SOURCE AUTOMNE 2018

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AUTOMNE 2018, vol. 14 no 3

Le magazine de l’eau au Québec

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Cybersécurité Vos infrastructures

Convention de la poste-publications no 41122591

sont-elles protégées ? Bilan 2016 de la Stratégie québécoise d’économie d’eau potable

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Méthodes pour réduire le phosphore des eaux usées

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Et si la prévention était la solution ?

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AUTOMNE 2018, vol. 14 no 3

Le magazine de l’eau au Québec

dossier

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« Dans ma pratique, j’ai vu beaucoup de gens prétendre qu’un pare-feu était suffisant pour assurer la cybersécurité. Ce n’est pas vrai, ça ne règle pas grand-chose. C’est sûr, il faut mettre une solution technologique en place ; toutefois, la technologie finit toujours par devenir désuète et si personne ne sait comment l’utiliser, ça ne donne pas grand-chose. Il faut donc informer et former les opérateurs et les gestionnaires en continu. » — Éric Walker

chroniques

SOMMAIRE

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ÉCONOMIE D'EAU POTABLE BILAN 2016 DE LA STRATÉGIE QUÉBÉCOISE D’ÉCONOMIE D’EAU POTABLE

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EAUX USÉES MÉTHODES POUR RÉDUIRE LE PHOSPHORE DES EAUX USÉES

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EAU POTABLE ET SI LA PRÉVENTION ÉTAIT LA SOLUTION ?

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COMMUNAUTÉ NUMÉRIQUE DÉVERSEMENTS DANS LE MILIEU NATUREL : QUAND LES EXPLOITANTS S’EMPARENT DU SUJET

CON

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LES AMIS DE SOURCE

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Éditeur et rédacteur en chef André Dumouchel adumouchel@maya.cc Coordonnatrice à la direction de l'édition Noémie Vallet Téléphone : 450 508-1515 nvallet@maya.cc

Ce magazine est imprimé sur papier à contenu recyclé.

Rédacteur Guy Des Rochers Chroniqueurs Sylvain Boudrias Cle ́ment Cartier Mathieu Laneuville Bruno Moysan

Espace publicitaire André Dumouchel Téléphone : 450 508-1515 adumouchel@maya.cc

Direction artistique MAYA.cc

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Abonnement et administration MAYA communication et marketing 457, montée Lesage Rosemère (Québec) J7A 4S2 Téléphone : 450 508-1515 info@magazinesource.cc www.magazinesource.cc

Designer graphique Sylvain Malbeuf (SymaPub)

Révision linguistique Émilie Pelletier

Impression Carpe diem

© Tous droits réservés.

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Droits d’auteur et droits de reproduction : toute demande de reproduction doit être acheminée à MAYA communication et marketing aux coordonnées figurant ci-dessus. Les opinions et les idées contenues dans les articles n’engagent la responsabilité que de leurs auteurs. La publication d’annonces et de publicités ne signifie pas que le magazine SOURCE recommande ces produits et services. Convention de la poste-publications no 41122591. Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada aux coordonnées figurant ci-dessus. Dépôt légal : 1er trimestre 2005. ISSN 1712-9117. Le magazine SOURCE est publié trois fois l’an.



ÉDITORIAL

LA BOÎTE DE PANDORE

Dans la boîte de Pandore, laquelle ne doit jamais être ouverte, se cachent tous les maux de l’humanité, selon la mythologie grecque. Une fois entr’ouverte, même par inadvertance, elle est difficile à refermer, et les catastrophes qu’elle fait déferler sont encore plus dures à stopper.

L’

avènement d’Internet et des réseaux informatiques connectés est une parfaite représentation d’une boîte de Pandore moderne. Dès les années 1980, le terme « cybercriminalité » est apparu ; de nouveaux risques et de nouvelles menaces jusqu’alors peu ou pas connus, mais bien réels, émergent et forcent à revoir les façons de faire en matière de sécurité. Si les pirates naviguaient autrefois sur les mers, ils sévissent dorénavant sur la toile en s’attaquant, entre autres, aux structures informatiques les plus vulnérables.

Peu importe que vous soyez gestionnaire dans une petite ou une grande municipalité, Internet est un outil de réussite indispensable à la gestion quotidienne de vos infrastructures, puisque les technologies informatiques effectuent pour vous différentes opérations complexes. Il en va de même pour vos collègues et vos employés, pour qui Internet fait partie intégrante de la vie, tant au bureau qu’à la maison. Et imaginez, la course à la connectivité ne fait que commencer... En théorie, le travail des hommes et celui de leurs machines sont complémentaires, mais dans un monde où l’accélération prodigieuse des technologies et la croissance exponentielle de la puissance de calcul des ordinateurs prennent les devants, les machines programmées se substituent de plus en plus aux humains. Et avec l’Internet des objets, les machines parlent entre elles un langage que le commun des mortels comprend de moins en moins.

André Dumouchel adumouchel@maya.cc

Dans les faits, il y a un effet asymétrique entre l’accélération du rythme des changements technologiques et la relative capacité humaine de comprendre tout ce qui se passe vraiment. Pour une municipalité, il devient donc essentiel d’avoir au moins une personne qui suit le rythme et qui peut la guider et la conseiller pour assurer, comme le dit Éric Walker de la Ville de Laval, « un minimum d’hygiène technologique ».

L’expression de M. Walker est judicieuse, mais dans plusieurs villes québécoises, l’application du noble principe qu’elle sous-tend est généralement rendue utopique par le trop faible pourcentage du budget total alloué à l’informatique. Le résultat ? Des ordinateurs désuets, des applications dont les mises à jour sont faites de façon aléatoire, des périphériques de réseau en fin de vie, des configurations de sécurité par défaut connues de tout le monde, des mots de passe peu sûrs, des pratiques d’administration et d’accès à distance non sécurisées. Bref, les opérations parviennent tout de même à fonctionner, non pas sans beaucoup de bonne volonté, de la broche, du duct tape... et une forme de pensée magique. Des failles béantes pour les pirates d’outre-mer. De plus, comme une cybermenace pour les technologies de l’information d’une municipalité signifie par extension, de nos jours, une menace pour les technologies organisationnelles, il nous apparaît évident que les services publics des municipalités doivent être mieux protégés contre la cybercriminalité. Avis aux nostalgiques et aux réfractaires au changement : les chances de faire marche arrière et de retourner à des circuits fermés sont d’inexistantes à nulles. La pression de la connectivité est aussi politique et citoyenne qu’organisationnelle. Il vaut mieux s’y faire, d’autant plus que l’intelligence artificielle chamboule déjà l’industrie, tout comme l’Internet des objets promet une véritable révolution. La boîte de Pandore a non seulement été entr’ouverte, mais elle est maintenant grande ouverte. Tentons de nous protéger contre ses dangers. n

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DOSSIER

Cybersécurité Vos infrastructures

sont-elles protégées ?

