LE MOT DE LA RÉDACTION
RETOUR AUX SOURCES Nombreuses sont les semaines où les faits divers ont fait la Une. Barrages, caillassages, grèves, insécurité, immigration, habitat insalubre, convergence sociale... À Mayotte, les sujets se suivent et souvent, se ressemblent. Alors, comment ne pas profiter du retour au pays de l’un des Mahorais les plus connus de sa génération pour simplement s’asseoir et discuter avec lui ? Car les artistes de l’île en sont, par-delà les articles anxiogènes et les statistiques peu flatteuses, les meilleurs ambassadeurs. Car lorsque Meiitod dévoile une nouvelle chanson, c’est, parfois même sans qu’il le veuille, toute son île qui profite de sa lumière. Au détour d’un complet en shimaoré, d’un bijou à la forme de Mayotte fièrement arboré, le jeune chanteur dont la carrière est en pleine ascension, n’oublie jamais de faire un clin d’œil au petit bout de terre de son enfance. Celui-là où dix ans plus tôt, il donnait rendez-vous à ses copains dans une case en tôle pour ses premières sessions d’enregistrement. À l’époque, personne ne pouvait lui prédire un tel succès. Il faut dire que depuis Mayotte, il peut être plus difficile de faire son trou dans l’industrie. Plus difficile, oui, mais certainement pas impossible. Et Meiitod l’a prouvé. . Bonne lecture à toutes et à tous.
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TCHAKS LE CHIFFRE 80%
C’est ce que représente la biodiversité ultramarine à l’échelle nationale. Alors, pour préserver ce joyau naturel menacé par le réchauffement climatique et le tourisme notamment, le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu et Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la biodiversité, ont annoncé le lancement d’un compteur dédié et appellent “à la mobilisation de tous en faveur de ce patrimoine et des récifs coralliens”. Cet outil numérique fournit des indicateurs pour comprendre et évaluer la biodiversité ultramarine. “Il invite chacun à adopter des écogestes concrets et à participer à la connaissance via les sciences citoyennes”, développe le ministère. Retrouvez dès à présent le compteur de la biodiversité ultramarine à l’adresse https://biodiversite-outremer.fr/.
LA PHRASE
L'ACTION
Une campagne inédite contre les violences sexuelles sur les mineurs
Depuis ce 8 septembre et jusqu’au 20 novembre, une campagne de sensibilisation et de lutte contre les violences sexuelles sur mineurs intitulée #Wamitoo est menée par différents acteurs locaux, associatifs et institutionnels. L'événement, lancé par l’association Haki za Wanatsa et le collectif CIDE Mayotte (convention internationale des droits de l’enfant), est une première à Mayotte, où une quinzaine de signalements sont remontés au rectorat chaque semaine. D’où la volonté de pouvoir s’adresser à un maximum d’enfants, de tous les âges et de tous les milieux sociaux. La campagne se clôturera par un colloque qui permettra d’établir un bilan de ce qui a été réalisé. Pour l’occasion, une bande dessinée intitulée “Deux cailloux sur la mer” sortira dans le même temps. la Ville s’engage également à doubler ses effectifs d’ici cinq ans.
“Ces mesures sont notre dernière chance d’éviter un confinement et une vague aussi meurtrière qu’aux Antilles.”
Lundi, Thierry Suquet, préfet de Mayotte, a annoncé un durcissement des mesures sanitaires afin d’endiguer la propagation du variant Delta sur le territoire, qui représente 95% des échantillons séquencés. Ainsi, depuis ce mercredi 8, un nouvel arrêté préfectoral prévoit le rétablissement du port du masque dans l’espace public en intérieur comme en extérieur ; la réduction des jauges à 50% dans les commerces et lieux de culte ; l’interdiction de la musique amplifiée dans l’espace public ; l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes, (hors présentation du passe sanitaire et sous réserve d’une autorisation préalable à solliciter auprès de la préfecture dix jours avant l’événement) ; enfin, la gratuité de l’eau aux bornes fontaines monétiques. Il est par ailleurs fortement recommandé aux employeurs d’encourager le télétravail et aux ménages de limiter le nombre d’invités extérieurs au foyer à six personnes.
ELLE FAIT L’ACTU Estelle Youssouffa candidate aux élections législatives
Invitée au micro de Mayotte La 1ère mercredi dernier, la présidente du collectif des citoyens de Mayotte a annoncé être candidate aux élections législatives de 2022, lors desquelles les Mahorais passeront aux urnes afin d’élire leurs deux nouveaux députés. Estelle Youssouffa a par ailleurs précisé se présenter sans étiquette, estimant qu’aucun parti national ne saurait répondre aux problèmes très spécifiques de Mayotte et bien différents de ceux de la métropole. “Je serai une mercenaire au service de Mayotte”, a-t-elle affirmé, en citant le combat des Sorodas, également sans parti. Nul doute en revanche que son programme sera axé autour de l’insécurité et de l’immigration, à l’image de l’action du Collectif. Estelle Youssouffa et son frère Christophe comparaissaient par ailleurs devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou mercredi pour “actes de rébellion" en marge de la venue du président Macron, fin 2019. Une décision sera rendue la semaine prochaine.
