ÉTÉ 2021, vol. 17 no 2
Le magazine de l’eau au Québec
Gérer les eaux pluviales,
TAGE REPORLU S I F E XC
Convention de la poste-publications no 41122591
UNE PLANTE À LA FOIS
L'effet de la pandémie sur la quantité d'eau distribuée au Québec
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L’efficacité énergétique pour le traitement biologique des eaux. Partie 2 : la gestion de la matière inorganique et des boues
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Quel rôle pour l’Agence canadienne de l’eau ?
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reportage 8
« Une nouvelle génération de professionnels arrive dans les villes, après avoir été sensibilisée à ces questions durant ses études. Dans les écoles d’urbanisme et d’architecture de paysage, on forme de plus en plus d’étudiants qui s’intéressent à ces phénomènes et qui veulent intégrer un système de gestion des eaux pluviales dans presque tous les projets. Ça va faire une grande différence. » — Danielle Dagenais
chroniques
SOMMAIRE
CON
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LES AMIS DE SOURCE
ONSS LES B TACT CON
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ÉCONOMIE D’EAU POTABLE L’EFFET DE LA PANDÉMIE SUR LA QUANTITÉ D’EAU DISTRIBUÉE AU QUÉBEC
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TRAITEMENT DES EAUX L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE POUR LE TRAITEMENT BIOLOGIQUE DES EAUX. PARTIE 2 : LA GESTION DE LA MATIÈRE INORGANIQUE ET DES BOUES
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CPEQ QUEL RÔLE POUR L’AGENCE CANADIENNE DE L’EAU ?
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LE JURIDIQUE LA GESTION DES EAUX PLUVIALES PAR DÉCLARATION DE CONFORMITÉ : LA MISE EN ŒUVRE DU CODE DE CONCEPTION
Éditeur et rédacteur en chef André Dumouchel adumouchel@maya.cc Coordonnatrice à la direction de l'édition Maude Champagne coordination@maya.cc Direction artistique MAYA Designer graphique Sylvain Malbeuf (SymaPub)
Ce magazine est imprimé sur papier à contenu recyclé.
4 LE MAGAZINE DE L’EAU AU QUÉBEC SOURCE VOL. 17 N O 2 ÉTÉ 2021
Journaliste et rédacteur Samuel Larochelle Chroniqueurs Cle ́ment Cartier Yannis Kachani Me Nicolas Trottier
Espace publicitaire André Dumouchel Téléphone : 450 508-1515 adumouchel@maya.cc
Photos de la page couverture et de l’entrevue iStockphoto Henry Beral
Abonnement et administration MAYA communication et marketing 457, montée Lesage Rosemère (Québec) J7A 4S2 Téléphone : 450 508-1515 info@magazinesource.cc www.magazinesource.cc
Révision linguistique Émilie Pelletier
Impression Carpe diem
© Tous droits réservés. Droits d’auteur et droits de reproduction : toute demande de reproduction doit être acheminée à MAYA communication et marketing aux coordonnées figurant ci-dessus. Les opinions et les idées contenues dans les articles n’engagent que leurs auteurs. La publication d’annonces et de publicités ne signifie pas que le magazine SOURCE recommande ces produits et services. Convention de la poste-publications no 41122591. Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada aux coordonnées figurant ci-dessus. Dépôt légal : 1er trimestre 2005. ISSN 1712-9117. Le magazine SOURCE est publié trois fois l’an.
ÉTÉ 2021, vol. 17 no 2
Le magazine de l’eau au Québec
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ÉDITORIAL
DÉCONFINER LES IDÉES POUR UNE RELANCE RÉELLEMENT VERTE
Quel que soit le secteur de l’économie, le mot « relance » est en ce moment sur toutes les lèvres. C’est sans contredit le mot-clé de la saison. Et la plupart du temps, cette relance, on la souhaite verte. Alors que tout reprend vie après une période particulièrement éprouvante – où le concept de résilience a pris tout son sens –, la table est mise pour repenser nos villes et donner le coup d’envoi à de nouveaux chantiers à l’image des leçons apprises. Mais à quoi ressemblera cette fameuse relance, et sera-t-elle aussi verte qu’on l’imagine ?
D
ans un tel contexte de redémarrage ou de renouveau, la tentation serait bien grande de multiplier les dépenses et les grands coups d’éclat pour stimuler notre économie, surtout à l’approche des élections. Sauf que certaines stratégies qui nous apparaissent des plus profitables sont plus subtiles ou visent des objectifs à bien plus long terme qu’un mandat électoral. Le recours aux plantes ou autres espèces vivantes pour verdir nos villes est certes moins spectaculaire qu’un concert de « pépines » jaunes. Les infrastructures vertes (IV) entraînent toutefois de puissants avantages insoupçonnés, comme une meilleure gestion des eaux pluviales et la réduction des îlots de chaleur, et
André Dumouchel adumouchel@maya.cc
elles peuvent même jouer un rôle dans l’apaisement de la circulation automobile. Les IV sont une véritable bénédiction pour diminuer certains effets des changements climatiques à moindres coûts. Les IV ont également un impact sur l’amélioration de la qualité de vie. Tandis que les citoyens se réapproprient les rues et les places publiques, il est facile de remarquer quels quartiers sont les plus agréables et les plus attrayants en voyant le nombre de marcheurs y déambuler. Par exemple, des études réalisées à Portland ont démontré que la population avait davantage tendance à emprunter les rues où la biorétention avait été implantée. Et lorsque ces artères plus fréquentées sont occupées par des commerces, les retombées économiques sont bien entendu très intéressantes. Plus près de chez nous, la Ville de Trois-Rivières l’a bien compris en profitant du remplacement de ses conduites d’eau pour repenser complètement son aménagement afin de mieux gérer ses eaux de pluie en se basant sur un principe d’une logique implacable : « La meilleure façon de gérer l’eau de pluie, c’est de la gérer là où elle tombe, sans jamais la transporter. Si l’eau reçue dans l’îlot de biorétention s’infiltre vers la nappe phréatique, c’est plus avantageux que de collecter l’eau dans un puisard et de l’envoyer dans huit kilomètres de tuyaux vers un plan d’eau », affirme Julien St-Laurent, superviseur en environnement de la ville.
