe Mallarmé, récemment décédée. Des fenêtres de l’appartement, on découvre les vues magnifiques de toute 11
la rive gauche de Paris, de la Seine et de l’Île Saint-Louis vers l’est, du Square Notre-Dame et de l’abside de Notre-Dame. Het et Marcelle peignent ensemble ces vues qui sont parmi les plus belles réalisations de leur œuvre.
Souvenirs d’Het Kwiatkowska Du plus loin qu’il me souvienne, la peinture de Het a accompagné mes contemplations artistiques. Dans mon enfance, c’était d’abord un paysage offert à mes parents au début de leur mariage, vers 1936 : une maison provençale crépie de rose, ombragée par un palmier superbe qui occupait le centre de la composition. Un rêve méditerranéen pour l’enfant que j’étais et qui ne connaissait guère cette nature, sauf peut-être dans son inconscient : souvenirs d’une petite enfance algéroise… La matière, la touche énergique de la surface picturale, exécutée au couteau (tentation de toucher la surface de la toile…) me séduisaient particulièrement, plus encore que le sujet du tableau, postcézannien, je le comprends aujourd’hui. Plus tard, lors d’une des visites fréquentes que Het effectuait à Paris, rendant visite à mes parents, elle se montra impitoyable avec ce tableau que j’admirais en s’exclamant de son inimitable accent polonais : «Frrrance, Michel, il faut me rrrendre ce tableau ; il est bien mauvais. Je vous en donnerrrai un meilleurrr !» Je ne savais pas, alors, qu’à la mort de Het et de Marcelle, ma famille hériterait de tout l’atelier de Het et que les toiles et les magnifiques dessins qui n’avaient pas vu le jour depuis la guerre m’échoiraient en partage, avec le devoir moral de tenter de redonner quelque notoriété à leur auteur ! Mon père était un admirateur de Het depuis son voyage de noces chez Het et Marcelle, établies dans la propriété qu’elles avaient récemment acquise, le mas provençal de Bramafam, près du village de Plascassier [aujourd’hui Chateauneuf-de-Grasse]. Il me racontait que Het l’avait exceptionnellement admis dans son atelier alors qu’elle y peignait une nature morte : son énergie était telle, racontait-il, qu’elle poussait des soupirs d’insatisfaction devant le chevalet et qu’elle finit par crever la toile de son couteau de peintre ! Het s’était prise d’emblée de sympathie pour ce nouveau venu dans la famille : «Michel Thibault, ça, c’est un nom équilibrrré ! «Ma mère était venue en toute innocence passer sa lune de miel chez sa demi-sœur, Marcelle, et son amie,» les deux demoiselles», comme on les appelait respectueusement au village ; elles avaient naïvement offert aux jeunes époux deux chambres séparées ! 12
Lors de ses visites parisiennes à ma mère, Het répétait ces paroles que nous nous plaisions mes frères et moi à répéter : «Frrrance, J’en ai marrre de Brrramafam, Je ne suis qu’un marrrmiton, tout juste bonne à prrréparer les légumes de la rrratatouille ! Trrrouvez-moi un atelier rrrue de la Grrrande Chaumièrrre !» Les gamins que nous étions, mes deux frères et moi, ne comprenions pas la profonde nostalgie que notre amie éprouvait pour le Montparnasse et les ateliers de sa jeunesse… Je me souviens aussi d’un autre voyage qu’elle fit en 2 CV avec Marcelle pour rendre visite à mes grands-parents Alfred et Jane Fischbacher, les parents adoptifs de sa compagne, établis à Chinon (Indre-et-Loire), s’arrêtant en chemin pour peindre les magnifiques paysages de la Dordogne. Ravi de l’occasion d’avoir un grand peintre dans la maison, j’invitais fièrement Het à visiter ma chambre à coucher que j’avais, audacieusement, croyaisje, tendue de Tenugui, ces serviettes en coton décorées de motifs inspirés d’Outamaro, d’Hokusai ou d’Hiroshige que les hôteliers japonais offraient à leurs hôtes. Het resta une minute en contemplation devant le résultat et émit cette simple observation, dénuée de toute moquerie : «C’est trrrès joli, mais combien de temps cela durrrera-t-il ?» En effet, l’année suivante, ma chambre se trouva décorée de reproductions des peintres impressionnistes que j’avais admirés au Musée du Jeu de Paume…
La Guerre et ses conséquences sur la vie à Bramafam La vie des «deux demoiselles» s’était dramatiquement modifiée avec la guerre. La Pologne, envahie après Munich et l’Anschluss, avait été la cause, parmi bien d’autres et pires malheurs, de la cessation du versement de la pension que Het, issue d’une famille aisée de Cracovie, touchait régulièrement depuis son arrivée en France et à Montparnasse. Het et Marcelle en étaient réduites aux travaux de la terre : culture de la rose de mai, du jasmin, des tubéreuses pour les parfumeries de Grasse, culture d’un potager, élevage de pigeons et d’une chèvre pour l’ordinaire, hébergement d’amis et de parents refugiés dans ce qui était encore la zone libre jusqu’à la fin 1942, un havre de paix, avec une occupation italienne facile à supporter, surtout pour Marcelle, amoureuse de l’Italie où elle avait fait de nombreux séjours avant la guerre, peignant et rendant visite à sa tante, l’écrivaine Camille Mallarmé, la jeune sœur de Lucie, sa mère décédée, et de Jane Fischbacher-Mallarmé. Florence, la Toscane et toute la péninsule n’avaient pas de secrets pour elle, pas plus que la littérature italienne. Comme sa mère adoptive, elle lisait Dante dans le texte original. On pouvait en dire autant de Het qui avait eu une longue liaison avec la pianiste virtuose italienne Renata Borgatti (1894-1964) dont elle avait fait le portrait, 13
comme John Singer Sargent et Romaine Brooks. Renata fit de nombreux séjours à Bramafam, ainsi que l’écrivaine finlandaise Amélie Posse-Brázdová (1884-1957)… Avant la guerre, écrivains et musiciens-amis résidaient souvent à Bramafam. Mais avec la guerre, tout change : la vie quotidienne et les devoirs matériels prennent le dessus. Het ne cesse jamais de peindre, mais sans possibilités d’exposer. Elle a son atelier d’été qui sert de garage et son atelier d’hiver qu’avec Marcelle elles ont fait construire derrière le mas : y trônent son chevalet, sa table de pose et sa palette avec couleurs et pastels. Une seule fois, Marcelle se risque à exposer à Cannes, en 1937, une ancienne toile qui date des séjours en famille à l’Île d’Oléron, La Voile Rouge. À Bramafam, elles accueillent une vieille amie peintre, collègue de Het à ses débuts en Pologne, Nina Alexandrowicz (1888-1946), qui est juive et s’est réfugiée dans le midi de la France, comme beaucoup d’artistes russes et polonais parmi les plus célèbres avant la guerre et méconnus ou oubliés aujourd’hui à cause de cette rupture. Mon amie, l’historienne d’art Marta Chrzanowska-Folzer, s’est attachée à faire revivre leur mémoire, ainsi que celle de Het Kwiatkowska…
