Mayotte Hebdo n°1106

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Le premier quotidien de Mayotte

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d’un

un hôtel du groupe

LE MOT DE LA RÉDACTION

ÉLUS DE MAYOTTE DÉSUNIS ?

On dit que l’union fait la force, mais les quatre parlementaires de Mayotte semblent ne pas l’avoir compris. Chacun mène de son côté son propre combat pour le département, et les Mahorais s’interrogent : pourquoi ne travaillent-ils pas ensemble ? Les divergences politiques ont pris le pas sur l’intérêt commun du territoire et de ses habitants, ce qui est regrettable. Parler d’une seule voix pourrait accélérer les choses. Ils auraient plus de poids face au gouvernement, et cela ne serait pas un luxe étant donné le nombre de problèmes à résoudre sur cette île : insécurité, immigration, crise de l’eau, éducation, et bien d’autres encore. Au lieu de collaborer, chacun agit de son côté, ce qui ne profite à personne. Chers élus, être unis est essentiel. Les Mahorais ne vous ont pas choisis pour vous voir désunis, bien au contraire. Nous avons perçu en chacun d’entre vous la volonté de défendre et de faire progresser Mayotte. Alors, unissez vos forces pour ce peuple qui continue de croire en vous, malgré tout.

Bonne lecture à tous,

Être postière, c’est aussi vous faire passer le code de la route.

Dans nos 1 400 centres agréés, répartis sur tout le territoire, les postiers sont les premiers examinateurs de France.

La Poste. Ça crée des liens entre nous.

TCHAKS MERCI

JEAN-CLAUDE NOVOU

Le monde sportif mahorais est en deuil suite à l’annonce du décès de Jean-Claude Novou, ce mardi soir. Ce baobab multidisciplinaire à Mayotte, est décédé à l’âge de 77 ans, une dizaine de jours seulement après la cérémonie d’honneur qui a été rendue en son honneur, chez lui à Labattoir en Petite-Terre. Celui que l’on surnommait « Ndrévou », barbu en français, laisse derrière lui tout un peuple endeuillé. Tout au long de sa carrière il a marqué l’histoire du sport mahorais, de différentes manières, à travers la radio, l’enseignement, les compétitions. Et pour tout cela, nous lui disons merci.

LE PRÉSIDENT D’AIR

AUSTRAL

DÉMISSIONNE

Joseph Brema le président du directoire d’Air Austral a annoncé sa démission ce 8 octobre à l’occasion de l’assemblée générale annuelle. Il met fin à 38 ans de carrière au sein de la société dans laquelle il a évolué. Il prend son envol alors que la compagnie traverse encore des problèmes budgétaires. Son successeur, Hugues Marchessaux, sera nommé le 18 octobre prochain.

BUDGET : LES COLLECTIVITÉS MAHORAISES

ÉPARGNÉES PAR LES

BAISSES

Dans la feuille de route du nouveau Premier ministre, Michel Barnier, le gouvernement veut réduire drastiquement les dépenses publiques. Selon l’AFP, cela commence par une baisse de quarante milliards d’euros en 2025, dont cinq milliards rien que pour les collectivités locales (soit 2% de leur budget). Toutes sont concernées ? Non. Une vingtaine de départements et de territoires ultramarins devraient y échapper. C’est le cas, par exemple, de Mayotte. Cependant, cela ne veut dire que les collectivités mahoraises sont exemptées de l’effort national, d’autres sources de financement étatiques sont concernées par des baisses. Ainsi, le Fonds vert sera ponctionné de 1,5 milliard d’euros en 2025.

LE DIRECTEUR DE LA PRISON DÉMISSIONNE APRÈS L’ÉMEUTE DU 28 SEPTEMBRE

La mutinerie du samedi 28 septembre continue de faire des vagues au centre pénitentiaire de Majicavo-Koropa. Ce lundi matin, le directeur Nicolas Jauniaux a annoncé à nos confrères de Kwezi qu’il présentait sa démission. « Ces événements dramatiques soulignent l’urgence de doter l’île d’un second établissement puisque celui héberge 650 détenus pour 278 places », rappelle celui qui est arrivé en janvier. Par son acte, toujours au micro de Kwezi, il dit vouloir « attirer l’attention sur cet établissement et ainsi contribuer à ma modeste mesure à améliorer les conditions de travail des personnels et les conditions de vie des détenus ». Dans les rangs des syndicats, la nouvelle a surpris, ce lundi matin. Si la santé de Nicolas Jauniaux l’a tenu parfois à l’écart du fonctionnement de la prison, il n’était pas particulièrement la cible du mécontentement des agents.

LU DANS LA PRESSE

Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale

«LE CŒUR LOURD» : LE DIRECTEUR DE MAYOTTE DÉMISSIONNE

Publié par Le Figaro, le 08/10/2024

Dix jours après une mutinerie avec prise d’otages de surveillants dans la prison de personnel et de vie des détenus.

Par son geste, il veut « attirer l’attention » sur les conditions de travail dans l'établissement surpeuplé. Le directeur de la prison de Majicavo, à Mayotte, a annoncé lundi sa démission. Une décision qui survient dix jours après une mutinerie avec prise d’otage des surveillants. « En remettant ma démission, je souhaite attirer l'attention sur cet établissement et ainsi contribuer, à ma modeste mesure, à améliorer les conditions de travail des personnels et les conditions de vie des détenus » , affirme Nicolas Jauniaux dans une vidéo diffusée sur le site d'une télé locale, Kwezi.

« J'ai aimé ce service et cette administration pendant 27 ans: c'est le cœur lourd que je la quitte » , ajoute-t-il, visiblement marqué,

et évoquant la mutinerie du 28 septembre comme déclencheur de son départ. Au moment de la réintégration de la centaine de détenus présents dans la cour vers leurs cellules, un surveillant gradé avait été agressé et ses clefs et son émetteurrécepteur arrachés. Il avait pu se mettre à l'abri mais un second surveillant avait été pris en otage dans la cour de promenade.

