CE QUE J’EN PENSE Mayotte au cœur du cyclone ?... Mayotte a connu en 20 ans une invasion migratoire bien plus importante en proportion que celle vécue par l’Europe il y a quelques mois. Les réactions des pouvoirs publics ont pourtant ici été bien… timides. Nos élus, le Gouvernement n’ont semble-t-il pas pris la mesure de cette situation d’urgence. Malgré de nombreux signaux annonciateurs, les rotations scolaires qui se répandaient dans les quartiers et villages, le niveau scolaire qui chutait dramatiquement, les professeurs titulaires qui ne venaient plus, il n’y avait pas eu de réaction sérieuse. Le vent se levait. Malgré les Unes du Mayotte Hebdo sur les enfants poubelles il y a près de 10 ans, sur les gangs qui se constituaient, sur la violence qui grimpait, accompagnant la délinquance de survie, malgré les mineurs relâchés avant même que les victimes n’aient terminé leurs dépositions, il ne s’agissait que d’un “sentiment d’insécurité”… Malgré le système de santé qui s’étouffait et le personnel qui le dénonçait, malgré les queues qui s’allongeaient devant le dispensaire Jacaranda ou au service des étrangers de la préfecture, malgré les quartiers “clandestins” qui se constituaient à Combani, dans toute la vallée de Vahibé à Kwalé, à Majicavo, à Kahani, des mesurettes étaient proposées et le vent commençait à souffler méchamment, menaçant. Malgré des coups de gueule médiatiques, politiques, malgré les missions et les rapports inquiétants qui s’accumulaient sur l’habitat indigne, sur la pauvreté, sur le chômage, sur les mineurs isolés, il n’y a pas eu le “Plan Marshall” tant espéré. Malgré la disparition progressive des poissons du lagon, les centaines de carapaces de tortues exhibées, les forêts dévastées, transformées en charbon, en champs de manioc ou de bananes sur brûlis, malgré les coups de colère des agriculteurs pillés ou des protecteurs de l’environnement dépités, malgré les rivières transformées en filets de javel nauséabonds, le vase continuait à se remplir et la tempête grondait. Il a fallu un enchainement de faits divers de plus en plus violents, de rapports terribles de la Cour des comptes ou du procureur sur l’explosion de la violence, enfin reconnue. Il a fallu trois jours de guérilla urbaine dans les rues de Cavani, M’tsapéré et Passamaïnty, en marge des manifestations syndicales, avec des dizaines de véhicules saccagés. Il a fallu la mort de deux hommes. Il a fallu des années de laisser-aller pour que le vase déborde, pour que les Mahorais, qui avaient jusque là accepté, accueilli, se saisissent de la situation. Et le cyclone a commencé d’emporter le droit, les droits de l’Homme et les plus réticents, dans un tourbillon d’expulsions. Les nuances n’ont plus eu droit de cité, la violence des propos laissait la place à la violence des actes, trop longtemps contraints. La parole s’est libérée, certains se tétanisant, d’autres s’enflammant. La politique locale, régionale s’en est mêlée, rendant la situation plus instable, plus dangereuse encore. Jusqu’où ? Jusqu’à quand ? La détresse des Mahorais a-t-elle été entendue ? L’État va-t-il enfin mettre les moyens pour circonscrire la crise, et remonter en amont pour y trouver des solutions pérennes ? Des négociations pourront-elles s’engager avec un gouvernement comorien (encore ?) arc-bouté sur des antiennes entêtantes et refusant de respecter le choix des Mahorais ? La COI sera-t-elle enfin utile, utilisée ? Les élus locaux vont-ils enfin s’atteler à la tache considérable du développement économique et social de Mayotte, s’intéressant plus à leur île qu’à leur prochaine mission à l’extérieur, sans vouloir rendre des comptes ? L’État instituera-t-il une zone franche globale pour redonner de l’espoir et relancer Mayotte et son attractivité, afin que cette île magnifique puisse enfin valoriser ses nombreux atouts ? La coopération régionale pourra-t-elle enfin devenir une réalité concrète, efficace, utile à toutes les populations de la zone, et plus une simple occasion pour nos élus de voyager à nos frais ? Mayotte pourra-t-elle enfin trouver toute la place qu’elle y mérite ? Mayotte est peut-être au cœur du cyclone. Il faudrait profiter d’un peu de répit, observer quelques jours de trêve, pour étudier l’étendue des dégâts et envisager des moyens efficaces, légaux de régler les problèmes, sans souffrir de nouvelles rafales de vent meurtrières. Il faudrait régler une bonne fois ces problèmes d’immigration clandestine massive, de terrains squattés, de voyous impunis qui pourraient aller purger leurs peines dans les geôles comoriennes (!), faute de quoi une pluie torrentielle sanglante risque d’emporter nos espoirs et nos enfants. Les populations des Comores et de Mayotte, tout comme celles de Madagascar, ont sûrement plein d’espoirs et de potentiels à valoriser pour leurs îles respectives, plein de projets à construire, plein de secteurs à développer, d’échanges à engager, mais aussi tant à faire ensemble, dans un environnement apaisé et propice, indispensable à ce développement. Chacun agira à son rythme, suivant ses choix politiques, en fonction de ses élus, de ses soutiens, de ses ambitions, dans le respect mutuel. Comme après la tornade qui a éparpillé le riz gaspillé du mariage et formé l’îlot de sable blanc, le calme pourrait alors revenir sur notre région. Le bleu du ciel et les eaux turquoise du lagon pourront se mélanger à nouveau, les pêcheurs ressortir leurs pirogues, les oiseaux invisibles revenir chanter dans les arbres et la vie reprendre ses droits, paisiblement. Avec tout ce qu’il y a à faire, c’est ce dont Mayotte a besoin. Laurent Canavate
Courrier des lecteurs Événement Prise de fonction du préfet À l’affiche Une semaine pour valoriser l’entrepreneuriat féminin Dossier Expulseurs/expulsés qui sont-ils ? r Paroles d’expulseurs r Fatima, 34 ans r Said Soilihi r Ahmed Said, 36 ans r Houmadi, 35 ans r Cimade : "Chaque expulseur a un parent comorien" Magazine Découvrir Anjouan L’escalier de Bandrakoa
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22 Mayotte AUTO-MOTO Peugeot 3008 : prête pour le mondial Retour en arrière 2011 : les Comores refusent les reconduites aux frontières
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Rencontre avec Victor Bianchini “Encore du chemin pour une croissance durable” Portrait d’entreprise Au 777, tout est permis
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PEINTURE 31 L’ÉTHIOPIE S’EXPOSE À LA BOULANGERIE MUSIQUE 34 MUSIQUE À MAYOTTE, MÉTISSE SA MUSIQUE CINÉMA 36 MICHEL FORÊT AGENDA 37 JEUX 38
Boot Camp Trainer 2 3 questions à… Fahdédine Madi Ali, organisateur “Ils ne savent quasiment rien de ce qui les attend” L’actu en images Euro 2016 : les 23 de la commune de Mamoudzou Vautour : la coupe de Mayotte en consolante ? Une semaine en bref Résultats, Classements & Programme Annonces légales
