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LE MOT DE LA RÉDACTION
UNE NOUVELLE ÈRE ? "Violence". Lorsque le mot fait la une de l'actualité, souvent, les médias sont taxés d'anxiogènes. Mais à Mayotte, la violence est une réalité que personne ne peut aujourd'hui ignorer. Les anciens, pourtant, se souviennent encore d'une île où, quelques décennies plus tôt, chacun vivait en paix, dans le respect des aînés et de leur autorité. Mais l'île, depuis, a changé de statut et s'est doucement structurée. Un développement qui, du point de vue de certains écrivains et sociologues, a creusé les inégalités, tout en institutionnalisant l'éducation. Les transformations de la société mahoraises seraient-elles alors à l'origine de la délinquance qui gangrène aujourd'hui le territoire ? Une vaste étude a tenté d'y répondre, afin de préparer l'installation de l'observatoire de la violence de Mayotte. Dans le même temps, s'ouvrent ce lundi les premières assises de la sécurité, orchestrée par la municipalité du cheflieu. Alors oui, aujourd'hui encore, la violence fait la une de l'actualité locale. Mais cette fois, espérons qu'elle le fasse pour que s'écrive, enfin, une nouvelle page. Solène Peillard
TOUTE L’ACTUALITÉ DE MAYOTTE AU QUOTIDIEN
Lu par près de 20.000 personnes chaque semaine (enquête Ipsos juillet 2009), ce quotidien vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre également un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.
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FI n°3839 Lundi 7 mars 2016 St Félicie
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FI n°3822 Jeudi 11 février 2016 Ste Héloïse
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RENSEIGNEMENTS Tél : 0639 67 04 07 | Mail : contact@mayotte-e-velos.yt
FI n°3818 Vendredi 5 février 2016 Ste Agathe
marine le Pen
environnement
Port de Longoni
ConSeil départeMental
Quel accueil se prépare pour la présiDente Du Fn ?
Le Lagon au patrimoine mondiaL de L'unesCo ?
la dsP sur la sEllEttE
pas de changement sUr l’octroi de mer
© Jonny CHADULI
Grève à Panima
TéléThon 2016
Des propositions mais toujours pas D'issue
DemanDez le programme
première parution : juillet 1999 - siret 02406197000018 - édition somapresse - n° Cppap : 0921 y 93207 - dir. publication : Laurent Canavate - red. chef : Gauthier dupraz - http://flash-infos.somapresse.com
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FI n°3997 mercredi 30 novembre 2016 St André
© CR: Gauthier Bouchet
Diffusé du lundi au vendredi, Flash Infos a été créé en 1999 et s’est depuis hissé au rang de 1er quotidien de l’île.
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Économie
SÉcuritÉ
Les appeLs à projets de L'europe
Couvre-feu pour Les mineurs
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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Musique
Faits divers
Edmond BéBé nous a quitté
ViolEncE En cascadE
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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MCG VS SMart
ViCe-reCtorat
UltimatUm oU véritable main tendUe ?
l’institUtion répond aUx critiqUes
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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TCHAKS L'ACTION Somahazi, la voie du win-win pour les entreprises et les jeunes Bacheliers, titulaires d’un BTS ou d’un CAP ou encore non diplômés, nombreux sont les candidats à pousser la porte du centre de formation d’apprentis Somahazi qui a fraîchement lancé une vaste campagne de recrutement pour ses deux nouvelles formations commerciales, d’une durée d’un an. Au total, 45 places sont disponibles et prises en charge à 100% par l’Etat pour tout contrat en alternance signé avant le 28 février. Au programme notamment : des ateliers de théâtre et d’improvisation mais aussi de mise en valeur de leur lettre de motivation et de leur CV.
LE CHIFFRE 31%
C’est le taux de remplissage en eau des retenues collinaires de Mayotte au 3 novembre, contre 45% l’année dernière à la même période. Si 113 fuites ont été colmatées sur le réseau depuis le 1er septembre, et malgré le passage aux coupures de 24 heures, la consommation quotidienne de la ressource a augmenté de 85m3 par jour par rapport à la semaine précédente. Actuellement, les Mahorais consomment 34 280m3 chaque jour, soit moins de 2 000 litres de moins qu’en temps normal, contre un objectif établi par la préfecture à 28 500 m3. Toutefois, les récentes pluies, deux fois supérieures aux normales de saison, permettent de stabiliser les réserves collinaires. Au total, 18 879 m3 d’eau ont pu être économisés depuis le début des coupures.
LA PHRASE “Mayotte aujourd’hui fait face aux questions les plus urgentes” La semaine dernière, le député européen LR François-Xavier Bellamy est venu à Mayotte pour sa première visite officielle dans les Outre-mer. Un choix motivé par la situation économique et migratoire du 101ème département, “la région la pauvre d’Europe”. “Certes, tous les Outremer ont leurs atouts, leurs difficultés. Mais sur la question de la sécurité, sur la question du développement économique, sur la question migratoire, Mayotte est à la croisée des chemins”, a-t-il défendu, alors que ses homologues planchent actuellement sur le nouveau schéma migratoire de la commission. Le déplacement de François-Xavier Bellamy a été marqué, notamment, par une rencontre avec le Grand cadi de Mayotte, une visite du centre de rétention administrative et une immersion sur le terrain avec la police aux frontières.