Des agents de La Réunion en renfort

« Cet événement dramatique souligne l'urgence de doter l'île d'un second établissement puisque celui-ci héberge 650 détenus pour 278 places » , ajoute Nicolas Jauniaux dans la vidéo,

DIRECTEUR DE LA PRISON SURPEUPLÉE EN SIGNE DE PROTESTATION

de Majicavo, Nicolas Jauniaux dit vouloir ainsi «attirer l’attention» sur les conditions de travail du

regrettant qu’ « à ce jour, aucune décision (ne soit) actée » malgré l'engagement début 2022 du ministre de la Justice de l'époque Éric Dupond-Moretti.

De son côté, le ministère de la Justice a assuré à l'AFP avoir mené «plusieurs actions» pour « répondre aux préoccupations de la direction et des agents pénitentiaires » . Parmi ces initiatives, il évoque le déploiement le 29 septembre de 11 agents des établissements de La Réunion afin de « prêter main-forte » au centre pénitentiaire de Majicavo. « Des transferts de personnes détenues vers d'autres établissements ont également été opérés rapidement » , ajoute la Chancellerie.

Quant à la question de la surpopulation carcérale, le ministère affirme s'être «engagé à ouvrir un second établissement pénitentiaire et un centre de semi-liberté à Mayotte» . Pour Saïd Gamba, représentant du syndicat

CGT pénitentiaire, la démission du directeur de l'établissement « a choqué tout le monde »

Après les violences de la fin septembre, les surveillants de l'établissement ont exercé leur droit de retrait pendant plus d'une semaine mais 51 sur 118 sont en arrêt de maladie, selon le représentant syndical. D'après le ministère de la Justice, la prison de Majicavo compte 133 agents, dont « 25 sont en arrêt maladie à ce jour »

Au 1er septembre, la densité carcérale globale en France s'établissait à 127,3%, un record. Mais dans les maisons d'arrêt, où sont incarcérés les détenus en attente de jugement et ceux condamnés à de courtes peines, elle atteint 153,6%. À Majicavo, elle dépasse les 181%.

Photo d'illustration

Octobre rose Sensibilisation et espoir

LE CANCER DU SEIN EST LE CANCER LE PLUS FRÉQUENT EN FRANCE ET REPRÉSENTE LA PREMIÈRE CAUSE DE DÉCÈS PAR CANCER CHEZ LA FEMME. POURTANT, LES CAMPAGNES DE SENSIBILISATION SE MULTIPLIENT, NOTAMMENT À L’OCCASION D’OCTOBRE ROSE. À MAYOTTE, CE SUJET EST ENCORE TABOU, MALGRÉ LES ACTIONS DES ASSOCIATIONS ET DES ORGANISMES DE SANTÉ. DANS CE DOSSIER, CELLES QUI ONT ACCEPTÉ DE TÉMOIGNER, RACONTENT DE QUELLE MANIÈRE CETTE MALADIE A BOULEVERSÉ LEUR VIE ET CELLE DE LEUR ENTOURAGE.

Témoignage

Un déni absolu

FACE AU DÉSESPOIR ET À LA SOUFFRANCE, DES PERSONNES MALADES DU CANCER LA PLUS RADICALE, VIVRE LE PLUS LONGTEMPS POSSIBLE EN GARDANT SON CORPS

«

ELLE A

ÉTÉ

SUFFISAMMENT FORTE POUR NOUS CACHER L'AMPLEUR VÉRITABLE DE SON CANCER »

Marie M est décédée pour avoir choisi de ne pas se faire amputer d'un sein. Elle voulait encore plaire à son mari et se refusait à l'idée d'une diminution de sa féminité. Un drame qui aurait pu être évité, mais que l'intéressée a assumé jusqu'aux derniers instants de sa vie. À l'approche de ses 60 ans, un médecin lui diagnostique un cancer du sein, mais elle préféra ignorer cette réalité, continuant à vivre sa vie sans changer aucune de ses habitudes. « c'est de la foutaise de médecin » se plaisait-elle à répéter à ses proches, raconte Ansufati Daoud l'une de ses nièces. « Ma tante était une personne qui aimait la vie sous tous ses bons côtés et une telle perspective ne pouvait, par conséquent, que lui déplaire » . À la nièce de raconter l'histoire de l'infortunée Marie M qui avait néanmoins pris soin de s'informer des conséquences réelles de cette maladie. « De visites en visites, elle s'est attelée à consulter plusieurs médecins et savait à quoi s'en tenir en cas de non prise en charge. Elle en parlait autour d'elle comme s'il s'agissait d'une banalité. Hélas il n'en était rien » . Ansufati Daoud marque une pause dans ses déclarations, sans doute sous le coup de l'émotion. « Elle ne cachait pas le fait qu'elle avait une idée claire derrière sa tête laquelle ne serait jamais au goût de sa famille » . De son premier mariage, elle en était sortie veuve assez tôt et avait eu la chance d'avoir un fils unique, Maoulida A R, devenu plus tard militaire de carrière dans l'hexagone. Aussi, n'ayant jamais consenti à faire de longs voyages, elle avait opté à ne pas embêter

son fils en lui infligeant une obligation à revenir régulièrement lui rendre visite sous nos latitudes. Ceux et celles qui l'ont bien côtoyé confirment le goût prononcé de Marie M pour les joies de la vie, d'où son insistance à vivre un pied à Mayotte et un autre à Madagascar. « Surtout depuis qu'elle s'était remariée à Majunga et avait reporté toute son attention sur son nouveau compagnon » , se rappelle sa nièce.