Par Guy Des Rochers

Des municipalités vulnérables aux menaces d’une cyberattaque Pendant quelques heures inquiétantes, une petite municipalité, comme il s’en trouve des centaines au Québec, a complètement perdu le contrôle de son usine de filtration et de son service d’eau. Aucune commande ne répondait plus. L’écran de l’ordinateur qui gérait le réseau n’affichait plus, comme seules données, qu’un visage de clown effrayant sous lequel apparaissaient, par intermittence, les mots « Game Over ». Puis, devant un technicien informatique abasourdi qui appuyait frénétiquement sur la touche « Échap », un message se substitua à cette image : « Vous êtes victime d’un rançonnage. Toutes vos données ont été cryptées et vous ne pouvez plus y avoir accès. Afin de les retrouver, vous avez 24 heures pour payer une rançon de 1 000 $ en bitcoins... »

« La municipalité a payé la rançon, et son réseau est redevenu opérationnel, mais pour combien de temps ? Les risques de cyberattaques industrielles sont une réalité et les infrastructures de l’eau d’une municipalité comportent en général des failles informatiques aptes à titiller n’importe quel petit pirate informatique qui sévit depuis son sous-sol », explique Robert Nastas, président de l’entreprise de cybersécurité PM SCADA. Bien que l’exemple de rançonnage informatique donné par M. Nastas soit fictif, il y a effectivement eu des cas récents de municipalités québécoises dont les systèmes opérationnels des infrastructures

d’eau sont devenus inopérants à cause d’un acte de piratage, confirme-t-il. « Ce type de piratage semble anodin, mais il peut devenir un gros problème pour une industrie qui doit fonctionner sans délai. C’est le cas d’une municipalité qui subvient aux besoins en eau de sa population. »

Problème mondial et contemporain Bien sûr, on est loin d’un pirate international cherchant à pénétrer dans le système informatique contrôlant le réseau d’eau potable de la ville de New York, par exemple, pour empêcher les traitements d’assainissement, afin de favoriser la prolifération de bactéries E. coli et d’infecter les citoyens de la mégapole américaine. Robert Nastas ne cherche pas à nous entraîner sur le terrain de la science-fiction, même s’il considère que le potentiel des cybercrimes est en hausse. « Un groupe de rébellion comme Anonymous, un mouvement qui se manifeste notamment sur l’Internet, ne serait pas vraiment à craindre en ce qui concerne les activités d’une station de pompage, explique-t-il. Pas plus qu’une cyberguerre entre nations. On parle souvent de la Chine, de la Corée du Nord et de la Russie, qui seraient des pays très actifs sur le terrain de la cyberguerre, mais pourquoi une nation attaqueraitelle une station de pompage d’eau d’une petite

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DOSSIER municipalité québécoise ? Il s’agirait, de toute évidence, d’un événement rare. Toutefois, le cybercrime le plus simple et celui qui risque de causer le plus de dommages à une petite municipalité, c’est le rançonnage en cryptomonnaie. N’importe qui étant un peu à l’aise avec l’informatique peut y avoir recours, en solitaire ou en petite organisation, pour amasser des montants de 500 $ ou de 1 000 $ par du piratage. » M. Nastas mentionne une récente étude américaine qui précise que la majorité des SCADA (Supervisory Control And Data Acquisition, ou systèmes de contrôle et d’acquisition de données) en Amérique du Nord — surtout parce que l’argent s’y trouve — voient leurs adresses IP faire l’objet d’un fort trafic sur le marché noir. « Tu veux quel SCADA ? En Californie ? Le poste X ou Y ? Rien n’est plus simple pour un pirate que d’en faire l’acquisition et d’entrer dans un système, même sophistiqué », de noter notre expert. Ce problème de criminalité Internet serait répandu à un point tel que plusieurs nouvelles réglementations ont vu le jour, en particulier aux États-Unis, pour faire en sorte que des institutions et des organisations importantes et stratégiques aient l’obligation de mieux se protéger. « Ces règlements américains s’adressent même à des entreprises d’ici, comme Hydro-Québec, car si la société d’État québécoise, qui vend une partie de son électricité aux États-Unis, tombait aux mains de pirates informatiques, cela pourrait devenir dramatique pour quelques grosses villes de l’autre côté de la frontière. » « Alors, si des entreprises valant plusieurs milliards de dollars présentent malgré tous leurs moyens financiers des vulnérabilités informatiques, imaginez

un peu le sort des petites municipalités et de leurs infrastructures. Pour un pirate, c’est une partie de plaisir », explique M. Nastas.

Des solutions Avec l’émergence des réseaux intelligents et de leur interconnectivité avec les villes, il y aurait de plus en plus d’attaques et de plus en plus de joueurs dans le monde du crime informatique. « Les cyberattaques sont capables de faire dérailler des trains, de perturber des réseaux de distribution d’énergie ou des réseaux de gestion et de distribution des eaux dans nos municipalités, affirme Robert Nastas. Cela explique les nombreuses démarches lancées par de grandes institutions et différents paliers gouvernementaux pour contrer ce problème majeur, lequel menace la sécurité de nos installations critiques et affecte directement les services essentiels que nous recevons. Cependant, les coûts pour mettre en place des mécanismes de cyberdéfense sont généralement élevés. » Dans les faits, il s’agit d’un véritable casse-tête pour les municipalités : les infrastructures critiques des institutions publiques étant majoritairement basées sur des technologies opérationnelles industrielles (TO), elles n’évoluent pas à la même vitesse que celles des technologies informationnelles (TI). Donc, avec l’avènement de l’Internet des objets, les TO deviennent vulnérables. Les budgets pour rehausser la protection de ces TO sont élevés, car cela requiert des changements administratifs, procéduraux et technologiques. Les petites municipalités qui font face à ces risques doivent de surcroît se battre avec des moyens financiers limités.