Chef de file de l’aquaresponsabilité, l’Australie a une bonne longueur d’avance en matière d’IV. Toutefois, si elle a su créer des outils extrêmement pratiques pouvant inspirer les villes à réimaginer leurs IV, elle a d’abord construit de très coûteuses usines de dessalement des eaux qui n’ont finalement que peu servi, entraînant la gronde des contribuables. Nul besoin d’être confrontés à de telles catastrophes pour en tirer d’excellentes leçons en vue de planifier nos villes plus intelligemment et de réduire notre gaspillage de l’eau. L’idée derrière l’ensemble de ces réalisations est tout simplement de se réapproprier l’espace en maximisant son potentiel à faible coût. Et pour en faire plus avec moins, il faut à tout prix prendre le temps de réfléchir en amont, de planifier. Revoir notre rapport à l’eau, revitaliser nos villes, mais aussi prendre en compte le bienêtre de ceux qui y vivent. Ce nouveau regard, indispensable pour envisager toute relance verte, est certainement celui de toute la génération de professionnels récemment diplômés des écoles d’urbanisme ou d’architecture du paysage. Sensibilisés aux avantages variés des IV, motivés par d’innombrables projets qui intègrent des systèmes de gestion des eaux pluviales écoresponsables et prêts à mettre en application des stratégies inédites pour moderniser nos villes. C’est assurément cette génération qui « déconfinera » véritablement nos idées reçues sur l’aménagement du territoire et la gestion des eaux. n
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REPORTAGE
Gérer les eaux pluviales,
UNE PLANTE À LA FOIS
iv INFRASTRUCTURE
VERTE
Par Samuel Larochelle
Les villes grossissent, s’étendent et se densifient. Partout sur la planète, ce phénomène rend les sols de plus en plus imperméables. Il augmente également les risques d’inondations et intensifie la pollution des milieux naturels, alors que les changements climatiques causent eux aussi des maux de tête aux municipalités. Heureusement, des solutions existent. Dans le haut de la liste : les infrastructures vertes (IV), des systèmes végétalisés qui permettent une gestion des eaux pluviales beaucoup plus saine. Mettons d’abord les choses en contexte. Selon les experts en environnement, le futur nous réserve une augmentation de l’intensité des pluies de 15 %, des périodes de sécheresse plus longues, des redoux plus fréquents en hiver, une succession de gels et de dégels, ainsi qu’une migration vers le nord d’animaux, d’espèces végétales et de maladies. Bref, on annonce plusieurs défis auxquels les spécialistes devront trouver des solutions. Parmi ceux-ci : Danielle Dagenais, chercheuse à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal. « Il y a quelques années, on disait que le climat de Montréal en 2050 ressemblerait à celui de Philadelphie, dit-elle. On ne parle pas d’une situation impossible : ça ne deviendra pas le Sahara ni un endroit qui recevra des mètres et des mètres de pluie, mais on doit s’attendre à gérer plus d’eau. »
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Une solution tout ce qu’il y a de plus naturelle existe déjà pour recueillir l’eau de pluie : les infrastructures vertes, soit les arbres de rue, les jardins communautaires, les toits verts, les murs végétalisés, les parcs (petits ou grands), les milieux naturels et les plates-bandes, notamment.
produite par les végétaux et aux effets de l’évapotranspiration. « Quand on calcule les coûts des IV, il faut absolument calculer leurs bénéfices, qui sont très nombreux », affirme la spécialiste.
Que les amoureux des infrastructures grises se rassurent : leurs équivalents verts ne signifient pas la fin des tuyaux, mais plutôt l’arrivée d’un complément. Par exemple, si une municipalité désire mieux gérer ses eaux de pluie, la biorétention (un sol ou un substrat avec des végétaux) peut retarder le débit de pointe, traiter l’eau et recharger la nappe phréatique, en plus d’offrir un habitat aux insectes et aux animaux. C’est sans oublier son effet indéniable sur les îlots de chaleur, grâce à l’ombre
Une population heureuse Ainsi, une municipalité peut décider de conserver ses infrastructures vertes existantes, de les améliorer ou d’en créer de nouvelles : une façon de verdir un secteur et d’améliorer le cadre de vie des citoyens.
REPORTAGE
« Il y a quelques années, on disait que le climat de Montréal en 2050 ressemblerait à celui de Philadelphie. On ne parle pas d’une situation impossible : ça ne deviendra pas le Sahara ni un endroit qui recevra des mètres et des mètres de pluie, mais on doit s’attendre à gérer plus d’eau. » – Danielle Dagenais À Portland, l’une des villes phares dans le domaine de la gestion des eaux pluviales, des études ont démontré que les citoyens marchaient davantage sur une rue où avait été implantée la biorétention. L’économie bénéficie elle aussi d’un environnement plus vert, selon Danielle Dagenais. « Si on embellit une rue commerciale, les gens seront plus tentés de fréquenter ses commerces. » Alors que les citoyens exigent de plus en plus de verdissement, les IV s’avèrent des solutions accessibles et très polyvalentes. Partout au Québec,
un engouement se fait sentir. « Une nouvelle génération de professionnels arrive dans les villes, après avoir été sensibilisée à ces questions durant ses études. Dans les écoles d’urbanisme et d’architecture de paysage, on forme de plus en plus d’étudiants qui s’intéressent à ces phénomènes et qui veulent intégrer un système de gestion des eaux pluviales dans presque tous les projets. Ça va faire une grande différence. » Cela dit, les municipalités ont tout intérêt à s’approprier ces nouvelles idées en s’entourant d’experts. « Il faut choisir avec soin les types de végétaux, de sols et de substrats. Ce n’est pas n’importe quel arbre ou arbuste qui permet d’améliorer les performances du système de gestion des eaux pluviales. Heureusement, les spécialistes sont de plus en plus conscients de chacune des composantes des IV et du rôle qu’elles peuvent jouer. » La spécialiste est convaincue que de nouvelles idées émergeront à court terme. Les municipalités songent de plus en plus à utiliser les lieux publics ou les terrains dans les parcs comme bassins de rétention quand il y a trop de pluie. On remarque un intérêt grandissant pour la plantation d’arbres dans des fosses pour la gestion des eaux pluviales. Depuis peu, on parle aussi des toits bleus, qui collectent temporairement l’eau de pluie avant qu’elle atteigne les réseaux d’égouts, en plus de la traiter et de l’utiliser pour irriguer le paysage environnant.