CONTINUER À PLAIRE À SON

MARI AVEC UN CORPS ENTIER MALADE

Forte du diagnostic de son premier médecin, elle avait décidé de ne pas se battre avec acharnement contre sa maladie. « En vérité, elle a été suffisamment forte pour nous cacher l'ampleur véritable de son cancer, en phase de métastase. Elle voulait absolument continuer à plaire à son nouveau compagnon et continuer pour cela à garder ses deux seins quoi qu'il lui en coûte » , avoue Ansufati Daoud. « Elle avait également pris soin de cacher la nouvelle à son fils dans les rares occasions d'échanges téléphoniques qu'ils pouvaient avoir. Mais personne n'était dupe autour d'elle. Parfois, elle n'arrivait pas à cacher les douleurs de plus en plus intenses dans sa chère. Marie M avait accepté la fatalité du cancer qui la rongeait et s'était focalisée sur les jouissances que lui procurait la vie au détriment de la détresse qu'elle engendrait chez ses proches. « Il lui a fallu une sacrée dose de courage pour réussir à tenir le coup et imposer son choix à tout le monde », relève sa nièce. Mais si les remèdes naturels (issus de la pharmacopée malgache) qu'elle avait préférés à un traitement moderne de sa maladie la soulageaient quelque peu, il ne s’agissait que d'un bref répit. Les dégâts sur son organisme furent si désastreux qu'elle pouvait à peine soutenir le regard des personnes qui lui rendait visite. Marie M a préféré s'éteindre dans la joie de l'amour et un corps intact aux yeux de son homme plutôt que de se laisser amputer d'un sein pour rester en vie. n

absolu du bon sens

RÉAGISSENT À CONTRE-COURANT DU BON SENS. PAR GOÛT DE LA VIE, MARIE M A CHOISI L'OPTION

ENTIER.

Photo d'illustration

TÉMOIGNAGES

L’entourage, important

la maladie

CONTRE TOUTE ATTENTE, AU HASARD D'UN BILAN DE SANTÉ À L'ÎLE DE LA RÉUNION, IL LUI A ÉTÉ CONFIRMÉ QU'ELLE DÉVELOPPAIT UN CANCER DU SEIN. DE TRAITEMENT EN TRAITEMENT, UNE COURSE CONTRE LA MONTRE S’ENGAGE POUR SAMÉINA HADJI. ELLE PERD UN SEIN ET PORTE MAINTENANT UN IMPLANT MAMMAIRE. SA FAMILLE FIT BLOC AUTOUR D'ELLE POUR LA SOUTENIR DURANT LES MOMENTS DIFFICILES QU'ELLE N'ARRIVE TOUJOURS PAS À OUBLIER.

Saméina Hadji est une femme d'une cinquantaine d'années aujourd'hui. Il y a sept ans, les médecins lui ont diagnostiqué un cancer du sein après une consultation médicale. Inquiète, elle s'est déplacée à La Réunion pour en avoir le cœur net. Au terme d'une batterie de contrôle au CHU du département voisin, elle a la confirmation de la présence d'un cancer dans son corps. De consultations en consultations, elle finit par consentir à un traitement par chimiothérapie. « C'était une descente aux enfers » se souvient Abdillah Abou, son époux. « Elle a été assez forte pour encaisser le premier coup et m'en parler aussitôt que le diagnostic lui a été confirmé. Le plus dur pour nous deux fût l'instant où il a fallu informer nos quatre enfants. Chamsiya qui habite à La Réunion avait plus ou moins suivi le mouvement pour avoir accompagné ma femme à quelques rendez-vous médicaux. Elle est plutôt de nature optimiste et elle préférait croire à une imprécision d'analyses. Mais elle se doutait bien que les appareils d'imagerie médicale ne se trompent jamais » . Avec les trois autres enfants, Halima, Khadidja et Nadhuf, les choses se sont avérées un peu plus délicates à expliquer. La plus jeune des deux autres filles était très sensible et le benjamin de la fratrie, encore au collège, est resté à Mayotte.

« Curieusement, la plus forte de nous tous était maman » , se rappelle Halima, les larmes encore aux yeux, dix ans après que le «

ciel lui soit tombé sur la tête » . Sa première préoccupation était de trouver les mots adéquats pour expliquer la situation à nos grands-parents. « L'instant était redouté par nous deux » se rappelle Abdillah Abou. Il leur a fallu deux semaines d'hésitation avant de réussir à prendre leur courage à deux mains, guettant le moment le plus favorable pour engager un échange de vérité avec ses beaux-parents. « Ma bellemère, qui était très proche de sa fille, était la première à se douter que quelque chose n'allait pas. Elle a senti une certaine tension auprès de nous tous et elle a commencé à questionner les uns et les autres. Ma femme qui s'inquiétait beaucoup de ce qui adviendrait de nous si le

« CURIEUSEMENT, LA PLUS FORTE DE NOUS TOUS ÉTAIT MAMAN »

pire venait à se produire. Elle s'est réveillée en larmes en pleine nuit et m'a dit qu’il faut qu’elle dise tout à sa mère. » . Le mari lui s'était déjà préparé à accompagner son épouse dans ces moments difficiles quoique cela lui en coûte. Saméina a toujours été l'amour de sa vie et il s'interdisait de penser au pire afin de préserver son rôle de pilier de la famille.

L’entourage, un pilier durant

« MON INQUIÉTUDE S’EST AVÉRÉE INFONDÉE »

Il prit les devants et organisa un rassemblement familial qui regroupa ses parents et ceux de son épouse ainsi que les frères et les sœurs de cette dernière. « Dans la tradition mahoraise, les grandes annonces se font autour de ce genre de moment. Je me rappellerai toujours de l'instant où ma femme a pris en aparté sa mère et la mienne. La douleur contenue, mais toutefois teintée de larmes de ma belle-mère. Elle finit par lever les mains au ciel, le visage grave et interrogateur en direction du créateur. Pourquoi devait-elle survivre à son propre enfant. » Tout le monde a compris alors que le ciel devenait nuageux pour la famille. Le grand-père s'empressa d'invoquer Dieu et de réprimander sa femme quant à une telle attitude non-conforme aux enseignements coraniques. Pour la principale concernée par ce drame, les jours qui ont suivi cet événement furent hautement importants. Bien des années après, Saméina Hadji raconte, « mon inquiétude s'est avérée infondée. Nos mamans respectives ont su distiller l'information auprès de nos proches et susciter un élan de solidarité exceptionnel au sein de nos deux familles. Ma fratrie n'a jamais été aussi proche de moi qu'à ce momentlà » . Comme de coutume sur l'île, les membres de sa famille s'inquiétaient beaucoup du "qu'en dira-t-on" Et ils étaient bien inspirés selon elle. Et pour cause, « s'il y a des choses qui ne peuvent se cacher indéfiniment, ajoute-t-elle, ce sont bien les conséquences physiques d'une chimiothérapie, perte de cheveux, de poils, le sentiment d'être diminuée en tout, la perte de libido et la baisse progressive du désir naturel de son conjoint, etc. Croyez-moi, c'est terrible pour une femme d'être réduite à cette situation. Tout se remet en cause dans votre esprit. Les meilleurs moments que vous avez connus durant votre vie défilent sans cesse en boucle, les regrets aussi s'installent au fur et à mesure que les jours passent » , lance Saméina non sans une certaine pointe d'amertume dans son regard et sa voix qui a du mal à sortir correctement sous l'effet d'une intense émotion. Un flot de détails difficile à encaisser jaillit de son

propos avant que son mari ne vienne à son secours. Sa fille reste figée en proie à une émotion indescriptible. « Heureusement que tout ça est derrière nous maintenant. Nous regardons du côté de l'avenir maintenant avec espérance et beaucoup de nouveaux projets »