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DOSSIER

Lutte aux cybermenaces « Il faut un minimum d’hygiène technologique. » – Éric Walker « Un appareil connecté à un réseau informatique sera toujours une cible potentielle pour un cybercriminel, surtout s’il est relié à des procédés opérationnels d’importance, comme le sont les infrastructures d’eau des municipalités. Même si vous pensez ne pas être à risque, il y a un danger. Le risque zéro n’existe pas. » qu’aucun système ne peut être sécurisé à 100 %, la nonchalance ou le fait de ne rien faire ne sont pas des options. Il faut donc avoir un minimum d’hygiène technologique », assure M. Walker avec cette image évocatrice de santé publique.

Éric Walker n’est pas le premier venu sur la scène de la cybersécurité. Cet ingénieur en automatisation est rapidement devenu un expert des technologies opérationnelles. Actuellement, il assure l’implantation d’un programme de sécurité pour les usines de traitement de l’eau potable et des eaux usées de la Ville de Laval.

La cyberguerre existe…

« En matière de cybersécurité, il ne faut pas attendre une attaque avant de réagir. De nos jours, les objets connectés et les infrastructures matérielles sont des cibles de choix pour des pirates. Même s’il est vrai

Dans le cas des infrastructures de l’eau, la nature des cybermenaces peut varier, mais Éric Walker distingue celles provenant des environnements interne et externe.

« De nos jours, les objets connectés et les infrastructures matérielles sont des cibles de choix pour des pirates. » Éric Walker

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« Un employé frustré par un congédiement pourrait être tenté, par exemple, de faire du sabotage intentionnellement, explique M. Walker. Mais le sabotage pourrait être non intentionnel, puisqu’une simple clé USB contenant un virus ou encore un lien malicieux dans un courriel dont l’application possède un accès au système de contrôle de l’eau sont aussi capables d’infecter tout un réseau. » D’autre part, Éric Walker nous plonge en pleine cyberguerre internationale en affirmant que la plus grande menace pour les municipalités provient des rançongiciels, mais qu’il ne faut pas sous-estimer la provenance des pirates qui en sont les auteurs ! « Il y a quelque temps, lors d’une présentation sur la cybersécurité, des spécialistes de l’organisme gouvernemental Sécurité publique Canada nous ont sensibilisés sur l’existence de réseaux internationaux, ajoute-t-il. Il ne faut pas se le cacher, il y a quatre gros joueurs dans le monde des pirates informatiques : les Chinois, les Nord-Coréens, les Iraniens et les Russes. Pour les Russes et les Nord- Coréens, ces rançons payables en cryptomonnaie leur permettent, entre autres, de financer des activités gouvernementales ; c’est particulièrement vrai pour la Corée du Nord. » Il ne serait donc pas déraisonnable de croire qu’une petite municipalité du Québec pourrait être victime d’un piratage de calibre international ?


DOSSIER « Il faut comprendre la façon dont ils fonctionnent, affirme notre spécialiste : l’armée est derrière ces opérations dans ces quatre pays. Ce sont des groupes militaires structurés en différentes classes de pirates informatiques, qui agissent comme des fantassins au combat. Et c’est une question de hiérarchie : certains pirates sont au premier niveau et doivent donc faire leurs classes avant de devenir des pirates de haut vol. Pour grimper dans la hiérarchie et gagner leurs galons, ils doivent s’entraîner. Que fait-on pour s’entraîner ? On choisit des infrastructures plus vulnérables. C’est pour cela qu’une petite municipalité, peu sécurisée, pourrait devenir une cible pour ces pirates désireux de grimper dans la hiérarchie militaire de leur pays, avant qu’ils ne s’attaquent à des villes d’envergure. »

Être en mode solutions Pour contrer cette malveillance informatique, Éric Walker suggère quelques solutions qui pourraient se résumer à trois termes : information, formation et surtout reddition de comptes.

« J’utilise parfois une analogie avec les règles de la CNESST [Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail]. Il y a quelques décennies, les mesures de sécurité n’étaient pas très approfondies. Puis il y a eu des accidents graves, des morts, et on a élaboré des procédures réglementaires qui rendent le travail beaucoup moins dangereux si les règlements sont respectés. La cybersécurité, c’est un peu la même chose. Ce sont des informations diffusées en continu sur les précautions à prendre, en rappelant aux opérateurs de toujours faire attention : “Quand tu vas sur un site Web, quand tu ouvres un courriel, quand tu as une clé USB, fais attention.” C’est la première étape : informer les gens pour les garder en alerte face à la sécurité informatique. » M. Walker met aussi l’accent sur les bonnes pratiques. Avant d’œuvrer pour la Ville de Laval, il a travaillé en consultation. « Au chapitre de la cybersécurité, je dirais que j’ai tout vu, déclaret-il. Sur une échelle de un à dix, en donnant un dix aux meilleures pratiques, les grosses villes comme Montréal, Laval et Québec obtiendraient une note

de six ou sept. Pour avoir des résultats supérieurs, cela coûterait trop cher. Quant aux petites municipalités, leurs évaluations varieraient de un à trois… Dans ma pratique, j’ai vu beaucoup de gens prétendre qu’un pare-feu était suffisant pour assurer la cybersécurité. Ce n’est pas vrai, ça ne règle pas grand-chose. C’est sûr, il faut mettre une solution technologique en place ; toutefois, la technologie finit toujours par devenir désuète et si personne ne sait comment l’utiliser, ça ne donne pas grandchose. Il faut donc informer et former les opérateurs et les gestionnaires en continu. » Il est certain qu’une stratégie de cybersécurité a un coût, mais il faut comparer ces coûts à ceux des risques potentiels. « Il y a des choses que l’on peut faire qui seront peu coûteuses, mais surtout, il faut parler de reddition de comptes. Dans une municipalité, qui est responsable de la cybersécurité ? Il faut aussi apprendre à évaluer les risques : quelles sont les conséquences si l’on n’est pas capables de livrer de l’eau à la population ? Cela risque de coûter beaucoup plus cher qu’une cyberdéfense. »

