Mayotte Hebdo n°1100

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LA NATURE REPREND SES DROITS

La terre a tremblé ce mardi. Le séisme de magnitude 4,9 a été ressenti partout à Mayotte. L’épicentre a été localisé à 40 km à l’est de la Petite-Terre, à 48 km de profondeur. Autrement dit, il est tout près de l’archipel. Cela faisait longtemps que les habitants n’avaient pas ressenti une telle secousse. Pourtant, elles n’ont jamais vraiment disparu. Elles étaient juste moins importantes. Ce tremblement de terre est un rappel de la nature. Elle reprend toujours ses droits, tôt ou tard, et à Mayotte, elle a déjà commencé. Le territoire s’enfonce petit à petit. Qu’adviendra-t-il de cette belle île aux parfums dans cinquante ans ? Les Mahorais veulent un territoire développé, à juste titre, mais il ne faudrait pas que l’on reproduise les mêmes erreurs que les autres. L’environnement doit être un élément central dans le développement de Mayotte. Ne l’oublions pas. Qu’il s’agisse de la construction de l’aéroport, d’usines de dessalement, ou de nouveaux bâtiments. Mère nature reprend toujours ses droits, alors autant composer avec elle et non sans elle. Bonne lecture à tous,

Le premier quotidien de Mayotte

Diffusé du lundi au vendredi, Flash Infos a été créé en 1999 et s’est depuis hissé au rang de 1er quotidien de l’île.

Lu par plus de 12.000 personnes chaque jour, Flash infos vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre en plus un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.

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TCHAKS DAWIYA

ABDOU ÉLUE

MEILLEURE

AILIÈRE

DROITE AU CHAMPIONNAT DU MONDE

L’enfant prodige du handball, Dawiya Abdou, a été élue meilleure ailière droite lors du championnat du monde de handball, qui a eu lieu en Chine. La jeune mahoraise participait à la compétition avec l’équipe de France féminine des moins de 18 ans. Les Françaises ont fini quatrième.

LA VILLE DE MAMOUDZOU OFFRE 10 000€ À RAPHAËL MOHAMED

Après sa participation aux Jeux olympiques de Paris 2024, Raphaël Mohamed est de retour à Mayotte. Il continue sa tournée et cette semaine il a été reçu par la ville de Mamoudzou, car l’athlète est licencié au Racing club de Mamoudzou. Ambdilwahedou Soumaïla, le maire, l’a nommé ambassadeur de l’excellence sportive de Mamoudzou, et lui a remis une bourse d’excellence sportive de 10 000€ pour « soutenir son parcours sportif »

MISS FRANCE DANS LE DÉPARTEMENT POUR MISS MAYOTTE

L’élection de Miss Mayotte se déroulera le samedi 31 août à l’hôtel Ibis, à Pamandzi. Cette année, l’invitée d’honneur est Eve Gilles, Miss France 2024. Huit candidates concourent pour obtenir la fameuse écharpe et participer au concours de Miss France en décembre.

ENTRE JEUNES CAUSENT DEUX DÉCÈS

À la Grande-Comore, un agent de sécurité a été mortellement agressé ce mardi, alors qu’il sécurisait un concert à Ntsoudjini. Un événement qui a déclenché de vives tensions entre cette ville et sa voisine Hantsambu, dont était originaire la victime. Des actes de violence qui surviennent peu après un autre décès, survenu, lui, sur fond de rivalité lors d’un match de football.

LU DANS LA PRESSE

Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale

« À MAYOTTE, PERSONNE NE SE PROJETTE TRÈS LONGTEMPS » : POURQUOI L’ÎLE PEINE À GARDER SES PROFS

Publié par Jéromine Doux, sur Ouest-France, le 26/08/2024

Ce lundi 26 août, 117 000 élèves ont retrouvé les bancs de l’école à Mayotte. Ils sont 3 000 de plus que l’année dernière. Dans le même temps, plus de 300 enseignants titulaires ont quitté le territoire en fin d’année scolaire. Et le recrutement de remplaçants s’avère de plus en plus complexe.