ELLE FAIT L’ACTU Anlia Charifa sacrée 20ème Miss Mayotte Après l’élection de Larissa Salim Bé en tant que nouvelle Miss Excellence fin octobre, Anlia Charifa a été sacrée Miss Mayotte samedi soir. Déjà candidate lors de la précédente édition, elle succède ainsi à Eva Labourdère et participera à la finale nationale le 12 décembre prochain au Puy du Fou, du moins si la situation sanitaire le permet… Cette année encore, cinq candidates étaient en lice pour devenir la 20ème Miss Mayotte.
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LU DANS LA PRESSE “À Mayotte, silence on tue” Par Marcel Rinaldy, chef d’entreprise mahorais, pour le Huffington Post Un silence vécu d’ailleurs par de nombreux Mahorais comme une forme de violence supplémentaire. Le département français de l’océan indien est en proie à une montée de la violence depuis quelques mois. Une insécurité qui semble surtout être le fait d’une délinquance juvénile aux méthodes proches de la “guérilla urbaine”. La société civile et notre communauté d’entrepreneurs s’organisent, mais nous sommes nombreux à craindre que la situation ne dégénère. Nuit du 8 juillet 2020. À Trévani, commune de Koungou, une quarantaine de jeunes armés de “coupe-coupe” jette des pétards sur les cases en tôle et les voitures, provoquant un incendie ravageant tout le quartier. Moins d’un mois plus tard, non loin de là, une vingtaine de jeunes attaque des plaisanciers qui profitent de la plage située devant un hôtel. Ces derniers se réfugient jusque dans l’établissement, poursuivis et détroussés par leurs assaillants. Le patron de l’hôtel s’insurge: “ce n’est plus possible! Est-on au Far West ou en France?” Le 23 août, un homme d’une soixantaine d’années est attaqué à coups de machette dans l’enceinte même d’un autre établissement hôtelier, au sud de Grande Terre cette fois, l’île principale de Mayotte… Le 101e département français fait face à une situation inquiétante: une recrudescence des faits de violences et de délinquance commis par des jeunes, souvent déscolarisés et livrés à euxmêmes. Partout, ils sèment la terreur. Dans les rues et jusqu’aux abords des collèges, n’hésitant pas à blesser et même à tuer. Rien ne semble pouvoir les arrêter. Le week-end du 9 octobre a été une fois de plus marqué par des émeutes. Une nouvelle rixe entre bandes rivales devant le collège de Passamaïnty, entraînant au passage l’évacuation de l’établissement, s’est terminée par des affrontements sur une crête et de nombreux dégâts aux habitations. Plus choquant, à quelques kilomètres de là, un enfant de 8 ans est roué de coups et se fait attaquer au tournevis par un groupe de jeunes bandits, sous le regard sidéré des passants, en pleine rue et en plein jour. Son pronostic vital reste engagé. Les images diffusées sur les réseaux sociaux font froid dans le dos. La violence y apparaît sans limites. Un contexte de “guerre civile” L’insécurité et la délinquance sont plus élevées à Mayotte que dans l’Hexagone. Le bilan 2019 dressé par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) l’atteste. Cela fait bien longtemps que Mayotte et officiellement ses 270.000 habitants, mais 400.000 à 450.000 officieusement, subissent très régulièrement les caillassages de pompiers et de policiers, incendies de maisons, agressions à la machette… Or, l’insécurité semble avoir franchi un cap ces derniers mois. Suite aux dernières émeutes, de nombreuses voix s’élèvent pour demander aux Autorités d’intervenir au plus vite afin de renforcer les moyens de sécurisation sur ce territoire français. Les élus locaux prennent la parole pour condamner l’extrême violence à Mayotte, au bord de “la guerre civile”, selon la formule du député Mansour Kamardine. Le monde éducatif s’exprime lui aussi. Ne s’estimant pas assez protégés, les citoyens ne tardent pas non plus à s’organiser. Dans plusieurs villages, plusieurs quartiers de l’île, de nombreux collectifs se créent dans le but d’apaiser, par la médiation, les tensions vivaces entre les bandes rivales. Dans une île gangrénée par la violence et l’insécurité, le monde économique, qui peine déjà à se relever des conséquences de la crise sanitaire, subit lui aussi la situation de plein fouet. Les professionnels de la restauration et de l’hôtellerie, bien sûr, sont directement touchés par des faits divers sordides; mais ils ne sont pas les seuls à monter au créneau. Dans un courrier envoyé récemment au Préfet de Mayotte et relayé dans un média local, le syndicat des transitaires écrit ceci: “Le 4 août nous vous alertions sur les agressions; caillassage et attaques de véhicules qui se produisent depuis le mois de juillet 2020 sur le trajet port de Longoni/Mamoudzou, le 7 septembre nous vous réécrivions pour