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LU DANS LA PRESSE
Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale
OUTRE-MER : LES DÉPUTÉS S'ACCORDENT SUR UNE PROLONGATION DE L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE JUSQU'AU 15 NOVEMBRE Le 7 septembre, par Raphaël Marchal pour La Chaîne Parlementainre
L'Assemblée nationale a adopté, mardi 7 septembre, le projet de loi prolongeant l'état d'urgence sanitaire dans les outre-mer jusqu'au 15 novembre, par 90 voix contre 13. Le texte a recueilli un large consensus, alors que l'épidémie de Covid-19 continue de faire peser une forte pression sur le système de santé dans la plupart des territoires ultramarins. Les outre-mer connaissent la "pire situation sanitaire" depuis le début de la pandémie de Covid-19 en 2020. Le constat, dressé par le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, n'a pas été contestée par les députés. Et la nécessité de disposer des outils les plus efficaces pour faire face au virus et à son redoutable variant Delta a permis de réunir un large consensus : par 90 voix contre 13, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi "autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire dans les outre-mer" jusqu'au 15 novembre. Le texte doit désormais être examiné par le Sénat. Les territoires concernés par le projet de loi sont la Guyane, La Réunion, la Martinique, la Guadeloupe, Saint Barthélemy, la Polynésie française et Saint Martin, où le régime d'exception est déjà décrété. Comme l'a annoncé Sébastien Lecornu durant la séance, la Nouvelle-Calédonie, où des cas de Covid-19 ont été détectés ces derniers jours basculera dès cette semaine en état d'urgence sanitaire. Par ailleurs, à Mayotte, et au sein des îles Wallis-et-Futuna, le régime pourra également être décrété jusqu'à la mi-novembre, si besoin. Pas Saint-Pierre-et-Miquelon, en revanche : alors que ce territoire est jugé "Covid free", il a été exclu du dispositif, via un amendement de Jean-Pierre Pont (LaREM), le rapporteur du texte.
LES INSOUMIS FAROUCHEMENT OPPOSÉS AU TEXTE La principale opposition est venue des Insoumis, seul groupe à véritablement s'opposer au texte sur le fond. Tour à tour, Jean-Luc Mélenchon, Danièle Obono, Mathilde Panot ou encore Jean-Hugues Ratenon ont fustigé l'impréparation de l'État, les faiblesses structurelles des services de santé par rapport à l'Hexagone, les comorbidités identifiées de la population ou encore les manquements en termes d'accès à l'eau en Martinique, en Guadeloupe, à la Mayotte. Une motion de rejet préalable a été écartée par l'Assemblée nationale. Plusieurs élus ultramarins, sans forcément marquer une opposition comparable, ont par ailleurs regretté que le projet de loi soit trop généraliste et ne détaille pas suffisamment la situation de territoires très différents et dont la situation sanitaire n'est pas forcément la même. Un constat qui avait déjà émergé devant la délégation aux Outre-mer. Karine Lebon (GDR) comme Nathalie Bassire (LR) ont ainsi regretté que La Réunion soit concernée, alors que la situation sanitaire est assez comparable à celle de l'Hexagone. Olivier Serva (LaREM) a, lui, estimé que cette prolongation de l'état d'urgence sanitaire était "nécessaire", mais pas "suffisante", appelant à accentuer les efforts en matière de santé, de production de l'oxygène et à lutter contre "l'apoplexie économique et administrative" des outre-mer. Sébastien Lecornu a pour sa part rappelé le caractère technique du texte, en garantissant une application "territorialisée" des mesures prévues par l'état d'urgence sanitaire et adaptée à la réalité de chacun de ces territoires ultramarins.
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PORTRAIT
Raïnat Aliloiffa
AZMA
MOHAMED 6•
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ENTREPRENEUSE AU SERVICE DES FEMMES À 27 ans, Azma Mohamed, originaire de Pamandzi, vient de créer son entreprise entièrement dédiée au bien-être des femmes. Wema Organics propose des solutions naturelles à base de plantes traditionnelles africaines pour que la femme se sente bien dans son corps. Un concept qui en a déjà séduit plus d’une.
