Mayotte Hebdo n°786

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S O M M A I R E 10 MARS 2017

6/7 RETOUR SUR LA VISITE DE BRUNO LE ROUX À MAYOTTE “LA PAROLE DE L’ETAT EST RESPECTÉE” 10/12 ORGANISATION DES JEUX DES ÎLES 2023 MAYOTTE A-T-ELLE UNE CHANCE ? 14/15 A LA RENCONTRE DE... AMBDI OUSSÉNI-COCO, D’HANDICAPÉ À HANDICAPABLE 16 ANIMAUX DU LAGON FINES GÂCHETTES ET DENTS BROYEUSES : LES BALISTES 18/22 TROPHÉES MAHORAIS DE L’ENTREPRISE, 5ÈME ÉDITION : LES ACTEURS ÉCONOMIQUES RÉCOMPENSÉS CE SAMEDI 24/27 DANSE LA BATTLE OF THE YEAR REVIENT EN PISTE ! 28/31 SPORT ACTUALITÉ/RÉSULTATS/CLASSEMENTS

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CE QUE VOUS EN DITES

Mes quatre propositions pour Mayotte S’agissant de Mayotte, la lecture du récent Atlas des risques sociaux d’échecs scolaires. L’exemple du décrochage France Dom-Tom, révèle, une fois encore, l’atypie de 101ème département français que l’on comprend dès l’introduction puisque le Centre d’études et de recherche sur les qualifications (Céreq) précise que les 17 cantons présentent “un grand niveau de difficultés socio-économiques, avec des valeurs atypiques pour la plupart des indicateurs considérés. C’est pourquoi ils sont détaillés et décrits en dehors de la typologie dressée pour les quatre autres DOM.” C’est

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tout dire… Les données sont telles qu’on ne peut les comparer à celles des DOM, encore moins à celles de la métropole. Il faut donc raisonner hors normes car, si tous les territoires revendiquent une originalité (phrase systématiquement entendue : “Ici, vous savez, c’est particulier”), la singularité mahoraise ne peut pour le coup être mise sur le compte d’une revendication identitaire et vernaculaire : le constat sans appel renvoie l’observateur à la question épineuse : “Par quoi commencer ?” ou “Que choisir parmi toutes ces priorités ultra-prioritaires ?” Cet atlas mobilise des indicateurs multiples dont, ailleurs qu’à Mayotte, certains ont été abandonnés de longue date tels que les “familles de quatre enfants et plus” (24,6 % contre 1,4 % en métropole) ou les “logements sans douche, ni baignoire” (61,7 % contre 0,7 %).

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Prenons trois variables : la scolarité, l’emploi et l’immigration. 71,4 % des jeunes mahorais de 15 à 24 ans sont sans diplôme face à 25,4 % en France métropolitaine. Le taux de chômage à Mayotte atteint 37,2 % soit trois fois plus qu’en métropole (sans prendre en compte le “halo du chômage”, cette zone grise où survivent des personnes avec une petite activité occasionnelle, des fildeféristes ancrés entre une économie de la débrouille et une économie de la magouille) et on y recense 26,9 % d’immigrés contre 8,7 % dans l’Hexagone. On pourrait convoquer ainsi tous les indicateurs et le constat n’en serait que renforcé, à vrai dire déprimant. Ainsi, par exemple, la densité démographique (nombre d’habitants/km2) est sur l’île de 581… contre 116 en métropole. S’appuyant sur des études d’éthologie


TRIBUNE LIBRE

animale, Konrad Lorenz, prix Nobel de physiologie en 1973, démontra que, quand la densité d’occupation s’accroît à l’excès, une partie des individus du groupe, souvent constituée par les jeunes, s’en va et s’attribue un autre territoire, plus loin. Simultanément, le taux de reproduction de ceux qui restent baisse, de sorte que, petit à petit, l’espèce rétablit son équilibre de densité. Mais Mayotte est une île et l’autre territoire est bien loin. De la même façon, le biologiste généticien John B. Calhoun a démontré que des rats placés en situation d’entassement subissaient un stress important générateur d’agressivité et que leur comportement était totalement déréglé, comme cela est rapporté dans le film d’Alain Resnais “Mon oncle d’Amérique”. Si, grâce à des campagnes (“1, 2, 3, bass ! »), l’indice de fécondité a baissé à Mayotte, la presse a quand même pu

titrer le mois dernier “Mayotte : nouveau record de naissances en 2016”. Dès lors, que faire lorsqu’il faudrait tout faire, sachant que l’urgence ne permet pas la prudence et la progressivité du précepte cartésien du Discours de la méthode, “Partir du petit pour aller vers le grand” ? Ma première proposition est éminemment politique : quelles que soient les obédiences et au titre de l’intérêt général de l’île, les élus des communes, des intercommunalités et du département doivent s’accorder sur une stratégie de développement économique à l’échelle de Mayotte et non dispersée sans laquelle rien ne sera possible. En sachant qu’on ne part pas de rien (Mayotte 2025, CPER…). La mise en œuvre de cette stratégie implique que, très rapidement, une task-force d’ingénierie soit structurée pour que Mayotte capte les fonds particulièrement européens qui lui échappent, contrairement à l’île voisine, La Réunion. S’agissant de développement économique, de vastes chantiers de réhabilitation sont à entreprendre, toujours sans tarder : il existe une multitude de sites remarquables insuffisamment valorisés, parfois laissés à l’abandon. Un gâchis. La deuxième proposition correspond à la maîtrise démographique en s’appuyant sur un renforcement de la lutte contre l’immigration clandestine, sur des sanctions effectives pour les employeurs, si ce n’est des néo-esclavagistes mahorais, qui exploitent à leurs bénéfices une maind’œuvre comorienne, et sur une mobilité des jeunes en direction de la métropole sous condition d’un partenariat effectif avec les structures et institutions métropolitaines d’accueil de telle façon à ce que, en particulier par le tutorat et le parrainage, les taux d’échecs des jeunes étudiants s’infléchissent significativement. La troisième proposition est de sceller un “pacte territorial pour l’emploi des jeunes” qui mobilise acteurs économiques, sociaux et institutionnels, par exemple à partir du thème de la “responsabilité sociale de l’entreprise” (RSE). Il existe à ce titre à Mayotte beaucoup de femmes et d’hommes de bonne volonté – j’en ai rencontré - auxquels n’est pas proposé un cadre général pour s’engager. Ils restent spectateurs, ébahis, effondrés, cyniques ou en colère, du spectacle de l’écart abyssal entre la médiocrité des solutions et le haut niveau nécessaire de mobilisation. La quatrième proposition est de renforcer toutes les actions visant l’apprentissage du “vivre ensemble” et de la citoyenneté, ceci allant de la prévention spécialisée (éducateurs de rue) aux médiateurs et aux associations d’éducation populaire qui devraient réinvestir les équipements (MJC) désespérément vides. Somme toute, comme l’écrivait Hannah Arendt dans Condition de l’homme moderne, “Ce que je propose est donc très simple : rien de plus que de penser ce que nous faisons.” [ Philippe Labbé

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