« Notre plus grande menace ? Une …»

clé USB

Yanick Fortier, surintendant au service des eaux de la Ville de Saint-Eustache, et Jean-Serge Paquette, directeur des technologies de cette municipalité, considèrent que la plus grande faille de leur réseau de cybersécurité réside dans le potentiel malicieux d’une simple clé USB. « La seule forme de cybersécurité que nous faisons, c’est de nous assurer d’être en dehors du réseau public, explique Yanick Fortier. Notre réseau de procédés ne comporte pas de connexions externes. On fait en sorte que l’Internet n’est jamais branché sur aucun de nos ordinateurs de procédés. Même notre réseau bureautique, qui appartient à la Ville, ne peut pénétrer dans le réseau des procédés. » Selon l’Institut de la statistique du Québec, Saint-Eustache occupait en 2016 le 26e rang

de la province en matière de population, avec 44 897 habitants. Considérée comme une municipalité de taille moyenne, Saint-Eustache ne lésine pas quand vient le temps d’assurer la sécurité de ses installations. Cependant, pour Jean-Serge Paquette, la plus grande menace à la cybersécurité des infrastructures de l’eau a pour origine le facteur humain : « L’humain, c’est la partie sur laquelle nous avons le moins de contrôle. Par exemple, quelqu’un trouve une clé USB dans le stationnement et pour voir ce qu’elle contient, il l’introduit dans un ordinateur

« Devoir passer du jour au lendemain en mode manuel parce que l’automatisme ne fonctionnerait plus, cela changerait drôlement la donne et nous causerait d’immenses problèmes. Plus personne n’est habilité à travailler de cette manière de nos jours. » Yanick Fortier

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DOSSIER de procédés. Si cette clé est infectée, elle pourrait infecter conséquemment tout le réseau. Il s’agit de notre plus grande menace… » Yanick Fortier considère, à juste titre, qu’un réseau des procédés rendu inopérant par un virus, par exemple, serait catastrophique. « Tout est entièrement automatisé dans l’usine, observe-t-il. Devoir passer du jour au lendemain en mode manuel parce que l’automatisme ne fonctionnerait plus, cela changerait drôlement la donne et nous causerait d’immenses problèmes. Plus personne n’est habilité à travailler de cette manière de nos jours. » À titre d’exemple, Jean-Serge Paquette relate l’épopée du ver informatique Stuxnet, capable de cibler spécifiquement les systèmes SCADA utilisés pour le contrôle-commande de procédés industriels. « Ce virus, qui est inoculé par des clés USB infectées, a complètement bloqué les centrifugeuses d’enrichissement d’uranium, en Iran, en 2010. Il est parvenu à infecter un réseau informatique prétendument étanche, complètement isolé de l’extérieur, ce qui a causé un retard de plusieurs mois à la production. Pour nous, dont les équipements datent de plusieurs années, quelqu’un de malicieux pourrait exploiter ces failles-là, même si nous faisons des mises à niveau régulières de nos équipements. »

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Il est vrai que les clés USB sont rapidement devenues un vecteur d’attaque par excellence. En 2016, un chercheur en sécurité de Google a tenté une expérience en abandonnant 297 clés USB sur un campus américain. Les résultats de cette étude ont montré que 98 % des clés avaient été ramassées par des étudiants et que 45 % d’entre elles avaient été branchées dans un ordinateur1.

Des pare-feu efficaces Même si les chances sont minimes qu’une opération de piratage internationale vise SaintEustache, il n’y aurait pas grand-chose à faire contre cela, de préciser Jean-Serge Paquette : « Nous ne sommes pas dans la même ligue que des nations menant des cyberguerres. »

Ferault, Benoît. (s.d.) Les clés USB, un vecteur d’attaque toujours d’actualité. Le Blog Orange Cyberdefense. Consulté en ligne à : https://cyberdefense.orange.com/fr/blog/les-cles-usb-un-vecteur-dattaque-toujours-dactualite/

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Toutefois, la seconde pire menace après la clé USB, selon lui, pourrait être une erreur humaine. « Le réseau des procédés pourrait être connecté à un autre réseau, par malice ou par inadvertance. Le plus grand défi que nous avons, c’est celui de contrôler le facteur humain. C’est vraiment le maillon faible de notre chaîne. Ce problème ne se corrige que par de la formation et de la sensibilisation en continu. Il est aussi important de protéger le personnel qui pourrait être victime d’une forme d’ingénierie sociale. Donc, ce que l’on fait périodiquement, à la ville, c’est de demander à une entreprise externe de tester notre protection : “Voici mon adresse IP, voici ce qui est visible de l’Internet, essaie de nous attaquer. Si tu es capable de rentrer dans l’usine, avise-nous et ensuite, nous corrigerons les failles.” » En étant isolé de tout réseau extérieur et bien protégé derrière des pare-feu efficaces, le réseau des procédés de Saint-Eustache est sans doute à l’abri des actes de piratage. « Nous ne ferions pas le poids contre une puissance étrangère voulant s’attaquer à notre usine d’eau potable, de dire Jean-Serge Paquette. Mais contre des rançongiciels ou les méfaits du petit gars dans son garage qui s’amuse à crypter les systèmes pour mieux rançonner ses victimes par la suite, notre cybersécurité est efficace. » n



ÉCONOMIE D'EAU POTABLE

BILAN 2016 DE LA STRATÉGIE QUÉBÉCOISE D’ÉCONOMIE D’EAU POTABLE douche et des robinets de lavabo dont la consommation d’eau est supérieure aux nouveaux seuils d’efficacité ;

Mathieu Laneuville Ingénieur Ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire mathieu.laneuville@mamot.gouv.qc.ca

= Mise en place d’une campagne pour éliminer les systèmes existants de climatisation et de refroidissement à l’eau sans boucle de recirculation dans 29 % des municipalités ; = Vérification annuelle de la précision des débitmètres nécessaires pour effectuer le bilan d’eau réalisée dans 85 % des municipalités ;

epuis le lancement de la Stratégie québécoise d’économie d’eau potable (la Stratégie) en 2011, la quantité d’eau distribuée au Québec a chuté de 29 % par rapport à l’année 2001. Ainsi, grâce aux actions mises en place dans plus de 600 municipalités, l’objectif de réduction de 20 % a été dépassé.

