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L’EAU EST PRÉCIEUSE, PRÉSERVONS-LÀ L'eau est essentielle aux organismes vivants, qui en sont composés jusqu'à 97%. Les ressources en eau douce ne représentent que 0,6% de l’eau disponible sur la planète.
S20 JANVIER O M M A I R E 2017 6/7 ÉGALITÉ RÉELLE OUTRE-MER LA FISCALITÉ LOCALE ET LE DROIT DU SOL SUR LE GRIL AU SÉNAT 10/19 MAYOTTE UN APERÇU DU FUTUR 20/21 MAG VOULEZ-VOUS COACHER AVEC MOI ? 22 ANIMAUX DU LAGON LES PORCELAINES, LES AUTRES DÉESSES DE LA MER 24/25 PORT DE LONGONI LE CONSEIL PORTUAIRE VALIDE “PROVISOIREMENT” LES TARIFS DE L’OUTILLAGE SANS MCG 26/29 PHOTOGRAPHIE ANJOUAN À L’HONNEUR À L’UNIVERSITÉ DE DEMBENI 30/32
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TRIBUNE LIBRE
La gestion de l’eau dans la culture mahoraise
d’eau des prochains jours”. Rappelons que l’ile a déjà connu par le passé des périodes d’étiage, dont celle de 1997 qui a conduit à la construction de l’usine de dessalement de Petite Terre. C’est l’occasion pour nous de contribuer au débat actuel sur ce sujet et de présenter l’intérêt de l’examiner dans le contexte des valeurs et de la culture mahoraise.
Un fait très important vient de relancer, en des termes parfois polémiques, le débat sur la gestion de l’eau dans ce 101ème département français, où la croissance démographique est parmi les plus élevées d’Europe, et où les ressources en eau sont peu abondantes. Depuis un mois, le sud de l’île subit des coupures d’eau, selon un programme établi par la préfecture, intitulé “les tours
Histoire de l’eau à Mayotte En 1976, le premier bilan de la situation de l’alimentation en eau à Mayotte faisait état de quatre réseaux de distribution publique, desservant uniquement des bornes fontaines. Il s’agissait de Pamandzi, Mamoudzou, Chiconi et Sada. Ainsi, l’alimentation en eau de la majorité de la population provenait
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des réseaux gravitaires de distribution d’eau liés à la présence d’une société de distillation d’ylang-ylang (Kangani, Kawéni, Combani) et des puits publics creusés à proximité des mosquées. En 1985, avec l’intervention du programme Fonds européen de développement (FED), l’alimentation en eau a évolué dans le sens d’une mise à disposition à un nombre de plus en plus important des communautés villageoises. Et les corvées quotidiennes des mahoraises qui devaient marcher une heure par jour, leur fardeau sur la tête, pour aller aux puits et aux rivières ont pris fin depuis. Fin 1986, seuls neuf villages n’avaient toujours pas de réseau de distribution d’eau, et pour quatre d’entre eux, des
TRIBUNE LIBRE solutions avaient été trouvées. Il s’agissait de déplacer vers l’aval des bassins versants les villages de Mroalé, de Vahibé, de Sogorobili et de Mavengoni. Par contre pour Choungui, village d’altitude, qui possédait une source qui se tarissait en saison sèche, la solution de raccordement au captage de Kani-Kéli avait été abandonnée pour des raisons financières. Parallèlement, le bilan des études menées faisait apparaître que le capital en eau était menacé par le défrichement en altitude. Le recours à des eaux stockées, soit dans les nappes, soit dans les retenues collinaires, paraissait indispensable pour l’avenir. Et aujourd’hui, Mayotte est alimentée en eau potable par un réseau unique interconnecté au niveau de la ressource, de l’adduction et/ou de la distribution. Ce nouveau département qui vit une période de développement important se traduisant par une hausse importante de la démographie, et donc par une évolution rapide des besoins en eau, ne dispose que de quatre types de ressources (rivières, retenues collinaires, forages, mer). Les rivières de Mayotte pérennes ont un régime hydrologique marqué par deux saisons très distinctes : la saison sèche (Koussi) et la saison des pluies (Kashi - Kazi). L’eau est