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REPORTAGE
Vue de Southbank, Melbourne, Australie
MELBOURNE, LEADER MONDIAL Implanter des infrastructures vertes, c’est bien. Savoir où elles seront le plus efficaces, c’est mieux. Afin de faire des choix éclairés en fonction d’une multitude de critères urbanistiques, la ville de Melbourne, en Australie, a développé des outils d’aide à la décision qui attirent l’attention du monde entier.
En premier lieu, l’outil UrbanBEATS3 a été créé pour utiliser de nombreuses données sur les systèmes urbains, la topographie du territoire et le schéma d’écoulement des eaux pluviales afin de fixer des objectifs de réduction du ruissellement urbain ou de la pollution dans le ruissellement. Ensuite, toujours dans la métropole australienne, SSANTO2 a été fabriqué afin de franchir un pas de plus : l’outil permet aux décideurs de considérer une vaste gamme d’éléments socioenvironnementaux et de les combiner aux critères d’ingénierie, en pondérant chaque critère selon leurs préférences, afin de cibler les endroits les plus stratégiques pour implanter des IV. « Par exemple, l’outil peut considérer la facilité de connexion aux infrastructures de drainage déjà existantes et considérer les sites qui ont le plus besoin des bénéfices potentiels des IV, comme les secteurs avec le plus de problèmes d’îlots de chaleur ou ceux où vivent les populations les plus vulnérables à ces îlots », explique Françoise
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« Les villes pensent aux IV presque seulement quand elles doivent refaire une rue, alors que l’outil pourrait leur permettre d’être plus stratégiques dans leur planification à la grandeur du territoire. » – Françoise Bichai
Bichai, chercheuse à Polytechnique Montréal, qui collabore avec les créateurs australiens pour adapter l’outil aux critères du Québec, très variables d’une municipalité à l’autre. Convaincue que l’outil sera apprécié à travers la province, celle-ci affirme toutefois que les municipalités québécoises font une implantation « opportuniste » des infrastructures vertes. « Les villes pensent aux IV presque seulement quand elles doivent refaire une rue, alors que l’outil pourrait leur permettre d’être plus stratégiques dans leur planification à la grandeur du territoire. Ce serait un processus moins aléatoire. »
Le phénomène australien Pourquoi l’Australie est-elle à ce point en avance sur le Québec et le reste du monde ? Selon Mme Bichai, qui a travaillé durant quelques années chez nos voisins « d’en dessous » dans le cadre d’un postdoctorat avec un groupe de l’Université Harvard, la « sécheresse du millénaire » qui a sévi en Australie de 1997 à 2010 a poussé les décideurs à revoir leurs méthodes. « Les grandes villes australiennes, pour la plupart situées sur la côte, ont réalisé à quel point elles dépendaient de l’approvisionnement en eau de surface. En raison des très faibles précipitations
La gestion intelligente de l’eau, ça compte
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REPORTAGE annuelles, leur approvisionnement était menacé. Vers 2007-2008, le niveau d’eau dans leur réservoir était si bas qu’il ne restait que trois mois pour fournir la ville en eau ! » Plongées dans une situation d’urgence, les grandes villes ont construit des usines de dessalement des eaux de l’océan pour la rendre potable, ce qui a entraîné des coûts financiers et environnementaux élevés. « Elles n’avaient pas tellement le choix, mais comme il a ensuite plu beaucoup, ces usines n’ont pas servi durant plusieurs années, précise la spécialiste. À travers
le pays, les dirigeants ont donc été très critiques de leur propre gestion de crise. Peu à peu, l’Australie s’est tournée vers la planification à long terme, en diversifiant ses sources d’approvisionnement en eau. » Au programme : collecte des eaux de pluie, irrigation de terrains publics ou de terres agricoles avec des eaux usées ou des eaux de ruissellement. « L’Australie est devenue un leader dans le modèle des villes aquaresponsables (water sensitive cities). Je ne crois pas que le Québec soit encore prêt aux usages des eaux
usées, de ruissellement ou de pluie. Il faut que la population soit sensibilisée et que les perceptions changent. » Il faut aussi dire qu’une ville comme Melbourne possède un réseau séparatif, c’est-à-dire que les eaux pluviales sont drainées dans un réseau d’égout distinct de celui des eaux usées domestiques. Au Québec, la plupart des villes ont des réseaux unitaires ou pseudoséparatifs. Donc, les eaux pluviales et sanitaires sont combinées, ce qui crée des enjeux liés aux surverses (évacuations par débordement).