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PORTRAIT
Il y a un an, Azma Mohamed était loin d’imaginer qu’elle serait chef d’entreprise aujourd’hui. Son parcours professionnel est plutôt orienté vers les banques et les assurances. Consultante dans ce domaine, elle se retrouve comme la plupart des Français confinée chez elle en mars 2020. Dès lors, elle passe ses journées à discuter avec un groupe de filles qui partagent des astuces entre elles. La jeune maman leur fait alors découvrir des plantes ivoiriennes qu’elle a utilisées après son accouchement. « Ce sont des plantes que l’on utilise en bain de vapeur vaginal ou en thé. Ce sont des secrets de femmes en Afrique, malheureusement pas assez connus en Europe », raconte-t-elle. Cette dernière partage ses secrets sur les réseaux sociaux et reçoit de nombreux messages de femmes qui souhaitent en bénéficier. De fil en aiguille, la jeune femme finit par commander certaines plantes qu’elle vend à son groupe d’amies. « J’avais
tellement de commandes que je n’arrivais pas à gérer. En même temps, il était primordial pour moi de déclarer mon activité », se souvient-elle. En deux mois, Azma Mohamed dépose sa marque Wema Organics, mais elle veut aller encore plus loin. Passionnée par sa nouvelle activité, elle décide d’y investir son temps et ses économies. Et s’envole même pour les États-Unis, dans le but de gagner en légitimité. « J’ai suivi une formation d’une semaine et j’ai été diplômée en tant que praticienne apte à accompagner une femme lors d’un bain de vapeur vaginal », préciset-elle fièrement. Cette pratique est très répandue outre-Atlantique où il y existe par ailleurs des instituts entièrement dédiés. « C’est très connu là-bas parce que les bains de vapeur vaginaux sont bénéfiques à la femme. Ils diminuent les infections vaginales, les kystes ovariens, les douleurs liées aux règles », égraine Azma Mohamed, qui rappelle toutefois ne
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pas être médecin et qu’en cas de problème grave, elle redirige ses clientes vers un professionnel de santé.
UNE APPROCHE HOLISTIQUE Mais la Pamandzienne d’origine souhaite offrir une alternative naturelle aux femmes qui souffrent de petits désagréments intimes en leurs faisant découvrir la médecine holistique. « Ma motivation est d’aider les femmes à se sentir bien dans leur corps et dans leur esprit en utilisant des pratiques ancestrales et des plantes 100% naturelles. » Elle propose également du thé qui permet de « nettoyer le ventre » et de « favoriser l’ovulation ». À cela s’ajoutent des poudres aphrodisiaques, des produits naturels de bien-être en tout genre… Le site de Wema Organics n’est pas encore opérationnel, mais le bouche-à-oreille semble déjà porter ses fruits pour Azma Mohamed. En peu de temps, des femmes aux quatre coins de la France, y compris aux Antilles, la contactent pour acheter ses plantes. « Je pensais que ça n’allait intéresser
personne, ça a été tout le contraire ! », se réjouitelle, encore surprise de l’engouement que suscitent ses produits. Cela la pousse à se perfectionner pour offrir un service de qualité, puisqu’elle participe ellemême à la conception des produits du début à la fin. « Je veux que les femmes se sentent accompagnées, je veux leur offrir quelque chose de bien, mais aussi de beau », indique l’entrepreneuse. Elle met donc un point d’honneur à proposer un packaging épuré et féminin. Sa nouvelle entreprise occupe la plupart de son temps, mais Azma Mohamed l’assure : elle n’est pas prête à abandonner son métier de consultante en banque et assurance. « J’aime beaucoup mon travail, je ne peux pas le laisser pour l’instant. Lorsque le site sera en ligne, je ne sais pas ce que ça va donner, mais je vais gérer. » Wema Organics n’en est qu’à ses débuts, mais Azma Mohamed ne se ferme aucune porte. Elle souhaite intégrer les plantes locales dans ses produits phares. Avant cela, elle compte d’abord « voyager aux Comores et à Mayotte, parce que je veux connaître les produits que je propose », affirme-t-elle. Et pourquoi pas, par la suite, créer son institut dédié au bien-être de la femme, comme c’est le cas aux États-Unis ? C’est tout le mal qu’on lui souhaite. n
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GRAND ENTRETIEN
LA MÉTHODE
MEIITOD
Ici, sur l’île où il a grandi, Meiitod n’est pas « que » le jeune chanteur a succès dont les derniers clips culminent à plusieurs millions de vues sur YouTube en seulement quelques mois. Ici, Meiitod est d’abord Adrien. Celui qui une dizaine d’années plutôt bidouillait le micro des écouteurs de son téléphone pour pouvoir enregistrer ses premiers morceaux, dans une case en tôle érigée sur les hauteurs de Bandrélé, avec sa bande de copains. Ceux-là qui dès le collège, lui ont donné le surnom dont il a fait son nom de scène. Depuis, sa carrière a connu une ascension fulgurante, sur le continent et en Afrique notamment, bien au-delà des frontières qu’impose l’océan à Mayotte. Son « petit bout de terre » dont il est devenu la fierté, l’ambassadeur. Le porte-voix.