D

= Mise en place d’une équipe de soutien technique au ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire (MAMOT) pour accompagner les municipalités dans leurs démarches d’économie d’eau potable ;

RÉSULTATS 2016 Grâce à la collaboration de 612 municipalités, ce qui représente 95 % de la population québécoise desservie par un réseau de distribution d’eau potable, il est maintenant possible de dresser le bilan 2016 de la Stratégie.

= Publication de guides, d’outils, de rapports annuels et d’une cartographie interactive pour documenter de façon transparente la gestion durable de l’eau ; = Mise en place de formations sur les compteurs d’eau et sur la réduction des pertes d’eau dans les réseaux d’eau potable, du programme Municipalité Écon’eau et du Programme d’excellence en eau potable — Distribution de Réseau Environnement ;

En ce qui concerne la quantité d’eau distribuée par personne par jour, l’objectif de la Stratégie de la réduire de 20 % en passant de 777 litres en 2001 à 622 en 2016 est atteint, avec un résultat de 551 litres, soit une réduction de 29 %. Par ailleurs, la moyenne canadienne a depuis baissé à 447 litres et la moyenne ontarienne à 370 litres1.

= Mise en place et application d’une politique d’économie d’eau dans les réseaux de la santé et des services sociaux, des commissions scolaires, des collèges et des universités ainsi qu’à la Société québécoise des infrastructures ;

Sur le plan des pertes d’eau potentielles dans les réseaux de distribution, le travail amorcé doit se poursuivre afin de les réduire davantage. En effet, les résultats de 2016 indiquent que ces pertes d’eau sont de l’ordre de 26 % de la quantité d’eau distribuée et de 25 mètres cubes par jour par kilomètre de conduite (m³/d/km), alors que les objectifs de 2016 étaient respectivement de 20 % et de 15 m³/d/km. Rappelons que les pertes d’eau potentielles incluent les pertes d’eau et les consommations de nuit non mesurées. Parmi les actions entreprises pour réduire les fuites, il faut souligner la recherche proactive de fuites réalisée sur 85 % de la longueur des réseaux de distribution en 2016. Ainsi, c’est près de 50 000 fuites d’eau qui ont été réparées depuis 2012, et les actions en cette matière se poursuivent. Également, plus d’un quart des municipalités déploient des équipes de recherche de fuites en fonction de l’analyse des débits de nuit des secteurs de suivi de distribution, ce qui permet une intervention plus efficace au bon endroit et au bon moment. Actuellement, les compteurs d’eau sont présents dans 45 % des immeubles non résidentiels desservis par un réseau de distribution d’eau potable municipal. Selon les résultats du bilan 2016, les deux tiers des municipalités prévoient installer des compteurs d’eau dans les immeubles non résidentiels et dans un échantillon d’immeubles résidentiels aux fins de bilan d’ici septembre 2019 (ou ultérieurement, si plus de 500 compteurs sont installés par année). Ainsi, la proportion de compteurs d’eau installés dans les immeubles non résidentiels atteindra plus de 90 %. À titre d’exemples, voici d’autres réalisations de l’ensemble des partenaires : = Adoption d’une réglementation sur l’utilisation de l’eau pour éviter le gaspillage dans toutes les municipalités ayant un réseau de distribution. Application de cette réglementation par un système de sensibilisation, d’avertissement et d’infraction dans 70 % des municipalités ; = Interdiction provinciale d’installer des systèmes de climatisation ou de refroidissement à l’eau potable sans boucle de recirculation ainsi que des toilettes, des machines à laver, des urinoirs, des pommeaux de

= Distribution de plus de 3 800 trousses pédagogiques pour sensibiliser les élèves de 5e et 6e année du primaire à l’économie d’eau potable dans le cadre du programme éducatif Fantastiko! du Centre d’interprétation de l’eau, et création de l’activité Compareau pour sensibiliser les élèves du préscolaire ; = Distribution de plus de 73 000 trousses d’économie d’eau avec une participation de plus de 150 municipalités dans le cadre du Programme de produits économiseurs d’eau et d’énergie d’Hydro-Québec. Le gouvernement continuera également à soutenir les municipalités dans leurs efforts visant à économiser l’eau potable. Par exemple, le Programme de la taxe sur l’essence et de la contribution du Québec 2014-2018 (TECQ) et le Programme d’infrastructures municipales d’eau (PRIMEAU) visent à aider les municipalités à corriger leurs réseaux d’eau problématiques. DÉVELOPPEMENTS À VENIR En avril 2017, un comité a été mis en place avec l’ensemble des partenaires pour échanger sur la question de la tarification des services d’eau et élaborer la poursuite de la Stratégie sur l’horizon 2018-2025, comme mentionné dans la Stratégie québécoise de l’eau. Différentes avenues sont évaluées pour proposer aux municipalités des options permettant de favoriser un financement durable des services d’eau. Les approches proposées doivent offrir suffisamment de souplesse et prévoir des adaptations possibles aux différentes réalités des municipalités, selon un échéancier consensuel et progressif. Piloté par Réseau Environnement, ce comité regroupe notamment des représentants de la Fédération québécoise des municipalités, de l’Union des municipalités du Québec, de la Ville de Montréal, de la Ville de Québec et du MAMOT. n 1

Statistique Canada. (2015). Utilisation d'eau potable selon le secteur et utilisation quotidienne moyenne. Consulté en ligne à l’adresse : https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=3810027101&pickMembers%5B0%5D=1.1

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MÉTHODES POUR RÉDUIRE LE PHOSPHORE DES EAUX USÉES

EAUX USÉES

Clément Cartier Ing., Ph. D. Représentant technique Brault Maxtech inc. clement.cartier@braultmaxtech.com

vec le développement urbain, agricole et industriel est apparu un fléau important pour les plans d’eau, aussi bien au Québec qu’ailleurs dans le monde : le phosphore. Ce polluant entraîne différentes conséquences, y compris l’eutrophisation des lacs et la prolifération d’algues bleu-vert pouvant mener à des épisodes de toxicité pour la faune et la flore, mais également pour les prises d’eau potable.