vous signaler l’agression qu’un cadre de nos membres a subie sur ce trajet en rentrant chez lui” (…) “Vendredi (9 octobre), un véhicule de nos adhérents a été pris pour cible au niveau de Majicavo Lamir vers le rond-point du collège pourtant situé à proximité de la Gendarmerie. Conséquences: un véhicule qui n’a plus le droit de circuler tant que le pare-brise endommagé n’est pas remplacé, sachant qu’il n’y en a pas de disponible sur l’île, il faudra a minima attendre trois semaines, des personnels choqués, des livraisons annulées, des heures perdues pour déposer plainte et faire la déclaration à l’assurance et obtenir un rendezvous avec l’expert automobile”. Mobilisation de la société civile et du monde économique Dégradations, intrusions, vols, blocages: l’économie souffre. Salariés et clients doivent pouvoir circuler librement. Les employeurs que nous sommes, souhaitons simplement pouvoir exercer nos activités dans des conditions sereines et sécurisées. Excédés de voir la situation se dégrader, nous avons décidé à la fin du mois d’août de créer un collectif d’acteurs du monde économique mahorais afin d’apporter notre pierre au travail de sécurisation de ce territoire qui nous tient à cœur. Car si nos clients ne peuvent pas se déplacer dans nos commerces, dans nos hôtels et restaurants, parce qu’après 17 h ils ont peur de prendre la route, ou qu’à tel moment ils savent qu’il va y avoir des barrages, c’est toute la dynamique économique déjà affaiblie par l’épisode du Covid qui risque de sombrer. Mayotte doit combler des retards et faire face à de nombreux enjeux. Comment expliquer que ceux-ci ne suscitent pas davantage d’actions et de réactions, notamment de la part des autorités dans ce département français? Beaucoup dénoncent le silence assourdissant entourant la situation dramatique de Mayotte. Un silence vécu d’ailleurs par de nombreux Mahorais comme une forme de violence supplémentaire. Invité de Mayotte la 1re au lendemain d’une émeute, lundi 12 octobre, le préfet Jean-François Colombet assure qu’il est dans l’action. “Le Gouvernement fait des efforts pour le 101e département,
puisque 25 gardiens de la paix arriveront au 1er novembre et une vingtaine de plus fin janvier”, précisant qu’il s’agit d’effectifs supplémentaires et non de remplaçants de partants.
Revenant sur le profil très jeune de certains agresseurs, le préfet de Mayotte met en cause les parents, ou en absence de parents, les adultes qui les fréquentent et explique que les jeunes sont manipulés par des chefs de bandes voulant récupérer leur territoire. Trouver des réponses aux problèmes “La situation de Mayotte est extraordinairement préoccupante”, reconnaît Sébastien Lecornu, interpellé à l’Assemblée nationale. Le ministre des outre-mer annonce qu’il se rendra dans le département “avant la fin de l’année”. Il ne serait pas le seul à vouloir s’y rendre: Eric Dupont Moretti, Garde des Sceaux, aurait lui aussi programmé de visiter le territoire d’ici la fin de l’année, selon cette fois un parlementaire mahorais. La tension est à son comble et en l’absence de réponses pérennes et efficaces -ce qui est vécu par beaucoup comme un manque d’anticipation et de considération de la part des autorités- le risque est fort que le sentiment d’impunité puisse inciter demain les populations à se défendre par tous les moyens. Selon certains observateurs, cela a déjà commencé. Aujourd’hui, Mayotte est assise sur un volcan qui peut à tout moment exploser, comme cela s’est déjà malheureusement produit par le passé. En attendant l’arrivée de forces de l’ordre supplémentaires, la seule réponse immédiate a été apportée par le maire de Mamoudzou, en proposant l’organisation d’Assises de la Sécurité, les 9 et 10 novembre prochains. Si la démarche est louable, l’inquiétude sur place est grande de voir la montagne accoucher d’une souris. Certaines critiques estimant que le travail à venir a déjà été au cœur du projet élaboré il y a deux ans dans le plan d’action de l’État pour l’avenir de Mayotte, suite au mouvement social d’ampleur ayant paralysé le territoire pendant plusieurs semaines. Deux ans après, la situation ne s’est pas améliorée.
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SÉCURITÉ
AUX ORIGINES DE LA VIOLENCE C’est une double première à travers tout le territoire. Alors que la municipalité de Mamoudzou organise, ces lundi et mardi, ses assises de la sécurité, le conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement (CCEE) vient d’annoncer la création de l’observatoire de la violence. Mais avant d’officialiser son installation, nombre de personnalités, chercheurs et écrivains ont mené une étude préalable qui permettra d’orienter les actions de cette nouvelle structure, en matière de prévention, d’accompagnement et de répression. Une enquête sio-culturelle d’ampleur, qui s’interroge sur les causes des différents phénomènes de violences qui touchent le territoire.
