LE MOT DE LA RÉDACTION
LA RETRAITE À 5165 ANS
L’homme le plus riche du monde est français, et s’appelle Bernard Arnault. Le propriétaire du groupe LVMH – entre autres – a en effet vu sa fortune déjà colossale doubler entre 2020 et 2022, depuis le début de la « crise » liée au Covid-19, pour atteindre les 179 milliards d’euros. De quoi faire tiquer les millions de nos compatriotes à qui l’on intime de travailler plus longtemps dans le but de combler un hypothétique déficit d’une dizaine de milliards d’euros. D’autant que les aides aux entreprises privées de la part de l’État – et donc de nos cotisations – ont surtout servi à verser des dividendes aux actionnaires et à augmenter la rémunération des présidents exécutifs ; cette dernière a augmenté de 59% en moyenne entre 2019 et 2022, selon le dernier rapport de l’ONG Oxfam. Ces chiffres mettent à mal la théorie du « ruissellement », à l’heure où l’on demande aux pauvres de payer ce que les riches ont encaissé. Certains plaident donc pour le contraire, à savoir une taxe exceptionnelle sur les profits des ultrariches, pour participer à l’effort collectif sans que cela n’ait d’impact réel sur leur fortune. Ce n’est pas du goût du gouvernement, qui défendra vraisemblablement une réforme des retraites repoussant l’âge de départ à 64 ans. De quoi « travailler plus pour gagner plus », comme dirait l’autre. Après tout, pour gagner ce que M. Arnault a amassé lors des deux dernières années, il suffirait à un smicard de travailler… 5165 ans.
Bonne lecture à toutes et à tous.
NodinotTOUTE L’ACTUALITÉ DE MAYOTTE AU QUOTIDIEN
Diffusé du lundi au vendredi, Flash Infos a été créé en 1999 et s’est depuis hissé au rang de 1er quotidien de l’île.
Lu par plus de 12.000 personnes chaque jour, Flash infos vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre en plus un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.
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C’est le nombre de personnes nominées à la 14ème cérémonie des Sportifs mahorais de l’année, organisée chaque année par la Somapresse. La semaine prochaine, retrouvez en exclusivité et en intégralité les portraits de chacun de ces nominés dans votre Mayotte Hebdo, lors du journal de Mayotte la 1ère ce mardi (voir ci-dessous), mais aussi et surtout sur notre site dédié, où vous pourrez voter pour votre favori dans chacune des 14 catégories. Le rendezvous est donc pris dans nos pages, vendredi prochain.
Le pôle culturel de Chirongui fête les Mycéliades
Le film d'animation Pixar « Wall-E », le chef d'œuvre intemporel "La planète des Singes" et l'incontournable "Le Cinquième Élément", tels sont les films présentés au pôle culturel Moussa Tchangalana de Chirongui du 1er au 15 février prochains. Ces trois programmations interviennent dans le cadre de la première édition des Mycéliades, un festival de science-fiction réunissant les cinémas et médiathèques de France. Mayotte, par l’intermédiaire de Chirongui, est d’ailleurs le seul territoire d’outre-mer à participer à cet événement. « Avatar : la voie de l’eau », « Black Panther : Wakanda forever », « Inséparables », « Le secret des Perlims » et « Tirailleurs » restent quant à eux à l’affiche.
Saïd Ahamada, nouveau DG de LADOM
L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) tient son nouveau directeur général en la personne de Saïd Ahamada. Nommé le 16 janvier, le natif de La Réunion et originaire des Comores a de forts liens avec Mayotte, s’étant présenté aux élections législatives de 2012 pour Europe Écologie Les Verts. Il a également été élu conseiller d’arrondissement socialiste de Marseille en 2014, et député La République en marche de la 7ème circonscription des Bouches-du-Rhône en 2017.
Le proverbe
“Mutru kahawara hazi, mutru ilola”
On ne flirte pas avec le travail, on l’épouse.
Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale
À MAYOTTE, UNE INTERSYNDICALE INÉDITE CONTRE LA RÉFORME DES RETRAITES
Le 18 janvier 2023, par l’Humanité.
Toutes les organisations syndicales du 101e département français doivent se rassembler, jeudi 19 janvier, à Mamoudzou, plus grande ville de l’île, contre la réforme. Cette unité inédite doit permettre d’évoquer les inégalités sociales de Mayotte, où la pension moyenne atteint seulement 276 euros mensuels.
Le peuple mahorais aurait-il mis de côté sa fameuse résilience ? Loin d’être réputés pour manifester, les habitants de l’île au lagon étaient pourtant attendus ce jeudi 19 janvier place de la République, sur la jetée de Mamoudzou, à la suite d’un appel de l’intersyndicale locale. Ce sont en effet onze organisations qui se sont unies, parmi lesquelles la CGT-Ma, l’Unsa, la CFDT, FO ou encore la CFE-CGC, pour appeler « public, privé, jeunes et retraités » à une grève interprofessionnelle. Il faut dire qu’après plusieurs semaines de coupures d’eau et d’électricité, et une inflation qui ne finit plus de faire grimper les prix de l’alimentaire, la réforme enclenchée par le gouvernement a de quoi réanimer les devises mahoraises que sont « Non, karivendzé » (Non, nous n’en voulons pas), et « Ra hachiri » (Nous sommes vigilants).
Appliquer le droit « commun » français
« C’est une première d’avoir tous les syndicats ! » se félicite Salim Nahouda, secrétaire général de la CGT-Ma et ancien directeur de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM). Le dernier mouvement
intersyndical sur l’île remonte en effet à 2016, lors des revendications liées à la fonction publique. Aujourd’hui, comme à l’époque, les organisations comptent bien mettre la situation de Mayotte sur la table, les retraités du 101 e département français n’ayant le droit qu’à des pensions minimes, voire indignes : en 2020, le montant de la retraite mensuelle moyenne n’était que de 276 euros, selon un rapport de la CSSM. La faute à un non-alignement des prestations sociales mahoraises sur celles de l’Hexagone, après bientôt douze années de départementalisation.