UN ÎLOT DE RÉTENTION À TROIS-RIVIÈRES Depuis la fin juin 2017, quelque 135 arbres, 1067 arbustes et 18 000 plantes vivaces et graminées ont été ajoutés au paysage de la rue Saint-Maurice, à Trois-Rivières. S’agit-il d’un aménagement paysager visant à embellir les environs ? Pas du tout. La ville, vieille de presque quatre siècles, regarde vers le futur en misant sur un projet d’îlots de rétention constitués d’infrastructures vertes qui aident à mieux gérer les eaux de pluie. Lorsque la municipalité a choisi de remplacer les conduites d’eau et d’égouts de cette grande artère, le moment semblait tout indiqué pour revoir un paquet d’éléments. « Quand on fait de l’excavation pour changer des conduites en fin de vie utile, on en profite pour aller plus loin, explique Guillaume Cholette-Janson, coordonnateur des relations avec le milieu pour
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la Ville de Trois-Rivières. Défaire la rue, c’était une belle occasion de repenser l’aménagement de surface. Nous avons donc utilisé une subvention du Fonds pour l’eau potable et le traitement des eaux usées afin de travailler à une saine gestion des eaux pluviales. »
REPORTAGE Une décision qui est loin d’être anodine. En raison des changements climatiques et de l’urbanisation des villes, les surfaces deviennent de plus en plus imperméables, ce qui empêche l’eau de s’infiltrer adéquatement. « Pour remédier à la situation, nous avons prévu des endroits permettant à l’eau de s’infiltrer et de recharger la nappe phréatique, en plus d’assurer un approvisionnement en eau potable à long terme », dit Julien St-Laurent, superviseur en environnement dans la division du développement durable de la municipalité. « La meilleure façon de gérer l’eaux de pluie, c’est de la gérer là où elle tombe, sans jamais la transporter, ajoute-t-il. Si l’eau reçue dans l’îlot de biorétention s’infiltre vers la nappe phréatique, c’est plus avantageux que de collecter l’eau dans un puisard et de l’envoyer dans huit kilomètres de tuyaux vers un plan d’eau. »
Métamorphoser la rue Le projet visait à déterminer si l’infiltration d’eau de pluie, grâce à l’implantation d’îlots de végétation sur les bordures de trottoirs tout au long de la rue Saint-Maurice, donnerait une eau de qualité au point de la rendre potable. « Les îlots végétalisés installés plus bas que le reste du sol accumulent l’eau de pluie et la filtrent à travers les racines des plantes et le substrat (un mélange précis de sable et de différentes terres) qui ralentissent l’écoulement de l’eau et permettent la filtration », souligne M. St-Laurent. Le choix des espèces végétales devait également être fait avec grande attention. « La majorité des plantes sont des iris versicolores, qui s’avèrent très bons pour ce travail, précise-t-il. Nous testons également plusieurs sortes de fougères, qui sont habituellement très résistantes aux inondations et aux
périodes de sécheresse, ainsi que l’asclépiade, la nourriture principale des papillons monarques. » Ainsi, les arbres, les arbustes et les plantes peuvent filtrer certains polluants des eaux de ruissellement, en plus d’avoir un attrait esthétique, tant pour la population que pour les insectes. « Quand nous avons fait un tournage vidéo, nous nous sommes retrouvés avec une grande présence de papillons et d’insectes pollinisateurs. C’était magnifique », se souvient M. Cholette-Janson. Cette aventure de biorétention est un projet de recherche mené en collaboration avec une équipe d’experts de Polytechnique Montréal et de l’Université de Montréal. La rue Saint-Maurice a été choisie entre autres en raison de sa largeur, qui permettait l’implantation d’infrastructures vertes. « Notre projet pilote visait à évaluer les répercussions des IV sur la diminution des eaux de ruissellement dans le système unitaire, la percolation potentielle sur les eaux souterraines, l’hydrologie locale et la recharge de la nappe phréatique, résume la chercheuse Sarah Dorner. Nous voulions aussi analyser les effets d’atténuation des pics de contaminants qui se retrouvent dans l’environnement quand il y a des débordements, lesquels sont de plus en plus nombreux ». Évidemment, ces installations ne devaient pas créer de nouveaux problèmes à Trois-Rivières. « Comme nous changeons l’hydrologie, nous voulions bien comprendre ce qui allait se passer, et nous n’avons pas constaté de réels soucis, dit Mme Dorner. L’expérience a été un succès. Nous avons beaucoup appris, afin de bien mesurer les débits d’eau qui sortent de ces infrastructures. Ce n’était pas évident, mais nous avons réussi à bien instrumenter notre démarche. Grâce au projet pilote, nous avons certainement de belles données
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REPORTAGE sur un grand nombre de paramètres. Nous sommes encore en train de traiter plusieurs informations. »
données sur le débit d’eau qui entre et qui sort des îlots, mais nous progressons, dit-il. La collecte de données devrait se terminer en 2022. »
Plus de trois ans de travail
Un pas de plus
Ayant débuté en juin 2017, les travaux d’implantation des infrastructures ont transformé 1,3 km de la rue Saint-Maurice, entre le boulevard SainteMadeleine et le chemin des Sources.
Vu l’intérêt de la Ville de Trois-Rivières pour ce projet pilote, la municipalité a ensuite été approchée pour tester les outils de soutien à la décision pour l’implantation d’infrastructures vertes UrbanBEATS3 et SSANTO2, qui ont été conçus en Australie. « Comme nous étions déjà dans une phase de recherche, nous nous sommes dit : “Pourquoi pas ?”, affirme M. St-Laurent. Il fallait seulement investir du temps et contribuer au projet avec nos données, sans dépenser plus d’argent. C’était gagnant pour tout le monde. »
Ils s’inscrivent dans la démarche de développement durable de la Ville de Trois-Rivières, qui voulait non seulement mieux gérer ses eaux de pluie, mais également réduire les îlots de chaleur, augmenter la présence de végétaux dans ce secteur urbain, embellir le paysage, améliorer la qualité de vie dans le quartier pour les piétons et les automobilistes, aménager des intersections plus larges et plus sécuritaires, ainsi qu’apaiser la circulation automobile grâce au rétrécissement de la rue. La première phase de collecte d’échantillons et de données s’est étendue de juin 2018 à l’automne 2020. « Dans le premier volet, nous validions l’efficacité des végétaux, du sol et des substrats pour fixer et filtrer l’eau, explique Julien St-Laurent. Nous avons planté des tubes transparents dans les îlots de biorétention. Puis, les membres de l’équipe de recherche ont placé des caméras dans les tubes pour faire un suivi de la croissance racinaire des végétaux. Ils ont aussi réalisé des prélèvements de feuilles et de tiges pour analyser la concentration des polluants absorbés par les végétaux. »
La municipalité trifluvienne compte bien partager ses acquis avec le reste du Québec, lors des colloques et des concours municipaux à venir. « Les municipalités québécoises se parlent, dit Guillaume Cholette-Janson. Nous avons les mêmes réalités climatiques, budgétaires, sociales et politiques. Nous pensons que notre expérimentation et nos échanges permettront de voir éclore des projets gagnants dans plusieurs autres villes. »
De son côté, le bilan des eaux du projet est toujours en cours. « C’est beaucoup plus ardu de trouver une façon de capter l’eau et d’avoir des
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REPORTAGE
« La meilleure façon de gérer l’eau de pluie, c’est de la gérer là où elle tombe, sans jamais la transporter. Si l’eau reçue dans l’îlot de biorétention s’infiltre vers la nappe phréatique, c’est plus avantageux que de collecter l’eau dans un puisard et de l’envoyer dans huit kilomètres de tuyaux vers un plan d’eau. » – Julien St-Laurent
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ÉCONOMIE D'EAU POTABLE
L’EFFET DE LA PANDÉMIE SUR LA QUANTITÉ D’EAU DISTRIBUÉE AU QUÉBEC
Yannis Kachani Ing., M. Sc., chargé de projets Stratégie québécoise d’économie d’eau potable Ministère des Affaires municipales et de l’Habitation yannis.kachani@mamh.gouv.qc.ca
60 000 50 000
+ 34 %
40 000 30 000 20 000 10 000
L’
année 2020 a été particulière à tous les points de vue. La pandémie de COVID-19 et les mesures de confinement s’y rattachant ont forcé les Québécoises et les Québécois à changer leurs habitudes (télétravail, scolarité à distance, mesures d’hygiène accrues, etc.). Ces changements ont-ils produit un effet important sur la consommation d’eau potable à travers la province ?