«

C'ÉTAIT UNE

DESCENTE AUX ENFERS

»

SE RECONSTRUIRE

Pour la fille du couple qui a tenu à témoigner aux côtés de ses deux parents, sa famille, au sens large du terme, est sortie renforcée de cette expérience douloureuse. Saméina Hadji a laissé l'un de ses seins dans cette maladie. À présent, elle porte un implant mammaire grâce auquel les apparences sont sauves face aux yeux inconnus. Mais le mental reste encore très chamboulé malgré l'élan de solidarité dont elle a pu bénéficier. « Dieu donne, Dieu reprend, nous dit le Coran, il n'y a rien à faire face à sa volonté, je le remercie quotidiennement de m'avoir gardé en vie. Seulement, j'étais habitué à mon apparence physique d'avant mon opération. Et ça malheureusement, c'est un autre mal contre lequel il faut se battre à nouveau quotidiennement » . De sa descente aux enfers au cours de ces dernières années, elle en gardera des traces qu’elle n’oubliera pas. Chamsiya est convaincue, « maman doit se reconstruire maintenant, mais nous avons tous conscience que ce sera un dur labeur. Mon père est son meilleur soutien et ça, c'est formidable pour nous tous. Mon petit frère sera là cet été et ce sera un grand test pour la famille, nous pensons que sa présence sera de nature à redonner le sourire à maman » . Ce qui inquiète la famille de Saméina Hadji, est l'incapacité de celle-ci à pleurer pour évacuer ce qu'elle a enduré. Son époux craint que ça ne soit une autre plaie aux conséquences fâcheuses sur le long terme. n

Différents professionnels (psychologue, juriste, médecins) ont évoqué les enjeux autour de l’exil sanitaire des patientes atteintes d’un cancer du sein.

Reportage

Exil sanitaire : « Le plus dur, se retrouver seule face à la maladie »

CHAQUE MAHORAIS CONNAÎT UN PROCHE MALADE CONTRAINT DE QUITTER MAYOTTE POUR SE FAIRE SOIGNER. UN DÉPART QUI CAUSE UNE SOUFFRANCE SUPPLÉMENTAIRE EN PLUS DE LA MALADIE. À L’OCCASION D’OCTOBRE ROSE ET DE SON SÉMINAIRE ANNUEL, LA COMMUNAUTÉ DES COMMUNES DU SUD A CONSACRÉ UNE TABLE-RONDE AUX PATIENTES ATTEINTES D’UN CANCER DU SEIN QUI ONT DÛ S’EXILER POUR LES SOINS.

Les Mahorais sont nombreux à devoir s’exiler pour se soigner ailleurs, souvent à La Réunion ou dans l’hexagone. Pour cette raison, la Communauté des communes du Sud a choisi de consacrer une table-ronde à ce sujet à l’occasion de son séminaire annuel. Sarah Sanda, une patiente en rémission, a témoigné sur la souffrance qu’implique le fait d’être soigné loin de chez soi. Lorsqu’on lui a annoncé qu’elle était atteinte du cancer du sein en 2019, alors qu’elle était enceinte, elle a dû brusquement quitter sa famille, dont deux enfants, pour aller suivre le traitement sur l’île Bourbon. « Quand je suis partie là-bas, j’ai enchaîné les soins. À cela, s’est ajoutée la difficulté de trouver un logement. Je n’étais pas

non plus préparée au coût financier », énonce Sarah Sanda, la voie envahie par l’émotion. Mais pour la mère de famille, « le plus dur a été de se retrouver seule face à la maladie ». Elle restera deux années en traitements lourds à La Réunion. Une fois en rémission, les épreuves ne sont pas terminées. « Tous les trois mois, je devais retourner à Saint-Denis pour faire des examens de contrôle ». À nouveau, il y a la douleur de dire au revoir à ses enfants et à son confort.

«

ON AJOUTE DE LA SOUFFRANCE À LA DOULEUR »

« DES FEMMES FONT LE CHOIX D’ARRÊTER LES SOINS »

L’exil sanitaire se fait nécessairement dans la contrainte. « L’origine du mot exil signifie bannissement, l’obligation de quitter son lieu de vie » , décortique Houssamie Mouslim, psychologue clinicienne. Quitter son environnement est une violence supplémentaire alors que « l’annonce d’un

cancer est déjà une déflagration dans la vie de la personne », souligne-t-elle. « C’est une condamnation. » Les patients doivent en plus faire des démarches administratives pour être remboursés, chercher un logement, « alors on ajoute de la souffrance à la douleur », juge-t-elle. Sarah Sanda en est persuadée, « la guérison est permise en grande partie grâce à la présence des proches et de la famille ». Enrafati Djihadi, directrice de l’Union départementale des Associations familiales (UDAF) a, par ailleurs, rencontré « beaucoup de femmes qui font le choix d’arrêter les soins » ne supportant plus l’éloignement familial.

Si la plupart se font soigner dans le cadre d’une évacuation sanitaire (Evasan) qui permet d’être indemnisé, des femmes partent hors Evasan. Nissioiti Baco Ousseni, déléguée de Mayotte à La Réunion par le Conseil départemental, rencontre 200 patients dans ce cas chaque année sur les 1.600 Evasan annuel. En conséquence, « ces personnes se retrouvent en difficulté financière, souvent elles n’ont pas de mutuelle » . La professionnelle tente par la suite de retraduire leur dossier en évacuation sanitaire mais c’est très compliqué. « Généralement, sur dix dossiers, seulement deux aboutissent » , déplore-t-elle.

