Mayotte Hebdo n°884

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LE MOT DE LA RÉDACTION

UN DEMI-SIÈCLE PLUS TARD… Lorsque nous avons été contactés pour nous proposer de récupérer le carnet de bord d'un militaire en intervention à Mayotte au cours de l'année 1967, nous n'avons pas hésité une seconde. Et lorsque nous nous sommes rendu compte qu'il s'agissait d'un témoignage des évènements du mois de février de cette même année, consécutifs au siège de l'ORTF par les Chatouilleuses, il nous a paru évident qu'il fallait le publier afin que chacun puisse en prendre connaissance. Cinquante-deux ans après les faits, ce témoignage complète et illustre un peu plus la connaissance de cette période, qui débouchera un demi-siècle plus tard à la départementalisation de Mayotte. Il ne fallait évidemment pas le laisser passer. Notre dossier de la semaine est donc historique, et permet de comprendre un peu mieux le déroulé des évènements ayant conduit à l'élection du Mouvement populaire mahorais lors du scrutin législatif de 1967. Car il faut connaître le passé pour mieux envisager l'avenir.

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Cet avenir est également mis à l'honneur dans le reste de nos pages, notamment avec notre portrait du directeur du Gemtour, Ali Abdou, une des personnalités du monde économique les plus déterminées et qualifiées de notre île. Avenir, mais aussi jeunesse, avec la question de l'adoption. Qu'en est-il chez nous ? C'est ce que nous vous proposons de découvrir avec Nathalie Parent, présidente de la fédération Enfance & familles d'adoption, en visite à Mayotte, et avec laquelle nous nous sommes entretenus. Sans oublier notre article magazine, consacré cette semaine à l'importance des concours de beauté pour le 101ème département, pour lequel il ne s'agit pas seulement de beauté, mais bel et bien d'un outil d'affirmation. Un éclairage de plus dans la compréhension du territoire. Bonne lecture à tous.

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COUP D’ŒIL DANS CE QUE J'EN PENSE

Laurent Canavate

Mayotte Hebdo n°466, vendredi 12 mars 2010

Du mondial au local Des enfants des années 70 ou 80 ont grandi avec la télé, avec Candy, Goldorak, Tom Sawyer ou les Mystérieuses cités d'or, d'autres avec les Chevaliers du zodiaque, avec Spiderman, Dallas ou Amour gloire et beauté, puis avec Mario bros ou Mario kart, plus récemment avec Charlotte aux fraises, les Winx… La mondialisation a ainsi lissé les références d'une jeunesse planétaire. Cela donne quelques repères, diffuse à travers la planète quelques valeurs, apporte quelques points communs. La mondialisation de la "culture" a ainsi quelque peu étouffé les pratiques locales. Le moringué, le tam-tam boeuf ont ainsi progressivement laissé la place à des paraboles sur les toits. Ailleurs, c'est la bourrée rouergate qui a reculé. Les instruments traditionnels, patinés par les siècles ont progressivement disparu, et avec eux ceux qui savaient en jouer. Aujourd'hui, la population dans son ensemble consacre plus de 4 heures par jour en moyenne à regarder la télé, ce petit écran qui diffuse les images du monde, traduites dans des centaines, des dizaines de langues. Tout le monde voit les mêmes images de l'info du monde, en même temps, les mêmes séries américaines ineptes, les mêmes films violents ou à l'eau de rose. Cela donne des références communes à un habitant de Moscou, de Pékin ou de Boston et un autre de Mayotte. La télé est un loisir qui ne coûte pas trop cher, et demande peu d'effort. Ainsi va le monde. Demain on passera plus de temps avec internet… Il y a, après cette vague de mondialisation des produits de consommation courante, comme des produits "culturels" qui viennent de recouvrir la planète durant quelques décennies, une volonté de retrouver quelques bases, quelques repères plus proches, quelques racines un temps reniées. La culture, les cultures, les pratiques traditionnelles, les langues locales, des valeurs, des jeux, des recettes de cuisine, des habitudes alimentaires reviennent au goût du jour. Il a fallu ce grand saut dans la mondialisation pour