Derrière les grilles du collège de Ouangani, au centre de l’île de Mayotte, les élèves s’entassent dans un brouhaha immense. Coincée entre les quatre murs de l’établissement, la cour de récréation semble exiguë. Car le collège qui a été pensé pour 1 000 élèves en 2016, en accueille déjà près de 1 400. « Tous les établissements sont surchargés. Quand il y a 600 élèves dans un collège et 1 000 dans un lycée en métropole c’est à peu près trois fois plus ici » , souligne Bruno Dezile, secrétaire général de la CGT Educ’action Mayotte. Et chaque année, leur nombre augmente. Ce lundi 26 août, ils sont 117 226 élèves à faire leur rentrée. Soit 3 000 de plus que l’an passé. Pour un territoire de 330 000 habitants selon l’Insee.

« Il manque une centaine de classes »

Une surpopulation qui a des conséquences sur les conditions de travail des enseignants. « Il manque une centaine de classes sur le territoire, estime Bruno Dezile. Les conditions d’accueil des élèves sont détériorées, tout comme celles des professionnels. Cela crée des tensions en interne car il n’y a pas assez de moyens pour répondre aux besoins. » Un contexte qui, en plus des conditions de vie parfois difficiles –liées aux coupures d’eau, au contexte social et aux actes de délinquance - a favorisé le départ de nombreux enseignants avant la rentrée scolaire. « Les professeurs arrivés il y a cinq ans avaient par ailleurs un bonus de 1 000 points pour leur mutation, à la fin de l’année

scolaire. Ils sont environ 300 à être partis » , souligne Bruno Dezile.

75 % des jeunes sont en situation d’illettrisme à 18 ans

Antoine Dutarte, professeur de français à Ouangani en fait partie. « Cela faisait déjà plusieurs années que je voulais quitter ce poste. À Mayotte, les problèmes sociaux sont très pesants, personne ne se projette très longtemps, estime l’enseignant, qui a vécu six ans sur l’île. On fait face à des élèves qui, pour beaucoup, découvrent la scolarité. Ils sont trop nombreux à ne pas savoir lire, ni écrire. Ils arrivent à l’école sans trop savoir quoi faire et personne ne sait quoi faire pour eux. » Selon le rectorat, 75 % des jeunes sont en situation d’illettrisme à 18 ans.

Anais Vanhaecke, professeur d’arts plastiques, a, elle aussi, fait le choix de quitter Mayotte pour La Réunion. « Avec 30 élèves par classe et des niveaux très différents, la progression est faible. Et ceux qui n’ont pas de papiers ne peuvent même pas accéder aux études supérieures ni travailler. C’est très frustrant » , souligne celle qui craignait aussi les agressions. « Le contexte est violent. Un de mes élèves a été tué par un coup de couteau dans le village. »

60 % d’enseignants contractuels dans le second degré

Difficile dans ce contexte d’attirer des remplaçants. D’autant que pour s’adapter

à la hausse des effectifs, le rectorat a créé 350 postes supplémentaires cette année. Pour Bruno Dezile, « il est de plus en plus difficile de recruter. On a senti un ras-le-bol de l’ensemble des professionnels ces deux dernières années. Avec énormément de tensions et de fatigue » . Le recteur de Mayotte, Jacques Mikulovic, se veut toutefois rassurant : « Il manque à peine une cinquantaine d’enseignants sur un peu moins de 7 500 postes. Et nous devrions pouvoir trouver des professeurs localement. »

Notamment grâce aux enseignants contractuels, qui représentent désormais jusqu’à 60 % des effectifs dans le second degré et environ 30 % dans le premier degré.

« D’année en année, le nombre de titulaires diminue au profit des contractuels, confirme Bruno Dezile. Cela détériore forcément la qualité de l’enseignement. »

D’autant qu’il n’est pas rare de voir ces professeurs démissionner. « Le nombre de démissions a fortement augmenté avant la rentrée, souligne le secrétaire général de la CGT Educ’action. Et on sait que certains, partis en vacances pendant l’été, ne sont pas revenus. »

Pour lui, cette nouvelle année scolaire semble donc compliquée. « On accumule les crises et rien n’a été réglé. On va être confronté aux mêmes problèmes cette année, avec des maladies qui refont surface et un hôpital qui frôle la catastrophe. »

La course de pneus fête ses 40 ans

EN 1984, JACK PASS, PROFESSEUR DE SPORT, A ORGANISÉ LA TOUTE PREMIÈRE COURSE DE PNEUS DE MAYOTTE AVEC DES ENFANTS. QUARANTE ANS PLUS TARD, ELLE EXISTE TOUJOURS. PLUSIEURS CENTAINES D’ENFANTS ET D’ADULTES Y PARTICIPENT. CETTE ANNÉE, ILS SONT AU TOTAL 735. MAIS ALORS COMMENT EXPLIQUER UN TEL ENGOUEMENT AUTOUR DE CET ÉVÉNEMENT ? COMMENT EST-IL ORGANISÉ ? NOUS RÉPONDONS À TOUTES VOS QUESTIONS DANS CE DOSSIER ET NOUS VOUS DÉVOILONS LES COULISSES DE LA COURSE DE PNEUS 2024.

