TRAITEMENT DES EAUX
L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE POUR LE TRAITEMENT BIOLOGIQUE DES EAUX. PARTIE 2 : LA GESTION DE LA MATIÈRE INORGANIQUE ET DES BOUES
Clément Cartier Ing., Ph. D. Représentant technique Brault Maxtech inc. clement.cartier@braultmaxtech.com
A
fin de réduire les coûts énergétiques dans une station d’épuration des eaux, il est important de porter attention à la gestion de la matière organique et des solides en suspension. Que ce soit pour les procédés de lagunage ou les procédés de boues activées, on peut réduire les besoins énergétiques d’une installation en effectuant un enlèvement ciblé de la matière afin de permettre un meilleur fonctionnement des traitements biologiques. Dans les procédés biologiques, les solides inorganiques entraînent des pertes énergétiques, car ils sont mélangés et pompés vers le traitement sans être affectés par celui-ci. De plus, leur accumulation dans les bassins aérés représente un volume important, réduisant celui dédié au traitement biologique en tant que tel, ce qui diminue donc l’efficacité de traitement. Le prétraitement devient alors un investissement qui permet un gain énergétique pour le reste de la filière. Dans la grande majorité des cas, la consommation d’énergie liée à l’exploitation d’un dégrilleur est non significative par rapport à celle associée au brassage, au pompage, au dragage, à la séparation et la déshydratation des solides et des boues inorganiques. Le dessablage est également un procédé à considérer. En fonction de la technologie, des pales, des pompes et des vis à sable peuvent être exploitées de manière continue ou séquentielle. Comme pour les dégrilleurs, les dessableurs les plus performants ne sont pas nécessairement les plus énergivores, et ils permettent de retirer du sable plus fin et en plus grande quantité, ce qui entraîne des diminutions de coûts énergétiques, mais surtout protège les équipements en aval, réduisant leur usure et augmentant leur durée de vie et leur efficacité. De la même manière, il est important de privilégier un traitement séparé des boues de fosses septiques. En effet, celles-ci étant déjà digérées, il n’est pas cohérent de les ajouter au procédé biologique pour les traiter à nouveau. Pour un concepteur, il est donc bénéfique – énergétiquement parlant – de considérer une filière séparée qui peut envoyer ces boues directement en déshydratation, celles-ci étant déjà assez épaisses et typiquement très faciles à déshydrater. Pour le procédé de lagunage, la vidange des boues est un autre élément à considérer par le concepteur sur le plan des coûts et des besoins énergétiques. La fréquence requise des travaux, la technologie de déshydratation utilisée et la destination des boues (enfouissement ou épandage) sont toutes des éléments à considérer pour réduire la consommation énergétique et les conséquences environnementales. Pour la déshydratation, les technologies par presse (presse à vis, pressoirs rotatifs) demandent notablement moins d’énergie et de polymères que les centrifugeuses, tout en étant sensiblement aussi efficaces pour la déshydratation des boues d’étangs ou les boues digérées (elles sont légèrement moins efficaces que les centrifugeuses pour des boues secondaires). Les coûts associés aux vidanges des étangs aérés sont en augmentation constante. Ces différents paramètres doivent être considérés soigneusement par les décideurs.
Comme pour le prétraitement, les décanteurs primaires ont une influence additionnelle sur les procédés de type boue activée, cette fois en s’attaquant aux matières en suspension, qu’elles soient organiques ou inorganiques. Le retrait des boues primaires diminue les coûts énergétiques de brassage et d’aération des boues activées tout en produisant une boue plus facile à déshydrater qu’une boue secondaire. Il faut noter que différents types de filtres sur toiles peuvent aussi être utilisés pour remplacer les décanteurs primaires. Bien qu’ils ne soient pas encore utilisés au Québec, ces filtres permettent d’obtenir un traitement comparable aux décanteurs primaires pour une fraction de l’empreinte au sol et un coût énergétique réduit. Enfin, il ne serait pas approprié de discuter d’efficacité énergétique sans faire mention de la digestion anaérobie des boues. Ce procédé se fait dans un réacteur contenant des boues, liquides ou non, mélangées et chauffées à une température d’au moins 35 °C en l’absence d’oxygène. Ces conditions permettent la croissance de bactéries anaérobies digérant et stabilisant les boues. Cette étape permet d’atteindre plusieurs objectifs énergétiques : 1) une réduction de la quantité de boues stabilisées de 35 à 40 %, donc une diminution des coûts d’épandage (sur le plan tant financier qu’énergétique) ; 2) une production nette d’énergie, soit sous forme de chaleur, d’eau chaude ou de gaz naturel (méthane) ; et 3) une réduction de la production de gaz à effet de serre (production de méthane de manière contrôlée plutôt que de CO2). Il est important de noter que lors de la digestion anaérobie, les boues primaires permettent une production de biogaz plus importante que les boues secondaires. L’utilisation de décantation primaire et de digesteur est donc une combinaison de procédés très intéressante pour diminuer la facture énergétique d’une usine de traitement.
Cela fait plusieurs années qu’on mentionne, au Québec, le virage requis vers la biométhanisation afin de réduire la quantité de matières organiques enfouies avec plusieurs projets phares, mais on oublie que cette technologie a déjà été introduite avec succès pour traiter les boues d’épuration dans les années 1990-2000. Cela fait plusieurs années qu’on mentionne, au Québec, le virage requis vers la biométhanisation afin de réduire la quantité de matières organiques enfouies avec plusieurs projets phares (Saint-Hyacinthe, SEMECS, Montréal, Québec), mais on oublie que cette technologie a déjà été introduite avec succès pour traiter les boues d’épuration dans les années 1990-2000 (à Repentigny, Gatineau, Châteauguay et Rosemère). Malheureusement, la technologie est aujourd’hui peu envisagée pour des usines de taille moyenne, alors qu’elle offre de réels potentiels de réduction de la facture énergétique d’une station d’épuration. Il est même pensable de générer du biogaz pouvant être injecté dans le réseau de gaz naturel, permettant ultimement une génération d’énergie nette pour la station d’épuration plutôt qu’un coût énergétique. Il y a fort à parier que ce genre d’approche reviendra d’actualité afin d’atteindre les objectifs ambitieux de réduction des gaz à effet de serre présentés tout récemment par le gouvernement fédéral. n
19 LE MAGAZINE DE L’EAU AU QUÉBEC Ce texte vous fait réagir ? Faites-nous part de vos commentaires en écrivant à info@magazinesource.cc
SOURCE VOL. 17 N O 2 ÉTÉ 2021