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Ce que vous en dites CHRONIQUE Je dénonce l’irresponsabilité du responsable En France, l’intercommunalité existe depuis fort longtemps et tente de résoudre un certain nombre de problèmes, dont les difficultés rencontrées par les communes dans l’exercice de leurs compétences. L’intercommunalité vise notamment à mutualiser les moyens par la création d’une super structure communale par association de communes. Celleci permet de mutualiser les moyens notamment financiers pour agir de manière efficace et efficiente dans un périmètre cohérent favorisant une économie d’échelle. Dans la communauté de commune du nord dont le périmètre s’étend de Koungou à Acoua en passant par Bandraboua et Mtsamboro, l’irresponsabilité de nos élus est pitoyable et honteuse. Dans cette intercommunalité, la distribution des sièges acceptée par chacune des communes est la suivante : 19 conseillers pour Koungou, 9 conseillers pour Bandraboua, 6 conseillers à Mtsamboro et 4 à Acoua. Le dernier acte devant permettre l’installation définitive de la communauté de communes est le vote de son bureau ; sauf que celui-ci ne peut se faire qu’après que chaque commune ait procédé au vote de ces conseillers communautaires qui vont désigner ledit bureau. À ce jour, seule la commune de Koungou a déjà procédé à l’élection de ses conseillers dont le maire fait partie, et qui a déclaré sa candidature à la présidence de l’intercommunalité. Il en a parfaitement le droit, d’autant plus qu’il a réussi à former chez lui un seul bloc de 19 conseillers sans opposition, car chacun d’entre eux est prêt à voter pour lui ; il n’a donc besoin que d’une seule voix pour être élu président. Le maire de Mtsamboro qui s’est déclaré candidat à la présidence avant même la création de la structure, constatant son impossibilité d’être élu même s’il arrive à avoir le soutien de la majorité des autres communes, a conduit les Maires des autres communes à “boycotter” l’installation de la communauté de
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MAYOTTE HEBDO N° 751 r 27 MAI 2016
commune du nord, en ne procédant pas au vote des conseillers. Quelle honteuse irresponsabilité !! Une chose est sure, c’est inédit, du jamais vu en France. Le maire de Mtsamboro refuse que la communauté de commune du nord soit installée parce qu’il n’a pas la possibilité d’être élu président. Actuellement en France, tous les sondages donnent l’actuel président de la République François Hollande battu pour la présidentielle de 2017 ; certains sondages prédisent même qu’il ne sera même pas présent au second tour. Imaginez une seule seconde que François Hollande décide de bloquer tout, en refusant l’organisation de l’élection présidentielle en 2017 sous prétexte qu’il ne sera pas élu si celle-ci est organisée. C’est exactement à quoi joue le Maire de Mtsamboro, qui a d’ailleurs le culot d’affirmer haut et fort que “c’est le Maire de Koungou qui bloque” l’intercommunalité. Comment peut-on affirmer une telle chose dans la mesure où le Maire de Koungou a déjà procédé au vote de ces conseillers ? Actuellement il attend
les autres communes pour procéder à l’élection du bureau de l’intercommunalité, il est donc stupide de déclarer que c’est lui l’auteur des blocages. Celui qui bloque, parce qu’il pense à sa propre personne, à sa propre poche et donc à ses propres intérêts, c’est celui qui décide de ne pas continuer la procédure conduisant au vote et à l’installation du bureau, c’est bien sûr notre maire qui, visiblement, n’arrive pas à comprendre qu’il se ridiculise devant la population qui comprend parfaitement ce qui se passe. Ce qui est plus aberrant dans l’histoire est la suivante : notre maire de Mtsamboro conduit les autres maires à se retirer de l’intercommunalité actuelle, pour proposer une communauté de commune associant Bandraboua, Mtsamboro et Acoua pour qu’il soit élu président, car c’est le seul objectif principal de toutes ses manœuvres. C’est la raison pour laquelle je dénonce avec force et vigueur l’irresponsabilité de ce soi-disant responsable. Bourra M.