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Solène Peillard
REPORTAGE
UNE FRACTURE SOCIÉTALE, ENTRE TRADITION ET DÉVELOPPEMENT SOCIO-ÉCONOMIQUE NOMMÉ RESPONSABLE DE L’OBSERVATOIRE DES VIOLENCES À MAYOTTE, LE CONFÉRENCIER ET AUTEUR SALIM MOUHOUTAR DRESSE UN ÉTAT DES LIEUX SOCIOHISTORIQUE DU DÉPARTEMENT, RAPPELANT QUE L’ÎLE, AUTREFOIS RÉGIE “PAR DES RÉSEAUX TRADITIONNELS D’AUTORITÉ”, A CONNU DIFFÉRENTS ÉPISODES ET TYPES DE VIOLENCES AVANT ET DEPUIS SON CHANGEMENT DE STATUT. “En quarante ans, cette île qui était presque entièrement bâtie en terre et en feuilles de cocotier, a connu un très rapide développement économique et une forte croissance démographique qui se sont traduits par des bouleversements sociaux importants, générant à la fois le meilleur comme le pire”, introduit le conférencier Salim Mouhoutar, également responsable de l’observatoire des violences à Mayotte. Selon lui, “le meilleur a commencé à se manifester dès 1976, avec la reprise de l’île en administration directe de la métropole, par des libertés publiques, la généralisation de la médecine et de l’enseignement, la croissance urbaine, la monétarisation de l’économie, l’extension rapide du salariat, le logement social, l’ouverture au monde.” Mais le pire, lui, s’est manifesté “par
les produits de ce développement, marqués par de remarquables pathologies sociales”, parmi lesquelles chômage, pauvreté, pression migratoire, faible accès à l’éducation, errance ou isolement de milliers de mineurs, multiplication de l’habitat précaire et délinquance. Aujourd’hui prise en étau entre une “violence d’affirmation” et une “violence d’appropriation”, la population, comme le décrit Salim Mouhoutar, refuse “d’isoler la signification de ces violences dans des responsabilités individuelles”. Résultats, ces faits - caillassages, atteintes au bien et aux personnes - sont convertis en “phénomène social” et deviennent dès lors un véritable
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“enjeu politique”, comme l’ont montré la manifestation du 20 février où 1 500 personnes avaient défilé contre l’insécurité, et les 51 jours de grève générale qui ont suivi.”En même temps, nombreux sont les Mahorais qui ont choisi pour se protéger de barricader leurs maisons par des grilles métalliques. Cette situation a conduit l’antenne Insee de Mayotte à lancer en ce début d’année 2020, une enquête de terrain sur la victimation”, rappelle encore le responsable de l’observatoire des violences. Mais cette “situation de rupture non maîtrisable” s’est également exprimé par d’autres biais, notamment en 2002, lorsque “certains Mahorais avaient condamné l’attitude du premier magistrat de Bandrélé”, suite à sa décision de détruire par le feu une trentaine de cases
occupées par près de 150 clandestins anjouanais à Hamouro, “pourtant symbole aux yeux d’autres Mahorais de leur combat pour la liberté d’appartenance à la République française”. Une véritable fracture vis-à-vis des “procédures et règlements traditionnels de gestion des conflits et de crise, qui ont permis de rester un havre de paix et de stabilité”, poursuit Salim Mouhoutar. “Ces procédures s’articulaient autour de la réconciliation "suluhu", de la demande du pardon "utsaha radhi" et de l’amende civile le "mawu". Elles étaient mises en œuvre par les réseaux traditionnels d’autorité pour tout simplement rétablir l’ordre social existant, souvent considéré comme immuable. Elles ont été forgées par le temps pour répondre à ce besoin aujourd’hui déstabilisé par le développement socio-économique. Et d’autre part, par l’Islam qui est le fondement commun à la diversité culturelle de la
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Grégoire Mérot
majorité des populations présentes à Mayotte, qui ne parvient plus à imposer à l’individu le vivre ensemble.”
VIOLENCES URBAINES, SOCIÉTALES ET INSTITUTIONNELLES Jusque dans les années 90, “ont été rares les jeunes traduits au tribunal pour des problèmes de délinquance”, pointe du doigt l’étude. En 1993, apparaissent “les actes antisociaux et d’incivilités dirigés contre les biens d’autrui”. La même année éclate un mouvement social,
le premier du genre et qui “a certainement représenté le tournant dans le phénomène des violences à Mayotte car il a révélé pour la première fois un malaise social”, porté par des revendications salariales. “En une journée, les Mahorais ont assisté à l’incendie des services fiscaux (DRFIP), de la Société Immobilière de Mayotte (SIM), de la Caisse de Prévoyance Sociale de Mayotte (CPSM), du Service de Transport Maritime (STM) et du Comité du Tourisme de Mayotte (CTM).” Depuis, le nombre d’agressions physiques à Mayotte connaît une nette hausse.