Suite et fin La fin de la guerre fait se resserrer des liens qu’une correspondance soutenue et inquiète avait permis de maintenir : visites annuelles de Marcelle ou de Het à Paris et visites familiales dans la nature virgilienne de Bramafam au moment des fêtes ou pendant l’été. Ces échanges se poursuivent jusqu’à la mort de Het survenue à la suite d’une chute au bord de la piscine d’Abano, station thermale italienne où elle était venue soigner ses rhumatismes. Elle n’a pas perdu ses goûts pour un luxe d’avant-guerre : après son opération, elle rentre en taxi jusqu’à Bramafam où sa compagne la soigne jusqu’à son dernier soupir. Elle s’éteint en février 1956 et Marcelle la suit en 1958… Ma famille prend la relève dans la maison pleine de souvenirs et découvre dans le grenier des dizaines de toiles roulées et de dessins de l’époque de Montparnasse, oubliés dans les cartons et les malles depuis des années… Ces œuvres trouveront-elles de nouveaux admirateurs ? Je l’espère… t
JEAN-FRANÇOIS THIBAULT-FISCHBACHER,
Professeur Émérite de l’Université George Washington Washington D.C., U.S.A. 14
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FEMME DE PROFIL Aquarelle sur papier
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HELENA HET KWIATKOWSKA (1882-1956), UNE ARTISTE POLONAISE OUBLIÉE Le portrait En 1911, le « Courrier de Varsovie » (Kurier Warszawski) rapporte au public polonais les échos des ateliers parisiens de quelques artistes polonais, parmi lesquels figure la jeune peintre Helena Kwiatkowska. À Paris, on a déjà entendu parler d’elle et de sa Dame Rouge. Dans l’atelier, son travail en cours est un nouveau portrait, celui d’une femme à la main tendue dans un geste démonstratif. La force expressive qu’il dégage illustre selon l’auteur de l’article, l’audace et le courage de ce jeune talent. « Dans le creuset parisien d’art et des talents, seulement les personnalités aux grandes et vraies valeurs et dotés d’une individualité puissante peuvent attirer l’attention sur elles. Si l’artiste n’est pas français mais étranger, il doit avoir davantage du génie par rapport aux autres ». Intriguée par ces propos, je souhaitais en savoir plus sur la personnalité de Helena. Je voulais connaître son visage. J’ai découvert son portrait dans la revue polonaise « Le Monde » (Świat) de 1922 – dans un petit encadré illustrant le texte critique concernant les silhouettes de Nina Aleksandrowicz (1878-1945) et de Helena Kwiatkowska, deux artistes polonaises reconnues à Paris et déjà un peu oubliées en Pologne. Une apparence élégante mais sobre, un savant mélange de fragilité et de dignité se dégagent de la photographie, prise encore en Pologne sans doute. À ma connaissance, c’est le seul portrait photographique de Helena Kwiatkowska publié dans la presse. Vivons bien, vivons cachés, pourrait-on dire. Comment a-t-elle vécu ? Que savons-nous de sa fortune artistique et de sa vie ? Que reste-il aujourd’hui de son œuvre ? Depuis 2012, l’échange de correspondance avec Jean-François ThibaultFischbacher, héritier de l’œuvre de Helena Het Kwiatkowska, marque les étapes de la reconstruction du récit de la vie de Het. L’exposition à la Galerie Les Montparnos, l’heureuse initiative de Mathyeu Le Bal et de JeanFrançois Thibault constitue une étape marquante dans la fortune posthume de l’œuvre de cette artiste.
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Helena Kwiatkowska naît en 1882 à Varsovie, dans la capitale polonaise occupée alors par la Russie impériale. Les trois partages successifs ont rayé la République des Deux Nations (la Pologne et la Lituanie) de la carte de l’Europe. D’après un document manuscrit précieusement conservé par Helena, sa famille avait des lointaines origines lituaniennes. Il s’agit d’un certificat de noblesse délivré aux ancêtres de Helena le 12 octobre 1817. Lors du troisième et définitif partage de la Pologne en 1795, les confins est de la République, y compris les territoires lituaniens, se sont trouvés sous l’occupation russe. La politique de l’occupant consistait à soumettre les nobles polonais, devenus sujets du tsar, aux impôts et même au service militaire. Afin de maîtriser cette couche sociale, il fallait d’abord la déclasser, puis, par la suite, l’appauvrir. Au début du XIXe siècle il devint important, voir vital, pour les nobles polonais de pouvoir certifier leur provenance, leur histoire de famille et les acquisitions des terres. Le certificat de l’ancêtre de Helena atteste l’ancienneté de la famille des Kwiatkowski, leur provenance et leur blason – le « Griffon ». Le berceau familial était situé au-delà de la rivière Niémen. Ses ancêtres évoluaient entre quatre localités : Upita, Wiłkomierz (actuellement Ukmerge), Kowno et Vilnus. C’est une région mythique pour les Polonais, une terre des grands poètes - la trilogie de Henryk Sienkiewicz (1846-1916), prix Nobel de littérature en 1905, l’a rendue célèbre. Une des héroïnes de La Trilogie (1883-1888) s’appelle Helena… Les raisons pour lesquelles la famille de Het s’établit à Varsovie restent inconnues. Les soulèvements des Polonais contre les occupants ont jalonné le XIXe siècle et ont favorisé les déplacements de population. L’engagement des ancêtres d’Helena dans ces insurrections ne fait pas de doute. Un ancien portrait conservé par Helena représente un membre de sa famille en tenue paysanne portée lors de l’Insurrection de Kosciuszko, le soulèvement de tout un peuple contre la Russie impériale en 1794. Tadeusz Kosciuszko (1746-1817), vétéran et héros de la guerre de l’Indépendance des ÉtatsUnis, assumait le commandement des forces polonaises « pour retrouver 18
NU ASSIS Mine de plomb
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l’indépendance de la nation et pour renforcer les libertés universelles ». L’attachement de Helena à ces valeurs familiales fut tel que le petit portrait de l’ancêtre insurgé traversa les frontières et voyagea avec elle jusqu’à Paris.