contact@mayottehebdo.com LE COURRIER DE LA SEMAINE Départ Merci Mayotte Dans quelques jours je quitterai Mayotte, qui a été pour moi comme un doux rêve, malgré les difficultés actuelles dont je suis tout à fait consciente. Je pars la tête pleine de bons souvenirs. Avant de partir je veux remercier toutes les personnes que j’ai rencontrées au cours de mon séjour à Mayotte et à qui je n’aurai pas le temps de dire au revoir. Je me souviendrai de Mayotte, qui m’a si bien accueillie. Merci au groupe de Kazakoma de m’avoir acceptée sur leur liste pour les élections municipales de Pamandzi et de m’avoir donné le nom mahorais de “Mariama Dahabou”. Cette campagne électorale a été pour moi un moment extraordinaire et je suis fière d’en avoir fait partie. J’ai aussi aimé participer aux élections départementales. Je me souviendrai des innombrables
“bonjours” échangés lorsque je marchais dans les rues. Je me souviendrai de la beauté et de l’élégance des femmes vêtues de salouvas plein de couleurs. D’ailleurs ma valise débordera de salouvas et de bijoux brillants. Je me souviendrai des paysages merveilleux de l’île, du sourire et de la gentillesse de ses habitants. Je me souviendrai de mes collègues de travail qui m’ont accordé leur amitié et entourée de tant de chaleur. Je n’ai jamais regretté d’avoir quitté ma petite vie tranquille et d’être venue à Mayotte. Toute histoire a une fin, et dans mon cas, c’est une fin heureuse. Mayotte restera à jamais dans mon cœur. Marie Laure Vanier, alias Mariama Dahabou
Le poster de la semaine
Le tweet de la semaine #Mayotte, yo Fredo @Prefet976, la Légion à Mtzamboro ça passe bien dans les médias, mais TOI MÊME TU SAIS que c'est de la poudre aux yeux... @8RZ976
Les commentaires sur la page Facebook (À propos des 3 priorités d’action fixées par le nouveau préfet : l’immigration, la sécurité et le développement économique et social) Les 3 points devraient se résumer ainsi : d’abord l’immigration puis l’immigration ensuite l’immigration et puis s’il nous reste un peu de budget, penser enfin à l’immigration !!! Billy Bones (À propos de la décision du nouveau préfet de détacher un peloton de la Légion étrangère à Mtsamboro) Je n’aimerais pas jouer les trouble-fête, mais depuis que j’habite au sud, des vedettes déposent matin midi et soir des voyageurs. Mtsamboro c’est plein nord non ? Mirihan Ali (À propos de la réaction du gouvernement des Comores face à la situation à Mayotte) Il se moque du monde quand il répète deux fois : l’île comorienne de Mayotte. Commencez par démanteler la filière des kwassas et si effectivement vous tenez un discours “constructif” envers la France alors il sera très certainement plus facile pour vous de négocier des visas. Réagissez bon sang ! Allez-vous laisser ce drame se produire et reproduire encore longtemps ? Votre responsabilité dans tout ça ? Nicolas Tremoureux (À propos de la réaction du gouvernement des Comores face à la situation à Mayotte) L’État comorien, tout gouvernement confondu, n’arrête pas de dénigrer les Comoriens qu’ils soient aux Comores ou vivants à l’étranger. Ces hommes pseudo politiques improvisent et on voit vraiment que ce sont des hommes sans formations conséquentes aux postes qu’ils occupent. Ils n’arrêtent pas de mendier au détriment des Comoriens. Ils s’enrichissent aveuglément et laissent la population dans la misère. Vous avez poussé les Comoriens à fuir les 3 îles. Grâce à Mayotte beaucoup de Comoriens survivent dignement. Mohamed Misbahou Dessay
Balade sur la barrière de corail : le nom parfaitement trouvé de votre poster de la semaine. À marée basse, lors des gran des marées, émergent en effet les nom breux coraux de notre lagon. Même plus besoin de mettre la tête sous l'eau pour les admirer! Des randonnées de ce genr e sont régulièrement organisées lors des forts coefficients. Une heure et demie de balade pour une vision rare et uniq ue.
(À propos du témoignage sur vice.com d’une infirmière qui est arrivée à Mayotte en mars dernier) Déjà, étant infirmière à domicile à St Denis de la Réunion, je vois une grande misère morale et l’abandon et la solitude des personnes âgées. Quand je suis allée en congrès syndical à Mayotte, c’était la misère pure, avec à peine un toit pour s’abriter, et des infirmiers(ères) comme les missionnaires d’autrefois, avec peu de moyens, mais une foi énorme ! Bravo à tous mes collègues mahorais ! Zoreydesiles Run
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