FORMER DES MÉDECINS MAHORAIS

Pour mettre fin à l’exil sanitaire qui cause tant de peine, les médecins sont unanimes, la seule solution est de former des Mahorais aux métiers de la santé. « Il faut former des gynécologues, des chirurgiens », estime le docteur Elad Mohamadi. « Aujourd’hui, la carence en professionnels de santé est la plus forte de toute la France et l’offre de soins sur le territoire est bien en deçà des standards européens », regrette-t-il. La docteure Ramlati Ali, présente dans le public plaide pour que soit mise en place la première année d’études de médecine à Mayotte. « En Guyane, il y a moins d’habitants et pourtant il est possible d’étudier en première année de médecine », insiste-t-elle. Selon ces professionnels de la santé, des médecins mahorais ont plus de chances de rester sur le territoire sur le long terme, alors qu’aujourd’hui beaucoup viennent d’ailleurs et ne s’installent que pour quelques années à Mayotte. Le recrutement récent au centre hospitalier de Mayotte d’un hématologue et d’un oncologue offre néanmoins un peu d’espoir aux acteurs de la santé. Désormais, le défi est qu’ils restent sur l’île. n

Sarah Sanda ancienne patiente d’un cancer du sein a témoigné de la douleur causée par son départ à La Réunion pour se faire soigner.
La psychologue clinicienne Houssamie Mouslim a expliqué à quel point lorsqu’on est malade il est violent de devoir quitter son environnement familial et amical.

Témoignages

Octobre rose : des associations mobilisées toute l’année

AUX CÔTÉS D’AUTRES ASSOCIATIONS ET COLLECTIFS, AMALCA ET ASCA FONT DE LA PRÉVENTION DU CANCER LEUR CHEVAL DE BATAILLE. SI LE MOIS DÉDIÉ À LA SENSIBILISATION CONCENTRE LEURS ACTIVITÉS, ELLES ŒUVRENT TOUTE L’ANNÉE POUR VÉHICULER DES MESSAGES D’ESPOIRS, AUX MALADES ET À LEURS FAMILLES.

À Mayotte, le cancer est la deuxième cause de mortalité, après les pathologies cardiovasculaires. Un constat édifiant, qui a poussé de nombreux habitants et professionnels à fonder des collectifs et des associations, parmi lesquelles l’association mahoraise pour la lutte contre le cancer (Amalca). Présente sur le territoire depuis 2012, elle accompagne les malades, ainsi que leurs familles, par le biais d’ateliers, de groupes de paroles et d’activités sportives. C’est « pour rompre l’isolement » résume simplement la présidente d’Amalca, Nadjlat Attoumani. L’association est sur tous les fronts en ce mois d’octobre. Pas de répits non plus pour l’association des soignants contre le cancer (Asca), qui a préparé en amont la période rose. « En ce moment, aucun d’entre nous ne se repose, ni le soir, ni le week-end » s’esclaffe la présidente

de la structure, Anrifia Ali Hamadi. Elle tient à préciser que les moments où elle s’absente du centre hospitalier de Mayotte, où elle travaille, sont des heures qu’elle doit rattraper plus tard. « Et ce alors que le mois d’octobre rose laisse place au novembre bleu [ndrl, mois de sensibilisation aux cancers masculins] ». Si octobre rose concentre tous les regards, et un bon nombre d’actions, à l’exemple du gala de charité organisé par Asca samedi 5 octobre, qui a réuni 410 personnes, les associations sont mobilisées toute l’année.

LE CANCER VU COMME UNE PUNITION

« En mai dernier, nous avions organisé une journée de sensibilisation à Musical Plage de Bandrélé. Avec des jeux confectionnés par nos soins, des intervenants comme des dermatologues. Nous avions également sensibilisé sur le cancer de la peau » se souvient la vice-présidente d’Asca, Yasmina Ali. « On a pu combattre l’idée reçue qui indique que les peaux noires n’ont pas besoin de se protéger contre le soleil » raconte la professionnelle de santé. Le cheval de bataille de ces associations est bien la prévention. Un cancer du sein dépisté rapidement est guéri dans 9 cas sur 10. Cependant, les idées reçues ont la vie dure, au même titre que le tabou autour de la maladie. Cette situation isole les malades. « Dans la société mahoraise, le cancer est vu comme une punition. Donc si tu l’as, c’est que tu as fait quelque chose de mal » contextualise Nadjlat Attoumani, qui accompagne des patients parfois honteux. Elle encourage les personnes atteintes de la pathologie à venir avec leurs proches lors des tables rondes. Certains refusent encore les temps de groupes, et sont vus en individuel.

Le stand de prévention, à Musicale Plage de Brandélé, sur l »’utilisation de la crème pour prévenir des cancers de la peau, le 11 mai 2024.

Et ce type de situation encourage Amalca à renforcer ses actions « pour que personne ne se sente seul face à cette maladie, et que personne ne perde espoir »

C’était notamment l’objectif de la conférence sur l’intimité du couple face au cancer, tenue l’an dernier à la même période. Une thématique très personnelle mais commune à tous ceux qui traversent la maladie « il est important pour nous que les gens ne se sentent pas seuls à traverser ces épreuves, même intimes » insiste Nadjlat Attoumani. Amalca mise aussi sur des séances de bien-être pour aider à se reconnecter à son corps malade ou en rémission. Rompre l’isolement, c’est aussi la volonté d’Asca, dans le cadre du parcours de soin.

