Mayotte Hebdo n°743 (Aperçu gratuit)

Page 1



CE QUE J’EN PENSE À quoi pourrait servir un journal à Mayotte ? Nous avons créé ce journal Mayotte hebdo en mars 2000, après avoir créé le journal Kwézi, en 1996. Dans une société en pleine transformation, avec les évolutions statutaires lourdes toujours en cours, avec la départementalisation et la rupéisation, il nous paraissait déjà très important de pouvoir disposer d’un journal qui puisse accompagner ces changements, les expliciter, servir de relais, de lien entre les décideurs, les décisions et les citoyens. Cette Semaine de la presse a été l’occasion de l’expliquer à de nombreuses classes d’élèves, l’occasion de se le rappeler aussi. Un journal, à Mayotte comme ailleurs, est un moyen d’informer une population donnée, sur ce qui se passe sur un territoire défini, ou sur un thème particulier pour la presse spécialisée. Pour la presse d’information générale qui nous concerne, il s’agit d’informer toutes les personnes qui habitent à Mayotte et au-delà, sur ce qui se passe à Mayotte, et aussi un peu dans sa région. Partant de là, nous avons décidé de notre ligne éditoriale. Pour des raisons personnelles, familiales, il était évident pour nous, et nous l’avons indiqué dès le départ dans tous nos documents, qu’il s’agissait “d’apporter notre modeste contribution à un développement harmonieux de Mayotte”. Tout ce que nous faisons, tout ce que nous avons fait va donc dans ce sens : servir Mayotte et ses habitants. Tout ce que nous pensons pouvoir faire tient dans cet objectif. Plutôt que de faire la Une avec une plage sale, ce qui est tellement facile et assez “racoleur”, nous préférons aller voir une plage propre et mettre en avant ceux qui l’ont nettoyée, comment, avec quels moyens, quels soutiens ? Cela peut donner l’idée, l’envie à un autre maire, à une autre association, à d’autres citoyens d’en faire de même. Et nous restons persuadés qu’ainsi les choses avanceront, certes lentement, mais avanceront, et que les bonnes idées, les bonnes initiatives se diffuseront ainsi. Lorsqu’il y a une grève, nous prenons le parti systématiquement de donner la parole aux salariés, et aux employeurs. Chacun explique son point de vue, sa situation, ses arguments, et ensuite le lecteur se fait son point de vue. Nous n’avons évidemment pas vocation à réfléchir à votre place. C’est aussi un de nos parti pris. Lorsqu’un problème de société apparaît, nous prenons le temps d’aller voir les différents interlocuteurs, les personnes concernées, les décideurs, pour essayer de mieux comprendre. Que ce soit pour les enfants poubelle, les mineurs abandonnés sur lesquels nous avions titré souvent il y a plusieurs années déjà, que ce soit sur la prostitution, les relations MahoraisM’zungus, l’éducation ou la santé, l’immigration clandestine, sujet sur lequel nous avons consacré des numéros entiers… Nous avons toujours pensé que ces sujets méritaient du temps, des dossiers, des pages et des pages pour mieux essayer d’en cerner les contours, les enjeux, et pouvoir faire émerger des solutions. Nous avons depuis des années une rubrique intitulée “A la rencontre de…”, qui nous permet de vous présenter ceux qui bougent, ceux qui font, ceux qui agissent, dans tous les domaines, parfois en pleine lumière, parfois plus discrètement. C’est là aussi un choix, de valoriser ceux qui aident à faire avancer Mayotte, plutôt que de nous morfondre à remplir des pages avec ceux qui ne font pas grand-chose, ceux qui sont payés, mais dont les dossiers ne bougent pas. Nous pourrions pourtant remplir des pages avec tous les agents publics payés à ne rien faire, payés chers et pourtant même parfois absents du territoire… Quand nous avons lancé le Mayotte hebdo sport, puis l’élection des Sportifs de l’année il y a 7 ans, c’était pour valoriser les sportifs, mais aussi tous ceux qui y consacrent du temps, de l’énergie, souvent bénévolement : les dirigeants, les entraineurs, les éducateurs… De la même façon avec le Mayotte éco, puis les Trophées mahorais de l’entreprise, lancés après la longue et terrible grève de la fin 2011. Nous avons pensé qu’il était important, pour tous les entrepreneurs, jeunes et plus expérimentés, pour leurs équipes et pour le développement économique de l’île en général, d’apporter notre contribution et de les valoriser. Il nous semblait que cette problématique du développement économique était essentielle pour assurer un avenir plus serein à Mayotte. Dans ce sens, nous présentons ainsi quasiment chaque semaine des portraits d’entreprise, souvent avec l’Adie, la Boutique de gestion ou la Pépinière d’entreprises. Il s’agit de présenter des jeunes qui osent, qui tentent l’aventure de la création d’entreprise, avec ses difficultés, ses problèmes, mais aussi ses joies, la liberté que cela procure, les soutiens disponibles… Cela peut encourager, faire connaître un peu ceux qui se lancent, mais aussi donner des idées à d’autres qui hésiteraient. Avec une activité, une création de richesse dépendant à plus de 55 % de l’administration, Mayotte a besoin d’investisseurs, d’entrepreneurs, d’artisans. Mais un journal ce n’est pas que de l’information “générale”, il y a plein d’autres rôles. Avec le Tounda, nous mettons en avant les artistes, les acteurs de la culture, les initiatives heureuses. Et avec l’agenda du Tounda, nous mettons en avant les manifestations culturelles, les soirées, les concerts, les fêtes traditionnelles… Par ce biais, les citoyens, les lecteurs du journal trouvent des activités pour leurs week-end, des occasions de s’amuser, de découvrir. Les acteurs, ainsi mis en avant, touchent un public plus large, ce qui leur donne plus de courage encore pour continuer, fait rentrer des fonds dans les caisses des associations, qui pourront ainsi mieux s’équiper, organiser d’autres manifestations. Cela permet à certains de découvrir des cérémonies traditionnelles mahoraises, de découvrir la richesse des cultures mahoraises, de rencontrer du monde. Le journal participe là encore à créer du lien social. C’est un rôle très important, plus encore dans un territoire comme Mayotte. Nous pourrions nous lamenter sur les retards de l’île dans tant de domaines, sur les nombreux problèmes qui s’accumulent, sur les constats dramatiques et l’apparente inaction d’une partie de nos dirigeants… alors que d’autres se battent et se débattent pour tenir, pour faire avancer des projets et faire avancer Mayotte. De notre côté, nous préférons essayer de garder notre optimisme, nos espoirs que progressivement Mayotte (re)trouve sa joie de vivre, sa sérénité, que sa jeunesse s’épanouisse, que l’île puisse enfin apporter sa pierre au développement de la région, avec tous les atouts dont elle dispose. En espérant que le journal pourra encore contribuer à cette mission qu’il s’est fixée. Laurent Canavate


