PRINTEMPS/ÉTÉ 2018, vol. 14 no 2
Le magazine de l’eau au Québec
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Convention de la poste-publications no 41122591
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Les Québécois surconsomment l’eau potable. En sont-ils conscients?
L’exemple du Royaume-Uni en matière d’économie d’eau potable
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Les technologies de dégrillage et les paramètres de conception
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Quand de simples lingettes paralysent les réseaux d’égouts
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dossier 8
« Il faut entrer dans les maisons. Quand on parle d’économie d’eau, on parle de changer sa toilette trop gourmande en eau ; de réparer les robinets qui fuient ; d’utiliser des mitigeurs ; de ne pas diriger l’eau des gouttières dans les égouts, etc. Tout ça, il faut l’inculquer aux citoyens. » — Denise Cloutier
chroniques
SOMMAIRE
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ÉCONOMIE D'EAU POTABLE L’EXEMPLE DU ROYAUME-UNI EN MATIÈRE D’ÉCONOMIE D’EAU POTABLE
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INSTRUMENTATION LA DÉSOXYGÉNATION DE L’EAU USÉE
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EAU POTABLE L’IMPORTANCE DE SAVOIR CHOISIR ET INSTALLER UN DISPOSITIF ANTIREFOULEMENT
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EAUX USÉES LES TECHNOLOGIES DE DÉGRILLAGE ET LES PARAMÈTRES DE CONCEPTION
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ASSAINISSEMENT DÉCENTRALISÉ POUR TOUT SAVOIR SUR LE CABINET À TERREAU
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COMMUNAUTÉ NUMÉRIQUE QUAND DE SIMPLES LINGETTES PARALYSENT LES RÉSEAUX D’ÉGOUTS
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LES AMIS DE SOURCE
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Éditeur et rédacteur en chef André Dumouchel adumouchel@maya.cc Coordonnatrice à la direction de l'édition Noémie Vallet Téléphone : 450 508-1515 nvallet@maya.cc Direction artistique MAYA.cc
Ce magazine est imprimé sur papier à contenu recyclé.
Designer graphique Sylvain Malbeuf (SymaPub)
Rédacteur Guy Des Rochers Chroniqueurs Sylvain Boudrias Cle ́ment Cartier Hubert Colas France Gauvreau Mathieu Laneuville Christian Vézina Photos de la page couverture et de l’entrevue Shutterstock.com
Espace publicitaire André Dumouchel Téléphone : 450 508-1515 adumouchel@maya.cc Abonnement et administration MAYA communication et marketing 457, montée Lesage Rosemère (Québec) J7A 4S2 Téléphone : 450 508-1515 info@magazinesource.cc www.magazinesource.cc Impression Carpe diem
Révision linguistique Émilie Pelletier
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4 LE MAGAZINE DE L’EAU AU QUÉBEC SOURCE VOL. 14 N O 2 PRINTEMPS/ÉTÉ 2018
Droits d’auteur et droits de reproduction : toute demande de reproduction doit être acheminée à MAYA communication et marketing aux coordonnées figurant ci-dessus. Les opinions et les idées contenues dans les articles n’engagent la responsabilité que de leurs auteurs. La publication d’annonces et de publicités ne signifie pas que le magazine SOURCE recommande ces produits et services. Convention de la poste-publications no 41122591. Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada aux coordonnées figurant ci-dessus. Dépôt légal : 1er trimestre 2005. ISSN 1712-9117. Le magazine SOURCE est publié trois fois l’an.
PRINTEMPS/ÉTÉ 2018, vol. 14 no 2
Le magazine de l’eau au Québec
ÉDITORIAL
LE CAS QUÉBÉCOIS
Nous vivons sur un magnifique territoire, pays de lacs et de rivières en abondance. Nous avons même le luxe de compter sur un fleuve à rendre jaloux bien des États du monde. Or voilà, ces cours d’eau sont vulnérables et fragiles.
omme l’explique la directrice générale du Centre d’interprétation de l’eau de Laval (C.I.EAU), Denise Cloutier : « Notre eau, nous la puisons dans des cours d’eau qui sont de plus en plus mal en point ». De là à dire que notre abondante ressource est en danger, il n’y a qu’un pas… Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir réagi. Au Québec, les gouvernements, les municipalités et les citoyens ont tous mis la main à la pâte dans le but d’assurer la pérennité de cette fabuleuse ressource.
C
Ah oui, vraiment ? Et qu’en est-il de la surconsommation des citoyens, qui a une incidence directe sur l’augmentation des frais de gestion liés à la production d’eau potable, une réalité pour toutes les municipalités québécoises ?
André Dumouchel adumouchel@maya.cc
Prenons par exemple le cas du citoyen québécois, dont la consommation d’eau potable demeure toujours l’une des plus élevées au pays. Or, selon le gouvernement fédéral, « en dépit des améliorations dans la consommation d’eau des ménages, le Canada reste l’un des plus grands consommateurs par habitant d’eau douce à l’échelle mondiale 1 ». Ce qui fait presque du citoyen québécois un recordman absolu… Le gouvernement québécois a publié son importante Politique nationale de l’eau en 2002. Seize ans plus tard, force est d’admettre que les résultats sont partagés. Sans chercher à critiquer les engagements gouvernementaux liés à la consommation de l’eau, on peut quand même se questionner collectivement : pourquoi le message passe-t-il difficilement auprès de la population ? Que doivent faire les municipalités, entre autres, pour sensibiliser les citoyens au non-gaspillage de l’eau potable et à sa consommation raisonnable, afin que chacun finisse par adopter des comportements responsables face à cette inestimable ressource ? SENSIBILISER, INFORMER, ÉDUQUER Est-ce la fausse impression d’abondance qui est à l’origine de la surconsommation de l’eau ? Son gaspillage est-il dû à une méconnaissance de ses coûts de traitement, de sa valeur ? Peut-être que l’ignorance, voire la simple négligence est en cause ? Certes, nos infrastructures ne sont pas parfaites et elles laissent fuir dans la nature
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quantité d’eau potable traitée à grands frais. Dans la plupart des municipalités du Québec, on est déjà à pied d’œuvre non seulement pour réparer et entretenir le réseau, mais aussi pour assurer la pérennité des travaux en investissant dans l’avenir grâce à la création de fonds dédiés. La tâche est considérable ; plus que jamais, les municipalités savent que l’eau a un coût, mais quant au citoyen… [Bruits de criquets] Comme le dit le dicton, la chaîne est aussi forte que son maillon le plus faible. Et l’une des faiblesses identifiées dans le cycle du gaspillage et de la surconsommation de l’eau, c’est la responsabilité citoyenne. Au MAMOT, on admet qu’il y a encore du chemin à faire puisque les Québécois consomment 20 % plus d’eau que la moyenne canadienne, selon des chiffres de 2015. Rappelons qu’en 2006, « la production d’eau potable au Québec était de 35 % plus élevée que la moyenne canadienne et de 62 % plus élevée que la moyenne de l’Ontario […] D’ailleurs, considérant les consommations moyennes en Europe, la consommation québécoise est au moins deux fois plus élevée que celle des pays européens 2 ». L’engagement citoyen de ne pas surconsommer ou gaspiller l’eau potable n’est pas assez répandu au Québec. Visiblement, cela ne fait pas encore partie des habitudes des Québécois. Pour cette raison, des programmes de sensibilisation et d’éducation doivent être créés et diffusés à grande échelle, afin de marteler et d’inscrire dans la conscience des Québécois qu’il faut protéger et économiser l’eau. À tout prix. n
Environnement et Changement climatique Canada. 2017. Consommation résidentielle d’eau au Canada. Consulté en ligne : https://www.ec.gc.ca/indicateurs-indicators/default.asp?lang= Fr&n=7E808512-1&wbdisable=false Culhuac Schmidt, Katja Hanne. 2012. La surconsommation de l’eau potable au Québec, p. 70. Mémoire de maîtrise, Université de Sherbrooke. Consulté en ligne : https://www.usherbrooke.ca/environnement/fileadmin/sites/environnement/documents/ Essais2011/Culhuac_K__03-02-2012_.pdf
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DOSSIER
Les Québécois surconsomment l’eau potable. En sont-ils conscients? Par Guy Des Rochers
Au Québec, la quantité d’eau potable utilisée par personne par jour est passée de 777 litres en 2001 à 573 litres en 2015, ce qui correspond à une réduction de l’ordre de 26 % en 14 ans, selon le bilan de l’eau du MAMOT de 2015.