présentation

« Tous en tongs » pour la 40 e édition de la course de pneus

L’INCONTOURNABLE COURSE DE PNEUS DE MAYOTTE REVIENT CETTE ANNÉE POUR SA 40E ÉDITION. À L’OCCASION DE CET ANNIVERSAIRE EXCEPTIONNEL, LES ORGANISATEURS, L’AGENCE DE COMMUNICATION ANGALIA ET LA MAIRIE DE MAMOUDZOU, PROMETTENT DES NOUVEAUTÉS ET UN MOMENT INOUBLIABLE POUR LES COUREURS ET LES SPECTATEURS, CE DIMANCHE 1ER SEPTEMBRE.

Il y a 40 ans, Jack Pass, professeur de sport, avait un rêve : faire courir les enfants de l’île aux parfums avec un pneu et des bâtons. Cette idée a fait son chemin et a traversé les décennies. Elle a résisté aux différentes crises du territoire et est devenue une véritable institution. Ce qui était autrefois une fête

de quartier est aujourd’hui un événement organisé par des professionnels durant des mois. Parmi ces organisateurs, on trouve l’agence de communication Angalia, qui a pris la relève il y a 16 ans, accompagnée par la ville de Mamoudzou. Le thème choisi cette fois-ci est « tous en tongs », en référence aux

Le thème de cette année de la course de pneus est « tous en tongs ».
Les tongs peuvent se porter aux pieds, mais aussi à la tête, au poignet, ou autour du cou, selon les organisateurs.

tongs de Bao, personnage fictif emblématique de Mayotte, connu pour sillonner les routes du département.

Comme pour les éditions précédentes, un championnat a été organisé dans chaque intercommunalité pour sélectionner les enfants. Parmi les 600 participants, 200 ont été qualifiés pour prendre part à la grande finale qui aura lieu ce dimanche 1er septembre. À ceux-ci s’ajoutent 210 autres jeunes provenant uniquement de la commune chef-lieu. Du côté des adultes, ils sont moins nombreux, mais bien présents. On en compte 325, répartis dans 65 groupes. Il y a les traditionnelles équipes masculines (33), féminines (5), (4), les gros pneus (3), et les équipes mixtes (20), qui font leur apparition cette année. Le premier départ sera donné avec les garçons à 14h, les filles suivront à 14h30, et les adultes débuteront la compétition à partir de 15h. Tous feront le parcours de 1,850 km, partant du croisement Baobab jusqu’à la place Zakia Madi.

«

NOUS VOULIONS MARQUER LES ESPRITS »

DES MÉDAILLES POUR LES GAGNANTS

La grande nouveauté de cette 40e édition est la distribution de médailles. « Nous voulions marquer les esprits et faire quelque chose de sympa. C’est une vraie médaille gravée pour la course de pneus », explique Laurent Mounier, le directeur de l’agence Angalia. Les trois premiers garçons et les trois premières filles en recevront une, ainsi que les équipes gagnantes de chaque catégorie adulte.

Autre fait inédit cette année, la mise en place d’un village artisanal où seront vendus des produits mahorais. Il sera installé sur le parking en face du ponton de Mamoudzou.

UNE COURSE POUR LA COHÉSION SOCIALE

Surnommée la « formule 1 » de Mayotte, cette course est plus qu’une simple activité sportive. Elle est devenue un élément du patrimoine mahorais. La mairie de Mamoudzou met un point d’honneur à perpétuer cette tradition. « Tant qu’il y aura une municipalité à Mamoudzou, je pense qu’il y aura la course de pneus », affirme Zaïdou Tavanday, chargé de mission des grands événements sportifs à la mairie. Le sport est un sujet central dans la commune chef-lieu. « Nous considérons que c’est

« LA VOLONTÉ DE L’AGENCE ET DE LA MAIRIE EST DE MAINTENIR L’ESPRIT DE JACK PASS »

un bon moyen de renforcer la cohésion sociale. Les grands rassemblements rendent les gens heureux ensemble. Nous voulons rendre les gens heureux », ajoute Zaïdou Tavanday.