Ce que vous en dites CHRONIQUE Des taxis et des hommes "Salam alikoum", il a dit. "Alikoum Salam", j'ai répondu. Il a démarré sa vieille Renault Mégane et s'est mis à rouler entre les trous. D'un coup, il m'a demandé : - "C'est en quelle année que Chirac s'est retrouvé face à Le Pen? - En 2002, j'ai répondu. Il a continué. - "À Mayotte aussi on avait manifesté pour Chirac. On était nombreux ! J'ai pris la parole devant toute cette foule. J'ai dit "Regardez les enfants d'aujourd'hui, dans 10 ans ils seront adolescents, et on va en faire quoi ? On renvoie les parents, mais ces gosses se retrouvent tout seuls. Dans 10 ans vous verrez, vous devrez vivre derrière des barreaux, et même au quatrième étage, il faudra que vous mettiez des barbelés. "À l'époque déjà, on voyait des gamins de quatre ou cinq ans aller manger dans les poubelles, tu comprends." Je me suis dit que ce chauffeur de taxi était vraiment lucide. Pourquoi les politiques n'écoutent-ils pas les types lucides ? Ce genre de chose m'échappe complètement." Le problème, a-t-il continué, c'est qu'aujourd'hui tu peux plus corriger un gamin. Avant, tout le monde participait. Quand je voyais un gamin où il ne devait pas être, je lui disais "Toi là, tu fais quoi? Rentre dans ta maison." Et s'il ne le faisait pas, j'allais voir ses parents. Et ils t'en remerciaient. Et c'était comme ça partout dans les villages. L'éducation, la morale, ça concernait tout le monde. - C'est plus trop le cas… ici ou ailleurs, d'ailleurs. - Non, maintenant, tu vas dire quelque chose aux parents, les mamas te répondent "Mais pourquoi tu parles à mon enfant toi?" Alors je ne dis plus rien. Personne ne dit plus rien." J'ai eu envie de lui demander ce qu'il prévoyait pour dans 10 ans, mais je ne l'ai pas fait. Nous étions arrivés à destination. J'ai dit "Marahaba." Il a répondu "Ewa, marahaba! Et au plaisir." Il m'a ouvert la porte car la poignée était cassée. Je suis sorti de sa vieille Mégane. Il pleuvait un peu, et des barreaux des maisons perlaient quelques gouttes d'eau. A.J.L.T