0
2019
2020
Figure 1 : Volumes mensuels d’eau distribuée à Crabtree
Voici le portait de la municipalité de Crabtree et de la ville de Québec sur la quantité d’eau distribuée en période de pandémie.
sont restés ouverts, la quantité totale d’eau distribuée a augmenté par rapport à 2019, avec notamment une hausse de 34 % en mai !
MUNICIPALITÉ DE CRABTREE Comme près de 80 % des municipalités québécoises, Crabtree a une population inférieure à 5 000 habitants. Ces municipalités voient habituellement leurs résidents quitter leur foyer durant la journée pour aller travailler ou étudier dans les grandes villes. Cependant, avec la venue du télétravail et de l’école à la maison, Crabtree a connu une augmentation de 13 % de la consommation du secteur résidentiel en 2020 par rapport à 2019. Cette hausse résulte également de canicules, débutées tôt en saison. Étant plus souvent à la maison, les résidents ont cultivé des jardins et arrosé davantage leur gazon. Comme la majorité des commerces et des services (CPE, épiceries, pharmacies, etc.)
VILLE DE QUÉBEC La ville de Québec dessert plusieurs quartiers dont l’activité principale est de nature non résidentielle. Elle a constaté que ceux-ci ont vu leur consommation diminuer en 2020. La consommation du Vieux-Québec a chuté en raison de la baisse radicale de l’afflux touristique. Même principe pour des quartiers, comme Sainte-Foy–Plateau, qui incluent de nombreux centres commerciaux ayant été en partie fermés. La figure 2 illustre la relation entre la fermeture de ces commerces et la diminution de la quantité d’eau distribuée.
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L’ E F F E T D E L A P A N D É M I E S U R L A Q U A N T I T É D ’ E A U D I S T R I B U É E A U Q U É B E C
20 000
d’économie d’eau potable colligent actuellement leurs données pour l’année 2020 dans le but de les transmettre au Ministère.
18 000
Mètres cubes (m3)
16 000 14 000
L’ANNÉE 2021, UNE RÉPÉTITION DE 2020 ? Avec les chaudes journées ensoleillées qui arrivent, il est primordial de consommer l’eau de façon responsable pour réduire la demande aux heures de pointe et limiter la pression excessive sur nos infrastructures et nos ressources. En été, en raison des usages extérieurs de l’eau tels que l’arrosage et la baignade, la consommation d’eau potable peut parfois doubler.
12 000 10 000 8 000 6 000 4 000
La chute des volumes coïncide avec la fermeture des commerces non essentiels.
2 000 0 janv.
févr.
mars
2020
avr.
mai
juin
juil.
Maximum des 5 dernières années
août
sept.
oct.
nov.
déc.
Pour réduire la consommation d’eau, il est notamment recommandé d’arroser en soirée ou tôt le matin, afin d’éviter les pertes d’eau dues à l’évaporation, et d’arroser le plus près du sol possible.
Minimum des 5 dernières années
Figure 2 : Volumes journaliers d’eau distribuée dans le quartier Sainte-Foy–Plateau à Québec
Enfin, les citoyens peuvent consulter leur règlement municipal sur l’usage de l’eau potable afin de connaître les périodes autorisées d’arrosage et de remplissage de piscines dans leur municipalité.
À l’inverse, la consommation du secteur résidentiel s’est vue gonfler en raison de la présence accrue de travailleurs à la maison. D’ailleurs, en juin, après que la ville ait enregistré une pointe de consommation jamais égalée depuis 2008, le maire s’est adressé aux citoyens afin de les inciter à réduire leur consommation et à respecter la réglementation municipale.
La protection de cette richesse collective est l’affaire de tous ! n Merci à Martin Blouin de la municipalité de Crabtree ainsi qu’à Christian Tremblay, Mathieu Plante et Carlos Stoll Arias de la Ville de Québec pour leur contribution à cet article et à la mise en œuvre de la Stratégie.