D’autres données, soit celles de 2017 de Statistique Canada, ont toutefois un petit côté affolant. La consommation d’eau potable des Québécois est 30 % plus élevée que celle des Ontariens, 200 % plus élevée que celle des Français et 650 % plus élevée que la moyenne internationale. Le Canada reste l’un des plus grands consommateurs par habitant d’eau douce à l’échelle mondiale et le Québec est, hélas, dans le peloton de tête des provinces canadiennes.
prise de conscience chez les Québécois de leur surconsommation », pense-t-il. Par ailleurs, au MAMOT, on fait preuve de lucidité. « La réduction de la quantité d’eau consommée par personne est certainement une réussite, ajoute Mathieu Laneuville, mais il faudra poursuivre le travail amorcé puisque la moyenne québécoise, en 2015, était de 20 % supérieure à la moyenne canadienne. Aussi, les objectifs de réduction des pertes d’eau ne sont pas encore atteints malgré la réparation de plus de 10 000 fuites d’eau en 2015. »
Au ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire (MAMOT), ces résultats en demi-teintes amènent toutefois le responsable de la Stratégie québécoise d’économie d’eau potable, Mathieu Laneuville, à percevoir le verre à moitié plein, plutôt qu’à moitié vide. « J’admets qu’il reste encore du travail à faire et que l’information doit mieux se rendre aux citoyens, dit-il d’emblée, mais il y a eu diminution. Selon nous, cela s’explique en partie par le meilleur contrôle des fuites d’eau et par l’amélioration de la qualité des données, qui sont plus précises et complètes depuis la mise en place de la Stratégie. »
De quelle manière doit-on s’y prendre pour mieux conscientiser les Québécois au sujet de leur surconsommation d’eau potable ? Pour le MAMOT, il faut persister dans la sensibilisation et l’éducation. « Ce sont des manières judicieuses de conscientiser les citoyens, afin qu’ils comprennent mieux l’importance d’économiser l’eau », convient Mathieu Laneuville, en mettant l’accent sur une sensibilisation citoyenne en trois points.
Même perception positive chez Alain Lalumière, chargé de projets pour Réseau Environnement. « Lors des dernières années, il y a quand même eu une diminution importante de la consommation (26 %). Cela nous porte à croire qu’il existe une
Selon lui, il est primordial de faire savoir que l’accroissement de la population et l’augmentation des sécheresses dues aux changements climatiques exerceront des pressions croissantes sur nos ressources en eau. Ensuite, pour garantir la pérennité
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Sensibilisation et éducation
des services d’eau aux citoyens et aux générations futures, il est nécessaire de réaliser le maintien d’actifs de façon durable tout en éliminant graduellement le déficit d’entretien. Enfin, il faut miser davantage sur l’utilisation efficace de l’eau ; on pourra ainsi reporter, voire éviter, l’agrandissement de certaines infrastructures en eau. Pour sa part, Alain Lalumière est tenté d’expliquer la surconsommation des Québécois par un phénomène d’ordre presque culturel. « Il y a sans doute plusieurs facteurs en cause, évoque-t-il. L’eau, au Québec, est omniprésente. Nous la croyons abondante. Toutefois, avec l’avènement des changements climatiques, nous sommes beaucoup plus interpellés, comme société, par les quantités d’eau disponibles ; pendant des périodes importantes de canicule, on en possède moins, alors que parfois, on en a trop, et des inondations viennent perturber le système d’approvisionnement. Mais je crois qu’une prise de conscience sociale est en marche. »
Des municipalités impliquées Comment convaincre les Québécois de ne pas gaspiller l’eau ? Pour le MAMOT, les municipalités sont la courroie de transmission de la Stratégie auprès des citoyens et le Ministère continuera à leur fournir les outils
DOSSIER nécessaires afin de mieux sensibiliser les Québécois. Ces outils seront bonifiés en fonction des besoins évolutifs des municipalités et des partenaires. Mais est-ce suffisant ? N’en sommesnous pas au point d’envisager une forme de ticket modérateur pour la consommation de l’eau potable ? « La tarification des services d’eau relève de la compétence municipale, nuance Mathieu Laneuville. Dans la majorité des municipalités, la
tarification est utilisée dans le secteur non résidentiel comme outil complémentaire à la sensibilisation et à la réglementation municipale, pour inciter les correctifs requis, éviter le gaspillage et soutenir l’équité horizontale. » Quant à Alain Lalumière, il croit que pour bien sensibiliser les citoyens, il faut mieux faire connaître les données de consommation réelles pour les
L’approche pédagogique du C.I.EAU Le cheminement professionnel de Denise Cloutier l’a conduite à la direction générale du Centre d’interprétation de l’eau de Laval (C.I.EAU), situé à la station de production d’eau potable Sainte-Rose. Au cours de notre conversation, trois mots surtout sont constamment remontés à la surface : éducation, surverse et coût. D’abord, parce qu’elle juge l’approche éducationnelle très importante : « C’est pour ça qu’au C.I.EAU, on commence par les tout-petits, on fait des activités pour les sensibiliser à l’importance de l’eau, de sa protection et de son utilisation responsable. Plus ils sont jeunes, plus ils retiennent l’enseignement et ça restera sans doute ainsi durant leur vie adulte. Ensuite, de retour à la maison, le jeune éduquera même ses parents sur l’art de fermer le robinet quand c’est le temps… Par exemple, on a des activités en garderie, comme Bye-bye caca ! L’approche pédagogique compte pour beaucoup dans l’apprentissage chez les enfants, ajoute-t-elle. Certes, nous avons beaucoup d’eau au Québec, mais dans quel état est-elle ? »
Plus on consomme l’eau potable, plus il faut la traiter « Plus l’eau est malmenée, plus il faut la traiter. Plus on consomme d’eau potable, plus il faut en traiter. Pourtant, il y a un coût très élevé à agir de la sorte. » Mme Cloutier constate que nos cours d’eau sont très mal en point, surtout en région urbanisée. Elle relate que, seulement dans la zone des MilleÎles, il existe des centaines d’ouvrages de surverse qui débordent rapidement dès que la pluie se met de la partie. « Et le trop-plein va directement dans l’environnement, l’eau polluée retournant à la rivière sans avoir été traitée. Nos usines de filtration ont été bâties pour du temps sec ; dès qu’il pleut, c’est la catastrophe. »
différents types d’usage. « Et pour les faire connaître, il faut avant tout bien les connaître nous-mêmes, avance-t-il. Nous devons nous donner des outils efficaces, de bons indicateurs de performance, afin d’obtenir la bonne information sur la consommation. Une fois que nous la connaîtrons, il faudra la diffuser, en présentant tous les aspects du coût de l’eau, et en incluant la gestion des eaux usées, puisqu’elle doit faire partie de l’ensemble. »
Denise Cloutier considère que tout le réseau aurait besoin d’une mise à jour. « Il faut construire des bassins de rétention pour les eaux non traitées, afin de retenir les trop-pleins avant qu’ils entrent dans les stations. Cela exigera des investissements colossaux, mais le citoyen doit savoir que les eaux usées sont traitées selon des normes en accord avec les équipements que nous avons, souvent désuets ou pas suffisants pour un traitement efficace. Le citoyen doit apprendre qu’il y a un coût à l’eau, et que celui-ci ne cesse de grimper. » Les municipalités et les citoyens doivent participer davantage à la préservation de l’eau, selon elle. « Il faut entrer dans les maisons. Quand on parle d’économie d’eau, on parle de changer sa toilette trop gourmande en eau ; de réparer les robinets qui fuient ; d’utiliser des mitigeurs ; de ne pas diriger l’eau des gouttières dans les égouts ; de ne pas relier sa pompe à puisard (sump pump) aux égouts sanitaires ; de récupérer l’eau de pluie afin de privilégier une horticulture durable. Tout ça, il faut l’inculquer aux citoyens. De nos jours, dans de nouveaux ensembles résidentiels de certaines municipalités, on construit des noues (une sorte de fossé peu profond et large, végétalisé, qui recueille provisoirement l’eau de ruissellement), au lieu d’évacuer cela dans de gros tuyaux et le diriger ensuite vers la rivière et la souiller. Voilà enfin de bonnes pratiques ! L’utilisation des eaux grises pour la toilette, par exemple, n’est pas encore un système préconisé par les constructeurs, ni encore encouragé par les municipalités. Or, cette seule pratique permettrait d’épargner beaucoup d’eau. Pourtant, les municipalités doivent produire de grosses réserves d’eau pour suffire à la demande durant la période estivale. Et cela coûte très cher ! » Pour la directrice du C.I.EAU, il faut changer la culture en vue de créer une conscience de l’eau chez le citoyen. Faire une campagne nationale, comme on l’a fait pour la récupération. Et apprendre à la population le vrai coût de l’eau. « D’ailleurs, le C.I.EAU serait capable d’accueillir chaque citoyen du Québec pour des visites de sensibilisation au cycle de l’eau. Ce n’est qu’une question d’organisation ! », affirme-t-elle, en ajoutant que l’histoire de l’eau est passionnante.