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Mais la violence à Mayotte est un monstre protéiforme, marqué par un colonialisme “vécu durement” note l’étude. Preuve en est : le mot local “Sirkali” désigne l’Etat (ou l’autorité coloniale) caractérisé par son autoritarisme et sa violence, l’autorité qui distinguait des citoyens français et des sujets français, qui imposait aux derniers le Code de l’Indigénat et réservait aux premiers le Code civil du droit commun français. Pendant ce colonialisme, nombre de Mahorais ont connu restrictions, travaux forcés, sévices physiques et psychologiques, infligés par la population blanche. Entre 1912 et 1946, administration française et autres régimes malgaches se sont succédés sur le sol mahorais. Puis,
sous le régime dit d’autonomie interne des Comores, entre 1946 et 1975, les pouvoirs de la France sur la population locale avaient été relégués aux responsables politiques comoriens. “Ces régimes ont utilisé, monopolisé tous les moyens pour développer leurs îles au détriment de Mayotte, abandonné”, conclue le responsable de l’observatoire des violences à Mayotte, pour qui “le retard apporté à la mise en place d’un véritable statut à Mayotte, sous administration française lors de la sécession des Comores en 1975, a contribué à augmenter les inégalités et les injustices”. n
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Propos recueillis par Solène Peillard
REPORTAGE
L’ÉDUCATION TRADITIONNELLE BOUSCULÉE PAR LE DROIT COMMUN PENDANT DES DÉCENNIES, L’ÉDUCATION D’UN ENFANT ÉTAIT UNE RESPONSABILITÉ COMMUNE À TOUTE LA SOCIÉTÉ MAHORAISE. MAIS L’ARRIVÉE DU DROIT ET DES JURIDICTIONS FRANÇAISES A REMIS EN QUESTION CE MODÈLE. SANS QU’AUCUNE AUTRE ALTERNATIVE NE SOIT PROPOSÉE EN TERME DE CADRE MORAL. L’éducation traditionnelle mahoraise des enfants est très codifiée. Placé sous la surveillance de toute la communauté, ils vivent généralement en dehors du foyer familial. Chaque adulte doit considérer tout enfant comme le sien, et à contrario, chaque enfant doit considérer tout adulte avec le même respect que n’importe lequel des membres de sa famille, souligne Ali Saïd Attoumani et Nailane Attibou, respectivement directeur adjoint de la jeunesse et des sports du Conseil départemental et directeur du conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement, également co-auteur de l’étude sur les violences. De fait, traditionnellement, “tout comportement déviant ou ne répondant pas aux règles de la vie sociale était systématiquement corrigé”. “C’était une honte pour les parents que leurs enfants ne sachent pas se comporter”. Mais seule la troisième ou quatrième récidive impliquait une correction physique, souvent par le fouet, ou “shengwé”. Une
sanction très codifiée pour ne pas blesser l’enfant et “lui permettre de toujours pouvoir revenir manger et dormir à la maison le soir sans crainte”. Mais d’outil symbolique et à l’origine plus dissuasif que punitif, utilisé en dernier recours, le fouet a progressivement été remplacé, du fait du changement de statut, par la justice étatique dont les décisions furent parfois “incomprises par la population”. “Ces décisions ont été comprises comme une obstruction et une expropriation de l’éducation des enfants : “ Sirkali kayipvindze ralela wana watru ”, comprenons ici que “l’Etat ne veut plus qu’on éduque nos enfants“ ”, cite l’étude. La notion de “l’enfant du juge” désigne alors une jeunesse intouchable, puisque protégée par le système judicaire. Et la seule menace d’un recours en justice peut suffir à provoquer “un électrochoc social et collectif”. Aux antipodes des codes de l’éducation parentale à Mayotte.
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UN OBSERVATOIRE POUR “ABANDONNER CETTE PENTE SUICIDAIRE” La semaine dernière, différents acteurs institutionnels - rectorat, agence régionale de santé, Département et fédération des conseils de parents d’élèves - se sont réunis pour présenter le futur observatoire des violences. Après la production d’une étude préliminaire, toutes les parties prenantes du projet ont assuré ne pas uniquement “faire du verbiage” et tirer à présent des recommandations. Preuve en est avec la création début décembre d’un conseil scientifique, composé de juristes, de psychologues, d’anthropologues, d’universitaires et de personnalités publiques, “ pour veiller à ce que cette production ” soit gravée dans le marbre, certifie Mouhoutar Salim. Et de nombreuses rencontres doivent se dérouler régulièrement au cours des 15 prochains mois, à l’image des Assises de la jeunesse, prévues fin janvier, début février. “ Une étape de perspectives ”, rajoute Gilles Halbout. Et grâce aux futures données et chiffres récoltés par les acteurs de terrain, le conseil de la culture, de l’éducation et l’environnement sera alors en mesure d’apporter son expertise. “ Analyser pour agir ”, plaide Ali Said Attoumani, le préfigurateur du conseil scientifique, qui juge nécessaire de réaliser une autopsie de 2011 à nos jours. “ Nous disons tout et son contraire… ” Mais pour lui, il apparaît essentiel d’“ utiliser notre identité territoriale pour abandonner cette pente suicidaire ”. Et une fois le calme revenu, “ l’Observatoire est là pour éclairer le chemin des 25 prochaines années ”. Et ainsi ne pas reproduire les erreurs antérieures…
