CE QUE J’EN PENSE Je suis triste pour Mayotte Je suis triste de voir Mayotte une fois de plus lacérée par des barrages, avec des arbres arrachés, coupés, tenus parfois par des enfants, qui apprennent là à racketter les citoyens et à caillasser les forces de l’ordre, sous l’œil de leurs parents. Je suis triste pour tous ceux qui doivent travailler pour nourrir leur famille et verront leurs revenus amputés par ces mouvements sociaux, pour tous ceux qui passent des heures dans leurs véhicules, à l’arrêt, alors qu’ils n’ont rien demandé, sinon à pouvoir gagner leur vie honnêtement par leur travail, alors qu’il y a déjà tant de chômage sur cette île. Je suis triste pour tous ces enfants, ces étudiants qui ne peuvent pas rejoindre leurs établissements scolaires, qui ne peuvent pas passer leurs examens, qui ne peuvent pas apprendre sereinement, alors qu’ils le demandent. Je suis triste de voir encore et toujours les 47 MJC de l’île fermées pour la plupart d’entre elles, alors qu’il existe des agents dans les mairies et au Conseil départemental, formés pour cela, payés chaque mois pour cela, à même de les ouvrir et de les animer, mais qui préfèrent le confort douillet de leurs bureaux climatisés. Il suffirait que les maires le décident… Je suis déçu de penser que des citoyens essayent de s’impliquer, de se mobiliser pour faire avancer l’île, et qu’ils seraient peut-être prêts à consacrer une heure ou deux par semaine, bénévolement, pour s’occuper de ces enfants. Ces citoyens de tous bords, de tous âges, pourraient proposer des cours de soutiens scolaires, dans toutes les matières, des activités culturelles, des jeux, des cours de danses ou de broderies traditionnelles, des cours de shimaoré, de malgache ou de français, de tressage, des cours de cuisine ou de musique… Ils pourraient encadrer des groupes de hip-hop, mettre en place des troupes de théâtre, écrire, jouer, répéter et proposer leurs spectacles les soirs de week-end. Tout cela favoriserait le lien social, la transmission de savoirs entre les générations, valoriserait les cultures de Mayotte, permettrait à beaucoup d’agir concrètement, de s’investir pour cette jeunesse qui ne demande qu’à ce qu’on s’occupe d’elle. Il pourrait même y avoir des initiations à l’informatique, si tant est que l’investissement dans du matériel informatique serait “protégé” par ces enfants de chaque quartier qui en seraient bénéficiaires. En plus, je pense que cela participerait à réduire fortement la délinquance et la violence. Je suis tellement déçu de me rappeler que nous avons failli accueillir un chantier naval, pour fabriquer nos barges, parti à Maurice ; une usine de mise en boite du thon, pêché dans nos eaux, installé aux Seychelles ; un centre de recherches du groupe LVMH ; une production d’huitres perlières, dorées, énormes, magnifiques ; un centre de l’Ifremer, à Dembéni ; un hôtel Hilton ; une production d’algues, de poissons pour l’aquariophilie ; un village tobé, à Bouéni ; des éco-lodges à Ngouja, à M’tsanga beach ; l’hôtel des Italiens, dans le nord ; une saison de Koh Lanta, sur l’îlôt Bouzi ou M’tsamboro… Nous avons déjà raté, perdu tant de beaux projets, par ignorance, par incompétence, par manque de vision de nos “décideurs”… Comment garder espoir alors que le chômage explose, que des jeunes diplômés reviennent motivés, mais que le développement économique, le développement des entreprises est à peine évoqué, si peu soutenu et encouragé. Je suis atterré de voir qu’il a fallu presque 8 ans pour lancer les travaux de rénovation du stade de Cavani ; de voir que le “parc des expositions”, programmé sur le terre-plein de M’tsapéré, financé, très beau sur plan, avec un parc arboré et des jeux pour les enfants autour, est un jour “parti” vers Combani pour des raisons politiciennes, puis a été oublié, abandonné… Il permettrait d’organiser des salons, des foires, des séminaires, des conférences, des concerts en toutes saisons, il permettrait de dynamiser