UN BUDGET DE 50 000 €

« La volonté de l’agence et de la mairie est de maintenir l’esprit de Jack Pass, qui voulait que la course soit gratuite pour chaque enfant et qu’ils reçoivent des cadeaux », rappelle Laurent Mounier. Mais comment financent-ils un tel événement ? « Grâce aux financements privés, aux mairies et aux associations qui nous mettent à disposition leurs moyens », répond le directeur d’Angalia. Il indique que le budget de cette année est de 50 000 €, bien que de nombreux paramètres ne soient pas pris en compte dans ce chiffre, à l’exemple des agents de la mairie de Mamoudzou payés en heures supplémentaires et toute la préparation en amont pour sélectionner les enfants dans les différentes intercommunalités. Quoi qu’il en soit, chacun y met du sien. 230 bénévoles se sont portés volontaires pour encadrer la course de pneus ce dimanche 1er septembre, ainsi que 80 agents de la mairie de Mamoudzou, 80 jeunes du Régiment du service militaire adapté de Mayotte et les forces de l’ordre, qui assureront la sécurité des 735 participants et des 6000 à 8000 spectateurs attendus. n

UNE COURSE DE PNEUS SUR UNE APPLICATION MOBILE

L’application mobile de la course de pneus a été lancée lors de la crise sanitaire, lorsque les grands rassemblements étaient interdits. L’agence Angalia l’a maintenue, car elle a suscité un réel engouement. « Nous comptabilisons 30 000 téléchargements sur les deux dernières années, dont 5000 en dehors de la métropole », annonce Laurent Mounier. Ce sport typique mahorais dépasse donc les frontières de Mayotte. L’application intitulée « Jeu mobile officiel course de pneus » revient cette année et sera disponible à partir du 13 septembre. « L’idée est de faire un championnat en ligne et de programmer la finale fin novembre, début décembre », ajoute le directeur d’Angalia.

reportage

«

Je

me se sens

prête pour dimanche », les jeunes s’entraînent une dernière fois pour la course

À QUELQUES JOURS DE LA COURSE DE PNEUS, LES DERNIERS ENTRAÎNEMENTS ONT LIEU AUX QUATRE COINS DE L’ÎLE. REPORTAGE AU STADE DE LABATTOIR À PETITE-TERRE AVEC INZOU SELEMANI UN COACH, LUI-MÊME ANCIEN VAINQUEUR DE L’ÉPREUVE IL Y A 15 ANS. IL TRANSMET SA PASSION POUR L’ÉPREUVE AUX PLUS JEUNES.

Il est 16 heures, ce mercredi, debout sur les estrades du stade de Labattoir, Inzou Selemani attend les jeunes. Fidèle au poste, l’éducateur de la commune organise depuis plusieurs mois des entraînements pour la course de pneus. Celui de ce mercredi a une saveur particulière, c’est le dernier avant la grande finale à Mamoudzou ce dimanche 1er septembre. Les apprentis coureurs se font attendre. « Depuis que l’école a repris, ils sont moins disponibles. Ils viennent de finir leur cours de l’école coranique, ils devraient arriver », évoquet-il. Les filles sont les plus nombreuses à avoir répondu présentes. « Les gars sont des fainéants », plaisante l’éducateur.

« On y va. Les retardataires vont nous rejoindre. On va commencer par faire trois fois le tour de stade pour vous échauffer » . La bande de filles et l’unique garçon s’élancent. Ils ont environ 10 ans. Certains sont des habitués

de la course, pour d’autres ce sera une première. C’est le cas de Nida, 11 ans, elle a suivi les entraînements avec beaucoup d’assiduité et est bien décidée à finir en haut

«

JE ME SUIS BEAUCOUP ENTRAÎNÉE DURANT LES VACANCES »

du classement. « Je me suis beaucoup entraînée durant les vacances. Pendant toute une semaine j’ai pris le pneu et les bâtons chez ma tante et je suis venue ici courir avec », explique-t-elle.

« CELA FAIT 4 ANS QUE NOUS DOMINONS LA COURSE »

« C’EST NOTRE FORMULE 1 LOCALE »

Inzou Selemani tient à organiser un entraînement sérieux, car il veut garder l’excellent palmarès de PetiteTerre. « Dans la catégorie garçons, ces dernières années, nous avons gagné trois ans d’affilée, sauf en 2023. Et dans la catégorie filles, c’est une jeune de Petite-Terre qui a fini vainqueur l’année dernière », se réjouit-il.