4

Lettre ouverte à Ericka Bareigts, Secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle

Des conditions de travail inacceptables dans nos écoles Madame la Secrétaire d’État, Par le courrier du 7 novembre 2014 de la ministre de l’Éducation nationale, adressé aux maires, nous avons compris que les moyens étaient mis en place pour que les rythmes scolaires se passent avec plus de facilité, pour toutes les communes sans distinction. Malheureusement, dans notre commune de (Ouangani-Mayotte) les difficultés s’accumulent depuis l’année dernière (2014-2015), l’année de mise en place des nouveaux rythmes scolaires. - Où est l’égalité réelle quand nos enfants sont obligés de travailler sans matériels dans les écoles de la République ? De la maternelle au cm2, nos écoles souffrent cruellement de matériels collectifs : manuels scolaires, matériels informatiques... Alors que les fonds sont disponibles chaque année pour chaque classe. - Où est l’égalité réelle quand nos enfants sont obligés de travailler sans restauration dans les écoles ? Seuls des bouts de pain sucrés sont donnés aux enfants, et cela tous les jours. Vous comprenez, Madame la Secrétaire d’État, que la santé de nos enfants est mise en danger dans les enceintes des écoles.

MAYOTTE HEBDO N° 743 r 1ER AVRIL 2016

Pas de repas chauds, alors que les enfants arrivent à 8h et repartent à 15h. Un service de restauration convenable doit voir le jour rapidement pour toutes les écoles primaires de la commune. Quand le diabète est un problème de santé publique dans les outre-mer, nous devons tous réagir depuis dans nos écoles. - Où est l’égalité réelle quand nos enfants sont obligés de travailler avec des pauses méridiennes. Sans activités périscolaires ? Nos enfants sont obligés de rentrer à la maison à 11h30, même si les parents qui travaillent ne sont pas à la maison à ces heures. Les activités d’éveil sont absentes. - Où est l’égalité réelle quand nos enfants sont obligés de travailler avec seulement une partie du programme ? Ce manque de matériel fait que la compétence 4 (la maitrise des techniques usuelles de l’information et de la communication) du palier 2 du livret des compétences n’est même pas abordée dans la commune de Ouangani. La compétence 2 (la pratique d’une langue vivante étrangère) du palier 2, n’est pas abordée non plus. Ce ne sont que des retards pour nos enfants par rapport à leurs homologues des autres départements. - Où est l’égalité réelle quand nos enfants sont obligés de travailler dans des lieux sans sécurité ? L’école maternelle de Barakani, entre qui veut et à n’importe quelle heure. Dans une période où les écoles doivent être un lieu de sûreté et rassurant pour les élèves et tout le personnel qui y travaille.

Mayotte d'hier Au milieu des années 70, les Mahorais se mobilisent pour rester Français et ne pas être rattachés aux Comores, qui obtiennent leur indépendance. "Nous voulons rester Français pour être libres", devient un slogan qui a marqué l'histoire de Mayotte. Quelque quarante années plus tard, l'île deviendra le 101ème département de France.


Sondage (371 votants) Selon-vous, quel serait le juste prix pour un billet d'avion Dzaoudzi - Paris (aller-retour) ?