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D’UNE JEUNESSE VIOLENTÉE À VIOLENTE Mayotte est aujourd’hui l’un des territoires “où le taux de vols et dégradation de biens est très élevé, pas loin de la Guadeloupe et de la Guyane”, rappelle Raphaël Souf Mohamed, chargé de mission Pôle Europe du Département de Mayotte et doctorant en Droit Public à l’Université de Strasbourg. Les crimes et délits de coups et blessures volontaires sont en augmentation presque chaque année depuis dix ans, pendant que les violences sexuelles, elles, ne baissent pas. “À cette délinquance que l'on peut qualifier “ de droit commun ” s'ajoutent des défis spécifiques auxquels Mayotte est confrontée, Il s'agit tout d'abord de l'immigration illégale. En faisant abstraction de l'immigration clandestine à l'origine d'une “ délinquance de survie ”, Mayotte est touchée par un phénomène important de délinquance”, estime le co-auteur de l’étude préliminaire à l’installation de l’observatoire de la violence. Alors que les mouvements sociaux “ont eu un effet sur l’augmentation de la délinquance” tant en matière d’atteintes aux personnes que d’atteintes aux biens, “les services judiciaires de Mayotte ne disposent pas d’outils performants permettant de quantifier le phénomène de délinquance des mineures”. Selon les estimations, ils représenteraient toutefois 63% des auteurs d’infractions non identifiées et non interpellés à Mamoudzou, soit le triple de la moyenne nationale en zone police. “les premières infractions seraient commises dès 12-14 ans. Les phénomènes de délinquance s'expliquent principalement par l'absence d'espoir chez les jeunes”, note Raphaël Souf Mohamed. En effet, l’étude pointe du doigt des manques importants concernant les outils destinés à encadrer et accompagner les mineurs délinquants : l’aide sociale à l’enfance - une compétence obligatoire du département - propose, par exemple, 200 places pour 280 mineurs délinquants relevant d’une décision judiciaire. Notamment sous l’effet des flux migratoires, cette mission est jugée “insuffisamment mise en oeuvre en raisons de moyens limitées”, incapables dès lors de répondre à la fois aux besoins de la population et aux obligations définies par le code de l’action sociale et des famille. “Il est à rajouter que la prison de Majicavo ne dispose que de six places pour des mineurs délinquants alors que le double voire le triple de mineurs est actuellement incarcéré dans cet établissement.”
Désormais, les adultes semblent craindre davantage les enfants que l’inverse, selon les auteurs de l’étude. “L’enfant a découvert qu’il a des droits qu’il peut les faire valoir au-dessus des principes fondateurs de l’éducation parentale. Les conséquences ont été immédiates. Les premiers enfants qui ont osé porter plainte, souvent sur l’accompagnement de certaines institutions (assistant social, équipes pédagogiques des établissements scolaire) ou certaines structures associatives et autre. Il a suffi de quelques cas pour que l’information se propage comme une traînée de poudre sur l’ensemble du territoire, du fait de la phobie des mahorais de se voir mis à un jour devant l’institution judiciaire et de l’autorité institutionnelle”. Le périmètre de la famille se rétrécit dès lors, les valeurs culturelles communes s’individualisent. Pendant que les repères fondamentaux s’effondrent, “les autorités ne sont pas en phase des cultures locales”. Des pratiques
traditionnelles s’effondrent, et aucune alternative n’émerge pour encadrer moralement la jeunesse.
LE MOURENGUÉ, FAIT SOCIAL PRESQUE TOTAL Traditionnellement, le mourengué permettait aux hommes d’évacuer leur excès d’agressivité en se battant contre un adversaire consentant et jugé à capacités égales. Jusqu’à la fin des années 2000, ils étaient organisés comme manifestation culturelle durant le mois de Ramadan, après la rupture du jeûne pour les garçons d’un même village. “Il arrivait que des enfants de dix ans, en plein apprentissage des règles de vie en communauté, se jettent dans l’arène (un cercle constitué par la foule des spectateurs avec les boxeurs et les deux arbitres au centre) pour se mesurer sous le regard amusé ou parfois inquiet des parents et des
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proches. Chaque victoire était une source de fierté pour les supporters du valeureux garçon.”, explique Bacar Achiraf, président de la ligue de l’enseignement de Mayotte et vice-président du conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement. “Avant chaque affrontement, les deux boxeurs avaient quelques minutes pour parader, danser afin de faire baisser l’adrénaline et de chercher à s’impressionner mutuellement.” Aussi, des arbitres encadraient strictement le combat. “Il arrivait également que pour régler un différend entre deux jeunes garçons, l’adulte présent oblige les deux protagonistes à se battre à la loyale. Parfois, l’idée d’inviter quelqu’un à se battre peut venir de ses pairs. Après cette confrontation virile, les esprits s’apaisaient pour un bon moment et on pouvait passer à autre chose : l’incident était clos. Le mourengué était donc un moyen très efficace pour faire baisser les tensions et réguler la violence interpersonnelle ou inter-villageoise”, détaille davantage l’étude. Mais en réponse à plusieurs débordements et bagarres qui ont éclaté en marge de ces mourengués, les autorités ne délivrent plus les autorisations pour la tenue de ces manifestations. Impactant de fait, selon l’auteur, “la fonction de régulation sociale de la violence”, devenue “inopérante”.