Des « Mademoiselles » Les artistes polonaises ont obtenu le droit à la formation artistique académique dans les établissements d’État assez tardivement. La situation variait selon les régions polonaises annexées par les trois occupants : la Russie, l’Autriche et la Prusse. En 1904, elles obtenaient le droit d’étudier à l’École des BeauxArts de Varsovie. L’Académie des Beaux-Arts de Cracovie accueillit des femmes seulement en 1920 ; avant cette date elles pouvaient être admises en tant qu’auditeurs libres. Les Polonaises pouvaient accéder à l’enseignement artistique supérieur seulement à l’étranger, dans des classes ouvertes aux femmes dans les académies de Saint-Pétersbourg (à partir de 1894) de Munich et de Paris (à partir de 1896). Cependant, l’enseignement dans ces classes fut différent de celui ouvert aux hommes : le programme était plus restreint et ne prévoyait pas l’étude de nu d’après un modèle vivant. Les établissements privés fondés à partir des années 90 du XIXe siècle sur le territoire polonais tentaient de combler ces lacunes. Parmi les fondateurs de ces écoles privées figuraient beaucoup de femmes, formées à l’étranger, essentiellement à Paris. Quand Helena choisit la voie de la peinture, les transformations culturelles et sociologiques concernant l’activité artistique des femmes étaient en cours. Elle fera partie de ces « demoiselles » qui, fortes de leur professionnalisme et de leur volonté, vont tenter de développer des carrières artistiques au même titre que les hommes. Kwiatkowska s’inscrit à l’École de Dessin et de Peinture pour les Femmes qui fonctionnait à Varsovie entre 1892 et 1912. Son fondateur, le peintre Miłosz Kotarbiński (1854-1944) était également illustrateur, critique, homme des lettres et compositeur. 20
Dès 1903, il enseigna à l’Ecole des Beaux-Arts de Varsovie et rapidement il y accueillit des élèves femmes. Son érudition et sa personnalité influencèrent un grand nombre d’artistes polonaises, élèves de son école privée, comme Mela Muter (1876-1967) ou Nina Aleksandrowicz (Alexandrowicz). Pour ces femmes dotées d’un talent hors du commun, les études complémentaires à l’étranger s’imposaient. Paris fut, dès la fin du XIXe siècle, la destination privilégiée et recommandée par les professeurs, puisqu’elle offrait aux artistes, hommes et femmes, des possibilités d’apprentissage mais aussi d’exposition et de vente. Dès la fin du XIXe siècle, des femmes envisageant une carrière artistique professionnelle partaient pour Paris et leur nombre augmentait régulièrement. En 1913, selon l’article publié par Wacław Gąsiorowski dans l’Hebdomadaire Illustré (Tygodnik Ilustrowany), sur 263 artistes peintres polonais actifs à Paris, soixante-huit étaient des femmes. Au-delà des statistiques, l’auteur livre une analyse intéressante des conditions de vie de ces femmes artistes. Presque toutes, même celles un peu connues, possédaient leurs revenus ne provenant pas de leur art. Elles recevaient une rente de leur famille. Cela eut des conséquences directes sur leur travail puisqu’elles se consacraient entièrement à la peinture – leur participation aux salons était trois fois plus élevée que celles des hommes, qui n’avaient des ressources propres que dans peu de cas et devaient vivre majoritairement de leur art. Ces propos peuvent éclairer le contexte dans lequel Helena Kwiatkowska gagna la capitale des arts, probablement dès en 1905. Parmi les académies libres qui proposaient l’enseignement aux femmes, elle choisit, tout comme Mela Muter, l’Académie de la Grande Chaumière, inaugurée en 1904. Ce haut lieu de la vie artistique du Montparnasse se distinguait par sa mixité certes, mais surtout par la facilité d’accès aux cours et, ce qui en résultait, par la mobilité des effectifs. À cause de sa structure informelle, « La Grande Chaumière » ne laissa que peu d’archives. Nous ignorons combien de temps Kwiatkowska est restée élève de cette académie, de même que 21
nous ne savons pas si elle a pu bénéficier de l’enseignement de Mlle Olga Boznańska (1865-1940) qui pendant une courte période, jusqu’en 1909, y donna des cours de peinture. Formée à Cracovie et à Munich mais aussi autodidacte dotée d’un grand talent, Boznańska fut l’artiste femme la plus médaillée de l’époque. Sa gloire en tant que portraitiste s’étendait de Paris jusqu’à Londres, Munich, Berlin, Cracovie… Son statut de femme indépendante et sa notoriété d’artiste reconnue marquaient les esprits des jeunes adeptes de l’art. Boznańska fut au coeur de l’art féminin, exposant avec des femmes peintres et sculpteurs en France, notamment avec le groupement les « Quelques », prenant part aux manifestations ponctuelles comme l’exposition des « Mademoiselle » au Petit Musée Beaudouin, rue Saint-Honoré à Paris, en 1909. En Pologne, en 1907, à l’exposition de la peinture féminine à la Société de l’Encouragement de l’Art (Zachęta) de Varsovie, Boznańska se distinguait des autres artistes participantes par son talent. Selon la critique de l’époque, l’exposition varsovienne des femmes peintres fut un témoignage d’un ferment artistique qui « donnait matière à espérer ». Kwiatkowska suivait tous ces événements artistiques relatés largement par la critique, française et polonaise. Elle ne participa pas aux expositions citées, mais ses œuvres côtoyèrent rapidement celles de Boznańska sur les cimaises des salons parisiens. Habitant toutes les deux Montparnasse, les deux femmes se connaissaient, d’autant plus qu’elles étaient actives au sein de la colonie artistique polonaise.