pouvoir revenir. Il faut pouvoir en prendre le meilleur, mais conserver, protéger, valoriser ses différences. Car c'est de ces différences que naît la richesse. Le sel de Bandrélé sera plus cher qu'un autre, mais il sera unique, rare, local. Les Esquimaux garderont, retrouveront leur langue, car il y a des dizaines de mots pour désigner la glace, la neige et tout autant pour la couleur "blanc"… C'est plus adapté que l'anglais qui n'a qu'un mot… Le shimaoré permet de préciser les variétés de bananes et l'usage d'une noix de coco, ce que ne permet pas aussi aisément le français. C'est toute cette variété, cette diversité qui fait la richesse de l'Humanité. C'est cette proximité qu'il convient de défendre, de valoriser. Ca ne se fera pas par décret, même si les quotas de musiques ou de films français ont sauvé une industrie. Il faut surtout que ces produits s'adaptent, plaisent. C'est le consommateur, le client, le citoyen qui choisit au final. Il faut donc qu'il prenne conscience de cette richesse qui l'entoure, de ces compétences, de ces anciens qui possèdent des savoirs, des techniques, des pratiques qu'il ne faut pas oublier, ou laisser disparaître, comme le dodo a pu disparaître sans bruit de Maurice, par l'aveuglement des hommes. Regarder autour de soi, écouter les autres, s'intéresser. Acheter des produits locaux, des CD d'artistes qui nous entourent, pour que vivent ces rythmes originaux. Consommer des fruits et des légumes de saison achetés à des producteurs locaux, pour protéger la planète, notre bien commun et aussi permettre à des gens de vivre sur ce territoire que l'on partage. Cela passe aussi par des biens communs, un journal (par exemple…), un média local qui serve de lien social, de repère, de lieu de rencontres, de découverte de l'Autre. Un journal qui met en valeur les initiatives locales garde une trace pour pouvoir (re)découvrir des pans d'Histoire, pour (re)trouver des pratiques anciennes, des recettes oubliées… Un journal qui permet de s'appuyer sur le passé pour mieux se projeter vers l'avenir. Un journal qui s'apprête à fêter ses 10 ans.

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Un Mahorais raconte sa Guerre mondiale

Rencontre avec un héros de Mayotte : "A 91 ans, Boinali Souprit est resté un Mahorais modeste. Il n'a jamais mis les pieds à l'école et ne parle pas un mot de français. De la France, il ne connaît que des images aperçues de temps à autre à la télévision. Pourtant, c'est pour ce pays que le vieil homme s'est battu. Aujourd'hui, ce Mahorais originaire du village de Tsingoni est l'un des derniers soldats de l'île à avoir vécu de l'intérieur la terrible Seconde Guerre mondiale. Cinq années de lutte marquées par un dévouement total et un fatalisme surprenant. En Éthiopie face aux Italiens, dans le désert face à l'Afrikakorps de Rommel, à la bataille d'El Alamein en 1942. Boinali Souprit était chef de pièce – "Je tirais au mortier" –, mais c'est au cours d'une mêlée qu'il a reçu une balle à la jambe gauche. La semaine d'après il repartait au combat. Hommage à un homme qui a rejoint à 21 ans, en 1939, les Forces françaises libres, il y a 70 ans", racontions-nous.

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Mayotte Hebdo n°427, vendredi 8 mai 2009.