« De tels montants, couplés à la hausse des prix, ne sont pas vivables, continue Salim Nahouda, sans compter que l’espérance de vie à Mayotte n’est pas la même qu’en métropole. On paye un produit importé 76 % plus cher que nos compatriotes, et nous avons un taux de cotisations qui est beaucoup plus faible que le taux national. Il n’y a donc pas à tergiverser, il faut l’aligner tout de suite ! » Appliquer le droit « commun » français, telle est donc la demande des représentants syndicats mahorais, comme l’explique Balahashe Ousséni, secrétaire général de la CFDT à Mayotte : « Il faut saisir cette occasion pour évoquer les discriminations que nous subissons, avec un système de plafonnement des cotisations retraite à environ la moitié du taux national. Nous avons une pension de 1 400 euros en moyenne sur le territoire national, entre 1 100 et 1 300 euros dans les outre-mer, et 276 euros chez nous, même pas le quart des autres territoires ultramarins ! »
« Il y a toujours l’hypothèse d’un énième 49.3 »
Légitime, l’indignation suscite aussi l’espoir des syndicats locaux, qui voient le mouvement populaire prendre de l’ampleur. « J’espère que nous allons avoir suffisamment de personnes qui vont se sentir concernées par cette mobilisation, mais aussi que nos parlementaires vont se saisir de cette opportunité pour interpeller le gouvernement à ce sujet, et permettre à la population mahoraise, aux salariés du privé et du public, de bénéficier des mêmes droits que leurs compatriotes » , conclut Balahashe Ousséni.
Sur les bancs de l’Assemblée, les députés Mansour Kamardine (LR) et Estelle Youssouffa (Liot) auront ainsi fort à faire pour imposer l’île au lagon dans l’océan d’amendements qui feront suite à ce projet de réforme. « Ma voix sera pour le texte s’il y a des avancées pour nous, déclarait récemment Estelle Youssouffa. Mais il y a toujours l’hypothèse d’un énième 49.3. Si ça se confirme, on va encore faire de la figuration au Parlement… »
PORTRAIT
Elle aime le foot « depuis toute jeune, à l’époque où on jouait au foot sur la plage de Mtsapéré, avant qu’il y ait la rocade » . Se définissant comme un « vrai garçon manqué » , Houdhayati Mogné Mali jouait avec et contre des garçons, l’île au lagon n’ayant aucune équipe féminine à l’époque. Comme si c’était écrit, elle se marie à un homme qui est arbitre, et qui lui explique qu’elle pourrait prendre le sifflet aussi lorsqu’elle vient au bord des pelouses.
Houdhayati se lance donc : en 1991, elle effectue la formation d’arbitrage. « Au départ, j’étais assistante, arbitre de touche. J’ai pris mon premier sifflet lors d’un match corpo à Cavani Stade, entre la SIM et la gendarmerie
» , se remémore-t-elle. Quand elle n’arbitre pas, elle va supporter les joueurs du FC Mtsapéré, où elle est licenciée depuis plusieurs décennies, ainsi que trésorière adjointe depuis trois mandats.
SE CHANGER DEVANT LES HOMMES
« C’était surtout difficile niveau habillage » , explique la première femme arbitre de Mayotte. « Voir une femme mettre un short devant des garçons n’était pas possible, c’était une honte. La chance que j’ai eu, c’est que j’étais mariée. Je ne dépendais plus de ma famille, mais de mon mari, qui me soutenais. Le regard des autres personnes, c’était un peu
compliqué, mais comme j’étais avec lui, je m’en foutais ! » Étant donné qu’elle est la première, elle n’a pas le droit à des vestiaires femme, et doit se changer devant ses collègues masculins. « Je devais mettre mon salouva par-dessus, pour enlever ma robe et mettre t-shirt et short ! » , s’indigne-t-elle.
Pionnière du foot féminin sur l’île, Houdhayati Mogné Mali fait partie des personnes qui créent l’équipe féminine du FCM, ainsi que la commission féminine au sein de la Ligue de football. « Avec les anciennes joueuses, on a fait campagne dans les communes pour qu’elles créent elles aussi leurs équipes féminines. Je parlais aux filles, mais c’était compliqué car les familles n’acceptaient pas toujours. » Malgré tout, les choses se font et, si elle laisse le sifflet de côté en 2006, Houdhayati est désormais présidente de la commission féminine, depuis 2017.
JOUE-LA COMME HOUDHAYATI
La Mtsapéroise pousse maintenant pour voir de plus en plus de jeunes joueuses et arbitres fouler les pelouses, mais reconnaît que le travail est herculéen. « Ça avance
pour les jeunes filles, mais je déplore que celles qui ont le bac partent, et que certaines qui sont mariées arrêtent. Il y a aussi beaucoup de forfaits, et je me demande si les joueuses ne désespèrent pas parce qu’il n’y a pas de finalité. Arrivées en R1, ou en finale de coupe, c’est fini, il n’y a pas grand-chose d’autre. On ne valorise pas le foot féminin, et certaines se disent « à quoi bon ». C’est dommage. J’ai besoin que l’on encourage les équipes de R1, pour donner envie aux jeunes filles qui arrivent derrière de s’engager dans une équipe. »
Engagée sur les fronts associatifs et sportifs, cette grande dame avoue que le ballon rond reste son grand amour, qu’elle ne cessera jamais de promouvoir sur l’île, surtout quand il est conjugué au féminin : « Il y a quand même des jeunes arbitres femmes qui sont là aujourd’hui, certaines arbitrent des grands matchs, se félicite-t-elle. Il y a aussi des jeunes femmes arbitres sur les tournois beach, ça fait plaisir. Mais ça ne suffit pas, il faut soutenir encore plus ! » C’est tout ce que l’on souhaite au formidable vivier de footballeuses et d’arbitres mahoraises présentes sur l’île, et à celles qui arriveront ensuite. n
Soussous
TELLES DES OMBRES, ELLES ERRENT SUR LES TROTTOIRS DE MAYOTTE, SUBISSANT QUOLIBETS, VIOLENCES, VOLS ET VIOLS. NOUS VOUS PROPOSONS CETTE SEMAINE DES TÉMOIGNAGES BOULEVERSANTS DE PROSTITUÉES MAHORAISES, AUTANT DE MORCEAUX DE VIES BRISÉES. SI LES POUVOIRS PUBLICS NE S’INTÉRESSENT QUE TRÈS PEU À LEUR SITUATION, CERTAINES ASSOCIATIONS NE COMPTENT PAS LEURS HEURES POUR SORTIR CES JEUNES FEMMES DE LA RUE.