En 2020, la ville de Québec a observé un déplacement de la consommation du secteur non résidentiel vers le secteur résidentiel. Cela a entraîné une quantité totale d’eau distribuée semblable à celle des années précédentes. Il faut noter que le portrait pour l’ensemble de la province sera connu en 2022, puisque les municipalités participant à la Stratégie québécoise
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TRAITEMENT DES EAUX
L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE POUR LE TRAITEMENT BIOLOGIQUE DES EAUX. PARTIE 2 : LA GESTION DE LA MATIÈRE INORGANIQUE ET DES BOUES
Clément Cartier Ing., Ph. D. Représentant technique Brault Maxtech inc. clement.cartier@braultmaxtech.com
A
fin de réduire les coûts énergétiques dans une station d’épuration des eaux, il est important de porter attention à la gestion de la matière organique et des solides en suspension. Que ce soit pour les procédés de lagunage ou les procédés de boues activées, on peut réduire les besoins énergétiques d’une installation en effectuant un enlèvement ciblé de la matière afin de permettre un meilleur fonctionnement des traitements biologiques. Dans les procédés biologiques, les solides inorganiques entraînent des pertes énergétiques, car ils sont mélangés et pompés vers le traitement sans être affectés par celui-ci. De plus, leur accumulation dans les bassins aérés représente un volume important, réduisant celui dédié au traitement biologique en tant que tel, ce qui diminue donc l’efficacité de traitement. Le prétraitement devient alors un investissement qui permet un gain énergétique pour le reste de la filière. Dans la grande majorité des cas, la consommation d’énergie liée à l’exploitation d’un dégrilleur est non significative par rapport à celle associée au brassage, au pompage, au dragage, à la séparation et la déshydratation des solides et des boues inorganiques. Le dessablage est également un procédé à considérer. En fonction de la technologie, des pales, des pompes et des vis à sable peuvent être exploitées de manière continue ou séquentielle. Comme pour les dégrilleurs, les dessableurs les plus performants ne sont pas nécessairement les plus énergivores, et ils permettent de retirer du sable plus fin et en plus grande quantité, ce qui entraîne des diminutions de coûts énergétiques, mais surtout protège les équipements en aval, réduisant leur usure et augmentant leur durée de vie et leur efficacité. De la même manière, il est important de privilégier un traitement séparé des boues de fosses septiques. En effet, celles-ci étant déjà digérées, il n’est pas cohérent de les ajouter au procédé biologique pour les traiter à nouveau. Pour un concepteur, il est donc bénéfique – énergétiquement parlant – de considérer une filière séparée qui peut envoyer ces boues directement en déshydratation, celles-ci étant déjà assez épaisses et typiquement très faciles à déshydrater. Pour le procédé de lagunage, la vidange des boues est un autre élément à considérer par le concepteur sur le plan des coûts et des besoins énergétiques. La fréquence requise des travaux, la technologie de déshydratation utilisée et la destination des boues (enfouissement ou épandage) sont toutes des éléments à considérer pour réduire la consommation énergétique et les conséquences environnementales. Pour la déshydratation, les technologies par presse (presse à vis, pressoirs rotatifs) demandent notablement moins d’énergie et de polymères que les centrifugeuses, tout en étant sensiblement aussi efficaces pour la déshydratation des boues d’étangs ou les boues digérées (elles sont légèrement moins efficaces que les centrifugeuses pour des boues secondaires). Les coûts associés aux vidanges des étangs aérés sont en augmentation constante. Ces différents paramètres doivent être considérés soigneusement par les décideurs.
Comme pour le prétraitement, les décanteurs primaires ont une influence additionnelle sur les procédés de type boue activée, cette fois en s’attaquant aux matières en suspension, qu’elles soient organiques ou inorganiques. Le retrait des boues primaires diminue les coûts énergétiques de brassage et d’aération des boues activées tout en produisant une boue plus facile à déshydrater qu’une boue secondaire. Il faut noter que différents types de filtres sur toiles peuvent aussi être utilisés pour remplacer les décanteurs primaires. Bien qu’ils ne soient pas encore utilisés au Québec, ces filtres permettent d’obtenir un traitement comparable aux décanteurs primaires pour une fraction de l’empreinte au sol et un coût énergétique réduit. Enfin, il ne serait pas approprié de discuter d’efficacité énergétique sans faire mention de la digestion anaérobie des boues. Ce procédé se fait dans un réacteur contenant des boues, liquides ou non, mélangées et chauffées à une température d’au moins 35 °C en l’absence d’oxygène. Ces conditions permettent la croissance de bactéries anaérobies digérant et stabilisant les boues. Cette étape permet d’atteindre plusieurs objectifs énergétiques : 1) une réduction de la quantité de boues stabilisées de 35 à 40 %, donc une diminution des coûts d’épandage (sur le plan tant financier qu’énergétique) ; 2) une production nette d’énergie, soit sous forme de chaleur, d’eau chaude ou de gaz naturel (méthane) ; et 3) une réduction de la production de gaz à effet de serre (production de méthane de manière contrôlée plutôt que de CO2). Il est important de noter que lors de la digestion anaérobie, les boues primaires permettent une production de biogaz plus importante que les boues secondaires. L’utilisation de décantation primaire et de digesteur est donc une combinaison de procédés très intéressante pour diminuer la facture énergétique d’une usine de traitement.
Cela fait plusieurs années qu’on mentionne, au Québec, le virage requis vers la biométhanisation afin de réduire la quantité de matières organiques enfouies avec plusieurs projets phares, mais on oublie que cette technologie a déjà été introduite avec succès pour traiter les boues d’épuration dans les années 1990-2000. Cela fait plusieurs années qu’on mentionne, au Québec, le virage requis vers la biométhanisation afin de réduire la quantité de matières organiques enfouies avec plusieurs projets phares (Saint-Hyacinthe, SEMECS, Montréal, Québec), mais on oublie que cette technologie a déjà été introduite avec succès pour traiter les boues d’épuration dans les années 1990-2000 (à Repentigny, Gatineau, Châteauguay et Rosemère). Malheureusement, la technologie est aujourd’hui peu envisagée pour des usines de taille moyenne, alors qu’elle offre de réels potentiels de réduction de la facture énergétique d’une station d’épuration. Il est même pensable de générer du biogaz pouvant être injecté dans le réseau de gaz naturel, permettant ultimement une génération d’énergie nette pour la station d’épuration plutôt qu’un coût énergétique. Il y a fort à parier que ce genre d’approche reviendra d’actualité afin d’atteindre les objectifs ambitieux de réduction des gaz à effet de serre présentés tout récemment par le gouvernement fédéral. n
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SOURCE VOL. 17 N O 2 ÉTÉ 2021
QUEL RÔLE POUR L’AGENCE CANADIENNE DE L’EAU ?