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Karibu Pemba

Voyage au Mozambique pour ce Mayotte Hebdo, et particulièrement à Pemba. Nous détaillions : "Trois ethnies habitent cette partie du Mozambique, les Makuas majoritaires, les Makondés et les Mwanis. Le shimaoré serait un mélange de swahili et de la langue mwani. Marcher dans la ville en toute sécurité et observer l’héritage socialiste. Des grandes avenues, des bâtiments décrépits datant des années 70 et une population très calme, qui se laisse photographier sans sourciller. Des jeunes hommes aux chasubles jaune fluo errent dans toute la ville, eux ce sont des vendeurs de cartes téléphoniques pour les trois opérateurs que compte le pays. Malgré les nombreux piétons et les grandes avenues, il n’y a pas de passage piéton. La vigilance est donc de mise avant de traverser."

IL Y A 5 ANS

IL Y A 10 ANS

C'ÉTAIT DANS MH

SANS Z RENDE S U O V

Mayotte Hebdo n°658, vendredi 9 mai 2014.

GRAND CHOIX DE LEURRES

LA PHOTO D'ARCHIVE Les commerçants emménagent au nouveau marché

Décembre 2009 : après un an de tractations pour savoir qui aura la responsabilité du marché couvert – et des années dans un marché "provisoire" insalubre –, les différents partenaires ont enfin réussi à trouver un accord. Dès le début de la semaine, les bouénis et les autres commerçants du marché commencent donc leur déménagement vers la toute nouvelle infrastructure de la place de la République, à Mamoudzou.

PALMES AQUAGYM

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TCHAKS L'ACTION Le Marion Dufresne pour étudier les séismes

Une nouvelle mission dénommée Mayobs s'installe dès ce lundi et restera jusqu'au 18 mai à Mayotte, sur le navire Marion Dufresne. L’équipe de chercheurs est originaire de plusieurs établissements scientifiques (l’Institut de physique du globe de Paris, le Bureau de recherches géologiques et minières et l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer). L’objectif ? Récupérer les six sismomètres de fond de mer qui ont été déployés à l'Est de l'île en février dernier. Leurs données seront analysées et devraient permettre "de contribuer à une meilleure connaissance des mécanismes de l'essaim."

LE CHIFFRE 2

C'est le nombre de meules de charbonnage – aussi appelées charbonnières – en cours de combustion qui ont été détruites vendredi 3 mai à Dzoumogné par la Direction départementale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt. Les deux charbonnières, l'une de 60m3 et l'autre de 80m3, avaient été mises en place de manière illégale : absence de consentement du propriétaire de la parcelle et de demande de dérogation à l'interdiction générale de défrichement ou de demande de coupe. L'opération a été menée dans le cadre du plan d’actions établi par la Mission interservice de l’eau et de la nature de Mayotte.

LA PHRASE "La démographie médicale est au plus bas à Mayotte, la démographie des pharmaciens est également assez basse. Nous avons aussi tous les problèmes que nous connaissons de maladie chronique de vieillissement de la population. C'est ce qui attend la métropole"

Patrick Chamboredon, le président du Conseil national de l'Ordre national des infirmiers met en avant la situation du secteur de la santé à Mayotte lors de sa visite de trois jours. Il explique notamment que le département "est une étape importante de notre tournée" : selon lui, les problématiques mahoraises préfigurent en effet des situations qui auront lieu de façon récurrente dans les cinq ou six prochaines années en métropole si rien n'est fait.

LA PHOTO DE LA SEMAINE Lifting du collège de M'tsangamouji

L'année prochaine verra le lifting du collège de M'tsangamouji. Dans ce cadre, le vice-rectorat a choisi le cabinet d'architecture Endemik pour l'extension et la réhabilitation de l'établissement. Sa surface passera ainsi de 5 000 m2 à 7 000 m2. Estimé à 7.5 millions d’euros, le projet prévoit de le doter d’une restauration scolaire, de couvrir le plateau sportif, de construire onze nouvelles salles de classe, de supprimer les anciennes, en préfabriqué, et d’améliorer le confort des locaux tel que le centre d'orientation et d'information.

INSERTION

Des cadets au ministère des Outre-mer.