La course de pneus est très importante dans sa vie. « C’est notre formule 1 locale”, s’amuse-t-il. « J’ai moi-même été vainqueur il y a quinze ans, alors aujourd’hui ça me donne envie d’aider les jeunes ». Depuis sept ans, il leur transmet son savoir-faire. Cette année, il coache 22 enfants. Après l’échauffement, c’est l’heure d’aller chercher les pneus pour passer aux choses sérieuses. Aïcha dévoile les secrets de son équipement : « J’ai choisi deux bâtons à peu près de la même taille pour que je puisse avancer rapidement

et ensuite j’ai mis de l’huile dans le pneu pour qu’il roule bien ». Le coach leur demande de faire trois autres tours du stade, l’équivalent de la distance de la course. « Dimanche, ils vont courir du stade Baobab jusqu’à la barge », préciset-il. Au-delà de l’habileté pour tenir le pneu, il s’agit également d’une épreuve d’endurance. À l’issue de cet ultime entraînement, Aïcha est contente : « J’ai un peu mal aux jambes avec l’effort mais je suis très fière de moi. Je suis contente de participer parce que c’est ma première course, j’espère que je vais gagner »,sourit-elle. De son côté, Nida « se sent prête pour dimanche » Quarante-quatre jeunes de Pamandzi et de DzaoudziLabattoir vont représenter la Petite-Terre. Inzou Selemani est optimiste pour les résultats. « Cela fait 4 ans que nous dominons la course alors je pars confiant avec mes petits champions. » Dimanche les enfants ont rendez-vous avec le coach à 8 h pour le départ à Mamoudzou. Une dernière consigne pour la route : « Ne venez pas en tongs, leur dit-il, prenez des baskets ». Et pourtant, le thème de cette année est « tous en tongs » n

44 jeunes de Petite-Terre vont participer à la course.
Le coach Inzou Selemani a luimême été vainqueur de la course il y a 15 ans.
En plus d’habileté requise pour tenir le pneu, cette épreuve nécessite de l’endurance.
Nida participe pour la première fois à la course, elle s’est beaucoup entraînée en venant au stade pendant les vacances avec son pneu et ses bâtons.

Entretien

Laurent Mounier : « J’espère vraiment que la course de pneus va perdurer »

MÊME PAS UNE SEULE RIDE, ET POURTANT ELLE S’APPRÊTE À FÊTER 40 ANS D’EXISTENCE DANS QUELQUES JOURS. INVENTÉE PAR LE REGRETTÉ JACK PASS EN 1984, LA COURSE DE PNEUS EST DEVENUE UN DES EMBLÈMES DE MAYOTTE. ELLE CONTINUE TOUJOURS À ATTIRER DU MONDE, NOTAMMENT DES ENFANTS QUI REPRENNENT LE FLAMBEAU APRÈS LEURS PARENTS. DE PLUS EN PLUS STRUCTURÉE, ELLE FAIT DÉSORMAIS L’OBJET D’UNE APPLICATION MOBILE.

Mayotte Hebdo : Que représente la course de pneus à Mayotte ?

Laurent Mounier : Elle a été créée par Jack Pass en 1984 et l’agence Angalia a récupéré l’organisation il y a 16 ans. Cette année, nous allons fêter les 40 ans avec le sentiment d’avoir respecté le cahier des charges de Jack qui voulait une course gratuite, populaire et ouverte à tout le monde. Je pense qu’on a réalisé notre part du job.

M.H. : Y a-t-il toujours autant d’engouement qu’avant ?

L.M. : Oui, il y a toujours autant d’engouement qu’avant. Maintenant, on a un championnat de course de pneus avec des enfants d’intercommunalités, donc nous avons beaucoup plus d’enfants qu’avant, provenant de toute l’île. Il faut savoir que

« JACK PASS VOULAIT UNE COURSE GRATUITE, POPULAIRE ET OUVERTE À TOUT LE MONDE »

pour la course de cette année, ce sont 410 enfants qui vont parcourir, notamment, 200 issus des intercommunalités et 210 autres provenant de la seule commune de Mamoudzou. Et au niveau des adultes, nous avons cette année 65 équipes composées de 5 membres, c’était d’ailleurs le barème que nous souhaitions. Donc il y a toujours autant d’engouement et d’envie d’en découdre avec les pneus.