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GRAND ENTRETIEN
"Quand on est capable de conquérir le public mahorais, on est capable de conquérir tous les publics. "
Mayotte Hebdo : Vous avez fait vos premiers pas dans la musique ici, à Mayotte, une dizaine d’années plus tôt, avant d’aller vous installer en métropole. Aujourd’hui, vous sortez votre premier EP, Silence, que vous avez pu jouer devant le public mahorais. Un retour aux sources ? Meiitod : C’est la première fois que je revenais à Mayotte depuis la sortie de mon EP, Silence, et ça fait vraiment du bien de pouvoir être là, c’est une ambiance qui m’avait manqué.C’est avec le public mahorais que j’ai fait mes premières armes et je dis souvent que quand on est capable de conquérir le public mahorais, on est capable de conquérir tous les publics. Il faut apprendre à l’apprivoiser, à l’amener avec toi, c’est une super bonne école. M.H : Pourquoi le public local est-il plus difficile à conquérir selon vous ? Meiitod : Il n’y a pas une culture très ancienne du spectacle à Mayotte, en dehors des événements traditionnels et religieux. La culture musicale n’est pas aussi vieille qu’en Grande Comore ou à Anjouan par exemple. Ici, la musique a parfois même été diabolisée… Il n’y a pas si longtemps que ça, quand j’étais petit, la musique était mal vue. Donc il n’y avait pas la culture du spectacle, ni même du public. J’ai souvenir, quand j’étais petit, lorsque certains chanteurs venaient de métropole les gens restaient assis devant la scène, les bras croisés, en train d’observer. Ça veut pas dire qu’ils n’aiment pas, mais il n’y
avait pas le réflexe de danser, d’applaudir, de crier… Le public mahorais, il faut l’emmener avec soi, le guider, et moi ça m’a appris l’interaction avec le public. Sur scène, je parle, je fais le show, je suis presque un stand-upper, on ne peut pas juste venir et chanter. Il faut connaître, comprendre, analyser… On développe presque des facultés de sociologue ! M.H : Vous êtes mahorais, de par votre père, et avez passé toute votre jeunesse ici. Depuis, votre carrière a explosé en métropole et dans certains pays d’Afrique notamment. Lorsqu’un artiste local réussit, on pense souvent qu’il représente l’île. Partagez-vous ce sentiment ? Meiitod : D’une certaine manière,et même si je ne le voulais pas, j’ai le sentiment de représenter Mayotte sur scène. Il y a des choses qui font partie de moi que j’ai acquises ici. Mayotte m’a construit, et elle me suit aujourd'hui encore. D’ailleurs, dans pas mal de mes chansons il y a des phrases en mahorais, c’est comme ça que j’ai commencé. Je suis métis. Ma maman est Lorraine, je suis né à Strasbourg et vers mes quatre ou cinq ans je suis arrivé ici, d’où est originaire mon père. Mes premiers souvenirs clairs sont à Mayotte. Pour moi, c’est comme si j’avais toujours été ici. C’est la culture qui m’a bercé. Par ma mère, j’ai un pied dans la culture occidentale, mais j’ai aussi habité chez ma grand-mère à Bandrélé ce qui m’a permis de connaître tous les aspects de mon métissage. M.H : Et c’est aussi ici, à Mayotte, que vous avez forgé votre passion pour la musique et le chant… Meiitod : C’est ici que j’ai vraiment découvert la musique. J’ai toujours aimé ça, depuis tout petit et c’est à Mayotte que j’ai commencé à m’enregistrer pour la première fois avec un logiciel sur l’ordinateur. Ça m'a permis de matérialiser cet amour pour la musique, et tout ça s’est fait ici.