Ils sont 40 jeunes de Mayotte à avoir visité lundi 6 mai le ministère des Outremer grâce à l'association Les cadets citoyens de Mayotte, inspirée du dispositif Cadets de la République de la police nationale, et associant la gendarmerie et le Régiment du service militaire adapté (RSMA). Objectif : offrir une seconde chance aux jeunes en décrochage scolaire grâce à une formation axée sur le civisme, la découverte des métiers, le développement des compétences de base et la réalisation d'un projet collectif. Les jeunes ont ensuite été reçus à la chambre haute du parlement par le sénateur Thani Mohamed Soilihi, également membre de la délégation sénatoriale aux outremer.

BE R E V O R P LE Pana pana tsi hodja, mulimizi kwehe. La largeur du champ n'est pas l'essentiel, on juge le cultivateur au désherbage. 6•

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LE FLOP LE TOP Une maison artisanale de Mayotte

Une jolie nouveauté à Mamoudzou : la coopérative MAM – pour maison artisanale de Mayotte – a ouvert ses portes à proximité de l'embarcadère de la barge, entre le restaurant Le 5/5 et le Camion rouge. Elle est née de l'initiative de quatre artisans ayant décidé de mutualiser leurs moyens pour faire connaître et vendre de réels produits artisanaux à un large public. On y trouve donc les préparations à base de fruits des Vergers de Mayotte ; les confitures et épices du Domaine des épices ; les stylos et bijoux en bois local de Touch du bois ; et les confections sur mesure de l’atelier de couture Assul. L'inauguration officielle est prévue à l'issue du mois de ramadan. En attendant, la mise en valeur du savoir-faire local de nos artisans est à saluer.

Air Austral, l'émeute ?

"Une émeute à bord" nécessitant l'intervention de la police aux frontières: ce sont les explications de la compagnie aérienne Air Austral pour justifier l'annulation d'un vol reliant Paris à Mayotte, puis son déroutage vers La Réunion, lundi 6 mai au soir, consécutif à un problème technique retardant déjà le départ de l'avion. Une justification qui peine à convaincre. Notamment pour le député Mansour Kamardine (LR), présent à bord de l'avion, et qui remet en cause les propos d'Air Austral : "Me trouvant à bord du vol concerné (…), je démens formellement qu’il y a eu une émeute [et] que la police aux frontières ait dû intervenir. (…) En réalité, après plus de 4h de retard passées dans l’avion au sol, l’équipage a annoncé que le vol serait routé vers La Réunion, ce qui a entraîné une protestation compréhensible de certains passagers mahorais et européens. Après que les passagers aient exprimé leur mécontentement et alors que la cabine était tout à fait calme, le commandant de bord a annoncé l’annulation du vol en prétextant, je cite, que "le propriétaire de l’avion m’a donné l’ordre d’aller directement à La Réunion."" Et de conclure : "Les Mahorais doivent s’organiser dans le cadre d’une association de défense des usagers et clients d’Air Austral afin de faire valoir les droits des passagers." Il semble qu'Air Austral ait de plus en plus de mal à regagner le cœur des Mahorais.

ILS FONT L'ACTU Soibahadine Ibrahim Ramadani

Le président du Conseil départemental est de retour dans ses fonctions. Hospitalisé à La Réunion à la fin du mois de mars suite à un malaise, l'élu donnait peu de nouvelles jusqu'à présent. C'est son vice-président en charge des Affaires sociales, Issa Issa Abdou, qui en a donné via les réseaux sociaux, pour faire taire les rumeurs prétendant que le président du Département était toujours hospitalisé alors qu'il a repris ses fonctions. Une information que le vice-président a confirmée : "Cela fait deux semaines que le président est rentré. Il a repris le travail [ce lundi 6 mai] et il était en pleine forme."