Trouver un peu de Pologne À Paris, au début du XXe siècle, le milieu intellectuel polonais observait le flux permanent des jeunes gens qui cherchaient des « voies nouvelles » et différaient de la vieille émigration, celle de la lignée du compositeur Fréderic Chopin (1810-1849) et du poète Adam Mickiewicz (1798-1855). La « Grande Émigration » de 1830 est rentrée dans l’histoire des deux nations et, grâce à ces figures majeures, la vie culturelle polonaise s’implanta dans l’accueillant sol français. « À Paris, un artiste polonais pouvait toujours trouver un peu de Pologne »,
écrivait en 1904 Adam Potocki, l’un des acteurs de la vie intellectuelle polonaise à Paris. Chose d’autant plus importante que la Pologne ne figurait pas sur la carte de l’Europe jusqu’en 1918. Les artistes polonais arrivant à Paris étaient officiellement citoyens des empires - autrichien, russe, prussien - et en même temps porteurs de la culture de leur nation, une nation sans état. La nécessité de s’organiser en association afin de promouvoir l’effort artistique polonais, de créer un espace d’échanges intellectuels et pallier ainsi le manque de soutien officiel, paraissait une évidence. La question de la lutte pour l’indépendance de la Pologne animait les débats. 22
AMSTERDAM, VUE SUR LE CANAL 1934 - huile sur toile 38,5 x 46 cm
La première adresse parisienne de Helena Kwiatkowska fut le 37 rue DenfertRochereau. En 1910, au numéro 32 de la même rue s’établit la Société des Artistes Polonais (TAP) fondée par le sculpteur Stanisław Ostrowski (1879-1947). Les archives ne mentionnent pas la présence de Helena au sein du groupe fondateur de cette association. Grâce aux recherches d’Ewa Bobrowska-Jakubowska, spécialiste de la colonie artistique polonaise à Paris, la participation de Helena Kwiatkowska est attestée en 1916. L’artiste fait partie des membres payant les cotisations. Selon le programme statutaire, l’association veillait à consolider des liens entre les artistes polonais, facilitait leurs expositions, assurait la promotion de la culture polonaise. L’aide fraternelle fut l’un des volets importants de cette activité, mise en œuvre lors du conflit mondial. La caisse du Secours Fraternel devint rapidement une société à part, portant l’aide aux artistes dans la situation de crise due aux hostilités. Nous suivons donc Helena Kwiatkowska prenant 23
part aux manifestations de soutien en faveur des soldats polonais dans l’armée russe. L’artiste exposa aussi au Secours Fraternel, en 1917. Pour beaucoup de peintres, restés à Paris, ce fut la misère. Elle-même finit par avoir besoin d’une aide financière, comme tant d’autres artistes privés de soutien familial venant de l’étranger. Pendant une courte période le Secours Fraternel accorda des prêts gratuits au nécessiteux, mais l’aide s’arrêta en 1917. Ne pas baisser les bras, travailler malgré tout, être solidaire et se soutenir, tels furent les principes durant les années de guerre. En 1918, la Pologne retrouva son indépendance. La situation des artistes polonais évolua, y compris celles des femmes. Elles obtinrent le droit de vote, l’accès à l’enseignement artistique leur devint plus facile. Un grand nombre de femmes peintres choisissait Paris comme voie de découverte de la peinture moderne. Durant toute son activité en France, Kwiatkowska resta attachée à la communauté artistique polonaise. Un grand nombre de ses expositions, individuelles ou collectives, se tint à Paris dans des lieux liés à la Pologne, notamment celle de 1933, à la Galerie Art et Artistes Polonais, au 49 de l’avenue Montaigne. Une photographie conservée par les archives de la Bibliothèque Polonaise de Paris constitue l’un des rares témoignages visuels de la participation de Helena à la vie de la colonie artistique polonaise. En octobre 1927, Helena assista à l’inauguration du Club International des Artistes, au 23 avenue du Maine, où se trouvait le siège de la Société des Artistes Polonais en France. Une exposition des œuvres des membres du Club accompagnait l’événement placé sous la présidence du maître Antoine Bourdelle (1861-1929). Sur la photo du groupe, officielle et posée, Helena occupe une place importante, au premier rang, non loin de Boznańska et de Bourdelle, les deux grands maîtres de la colonie artistique polonaise. Le rôle du sculpteur Bourdelle au sein des artistes polonais fut considérable. Son intérêt pour la Pologne, sa « deuxième patrie » tout au long de sa vie, s’est exprimé de la meilleure des manières qui soient– par un monument du poète Adam Mickiewicz, élevé à Paris en 1929. La réalisation avait été confiée à Antoine Bourdelle par le Comité franco-polonais, composé des personnalités comme André 24
NU DEBOUT Fusain sur papier
Gide, Anatole France, Romain Rolland, Auguste Rodin ou Ignacy Paderewski. Le maître consacra vingt ans de sa vie à la recherche, nourrie de la réflexion sur la vie et de la culture polonaises. Professeur à la Grande Chaumière de 1909 à 1920, Bourdelle a laissé un héritage marquant – ses propos sur l’art, ses recherches, ses projets ont influencé les jeunes générations de sculpteurs. Ses élèves ont puisé librement dans les inspirations du maître : l’art grec, l’art médiéval, l’art monumental. Mais avant tout, ils ont été sensibles à sa recherche d’une expression intérieure. Son enseignement dépassa le cadre du cercle des élèves, parmi lesquels figuraient un bon nombre de femmes sculptrices polonaises, et toucha également des peintres. Helena Kwiatkowska, élève de la Grande Chaumière, a certainement reçu les échos de cet enseignement qui primait la recherche d’une vérité plastique et d’une voie esthétique personnelle. La présidence de Bourdelle à l’exposition au Club International des Artistes augmentait le prestige de la manifestation. La présence de Frantz Jourdain (1847-1935), fondateur et président du Salon d’Automne, importait beaucoup pour les personnalités réunies, parmi lesquelles figuraient entre autres les peintres Nina Aleksandrowicz, Marcin Samlicki, Eugeniusz Geppert, Zygmunt Menkes, le critique Edouard Woroniecki, le graveur Konstanty Brandel, le sculpteur Stefan Kergur. La photo fut transmise à la presse polonaise qui relata l’événement dans les pages de l’hebdomadaire « Światowid » (Vision du Monde).
L'inauguration du Club International des Artistes, 23 av du Maine, Paris, le 16 octobre 1927. Au premier rang, Helena Kwiatkowska est la quatrième à partir de la droite, à côté d'elle, de droite à gauche, Stefan Kergur, Olga ´ Boznanska et sa soeur Izabela Boznanska, Antoine Bourdelle, Frantz Jourdain, ´ XX, Nina Alaksandrowicz, Maria Prochaska, _Janusz Tlomakowski. Fonds d'archives de la Bibliothèque Polonaise de Paris.