vitale, un bien social et une denrée sacrée “C’est de l’eau au robinet en quantité et en qualité qu’il nous faut”, ont chanté Kilimandjaro de Ongojou (1987) et Viking de Labattoir (2000). Et désormais plus de 60 % de la population ont accès à l’eau potable. Mais certains ménages sont situés à plus de 500 mètres du réseau primaire d’approvisionnement. D’autres sont situés sur des pentes dangereuses, avec des habitations non étanches en tôles ondulées où les points d’eau sont souvent très loin. Ils ne disposent pas de raccordement au réseau public, alors que l’accès à l’eau potable constitue l’une des composantes essentielles des soins de santé primaires et fait partie des “Objectifs du Millénaire pour le Développement” (OMD). Au-delà de la satisfaction d’un besoin vital, l’eau apparaît d’abord pour le Mahorais comme un bien social, un élément de convivialité et d’accueil : “Caribou unwé mwana maji” (“Bienvenue pour boire un petit peu d’eau”). C’est un bienfait de Dieu qui donne et entretient la vie. Par le passé, il y avait pour chaque cours d’eau, une zone en aval réservée à la lessive et à la baignade, une zone réservée à l’abreuvage des animaux et, tout en amont, un point de puisage d’eau bien aménagé pour la
consommation. Et le Coran comporte deux énoncés clairs quant à la gestion de l’eau. D’abord l’offre d’eau est limitée : “Nous avons fait descendre l’eau du ciel avec mesure”. Ensuite, l’eau ne doit pas être gaspillée. Ainsi, le Coran dit aux humains qu’ils ne peuvent se servir de l’eau qu’avec modération : “Ô fils d’Adam. […], mangez et buvez, ne commettez pas d’excès. Dieu n’aime pas ceux qui commettent d’excès”. Étant donnée la clarté de ces règles, il est étonnant qu’elles ne soient pas davantage utilisées pour promouvoir la gestion de l’eau. D’autant que cette société mahoraise, encline à la spiritualité, a accordé à l’eau une importance spéciale compte tenu de son utilisation qui renforce le sacré lié à la vie, d’abord en tant qu’élément de purification du corps lors des ablutions, le bain de purification après tout rapport sexuel, à la fin des menstruations, après l’accouchement et avant chaque lecture du coran, mais aussi pour se nettoyer après chaque passage aux toilettes et enfin pour la toilette mortuaire. Sauvage, l’eau nous séduit par sa liberté, son abondance. Lorsqu’elle vient à manquer, elle peut nous faire parcourir des kilomètres à pieds pour la chercher. Elle peut aussi être source d’ennuis voire de mort par ses crues, ses inondations, sa pollution mais aussi par sa disparition. Au vu de l’histoire, le cyclone Kamissy en 1984 a détruit une grande partie du village de Sada. En 2004, un glissement de terrain à cause des fortes pluies a provoqué trois morts à Sada. Le village de Hapandzo a été déplacé en raison d’inondations. Les politiques publiques sur l’eau doivent être corrélées à une utilisation à bon escient de chacun. Il est nécessaire de connaître les risques d’une mauvaise gestion de l’eau, de les appréhender et de les prévenir. D’où l’intérêt d’en parler avec la population pour dégager des solutions. Aujourd’hui ces ressources en eau subissent énormément de pressions démographiques. Cela peut-il continuer ? Que faire ? Comment expliquer que la société mahoraise d’aujourd’hui soit marquée par sa dysharmonie avec la nature, alors que la richesse de cette dernière constitue un atout pour le développement de l’île ? Encore faut-il que cette richesse naturelle soit préservée pour une île particulièrement fragile. Le concept de développement durable doit être concret à Mayotte. La question de la préservation des cours d’eau, de la gestion de cette denrée devenue rare, appelle sans doute des remèdes financiers, mais surtout un sursaut civique des autorités, des élus et de la population. [ Salim Mouhoutar, auteur et conférencier
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