AÉROPORT

Joëlle Martinaux

Venue à Mayotte de la présidente de l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (UNCCAS), accompagnée d'Éliane Guiougou, administratrice de l'organisme en charge de l'outremer, du 5 au 7 mai. Une visite pour "compléter les outils destinés à mieux faire comprendre le rôle indispensable des centres communaux d'action sociale (CCAS) aujourd'hui", a déclaré la maire de Sada, Anchya Bamana, présidente de l'Union départementale des CCAS. Le projet Pass' Palas, cofinancé par l'Union européenne et qui permet de dresser un état des lieux des besoins en formation du territoire, était également au centre des échanges.

SONDAGE

13 millions pour les lits d'arrêt "Un investissement important pour le territoire de Mayotte", a assuré le groupe Edeis, leader dans les domaines de l'ingénierie, de la gestion d'infrastructures complexes et de services de construction et exploitant de l'aéroport de Pamandzi. De quoi s'agit-il ? Des 13 millions d'euros que coûtent les lits d'arrêt destinés à sécuriser la piste et à immobiliser les avions en cas de sortie de piste. Pour autant, cela ne veut pas dire que des plus gros avions vont pouvoir atterir sur Mayotte mais c'est rassurant pour les compagnies que le terrain soit aux normes européennes."

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À LA RENCONTRE DE...

Geoffroy Vauthier

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ABDOU ALI

DIRECTEUR DU GEMTOUR LES RÉSULTATS, RIEN QUE LES RÉSULTATS : C'EST LE MOT D'ORDRE D'ALI ABDOU, DIRECTEUR DU GROUPEMENT DES ENTREPRISES MAHORAISES DU TOURISME. À 40 ANS ET APRÈS UN PARCOURS UNIVERSITAIRE CONSACRÉ À L'ÉCONOMIE, C'EST AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT DE MAYOTTE QU'IL MET SES COMPÉTENCES DEPUIS 12 ANS. RENCONTRE. Pour lui, point de palabre : "Seuls les résultats doivent compter", convainc Ali Abdou, directeur du Groupement des entreprises mahoraises du tourisme (Gemtour). Les résultats, c'est ce qui a fait sa réputation d'homme de la situation à Mayotte, car malheureusement "les compétences manquent sur l'île." Un manque de compétences qui, selon lui, est le principal frein à l'essor du département. "Mayotte souffre essentiellement de ce manque, quel que soit le domaine", confirme-t-il, en illustrant : "On ne trouve déjà pas de carreleurs qualifiés, de peintres, de maçons de bon niveau, de soudeurs, de menuisiers, etc. Alors, imaginez quand il faut trouver de bons financiers, ce qu'on appelle des "numéros deux", de bons meneurs d'hommes, des cadres." Conséquence : "La plupart des entreprises de Mayotte gèlent des postes faute de pouvoir recruter ces compétences. Cela n'est pas de nature à dynamiser notre croissance, car il n'y a pas assez de création de valeur dans le privé." Pourtant, comme lui, nombre de Mahorais se forment désormais en métropole et effectuent des études supérieures. La première génération issue de ces mouvements est bel et bien là. "C'est vrai, concède-t-il, mais quand on parvient à les avoir, ils partent au bout d'un ou deux ans au vice-rectorat, car les conditions y sont plus alléchantes." Et d'illustrer : "Certains jeunes reviennent, mais prenons l'exemple d'une banque locale bien connue. Elle recrute des jeunes de très bon niveau comme conseillers entreprises. Ils restent un an ou deux, puis bifurquent vers l'éducation. Ce n'est pas évident du tout de les garder." Un vrai défi, donc, pour celui qui tâche jour après jour de développer le territoire.