A

Depuis 1978, avec le Programme d’assainissement des eaux municipales, les étangs aérés, installés de façon majoritaire au Québec, ont été un grand pas en avant pour la protection des points d’eau. Malheureusement, ils sont peu efficaces pour retirer le phosphore. Le gouvernement du Québec en est bien conscient et investit depuis les années 1980 dans la prévention en identifiant les milieux sensibles comme cibles prioritaires. Une grande partie du phosphore des eaux usées se présente sous forme d’orthophosphates réagissant avec les coagulants standards (alun et chlorure ferrique) pour être précipités et habituellement séparés par sédimentation. Pour un traitement secondaire, le point d’injection du coagulant est fait à même le procédé biologique ou avant le dernier étang (pour des étangs aérés), pourvu que le temps de séjour soit assez long pour la floculation et la sédimentation. Des mélangeurs (mécaniques, statiques ou aérateurs) peuvent être ajoutés pour promouvoir une bonne coagulation. Le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) présente sur son site Internet un guide sur le phosphore qui mentionne le niveau de performance reconnu pour des eaux usées domestiques traitées par différentes filières avec dosage de coagulant : = Étangs non aérés avec décharge périodique : 1,0 mg de phosphore = = = = =

par litre (P/L) ; Étangs aérés : 0,8 mg P/L ; Biodisques : 0,8 mg P/L ; Filtration biologique : 0,6 mg P/L ; Boues activées : 0,6 mg P/L ; Traitement physicochimique : 0,5 mg P/L.

Pour obtenir un enlèvement plus poussé du phosphore, un traitement tertiaire est requis pour la séparation des flocs, soit par décantation ou par filtration. Différentes méthodes sont résumées ci-dessous. Filtration conventionnelle (méthode approuvée jusqu’à 0,3 mg P/L par le MELCC) Différentes configurations de médias, de diamètres et d’épaisseurs peuvent être utilisées en fonction de la technologie. Dans tous les cas, la filtration conventionnelle est limitée par la qualité de l’eau à filtrer. L’eau usée peut être particulièrement chargée, ce qui entraîne des surfaces de traitement importantes et des lavages fréquents utilisant beaucoup d’eau de lavage. La filtration conventionnelle requiert également plusieurs équipements périphériques (pompes, buses, système de vannes), d’où la nécessité de mettre au point des traitements différents.

Décantation lestée (méthode approuvée jusqu’à 0,3 mg P/L par le MELCC) Le procédé typique de décantation lestée inclut l’ajout de coagulant et utilise un matériau dense pour alourdir le floc (ballast). L’affluent entre dans un premier bassin servant au mélange rapide. Un second bassin sert à la coagulation et à l’ajout du ballast et du polymère, et un troisième bassin sert à la maturation du floc. Un décanteur lamellaire est utilisé pour décanter les flocs lestés. Là encore, plusieurs équipements sont requis (hydrocyclone pour la séparation du ballast, mélangeurs, injecteur du ballast, du polymère, etc.). Le procédé a toutefois l’avantage d’être complet en soi et de s’adapter à des variations de la qualité de l’affluent. Filtre à disques (technologie non approuvée par le MELCC) Les filtres à disques sont constitués d’une série de disques creux qui tournent sur un axe. Différentes configurations existent, vers l’intérieur ou vers l’extérieur. Les flocs sont recueillis à la surface de chaque disque filtrant et sont lavés par de l’eau pulvérisée lorsque les disques sont hors de l’eau. Typiquement, le média filtrant est un tissu de fibres métalliques ou synthétiques avec des ouvertures uniformes allant de 10 à 50 microns, selon l’application. Ces disques peuvent être installés en séries et un enlèvement du phosphore jusqu’à 0,3 mg/L ou moins est en théorie possible. Les filtres à disques sont compacts, mais ce sont des équipements mécaniques complexes et sensibles (moteur, buses, vannes) et surtout, leur efficacité n’est pas encore reconnue par le MELCC. Filtre à mouvement ascendant (technologie approuvée jusqu’à 0,3mg P/L par le MELCC ; jusqu’à 0,1 mg P/L pour un système à deux filtres en série) Dans un filtre à sable à mouvement ascendant, l’eau est introduite par le fond et traverse le sable vers le haut pour être récupérée dans une goulotte située au-dessus du lit filtrant. Le mouvement ascendant permet de laver le sable en continu sans risque de colmatage. Simultanément, le sable et les particules filtrées sont récupérés au fond du filtre par une pompe à émulsion et envoyés dans un compartiment de nettoyage situé au-dessus du filtre. L’eau contenant les particules sales est rejetée dans un canal de rejet et le sable est séparé gravitairement. Deux modes de lavage sont possibles : 1) le lavage continu ou 2) le lavage séquentiel – le lavage du sable est alors basé sur les pertes de charge dans le filtre, ce qui permet une diminution du volume d’eau de rejet et une amélioration du degré de filtration par un effet de gâteau dans le filtre. Ces filtres peuvent également être installés en série, permettant d’atteindre des niveaux d’affluents jusqu’à 0,1 mg P/L. La filtration ascendante ne nécessite aucun équipement mécanique, mais certains instruments sont requis pour le mode séquentiel. Seul de l’air comprimé doit être ajouté pour la pompe à émulsion. La capacité des filtres doit toutefois être bien déterminée lors de la conception. Filtration membranaire (technologie approuvée jusqu’à 0,1 mg P/L par le MELCC) La filtration membranaire (ultrafiltration) est un autre procédé qui peut être envisagé pour l’enlèvement du phosphore. La manière la plus efficace d’utiliser ce procédé est d’envoyer directement les boues activées coagulées sur les membranes (réacteur biologique à membranes). Une bonne conception des membranes avec un flux réduit demande des dépenses de capitalisation plus importantes, mais les coûts totaux peuvent être compétitifs, surtout pour une nouvelle installation nécessitant un affluent d’excellente qualité (MES < 5 mg/L ; DBO5 < 5 mg/L ; P < 0,1 mg/L). n

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ET SI LA PRÉVENTION ÉTAIT LA SOLUTION ?