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Il convient de souligner l’importance des annonces des expositions polonaises à Paris dans la presse polonaise. Elles assuraient le lien entre les artistes et le public de leur pays. Elles constituent aujourd’hui l’un des éléments essentiels pour analyser les carrières des artistes émigrés. Pour la plupart d’entre eux, il était important de ne pas rompre le lien avec le pays et de conduire une carrière parallèlement à Paris et en Pologne. Il semble que Helena n’a réussi que partiellement ce pari. La critique polonaise relatait ses expositions parisiennes, mais quant au fait d’exposer en Pologne, nous ne connaissons qu’une seule participation de Helena Kwiatkowska au salon varsovien, au tout début de sa carrière de peintre. HELENA KWIATKOWSKA, DAME ROUGE 1910 - photographie d'archive
Quand Helena devient Het Jusqu’en 1918, d’après les documents d’archives, l’activité artistique de Helena Kwiatkowska se déployait essentiellement au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts de Paris. Sa fameuse Dame rouge avait rendu amère sa première participation au salon en 1910. L’œuvre avait été caricaturée dans le journal « Comoedia » (du 16 avril 1910), et les échos de cette raillerie étaient parvenus jusqu’en Pologne. Cependant, le portrait attira l’attention de la critique polonaise qui reconnaissait les valeurs expressives et le coloris audacieux de l’œuvre. La jeune femme portraiturée est une figure intérieure, le regard difficile à saisir, inquiétant, les mains posées sur les genoux dans une pose traduisant une tension… Le portrait d’une artiste, d’une pianiste, d’une sculptrice ? Il est inutile de le définir, l’expression seule nous saisit. Malheureusement, nous ne connaissons cette œuvre que par sa reproduction en noir et blanc. Comme pour assurer ses arrières, Kwiatkowska présenta au même salon un deuxième tableau, dans un style décoratif, correspondant mieux à ce que l’on attendait d’une femme artiste. Ses Chrysanthèmes sur fond gris annonçaient un peintre de talent. En 1909 déjà, la publication polonaise Mouvement féministe en Pologne. 26
CHÂTEAU DU VIGNAL À CHÂTEAUNEUF-GRASSE 1937-38 - Huile sur toile Signée en bas à gauche 65 x 81 cm
Les femmes peintres et sculptrices citait Kwiatkowska parmi les jeunes talents prometteurs. En 1913, Kwiatkowska avait été admise au Salon annuel de la Société d’Encouragement des beaux-arts (Zachęta) à Varsovie, ce qui fut un succès en soi. Comme le décrivaient les critiques de l’époque, les « compositions figuratives » dominaient l’esprit de l’exposition. Helena y présentait un motif biblique et un motif du Moyen-âge, deux dessins expressifs des « têtes », dont l’un fut reproduit dans « le Monde » (Świat 1913, n° 50, p. 11). La critique décelait chez Kwiatkowska des sérieuses qualités de dessin et de couleur. Chose importante puisque généralement la peinture féminine, du fait d’être pratiquée à l’époque presque exclusivement en atelier, était fréquemment soumise aux critiques quant aux valeurs de la palette. Les œuvres de femmes « manquaient d’air ». Les choses allaient changer rapidement. 27
En 1918, quand la première guerre mondiale s’arrêta, Helena était âgée de 36 ans. Son pays natal retrouvait l’indépendance. L’espoir et le dynamisme de la période de l’entre-deux-guerres l’emportaient elle aussi. « Ses toiles dégagent un sentiment de couleur et, de plus, une recherche spirituelle d'un idéal, d'une expression enfouie au fond de l'âme de son modèle »,
écrivait en 1922 Maria Kasterska, correspondante de la presse polonaise (Le Monde - Świat), docteur en littérature française. L’article fut publié à l’occasion de l’exposition de la Jeune Pologne au Musée Crillon à Paris. La manifestation organisée sous la présidence d’Antoine Bourdelle et de Frantz Jourdain avait pour but de montrer le visage de la création polonaise moderne. Les organisateurs souhaitaient en donner une vision complète par les deux volets – l’un groupant les artistes polonais résidant à Paris, l’autre présentant les peintres de Pologne. La partie « peinture décorative » complétait cette présentation. La sœur de Helena, Jadwiga Kwiatkowska, au sujet de laquelle nous n’avons que peu d’informations, y présenta ses talents de décoratrice en exposant ses découpages. Helena Kwiatkowska participa en tant que peintre du Groupe de Paris. À quarante ans, elle était une artiste à la vision artistique cristallisée. Elle présentait des œuvres caractéristiques de ses préoccupations esthétiques de l’époque : des figures féminines - Vierge à la Rose, la Rose- archaïsantes par le titre mais modernes par leur conception plastique. Traiter la figure féminine sur fond décoratif de manière monumentale, sculpturale, sans perdre pour autant l’aspect intérieur de l’œuvre : tels semblaient être les éléments du style de Kwiatkowska que le public remarqua déjà au Salon d’Automne de 1921, avec la Tête slave. Aujourd’hui, cette œuvre est sans doute la plus visible de toute la création de Kwiatkowska, du fait de sa présence sur le marché de l’art. En 1925 le mouvement Art déco connut sa consécration avec l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes à Paris. Le pavillon polonais fut décoré par six panneaux de Zofia Stryjeńska (18911976), médaillée d’or de l’exposition, qui a fait de la mythologie slave l’élément principal de son style, valorisant la culture nationale. 28
TÊTE SLAVE Fusain sur papier
DAME AU CHAPEAU, LA PARISIENNE Avant 1936 - huile sur toile Signée en haut à gauche 80 X 60,5 cm
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Kwiatkowska avait devancé cette mouvance mais ne s’était pas enfermée dans ce style, en allant plus loin dans le traitement de la figure féminine. Le deuxième volet de sa création, présenté avec succès à l’exposition Jeune Pologne, fut le paysage. Une reproduction de la vue de Collioure dans la revue polonaise correspond à la toile de Kwiatkowska figurant à l’exposition sous le titre En Catalogne. Le travail artistique de Helena Kwiatkowska dans le Midi s’associait à celui de toute la lignée d’artistes polonais qui ont suivi leurs homologues français pour élaborer leur langage plastique aux côtés des avant-gardes. L’aventure de la peinture moderne dans le Midi, qui avait commencé à la fin du XIXe siècle avec les voyages de Van Gogh et Gauguin et fut illustrée par les recherches de Cézanne, maître des générations entières, y compris en Pologne, attirait les artistes vers cette terre d’échanges. Les mouvances fauve et cubiste avaient ouvert de nouveaux horizons, s’associant à un moment donné à des lieux comme Cassis, l’Estaque, Martigues, Collioure, Saint-Tropez ou Céret, qui devinrent des « lieux de peinture ». Depuis le séjour à Saint-Tropez de deux amis, Józef Pankiewicz (1866-1940) peintre et pédagogue de l’Académie des beaux-arts de Cracovie et Pierre Bonnard (1867-1947), l’intérêt des artistes polonais pour le Midi ne cessa de croître. Les recherches picturales de Pankiewicz, ses échanges avec Pierre Bonnard furent à l’origine du voyage de peintres polonais vers le Sud. Le cheminement artistique des élèves de Pankiewicz, tel un Kisling ou un Zawadowski, était en grande partie lié à la terre de Midi où ces peintres, en dialogue avec la nature, puisaient les éléments de leurs visions esthétiques. L’engouement pour les rivages de la Méditerranée prit un élan particulier dans les années vingt. Les voyages artistiques des peintres dans le Midi devinrent également incontournables pour les Polonaises, dont les déplacements étaient plus faciles après 1918. Les nouvelles lois de la Pologne indépendante leur attribuaient le droit de vote et l’égalité juridique. Désormais, elles pouvaient, si elles le souhaitaient, choisir librement leur lieu d’apprentissage ainsi que leurs destinations des voyages artistiques à la recherche des motifs intéressants.