M.H. : Comment expliquez-vous la popularité d’un tel événement ?

L.M. : Il y a, à mon avis, plusieurs facteurs. Le fait que ça soit original, le fait que ça perdure, et que tous les Mahorais ont une histoire à raconter à propos de la course de pneus. Et puis, le fait qu’ils arrivent à transmettre ça de génération en génération. Avant c’étaient les parents qui parcouraient, maintenant ce sont leurs enfants qui le font. Concernant les personnes qui se trouvent à l’extérieur de l’île, ils trouvent ce folklore très sympathique et puis surtout, c’est assez original de pouvoir pousser son pneu et ses bâtons sur un parcours qui est simple. Hier j’ai regardé un reportage sur Jack Pass

qui disait que c’est la seule course qui est structurée, il existe à La Réunion, à Madagascar et en Afrique des personnes qui poussent des pneus, mais nous ici, avons une course qui est organisée et structurée.

M.H. : Depuis que vous avez repris l’organisation de la course de pneus en 2008, quelles évolutions avez-vous noté ?

L.M. : La grande évolution c’est que nous avons fait un championnat. Il a lieu au mois de mai avec UFOLEP, et il est très important ! Il a permis de ramener tous les enfants hors de la course. Puis nous avons fait une application mobile. En 2020, il ne nous a pas été possible

Laurent Mounier est le directeur de l’agence de communication Angalia, qui organise la course de pneus depuis 16 ans.

de faire la course à cause du Covid 19, et c’est pour cette raison que nous avons fait cette application mobile qu’il suffit de télécharger, elle est gratuite, et vous permet à ce jour, depuis votre canapé, d’ouvrir l’application et faire la course de pneus. Cela nous a permis d’obtenir 30.000 téléchargements en 2 ans. En termes d’évolution, je dirai, pour résumer, que nous avons maintenu la finale en l’état, nous avons un championnat et nous avons une application mobile. Nous avons une véritable course de pneus qui est sur tous les fronts.

M.H. : Comment avez-vous fait pour structurer la course de pneus ?

L.M. : Nous sommes une société privée, nous avons l’habitude de structurer nos événements et c’est un dossier sur lequel toute l’agence est mobilisée et fière de participer. Nous avons aussi la chance d’avoir un Master partenaire qui est la commune de Mamoudzou, partie prenante depuis 15 ans, qui nous accompagne et sans laquelle, je pense, nous aurions du mal à bien faire les choses. Nous avons également la chance d’avoir des associations qui nous suivent, je pense notamment à Wenka

Culture et Action coup de pouce, qui sont tous des bénévoles, il y a aussi UFOLEP avec laquelle nous organisons la course et le Régiment du Service Militaire Adapté (RSMA). C’est un mixte entre une société privée et des partenaires privés qui financent une partie de l’opération, des bénévoles et des associations qui sont présents dans l’organisation de la course et une mairie qui s’investit pleinement dans l’événement. C’est comme cela que nous arrivons à organiser cette course de pneus.

« IL Y A TOUJOURS AUTANT

M.H. : Pourquoi était-ce important d’intégrer la catégorie des personnes en situation de handicap lors des précédentes éditions ?

L.M. : Cette année, nous n’avons pas cette catégorie. Mais nous avons eu des personnes

en situation de handicap précédemment à la demande d’associations qui nous avaient sollicités pour cela. Nous avons accepté leur demande parce que l’idée est que toutes les personnes qui souhaitent participer à la course puissent le faire puisqu'elle est ouverte à tous. L’année dernière nous avions des personnes non voyantes, cette année en juin, des jeunes avaient demandé à faire la course en portant des tee-shirts qui permettent de calculer les battements du cœur, nous avions également accepté. Malheureusement avec le report de la course en septembre, cela n’a pas pu se faire finalement.

M.H. : À la veille de la célébration du 40ème anniversaire de cette course, quelle est votre vision de la suite dans 20 ou 40 ans ?

L.M. : J’espère vraiment que la course de pneus va perdurer, car c’est difficile d’organiser une course en 2024. Il faut mobiliser de gros moyens en termes de sécurité, c’est également conséquent sur le plan humain, à titre personnel, j’envisage que la course se développe pour que nous puissions accueillir plus d’enfants et plus d’adultes. Après, est-ce que nous aurons une fédération de course de pneus ? Je n’y crois pas trop. Je pense qu’il faut garder ce côté populaire et festif. Cette année nous organisons un salon avec des artisans. Dès 11 heures, les gens pourront venir, aller dans le salon et acheter des produits locaux, que ça devienne une journée fixe dans l’année où les gens viennent sur Mamoudzou pour

« NOUS AVONS UNE VÉRITABLE COURSE DE PNEUS QUI EST

SUR TOUS LES FRONTS »

participer ou regarder la course de pneus en regardant l’artisanat mahorais.