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DOSSIER
Impliquer de plus en plus les citoyens
installations varie entre 4,5 et 5 milliards de dollars. En admettant que les infrastructures durent cent ans (la moitié moins pour les usines), si l’on ne met pas annuellement un pour cent de cette valeur de côté pour le remplacement éventuel du réseau, le coût de l’eau ne fera qu’augmenter. »
« Je crois que le portrait de la consommation d’eau des Québécois est plus sombre que la réalité. »
À Laval, où il a fait carrière, Jean Lavoie a contribué à la création d’un fonds dédié à l’eau. « Ça, c’est une bonne pratique et je constate que de plus en plus de villes le font. »
Le passionné Jean Lavoie, aujourd’hui à la retraite, a passé toute sa carrière au service de l’eau, dont 31 ans à la Ville de Laval, où il a été directeur adjoint du service de l’environnement. Administrateur chevronné, il est aussi membre fondateur du C.I.EAU. « Dans les faits, très peu de compteurs d’eau sont installés dans les résidences du Québec, ce qui fait que la consommation réelle, au point d’usage dans les maisons, on la connaît très peu. C’est peut-être pour ça que l’on observe un écart aussi important avec les autres provinces canadiennes », avance-t-il, d’entrée de jeu, comme une hypothèse. Jean Lavoie relate, entre autres, plusieurs projets pilotes dont un, à Laval, dans les années 1992-1993. L’expérience rapportait une consommation quotidienne qui tournait autour de 250 à 325 litres. « Dans un groupe témoin de quelques centaines de résidences, des compteurs d’eau ont été installés. On a mesuré la consommation tous les mois pendant un an. Il y avait peut-être un biais de la part des participants, qui cherchaient à être des premiers de classe, explique Jean Lavoie, pince-sans-rire. Actuellement, la mesure se fait à la sortie des stations d’eau potable avec des débitmètres. La consommation et les pertes du réseau sont donc enregistrées. Il serait sans doute différent de mesurer la consommation d’eau directement chez le citoyen. »
Utiliser des moyens pour inciter à l’économie Pour Jean Lavoie, puisque l’eau est gratuite et distribuée dans tous les robinets, il n’y a donc pas d’incitations à l’économie. « De surcroît, on sousestime le coût réel de l’eau, ajoute-t-il. À Laval, par exemple, la valeur des
«On assiste à des campagnes sur le tabac, les dangers de la route, l’alcool, etc. Pourquoi pas sur l’eau ? »
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Mais pour en arriver à une gestion durable de l’eau, il faut impliquer de plus en plus les citoyens dans la démarche. « Ça prend des campagnes de publicité pour parler non seulement de la valeur de l’eau, mais de son coût, dit Jean Lavoie. Il y a certes des campagnes organisées par Réseau Environnement, mais le gouvernement doit être plus proactif dans ce domaine. On assiste à des campagnes sur le tabac, les dangers de la route, l’alcool, etc. Pourquoi pas sur l’eau ? » Jean Lavoie croit aussi que d’amener des gens à visiter des stations serait très pédagogique ; non seulement des jeunes, mais des adultes aussi. « On le fait à Laval, à Victoriaville, à Montréal et à plusieurs autres endroits. Par ailleurs, on n’est capable de bien gérer que ce que l’on peut comprendre ou calculer. Si l’on facturait l’eau à la consommation, les gens seraient beaucoup plus enclins à l’économiser. » Tout en soulignant les coûts colossaux engendrés par les surverses, Jean Lavoie espère mieux pour cette eau potable dont environ un pour cent seulement sert strictement à la consommation humaine.
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DOSSIER
Surconsommation de l’eau potable
 L’exemple doit venir d’en haut  — Louise Vandelac  Il faut voir la surconsommation de l’eau potable au QuÊbec dans des donnÊes globales et non seulement dans la cuisine d’un citoyen lorsqu’il ouvre et ferme le robinet. Chose certaine, l’exemple devrait venir d’en haut, de la part de nos gouvernements.  Affable et souriante, Louise Vandelac n’en est pas moins redoutable lorsqu’elle examine le phÊnomène du gaspillage de l’eau à travers sa lorgnette de professeure titulaire à l’Institut des sciences de l’environnement et au dÊpartement de sociologie de l’UQAM. Son cheminement et ses recherches l’ont conduite à travers les hautes broussailles de la santÊ environnementale, tant celle de la nature que celle de l’humain, et son approche ÊcosantÊ en fait une chercheuse attentive aux problÊmatiques des pesticides, de l’eau, de la santÊ et de la politique alimentaire.  Historiquement, la structure industrielle de MontrÊal a toujours ÊtÊ liÊe à la disponibilitÊ de l’eau. De l’eau, c’est quelque chose dont nous avons rarement manquÊ au QuÊbec. Ceci explique cela, sans doute. Il existe encore un certain nombre d’entreprises qui refroidissent leurs installations avec de l’eau potable ! Cela consomme ÊnormÊment d’eau , se dÊsole-t-elle. Louise Vandelac souligne que dans l’interprÊtation des donnÊes sur la surconsommation d’eau, les problèmes d’entretien du rÊseau d’eau potable sont trop souvent sous-estimÊs.  Pendant des annÊes, les pertes d’eau [fuites], ÊvaluÊes entre 25 et 33 % environ, ont ÊtÊ compilÊes dans la colonne de la consommation, explique-t-elle. Allons dire après cela au citoyen de faire attention à son eau potable quand il dÊcouvre que la surconsommation est très liÊe à des enjeux d’infrastructures. 
cela, est-ce qu’on va demander aux citoyens de fermer l’eau du robinet lorsqu’ils se brossent les dents, quand les gouvernements sont prêts à sacrifier et à polluer des plans d’eau complets et des Êcosystèmes hydriques ? Face à la surconsommation d’eau, il faut surtout que nos gouvernements soient exemplaires et ne proposent pas de projets aussi aberrants i.  i
Voir l’article d’Alexandre Shields,  Lacs et rivières ouverts aux pÊtrolières , dans l’Êdition du 7 juin 2018 du journal Le Devoir : https://www.ledevoir.com/societe/environnement/529643/quebecannonce-la-fin-des-projets-de-gaz-de-schiste
de la technologie pour rÊpondre aux exigences de la StratÊgie QuÊbÊcoise d’Êconomie d’eau potable.
Le coÝt d’un verre d’eau Pour elle, il est Êvident que l’on peut être plus attentif à la consommation de l’eau.  Nous avons intÊrêt à le faire, explique-t-elle, ne serait-ce que pour des raisons de coÝts, notamment. Mais quel est le coÝt rÊel d’un verre d’eau ? En gÊnÊral, les citoyens ne le savent pas et l’on ne peut pas Êconomiser quelque chose dont on ignore la valeur.  Pour cette laurÊate d’un prix Acfas en 2010, soulignant sa contribution exceptionnelle à la recherche scientifique, et membre du prestigieux Cercle des PhÊnix de l’environnement et du dÊveloppement durable depuis 2004, il faut Êgalement analyser notre modèle de dÊveloppement social et notre type de gouvernance.