REPORTAGE
SE PROSTITUER CONTRE LA PRÉCARITÉ
DANS LA RUE, SUR LES APPLICATIONS DE RENCONTRE, À DOMICILE... LA PROSTITUTION SEMBLE AVOIR PRIS UNE AMPLEUR CONSIDÉRABLE SUR L’ÎLE. LES FEMMES QUI SE RETROUVENT AUX ABORDS DE LA BARGE, À LA NUIT TOMBÉE, NE SERAIT QU’UNE POIGNÉE DE CELLES QUE L’ON TRAITE DE « SOUSSOUS ». LEUR OBJECTIF N’EST POURTANT QUE DE TROMPER LA PRÉCARITÉ, QUITTE À BANALISER LE CALVAIRE DE LA PROSTITUTION.
Voilà presque une heure que Samia* attend son premier client. Assise sur les marches de l’escalier qui relie la poissonnerie au front de mer, dans le centre de Mamoudzou, elle discute, bière à la main, avec les trois copines qu’elle retrouve jusqu’à cinq fois par semaine. Ses yeux cernés et ses traits tirés lui donnent presque dix ans de plus. Mais sa robe moulante, rose bonbon, scintille sous les faisceaux lumineux des lampadaires. Samia n’a que 27 ans, dont deux passés à piétiner les ruelles de Mamoudzou, dès la nuit tombée. Originaire de Diego Suarez, à Madagascar, elle est arrivée à Mayotte il y a trois ans pour espérer gagner un peu d’argent. « Avant, j’étais coiffeuse. Mais j’avais entendu dire qu’il y avait beaucoup de travail ici. En arrivant, je ne connaissais personne, je dormais sur la plage », raconte la jeune femme, émue à l’idée d’évoquer son parcours.
Au bout de quelques jours, Samia rencontre une femme qui propose de l’aider. Elle l’accueille chez elle, à Chiconi, puis lui présente son cousin. « Il avait un logement pour moi. Au fur et à mesure, il m’a acheté, un lit, un matelas, un frigo, en échange de rapports sexuels. Puis, il a commencé à devenir violent, il ne voulait plus me donner à manger, il voulait simplement me baiser », poursuit-elle. Aujourd’hui, Samia vit à Passamaïnty et gagne 10 à 20 € par passe. Le nombre de clients, lui, est toujours
fluctuant. « Certains soirs, il y a du monde, et puis parfois on attend des heures pour rien. J’en ai marre de faire ça mais je n’ai pas d’autres solutions. Je n’ai pas de papiers », souffle-t-elle.
Comme Samia, elles sont une vingtaine ce mercredi soir, à patienter entre la place Mariage et le front de mer. « Souvent elles se cachent et font comme si elles se promenaient », précise Naoumi M’nemoi, assistante sociale au sein du service de sortie de la prostitution (PSP) de l’association Mlezi Maoré. Une fois par semaine, elle organise une maraude avec un ou deux salariés de l’association. « On discute avec les femmes, on les met à l’aise. Puis on leur propose des préservatifs et du gel. La difficulté pour nous, c’est surtout de
les repérer, puisqu’elles cherchent à se confondre avec les passants », précise-t-elle. Surtout depuis que la mairie de Mamoudzou a pris un arrêté, en septembre dernier, pour interdire la prostitution sur l’espace public.
EXPOSÉES AUX AGRESSIONS
Une menace supplémentaire pour ces travailleuses du sexe déjà soumises aux agressions. « Ça arrive très souvent qu’on se fasse insulter, la dernière fois on nous a volé nos sacs. Hier, un client est même venu nous voir pour nous demander de baiser avec son chien », lance Steffie, assise à côté de Samia, les larmes aux yeux. Originaire de Nosy Be, la jeune femme, en robe à paillettes et boucles d’oreilles
dorées, se prostitue depuis un an à Mamoudzou. Avant cela, elle était mariée à un Mahorais. « Il m’a quitté pour une autre femme. Depuis, je viens ici quand j’ai besoin d’argent. Mais ça me fait honte », lâche la trentenaire, qui travaille aux côtés de sa sœur. Pour Naoumi M’nemoi, « il n’est pas rare de voir des membres d’une même famille. Les sœurs s’engrainent souvent dans la prostitution. »
L’assistante sociale et ses collègues poursuivent leur maraude vers le front de mer. C’est là que se trouve la plupart des filles, souvent originaires de Madagascar. Les villages de Passamaïnty, Chirongui ou Bambo Ouest sont les autres endroits qui concentrent le plus de prostituées. « À Mamoudzou, quelques Comoriennes se retrouvent plutôt en bas de la place Mariage. Il y a aussi des femmes africaines,
DOSSIER
mais elles sont plus rares. On ne voit, en revanche, quasiment pas de Mahoraises », poursuit Naoumi M’nemoi, qui effectue ses tournées depuis 6 mois et note une augmentation du nombre de femmes dans la rue.
UN RÉSEAU MALGACHE DÉMANTELÉ
La plupart agissent de manière indépendante ou en petit groupe. Mais les réseaux de proxénétisme existent également. « On a très peu d’informations là-dessus, aucune fille n’en parle », assure l’assistante sociale. Un réseau malgache aurait toutefois été démantelé il y a peu. « On sait que certains réseaux sont dirigés par des femmes. Elles ont souvent commencé par se prostituer avant de devenir proxénète », souligne Solenne Augier, chargée de mission « santé sexuelle et reproductive » de l’agence régionale de santé (ARS). En moyenne, dans la rue, les femmes sont âgées de 20 à 30 ans. Certaines sont même soupçonnées d’être mineures. Et faute de chambres d’hôtels en nombre, les passes se font souvent à même le sol, dans un recoin, à l’abri des regards.
Les travailleuses du sexe couplent donc souvent leur activité de rue à une activité domestique, ou passent par les réseaux et les applications de rencontre pour trouver des clients. « Certaines ont même une vie de couple mais ne disent rien à leur conjoint. Elles se confient beaucoup à nous », relate la salariée de Mlezi Maoré. Et les témoignages sont parfois glaçants. « Elles racontent qu’elles se font violer et pleurent à l’idée de retourner dans la rue. La plupart sont en situation irrégulière, elles louent des petites cases en tôle et dorment jusqu’à cinq dans une pièce. Elles n’ont pas d’autres solutions. Certaines sont tellement dans le besoin qu’elles peuvent se prostituer pour une brique de lait, ou un sac de riz », énumère pêle-mêle Naoumi M’nemoi.