DÉCROCHAGE SCOLAIRE : DU DÉCROCHAGE INSTITUTIONNEL AU DÉCROCHAGE PARENTAL
Autre marqueur de fracture au sein de la société mahoraise, le décrochage scolaire, relève Zalifa Hassane, présidente de la fédération des conseil des parents d’élèves de Mayotte. Un terme qui “semble résumer l’ensemble des manquements de l’école à ses missions” en désignant à la fois “des victimes de l’échec scolaire, des jeunes désocialisés, de futurs chômeurs ou délinquants, voire de possibles terroristes.” “La question qu’on se pose aujourd’hui est : pourquoi le décrochage scolaire n’était-il pas un problème dans les années 1980 à Mayotte? (...) Il convient d’envisager le problème du décrochage scolaire comme une construction historique et sociétale. Historique au sens où il est nécessaire de le situer dans la temporalité des politiques publiques de la jeunesse, en comprenant la politique scolaire. Sociétale parce qu’il s’inscrit dans des rapports entre les structures sociales, leurs institutions.” Lancée en 1976, “la scolarisation de masse à Mayotte” s’est généralisée dans l’ensemble des communes au cours des années 90. Ce qui amènera, vingt ans plus tard, la problématique de surpopulation scolaire, encore d’actualité à ce jour, renforcée par les flux migratoires non maîtrisés. Alors que la population scolaire a augmenté de 80% en dix ans, les objectifs d’allègement d’effectifs de classe se heurtent encore au manque de recrutements. “Par ailleurs, certaines structures de socialisation telles que les écoles coraniques disparaissent en même temps que la société mahoraise connaît des mutations, fragilisant le positionnement de la famille. Le flux migratoire venu des Comores, de Madagascar et des pays du grand lac redéfinissent les structures sociales qui ont façonné la société Mahoraise en dépit d’une émigration massive des Mahorais vers d’autres cieux, principalement à la Réunion et en France métropolitaine”, juge encore Zalifa Hassane. Les valeurs de transmission au sein de la famille évoluent alors davantage : “L’école, les foundis, les associations sont-ils en mesure d’agir sans le soutien parental ?”, interroge la co-auteure de l’étude. A l’arrivée de l’école de la République, s’ajoute celle des médias et des nouvelles technologies : un fossé culturel sans précédent se creuse entre les générations. Or, “la transmission des valeurs familiales ne peut se faire qu’à condition qu’il y ait une interconnexion entre les générations”. “L’éducation est un projet complexe et complet parce qu’elle ne peut plus se suffire à une seule vision culturelle car les détenteurs de ces valeurs éducationnelles doivent réussir l’équilibre entre une logique d’ouverture et celle du refus parce qu’elle est avant tout protectrice”, résume Zalifa Hassane. n
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VIOLENCES INSTITUTIONNELLE
UN REMPART CONTRE UN ACCOMPAGNEMENT COLLECTIF A MAYOTTE, LE CHAMP DU MÉDICO-SOCIAL EST SOUVENT APPELÉ À RÉPONDRE À LA DÉLINQUANCE AGISSANTE. IL APPARAÎT D’AILLEURS TOUT AUTANT REMIS EN QUESTION DANS SA CAPACITÉ À PRÉVENIR LA VIOLENCE LATENTE DES JEUNES QU’IL PREND EN CHARGE. LE PROJET POLITICO-SOCIAL ACTUEL SEMBLE AINSI BASÉ SUR UN PRÉSUPPOSÉ : LES JEUNES DÉLINQUANTS ÉVOLUERAIENT DANS DES FAMILLES DYSFONCTIONNELLES QUI LES POUSSERAIENT À LA VIOLENCE. ON SEMBLE AINSI SUPPOSER QU’À MAYOTTE COMME AILLEURS, LES ENFANTS QUI SERAIENT VICTIMES DE TRAUMATISME PAR EXCÈS (C’EST-À-DIRE QU’ILS AURAIENT VÉCU DES ÉVÈNEMENTS OBJECTIVEMENT VIOLENTS, MALTRAITANCES PHYSIQUES OU SEXUELLES) OU PAR NÉGLIGENCE (DÉMOBILISATION FAMILIALE, DÉSINVESTISSEMENT DE L’ENFANT) SERAIENT POUSSÉS EN RETOUR À LA VIOLENCE. L’étude ne dresse pas qu’une série de constats historiques et sociaux. Lucie Kiledjian, psychologue clinicienne et doctorante à l’université de Strasbourg, y a ainsi rappelé différentes réponses issus de travaux du champ de la psychologie. Premier fait : “un destin possible du traumatisme vécu durant l’enfance [est] la compulsion à répéter l’abus subi. Par une “ identification à l’agresseur ”, l’individu répéterait son trauma mais cette fois-ci en le contrôlant et non en le subissant, les rôles ayant été intervertis. Ces études offrent des pistes de compréhension au passage à l’acte
violent à l’adolescence et à l’âge adulte.” Une victime de maltraitance infantile pourrait alors devenir maltraitante, une victime de viol pourrait devenir à son tour agresseur sexuel. “La même explication intrafamiliale au phénomène de la délinquance est invoquée lorsque l’on propose de supprimer les titres de séjour de parents d’enfants délinquants, espérant ainsi astreindre ces derniers à une mission éducative qui aurait été perdue ou mal entreprise”, envisage Lucie Kiledjian, en référence à la volonté du préfet de déchoir de leur titre les parents dont les enfants