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"On prenait les micros de nos écouteurs, on les bidouillait et on les reliait à l’unité centrale... "
Petit, j’écoutais beaucoup de musique. Mon meilleur ami d’enfance, un clandestin, disons les choses comme elles sont, avait une petite case en tôle dans les hauts de Bandrélé et il avait justement un ordinateur. Un jour je suis venu chanter chez lui, je m’en souviens encore, il fallait passer par la campagne, traverser les champs, et ça a été mon premier rapport à l’enregistrement. Plus tard, j’ai rencontré un autre mec de Bandrélé qui touchait un petit plus au DJing, mais c’était quand même à l’ancienne, on prenait les micros de nos écouteurs, on les bidouillait et on les reliait à l’unité centrale, c’était vraiment roots. Mais c’est une super école, ça te permet de ne pas te concentrer uniquement sur la qualité du matériel, alors t’essaies de compenser avec d’autres choses. Dans mon cas, c’est les paroles, la mélodie, c’est un peu comme s’entraîner pour un marathon avec des poids aux pieds : ça te permet de te muscler davantage, et le jour où tu les enlèves tu sens une certaine facilité. M.H : Justement, à cause du manque de studios, d’équipements ou de professionnels, n’est-ce pas plus difficile qu’ailleurs de faire de la musique à Mayotte et d’en vivre ? Meiitod : À Mayotte, c’est difficile de réussir à vivre de la musique. Mais difficile d’en faire, je ne suis pas
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Les souvenirs d’une île apaisée Voilà deux ans que Meiitod n’avait pas posé le pied sur l’île de son enfance. Et celle qu’il retrouve aujourd’hui est bien loin des souvenirs qu’il en a gardés : “Je vois l'île évoluer super vite, dans le bon sens et dans le mauvais sens : il y a de plus en plus d’infrastructures, de possibilités, touristiques notamment, mais on ne peut pas ignorer cette montée incroyable de la violence, de la délinquance… Ça a vraiment changé à ce niveau-là. Quand j’étais plus jeune, on pouvait aller dormir à la plage entre potes, on pouvait se balader à pas d’heure, il y avait quelques secteurs qu’on craignait mais la majorité de l’île était safe. Maintenant, c’est clair qu’il y a des choses qu’on n’ose plus faire, il y a aussi une montée de la peur… Une époque est révolue et on ne peut plus tout à fait vivre comme avant. Mais j’espère qu’avec le temps ça évoluera dans le bon sens. C’est vraiment dommage, on a une île avec un tel potentiel, sur tous les plans.”
"Au départ, je ne chantais quasiment qu’en mahorais..."
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d’accord. OrelSan avait écrit une phrase que j’adore : “Si tu veux faire un film, t’as juste besoin d’un truc qui filme” et moi c’est une philosophie que j’ai toujours eue. Si tu veux enregistrer, t’as juste besoin d’un truc qui enregistre. Ici, on part peutêtre d’un peu plus loin mais je crois que quand on veut vraiment faire quelque chose, on n’a pas d’excuses, on fait, on essaye, on refait, on réessaye et on finit forcément par y arriver quand c’est ce qu’on veut au fond de soi. M.H : Quel regard portez-vous sur la scène mahoraise actuelle ?
" Pour moi la vraie variété, c’est celle de l’époque Brel, Aznavour, Brassens, etc "
Meiitod : Pour moi ça n’a jamais été vraiment structuré. On y retrouve beaucoup d’horizons différents, qui se rencontrent ou ne se rencontrent pas, mais il y a beaucoup de talent à Mayotte, ça on ne pourra jamais l’enlever !
Maintenant, il y a une vraie difficulté à créer une industrie, entre les chanteurs traditionnels qui reviennent en force comme Zily, et les chanteurs un peu plus modernes. Il y a aussi une fracture entre la jeunesse et les personnes plus âgées. Comme partout en France mais encore plus à Mayotte, il y a un manque d'homogénéité, on arrive pas à créer quelque chose de stable au niveau de l’industrie parce qu’on se comprend pas encore nous-mêmes. C’est très dur de se développer artistiquement à Mayotte et on voit qu’ici quasiment personne n’en vit, alors que c’est pas le talent qui manque. Ce qui manque justement, c’est les structures, les possibilités d’en faire un travail… Je crois qu’il y a une schizophrénie qui se développe dès lors que tu galères à atteindre tes objectifs. Ici, certains jeunes ont beaucoup de talent mais quand ils cherchent une main tendue pour pouvoir se développer, ils ne la trouvent pas… M.H : Est-ce pour cette raison que vous avez décidé de partir vivre en métropole à vos 18 ans ? Meiitod : Comme beaucoup, je suis parti de Mayotte à la majorité, pour intégrer la Music Academy International de Nancy, en ingénierie son. À mon époque, il était compliqué de faire des études supérieures en restant sur place : je suis parti l’année où le CUFR a été
inauguré. Depuis, je vois qu’il y a déjà plus de possibilités…
Sur le plan musical, ça m’a énormément aidé de partir de Mayotte. Ici, on a 10 000 difficultés en plus et il ne faut pas oublier qu’on est sur un petit caillou perdu dans l’océan Indien, et on n’a encore pas assez de contact vers l’extérieur, même si on est en train de s’ouvrir. Au départ, je ne chantais quasiment qu’en mahorais et quand je suis arrivée en métropole, ça faisait déjà trois ans que je faisais des scènes activement à Mayotte. Alors j’ai voulu fermer le “projet Mayotte” pour en commencer un nouveau, pour essayer de transposer ça en métropole, commencer à chanter en français et réussir à dépasser des barrières que je n’avais encore jamais osé franchir.