LE RACOLAGE DE RUE, LA FACE ÉMERGÉE DE L’ICEBERG
Le contexte social, avec un taux de pauvreté de 75 %, tend en effet à généraliser la pratique. Pour les acteurs, qui tentent de venir en aide à ces travailleuses du sexe, le racolage de rue n’est en effet que la face émergée de l’iceberg. « En métropole, la prostitution dans l’espace public ne représente déjà plus que 30 %. 50 à 60 % des prostituées sont désormais sur les réseaux. À Mayotte, ce qui se passe dans la rue est presque anecdotique, la plupart des rapports sexuels tarifés ont lieu dans les villages », indique la chargée de mission de l’ARS.
Une prostitution domestique qui aurait pris une ampleur considérable et serait, de loin, la plus présente sur le territoire. « Elle est surtout alimentaire et concerne les personnes en grande précarité. Certaines se prostituent aussi pour avoir accès aux droits, pour obtenir une adresse ou faire reconnaitre leurs enfants afin qu’ils aient la nationalité française. Mais souvent, elles ne se considèrent pas comme prostituées car les rapports sont ponctuels », complète Solenne Augier. Selon les acteurs, cette prostitution ne concernerait d’ailleurs pas seulement les femmes comoriennes ou malgaches. « Les relations tarifées à domicile concernent autant les Mahoraises. Mais cette prostitution n’est pas visible. Elle passe surtout par le bouche à oreille ou les réseaux », assure Floriane Boudouard, déléguée de l’association « Le mouvement du nid », qui accompagne les personnes prostituées.
« DÈS LE COLLÈGE, ELLES VONT ACCEPTER UN ACTE SEXUEL CONTRE UN CADEAU »
Discrète, elle aussi, la prostitution de mineures prend également de l’ampleur. « Dès le collège, des jeunes filles vont accepter des actes sexuels en échange de cadeaux ou vont se laisser séduire par des hommes véhiculés, lorsqu’elles font du stop à la sortie des cours », détaille la chargée de mission de l’ARS. Ensuite, c’est principalement sur les réseaux que les jeunes femmes opèrent. « Elles utilisent Tinder ou Badoo. Elles sont à l’aise avec ces outils, arrivent plus facilement à se cacher et ont davantage la possibilité de choisir leurs clients, explique Floriane Boudouard. Certains parents s’en rendent compte mais ils ne disent rien. Ça ramène un peu d’argent à la maison. »
Un constat partagé par Haïdar Attoumani Saïd, coprésident de la fédération de conseils des parents d’élèves (FCPE) de Mayotte. « Les parents se sentent parfois dépassés. Surtout dans un contexte où la pauvreté gangrène. Ceux qui ont des moyens arrivent à appâter les enfants pauvres, estime-t-il. On voit désormais des jeunes filles faire du stop à des heures tardives au lieu d’être chez elles. C’est quelque chose qui n’existait pas auparavant. »
Pour autant, impossible de quantifier le phénomène. D’abord parce qu’il est épars et discret. Ensuite parce qu’aucune étude n’a été menée jusqu’à présent à Mayotte. Depuis juin 2022, l’ARS a donc commandé un diagnostic s’appuyant sur les retours de 84 professionnels, en contact avec des personnes en situation de prostitution. L’objectif : recenser les situations auxquelles elles ont été confrontées afin de faire un premier état des lieux. Une estimation qui, pour Solenne Augier, devrait permettre « d’inciter les pouvoirs publics à se saisir du sujet. » n
SOCIÉTÉ LES ASSOCIATIONS LUTTENT CONTRE LA PROSTITUTION
SORTIR DE LA PROSTITUTION, OUI, MAIS DE QUELLE MANIÈRE ? À MAYOTTE, IL EXISTE PEU DE DISPOSITIFS QUI PERMETTENT AUX PERSONNES PROSTITUÉES DE S’EN SORTIR. CEPENDANT, CERTAINES ASSOCIATIONS FONT LE NÉCESSAIRE, À L’IMAGE DE L’ACFAV ET DE MLEZI MAORÉ, QUI A MIS EN PLACE LE PARCOURS DE SORTIE DE PROSTITUTION (PSP) DEPUIS DEUX ANS.
Les locaux du dispositif PSP, parcours de sortie de prostitution, se situent dans une petite ruelle cachée près du collège K2 à Kawéni. Cela permet aux personnes ayant besoin d’aide de s’y rendre en toute discrétion, loin des regards des gens. Et depuis la création du PSP il y a deux ans, ce sont uniquement des femmes qui poussent les portes de cet endroit. Parfois par simple curiosité, souvent car elles ont envie de changer de vie. Qu’importe leurs motivations, elles sont accueillies par une équipe de trois personnes, une assistante sociale, une éducatrice spécialisée et une psychologue. Elles travaillent en collaboration pour mieux accompagner et leur première mission est de « faire en sorte que les femmes qui viennent nous voir se sentent en confiance et qu’elles ne se sentent pas jugées », explique Noumi M’nemoi, l’assistante sociale.
Les travailleurs sociaux du PSP de Mlezi Maoré tiennent une permanence une fois par semaine. Elles reçoivent les prostituées une par une dans une pièce aménagée avec un canapé, des coussins, des fleurs, des tableaux, une petite bibliothèque et des
jouets pour celles qui s’y rendent avec leurs enfants. « On a voulu créer un espace cosy, pour qu’elles se sentent à l’aise et en sécurité », précise Jocelyne Larue Joachim, la directrice du pôle solidarités au sein de l’association.
Les femmes qui fréquentent le PSP sont souvent victimes de prostitution économique. « Elles nous disent toutes qu’elles font cela pour pouvoir vivre et s’occuper de leurs enfants », précise Noumi M’nemoi. Lors d’un premier entretien, elles racontent leurs histoires et les professionnels déterminent leurs besoins afin de mieux les orienter. « C’est tout un processus. On ne dit pas à la personne qu’elle doit arrêter la prostitution du jour au lendemain, mais quand elle a la volonté de cesser cette activité, nous l’aidons », précise l’assistante sociale. Au bout de quelques mois de suivi régulier, et une fois que les professionnels sont certains de l’envie de changement de ces femmes, ils constituent un dossier pour chacune d’elles, et le présentent devant une commission avec différents acteurs tels que le préfet, la police nationale, l’agence régionale de santé, pour ne citer qu’eux. Ces derniers décident si la
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femme en question peut intégrer le parcours de sortie de prostitution de Mlezi Maore.