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 Je crois que les citoyens sont conscients des questions touchant l’eau et sa qualitÊ, mais le message que leur renvoient la sociÊtÊ et les gouvernements est loin d’être aussi limpide que de l’eau , soutient-elle. Quand Louise Vandelac Êvoque notre modèle de dÊveloppement, elle donne en exemple, entre autres, la banlieue :  Lorsque l’on possède une maison de 10 ou 12 pièces, en banlieue, au lieu de vivre dans un deux-pièces comme à Paris, quand on a une maison avec du gazon tout autour, une piscine, deux ou trois salles de bains, c’est Êvident que l’on va consommer plus d’eau, surtout en pÊriode estivale. Mais le comble, c’est quand le gouvernement se propose, contrairement à ce qu’avait promis le gouvernement Couillard, l’annÊe prÊcÊdente, de permettre des projets d’exploitation pÊtrolière et gazière dans tout ce qui s’appelle lacs et rivières du QuÊbec, à l’exception de quelques cours d’eau majeurs. On se dit alors : est-ce qu’on peut parler des vraies choses ? Après
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DOSSIER
Crédit photo : Denver Water
Une tendance à imiter Convaincre les gens qu’il faut économiser l’eau est devenu une priorité dans plusieurs régions du monde. En Asie et en Australie, des programmes scolaires visant la promotion de la récolte et de l’utilisation de l’eau de pluie dans la vie quotidienne sont mis en pratique 1. Aux États-Unis, qui sont avec le Canada parmi les pays où la consommation d’eau par habitant est la plus élevée, plusieurs campagnes de sensibilisation ont été instaurées dans des institutions publiques. L’Université Emory, à Atlanta, et l’Université de Portland, en Oregon, font figure de proue en ce domaine en préconisant des options écologiques durables concernant l’utilisation de l’eau. Lors de la dernière décennie, la ville de Denver, au Colorado, a organisé des campagnes publicitaires qui ont remporté de nombreuses récompenses. Sur fond orange, on demandait, souvent de façon humoristique, d’économiser l’eau en « n’utilisant que ce dont vous avez besoin » (Use Only What You Need). Le but de la campagne était d’encourager les gens du Colorado à adopter une culture de la conservation de l’eau.
de façon marquée sur la sensibilisation de la population au sujet des différents aspects de l’eau, dont sa préservation. Avec des programmes pour économiser l’eau potable (PEEP), Réseau Environnement, un organisme à but non lucratif, organise depuis une quarantaine d’années des campagnes diverses pour conscientiser la population à l’économie d’eau, surtout en été, temps fort de la surconsommation.
commercialisation chez Hydro-Québec, la première phase aura favorisé des économies en eau chaude d’environ 28 GWh annuellement. La phase 2 s’est ébranlée récemment et le programme offre des ensembles de produits autant aux municipalités qu’aux citoyens.
Même Hydro-Québec est entrée dans la danse. La première phase de son Programme de produits économiseurs d’eau et d’énergie, entreprise en septembre 2013, s’est terminée en février 2017 ; elle aura permis des économies d’eau de l’ordre de 40 %, grâce à des produits domestiques homologués WaterSense. De plus, selon Anne-Karyne Matte, conseillère à la
Toutefois, comme l’écrit la chercheuse Katja Culhuac Schmidt, « au Québec, pour changer les habitudes de consommation d’eau potable, il faut développer des programmes d’éducation et de sensibilisation qui rassemblent tous les secteurs et qui créent aussi les moyens nécessaires pour faire le suivi de ces programmes et pour concrétiser des changements adéquats 2. » n
Tous ces efforts pour sensibiliser les gens sur l’économie d’eau sont louables.
König, Klaus W. et Dietmar Sperfeld. [s.d.] Rainwater Harvesting – A Global Issue Matures. Consulté en ligne : http://www.ercsa.eu/fileadmin/user_upload/files/Englische_Seite/Rainwater_Harvesting_A_Global__Issue_Matures.pdf 2 Culhuac Schmidt, Katja Hanne. 2012. La surconsommation de l’eau potable au Québec, p. 77. Mémoire de maîtrise, Université de Sherbrooke. Consulté en ligne : https://www.usherbrooke.ca/environnement/fileadmin/sites/environnement/documents/Essais2011/Culhuac_K__03-02-2012_.pdf 1
Au Québec, on peut aussi se féliciter de belles initiatives comme à Gatineau, avec son solide Plan de gestion de l’eau 2017-2021, lequel s’oriente
13 Crédit photo : Denver Water
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ÉCONOMIE D'EAU POTABLE
L’EXEMPLE DU ROYAUME-UNI EN MATIÈRE D’ÉCONOMIE D’EAU POTABLE
Mathieu Laneuville Ingénieur Ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire mathieu.laneuville@mamot.gouv.qc.ca
n avril dernier s’est tenue au Royaume-Uni une classe de maître d’Allan Lambert, sommité internationale dans le domaine du contrôle des pertes d’eau et de la gestion de la pression dans les réseaux de distribution d’eau potable. Celui-ci collabore autant avec les praticiens qu’avec le milieu de la recherche pour faire avancer cette science relativement jeune. Cette classe de maître permettait d’acquérir des connaissances et des outils visant à évaluer et à réduire les pertes d’eau dans une optique de gestion durable de la ressource et des infrastructures d’eau. Par ailleurs, nos rencontres avec des professionnels des services d’eau potable et des agences gouvernementales du domaine de l’eau nous ont permis d’en apprendre davantage sur l’application de la stratégie en économie d’eau potable du Royaume-Uni, qui est l’une des plus performantes au monde. En effet, les per capita total et résidentiel de ce pays représentent environ la moitié de ceux du Québec, dans un contexte similaire, où la mesure de la consommation est limitée. Voici ce que nous avons appris.
E
BILAN D’EAU L’estimation rigoureuse des pertes d’eau potable au Royaume-Uni passe notamment par l’utilisation, la comparaison et la réconciliation des résultats entre l’approche ascendante et l’approche descendante du bilan d’eau. L’approche ascendante est utilisée au Québec, avec l’analyse des débits de nuit, et l’approche descendante est celle normalisée par l’audit de l’eau de l’International Water Association et de l’American Water Works Association. Par ailleurs, une méthode simple pour estimer les incertitudes au sujet des données du bilan permet de relativiser les résultats et d’orienter les actions prioritaires. L’estimation de la consommation résidentielle non mesurée demeure un enjeu, au Royaume-Uni comme au Québec. Les solutions proposées sont les mêmes aux deux endroits, soit l’échantillonnage et les secteurs de suivi de la consommation (SSC). La différence réside dans le fait que le RoyaumeUni utilise et réconcilie les résultats des deux approches. C’est d’autant plus intéressant que l’échantillonnage peut estimer la marge d’erreur (par exemple : 3 % valable 19 fois sur 20) et que les SSC ne sont pas biaisés (par exemple : changement de comportement à la suite de l’installation d’un compteur individuel). RÉDUCTION DES PERTES D’EAU POTABLE Parmi les facteurs qui expliquent les bons résultats du Royaume-Uni dans ce domaine, on note la présence de bilans d’eau robustes qui permettent d’affirmer les efforts nécessaires pour atteindre des niveaux de pertes économiquement optimaux. D’ailleurs, l’utilisation de l’indice de fuites dans les infrastructures (IFI) est recommandée, jumelée aux niveaux de pression et de fuites de la Banque mondiale, pour comparer la performance de différents réseaux de distribution d’eau potable, étant donné que l’ensemble des caractéristiques propres à chaque réseau est pris en compte. De plus, de nouvelles équations que M. Lambert publiera prochainement incluront un facteur de correction de l’IFI à utiliser en présence de pression faible ou de conduites flexibles. Étant donné la majorité de conduites rigides et les pressions généralement élevées au Québec, l’utilisation de l’équation originale devrait pouvoir continuer de s’appliquer sans facteur de correction.