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NU DEBOUT Encre sur papier
JEUNE ANGLAISE À LA ROBE BLEUE Vers 1936 - Huile sur toile Signée en bas à gauche 73 x 54 cm
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COUR D’ATELIER À AMSTERDAM 1934 - Huile sur toile Signée en bas à gauche 73,5 x 92 cm
La participation de femmes artistes polonaises à la vie artistique de Paris augmenta considérablement. Trente pour cent des peintres polonais qui exposaient dans les salons parisiens étaient des femmes. La plupart des artistes polonaises effectuait le voyage dans le Midi. Avant la première guerre, les pionnières qui empruntèrent cette voie furent Irena Hassenberg (Irène Reno1884-1953) et Sonia Lewitska (1874-1937). Durant la période de l’entre-deux-guerres y ont travaillé : Fryda Frankowska (18721957), Mela Muter (1876-1967), Nina Aleksandrowicz (1878-1945), Zofia Piramowicz (1880-1958), Zofia Schomberg-Szymberska (1883-1943), Alicja Halicka (1894-1975), Dorota Kucembianka Dora Bianka (1895-1979), Sonia Bornstein (1907-1944). Les salons parisiens recueillaient les fruits de ces déplacements, une grande partie de la création méridionale des Polonaises figurait au Salon d’Automne. L’analyse de cette création féminine, y compris de celle de Kwiatkowska, s’avère être une tâche difficile - les titres des œuvres qu’offrent les archives et les catalogues sont succincts : « paysage, paysage du Midi » ou « village du Midi ». Collioure, que le fauvisme rendit célèbre, fut un lieu privilégié de création pour un nombre important d’artistes polonais. Helena Kwiatkowska, Nina Aleksandrowicz et Mela Muter en ont donné des vues saisissantes. Ce port « arrondi comme un fruit mûr » selon les propos de Mela Muter offrait aux peintres la possibilité de multiplier des vues en se mesurant aux principes de la perspective moderne et aux exigences de la lumière du Midi. De la production de Collioure de Kwiatkowska il ne reste qu’un seul témoignage photographique, en noir et blanc. La toile En Catalogne représente une vue des hauteurs de Collioure sur le port et sur l’emblématique clocher de la Chapelle Saint-Vincent. Cette œuvre comparée à celles de Mela Muter se démarque par l’équilibre de la composition. La critique nota la hardiesse du coloris de cette toile. Les œuvres méridionales de Kwiatkowska furent exposées à Paris, en 1923 chez Devambez. La galerie présentait des petits formats, dans lesquels l’artiste réussissait à enfermer « toute la beauté de la chaude gamme du Midi ». 32
LES LÉGUMES DE LA RATATOUILLE Vers 1950 - Huile sur toile Signée en bas à gauche 50 x 61 cm
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En 1924, le critique Edouard Woroniecki relate la participation de l’artiste à l’Exposition permanente des artistes polonais : « Kwiatkowska a préparé un festin aux amateurs du soleil et de la nature. De son cycle des impressions du Midi émane une énergie et une assurance avec laquelle l'artiste met en oeuvre les couleurs hardies mais équilibrées et assujetties au dessin sorties d'une main de maître ».
Nous pouvons croire qu’à cette période Kwiatkowska voyageait dans le Midi, peut être jusqu’à Saint Tropez, devenu l’endroit incontournable de la peinture et dont la gloire résonnait à Montparnasse. À la VIIe Exposition de la Compagnie des Peintres et sculpteurs professionnels à la Closerie des Lilas en 1924, elle montra entre autres une vue d’un port méridional. « Elle surprend par son dessin très expressif et surtout par la manière dont elle dispose la couleur par tâches lumineuses » notait Woroniecki. Les Années folles seront celles du plus grand effort artistique de Helena Kwiatkowska. Elle n’a pas appartenu aux avant-gardes à proprement parler. Mais, vivant à Montparnasse, au 27 rue Delambre, au cœur des émulations artistiques, elle en avait connaissance. Ses voisins de rue étaient les peintres Foujita (1886-1968) (n° 5, de 1917 à 1924), Marcel Gromaire (1892-1971) et Jean Fautrier (1898-1964) (n° 20). Le Grand Hôtel des Ecoles (n° 15) accueillait Tristan Tzara (1896-1963) et Man Ray (1890-1976). Kwiatkowska puisait librement dans les avancées de cette modernité qu’elle côtoyait, en construisant sa propre voie esthétique. Au fil des années son style évoluait, fruit d’un travail régulier et d’une recherche constante, placé entre exigence et sensibilité. La participation aux salons parisiens, Salon d’Automne et Salon des Tuileries, faisait partie de ce cheminement artistique, car ils apportaient le regard de la critique et du public, nécessaires pour avancer. Nécessaires pour se faire connaître et, n’oublions pas, pour vendre. Dans les années vingt, le Salon d’Automne, qui depuis sa création en 1903 était considéré comme difficile d’accès pour les femmes du fait de son Jury, devint finalement celui que les femmes artistes étrangères préféraient. Présente au Salon d’Automne depuis 1921, Kwiatkowska était remarquée régulièrement par la critique. En 1927, elle y participa avec deux envois deux toiles intitulées Femmes des tropiques que la critique remarqua pour « l’excellent traitement plastique des figures ». Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Kwiatkowska n’exposait pas souvent les nus. Dans les catalogues des salons on trouvera ses natures mortes, portraits ou paysages qui étaient des sujets bien plus « féminins ». 34
NU AU PERROQUET 1930 - Huile sur toile Signée en bas à droite 100 x 73 cm
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Pour exposer un nu, Kwiatkowska devait être vraiment sûre d’avoir obtenu un résultat à la hauteur de ses aspirations esthétiques. La presse polonaise reproduisit son envoi du salon de 1927, sous le nom de Femme africaine (Świat 1928, n°1, p. 4), juste à côté de la reproduction du portrait de Kizette au balcon par Tamara Łempicka (1898-1980). Cependant, au même salon, Łempicka présentait aussi sa Belle Rafaëla, le nu ostentatoire, jugé « le plus remarquable du siècle ». Les Femmes des tropiques, confrontées à l’envoi de Łempicka, se démarquent par l’approche plastique. La monumentalité perçue chez ces deux artistes polonaises est de nature très différente. Kwiatkowska la soumet au principe de la plasticité, tandis que Łempicka joue de l’élégance ingresque. La lumière, le côté brillant, lumineux de couleurs s’emploie chez Łempicka au service de la séduction, chez Kwiatkowska au service de la matière. Au Salon d’Automne de 1931, Kwiatkowska présentait de nouveau un Nu au perroquet, œuvre très aboutie dans son équilibre et sa retenue, mais en même temps très représentative des Années Trente. Le traitement du corps évoluait de la monumentalité robuste vers davantage d’épanouissement, le dessin gagnait en souplesse, la matière picturale vibrante témoignait du talent de coloriste. Helena Kwiatkowska devenait Het. Comme si, par cette abréviation de son prénom, elle allait enfin atteindre l’essentiel. Dans les compositions figurales comme Équilibre, toile présentée lors de l’exposition individuelle à la Galerie Art et Artistes Polonais en 1933, Het alla encore plus loin dans la recherche de sa voie plastique. La force de ces nouvelles compositions venait de leur rythme interne, du traitement libre de la surface picturale, quasi minérale au premier plan et devenant plus fluide et fragile dans les figures du fond. Le style de Het se fit encore mieux connaître au début des Années Trente quand, lors de ses expositions individuelles, elle exposa aux côtés de ses huiles ses travaux sur papier. Les critiques avertis surent déceler dans ces dessins la grandeur de son talent. Lorsqu’elle exposa à Amsterdam à la Galerie Santee Landweer en 1934, le directeur de la revue d’art néerlandaise Jan Slagter lui consacra un article élogieux : « On ne voit pas souvent des évocations aussi puissantes, techniquement si parfaites et sensibles du nu que celles de Het Kwiatkowska. Le maniement magistral de la craie en dit assez sur son talent inhabituel. Mais au-delà ! Comment a-t-elle le pouvoir de laisser parler les volumes dans ces nus, d'écrire les contours d'un seul coup de brosse et d'enfermer le tout dans une composition aboutie ! Ils sont tellement plastiques qu'on pourrait les conserver pour les études d'un sculpteur. (...) Des nus féminins dont Rubens se souviendrait.»