DES AIDES EN TOUT GENRE
Une fois leur dossier validé, elles signent un arrêté préfectoral qui les engage à arrêter la prostitution. Si elles ne le respectent pas, il peut y avoir des sanctions. « Actuellement nous avons six femmes dans le dispositif PSP. Il est renouvelable quatre fois, tous les six mois. Trois d’entre elles ont leur propre lieu de vie et les trois autres occupent un hébergement qu’on met à leur disposition », indique Manon Capdevielle, éducatrice spécialisée. Les agents de l’association fixent des objectifs à atteindre avec ces personnes aidées afin de les rendre autonome et qu’elles puissent quitter le PSP. Pour cela, elles ont à leur disposition tout un panel d’aides qui s’offrent à elles. « Elles reçoivent 249€ par mois grâce à l’AFIS, l’aide financière à l’insertion sociale. Elles bénéficient également de l’APS, l’autorisation provisoire de séjour. Il dure le temps de leur prise en charge au PSP, en attendant de régulariser leurs situations. Cela leur permet de s’inscrire à la sécurité sociale et de bénéficier des aides de la CAF », explique Manon Capdevielle. Et pour les sortir de leur quotidien parfois morose, les professionnels organisent des ateliers de parentalité, de cuisine ou encore des sorties à la plage.
Mlezi Maoré est la seule structure à Mayotte agréée pour le PSP, mais elle travaille avec différents partenaires telle que l’Acfav, l’association pour la condition féminine et aide aux victimes. Cette dernière reçoit également des femmes qui se prostituent. « Elles ne nous le confirment pas directement, mais on le comprend. Notamment quand elles disent qu’elles « bricolent » pour gagner leur vie », souligne Malika Bouti, conseillère conjugale et famille à l’Acfav.
« Pour elles, c’est un travail comme un autre », ajoute-t-elle. Cette dernière ne leur impose rien mais leur rappelle que « la prostitution est également une violence ». Une issue de sortie est proposée à ces femmes, celles qui acceptent cette aide sont renvoyées vers Mlezi Maoré. Cependant, au sein de l’Acfav, Malika Bouti et ses collègues mettent également en place des actions pour aider les femmes victimes.
« On organise des ateliers bien-être. Parfois on fait venir une maquilleuse qui leur apprend à prendre soin d’elles. Cela booste leur confiance en elles. C’est important pour ces femmes qui vivent un enfer. »
LE MICHETONNAGE DANS LES ÉCOLES
Tous les professionnels interrogés font un constat alarmant sur une nouvelle tendance au sein des établissements scolaires. Les collégiennes et lycéennes s’adonnent à la
pratique du michetonnage. « Elles proposent des faveurs sexuelles et en échange les hommes leur offrent des cadeaux. Ça peut être un téléphone, un sac, des habits, et parfois de l’argent », explique Malika Bouti. Pourtant les actions de sensibilisation se multiplient dans les collèges et lycées, menées entre autres par Mlezi Maoré et l’Acfav. Mais les jeunes filles ne semblent pas mesurer la dangerosité de leurs actes. « Pour elles c’est tout à fait normal de faire cela. Elles n’ont pas honte, au contraire, elles s’en vantent », déplore la conseillère conjugale. Si quelques-unes d’entre elles le font par nécessité, la plupart le font pour s’amuser. « C’est un jeu pour elles. Souvent ce sont des adolescentes qui ne sont même pas dans le besoin », précise Noumi M’Nemoi. Un jeu dangereux où elles risquent de se brûler les ailes si les parents ne prennent pas les choses en main. n
« POUR ELLES, C’EST UN TRAVAIL COMME UN AUTRE »
ET LA PROSTITUTION MASCULINE ?
Elle existe bel et bien à Mayotte, comme partout ailleurs. Cependant, elle est beaucoup moins visible que la prostitution féminine. Pour l’heure, aucune association en charge d’aider les personnes prostituées, n’a reçu d’homme. « La prostitution masculine est plus cachée car elle est souvent associée, parfois à tort, à l’homosexualité. Ce sont donc deux sujets tabous sur l’île », pense Jocelyne Larue Joachim, la directrice du pôle solidarités à Mlezi Maoré. Pour rappel, toutes les aides existantes sont également ouvertes aux hommes prostitués.
TÉMOIGNAGE
« JE FAISAIS ÇA PARCE QUE JE N’AVAIS PAS LE CHOIX »
IL EST SOUVENT FACILE D’ENTRER DANS LA PROSTITUTION, MAIS DIFFICILE D’EN SORTIR. CERTAINES N’Y ARRIVENT JAMAIS, MAIS D’AUTRES ONT LA FORCE ET LE COURAGE DE SE SAUVER. C’EST LE CAS DE CHAÏMA*. À SEULEMENT 20 ANS, ELLE A DÉJÀ UN PASSÉ DANS CE MILIEU, MAIS DEPUIS QUELQUES MOIS, ELLE A FAIT LE PREMIER PAS POUR S’EN ÉLOIGNER ET SE DIT COMPLÈTEMENT REPENTIE AUJOURD’HUI. VOICI SON HISTOIRE.
«
J’AVAIS HONTE DE PARLER »
Elle n’était qu’une enfant lorsqu’elle a commencé à se prostituer, mais « je faisais ça parce que je n’avais pas le choix », affirme Chaïma. Cette dernière quitte son île natale, la Grande Comore, au début de l’année 2020 car elle était très malade et avait besoin de se soigner. C’est ainsi qu’à tout juste 17 ans, ses parents l’envoient à Mayotte, un territoire qu’elle ne connait pas, chez un oncle qu’elle considérait comme son père. L’adolescente se fait soigner et, après sa guérison, elle demande à rentrer chez elle. « Je ne voulais pas rester à Mayotte. J’avais toute ma vie aux Comores : ma famille, mes amis, mes études », raconte-t-elle. Mais son oncle insiste pour qu’elle reste étudier dans le département. N’ayant pas le choix, elle est contrainte à vivre sur cette île, et l’eldorado qu’on lui a promis tourne rapidement au cauchemar. Son oncle l’empêche d’échanger avec ses parents. Un soir, alors qu’elle dort dans sa chambre, l’homme s’y introduit et abuse d’elle sexuellement alors qu’elle était encore vierge. « J’étais tétanisée, sous le choc. Je ne comprenais pas pourquoi il faisait ça. Je l’appelais papa… » S’ensuivent alors des semaines de torture psychologique et physique. Quelques temps plus tard, Chaïma tombe malade et l’oncle en question découvre qu’elle est enceinte, alors qu’elle-même ne le sait pas. Il l’abandonne et la met à la rue. Pensant avoir vécu le pire, en réalité le calvaire ne fait que commencer pour la jeune fille.