CPEQ
Me Olivier Dulude Coordonnateur des affaires publiques et législatives Conseil patronal de l’environnement du Québec (CPEQ) odulude@cpeq.org
E
n raison des élections à venir, le gouvernement fédéral voudra certainement être proactif en matière environnementale, et pas seulement dans le dossier des changements climatiques. À ce sujet, des actions concernant l’eau douce pourraient lui faire marquer quelques points, la protection de cette ressource collective faisant assurément consensus. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’annonce de la création de l’Agence canadienne de l’eau dans la lettre de mandat du ministre de l’Environnement et du Changement climatique (ECCC) de décembre 2019 et surtout dans celle de janvier 2021. DES CONSULTATIONS PRÉCOCES Mettant rapidement la main à la pâte, ECCC a publié, le 17 décembre 2020, un document de consultation intitulé Vers la création d’une Agence canadienne de l’eau 1. Ont suivi un Forum national de l’eau douce ainsi que des forums provinciaux et régionaux en début d’année 2021. Ces derniers consistaient en des panels et des ateliers de discussion réunissant divers intervenants du milieu de l’eau douce au Canada. Bien peu d’orientations ont été exprimées par ECCC tant dans le cadre du document de consultation que dans les forums, mis à part la volonté d’harmoniser et de coordonner l’action gouvernementale fédérale en matière d’eau douce. Ainsi, ECCC n’a pas consulté les parties prenantes sur des orientations établies, mais leur a plutôt demandé de nommer elles-mêmes les besoins auxquels pourrait répondre l’Agence canadienne de l’eau. C’est donc dire que le processus de consultation en est à ses balbutiements. Dans ce contexte, les interventions lors des forums sur l’eau douce ont porté sur une multitude d’enjeux. Parmi ceux-ci, les quatre thèmes suivants ont semblé émerger : la réglementation, la coordination gouvernementale, les questions liées à la science de l’eau et la gouvernance autochtone de l’eau. LA PERTINENCE DE LA CRÉATION DE L’AGENCE CANADIENNE DE L’EAU D’entrée de jeu, le ministre Wilkinson et les intervenants d’ECCC ont précisé que la création de l’Agence canadienne de l’eau ne serait pas accompagnée de changements législatifs ou réglementaires substantiels dans l’immédiat. Des intervenants ont tout de même proposé, lors des forums, que l’Agence canadienne de l’eau joue un rôle de coordination et d’harmonisation des normes provinciales et fédérales relatives à l’eau douce. Il est toutefois difficile de voir ce que pourrait ajouter l’Agence canadienne de l’eau par rapport à ce que peut faire le Conseil canadien des ministres de l’environnement en la matière.
1
Il a également été proposé que l’Agence canadienne de l’eau coordonne l’action des différents ministères et organismes fédéraux chargés d’appliquer la réglementation relative à l’eau douce ou qui exercent autrement des responsabilités en matière de protection de l’eau douce. Cette proposition est intéressante, dans la mesure où elle permettrait d’alléger le fardeau administratif des entreprises qui interagissent sur une base régulière avec le gouvernement fédéral, notamment pour obtenir des autorisations diverses pour des activités ayant des impacts sur l’eau. Il existe cependant un risque que la nouvelle Agence canadienne de l’eau ajoute une couche de complexité pour les entreprises, au lieu de simplifier leurs interactions avec le gouvernement fédéral. En l’absence de détails concernant la manière dont l’Agence canadienne de l’eau pourrait améliorer la situation, il est difficile d’évaluer la pertinence de revoir les structures administratives existantes. Par ailleurs, plusieurs intervenants issus du milieu scientifique et universitaire ont soulevé le manque de coordination dans la recherche et dans la gestion des données sur l’eau. Toutefois, attribuer à un organisme gouvernemental le pouvoir de dicter les priorités scientifiques semble contraire au principe de la liberté universitaire. Il apparaît plus simple et plus approprié de bonifier le financement de la recherche afin que le milieu universitaire ait les moyens de se coordonner lui-même. Nul besoin de créer une nouvelle structure gouvernementale pour ce faire. À juste titre, l’amélioration de la participation autochtone à la gouvernance de l’eau a aussi été soulevée lors des forums sur l’eau douce. À ce sujet, rappelons que les modifications récentes à la Loi sur les pêches, à la Loi sur les eaux navigables canadiennes, à la Loi sur l’évaluation d’impact et à la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie ont sensiblement bonifié la participation autochtone à la prise de décision en matière environnementale. Bien que des améliorations à ces lois demeurent possibles, ne serait-il pas plus avisé d’attendre de voir si les réformes récentes portent leurs fruits avant d’envisager la création de nouveaux mécanismes de participation ? COMMENCER PAR LE DÉBUT ECCC semble agir précipitamment en proposant la création de l’Agence canadienne de l’eau sans avoir au préalable défini de réels besoins à combler. En effet, ni la réglementation, ni la coordination gouvernementale, ni la recherche scientifique, ni la participation autochtone ne semblent justifier la création d’une nouvelle structure administrative. Pourtant, ce ne sont pas les besoins qui manquent en ce qui concerne l’eau douce. En plus de ceux évoqués, on n’a qu’à penser à la modernisation des stations de traitement des eaux usées municipales, au manque de maind’œuvre qualifiée dans le domaine de l’environnement ou, plus important encore, à l’accès à l’eau potable dans les communautés autochtones. Or, ces questions ne nécessitent pas de revoir l’infrastructure de l’État fédéral. Des interventions ciblées en matière de protection de l’eau douce, quoique moins susceptibles d’attirer l’attention du public dans un contexte électoral, permettraient mieux de protéger notre plus précieuse ressource collective que la création d’une nouvelle structure administrative. n
Environnement et Changement climatique Canada. (2020). Vers la création d’une Agence canadienne de l’eau. https://www.placespeak.com/uploads/6321/Agence_canadienne_de_l%27eau_Document_de_discussion.pdf
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LA GESTION DES EAUX PLUVIALES PAR DÉCLARATION DE CONFORMITÉ : LA MISE EN ŒUVRE DU CODE DE CONCEPTION
LE JURIDIQUE
= à ne pas augmenter la fréquence d’inondation des milieux humides et hydriques récepteurs et à ne pas réduire le niveau de service des infrastructures situées dans la zone d’influence du système de gestion des eaux pluviales les traversant.