Le mot de Faz, son manager et ami d’enfance “Je connais Meiitod depuis tout petit, quand il n’était pas encore artiste. Je dormais chez sa grand-mère, il dormait chez moi. On s’est perdus de vue après le bac, je suis parti à La Réunion et lui en métropole. En 2017, j’ai fini par y aller moi aussi et c’est là qu’on s’est recroisés, et on a décidé de marcher ensemble. Au début, on était dans un label qui s'appelait Magistral Music, et depuis on ne s’est plus quittés. Je ne me serais jamais investi dans le projet si je n’avais pas eu confiance. Dès le début, je savais qu’il y allait y avoir quelque chose avec Meiitod, mais je ne savais pas à quel moment, alors je me suis dit “On fonce” ! Et on a toujours été d’accord sur ce point-là. Et grâce à Dieu, aujourd’hui on est là ".
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Le mot de Kaf, son réalisateur “Son manager m’a contacté après avoir vu un clip que j’avais réalisé pour un artiste de La Réunion, d’où je suis originaire. À ce moment-là, Meiitod ne faisait pas les millions de vues qu’il fait aujourd’hui, mais j’ai senti qu’il avait beaucoup de potentiel. Avec son timbre de voix, son style vestimentaire et sa belle gueule, je savais qu’il y avait quelque chose à faire, alors on s’est lancé. Et au-delà du côté pro, le côté “mahorais” me rappelle l’ambiance de chez moi, des îles, et ça me parle beaucoup !”
M.H : Depuis,le nom de Meiitod a fait son trou dans l’industrie musicale, à tel point que plusieurs de vos clips affichent des millions de vues sur YouTube en seulement quelques mois, comme Tes Yeux (6,7 millions), Sablier (4,1 millions)... Du jamais vu pour un artiste mahorais. Quel est le secret de cette ascension ?
Meiitod : Il y a eu un déclic quand j’ai commencé à relier mon amour pour l’écriture et mon amour pour la musique. Avant, je dissociais beaucoup les deux : je faisais de la musique et j’écrivais à côté. Puis à un moment j’ai pris conscience que je pouvais mettre cet amour pour l’écriture au service de ma musique, et c’est avec un morceau qui s’appelle Arrêt de bus que j’ai commencé à avoir une approche beaucoup plus littéraire, et j’ai vu que ça a plu (le morceau totalise à ce jour 3,7 millions de vues en un an, ndlr). Et aujourd’hui encore, les gens me disent souvent que ce qu’ils aiment dans mes chansons, ce sont mes textes.
quand j’écris, j’ai mon approche à moi, faite de plein de petits morceaux différents. M.H : Votre style est parfois assimilé au R&B, d’autres fois à la variété française. Comment le définiriez-vous ? Meiitod : C’est dur de définir l’art, de définir un genre. Je pense qu’il y a du R&B en effet, un peu de variété française actuelle aussi. Pour moi la vraie variété, c’est celle de l’époque Brel, Aznavour, Brassens, etc. D’un autre côté, je suis aussi forcément inspiré par mes origines, donc parfois je me rapproche un peu plus du style est-africain. M.H : D’autres genres musicaux vous font-ils de l'œil ? Meiitod : Ouais, tout le temps ! J’essaie tout le temps de me renouveler, et c’est aussi comme ça que j’ai construit mon EP, en m’autorisant des choses que je ne m'autoriserais pas forcément sur les sorties single. La musique, c’est une industrie, il faut être toujours présent et si tu enchaînes trois sons qui marchent pas, on commence directement à t’oublier. Alors quand tu sors un album ou un EP, tu peux prendre plus de liberté, parce que c’est un projet d’ensemble. Par exemple, dans mon EP, il y a un morceau très R&B/ pop qui s’appelle Silence, où j’ai voulu retrouver des vibes un peu Rythm and blues à la Michael Jackson, il y a aussi un son beaucoup plus Dancehall, ce que j’aime vraiment, c’est faire plein de choses et explorer des nouveaux styles tout le temps.
sources
M.H : Après la sortie de votre EP Silence en début d’année, quels sont vos projets désormais ?
Meiitod : Beaucoup de choses m’inspirent, mais je suis un grand fan des grands écrivains, des poètes. Ça peut aller d’Apollinaire à Booba, qui pour moi est un génie de l’écriture dans le rap, en passant par Brel… Je m’inspire de plein de choses différentes. Parfois même, j’entends des potes dire des phrases sans réfléchir et je les note parce que je les trouve incroyables. Toutes ces choses mises bout à bout font que
Meiitod : On a fait notre petite tournée à Mayotte, mais malheureusement on ne peut toujours pas faire ce qu’on veut au niveau des concerts, des dates, il y a encore beaucoup de restrictions. Alors on va déjà commencer à travailler sur le prochain EP qui devrait sortir fin d’année ou début 2022. On a aussi commencé à travailler avec le label de Maître Gims à Paris avec qui on
M.H : Quelles d’inspiration ?
