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S O M M A I R E 25 NOVEMBRE 2016
6/7 AMÉNAGEMENT/LOGEMENT LE PREMIER COLLOQUE S’EST OUVERT À MAYOTTE 10/13 AMENDEMENT ABOUBACAR LES PISTES POUR ENDIGUER L’IMMIGRATION CLANDESTINE 14/15 À LA RENCONTRE DE… ANTHMANE ABOUBACAR, PREMIER SOUS-PRÉFET MAHORAIS 16 AUTO-MOTO LE PREMIER SUV D’ALFA ROMEO 18 ANIMAUX DU LAGON LE CORAIL 21/23 FISCALITÉ BAISSE DES IMPÔTS LOCAUX EN 2017 24/27 TOUNDA 3 ÈME ÉDITION DU FESTIVAL DES ÎLES 28/32 SPORT ACTUALITÉ/RÉSULTATS/PROGRAMME
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CE QUE VOUS EN DITES
LE COURRIER DE LA SEMAINE Protection de l’enfance à Mayotte : cela n’avance pas vite À l’heure où le rapport de l’IGAS sur l’aide sociale à l’enfance et les PMI à Mayotte est rendu public, où en est le département de sa politique de protection de l’enfance ? Quelques indices laissent supposer que cela n’avance pas vite. À commencer par la répartition des subventions départementales (délibération n° 2016-002640 du 12 octobre 2016) pour le secteur social. Ni Solidarité Mayotte, ni la Croix rouge française, ni l’association Apprenti d’Auteuil Mayotte, trois associations professionnelles intervenant de longue date en appui au département, ne se retrouvent parmi les “heureuses” financées. Parmi les “professionnelles”, seules les CEMEA et TAMA bénéficient d’un financement (très) modeste de leurs actions. Certains seront surpris des priorités retenues en découvrant le financement de l’association Malezi Mema qui regroupe les assistantes familiales salariées du département pour organiser une action
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collective (10 000 €), ou la préférence donnée à l’école de la rue du Village d’Eva, malgré un avis technique des services défavorable compte tenu de l’absence de qualification des intervenants. Les associations du secteur social intervenant en protection de l’enfance sont des auxiliaires “de fait” du département, et ont signé des conventions avec l’administration cadrant leurs interventions. Mais elles restent en panne de financement par l’autorité compétente. Et la direction de la protection de l’enfance de leur indiquer, au cours des récents ateliers de réflexion sur le prochain schéma départemental de protection de l’enfance et de la famille, qu’il n’est pas prévu de les financer au titre de ce schéma en 2017. La raison ? Il faut attendre des appels à projet conformes à la réglementation. L’engagement est louable, mais a déjà été pris à plusieurs reprises, et devant l’ensemble des acteurs (président du tribunal de grande instance, sous-préfet, procureur, direction de la PJJ, associations du secteur social et médico-social, cadre de la DSDS, vice-rectorat etc.), par l’élu en charge du social et son DGA. On se souvient en effet du DGA des Solidarités d’alors, qui, à l’occasion d’un comité de pilotage du projet de schéma réuni en octobre 2015, affirmait devant un hémicycle de partenaires que le service dédié à l’autorisation, à la tarification et au contrôle des établissements et services sociaux et médico-sociaux était en cours de création. Création toujours en cours
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un an plus tard, malgré la présence d’un chargé de mission à la direction de la protection de l’enfance dont la copie sur ce sujet devait être rendue…en août dernier. Or sans ce service, pas d’appel à projets, et donc pas de financement du département. Cette question devient d’autant plus pressante que l’État, au travers de sa direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS) et dans le cadre d’un dialogue de gestion, informe ces mêmes associations qu’il est plus que probable qu’il suspende ses financements en 2017, le département étant désormais armé pour piloter cette politique relevant de ses compétences obligatoires. Or, si l’État se désengage des dispositifs de protection de l’enfance dont il a seul passé commande, sans organiser ni garantir le relais des financements par le département, le nombre d’accompagnements et de prises en charge d’un public particulièrement vulnérable va encore diminuer. Il faut en effet bien comprendre que l’action du secteur associatif est, dans ce domaine, déterminante. À titre d’exemple, le conseil départemental a distribué au public bénéficiaire de la politique de protection de l’enfance une aide financière à hauteur de 250 000 € en 2015, quand les associations (avec le soutien majoritaire de l’État) débloquaient aux mêmes fins près de 780 000 €, et le vice-rectorat autour de 530 000 €. Pour l’exercice d’une compétence obligatoire du département, rappelons-le.