la vie économique, culturelle, sociale. Je suis déçu quand j’apprends le salaire de certains “fonctionnaires” et l’absence de projets, de rapports, d’études, de réalisations qui sortent de leurs services. Ils devraient avoir honte. Mayotte devrait avoir honte de leur inaction, de la situation dans laquelle ils plongent cette île par leur manque d’honnêteté, de travail. Les élus doivent les sanctionner fermement, courageusement, libérer des places pour des agents motivés. Je suis triste de marcher au milieu des détritus après chaque pluie dans les rues de Mamoudzou, de voir tant de plages jonchées de déchets en tous genres, de voir des piles de carapaces de tortues braconnées, et des pans de forêts partir en fumée, dans l’indifférence assourdissante de quasiment tous nos dirigeants, pourtant si prompts à venir nous solliciter, à hurler dans les micros lors des campagnes électorales. Je suis inquiet quand je vois ces centaines de citoyens qui constatent cette situation dramatique dans laquelle se trouve Mayotte, qui veulent s’investir, s’engager, à travers des associations, des pétitions, des unions de jeunes actifs, des actions concrètes ; quand je discute avec ces citoyens qui dénoncent l’inaction, mais qui n’ont aucun retour, qui semblent parler dans le vide et s’y épuisent, déçus, énervés ! Je suis inquiet quand je vois que certains essayent de remettre en cause le statut de département, alors qu’il ne s’agit que d’outils, de portes à ouvrir, de budgets à solliciter, de projets à monter. Je suis très inquiet quand je vois l’absence de réaction forte, efficace, concrète de nos élus et en parallèle celle de Paris, face à nos problèmes si nombreux. Que faire ? Qui solliciter ? Qui va nous défendre et défendre Mayotte ? Les élus doivent entendre ces voix ! Je suis très inquiet quand je vois l’absence de réaction face à l’ampleur de l’immigration clandestine qui submerge Mayotte. Je ne sais que penser quand j’imagine que nos relations avec nos voisins des Comores ne pourront se pacifier que lorsque le Quai d’Orsay se décidera d’agir, que lorsque les dirigeants comoriens accepteront de reconnaître le choix des Mahorais. Et ces deux éléments ne semblent pas vouloir bouger, alors que l’on aurait tous, je pense, tellement à y gagner. On pourrait aider à la gestion des déchets, à la mise en place des réseaux d’adduction d’eau potable, électriques, des eaux usées. On dispose aujourd’hui ici de compétences pour la mise en place du cadastre, de l’état civil, de polices municipales, de casernes de pompiers... On pourrait assurer sur place ou accueillir ici des formations d’enseignants, d’infirmiers, d’agents de mairies, d’agriculteurs… Je suis de plus en plus inquiet pour Mayotte, triste de voir que certaines actions simples pourraient être mises en place… et ne le sont pas. Je suis triste de voir ces centaines, ces milliers de Mahorais, de M’zungus qui, malgré leur amour pour cette île, malgré leurs compétences, leurs engagements, leurs bonnes volontés, quittent Mayotte. Laurent Canavate
Ce que vous en dites CHRONIQUE Développer, prioritairement Lors de la journée d'alerte sociale des cadis sur l'insécurité, le porte-parole du grand cadi El Mamouni Mohamed Nassur déclara qu’il serait temps d'examiner « un dispositif qui peut être efficace avec une intervention des parents, et des cadis ». Mayotte Hebdo précise : « Il s'agit du centre éducatif fermé pour accueillir les délinquants multirécidivistes." Peut-être un tel encadrement serait pertinent, tout au moins pour protéger les citoyens à défaut de réinsérer ceux que Jean-Pierre Chevènement nommait "les sauvageons". L’autre solution, découlant directement du juste diagnostic d’un naufrage des responsabilités parentales, est celle de l’éducation. Toutefois, s’il « faut mettre le paquet » sur l’éducation – quelle qu’elle soit : l’école, l’éducation populaire, le soutien à la parentalité -, force est de constater une contradiction entre deux temporalités : l’une longue, précisément l’éducation ;