«

DANS LA SOCIÉTÉ MAHORAISE, LE CANCER

ACCOMPAGNER JUSQU’À LA RÉUNION

Pour se faire soigner, beaucoup n’ont pas d’autres choix que de partir à La Réunion. « Entre le diagnostic, l’annonce du départ et le départ en lui-même, il n’y a que très peu de temps. Et les malades ne se rendent pas compte de ce que ça représente. Et puis certains n’ont même pas de valise » se désole Anrifia Ali Hamadi. À l’issue d’un stage à La Réunion, au cours duquel elle a pris conscience du quotidien morose des évasanés mahorais, elle décide avec des collègues du CHM de fonder l’association en 2021. « Il fallait qu’on leur rappelle qu’ils sont en vie » résume Yasmina Ali. Depuis, elles organisent des activités aux centres d’hébergement grâce à des associations sur place, à La Réunion. Et les bénévoles encadrent le départ des patients. Produits d’hygiènes, sacs, vêtements, chaussures : tout le nécessaire est dans les kits que l’association distribue à ceux qui partent. « Pas plus tard que ce matin, la famille d’un patient m’a contacté pour que

je lui fournisse un kit » raconte la présidente d’Asca avant d’être interrompue par sa collègue Yasmina Ali, amusée : « Je l’ai vu arpenter tous les services pour trouver le patient concerné ». La distribution de kit, c’est ce qui marque le plus la présidente d’Amalca, qu’elle n’hésite pas à raconter, toujours avec émotion.

MANQUE DE TEMPS, MANQUE D’ARGENT

L’association Amalca essaye d’être présente, toute l’année, à l’annonce du diagnostic, lorsqu’il se fait au sein des services des bénévoles. Mais si le patient ne fait pas demandes, elle n’intervient pas : secret médical et professionnel obligent. Grâce aux dons, aux collectes réalisées toute l’année et aux partenariats avec l’Agence Régionale de Santé et la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte, Amalca parvient à confectionner ces kits. Mais elle ne dispose pas encore de local, pour garder les affaires. « Ce wee-kend, nous allons recevoir, par container, le nécessaire pour confectionner 150 kits, mais faute d’un endroit où les stocker, il sera disposé chez moi ». L’association peine à trouver les fonds, pour un local mais aussi pour garder la coordinatrice Samianti Saïd, présente deux mois à Mayotte, spécialement pour aider à organiser les actions d’octobre rose. Les deux difficultés rencontrées par l’association sont le manque d’argent, et de temps. « On est bénévoles mais aussi personnel soignant. Les patients pris en charge ne font pas la différence entre notre association et le CHM, mais elle est bien là, précise Yasmina Ali, même si nos actions sont une continuité du service hospitalier. » Elles portent leurs fruits, et les acteurs publics y sont de plus en plus sensibles, notamment leurs partenaires locaux. Lors de son discours à l’inauguration de l’œuvre à l’hôtel de ville lundi 7 octobre, la présidente d’Amalca se réjouissait de voir la communauté de Mamoudzou s’impliquer davantage dans la lutte contre le cancer. « On revient de loin, mais certaines communes ne se sont pas encore emparées du sujet » souligne avec une pointe d’amertume Nadjlat Attoumani. n

En avril 2024, l’association Asca tenait un stand devant le CHM, une vente caritative pour récolter des fonds.
Les séances de bien-être, ici organisée par Asca, à travers le sport permettent de se réapproprier son corps pendant et après la maladie ( juillet 2023)

Reportage

Le retour à l'emploi, l'autre épreuve après le cancer

POUR LANCER OCTOBRE ROSE, L’ASSOCIATION MAHORAISE DE LUTTE CONTRE LE CANCER (AMALCA) A ORGANISÉ DES TABLES RONDES SUR LE RETOUR ET LE MAINTIEN À L’EMPLOI APRÈS LE CANCER, CE VENDREDI À L’UNIVERSITÉ DE MAYOTTE, À DEMBÉNI. ANCIENNES MALADES ET PROFESSIONNELS ÉTAIENT RÉUNIS POUR ÉCHANGER SUR LES DIFFICULTÉS QUE REPRÉSENTE LA REPRISE DE L’ACTIVITÉ TANT POUR LES UNS QUE POUR LES AUTRES.

Après l'épreuve de la maladie, une autre attend bien souvent les femmes, celle du retour et du maintien à l'emploi. Elles peuvent se sentir démunies et seules faces à leur employeur. C'est arrivé à Sarah Sanda. « Au cinquième mois de ma grossesse, j'ai appris que j'avais un cancer du sein », explique-t-elle. Évacuée à La Réunion pour être soignée, loin de ses deux autres enfants, elle est contrainte de prendre un congé longue maladie. Mais après une année loin de son travail, son employeur, le rectorat la contacte. « Il m'appelle pour me demander quand je reprends et me dire qu'ils vont me passer en demi-salaire », évoque l'enseignante de 39 ans. À ce moment-là, en pleine chimiothérapie, elle vit cette annonce comme une violence. Le retour au travail n'a pas été plus aisé. « J'ai été déclarée apte à reprendre alors que je ne l'étais pas, je n'ai pas eu non plus de visite de pré-reprise », raconte-t-elle.

Dû à ce manque d'accompagnement, de retour à son métier d'enseignante, elle fait une dépression. Finalement, à cause de la fatigue qu’elle ressent, elle demande un mitemps thérapeutique. « Il y a un vrai manque de communication à Mayotte vis-à-vis des malades », estime-t-elle. L'enseignante de petite-section a témoigné lors d'une table-ronde organisée à l'université de Dembéni à l'initiative de l'association mahoraise de lutte contre le cancer (Amalca) à l'occasion d'Octobre rose. Comme Sarah Sanda, 30 % des patients se disent plus fatigués après le parcours de soins et près de 60 % se disent plus fatigables qu’avant.

« CONFRONTÉE À UN GRAND VIDE »

Plusieurs professionnels : infirmière, psychologue, directeur de ressources humaines, chargée des conditions de vie au travail à France Travail étaient présents pour évoquer les enjeux du retour à l'emploi. Une conférence qui a permis à tous les acteurs d'exprimer les difficultés auxquelles ils font face sur ce sujet. Du côté des entreprises, l'accompagnement psychologique du salarié se heurte généralement au cadre administratif. « On a des procédures à respecter qui obligent à déclarer à tel moment en fin de droit une personne malade et à l'obliger à reprendre le travail », témoigne une salariée aux ressources humaines. Tous s'accordent pour dire que très peu de choses sont mises en place à Mayotte. « J'ai voulu savoir comment on accompagne le retour au travail au rectorat après une longue maladie et je me suis confrontée à un grand vide », relate Isabelle Chagnard, infirmière conseillère au rectorat, arrivée à Mayotte à la rentrée. Pour faciliter la reprise d'activité, l'association Amalca porte le projet d’une charte pour aider les anciens malades, les entreprises et institutions à proposer le meilleur retour à l'emploi possible. « Nous allons réunir ces différents acteurs et leur demander sur quoi ils sont prêts à s’engager », annonce Nadjlat Attoumani, présidente de l'association Amalca, elle-même rescapée d'un cancer du sein. Ce document aidera le plus grand nombre à connaître les démarches à suivre si elles sont concernées par ces questions. n

Lisa Morisseau

Psychologue, infirmière, ancienne patiente, chargée de ressources humaines etc, plusieurs professions étaient rassemblées pour aborder la question du retour au travail.