SE PROSTITUER POUR SURVIVRE
L’adolescente n’a nulle part où aller mais elle finit par trouver une case en tôle où elle peut dormir. Le loyer est de 40 euros, mais elle n’a pas les moyens de le payer. « Je me suis demandé ce que j’allais faire, comment j’allais vivre » Elle pense alors à joindre une nouvelle fois ses parents, et elle apprend par hasard que les deux sont décédés dans un accident de la route aux Comores. Elle fait une crise d’angoisse et est hospitalisée. C’est à ce moment-là qu’elle découvre qu’elle est enceinte. « J’ai vu beaucoup de psychologues de l’hôpital qui me demandaient qui était le père, mais j’avais honte de parler. Je me culpabilisais, j’avais peur qu’ils pensent que c’était ma faute », indique-t-elle. Chaïma se retrouve alors seule au monde, avec un bébé en route et doit se débrouiller pour survivre. Déterminée à rentrer chez elle, la jeune femme demande régulièrement à la police aux frontières de l’embarquer pour l’envoyer aux Comores. Mais à cette période, elle est encore mineure, et les policiers ne peuvent pas l’arrêter. Sa vie prend un autre tournant alors qu’elle rentre chez elle. Un homme la prend en stop, elle lui raconte ses malheurs et il lui propose de l’aider en lui donnant de l’argent en échange de faveurs sexuelles. « Au début je pensais qu’il plaisantait, mais ce n’était pas le cas. Puis il a sorti un billet de 50 euros, et je me suis souvenue que j’avais un loyer à payer. » Elle accepte alors la somme et se donne à lui. C’est ainsi qu’elle sombre petit à petit dans la prostitution alors
qu’elle est enceinte. Elle gagne sa vie en faisant payer la passe à 50€, parfois 60. Mais en contrepartie, elle subit les fantasmes pervers de ses clients et encaisse également les coups de certains.
Lorsque sa grossesse est à un stade avancé, plus aucun homme ne veut d’elle. Après la naissance de son bébé, elle reprend son activité et emmène son enfant partout où elle va. Mais un soir, elle est victime d’une violente agression. Elle est ensanglantée et est transportée à l’hôpital. Lassée de garder ce lourd secret pour elle, Chaïma raconte tout aux personnels soignants. Ces derniers l’orientent alors vers le PSP, le parcours de sortie de prostitution mis en place par l’association Mlezi Maoré. « Je ne savais pas ce que c’était et sur place ils m’ont dit qu’ils aidaient les prostituées. J’étais choquée par le mot. Je ne me suis jamais considérée comme une prostituée », explique la jeune femme. Les travailleurs sociaux lui expliquent alors que son activité est bien de la prostitution mais elle a du mal à l’accepter. « Dans mon imagination, les femmes qui font cela s’habillent vulgairement, sont plus âgées et sortent tout le temps, et ce n’était pas mon cas. »
« JE NE ME SUIS JAMAIS CONSIDÉRÉE COMME UNE PROSTITUÉE »
L’ESPOIR D’UNE VIE MEILLEURE
Mlezi Maoré l’installe dans un hébergement d’urgence de l’association Acfav. C’est seulement lorsque son dossier est passé en commission qu’elle a pu occuper l’une des trois places d’hébergement comprises dans le dispositif PSP. Désormais, Chaïma dit être complètement sortie de ce milieu. Elle a immédiatement cessé ce qu’elle faisait dès qu’elle a été prise en charge. Son bébé et elle vivent dans une maison avec deux autres femmes et leurs enfants, qui sont également suivies par Mlezi Maoré à travers le PSP. Elle a une chambre, elle perçoit l’AFIS, l’aide financière à l’insertion sociale, ce qui lui permet de subvenir à ses besoins. « Je suis contente d’être ici car je n’ai plus besoin de me prostituer pour payer un loyer et acheter à manger. »
Si elle a accepté de témoigner, c’est pour inciter les autres femmes qui ont vécu la même chose à parler. « Quand on parle, on est aidées et les choses s’arrangent », martèle-t-elle. Malgré un passé difficile, Chaïma est encore pleine de vie et garde le sourire. Elle rêvait d’être avocate, elle pense qu’elle n’y arrivera plus, mais a tout de même espoir en un avenir meilleur. Désormais, elle a des papiers, elle cherche un travail et a repris sa vie en main. « Je sais que je suis forte. J’ai déjà vécu le pire, maintenant je sais que tout ira pour le mieux. » n
*Le prénom a été modifié
« Rue sombre, éclairée Deux heures déjà qu'elle fait les cent pas Trottoirs glauques, bars sales, Les talons frappent le goudron, Elle en a marre de ces tarés qui passent, Blessent son âme et dix mètres Ça marche pas bien aujourd'hui, À cause de la pluie, ou la vie, Un manteau, un parapluie, l'enfer Son regard fuit, elle dit son prix, Couloir vers le purgatoire, pour elle l'histoire De sa rue au glissement Miroir, dis-lui qui Ne la laisse pas croire, seule le soir, Belle au bois dormant pour Ancrée à Comme un bateau usé, Blanche-Neige a croqué Sans amertume ; Pour eux, elle n'est qu’une Une peau d'âne, princesse Mais les escarpins sont maudits, ils Les murs témoins de l'étreinte Capturent son regard rêveur, seul Sorti par la fenêtre un cri sans Sorti par la fenêtre, un
éclairée aux néons pas et dans le sac toujours pas un rond sales, bagarres d'ivrognes au feu rouge, un mec klaxonne passent, repassent, la condamnent mètres plus loin se marrent aujourd'hui, les mecs n'ont pas envie vie, le sexe perd face aux soucis l'enfer en costume gris se rapproche prix, c'est parti, s'ouvre la porte l'histoire tourne tel un train fantôme de foire glissement des bas noirs qui est la plus belle soir, que les fées se foutent d'elle pour un matelas sans ressort à son sort usé, jamais ne sort du port croqué le fruit amer qu’une pute, pour son fils, elle reste une mère princesse le jour, esclave la nuit ramènent Cendrillon vers son taudis l'étreinte plus brève que tendre seul remède contre la démence sans bruit hante les rues sans vie cri court dans la nuit »
UNE ÎLE EN TRAVAUX
UN HÔTEL-RESTAURANT SUR LE BOULEVARD DES AMOUREUX
L'établissement proposera 42 chambres environ à sa future clientèle, ainsi qu'un grand restaurant. Confié au cabinet d'architecture Endemik Mayotte à Majicavo, ce projet va nécessiter 18 mois pour aboutir. Le permis de construire a déjà été attribué par les services de l'intercommunalité de Petite-Terre. Les appels d'offres ont même été lancés cette semaine. Un coup de pouce financier du FEDER n'est pas à exclure. Endemik Mayotte est en attente des retours des offres des entreprises soumissionnaires pour compléter le dossier de demande d'aide à destination du FEDER.