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a signé récemment, donc forcément on va pouvoir rencontrer et travailler avec de nouvelles personnes, composer et écrire pour d’autres gens, c’est quelque chose que j’aime aussi beaucoup faire. Tout ça va me permettre de m’épanouir en tant que compositeur.
elle, que c’est son texte, alors que c’est Goldman qui l’a écrit. Et j’aimerais vraiment pouvoir faire ça, pour plein de personnes, dans plein de styles différents justement pour pouvoir me déguiser moi aussi, jouer le marionnettiste d’une certaine façon.
J’ai déjà écrit pour d’autres artistes, mais ce sont souvent des artistes qui m’entourent de manière proche. Là, ça va me permettre de pouvoir écrire pour des gens, qui j’espère, j’admire. Le rêve, ça serait Céline Dion ! Quand on nous écoute, c’est vrai que ça n’a rien à voir mais c’est une vraie voix. Je suis un grand fan de Jean-Jacques Goldman et j’ai toujours été admiratif de sa façon de se déguiser en quelque sorte quand il écrit pour d’autres artistes. Quand tu entends Céline Dion chanter Pour que tu m’aimes encore ou S’il suffisait d’aimer, t’as vraiment l’impression que c’est
M.H : Auriez-vous un conseil à donner aux jeunes artistes qui sont aujourd’hui à la même place que vous, une dizaine d’années plus tôt ? Meiitod : C’est bateau, mais le travail, l’entêtement, la motivation… Ne jamais abandonner et ne jamais attendre que quelqu’un te donne quelque chose, ce qu’on te donne pas, tu vas le chercher, tu vas le prendre toi-même. On est sur une île où personne ne te fera de cadeau, tout le monde veut son bout de viande, donc il faut y aller. Pas d’excuse, pas de victimisation !
Silence, le premier EP de Meiitod est disponible depuis le mois de janvier sur toutes les plateformes d’écoute et de téléchargement légal. Neuf titres à retrouver sur Amazon Music, Apple Music mais aussi sur Spotify et Deezer notamment.
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LITTÉRATURE
LISEZ MAYOTTE
LA CONSTRUCTION DE L'ETHOS MAHORAIS La vie quotidienne à Mayotte, par Sophie Blanchy (éditions L'Harmattan)
Sophie DaurelBlanchy nous livre le fruit de son immersion dans la vie quotidienne des Mahorais. Au lieu de juger à partir de références extérieures, elle procède par empathie et tente une approche phénoménologique de l'expérience subjective. À travers une analyse du langage et des pratiques sociales, l'auteur cherche à dégager les fondamentaux de la culture commune que partagent les Mahorais. A la lecture de ce livre, il apparaît une société qui multiplie les liens interpersonnels et les formes de sociabilité. (2006)
AGRÉGÉ DE LETTRES MODERNES ET DOCTEUR EN LITTÉRATURES FRANCOPHONES, CHRISTOPHE COSKER EST L’AUTEUR DE NOMBREUX OUVRAGES DE RÉFÉRENCE SUR LA LITTÉRATURE DE L’ÎLE AUX PARFUMS, NOTAMMENT UNE PETITE HISTOIRE DES LETTRES FRANCOPHONES À MAYOTTE (2015) DONT IL REPREND, APPROFONDIT ET ACTUALISE, DANS CETTE CHRONIQUE LITTÉRAIRE, LA MATIÈRE. Parmi les ouvrages fondamentaux sur Mayotte dont nous ne saurions que recommander la lecture, on trouve un essai intitulé La Vie quotidienne à Mayotte. Il est paru en 1990 dans la collection “ Repères pour Madagascar et l’océan Indien ” de la maison d’édition L’Harmattan. Il s’agit de l’essai issu de la thèse de doctorat en ethnographie de Sophie Blanchy. Cette dernière est également connue pour son ouvrage lexicographique de référence sur le shimaore : Dictionnaire mahorais/ français-français/mahorais (1996) – qui est l’adaptation d’un ancien ouvrage aujourd’hui difficile à trouver L’Interprète (1987). On peut encore signaler l’édition scientifique de deux recueils de contes de Mayotte : La Maison de la mère (1993) et Furukombe (2002). La Vie quotidienne à Mayotte se compose de deux parties. La première est consacrée au monde matériel et social, c’est-à-dire à la culture et la seconde, au monde mental, à la psychologie ou à l’âme mahoraise, ce que Sophie Blanchy appelle “ l’ethos mahorais ”. Or, dans la construction de cet ethos, l’école occupe une place importante. Il s’agit d’abord, par l’éducation, de canaliser l’homme : “ C’est l’éducation religieuse qui façonne l’esprit droit, le roho ndjema, qui seul peut s’opposer aux désirs incessants du nafusi. C’est pourquoi ceux qui ont suivi l’école coranique assez longtemps, les wana zioni, sont-ils des êtres humains plus complets, l’“ être musulman ” étant la mesure-étalon de l’homme. L’éducation religieuse vise à former une