EAU POTABLE

Sylvain Boudrias Ing., MBA Président Darspec sylvain.boudrias@darspec.com

L

a maintenance préventive et les initiatives de santé et de sécurité sont souvent ignorées ou laissées de côté lors des planifications budgétaires. Pourtant, les programmes de prévention permettent de déterminer les éléments qui nécessitent un entretien récurrent important, surtout lorsqu’il s’agit de préserver la santé publique. L’HISTOIRE D’UNE CONTAMINATION DE L’EAU POTABLE* *Cette histoire est basée sur des faits vécus. Claude ne croyait pas qu’iI aurait un jour besoin de soins médicaux pour traiter un empoisonnement lié à la consommation d’eau potable à son condominium. Malheureusement, il a effectivement dû être hospitalisé, avec sa conjointe et leurs enfants de 2 et 5 ans. Il croyait que ce genre d’incident ne se produisait que dans les usines et les industries. Il avait d’ailleurs vécu un incident comparable à l’usine de transformation alimentaire où il occupe le poste de directeur de la qualité. Heureusement, le problème avait été découvert assez tôt et personne n’avait été empoisonné. Pourtant, les deux événements de contamination, sans être directement liés, se sont produits dans des circonstances très similaires. Il est en effet remarquable de constater qu’il faut une suite d’événements d’apparence anodine pour provoquer une contamination aux effets négatifs, voire dangereux, pour la population. Mais que s’est-il passé ?

LA FLUCTUATION DE LA PRESSION DANS LES BÂTIMENTS, UNE RÉALITÉ QUOTIDIENNE Claude habite au vingtième étage d’un bâtiment abritant près de soixante-dix copropriétés : une réalité courante des centres urbains d’aujourd’hui. Il a acheté cet appartement afin de procurer une proximité aux services et une sécurité à sa jeune famille. Le bâtiment a été construit il y a déjà une quinzaine d’années et les administrateurs doivent jongler avec un budget d’entretien annuel ainsi que de capital pour remplacer des composantes usées ou en fin de vie. Les administrateurs ne sont pas des experts en mécanique du bâtiment et ils font confiance aux recommandations des professionnels qu’ils mandatent. Cette ignorance des administrateurs rend leur tâche ingrate au moment de déterminer les priorités et de prendre les bonnes décisions. Donc, au fil des ans, les pompes de surpression d’eau potable, requises pour maintenir une pression adéquate dans le réseau de distribution du bâtiment, ont accumulé de l’usure et fini par nécessiter une mise à niveau importante. Depuis un certain temps, ces pompes maintenaient difficilement une pression constante dans les conduites. De plus, elles provoquaient de grandes fluctuations de pression ainsi que du siphonnement occasionnel aux étages supérieurs. LA PRÉSENCE DE PLUS EN PLUS NOTABLE DE PRODUITS CHIMIQUES DANS LES BÂTIMENTS Une salle mécanique importante se situe au 21e étage, et des produits chimiques sont utilisés dans les systèmes de climatisation et de chauffage afin de prévenir la corrosion et la création de limon ainsi que pour contrôler les bactéries. Tous les systèmes de l’étage sont raccordés à un apport d’eau potable afin de compenser une perte due à une fuite ou à l’évaporation. Bien

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E T S I L A P RÉV E NTI O N ÉTA IT L A S O L UTI O N ?

qu’un dispositif antirefoulement soit installĂŠ sur l’apport d’eau au 21e ĂŠtage afin de prĂŠvenir le refoulement des produits chimiques dans le rĂŠseau de distribution, celui-ci n’a pas ĂŠtĂŠ inspectĂŠ annuellement depuis longtemps et personne ne sait qu’il est dĂŠfectueux. UN DISPOSITIF MANQUANT DANS LE BĂ‚TIMENT Le code de sĂŠcuritĂŠ de la RBQ, qui s’applique aux propriĂŠtaires de bâtiments au QuĂŠbec, est prĂŠcis et exige l’installation d’un dispositif antirefoulement Ă l’entrĂŠe d’eau d’un bâtiment. Ce dispositif prĂŠvient qu’un contaminant, qui pourrait circuler dans le bâtiment, se retrouve dans le rĂŠseau d’aqueduc municipal. Malheureusement pour Claude et ses voisins, la loi n’a pas ĂŠtĂŠ respectĂŠe et aucun dispositif n’a ĂŠtĂŠ installĂŠ. LES CONDITIONS GAGNANTES POUR UNE CONTAMINATION COMPLĂˆTE Quelques heures avant le retour de Claude Ă la maison, il y a eu une dĂŠpressurisation importante du rĂŠseau d’aqueduc dans la rue adjacente au bâtiment oĂš il habite. Cette dĂŠpressurisation a ensuite produit un siphonnement de la conduite d’alimentation du bâtiment oĂš il rĂŠside. Au mĂŞme moment, une brève panne d’ÊlectricitĂŠ a mis les pompes en arrĂŞt. En raison de cette perte de pression et du fait que les pompes ne pouvaient pas effectuer leur travail adĂŠquatement, l’eau potable du bâtiment a refoulĂŠ dans la conduite, entraĂŽnant avec elle du produit contaminant utilisĂŠ dans la salle mĂŠcanique du 21e ĂŠtage. Toutes les conditions ĂŠtaient prĂŠsentes pour provoquer une contamination importante : une perte de pression crĂŠant un siphonnement, l’absence de dispositifs antirefoulement fonctionnels, et la prĂŠsence d’un contaminant introduit dans les conduites de distribution d’eau par des pompes dĂŠfaillantes. La concentration du contaminant dans les conduites de distribution d’eau