M.H. : Que vous inspire le regard des médias extérieurs sur cette course, en particulier au cours des 20 dernières années ?

L.M. : Je suis très fier de voir que de temps en temps la course est relayée par des journaux de métropole. Je pense spécialement au journal « L’Equipe » qui avait publié une photo relatant la course de pneus à Mayotte dans l’une des pages intérieures de son édition du 1er juillet 2019. En termes de publicité c’est vraiment bien. Nous avons également énormément de journalistes qui viennent et qui relaient notre information. Je suis aussi fier de deux journalistes qui ont tourné un « 52 minutes » sur la course de pneus qui est passé sur France 2 et qu’ils ont appelé « Mayotte, la plus belle course du monde ». Ça c’est vraiment fantastique, ça été réalisé en 2022 par Jean-Yves Guilleux et Virginie Verda qui ont passé trois semaines à Mayotte et qui ont fait des portraits d’enfants calés sur cette course. Pour moi c’est une grande fierté d’avoir comme ça un documentaire de 52 minutes qui passe sur les ondes au niveau national. n

La course de pneus en image,

LE PREMIER LOGO DE LA COURSE A ÉTÉ CRÉÉ EN 1989 ET LE PERSONNAGE FICTIF BAO EST DEVENU L’EMBLÈME.

LA PREMIÈRE AFFICHE DE LA COURSE DE PNEUS EN 1984.

JACK PASS (AU MILIEU EN NOIR), EN 2013. IL EST À L’ORIGINE DE LA COURSE DE PNEUS.

image, au fil des années

LA COURSE DE PNEUS EN 2014.

LA COURSE DE PNEUS EN 2015. LA CATÉGORIE DES GROS PNEUS IMPRESSIONNE TOUJOURS LE PUBLIC.

IL Y A ENCORE QUELQUES ANNÉES, LES ENFANTS DEVAIENT PASSER SOUS CETTE TOISE DE 1,40 M AFIN D’ÊTRE SÉLECTIONNÉS. CEUX QUI LA DÉPASSAIENT NE POUVAIENT PAS PARTICIPER.

LA COURSE DE PNEUS EN 2016. AU DÉPART, JACK PASS A ORGANISÉ CET ÉVÉNEMENT POUR LES ENFANTS.

DOSSIER

LA COURSE DE PNEUS EN 2017. LES ENFANTS SONT TOUJOURS PLUS NOMBREUX À PARTICIPER À LA COMPÉTITION.

LA COURSE DE PNEUS EN 2018.

LA COURSE DE PNEUS EN 2019. LES FEMMES SONT DE PLUS EN PLUS NOMBREUSES À Y PARTICIPER.

EN 2020, LA COURSE DE PNEUS A ÉTÉ PERTURBÉE PAR LA CRISE SANITAIRE.

DOSSIER

LA COURSE DE PNEUS EN 2022 SUSCITE UN RÉEL ENGOUEMENT PUISQU’ELLE REVIENT EN GRANDE POMPE APRÈS LA CRISE SANITAIRE.

LA COURSE DE PNEUS EN 2021.

LE THÈME DE LA COURSE DE PNEUS EN 2023 ÉTAIT « BOUQUET TROPICAL ».

LE CHAMPIONNAT DE LA COURSE DE PNEUS 2024 A EU LIEU AUX MOIS DE MAI ET JUIN. IL EST ORGANISÉ PAR UFOLEP.

LISEZ MAYOTTE BANDE DESSINÉE [1/3] DIDACTIQUE: METTRE EN GARDE CONTRE LES DANGERS DE L'ALCOOL

AGRÉGÉ DE LETTRES MODERNES ET DOCTEUR EN LITTÉRATURES FRANCOPHONES, CHRISTOPHE COSKER EST L’AUTEUR DE NOMBREUX OUVRAGES DE RÉFÉRENCE SUR LA LITTÉRATURE DE L’ÎLE AUX PARFUMS, NOTAMMENT UNE PETITE HISTOIRE DES LETTRES FRANCOPHONES À MAYOTTE (2015) DONT IL REPREND, APPROFONDIT ET ACTUALISE, DANS CETTE CHRONIQUE LITTÉRAIRE, LA MATIÈRE.