Dans le nord-ouest de l’Angleterre, le nombre de réparations a augmenté d’environ 70 % sur les conduites, de 60 % sur les branchements de service du côté municipal et de 750 % sur les branchements de service du côté privé pendant environ trois ans. De plus, l’utilisation généralisée de secteurs de suivi de la distribution au Royaume-Uni permet de repérer rapidement l’apparition de nouvelles fuites et ainsi de réduire le volume annuel des pertes d’eau potable. Afin de concrétiser cette réduction, on a déployé des efforts intensifs pour réparer les fuites de façon proactive. D’ailleurs, des programmes ont été mis en place pour offrir sans frais la réparation de la majorité des branchements de service du côté privé. Dans le nord-ouest de l’Angleterre, le nombre de réparations a augmenté d’environ 70 % sur les conduites, de 60 % sur les branchements de service du côté municipal et de 750 % sur les branchements de service du côté privé pendant environ trois ans. Par la suite, le nombre de réparations s’est stabilisé au niveau initial pour les conduites, à 66 % de la valeur initiale pour les branchements de service du côté municipal et à 500 % de la valeur initiale pour les branchements de service du côté privé. La stabilité associée au nombre de réparations, une fois les fuites accumulées réparées, s’explique par le taux d’apparition de nouvelles fuites qui se maintient généralement lorsque les niveaux de pression et l’âge moyen du réseau sont eux aussi constants. Par ailleurs, le nombre de réparations se retrouve environ en parts égales entre les conduites, les branchements de service du côté municipal et les branchements de service du côté privé, ce qui laisse présager un fort potentiel pour réduire les pertes d’eau réelles sur les branchements de service au Québec. Enfin, l’utilisation généralisée de la gestion de la pression permet de réduire les pertes d’eau potable, de diminuer le nombre de réparations et d’augmenter la durée de vie des infrastructures. La connaissance de la pression offre de nombreux avantages pour réduire les pertes d’eau potable et améliorer la qualité du service offert aux usagers. On développe présentement un outil visant à estimer en temps réel le niveau de fuites en fonction de la pression au point représentatif de zone et des profils de consommation.
CONCLUSION Dans un contexte mondial d’accroissement de la population et de sécheresses dues aux changements climatiques, des pressions croissantes s’exercent sur nos ressources en eau potable. La collaboration locale et internationale joue un rôle essentiel pour nous permettre d’appliquer les solutions les plus judicieuses afin d’affronter ensemble les défis de la gestion durable de la ressource et de nos actifs de l’eau. L’exemple du RoyaumeUni permettra ainsi de bonifier les excellentes initiatives qui sont déjà mises en place au Québec. n
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INSTRUMENTATION
LA DÉSOXYGÉNATION DE L’EAU USÉE France Gauvreau B. Sc. Directrice générale Hanna Instruments Canada inc. franceg@hannacan.com
E
n matière d’instrumentation pour l’analyse des eaux usées, j’ai déjà abordé dans des chroniques précédentes les mesures d’oxygène dissous, de demande biologique en oxygène (DBO5) et de demande chimique en oxygène (DCO) relatives à l’étape de traitement secondaire. Celle-ci se compose de trois sous-étapes : 1) la dégradation des composés organiques à l’aide de bactéries hétérotrophes requérant l’apport d’oxygène ; 2) la nitrification, au cours de laquelle l’ammoniaque présente est oxydée en nitrites à l’aide de bactéries nitrifiantes dites autotrophes, qui requièrent également de l’oxygène et dont la croissance est plus lente que les bactéries hétérotrophes ; 3) et finalement la dénitrification, qui consiste à éliminer les nitrates résultant de la nitrification par un réacteur anoxique. L’anoxie, soit la diminution de l’oxygène dissous, est nécessaire au développement des bactéries anaérobies ou semi-anaérobies qui, en raison du manque d’oxygène, décomposent les molécules de nitrates, transformant celles-ci en diazote qui peut s’échapper dans l’atmosphère de façon sécuritaire. RÔLE DES DÉSOXYGÉNANTS (RÉDUCTEURS D’OXYGÈNE) Afin de favoriser l’anoxie lors de la dénitrification, l’addition de désoxygénants peut s’avérer une solution souhaitable. On compte plusieurs
types de réducteurs d’oxygène, dont les deux plus populaires sont sans contredit l’hydrazine et le carbohydrazide. L’hydrazine est un composé inorganique qui, en contact avec l’oxygène, forme majoritairement de l’azote, qui se décompose par la suite en ammoniaque. Quant à lui, le carbohydrazide est extrêmement soluble dans l’eau et présente la plupart des avantages de l’hydrazine, tout en étant plus sécuritaire, car l’hydrazine est considérée comme cancérigène. Pour cette raison, le carbohydrazide est désormais une excellente solution de rechange à l’hydrazine. CHAMPS D’APPLICATION Outre le traitement des eaux usées, les désoxygénants sont largement utilisés dans le domaine industriel afin de contrôler de la corrosion des cycles de vapeur des centrales électriques provoquée par la présence d’oxygène dissous. Ils sont aussi employés pour réduire les sels de métaux et les oxydes de métaux dans l’électrolyse du nickel et l’extraction du plutonium. À des températures inférieures à 150 °C, la réaction avec l’oxygène est très lente. L’utilisation de l’hydroquinone comme catalyseur doit alors être envisagée afin d’optimiser le taux de réaction. ANALYSE DES DÉSOXYGÉNANTS La mesure des réducteurs d’oxygène (hydrazine et carbohydrazide) ainsi que des catalyseurs tels que l’hydroquinone permet d’éviter des sousdosages, qui entraîneraient une corrosion par l’oxygène, ou des surdosages, qui augmenteraient les frais d’exploitation. Une injection réduite de désoxygénants entraînera une élimination insuffisante de l’oxygène et
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L A D É S O X Y G É N A T I O N D E L’ E A U U S É E
davantage de corrosion et de dÊpôts, ce qui rÊduira l’efficacitÊ du traitement. Des mesures rapides, stables et très prÊcises faciliteront le contrôle des processus de traitement des eaux. Deux catÊgories d’analyseurs permettent d’effectuer les mesures de dÊsoxygÊnants, soit en continu ou en laboratoire. EN CONTINU Les analyseurs de rÊducteurs d’oxygène sont destinÊs à contrôler le niveau de rÊducteurs, tels que l’hydrazine et le carbohydrazide, dans l’eau de bassins de traitement et l’eau d’alimentation de chaudières (dans le cas de centrales Êlectriques). La dÊtermination du niveau optimal de rÊducteur d’oxygène à ajouter à l’eau permettra d’Êviter des problèmes de corrosion liÊs à l’oxygène dissous et favorisera la dÊnitrification adÊquate dans le cas du traitement secondaire des eaux usÊes. Pour ce type d’analyseur, la configuration de choix utilise une technologie ampÊromÊtrique à trois Êlectrodes, dont une Êlectrode de travail en platine (anode), une contre-Êlectrode en acier inoxydable (cathode), et une Êlectrode de rÊfÊrence (Ag/AgCl). En fonctionnement, la tension entre l’anode en platine et l’Êlectrode de rÊfÊrence est maintenue grâce à un potentiostat. La dÊrive de tension due aux changements de composition ou de dÊbit de l’Êchantillon est supprimÊe, entraÎnant par consÊquent une meilleure prÊcision de mesure. EN LABORATOIRE Les analyseurs de catÊgorie  laboratoire  les mieux adaptÊs pour les mesures ponctuelles des dÊsoxygÊnants sont les spectrophotomètres.
Phoenix
Système de panneaux Phoenix
Plusieurs manufacturiers d’instruments Êlectro-analytiques offrent des spectrophotomètres pouvant permettre les analyses de dÊsoxygÊnants, pour autant que la mÊthode d’analyse soit prÊprogrammÊe dans le microprocesseur de l’instrument. La mÊthode recommandÊe par l’Environmental Protection Agency amÊricaine et conforme aux protocoles en vigueur Êmis par les Standard Methods for the Examination of Water and Wastewater est la mÊthode 8 140, appelÊe  mÊthode de rÊduction de fer . Dans cette mÊthode, les rÊducteurs d’oxygène prÊsents dans l’Êchantillon prÊlevÊ rÊagissent avec un premier rÊactif composÊ de fer ferrique afin de produire du fer ferreux. Un second rÊactif est ensuite ajoutÊ à la solution, provoquant une coloration violacÊe à la suite du contact du fer ferreux dans l’Êchantillon, laquelle s’avère proportionnelle à la concentration de dÊsoxygÊnants s’y retrouvant. Les longueurs d’onde acceptables pour ces mesures sont de 560 à 575 nm. La mÊthodologie d’Êchantillonnage pour fin d’analyses dans un spectrophotomètre est tout aussi importante que l’intÊgritÊ des rÊactifs utilisÊs afin de rÊaliser le test. En effet, il importe que l’Êchantillon soit prÊlevÊ ou transvidÊ jusqu’à dÊbordement dans un contenant de verre ou de plastique propre muni d’un couvercle, et que ce dernier demeure intègre jusqu’au moment de l’analyse, qui devrait être effectuÊe le plus rapidement possible après le prÊlèvement. Comme les mesures en continu s’avèrent très onÊreuses et requièrent un entretien assidu, les mesures ponctuelles effectuÊes en laboratoire sont souvent privilÊgiÊes pour le contrôle et l’analyse des dÊsoxygÊnants. L’avantage des spectrophotomètres, mis à part le fait qu’ils sont beaucoup plus Êconomiques que les analyseurs en continu, est bien Êvidemment qu’ils ne sont pas propres aux analyses des rÊducteurs d’oxygène. En effet, ils permettent l'analyse de centaines de paramètres. n
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L’IMPORTANCE DE SAVOIR CHOISIR ET INSTALLER UN DISPOSITIF ANTIREFOULEMENT
EAU POTABLE
Sylvain Boudrias Ing., MBA Président Darspec sylvain.boudrias@darspec.com
es dispositifs antirefoulement sont essentiels à la prévention des risques de contamination de l’eau potable. Toutefois, leur usage occasionne certains inconvénients non négligeables dont il faut tenir compte lorsque vient le temps d’en faire la sélection et l’installation. Il est de la responsabilité du concepteur (soit l’ingénieur) d’informer le propriétaire d’un bâtiment des conséquences possibles de l’ajout d’un ou de plusieurs dispositifs à son réseau d’eau potable. Le plus souvent, des pertes de pression seront observées dans le réseau de distribution d’eau, ce qui peut causer des dégâts d’eau ou nécessiter des entretiens préventifs plus fréquents.