Sarah Sanda s’est vu perdre la moitié de son salaire alors qu’elle était encore en soins à La Réunion. Elle a témoigné de son expérience lors de la table-ronde.
Nadjlat Attoumani, présidente de l'association Amalca, veut créer une charte qui aiderait les anciens malades et les entreprises pour accompagner le retour à l’emploi.

« S’IL Y A UN CYCLONE OU UN TSUNAMI, JE SAIS COMMENT ME PROTÉGER »

Alors que Mayotte est particulièrement exposée aux risques naturels, la population est peu informée sur ces sujets. Face à ce manque d’informations, la commune de M’tsamboro a organisé, ce lundi, un village de sensibilisation aux phénomènes naturels. Les collégiens ont pu tester leurs connaissances via des animations ludiques.

« Mayotte c’est une île volcanique formée il y a dix millions d’années par de la lave sortie des fonds marins », explique, carte géologique à l’appui, une salariée du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Écoutant avec attention, les élèves du collège de M’tsamboro sont venus, ce lundi, au village de sensibilisation des risques naturels installé au plateau sportif de la commune. « A Mayotte, il n’y a pas de sensibilisation à ces questions pourtant les risques sont nombreux », raconte Hedia Jelassi, cheffe de projet lutte contre l’habitat indigne à la mairie de M’tsamboro à l'initiative de cette journée. Pour pallier ce manque, la municipalité a choisi d’organiser cet événement en collaboration avec l’association française pour la prévention des catastrophes naturelles et technologiques (AFPCNT). Il faut dire que la commune est particulièrement concernée. « Elle est menacée par les glissements de terrain, les inondations et les submersions marines », décrit la cheffe de projet. Le quartier de Foumbouni subit notamment un glissement de terrain. L’objectif de la journée était de sensibiliser les enfants à ces questions. Plusieurs associations et institutions spécialistes du sujet étaient réunies pour proposer des contenus ludiques. Parmi elles, la direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer (Dealm), le BRGM et l’association des Naturalistes pour évoquer son projet de lutte contre l’érosion.

« Inculquer une culture du risque »

Les jeunes ont participé à un loto du risque. Le but : apprendre à reconnaître un cyclone, un volcan ou un séisme par exemple via des images. « Nos missions consistent à inculquer une culture du risque à la population pour savoir comment les décrire, les lire dans le paysage. Ensuite, nous enseignons comment se préparer et les anticiper » , résume Bernard Guezo, ingénieur expert en gestion des risques urbains et membre de l’AFPCNT.

Camila, en classe de troisième, a bien retenu les conseils en cas de catastrophe naturelle. « S’il y a un cyclone ou un tsunami, je sais comment me protéger », glisse-t-elle. Si un glissement de terrain se produit, de son côté, Kalina, en classe de cinquième, sait désormais « quels conseils donner aux autres pour être prudents ». Pour lutter contre l'érosion, « il faut éviter de couper les arbres », a retenu pour sa part Amrah. Des explications concrètes et interactives qui ont été appréciées par les adolescents.

Éduquer sur les catastrophes naturelles à Mayotte est particulièrement nécessaire tandis que l’île y est particulièrement vulnérable. « Comme les autres territoires d’outre-mer, Mayotte est exposée à sept risques sur huit, soit tous si on excepte les avalanches », détaille Matthieu Menou, chef de la mission

Lisa Morisseau
Les enfants ont appris comment le territoire de Mayotte s’est formé grâce aux explications du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).
Les jeunes en ont appris plus sur le volcan Fani Maoré.

d’appui pour les politiques publiques de prévention des risques naturels d’outremer (Mappprom). Représentant de l’Etat sur ces questions, il a fait le déplacement à Mayotte pour l’événement. L’île aux parfums est d’autant plus confrontée aux aléas qu’une nouvelle donne s’est ajoutée avec la découverte du volcan sous-marin Fani Maoré en 2018, qui fait régulièrement trembler la terre.

« 90 % de la superficie est soumise aux aléas naturels”

« 90 % de la superficie est soumise aux aléas naturels dont la moitié à des aléas forts » , indique Jean-François Leroux, chef du service environnement et prévention des risques à la Dealm. Face à ces données, l’action de son service consiste à donner un cadre pour réglementer les constructions, ils sont notamment mobilisés pour les aménagements publics comme le projet de bâtir un collège par exemple. Ce lundi, les animations ont particulièrement intéressé alors que chacun a une anecdote

en lien avec un phénomène naturel. Cela a rappelé des souvenirs à Moinecha Baou, surveillante au collège de M’tsamboro qui accompagnait les élèves ce lundi. « Au début des années 2000, il y a eu un cyclone avec dix jours de pluie non-stop. Nous ne pouvions pas sortir, nous n'étions pas à l’école, la télé ne marchait plus donc on écoutait les informations à la radio », se remémore-t-elle. « A ce moment-là, je n’ai pas vu mes frères et cousins pendant dix jours ». Pour trouver un phénomène naturel plus récent, pas besoin de chercher bien loin. Il y a à peine plus d’un mois, le 27 août, la terre a tremblé. Un séisme de magnitude 4,9 a été enregistré à 40 km de Petite-Terre dans la zone de Fani Maoré.