l’autre courte, l’urgence sociale. Autrement dit, la mobilisation éducative intéresse prioritairement les plus jeunes, scolarisés, avec lesquels un nécessairement long travail de socialisation est à conduire. Par contre, pour les moins jeunes qui ont quitté l’école ou vont le faire, la socialisation ne s’organise plus ou en tout cas moins avec les parents : ceux-ci savent que leurs enfants grandissent lorsqu’ils ferment la porte de leur chambre. A cet âge qualifié par certains d’« adulescence », c’est la capacité d’être indépendant économiquement qui est recherchée… autrement dit travailler et commencer à gagner sa vie. Face au chaos mahorais, il faut bien entendu faire feu de tout bois qu’il s’agisse d’un centre pour les jeunes aux carrières déviantes, du soutien au BSMA (où l’Etat investit presque 7 millions d’euros) ou d’efforts éducatifs conséquents… mais une telle situation critique ne se résout pas sans un projet radical – « aller à la racine » – : offrir à la jeunesse, pas qu’à elle d’ailleurs, l’ambition d’un territoire où
Le poster de la semaine
et dont on peut vivre. Le développement économique local devrait ainsi être, volens nolens, la priorité absolue car le travail reste le « grand intégrateur »… a fortiori dans une société projetée bien trop violemment dans la néo-modernité et, donc, promise à la sécularisation : quelle que soit leur sagesse, inéluctablement, l’autorité des cadis ira s’infléchissant. Philippe Labbé, ethnologue et docteur en sociologie
Gouverner c'est prévoir Le diagnostic de notre territoire n’est plus à démontrer et les solutions opérationnelles de la part de nos politiciens pour réanimer et sauver le patient mahorais manquent. Ils préfèrent de toute évidence se réfugier derrière Mayotte 2025. Alors, souffrons-nous d’une maladie incurable ? Voici pour moi, quatre propositions à court terme pour sortir de l’ornière.
1) La valorisation des structures associatives, un impératif pour la cohésion sociale
Le village de d Soh S hoa compte une plage très connue. Et d'autres moins. C'est le cas de celle-ci, sur laquelle se retrouvent essentie llement des pêcheurs. La lumière douce du petit matin rend apaisant ce paysage qui, à marée basse comme ici, laisse apparaîtr e de grands bancs de sable sur lesquels repo sent les embarcations en bois.
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MAYOTTE HEBDO N° 744 r 8 AVRIL 2016
L’importance des associations doit être perçue par les pouvoirs politiques de proximité afin de réussir conjointement la mise en place d’événements fédérateurs. Cependant, il est nécessaire que les associations développent de véritables projets d’animations sur l’année (avec des animateurs qualifiés, des activités ludiques
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LE COURRIER DE LA SEMAINE
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Moya ? Magnifique, pour ceux qui peuvent y aller Ce dimanche-là, j'avais décidé de me rendre à la plage de Moya, une des plus belles de l'île parait-il, et une des rares dont l'entrée soit aménagée. Un aperçu de ce que Mayotte pourrait être, avec un peu de bonne volonté. Pourquoi s'en priver? Non véhiculé, je prends donc ma barge en piéton, comptant sur les nombreux taxis pour m'emmener à la fameuse plage. Erreur ! J'ai demandé à 10 chauffeurs, aucun n'a accepté de m'y déposer. Raison invoquée, et d'un air désolé : "La route est trop mauvaise pour nos voitures." Découragé, je retourne en Grande-Terre. Le lendemain, j'y retourne avec un ami et son véhicule. La route qui mène à Moya est ravagée par des trous et
novatrices et non redondantes…), ce qui permettra ainsi à la mairie d’effectuer les choix les plus pertinents dans l‘octroi de subventions. Ce qui permettra de disposer d’événements tous au long de l’année, de proposer des activités à nos jeunes, pouvoir les écouter, les encadrer mais surtout les aider face à un quotidien souvent difficile.