L
Néanmoins, tout propriétaire de bâtiment de type ICI (industries, commerces et institutions) est soumis à une règlementation visant à maintenir le caractère potable de l’eau. Au Québec, bien que l’installation de dispositifs antirefoulement sur les conduites d’eau potable ait toujours été imposée par le Code de construction, son application a été renforcée au début des années 2000. Depuis 2004, les inspecteurs de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) déploient des efforts considérables pour sensibiliser les propriétaires de bâtiments au respect des normes et des lois. Le Code national de plomberie (CNP) 2010 actuellement en vigueur réfère à la norme CSA B64.10 pour la sélection et l’installation de dispositifs antirefoulement. Le Code de sécurité, qui vise les bâtiments existants, oblige non seulement les propriétaires à installer des dispositifs antirefoulement, mais aussi à procéder à leur entretien annuel. Afin d’assurer le bon fonctionnement du réseau d’eau potable, voici les principaux éléments dont il faut tenir compte lors de la conception ou de la mise aux normes. LA PERTE DE PRESSION Par leur conception et leur fonctionnement, tous les dispositifs antirefoulement présentent une résistance à la circulation d’eau qui se traduit par une perte de pression. Si le dispositif requis protège contre un risque élevé, cette perte de pression peut atteindre 12 psi ou 0,8 bar. En général, cette perte de pression est compensée par une forte pression provenant du réseau d’aqueduc. Toutefois, les conséquences peuvent s’avérer critiques en présence d’un bâtiment de plus de trois étages, surtout si des équipements sont installés au dernier étage et requièrent un minimum de 35 psi pour fonctionner adéquatement. Dans ce type de situation, il faut éviter de remplacer le dispositif par un modèle offrant une moins grande résistance. L’installation deviendra alors non conforme et n’offrira pas une protection optimale contre la contamination. Ainsi, malgré des coûts supplémentaires, la meilleure solution consiste à ajouter des pompes de surpression, de façon à maintenir la pression requise dans le réseau d’eau.
d’alimentation afin de protéger l’eau chaude en amont du réservoir et de dédier cette eau chaude aux applications à risque élevé. AUCUN DRAIN À PROXIMITÉ Certains dispositifs antirefoulement exigent un raccordement indirect permanent à un drain. Or, il arrive qu’aucun drain ne soit accessible à proximité. Dans ce cas, plutôt que d’installer un dispositif qui ne requiert pas d’accès à un drain, ce qui rendrait l’installation non conforme, on recommande de relocaliser le dispositif. Si cette solution s’avère impossible, il faut alors envisager de couper la dalle de béton afin de mettre un drain de plancher. Cette solution est plus onéreuse, mais elle assure la conformité de l’installation. SURPRESSION SUR UNE PORTION D’UN RÉSEAU FERMÉ La première conséquence de l’installation d’un dispositif antirefoulement est la création d’un réseau fermé, dans lequel les surpressions peuvent poser problème. En effet, le but premier d’un dispositif antirefoulement est de permettre le passage de l’eau vers son point de consommation, mais pas dans le sens inverse, ce que l’on appelle un refoulement. Le réseau étant maintenant fermé, la conduite devient sensible à une augmentation de pression, surtout si l’objectif est d’alimenter un réservoir d’eau chaude. Pour contrer ce phénomène physique naturel, le concepteur doit prévoir l’installation d’un équipement approprié permettant de relâcher toute surpression dans la conduite. Ainsi, on évite d’endommager les composantes du réseau d’eau. CONCEVOIR ADÉQUATEMENT AFIN D’ÉVITER DES SURPRISES Alors que les inspecteurs provinciaux et municipaux s’activent à encourager les propriétaires à procéder à des mises aux normes de leur réseau d’eau potable, force est de constater que, malgré leur bonne volonté, plusieurs agissent sans en connaître toutes les conséquences de leurs décisions. Bien souvent, ces installations ont pour effet de provoquer des insatisfactions majeures qui se concluent par un démantèlement et une déception vis-à-vis d’un appareil dont le rôle est pourtant de protéger notre ressource la plus précieuse, l’eau potable. Le concepteur a le devoir de bien définir les conditions de l’installation, de mesurer les paramètres qui seront altérés et de proposer une solution qui résistera aux fluctuations présentes dans le réseau de distribution d’eau potable. n
L’EFFET NÉFASTE DE L’EAU CHAUDE Même si les manufacturiers de dispositifs antirefoulement attestent que leurs équipements offrent une résistance à des températures élevées, il n’en demeure pas moins qu’ils sont fabriqués avec des composantes de plastique et de caoutchouc. Ces matériaux sont sensibles à la chaleur, et ce, même si les manufacturiers garantissent une résistance à 175 °C. Les composantes se dégradent plus rapidement à la chaleur que dans un environnement où l’eau est froide ou tempérée. Il est recommandé de reconfigurer les conduites
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LES TECHNOLOGIES DE DÉGRILLAGE ET LES PARAMÈTRES DE CONCEPTION
EAUX USÉES
Clément Cartier Ing., Ph. D. Représentant technique Brault Maxtech inc. clement.cartier@braultmaxtech.com
our faire suite à l’article de mars dernier, nous présenterons ici différentes technologies de dégrillage et certains paramètres de conception. De manière générale, les dégrilleurs peuvent être divisés en deux types généraux, chacun étant associé à des applications précises, avec leurs avantages et leurs inconvénients : les dégrilleurs unidimensionnels (à barres) et les dégrilleurs bidimensionnels (à plaques perforées).
P
DÉGRILLEURS UNIDIMENSIONNELS = Dégrilleurs à râteaux rotatifs et dégrilleurs caténaires. Ces deux technologies de dégrillage sont maintenant considérées comme dépassées, à cause de leur temps de réaction trop lent face aux variations de débit et de leur système de nettoyage complexe et peu fiable. = Dégrilleurs escaliers. Ce sont les dégrilleurs unidimensionnels les
plus efficaces en ce qui a trait à l’enlèvement, en raison du faible espacement possible des lamelles (jusqu’à 0,5 mm) et du matelas filtrant présent sur les lamelles, qui permettent d’augmenter la capacité de séparation. Ils sont beaucoup plus efficaces en présence de gras et demandent considérablement moins d’eau de nettoyage. Par contre, ils sont plus complexes que les autres dégrilleurs unidimensionnels sur le plan de la conception, d’où l’importance d’avoir un équipement provenant d’un fournisseur éprouvé. = Dégrilleurs à râteaux multiples. C’est un type de dégrilleur de
plus en plus populaire en remplacement des dégrilleurs caténaires. Au lieu d’avoir un seul système de nettoyage de la grille (comme les caténaires), les dégrilleurs à râteaux multiples sont équipés de plusieurs « râteaux » installés sur une chaîne en amont de la grille. Ces dégrilleurs sont parfaitement adaptés aux puits de pompage, même très profonds, puisque leur installation peut être pratiquement verticale (jusqu’à 85 degrés). Les dégrilleurs à râteaux multiples peuvent être grossiers ou fins, mais ils ne sont pas adaptés aux applications qui requièrent un dégrillage très fin. DÉGRILLEURS BIDIMENSIONNELS Les dégrilleurs à plaques perforées sont très performants en matière d’enlèvement. Ils ont aussi l’avantage de permettre un enlèvement pratiquement constant. Par contre, ils peuvent présenter des défis quant au nettoyage des plaques et demander beaucoup d’eau pour le nettoyage, particulièrement en présence de gras. = Tamis rotatifs. Comme leur nom l’indique, ce sont des dégrilleurs
(ou tamis) formés d’une seule plaque perforée rotative. La conception de ceux-ci peut être de type « vers l’extérieur » ou « vers l’intérieur ». Dans le cas d’un dégrilleur vers l’extérieur, le nettoyage est habituellement effectué dans le haut du dégrilleur, avec un jet ou une brosse, et la matière est recueillie dans une auge située au-dessus de l’affluent. Dans le cas d’un dégrilleur vers l’intérieur, le nettoyage est fait sur le côté du tamis. Il est à noter que la configuration vers l’intérieur est moins sensible au gras.