LE COURRIER DE LA SEMAINE Autre illustration, chaque année, les services de l’ASE réalisent en moyenne 300 accompagnements éducatifs en milieu ouvert (au domicile des mineurs et de leurs familles), lorsque les travailleurs sociaux du secteur associatif en accomplissent 400. Sans comparer ici les cadres d’intervention qui diffèrent d’un acteur à l’autre, il est évident que la fermeture de dispositifs associatifs qui ont déblayé le terrain et acquis de l’expérience sur le sujet, en plus d’être un beau gâchis, mettra un coup d’arrêt à l’accompagnement social du public le plus démuni. Au-delà du financement du secteur associatif, d’autres éléments peuvent nous alerter sur la santé des services du département. En premier lieu, aucun contrôle sérieux de l’accueil familial n’a été mis en place, malgré les engagements pris par le département lorsque la justice était saisie d’affaires de maltraitance dans les familles d’accueil. Les équipes de l’ASE ne se sont pas renforcées et ne disposent pas de plus de moyens pour se rendre aux domiciles des assistants familiaux ou des familles, et faire ainsi leur travail, en vérifiant notamment que tout se passe bien. Le défenseur des droits reste saisi de plusieurs dossiers, mais les quelques professionnelles mises en cause et provisoirement suspendues ont toutes été réintégrées. Rappelons que le conseil départemental est autorisé à licencier des professionnelles même en l’absence de condamnation de ces dernières, dès lors qu’il doute de la qualité de l’accueil proposé. En la matière, l’intérêt supérieur de l’enfant impose qu’aucun risque ne soit pris et prévaut sur le droit salarial de l’assistant familial. En second lieu, la programmation du schéma départemental de protection de l’enfance et de la famille 2017-2021 (SDEF) reste incertaine, tout comme la prise en compte du récent travail de l’IGAS. Pourtant, les orientations et le champ d’application de ce schéma ont été adoptés en octobre 2015 lors d’un comité de pilotage en présence de l’élu en charge du dossier. Après échanges avec l’IGAS et intégration de ses recommandations, un premier projet, construit à partir des entretiens menés avec les acteurs et d’un diagnostic chiffré de l’offre et des besoins, a finalement été mis dans un tiroir en juillet dernier, après 18 mois de gestation. La nouvelle direction de la protection de l’enfance a pu ainsi repartir de zéro, en organisant des ateliers avec les partenaires sans référence au précédent diagnostic ni aux recommandations de l’IGAS. Mais que la population se rassure, un chargé de mission de la direction de la protection de l’enfance (le même) s’est vu officiellement confier une nouvelle tâche jusque 2021 : l’application du schéma. Pendant ce temps, les prises en charge d’enfant en danger sont toujours aussi défaillantes. Ici et là, des témoignages sur les pratiques professionnelles de certains choquent profondément ceux qui
ont à cœur de remplir cette mission de protection de l’enfance dans le respect des principes humains et légaux qui y président. C’est le cas, lorsqu’un cadre de l’ASE prend en exemple l’excellente initiative d’une assistante familiale qui aurait payé sur ses fonds propres l’aller-retour, en kwassa, d’un mineur qui lui était confié, pour qu’il puisse faire ses papiers d’identité aux Comores. Un mineur sous la responsabilité du président du conseil départemental et du juge des enfants, qui part seul à l’étranger, dans des conditions mettant sa vie en danger… Ou lorsque, un cadre interpellé par une mineure de 17 ans qui demande qu’un éducateur lui soit désigné en remplacement de celui qui vient de démissionner, ce même cadre lui répond qu’à 17 ans, on n’a pas besoin d’éducateur, et que par ailleurs, elle peut si elle en éprouve le besoin de retourner dans sa famille aux Comores, elle qui vit ici depuis l’âge de 2 ans… Ou lorsqu’un travailleur social produit, pour le juge des enfants et à la demande expresse de sa direction, un rapport sur le prétendu suivi d’une mesure de protection, alors qu’il n’a rencontré ni le mineur concerné ni ses représentants légaux au cours de la mesure… Ou lorsque des mineurs témoignent que dans leur famille d’accueil, parce qu’ils sont d’origine anjouanaise, ils sont traités de “chiens” par l’assistante familiale et ses enfants, et que parfois la nourriture leur est jetée par terre… En 2014, la direction de l’ASE sonnait l’alarme pour mettre en lumière les nombreuses difficultés, et se lançait dans une confrontation publique avec sa hiérarchie directe. Aujourd’hui, rien n’a changé, mais cela ne fait plus l’actualité. “L’apaisement” qu’appelait de ses vœux le président du conseil départemental a donc porté ses fruits. Et l’un des principaux responsables du délitement des politiques de l’enfance et de la famille s’est vu renouvelé la confiance du président. Pourtant, et pour ne parler que de l’ASE, les informations préoccupantes ne sont toujours pas traitées, les familles d’accueil sont toujours surchargées, mal accompagnées et pas suffisamment formées, les professionnels sont toujours en nombre insuffisant et sous équipés, au mieux impuissants, au pire incompétents, et le conseil départemental ne tient aucun cap qui permette de se réjouir. Bien sûr, 42 millions arrivent. À quoi, ou plutôt à qui, seront-ils destinés ? Premier élément de réponse lors de l’ouverture des ateliers qui se déroulent en ce moment autour du schéma de l’enfance et de la famille : nous allons en priorité augmenter la rémunération des assistantes familiales pour qu’elles soient au niveau métropolitain… [ L’auteur de ces lignes a souhaité rester anonyme. L’entière responsabilité de ses propos lui est laissé.
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