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auraient été impliqués dans des faits de violences ou de dégradation. “Parmi les jeunes victimes de violences intra ou extrafamiliales que nous avons rencontrés dans le cadre de suivis psychologiques, nombre d’entre eux ne commettent pas de passages à l’acte transgressifs à leur tour”, tempère toutefois la psychologue. “Ces mineurs, venus en consultation à la demande de leur famille ou d’un tiers semblent majoritairement reconnus dans leur statut de victime. Il est ainsi admis par des adultes proches que des intolérables ont été franchis et qu’une réponse appropriée devient inéluctable. Celle-ci est parfois juridique. Pour d’autres, elle suppose des arrangements pour une réorganisation du schéma familial. Néanmoins, une demande d’aide auprès d’institutions extérieures peut également s’envisager.” En revanche, il est d’autres jeunes pour qui la violence s’inscrit dans des “logiques de répétition”, puisque témoin “de leur vécu de l’indifférence de l’autre, de la société et de l’institution”. “Tout se passe comme si ces jeunes se vivaient hors du social. Leur propre vécu n’a pas été reconnu, il est parfois resté sous silence, ou a même été oublié par les institutions qui les ont pris en charge. Il semble ainsi que la violence se répète là où les agencements symboliques de la société n’ont pas été opérants. Si les places, les rôles et les règles ne sont pas respectés, comment peuvent-ils alors prendre sens pour le citoyen en construction ?”
par sa mère : “Il commença à manquer l’école, à sortir la nuit et à voler avec d’autres jeunes de son quartier. Des adultes voisins décidèrent de lui couper ses cheveux qu’il laissait pousser de manière désordonnée et l’assignèrent à un couvre-feu et d’autres règles strictes. Sans valoriser des punitions qui peuvent parfois relever de l’humiliation, il apparaît néanmoins que la prise en charge par le collectif de ses agissements permit à T. de réinvestir les sphères familiales et scolaires. Les interdits ont été clairement posés, la transgression reconnue et la loi a pu gagner de sa fonction structurante.” “Ces exemples nous montrent que face au vécu de violence et de non-place, les réponses se doivent d’être pensées par le collectif. Réintroduire du social, c’est redonner aux structures institutionnelles quelles qu’elles soient (familiales, étatiques ou traditionnelles) leur valeur symbolique, la possibilité de poser des interdits fondamentaux, de définir ce qu’est la transgression et la façon dont elle doit être traitée. Penser la répétition, c’est valoriser la transmission et le lien, reconnaître ces sujets comme des citoyens, membres à part entière d’une société qui a une place pour eux et leurs histoires. Renouer avec le collectif, c’est ouvrir à des possibilités de transformation.”, conclue la psychologue clinicienne et doctorante. n
UN BESOIN DE SÉCURITÉ ET D’IDENTIFICATION Dès lors, les vécus successifs de perte et d’injustice sont parfois projetés sur les institutions elles-mêmes. L’Etat et ses émanations institutionnelles deviennent “mauvais objet persécuteur”. Les interdits sociaux et repères structurants peinent à être intégrés car l’obéissance aux droits et aux devoirs “ n’est plus perçue comme structurante”. La bande peut alors s’offrir comme réponse aux besoins psychiques de ces jeunes, dont les leaders peuvent représenter des repères sécuritaires et identitaires. Chaque groupe érige ses propres lois, normes, codes et représentations. “En ce sens, questionner la violence et les phénomènes de bandes, c’est se pencher sur le vécu de désaffiliation et parfois même d’auto-exclusion.” Pour Lucie Kiledjian, l’explication familiale ne suffit pas à elle seule à expliquer le phénomène de délinquance des jeunes, celle-ci n’était pas “seulement propre à l’espace intime. Elle produit à son tour un sentiment d’échec, d’insignifiance. C’est d’ailleurs par un retour au collectif que le sujet tente de se structurer.” L’étude cite à ce titre l’exemple d’un jeune garçon de 14 ans, T., témoin des violences conjugales subies
COUP D’ENVOI DES PREMIÈRES ASSISES DE LA SÉCURITÉ Elles devraient permettre de faire remonter à Paris un document avec des propositions concrètes. Ce lundi et mardi, la municipalité de Mamoudzou, la préfecture et le conseil départemental organisent les premières assises de la sécurité de tout le territoire insulaire. Six ateliers thématiques sont ainsi prévus pour aborder les thématiques de l’éducation de la prévention, la répression et l’exécution des sanctions, la maîtrise des frontières et la lutte contre l’immigration clandestine, la responsabilité parentale, la participation citoyenne et la médiation ainsi que la lutte contre la pauvreté et l’insertion sociale.
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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayottehebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Solène Peillard
# 935
Couverture :
aux origine de la violence
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