LE COURRIER DE LA SEMAINE

entre 300 et 400 €

7,28%

SÉ-CU-RI-TÉ Surtout pas de rez-de-chaussée ni de jardin… Cette tribune ouverte est une bonne initiative. Puisse-telle aboutir à quelque chose ? Mon point de départ de cet écrit part d’un constat personnel : récemment en recherche d’un logement, j’ai réalisé que mes critères de sélection avaient changés : Là où auparavant, je recherchais un certain isolement, le calme, les zones verdoyantes…à présent et suite à quelques « mésaventures », mes critères de sélection s’orientent vers la SE-CU-RI-TE : le moins de marche à pied de la voiture à la porte d’entrée, le plus de promiscuité possible, des barbelés, des barreaux, surtout pas de Rez de chaussée ni de jardin… Un ami m’a récemment avoué qu’en ce qui le concerne, son critère principal,

Avec cet immobilisme général, Madame la Secrétaire d’État, quand les Mahorais verront-ils leurs enfants occuper les plus hautes fonctions de l’État (Secrétaire d’État ou même Recteur… ) ? Les situations que nos enfants vivent sur le territoire de Ouangani méritent qu’on s’y attarde sérieusement. Restant disponibles pour des éventuels entretiens, veuillez croire Madame la Secrétaire d’État, l’expression de nos sentiments distingués. Les parents d’élèves des écoles de Barakani

• Je tiens à informer la population mahoraise, nos représentants locaux et de l’Etat en fonction à Mayotte de mes inquiétudes sur l’avenir de notre île. J’ai remarqué que la plupart des gros

entre 400 et 500 €

18,06%

dans le choix d’un logement était de savoir s'il allait être en mesure de rentrer son scooter dans son salon ou pas. Qui a ce genre de préoccupations en dehors de Mayotte ? Le problème sur cette île, c’est que l’on est contraint de mettre de côté tout ce qui est logement « charmant et authentique » au profit de ce qui est inesthétique, mais qui nous sécurise : personne n’a vocation à vivre dans un logement-prison mais, malheureusement, plus on est barricadé plus on est rassuré. De plus en plus de quartiers deviennent hostiles à tout projet de vie familiale et la liste s’allonge de jour en jour : tôt ou tard, les lieux acceptables pour habiter et vivre sereinement se réduiront comme peau de chagrin et je pense que nous n’en sommes déjà pas très loin. Elsa Fregiste

entre 500 et 700 €

48,25% entre 700 et 800 €

4,86% entre 800 et 1500 € (tarifs actuels)

0,27%

Le tweet de la semaine À #Mayotte aucune station @Total n'applique la loi sur l'affichage des prix. Pourquoi ? @LaurentDebesser

chantiers de notre territoire ont été initiés par la génération de Monsieur Bamana comme la création de nos routes, des réseaux électriques, des dispensaires dans chaque commune, des écoles, le port, le branchement en eau potable, et j’en passe. Après j’ai l’impression que tout à tendance à ralentir ou voire même s’arrêter. Monsieur le préfet et président du conseil départemental, il est peut-être temps de réveiller la belle Mayotte endormie et de vous impliquer pour son avenir en débloquant des fonds au profit des porteurs du projet. Il faut créer de l’emploi afin d’éviter le fléau grimpant de l’insécurité qui bouleverse à tout niveau notre île. Par ailleurs, nos jeunes après leurs études en métropole ou à l’ile de la Réunion reviennent et il nous est nécessaire de préparer leurs retours en créant des activités de tous types pour dynamiser l’économie locale et aussi remettre en valeur l’image de Mayana. Notre territoire est jeune et a aussi plusieurs richesses pour sa population, mais malheureusement il nous manque une réelle volonté politique. Antoy Mohamadi

Les commentaires sur la page Facebook (en réaction à l'édito de la semaine dernière) "Tout est dit et cela a déjà été dit et répété à de nombreuses occasions et Mayotte est dans une spirale de l'inverse de ce qui devrait se passer. Tout le monde en est conscient et pas grandchose ne se passe pour redresser la situation. L'évolution dans le bon sens est au ralenti et au strict minimum par un manque de volonté et non par un manque de savoir-faire ou de moyens." Herbert Koell (en réaction au fait que la communauté de communes du sud a maintenu le vote vendredi dernier alors que les délégués présents savaient que l'élection serait rejouée quelques jours plus tard): "Alors que l'urgence se fait sentir à penser en termes économiques, Mayotte reste figée dans sa posture "historique" des considérations politiques et surtout politiciennes. Fini le temps des petits pouvoirs avec gros avantages personnels pourtant. Place aux stratégies de développement et à l'action. La départementalisation est acquise mais l'approche ne change pas. A croire finalement que Mayotte préfère demeurer sur des schémas comoriens, ceux des réunions à n'en plus finir qui débouchent sur ... quoi ?" Jacques Giraud

1ER AVRIL 2016 r MAYOTTE HEBDO N° 743

5


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.