conscience déterminée, sûre de sa voie. L’élève, durant ses études, doit avoir la détermination (djitihadi) de former son roho. Ceux qui n’ont pas cette formation ne savent que penser dans maintes situations de la vie, manquant de ce guide moral, de cette science, ilmu. Cette pensée bien élaborée est indispensable à la vie quotidienne. ” (p. 118) Ainsi l’éducation est-elle l’affrontement entre roho et nafusi. Il y a d’un côté le cœur, de l’autre les désirs. Il s’agit alors de trouver le ndjema qui règle par le bien. L’homme éduqué, le savant et le musulman, trois entités qui se confondent en un idéal éthique, est celui dont le cœur dompte les désirs, celui qui est maître de lui-même, conformément à l’idéal platonicien de l’enkrateia. À Mayotte, cette éducation est dispensée par une école coranique de la façon suivante : “ L’instruction coranique a pour ambition de faire de tout Mahorais un musulman fidèle, que Dieu pourra, s’il Lui plaît, accueillir en son paradis. Cet enseignement commence tôt (vers quatre ans). Il est nécessaire, pour être un vrai musulman, pour pouvoir lire le Coran et réciter les prières les plus connues. L’emploi du temps de l’école coranique est lié, surtout pour le garçon, aux heures des cinq prières. ” (p. 119) Enfin, l’école coranique ne rechigne pas à la violence, ce qui peut surprendre – voire choquer – certains à une époque où les châtiments corporels sont passés de mode et défendus aux pédagogues comme aux parents : “ Le moyen employé est une éducation
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‘à la dure’, développant chez l’enfant la maîtrise de soi. À l’école coranique, il est fait usage du shengwe, badine ou chicote. Les enfants sont traités ‘en gros’ et non pas ‘en détail’, individuellement : le maître attend d’eux une récitation collective du Coran, hurlée pour être sûr qu’ils articulent. En cas de faiblesse, il tape dans le tas, et les dos s’arrondissent… Le texte saint du Coran n’est pas vraiment déchiffré par les élèves mais appris par cœur, après avoir travaillé sur une première méthode abécédaire, le kurasa. ” (p. 119) Au kalam et au bao – ardoise et stylet – dont Séline Soula se souvient avec bonheur s’oppose le shengwe, instrument de punition. La citation qui précède fait penser à l’avis de Bana sur l’école coranique : En passant devant une école coranique, Bana s’arrêta un instant et dit : " Tu as là la plus grande fabrique de mémoires mécaniques du village. " - C’est marrant tous ces gosses qui cancannent comme ça, c’est quoi ? demanda Rose. - C’est tout sauf marrant, tu peux me croire ; et je te parle en connaissance de cause. Viens, on s’en va, dit Bana en apercevant la maîtresse de l’école. - Je te signale que tu n’as pas répondu à ma question, insista Rose. - C’est une école coranique, dit Bana. Tu vois, la maxime de toute école coranique, continua-t-il, c’est : ‘Apprenez et ne
cherchez pas à comprendre’ ; c’est en tout cas le sentiment de la grande majorité des élèves. J’ai été amené à cette école à l’âge de quatre ans, j’ai arrêté de la fréquenter à quatorze ans ; j’ai appris à écrire l’arabe et à chanter les versets du Coran, mais c’est tout ; j’ai lu dix fois le Coran, de bout en bout, - il y a même des passages que je connais par cœur – mais sans comprendre un traître mot de ce que je lisais. Bref, c’est pour te dire qu’au bout de dix ans, je suis sorti de cette école presque aussi ignare que le jour où j’y ai mis les pieds pour la première fois. ” (p. 140-141) Cette éducation, pudiquement appelée “ à la dure ”, est censée développer la maîtrise de soi. Mais il est également possible qu’elle engendre surtout une soumission de façade et entraîne une pusillanimité du caractère. Sophie Blanchy insiste sur le caractère sonore d’une école où on apprend par cœur à réciter et à hurler un texte qu’on ne comprend pas. Ce tableau n’est pas absolument flatteur pour l’école coranique. Il rejoint l’avis d’Abdou Salam Baco et s’oppose à celui de Séline Soula. Nous laissons à ceux qui ont fréquenté cette école le soin de choisir quelle relation coïncide avec leur expérience personnelle.
Christophe Cosker
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