"J'AVAIS FIXÉ MON CAP, ET CE N'ÉTAIT PAS NÉGOCIABLE" Né en 1980 à Tsingoni, élève sérieux et rigoureux, bachelier de la première promotion du lycée de Sada en 2000, Ali Abdou comprend rapidement que l'économie est désormais au centre du monde. "On était en pleine

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Ali Abdou

directeur du groupement des entreprises mahoraises du tourisme (Gemtour). Selon lui, la question des compétences, ou plutôt du manque de compétences, sur le territoire est primordiale pour prétendre parvenir au développement tant attendu.

CE QU'ILS EN DISENT Christophe Durand, ami d'Ali Abdou et gérant du restaurant La Forge

"Compétent, volontaire et qualifié" "Ali est indubitablement quelqu'un de très compétent, volontaire et qualifié. Il fait partie de ceux qui tâchent de faire bouger Mayotte. C'est un bon représentant de cette nouvelle garde qui participe au développement de l'île, un développement dans lequel il est très impliqué. C'est également quelqu'un qui espère faire changer la politique, et c'est pour cela qu'il se présentera aux élections municipales de 2020 à Tsingoni."

mondialisation, et le secteur de la donnée, de la recherche de l'information économique, de son exploitation, prenait le pas sur tout le reste. C'était nouveau. Moi qui m'intéressais à l'évolution du monde, cela m'a parlé. Avec la donnée, on peut diriger le monde", se rappelle-t-il. C'est donc logiquement qu'il s'oriente vers le secteur de l'économie pour ces études supérieures. Un départ vers Toulouse pour une maîtrise en économie et gestion des entreprises, suivie d'un Master 2 en intelligence économique, et l'étudiant d'alors se retrouve diplômé. Il ne pouvait, de toute façon, en être autrement : "J'avais fixé mon cap. Je devais finir mes études à 25 ans et ce n'était pas négociable. Qu'il pleuve, neige, vente, il fallait que j'avance. Je m'y suis tenu." Pour autant, cela n'a pas toujours été facile : "J'étais seul, mais cela m'a permis de changer de mode de vie. J'ai zappé la vie à la mahoraise et je suis rentré dans le moule métropolitain. J'ai choisi de faire comme les autres, et non de continuer à faire comme si j'avais été ici. Cela a été difficile, mais je ne regrette pas de m'être adapté. J'y suis allé sans réserve, sans faire mon difficile, car il fallait que j'atteigne mes objectifs." À cette étape là de son parcours, il n'est pas encore question de revenir à

Mayotte, bien au contraire. Ali Abdou l'explique sans fard : "C'était important pour moi de travailler en métropole. Je voulais y être bien formé en termes de productivité et de méthode. Je voulais une autre vision du monde du travail, plus globale, pour ne pas me contenter du carcan mahorais et du rythme "cocotier", comme on dit." Durant cette période, il officiera en stage de fin d'études au sein du laboratoire de recherche de l'entreprise agroalimentaire Bongrain, en région parisienne. Sa mission ? L'espionnage industriel : "Nous cherchions sur quels types de produits travaillaient nos concurrents pour les sortir trois ou quatre ans plus tard. On était dans le cœur de l'industrie, avec la recherche, les brevets, etc." Une expérience dont il retient l'impérieuse nécessité d'être rigoureux. Il détaille : "J'ai vu des produits aller jusqu'à l'étape de pré-marketing et demeurer tout de même confidentiels. Les prestataires étaient déjà choisis, les opérations de communication et de publicité allaient être lancées, mais malgré tout, le monde n'était pas encore au courant. Dans un environnement très médiatisé et ouvert à l'information, c'est très impressionnant de pouvoir garder des informations secrètes. C'est quelque chose qu'on ne sait malheureusement pas encore

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"ALLER AU FOND DES CHOSES" faire ici alors que l'information doit être bien tenue, et ne pas partir dans tous les sens. À Mayotte, c'est le contraire : on signe beaucoup de conventions en communiquant dessus, mais pour peu de résultats." Moralité, encore une fois : "Il ne faut communiquer que sur le concret, sur le résultat." C'est ensuite pour le service d'études marketing d'Orange qu'il travaillera jusqu'en 2007 et le plan Next de l'entreprise, destiné à épurer les comptes de la structure en épurant le nombre de ses salariés. Ali Abdou quitte alors la société et décide de revenir à Mayotte "pour des raisons familiales, car pour être sincère, j'envisageais plutôt de m'expatrier au Canada, en Australie ou à Singapour." Nous sommes en fin d'année 2007, et notre homme est de retour sur son île natale.