L’an passé, nous avons consacré à la bande dessinée une série en six épisodes sous le titre la « littérature en estampes » . Cette série se focalisait sur les exemples les plus visibles de cette production à Mayotte. Elle nous semble aujourd’hui mériter d’être complétée par trois épisodes. Le premier d’entre eux est consacré à un texte difficile d’accès. Nous l’avons déniché aux Archives départementales de Mayotte. Il s’agit d’une bande dessinée consacrée aux dangers liés à l’abus d’alcool. C’est donc une commande publique de bande dessinée didactique à l’usage de la jeunesse. Le fait qu’il s’agisse d’une commande et d’une œuvre relativement brève en occultent peut-être la visibilité et empêchent d’en considérer immédiatement l’esthétique. Nous avons pourtant décidé d’en proposer une lecture de près.

Cette bande dessinée comporte deux volets. Ils se terminent, à chaque fois, par une mise au point théorique. La première partie commence dans un bar où un personnage abuse de la boisson. Il se prend une gifle de la part d’une femme qu’il sollicite de façon inappropriée. Il apostrophe ensuite un groupe de danseuses, mais finit par vomir, ce qui ne donne pas de lui une image

particulièrement flatteuse. Il prend enfin le volant avec un ami et a un accident mortel. Cette fin tragique, qui peut surprendre dans une bande dessinée didactique, est sans doute choisie parce que le banal n’exclut pas le tragique qui se montre particulièrement expressif :

« Un samedi soir comme bien d’autres… Abdou et Saïd avaient vingt ans. Ils sont morts dans un accident de la route. Ils avaient passé la soirée à boire. Ils ont pris leur véhicule alors qu’ils étaient dans un état d’alcoolémie avancé. Si vous buvez, ne prenez pas la route… Ce scénario est malheureusement trop réel… Si vous buvez, faites-vous raccompagner ou restez sur place pour désouler [sic]. N’oubliez pas : ensemble, luttons contre l’alcool… » (p. 6). En ce qui concerne la morale, elle est livrée par un agent de police derrière son ordinateur. Il s’agit d’un policier du commissariat de Mamoudzou appelé Ousladou. Son discours se compose de trois parties : une sorte d’introduction, le corps du texte et une conclusion. Citons l’alpha et l’oméga du discours : « Après la vitesse, l’alcool au volant constitue la deuxième cause de l’insécurité routière en France. Sur l’ensemble du réseau national, près d’un accident mortel sur trois est lié à l’alcool

au volant. […] N’oubliez pas !!! BOIRE OU CONDUIRE mais pas les deux. » (p. 7)

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Dans la deuxième scène, un couple sort en boîte de nuit, mais l’homme boit au lieu de se préoccuper de sa compagne qui souhaite danser et qui le met en garde contre ses excès. Elle se voit obligée de conduire et, une fois à la maison, elle se prépare pour la nuit tandis qu’il passe à l’alcool fort. Et ce qui devait arriver arrive, ou plutôt n’arrive pas, sous les draps… On voit d’abord l’homme impuissant, puis la femme qui le congédie en lui jetant au visage, ou au dos, sa nullité. Cette fois-ci, la leçon vient d’une femme dont la position d’experte sérieuse est indiquée par le fait qu’elle est assise derrière un bureau. Il s’agit d’une psychologue spécialiste en conduites addictives. Son

discours se compose de quatre parties : « Qu’est-ce que l’alcool ? » , « L’alcool dans l’organisme » , « Violence et criminalité ; problèmes de couple » , « L’alcool ne donne pas des forces ; l’alcool n’augmente pas la virilité » . (p. 11) Un dernier mot sur la morale contre l’alcool. Dans une première phase, elle met en jeu la vie et dans un second temps la sexualité. On peut s’étonner de l’étrange gradation entre les deux. Eros semble moins important que tanathos. En outre sans verser dans les études de genre, force est de constater que sont stéréotypés les rapports entre hommes et femmes.

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NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE

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Première parution

Vendredi 31 mars 2000

ISSN 2402-6786 (en ligne)

RCS : n° 9757/2000

N° de Siret : 024 061 970 000 18

N°CPPAP : 0125 Y 95067

Site internet www.mayottehebdo.com

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