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ĂŠtait suffisante pour incommoder Claude et sa famille. De plus, le contaminant s’est retrouvĂŠ dans l’aqueduc municipal, ce qui a nĂŠcessitĂŠ l’intervention urgente du service de l’eau de la municipalitĂŠ. CONSÉQUENCES D’UNE CONTAMINATION IMPORTANTE Les consĂŠquences d’une contamination du rĂŠseau de distribution de l’eau potable sont nombreuses. La plus importante est certainement le danger pour la santĂŠ des citoyens. Ensuite, dès qu’il y a menace Ă la santĂŠ des citoyens, la municipalitĂŠ doit procĂŠder Ă des ĂŠvacuations prĂŠventives autour du bâtiment fautif. S’ensuivent alors des pertes financières pour les commerces forcĂŠs de fermer leurs portes, sans parler des risques de poursuites judiciaires de la part des victimes. La municipalitĂŠ doit non seulement dĂŠployer des efforts pour ĂŠvacuer les rĂŠsidents, mais aussi pour nettoyer les conduites d’eau qui sont contaminĂŠes. Ce nettoyage soudain et intensif peut causer d’autres problèmes dans le rĂŠseau de distribution en dĂŠlogeant des particules dĂŠposĂŠes dans les conduites. La confiance des citoyens est alors mise Ă rude ĂŠpreuve lorsqu’ils observent un changement inquiĂŠtant de la couleur de l’eau Ă la suite de ces interventions. LE COĂ›T DE ÂŤ NE PAS FAIRE Âť Avec la multitude d’obligations Ă respecter, il est difficile aujourd’hui pour un gestionnaire de gĂŠrer le risque liĂŠ Ă certaines actions prĂŠventives pour l’entretien d’un bâtiment. Parfois, un budget serrĂŠ l’oblige Ă nĂŠgliger certaines composantes de la mĂŠcanique du bâtiment, y compris la protection de l’eau potable. Toutefois, afin de prendre les bonnes dĂŠcisions, le gestionnaire doit comparer les coĂťts tangibles de ÂŤ faire Âť aux coĂťts intangibles de ÂŤ ne pas faire Âť. n

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COMMUNAUTÉ NUMÉRIQUE

DÉVERSEMENTS DANS LE MILIEU NATUREL : QUAND LES EXPLOITANTS S’EMPARENT DU SUJET

Bruno Moysan Président FluksAqua bmoysan@fluksaqua.com

l est primordial de suivre les déversements d’eaux usées non traitées dans le milieu naturel, puisqu’ils sont à l’origine de problèmes environnementaux et de santé publique. Certaines contaminations liées à la pollution accidentelle des eaux de surface et des nappes ont eu une ampleur telle qu’elles ont poussé les pouvoirs publics et les instances de régulation à prendre des mesures pour mieux anticiper et prévenir ces risques sanitaires. C’est par exemple le cas du scandale de Milwaukee, au Wisconsin, en mars-avril 1993, lors duquel 400 000 cas d’intoxication par le Cryptosporidium parvum avaient été recensés, entraînant 4 400 hospitalisations et plus de 50 décès.

I

En France, l’Institut national de veille sanitaire recense plus de vingt épidémies liées à des pollutions d’eau de surface depuis 2000. Les plus célèbres sont celles d’Apprieu en 2002 puis 2010, toutes deux liées à des rejets de station d’épuration mal encadrés. En mai 2000, c’est la paisible ville de Walkerton, en Ontario, qui fut frappée par la pire épidémie à la bactérie E. coli de l’histoire du pays. À l’origine de cette contamination : une violente tempête a transporté du fumier jusque dans un puits de la municipalité. Ce fumier s’est ensuite infiltré dans la nappe phréatique. Sept personnes moururent et 2 300 des 5 000 résidents tombèrent malades après avoir bu de l’eau contaminée. Ce drame a fait ressortir les failles du système de contrôle de l’eau potable, éclaboussant au passage les décisions du gouvernement Harris. Le juge Dennis R. O’Connor avait alors été nommé commissaire de l’enquête sur Walkerton, commission qui a entraîné une réforme en profondeur de la réglementation sur l’eau potable en Ontario avec la promulgation de la Loi de 2002 sur la salubrité de l’eau potable. La Loi souligne l’importance de la protection des sources d’eau comme première barrière d’une approche polyvalente pour assurer l’approvisionnement en eau potable salubre. Toujours au Canada, à la suite du déversement d’effluents d’eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent en octobre 2015, Environnement Canada a mandaté trois experts pour identifier les risques liés à ces déversements et définir les actions à entreprendre, notamment en ce qui concerne le suivi de la qualité de l’eau. Ces experts avaient conclu à la nécessité d’aller au-delà du

programme spécial de suivi de la qualité des eaux pour la période du déversement d’eaux usées non traitées, alors prévu par la Ville de Montréal avec le Réseau de suivi du milieu aquatique (RSMA) et le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC). Le suivi des réseaux de collecte et des déversoirs d’orage s’impose donc comme une mesure essentielle pour les professionnels de l’eau afin de garantir un service public de qualité. En témoignent les échanges entre exploitants sur notre plateforme en ligne, qui rassemble plus de 50 000 professionnels de par le monde. Les questions sont en effet nombreuses sur le sujet. Quelle devrait être la distance minimum légale entre une station d’épuration et des habitations ? Quelle instrumentation employer pour les dérivations dans les réseaux d’eaux usées ? Comment gérer les cas de pluies extrêmes qui affectent les systèmes ? Comment réaliser les rapports réglementaires sur les volumes déversés ? Chaque contexte est particulier : réglementation applicable, nature du milieu récepteur, climat. Face à cette variété de situations, de nombreux guides conseillent les municipalités en matière d’instrumentation des réseaux pour la mise en place du suivi des déversements. Cependant, des questions pratiques demeurent. Les exploitants s’interrogent notamment sur les équipements les plus adaptés en fonction de la nature des effluents traités et de la configuration du réseau : sonde hauteur/vitesse, ultrason ou encore débitmètre électromagnétique pour conduite partiellement chargée… Les solutions sont multiples afin de s’adapter à la variété des situations rencontrées sur le terrain. Une autre interrogation largement partagée parmi les opérateurs de l’assainissement est la suivante : comment mettre en place le suivi des réseaux de façon efficace et à moindre coût ? Des outils commencent à être mis au point pour faire face à cette problématique. Parmi eux, des tableaux de bord, qui permettent un suivi en temps réel du réseau (volumes déversés, temps de déversement, le tout croisé avec la pluviométrie). Ces systèmes permettent de prioriser les interventions grâce à des seuils paramétrables par l’exploitant, qui est prévenu en cas d’anomalie. Compatibles avec tous les concentrateurs et les enregistreurs de données du marché, ils permettent à l’ensemble des personnes concernées au sein d’un service de suivre les données de fonctionnement du réseau sur une interface unique, et sur tout support. Ces tableaux de bord constituent un bon complément à des infrastructures calibrées de façon adéquate et à une instrumentation adaptée. n

Le suivi des re ́seaux de collecte et des de ́versoirs d’orage s’impose donc comme une mesure essentielle pour les professionnels de l’eau afin de garantir un service public de qualite ́.

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