(Elsevier’s Geïllustreerd Maandschrift, le 2 juillet 1934, p.139-142).
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ÉQUILIBRE Vers 1933 - Huile sur toile Signée en bas à droite 92 x 65 cm
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Le fil rompu Au milieu des années trente Helena Kwiatkowska quitta Paris pour s’établir dans le Midi avec sa compagne Marcelle Challiol. S’appuyant sur la présence quotidienne de l’autre, partageant la même sensibilité, elles allaient vivre leur relation et leurs vies d’artistes loin de la capitale. La santé fragile de Het ne justifiait qu’en partie ce choix. La crise économique atténuait le dynamisme du milieu artistique dans lequel Het et Marcelle évoluaient. Paris perdait sa position de capitale des arts, reprise par New York. Le nombre d’acheteurs baissait, la situation économique poussait les artistes à déployer les carrières en dehors de la capitale. Parmi les artistes polonais qui avaient travaillé dans le Midi, l’idée de s’y établir se concrétisait dans ces années de crise. Kisling construisit sa villa à Sanary, Zawadowski s’établit à Orcel, près d’Aix en Provence. Józef Pankiewicz choisit La Ciotat comme lieu de résidence. Ces artistes maintenaient leurs ateliers parisiens tout en développant leurs carrières dans le Midi. Pour Het Kwiatkowska les traces des expositions parisiennes s’arrêtent en 1935. Par manque d’archives ou par éloignement ? – cette question reste pour l’instant sans réponse. Le témoignage de Jean-François Thibault-Fischbacher évoque cependant sa vie intense au Vieux Mas qu’elles habitaient, les visites des femmes célèbres comme la pianiste italienne Renata Borgatti ou Amélie Posse-Brazdova, fille d’un comte suédois, femme cosmopolite, écrivain, musicienne et amatrice d’art. Le portrait d’Amélie Posse, peint par Het en 1937 (aujourd’hui au Musée National de Stockholm), saisissant par la force du regard et par son intériorité, traduit la relation intime entre les deux femmes. Il atteste la renommée de Het en tant qu’excellente portraitiste, acquise lors de ses voyages artistiques, notamment en Angleterre. Les événements de l’histoire allaient brutalement changer la façon dont se développaient les carrières et les échanges artistiques. Durant la Seconde Guerre et après juin 1940, le Midi devint le refuge des artistes. Un mouvement de fuite s’orienta surtout vers la Côte d’Azur qui accueillait de nouveaux arrivants, des réfugiés, des intellectuels de tous bords. 38
PORTRAIT DE FEMME Encre sur papier
NU ALLONGÉ Encre sur papier
Pour les artistes polonais installés en France, le choix du Midi comme pays de refuge se fit naturellement. En effet, les liens qu’ils avaient tissés avant la guerre avec ce pays facilitèrent l’installation à l’abri des menaces. Aux alentours de Bramafam, dans la région où s’étaient établies Het et Marcelle, vivaient cachés de nombreux artistes polonais, ou polonais aux origines juives, comme Stanisław Grabowski (1901-1957), Zygmunt Dobrzycki (1896-1980) à Grasse, ou Henri Hayden (1883-1970) à Mougins. L’époque ne fut pas favorable aux échanges mais les artistes continuaient à peindre. Est-ce à cette période que Het exécuta le portrait saisissant de son amie peintre Nina Aleksandrowicz, qui trouva refuge à Bramafam ? Ne pas interrompre le travail était une forme de résistance face à l’adversité. Le bouleversement ne se situait pas au niveau de leur vision picturale, en tout cas pas immédiatement, mais plutôt sur le plan humain : déracinement, mort des proches, pillage des ateliers, perte des biens. De quelle manière la famille de Kwiatkowska a-t-elle vécu le drame de la Seconde Guerre ? Nous ne le savons pas, mais nous connaissons le destin tragique de sa ville natale, Varsovie, anéantie par les nazis en 1944. 39
La situation politique à la fin de la Seconde Guerre a instauré pour longtemps un dualisme dans la culture polonaise, séparant les artistes polonais à l’étranger de ceux résidant en Pologne, devenue République populaire, sous l’emprise de l’URSS. Les échanges officiels concernaient quelques rares personnalités. La fortune artistique d’un grand nombre d’artistes polonais à l’étranger dépendait uniquement des structures artistiques de leur pays d’accueil et souvent du réseau de l’émigration polonaise sur place. Cette rupture marqua pour des années la scène culturelle polonaise. Les carrières des artistes polonais résidant dans le Midi se développèrent dans des conditions bien plus difficiles comparé au milieu polonais de Paris. En ce qui concerne les femmes, la situation était encore plus complexe. Les difficultés financières, le manque de lieu d’exposition, la perte de liens avec la famille et le pays, la perte de ressources venant de leurs familles souvent appauvries et disloquées : tous ces éléments ont pesé sur la position des artistes polonaises sur la scène artistique française. Seules quelques rares artistes femmes, comme Mela Muter, réussirent à maintenir leur place au rang des grands créateurs. L’œuvre de Het Kwiatkowska, malgré quelques expositions parisiennes dans les année quarante, fut oubliée. Les efforts de l’association des plasticiens polonais visant à redonner vie au milieu artistique polonais à Paris aboutirent entre autres à la sauvegarde des informations précieuses sur la vie et le travail de Het, mais ne protégèrent pas ses œuvres de l’oubli. Le fil s’était rompu.