= Dégrilleur de type « tambour » avec plaque perforée fixe.
Une autre approche au dégrillage consiste à avoir un dégrilleur composé d’une plaque perforée fixe circulaire ou semi-circulaire, inclinée généralement entre 40 et 90 degrés, et un système de nettoyage et de raclage. Le raclage se fait alors avec un système rotatif comme une vis équipée d’une brosse, généralement assistée de buses de nettoyage. La vis permet de monter la matière dégrillée vers le haut de la plaque perforée et de la transporter ensuite dans une auge. Plusieurs fournisseurs intègrent également une portion sans vis dans le haut de l’auge afin de créer une zone de compaction. Cette technologie a l’avantage d’être extrêmement simple : le dégrilleur et le compacteur contiennent un seul groupe motoréducteur. On l’utilise pour des usines à faible débit ou en prétraitement de membranes. = Dégrilleurs à plaques perforées multiples. Pour ce type de
dégrilleur, les plaques sont assemblées et soutenues par un système à chaînes permettant la rotation de celles-ci. Deux approches sont possibles : 4 À double passage. Ce nom vient du fait que l’affluent passe
deux fois dans les plaques perforées. Une brosse située dans le haut du dégrilleur permet de nettoyer les plaques en envoyant les matières dans la goulotte. Les plaques perforées peuvent être équipées de crochets ou de plaques de levage et les grilles sont légèrement inclinées (60-80 degrés). Il est donc possible de monter des débris de taille importante. Cette configuration entraîne toutefois un risque de court-circuitage. 4 À alimentation centrale. Dans ce cas, les plaques perforées
sont positionnées verticalement et l’affluent passe au centre pour sortir des deux côtés des plaques. Les matières dégrillées sont recueillies dans une goulotte, à la manière des tamis rotatifs « vers l’extérieur ». Les plaques étant verticales, ce système est moins efficace que le dégrilleur à double passage pour monter des particules grossières. Lors du choix du système de dégrillage, il est essentiel de bien examiner le système d’enlèvement de la matière dégrillée : racleurs, peignes, râteaux, brosses, etc. Il faut s’assurer que ces composantes sont bien conçues et qu’elles ne se dégraderont pas avec le temps. Un système d’enlèvement de la matière dégrillée qui fonctionne mal entraîne nécessairement un dégrilleur moins efficace et dans certains cas, une défaillance majeure de l’équipement. Dans le cas de dégrilleurs fonctionnant avec des chaînes, il est fortement recommandé d’avoir un système de tensionnement automatique de celles-ci. En fonction de la technologie de dégrillage et du fournisseur, l’opération du dégrilleur peut être continue ou basée sur un critère de départ : une minuterie, un niveau de liquide en amont, une perte de charge dans le dégrilleur ou une combinaison de ces critères. Idéalement, le dégrilleur doit pouvoir s’adapter à des variations de débit et de charge de l’affluent tout en limitant le plus possible son opération. Par exemple, un dégrilleur escalier peut être légèrement surdimensionné pour utiliser la matière dégrillée comme matelas filtrant, laissant le dégrilleur à l’arrêt pendant la majorité du temps et entraînant une meilleure efficacité d’enlèvement. La diminution de l’opération entraîne alors une réduction importante de l’usure de l’équipement : le client est alors doublement gagnant. n
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ASSAINISSEMENT DÉCENTRALISÉ
POUR TOUT SAVOIR SUR LE CABINET À TERREAU
Christian Vézina Ingénieur Directeur régional Capital-Nationale et Est-du-Québec Ventes et développement stratégique Avizo Experts-conseils christian.vezina@avizo.ca
epuis la dernière modification du Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées (Q-2, r. 22), quiconque peut désormais installer un cabinet à terreau pour le traitement des eaux usées sanitaires, pourvu qu’il respecte certaines conditions. Mais en quoi consiste exactement le cabinet à terreau, mieux connu sous le nom de « toilette à compost » ?
D
LES PRINCIPES DE BASE Le compostage est un procédé biochimique naturel qui permet à des microorganismes aérobies de décomposer la matière organique. Ceux-ci utilisent l’oxygène contenu dans l’air pour dégrader les sources de carbone composant les déchets organiques, afin de les convertir en bioxyde de carbone (CO2), en vapeur d’eau et en énergie (chaleur). Il en résulte un résidu stable, minéralisé et débarrassé des organismes pathogènes : le terreau, ou compost. La toilette à compost utilise ce procédé dans un environnement contrôlé (oxygène, humidité et chaleur), soit la chambre à compost. Les microorganismes qu’on trouve dans le composteur sont principalement des bactéries, des actinomyces, des champignons, des organismes invertébrés (arthropodes) et diverses variétés de vers microbiens. Ils ne se retrouvent évidemment pas tous dans la flore intestinale, d’où l’obligation de faire un ensemencement manuel de cultures sélectionnées pour permettre au compostage de commencer. Afin de maintenir une température favorable au processus de compostage et d’alimenter les microorganismes en oxygène, on maintient une circulation d’air préchauffé à travers les résidus en décomposition. Un dispositif de recirculation des liquides permet aussi de maintenir un taux d’humidité adéquat dans le compost, encore une fois pour soutenir l’activité microbienne. Un évent autonome, habituellement couplé à une turbine mécanique, permet d’évacuer les odeurs et les gaz de digestion tout en amenant de l’air frais dans la chambre de compostage. LES TECHNOLOGIES EXISTANTES Au Québec, une toilette à compost doit nécessairement être certifiée par l’organisme américain NSF et être conforme à la norme NSF/ANSI 41. Deux entreprises détiennent cette certification pour l’instant, et chacune d’elles utilise un procédé différent pour la transformation des déjections en compost. La technologie conçue par la société Sun-Mar comporte trois chambres : la chambre de compostage, la chambre d’évaporation et le tiroir de finition. La chambre de compostage utilise le principe du tambour rotatif, appelé BioDrum. Le culbutage manuel du tambour optimise le mélange et l’aération du compost tout en permettant de maintenir un taux d’humidité et une oxygénation uniformes. Le Bio-Drum permet d’évacuer l’excès d’humidité du compost en drainant le liquide excédentaire vers une chambre d’évaporation. Celle-ci comprend une large surface d’évaporation munie d’un élément chauffant à commande thermostatique. Cette surface chauffante favorise l’évaporation du surplus de liquide s’accumulant dans la chambre d’évaporation, et la vapeur générée traverse le compost pour le maintenir humide.
La troisième chambre est le tiroir de finition. Il s’agit d’une chambre isolée, située à la base de l’unité, dans laquelle le compost tombe lorsque le BioDrum est tourné en sens inverse. Une fois dans le tiroir, le compost peut y rester afin de terminer le processus de compostage. Dans ce tiroir, il est soumis à un courant d’air qui en permet un séchage graduel avant qu’il soit retiré. L’autre entreprise certifiée, Clivus Multrum, utilise une chambre inclinée comme composteur. Cette conception en pente permet la séparation des liquides provenant de l’urine des matières fécales. Lorsque l’urine percole par gravité à travers le compost, vers le point bas de la chambre de compostage, l’activité bactérienne engendre une transformation biochimique de certains composants de l’urine (urée et ammoniac) en un liquide riche en nitrate et en nitrite. Une partie de ce liquide est aspergé sur le compost pour maintenir un taux d’humidité favorable à l’activité bactérienne. L’excès de lixiviat doit être évacué vers une fosse à vidange totale.