LA VILLE DE DZAOUDZI-LABATTOIR VERRA TRÈS PROCHAINEMENT AUGMENTER SON OFFRE D'HÉBERGEMENT. UN PROJET D'HÔTELRESTAURANT VA DÉMARRER D'ICI PEU, AUX ABORDS DU CARREFOUR DE MOYA SHOP ET DU BOULEVARD DES AMOUREUX. D'UN COÛT GLOBAL ESTIMÉ À 10 MILLIONS D'EUROS (DES ÉTUDES AUX ÉQUIPEMENTS COMPLETS), IL EST PORTÉ PAR NAÏM ALI BACO, UN NATIF DE LABATTOIR, PROFESSIONNEL TRÈS CONNU DES MILIEUX SPORTIFS À MAYOTTE.DÉCOUVERTE D’UNE STALAGMITE REMONTÉE À LA SURFACE
L’association Deep Blue Exploration, qui œuvre pour la découverte et l’étude des peuplements coralliens en zone crépusculaire de Mayotte, comprenez entre 50 et 150 mètres de profondeur, mène une mission intitulée « Gumbo La Baharini ». Ce projet d’intérêt général permet de révéler l’un des trésors cachés du patrimoine naturel de l’île, datant d’environ 20 000 ans, comme cette stalagmite récupérée au début du mois.
L’exploration avait débuté depuis quelques jours déjà. « Nous avons commencé les plongées le lundi 2 janvier et nous avons plongé tous les jours suivants », explique Gaby Barathieu, président de Deep Blue Exploration. Le projet d’équipe avait pour but d’extraire une stalagmite afin de permettre une étude paléoclimatique. Après plusieurs études et recherches, la solution retenue pour extraire cette stalagmite a été d’équiper les explorateurs d’un perforateur étanche, afin de casser le socle et ainsi pouvoir la remonter. Après plus d’une trentaine de trous et quelques coups de marteaux, c’est chose faite ! La stalagmite de 80 cm de hauteur pour 50 kg, et au bout de gros efforts, est enfin sortie de l’eau, ce lundi.
Une découverte à 70 mètres de profondeur
Afin de mener à bien cette mission, l’équipe constituée de cinq plongeurs, effectuait une opération de plongée à 70 mètres de profondeur dans cette grotte d’origine karstique, noyée il y a environ douze mille ans. L’équipe était répartie « soit en deux palanquées,
soit en une seule, avec toujours une sécurité en surface », explique Gaby Barathieu. Lors d’une descente, les plongeurs sont soumis à une pression et plus la plongée est profonde, plus cette pression sera élevée. Pour accéder à la grotte, le groupe réalise donc « une plongée profonde d’une durée de 20 minutes de travail, pour deux heures de décompression », ajoute-t-il, rendant l’exercice particulièrement délicat. Pour le professeur Bernard Thomassin, « il faut être vraiment des plongeurs perfectionnés pour réussir à plonger dans une telle grotte »
L’idée de cette mission, qui en mahorais signifie « grotte sous-marine », a émergé il y a cinq ans. A l’origine de ce projet, le professeur Bernard Thomassin, océanographe et directeur de recherches honoraire du CNRS, Gaby Barathieu et Olivier Konieczny, tous deux plongeurs chevronnés. Ensuite, l’association Deep Blue Exploration a été créée et une équipe constituée afin de mettre en place des explorations. « Après une première étude sur un petit morceau de stalactite ramassé par Gaby et Olivier lors d’une plongée d’exploration dans la grotte, nous avons décidé d’extraire sur
zone une stalagmite pour une meilleure étude et datation », explique Bernard Thomassin, tout juste arrivé sur l’île.
Remonter 20 000 ans en arrière
Pénétrer au sein de cette grotte située aux abords de la barrière de corail dans le sud de l’île, permet de remonter le temps de plusieurs milliers d’années. « Avec cette exploration, nous pourrons raconter l’histoire de Mayotte d’il y a 20 000 ans », assure l’océanographe. Originellement émergée, c’est avec la fonte des glaces et le niveau de la mer qui monta d’environ 135 mètres que la grotte s’est retrouvée ennoyée. Une fois submergées il y a environ 18.000 ans, la grotte et la stalagmite se sont alors trouvées figer au travers des siècles.
En 2016, elle a été découverte « un peu par hasard par des plongeurs, à presque 50 mètres de profondeur », confie Gaby Barathieu. Modification du climat et des saisons des pluies, densité des pluies ou encore composition de l’eau sont autant de secrets que pourra révéler cette stalagmite.
Concrètement, « cette étude scientifique va permettre de connaitre la datation précise et d’en savoir plus sur le paléoclimat de Mayotte à l’époque et les caractéristiques principales », note Bernard Thomassin. Les résultats pourront être mis en corrélation avec ceux obtenus lors de prélèvements effectués dans des grottes situés à Madagascar ou en Afrique.
Cette mission extraordinaire constitue « une découverte majeure pour Mayotte » comme l’explique le professeur, en ajoutant que « différentes explorations géomorphiques pourront être réalisées ». Maintenant, la stalagmite va pouvoir être rapatrier en métropole, scanner intégralement et étudier par des équipes spécialisées. Difficile de donner une date précise quant à la parution de l’étude, mais « il y a énormément de choses que l’on peut découvrir », conclut l’océanologue. n
Retrouvez notre grand entretien exceptionnel avec le professeur Bernard Thomassin dans le numéro 1020 de Mayotte Hebdo : https://www.mayottehebdo.com/ mayotte_hebdo/mayotte-hebdo-n1020/
Nassur Attoumani et Luke Razaka, Le turban et la capote, éditions L’Harmattan, 2013.