Épilogue « Sa peinture est comme sa personne, simple, honnête et puissante », écrivait Jan Slagter à propos du travail de Het en 1934. Que reste-t-il de cette œuvre aujourd’hui ? À quel niveau se situe cette puissance dont nous parle le critique. Est-ce la « hardiesse » de coloris ou la facture « mâle » que la critique masculine aimait tant souligner en parlant des toiles de Het ? La réponse m’est venue à la lecture du texte de Jean-François Thibault-Fischbacher. « Combien de temps cela durera-t-il ?» : cette question innocente de Het n’a cessé de raisonner dans ma mémoire et a fini par devenir une évidence. La notion de durée m’est apparue essentielle pour comprendre l’œuvre de Het. Créer une œuvre atemporelle, au prix de ne pas être considérée comme avant-gardiste. Ne pas rompre avec le réel, ne pas s’enfermer dans les influences mais privilégier le droit à l’hésitation et avancer sur sa propre voie. La voie de « l’équilibre » et du « mystère ». L’équilibre rassure, le mystère interpelle. Il reste l’émotion, celle des joies plastiques, de la surface picturale, du rendu sensible de la lumière. Celle que l’artiste espère partager avec le spectateur. « Combien de temps cela durera-t-il ? » est une question sur l’œuvre, pas sur la gloire de l’artiste. Le critique et l’historien d’art peuvent donner des éléments de réflexion mais la réponse n’appartient qu’au public qui découvre aujourd’hui l’œuvre peinte et dessinée de Helena Het Kwiatkowska. t MARTA CHRZANOWSKA-FOLTZER
Historienne de l’art 40
BUSTE DE FEMME Fusain sur papier
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Les
muses d’ Het 43
NU DEBOUT Craie brune sur papier
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NU DEBOUT Sanguine sur papier
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GRAND NU ASSIS Encre sur papier
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ÉTUDE DE TÊTE Encre sur papier
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NU ALLONGÉ Sanguine et mine de plomb sur papier
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NU DEBOUT, JAMBE LEVÉE Encre et lavis d'encre sur papier
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NU À LA CRUCHE D’EAU Encre sur papier
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LA VENDANGEUSE Fusain sur papier
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SOUS LE VOILE Fusain sur papier
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NU ASSOUPI Craie brune sur papier
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NU D’HOMME EN MOUVEMENT Encre sur papier
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LA FEMME ET L’ANGE Encre sur papier
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NU D’HOMME ASSIS Fusain sur papier
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PENSIVE Fusain sur papier
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NU D’HOMME DEBOUT DE PROFIL Fusain sur papier
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PETIT NU ALLONGÉ Encre sur papier
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ÉTUDE DE NU Gouache sur papier
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NU ROUGE Sanguine sur papier
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FEMME ASSISE EN TAILLEUR Fusain sur papier
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NU ALLONGÉ Craie brune sur papier
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PETIT NU ASSIS Fusain sur papier
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NU ALLONGÉ Fusain sur papier
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EXPOSITIONS COLLECTIVES ET INDIVIDUELLES • 1910 - Salon de la Société Nationale des beaux-arts, 15 avril- 30 juin, Grand Palais, Paris (La Femme rouge, Chrysanthèmes) • 1911 - VIe Salon de la Société des Artistes Décorateurs, Musée des Arts Décoratifs, 23 février-26 mars, Pavillon de Marsan, Paris (Chrysanthèmes) • 1911 - Salon de la Société Nationale des beaux-arts, 16 avril- 30 juin, Grand Palais, Paris (Soleils) • 1913 - Salon de la Société Nationale des beaux-arts, 15 avril -30 juin, Grand Palais, Paris (Essai décoratif) • 1913 - Salon de la Société d’Encouragement des beaux-arts, (Zachęta), Varsovie (Motif biblique, Motif du Moyen-âge) • 1916-1917, Exposition des Artistes Polonais à Paris. Vente au profit des Soldats Polonais dans l’Armée Russe en France et sur le front d’Orient, Paris, du 15 décembre 1916 au 5 janvier 1917. • 1917 - Exposition des Artistes Polonais, Société du Secours Fraternel, du 21 janvier au 27 février 1917, 164 bd Montparnasse, Paris. • 1918 - Exposition des Artistes Peintres et Sculpteurs Polonais au Profit des Mutilés de l’Armée Polonaise en France. Palais du Comte Nicolas Potocki, Paris, 30 octobre 1918 - 30 janvier 1919. 1921 - Salon d’Automne 1922 - Exposition de la Jeune Pologne Musée Crillon, Paris 66
• 1922 - Salon d’Automne • 1923 - Salon des Indépendants • 1923 - Galerie Devambez Exposition Aleksandrowicz et Kwiatkowska, du 4 au 19 décembre • 1924 - Closerie des Lilas, Montparnasse • 1924 - Exposition collective à la Galerie Devambez • 1924 - Exposition Permanente des Artistes Polonais (deuxième session) au siège de l’Association France-Pologne, juin 1924 – Kwiatkowska - les « Impressions du Sud de la France » • 1925 - Salon d’Automne
• 1926 - Salon des Tuileries
• 1933 - Salon d’Automne
• 1927 - Salon de l’Escalier, VIème exposition de peinture et des sculpture, Comédie des Champs Elysées,15 avenue Montaigne, mars 1927
• 1934 - Exposition des Peintres Polonais, Galerie Art et Artistes Polonais, Paris
• 1927 - Salon d’Automne
• 1934 - Galerie Santee Landweer, Exposition des œuvres de Het Kwiatkowska, Amsterdam
• 1927 - Salon des Tuileries • 1928 - Salon des Tuileries • 1928 - Salon des Artistes Français • 1929 - Salon d’Automne • 1929 - Salon des Tuileries • 1930 - Salon d’Automne • 1930 - Salon des Tuileries
• 1935 - Galerie des Beaux-Arts, Exposition du Groupe des Artistes Polonais à Paris, du 8 au 23 novembre 1935, Paris • 1948 - Exposition des artistes polonais à Paris (61 artistes polonais), L’Association Amitié Franco-Polonaise • 1973 - Portraits des peintres polonais résidant en France, Club des Relations Intellectuelles Internationales, Paris
• 1930 - Galerie de l’Atelier Français • 1930 - Société Nationale des Beaux-Arts • 1931 - Salon d’Automne • 1931 - Salon des Tuileries • 1932 - Salon d’Automne • 1932 - Salon des Tuileries • 1932 - Galerie Arts et Artistes Polonais, Peintures de Het Kwiatkowska (janvier 1932) • 1933 - Exposition Het Kwiatkowska à la Galerie Art et Artistes Polonais Paris du 9 au 21 janvier 1933 67
La galerie Les Montparnos remercie chaleureusement Jean-François Thibault-Fischbacher, petit-neuveu de Marcelle Challiol, qui a permis la réalisation de cette exposition. À Marta Chrzanowska-Foltzer, historienne de l'art, À l'origine de la redécouverte de l'oeuvre de Het Kwiatkowska, pour sa contribution exceptionnelle au catalogue de l'exposition. Aux différents prêteurs des oeuvres pour leur confiance.
Aux photographes des oeuvres : Bogdan-Mihai Dragot et Thierry Bécouarn
Conception Graphique / Tanguy Ferrand 2018
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