Me Nicolas Trottier Avocat, LL. B., B. Sc. Daigneault, avocats inc. nicolas.trottier@daigneaultinc.com
La conception des différents systèmes doit permettre l’atteinte de ces objectifs. e 31 décembre dernier entrait en vigueur le Code de conception d’un système de gestion des eaux pluviales admissible à une déclaration de conformité 1 (ci-après le « Code »), visant à encadrer l’établissement et l’extension de tels systèmes. Son but n’est pas de remplacer le Guide de gestion des eaux pluviales 2, mais bien de codifier les normes techniques de conception des ouvrages de ces systèmes de gestion des eaux pluviales dans le cadre d’une déclaration de conformité. Afin de nous y retrouver, nous verrons les cas d’application du Code, les effets recherchés par les conceptions qui y sont prévues, et les différentes étapes qu’il propose pour la conception d’un système.
L
LES CAS D’APPLICATION Précisons d’emblée qu’un système de gestion des eaux pluviales, au sens du Règlement encadrant les activités en fonction de leur impact sur l’environnement 3 (ci-après « REAFIE »), est défini comme tout ouvrage d’origine anthropique utilisé pour la collecte, l’entreposage, le transport ou le traitement des eaux pluviales, y compris un fossé. Comme son nom l’indique, le Code est applicable aux systèmes de gestion des eaux pluviales qui sont admissibles à une déclaration de conformité. Qu’en est-il ? Le REAFIE prévoit une section sur la gestion des eaux pluviales, avec deux cas d’admissibilité à une déclaration de conformité : un pour ceux qui sont tributaires d’un système d’égout unitaire relié à une station d’épuration encadrée par le Règlement sur les ouvrages municipaux d’assainissement des eaux usées 4, et un pour ceux qui ne le sont pas. Or, seuls ceux qui ne sont pas tributaires d’un système d’égout unitaire sont visés par le Code. En effet, l’article 222 du REAFIE prévoit que ceux-ci doivent être conçus conformément au Code, tout en prévoyant d’autres conditions, dont celle que les eaux pluviales drainées par le système ou l’extension ne proviennent pas d’un site à risque et que les eaux rejetées n’atteignent pas un milieu humide par un écoulement en surface. Si les conditions de l’article 222 du REAFIE sont remplies, le Code prévoit, pour sa part, que seuls certains types d’ouvrages de gestion des eaux pluviales peuvent être utilisés : système de rétention sec, système de rétention à volume permanent, fossé engazonné, séparateur hydrodynamique et technologie commerciale de traitement des eaux pluviales. LES EFFETS RECHERCHÉS Bien que ces principes étaient déjà détaillés dans le Guide de gestion des eaux pluviales, le Code vient tout même spécifier que les exigences de conception visent principalement : = à réduire annuellement, pour les surfaces drainées vers le système de gestion des eaux pluviales, d’au moins 80 % les concentrations de matières en suspension contenues dans les eaux pluviales avant leur rejet vers l’environnement, et ce, pour 90 % des événements de précipitations annuels ; = à minimiser l’érosion accélérée des milieux humides et hydriques récepteurs ;
LA CONCEPTION DU SYSTÈME Comme mentionné précédemment, seuls certains types d’ouvrages sont admissibles à une déclaration de conformité. Chacun de ces systèmes est décrit au chapitre II du Code, qui précise leurs principales caractéristiques. Ce chapitre permettra de savoir si l’ouvrage planifié peut faire l’objet d’une déclaration de conformité et, le cas échéant, si un ouvrage de prétraitement est nécessaire. La mise en place d’un système de gestion des eaux pluviales comporte plusieurs étapes qui sont prévues au Code. D’emblée, notons que la période des travaux d’aménagement d’un système fait également l’objet de normes temporaires afin de réduire l’impact d’un chantier. La conception doit aussi prévoir un programme d’entretien de l’ouvrage. Quant à la conception elle-même, le Code prévoit au chapitre III les méthodes de calcul et normes générales applicables à l’ensemble des types de systèmes de gestion des eaux pluviales. Le chapitre IV précise les normes de conception propres à chacun des différents ouvrages pouvant être utilisés. Dans la section II du chapitre III portant sur le dimensionnement, on retrouve les méthodes de calcul pour les ouvrages de gestion des eaux pluviales dont le critère de conception est le débit de ruissellement (fossé engazonné, séparateur hydrodynamique et technologies commerciales de traitement), ou pour les ouvrages dont le critère est le volume de ruissellement (système de rétention sec et système de rétention à volume permanent). Dans la section III du chapitre III, on prévoit les normes pour la réduction des matières en suspension et les méthodes de calcul pour évaluer la performance de réduction des matières en suspension. On précise également les normes de conception pour les systèmes prévoyant l’utilisation de végétaux (zone inondée ou non) et pour les ouvrages de prétraitement des sédiments. Enfin, aux sections IV et V du chapitre III, on prévoit des normes visant à minimiser l’érosion des lacs et des cours d’eau récepteurs et à éviter une augmentation de la fréquence d’inondation de ceux-ci. CONCLUSION Bien que ce Code soit hautement technique et destiné aux professionnels chargés de la conception des systèmes de gestion des eaux pluviales, nous espérons que ces explications permettront de mieux comprendre le processus lié à la production d’une déclaration de conformité pour un tel système. n 1
(2020) 152 G.O. II, 3713A.
2
Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs [MDDEP] et Ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire [MAMROT]. (2014). Guide de gestion des eaux pluviales. https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/pluviales/guide-gestion-eaux-pluviales.pdf
3
(2020) 152 G.O. II, 3627A.
4
RLRQ, chapitre Q-2, r. 34.1.
22 LE MAGAZINE DE L’EAU AU QUÉBEC SOURCE VOL. 17 N O 2 ÉTÉ 2021
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