LISEZ MAYOTTE LA BD (5/6) : DES PLANCHES DE THÉÂTRE AUX PLANCHES DESSINÉES
Adaptation d'une pièce de théâtre à succès de l'écrivain mahorais Nassur Attoumani, Le turban et la capote aborde, avec une fantaisie débridée et pas mal d'aplomb, des thèmes peu évoqués dans une société musulmane : la place de la femme, la polygamie, le voile, la contraception. Cet album à l'humour tropical vous fait voyager vers une île rarement décrite dans le neuvième art : Mayotte.
Le Turban et la capote est l’une des œuvres littéraires les plus complexes de Mayotte, notamment en raison de son histoire éditoriale ainsi que de sa mue générique. Il s’agit d’abord d’une pièce de théâtre composée par Nassur Attoumani en 1997. Comme son titre l’indique, elle entend jouer sur l’opposition entre tradition et modernité. En effet, le turban apparaît comme le garant de la tradition religieuse tandis que la capote est un comportement moderne. Le point de jonction entre les deux, en tout cas le premier d’entre eux, est la procréation, l’enfant et la natalité. La pièce met en scène une femme au nom de nourriture appétissante à Mayotte Maborchetti – ou brochette – mariée à un personnage relativement médiocre, Pessoiri. Mais le personnage féminin est tiraillé entre deux autres personnages.
Le premier est un médecin métropolitain, le docteur Hachafati, spécialiste prétentieux qui se croit dans le tiers-monde et se donne pour mission d’endiguer la natalité. Usant du bas corporel cher à la culture populaire carnavalesque selon Bakhtine, l’auteur lui donne la diarrhée après chaque propos blessant.
L’autre personnage est celui qui porte le turban, kadi – c’est-à-dire juge musulman – au nom de nourriture, non pas céleste, mais terrestre – Mabawa ya nadzi : les ailes de poulet au coco. En effet, la pièce est une réécriture du Tartuffe de Molière et le faux dévot entreprend tout, mais en vain, pour séduire la femme de son ami. La pièce se termine sur le second point de jonction entre turban et capote. En réalité, le premier contient les secondes en cas de besoin.
Après avoir été publié de façon confidentielle par les éditions réunionnaises de Reverzy Grand Océan, Nassur Attoumani fait paraître sa pièce à nouveau par L’Harmattan en 2009. Mais il ne s’arrête pas là et, pour donner une nouvelle vie à son œuvre, le théâtre étant un dispositif optique, il se tourne vers la bande dessinée. Les crayonneurs n’abondant pas à Mayotte, il se tourne vers une terre plus fertile : Madagascar. Après avoir prêté son œuvre au crayon trop noir de Ndrematoa, il choisit la ligne claire de Luke Razaka, plus apte à mettre en scène son humour dans un dessin joyeux. C’est ainsi que paraît, en
2013, une bande dessinée fruit de la collaboration entre l’écrivain de Mayotte et le dessinateur de Madagascar.
Le rapport de Nassur Attoumani à l’image est complexe et intéressant. L’auteur se met en scène dans diverses photographies – notamment celles de l’écrivain au casque colonial - et n’hésite pas à inscrire des images au cœur de ses œuvres. C’est la raison pour laquelle nous avons consacré un essai à cette pratique, sous le titre Nassur Attoumani en images (2020). Dans cet essai, nous proposons notamment une « poétique de l’image ironique ». Dans le cas de la bande dessinée, Luke Razaka déploie
un art de la vignette tout à fait intéressant. En effet, par rapport au format classique carré, il étire certaines vignettes horizontalement pour les paysages et d’autres verticalement pour les personnes. Il surimpose également des couleurs sur ses dessins : rouge pour la colère et vert pour l’espoir. Mais la couleur utilisée de la façon la plus originale est le jaune, symbole de l’accident ou de la péripétie. Il ne reste plus au lecteur qu’à ouvrir l’album pour en voir, comme les personnages, de toutes les couleurs, de l’épisode du taxi à celui de la chute du kadi.
Christophe CoskerMtsapéré 69–75 TCO Mamoudzou
Journée 16 – 27 au 29 janvier 2023
Étoile bleue de Kawéni – Basket club de Mtsapéré Rapides Éclairs – Vautour club de Labattoir Jeunesse Canon 2000 – Colorado Beetle Mtsahara Fuz’Ellips de Cavani – Basket club de Tsararano Gladiator de Doujani – TCO Mamoudzou
MAGAZINE D’INFORMATION
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Première parution
Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716
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Les besoins de construction à Mayotte sont importants. Les infrastructures, que cela soit les hôpitaux, les écoles, les routes et les logements manquent ou doivent être améliorés.
Ces dernières années, et encore plus 2022, ont été marquées par une prise de conscience collective et un fort investissement des pouvoirs publics pour améliorer cette situation. En 2023, je souhaite que cette dynamique s’accélère encore et qu’émergent de nouveaux projets salutaires pour nos concitoyens.
Pour mener à bien ces projets, le secteur et les entreprises du BTP de Mayotte seront encore présentes. Elles devront embaucher, former, insérer comme elles le font depuis toujours.
Les métiers du BTP sont nombreux et permettent aux jeunes en formation, aux moins jeunes en recherche d’emploi ou en insertion de faire carrière. Les formations et les dispositifs d’accompagnement existent et n’attendent que vous. Choisir le BTP en 2023, c’est choisir des métiers d’avenir !
A tous les entrepreneurs et artisans du BTP de Mayotte, la FMBTP est à votre service. Elle vous représente et vous défend au sein des principaux organismes liés à la profession. Cette présence à permis, entre autres, la mise à jour des modes de calcul des prix (Index BTP) dans les marchés publics, même si ça n’est pas encore suffisant considérant l’augmentation vertigineuse des couts des matières première. Mais le combat continu.
En 2023, je souhaite renforcer les actions de la FMBTP aux services des entreprises de BTP adhérentes que j’espère encore plus nombreuses.
Au nom des entrepreneurs et artisans du BTP, avec tous les membres du Bureau de la FMBTP, je vous souhaite une très bonne année 2023, une année constructive !
Julian CHAMPIAT Président de la Fédération Mahoraise du Bâtiment et des Travaux Publics