2) Allier la présence sécuritaire avec des mesures de police administratives Pour rassurer la population, il est plus que nécessaire de renforcer les effectifs pour répondre au fléau de l’insécurité. Au niveau communal, les maires doivent prendre les décisions adéquates afin que les policiers municipaux travaillent 24h/24h car les vols ne dorment pas, ou encore prendre les mesures administratives « couvrefeu » pour limiter les heures de sortie des mineurs (ce qui se fait déjà dans certaines communes).
des ravines tous plus grands les uns que les autres. Je comprends mieux le refus des taxis de s'aventurer dans cette partie de Petite-Terre. Ce que je ne comprends pas, en revanche, est qu'un si beau site naturel, sans doute un des joyaux les plus porteurs de Mayotte pour le tourisme, puisse être rendu si difficile d'accès pour le voyageur de passage ou le touriste non véhiculé. À quoi bon aménager une plage, fort joliment au passage, si l'axe qui s'y rend est complètement laissé à l'abandon? Où est le sens pratique de nos élus? Quelle vision peuvent-ils bien avoir pour cette île, si la logique la plus élémentaire elle-même n'est pas prise en compte? Décidément, nous allons chaque jour de surprise en surprise… mais à quand des bonnes? V.G.
3) Apporter une réponse à l’échec scolaire Penser que la question de l’insécurité est du seul fait des étrangers n’est pas très pertinent. Il faut prendre en compte le fait que nos jeunes Mahorais ne sont pas non plus des saints. A partir de là, que faire? Ces jeunes quittant le système scolaire doivent pouvoir être suivis régulièrement par les services communaux et orientés pour permettre la construction d’un projet viable, afin d’assurer un avenir en dehors de la rue et globalement des actes délictueux.
4) Arrêter avec l’hypocrisie ambiante La même population qui demande le départ des étrangers entrés sur le territoire de manière illégale, est la même qui ferme les yeux lorsqu’il s’agit de faire appel à cette main d’œuvre. Les communes et les services compétents doivent agir efficacement pour mettre fin à cette situation. Elakmi Noudjoumouddine
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Le tweet de la semaine #BTMytho: Suite au cambriolage de la préfecture de #Mayotte, le @Prefet976 s'apprêterait à rejoindre les manifestants pour l'égalité réelle. @btm976
Les commentaires sur la page Facebook (En réaction à la lutte pour l’égalité dans le cadre de la grève générale) : “Égalité.... J’en rigole d’avance quand elle sera mise forcée comme les syndicats le demandent... Aucune réflexion. Ils demandent des réponses à l’État, mais encore faut-il poser les questions. Il y a eu les mêmes problèmes pour la départementalisation : aucune réflexion. Ils veulent l’égalité du droit du travail alors qu’en métropole ils hurlent que ce droit est inadmissible. Vraiment des fois les syndicats ne gueulent que parce qu’il faut gueuler...” Ajia Onsenfou (en réaction à la grève générale) : “Quand il n’y aura plus de travail à force de faire des grèves et de bloquer le bon fonctionnement du commerce et des entreprises Mayotte aura tout gagné. L’île aux grèves et non l’île aux parfums.” Mor Kap (En réaction au déplacement à Paris le 26 avril prochain des grands élus de Mayotte, dont le président du conseil départemental, pour rencontrer le Premier ministre Manuel Valls) : “Mr le président du conseil départemental n’a rien à faire à Paris (déjà à Mayotte il n’arrive pas à être concret sur les décisions). Si c’est pour continuer à augmenter le déficit du département de Mayotte et en retour venir taxer les Mahorais comme on le voit sur nos factures et billets d’avion, il ne vaut mieux pas.” Dhoifir San Roman (En réaction à notre article poisson d’avril : l’ouverture d’une ligne directe Paris-Mayotte par la compagnie aérienne low cost Easy Jet) : “C’était trop flagrant. Aucune compagnie aérienne lowcost n’est autorisée d’atterrir ou de décoller d’un DOM et avant Mayotte, il y en a d’autres qui ont déjà essayé, mais le classement vertical a été fait dans la foulée.” Herbert Koell
8 AVRIL 2016 r MAYOTTE HEBDO N° 744
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