Le procédé de compostage permet de réduire de plus de 90 % le volume de déjections alimentées dans la chambre de compostage. La séparation de l’urine des matières fécales assure que le compost n’est pas saturé en liquide et permet de maintenir des conditions aérobies. Les microorganismes présents dans la chambre de compostage dégradent la matière organique des déjections humaines pour la convertir en un compost stable sur les plans chimique et biologique. Le procédé de compostage permet de réduire de plus de 90 % le volume de déjections alimentées dans la chambre de compostage. Ce cabinet à terreau est également équipé d’un système mécanique de ventilation permettant l’évacuation des gaz de digestion et de la vapeur d’eau tout en alimentant la chambre de compostage en air frais pour l’oxygénation du milieu. LES MODÈLES OFFERTS Les cabinets à terreau sont offerts en unités autonomes pouvant être installées directement dans la salle de bain. Elles ne nécessitent aucune alimentation en eau et la chambre de compostage est intégrée directement sous le cabinet. Les unités électriques sont équipées d’un système de ventilation mécanique ainsi que d’un élément chauffant permettant l’évaporation du liquide en excès. Les unités non électriques peuvent être équipées d’une ventilation mécanique fonctionnant sur le 12V ou alimentée par une source d’énergie de remplacement. QUE FAIRE DU TERREAU ? Le terreau issu d’une toilette à compost doit être géré de façon conforme à l’article 6 du Règlement. Les possibilités sont donc les suivantes : = le recycler par épandage sur le sol, conformément au Guide sur le recyclage des matières résiduelles fertilisantes ; = le valoriser, si la municipalité accepte les résidus de cabinets à terreau dans le bac de compostage ; = l’éliminer par la collecte des ordures (site d’enfouissement sanitaire autorisé par la municipalité). La dernière modification du Règlement ouvrira-t-elle davantage le marché de la toilette à compost au Québec ? J’ose espérer que l’augmentation de la demande aura un effet bénéfique sur le prix, car actuellement, ce mode de gestion des eaux sanitaires demeure une option coûteuse. n
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SOURCE VOL. 14 N O 2 PRINTEMPS/ÉTÉ 2018
COMMUNAUTÉ NUMÉRIQUE
QUAND DE SIMPLES LINGETTES PARALYSENT LES RÉSEAUX D’ÉGOUTS
Hubert Colas Ing., Ph. D. Président FluksAqua Amérique du Nord hcolas@fluksaqua.com
es opérateurs de l’assainissement des eaux du monde entier font face à un problème fréquent et sérieux : les dégâts que causent les lingettes sur les infrastructures de traitement de l’eau. En effet, ces petits carrés de coton donnent de bien grands maux de tête aux gestionnaires et aux opérateurs des eaux usées de la planète.
L
D’abord conçues pour l’hygiène des bébés, les lingettes servent maintenant également à d’autres usages et cette diversification explique le chiffre d’affaires (toujours croissant) de 13,2 milliards de dollars US de l’industrie. Les sociétés qui les commercialisent vantent désormais leur biodégradabilité et la possibilité de les jeter dans les toilettes. Résultat : elles se retrouvent aujourd’hui dans les égouts au lieu d’être jetées à la poubelle. Or, ces lingettes ne se dégradent pas rapidement comme le papier de toilette, ce qui cause l’obstruction à grande échelle des branchements de raccordement à l’égout et des réseaux collecteurs des eaux usées, et provoque des blocages fréquents sur les systèmes de pompage. Ces blocages endommagent les canalisations d’égouts vieillissantes et construites lorsque les habitants des villes étaient moins nombreux. Cela entraîne des refoulements d’égouts vers les branchements des usagers, des débordements en milieu naturel et des arrêts du système d’assainissement, qui s’accompagnent souvent de réparations coûteuses. Sur le forum d’entraide FluksAqua, les professionnels de l’eau discutent régulièrement du problème posé par les lingettes1, et chacun a ses méthodes pour en venir à bout. Les utilisateurs Breizheau et Tonino suggèrent les pompes avec roue N et Patrick-Té des broyeurs, alors qu’Agua, Nico et Stephane77 recommandent des systèmes DIP. De son côté, Rienkedelo propose une technique maison originale à base de fils barbelés, qui peut convenir pour les petits réseaux. La nécessité de sensibiliser les citoyens au problème des lingettes fait l’unanimité parmi ces professionnels, car ces petits carrés de coton et de fibres en apparence anodins peuvent provoquer des dégâts inattendus. GARE AUX FATBERGS ! Le problème ? En parcourant le réseau d’égouts, les lingettes ramassent du matériel — en particulier des graisses et d’autres détritus. Comme ces graisses se figent en refroidissant, des bouchons se forment et peuvent totalement paralyser les égouts.
Puisque ces bouchons prennent constamment de l’ampleur, certaines usines de gestion des eaux usées s’équipent de matériel spécial et coûteux, tels des broyeurs, qui aident à détruire ces amas de matières. Mais malgré l’utilisation de matériel spécifique, ces bouchons provoquent régulièrement des blocages majeurs, ce qui a par exemple failli paralyser le système d’égouts de Londres en 2013 et en 20142. Le personnel de la Thames Water appelle ce type de bouchons des « fatbergs » (contraction de « fat » [graisse] et d’« iceberg ») en raison de leur taille et de leur contenu – gras, lingettes et autres articles d’hygiène qui s’agglomèrent pour former de grosses masses emplissant les égouts. En août 2013, un fatberg de la taille d’un autobus a été trouvé dans les égouts de Londres 3. Ce gigantesque amas de graisse figée obstruait à 95 % le tuyau d’évacuation de 2,4 mètres de diamètre et pesait près de 15 tonnes ! Pour le dissoudre, les gestionnaires ont fait appel à des techniciens armés d’eau très chaude : il leur a fallu trois semaines pour l’éliminer. Les coûts d’une telle opération, tant en matériel qu’en logistique et en moyens humains, s’élèvent à plusieurs dizaines de milliers de dollars. QUELQUES SOUS À L’ACHAT, MAIS DES MILLIONS PLUS TARD Des millions de dollars sont dépensés à travers le monde pour faire face à ce problème. Ainsi, la ville de New York a dépensé près de 18 millions en réparations d’équipements liées principalement aux lingettes de 2010 à 2015. Les dommages causés par les lingettes jetées dans les toilettes sont donc à la fois coûteux et frustrants, et ils se répercutent dans le montant des taxes. Aux États-Unis, un service public municipal du Minnesota a déposé une plainte contre six fabricants de lingettes. Représentant plusieurs villes de la Californie, du Colorado, de la Caroline du Nord et du Texas, le recours collectif fédéral réclamait un montant de 5 millions de dollars américains en dommages et intérêts, ainsi qu’une décision juridique déclarant que jeter les lingettes dans les toilettes est « dommageable » pour les égouts. La poursuite a toutefois été rejetée. Pour tenter d’éliminer le problème, les gestionnaires d’eaux usées recommandent de l’attaquer à la source : lors des étapes de développement et de commercialisation des lingettes. Aux industriels, aux exploitants et aux pouvoirs publics revient donc la responsabilité commune de sensibiliser les consommateurs à ce désastre écologique. En attendant, ce simple carré de coton et de fibres continuera de causer des problèmes, à court et à long terme, au public, aux gestionnaires des eaux usées et à nos systèmes d’eau à l’échelle mondiale, comme en témoignent les échanges liés à des problèmes provoqués par des lingettes sur FluksAqua. n Vous êtes opérateur ? Rejoignez les échanges sur www.fluksaqua.com.
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https://www.fluksaqua.com/fr/forum/?q=lingette TVA Nouvelles. 6 août 2013. Le plus gros « iceberg de graisse ». Consulté en ligne : http://www.tvanouvelles.ca/2013/08/06/le-plus-gros-iceberg-de-graisse Le Parisien. 8 août 2013. Pas de « fatberg » en vue à Paris. Consulté en ligne : http://www.leparisien.fr/espace-premium/paris-75/pas-de-fatberg-en-vue-a-paris-0808-2013-3037147.php
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