La matinée s’est ensuite terminée par une présentation des dessins de phénomènes naturels les plus réussis, les jeunes avaient pour consigne de dessiner un risque. Syanah a esquissé un « volcan enragé » en référence au volcan sous-marin, elle a aussi pris soin de représenter la chambre magmatique qui y a été découverte. Face au succès de l’événement, Hedia Jelassi rêverait de voir à l’avenir ce type de sensibilisation « organisé sur toute l’île » n

Matthieu Menou (à gauche), chef de la mission d’appui pour les politiques publiques de prévention des risques naturels d’outremer, était présent à l’événement.
Amrah (à gauche) a appris que pour lutter contre l'érosion, « il faut éviter de couper les arbres ». Camila (à droite) sait maintenant comment « se protéger, s’il y a un cyclone ou un tsunami ».
Les enfants devaient « dessiner un risque ». Syanah a été félicitée pour son dessin du volcan Fani Maoré.

LISEZ MAYOTTE LES DOSSIERS HISTORIQUES DES ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DE MAYOTTE (3/10)

AGRÉGÉ DE LETTRES MODERNES ET DOCTEUR EN LITTÉRATURES FRANCOPHONES, CHRISTOPHE COSKER EST L’AUTEUR DE NOMBREUX OUVRAGES DE RÉFÉRENCE SUR LA LITTÉRATURE DE L’ÎLE AUX PARFUMS, NOTAMMENT

UNE PETITE HISTOIRE DES LETTRES FRANCOPHONES À MAYOTTE (2015) DONT IL REPREND, APPROFONDIT ET ACTUALISE, DANS CETTE CHRONIQUE LITTÉRAIRE, LA MATIÈRE.

Le deuxième document que nous incluons dans cette série s’intitule : « Mayotte (18411843). Histoire du rattachement à la France ». Le code couleur est le même, à savoir le beige, mais la forme a changé. Il s’agit en effet d’une chemise contenant un ensemble de fiches. Résultat de la collaboration entre le Conseil Général de Mayotte et le vice-rectorat, il émane du service éducatif des archives. Il ne s’agit donc pas du catalogue d’une exposition. L’échelle d’une ville est remplacée par celle de l’île et on remonte aux origines de l’installation de la France à Mayotte entre 1841 et 1843. Sur la couverture, on trouve la reproduction d’un dessin de Lebreton intitulé Mayotte – Vue de l’établissement français, qui date de 1845 environ.

La quatrième de couverture indique les enjeux de l’institution en charge du projet : « Le service éducatif des Archives départementales de Mayotte a pour but de mettre les élèves en contact direct avec les documents d’archives. Créé depuis septembre 2005, le service éducatif est animé par un enseignant d’histoire, mis à disposition à temps partiel par le Vice-Recteur de Mayotte. Le service a pour fonction de proposer aux enseignants des écoles, collèges et lycées : des expositions itinérantes, des dossiers pédagogiques, des stages de formation [et] une sensibilisation au patrimoine historique de Mayotte. La prochaine extension des locaux actuels permettra d’accueillir

les élèves qui seront invités à travailler sur des documents originaux, sources essentielles de la connaissance historique. »

L’enseignant en question fait partie des grands connaisseurs de Mayotte : Michel Charpentier. Agrégé d’histoire, il est l’auteur de nombreuses contributions historiques relatives à Mayotte et il est également lié à l’Association des Naturalistes de Mayotte. Dans une nouvelle préface, le président du Conseil général Saïd Omar Oili met en valeur la collaboration de ses services avec le vicerectorat. Il indique la filiation entre cette réalisation et la brochure précédente :

« Après la parution du catalogue de l’exposition ‘Dzaoudzi, une histoire contrariée. 1843-1866’, le service éducatif des Archives départementales s’est attaché à explorer plus attentivement l’histoire du rattachement de Mayotte à la France entre 1841 et 1843. S’appuyant sur des archives et des livres conservés aux Archives départementales, cette publication propose au travers de documents originaux judicieusement choisi, de découvrir les premières approches de l’île au début du XIXe siècle jusqu’à la prise de possession de Mayotte par le commandant Passot le 13 juin 1843. »

Il ajoute enfin un mot sur le type de documents utilisés :

« Ce dossier pédagogique donne une autre dimension à l’enseignement de l’histoire. Il confie la parole aux témoins et acteurs du rattachement

de Mayotte à la France, il invite au travers des commentaires et des questionnaires à une lecture attentive des manuscrits et des cartes, il convit [sic] à interroger ces documents d’archives en portant sur eux un regard critique qui permet une meilleure compréhension du passé. »

Huit dossiers se succèdent, le premier consistant en une présentation générale et le dernier en un dossier du professeur. Les six intercalaires abordent les thèmes suivants :

- Missions françaises aux Comores

- Un site portuaire avantageux

- Le traité de 1841

- Les hésitations du gouvernement français avant la ratification

- Préparatifs de la prise de possession

- La prise de possession. Trois dates jalonnent le rattachement de Mayotte à la France :

- Le 25 avril 1841, un traité est signé entre le capitaine Passot et le sultan Andriantsouli pour céder Mayotte à la France.

- Le 16 février 1843, le traité est ratifié par la France.

- Le 13 juin 1843, le drapeau français est hissé sur le rocher de Dzaoudzi. Il signale la prise de possession de Mayotte par la France.

Nous terminerons en indiquant la valeur historique d’un dossier qui n’ajoute pas derrière rattachement l’adjectif politique « volontaire »

Christophe Cosker

MAGAZINE D’INFORMATION

NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE

Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros

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Cavani M’tsapéré

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Rédactrice en cheffe

Raïnat Aliloiffa

Couverture : OCTOBRE ROSE SANSIBILISATION ET ESPOIR

Journalistes

Raïnat Aliloiffa

Alexis Duclos

Saïd Issouf

Marine Gachet

Lisa Morisseau

Inès Alma

Direction artistique

Franco di Sangro

Graphistes/Maquettistes

Olivier Baron, Franco di Sangro

Commerciaux

Cédric Denaud, Murielle Turlan

Comptabilité

Catherine Chiggiato comptabilite@somapresse.com

Première parution

Vendredi 31 mars 2000

ISSN 2402-6786 (en ligne)

RCS : n° 9757/2000

N° de Siret : 024 061 970 000 18

N°CPPAP : 0125 Y 95067

Site internet www.mayottehebdo.com

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