LE SAVOIR-FAIRE AUTANT QUE LE SAVOIR-ÊTRE Fort de ses compétences, il ne tarde pas à trouver un poste dans un cabinet d'expertise comptable pour des missions de commissariat aux comptes, puis rapidement à être recruté comme contrôleur de gestion à la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM). Il y restera sept ans, puis la quittera en 2014 – "Je ne participais pas assez au développement du territoire, les impacts de mon travail n'étaient pas assez concrets" – pour devenir directeur du service économique de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI), avant de prendre la direction du pôle attractivité internationale de l'Agence de développement et d'innovation de Mayotte (Adim), puis la direction du Gemtour. De quoi affiner encore son diagnostic pour améliorer l'économie du département. "La compétence ne fait tout de même pas tout, insiste le responsable. Il

faut aussi de la rigueur, de la constance, de la consistance, de la persévérance, et la capacité à encaisser les difficultés. Ici, nous manquons de matières premières, certains fournisseurs ne sont pas toujours sérieux, etc. C'est ça qu'il faut dire : à Mayotte, on n'a pas des obligations de moyens, mais des obligations de résultat. Quand les choses ne sont pas faites, elles ne sont pas faites, voilà tout. Avoir une excuse valable pour en justifier ne résout pas le problème. Ce qui compte, c'est donc de pouvoir passer outre les difficultés, et pour ça il faut des cadres de bon niveau. Si on n'est pas assez solide mentalement, on se limite à faire de la gestion au lieu de faire du développement. C'est notre problème ici aujourd'hui : nous ne sommes pas en mesure de faire du développement, et c'est bel et bien de cela dont on a besoin." C'est là la leçon qu'il aimerait que retienne la nouvelle garde mahoraise, celle de ces jeunes dont dépend l'avenir de l'île : "Il faut se méfier de la forme et aller au fond des choses. Ne pas vendre du vent. Le savoir-faire est très important, autant que le savoir tout court. On se limite souvent à un diplôme, mais un diplôme est censé vendre un savoir-faire, justement. Et tout cela doit être accompagné d'un savoirêtre : rigueur et exigences personnelles. Le monde n'est pas un long fleuve tranquille." C'est d'ailleurs encore plus vrai à Mayotte où, "plus qu'ailleurs", comme il le souligne, "il y a cet effet de cooptation familiale, de piston. Quand c'est comme ça, c'est difficile. Comme les personnes sont posées à un poste par d'autres, ces dernières ont tendance à les défendre bec et ongles, même si d'autres idées peuvent être plus pertinentes."

UNE NOUVELLE AVENTURE Ainsi fonctionne Ali Abdou qui, en parallèle, a porté d'autres responsabilités. Dans le milieu associatif d'abord, puisqu'il a été trésorier et secrétaire d'associations et d'un club de sport, mais aussi en politique où, de 2008 à 2014, il a été

CE QU'ILS EN DISENT Ahmed Laguerra, ami d'Ali Abdou, ancien directeur de cabinet de la mairie de Tsingoni et chef d'entreprise.

"Je crois beaucoup en lui" "Il est dans le monde économique depuis longtemps et compte parmi les potentiels forts de la commune de Tsingoni. C'est aussi quelqu'un qui connait le monde associatif et comprend les jeunes. Ali est déterminé, c'est quelqu’un auquel je crois beaucoup."

conseiller municipal en charge des finances sous la mandature d'Ibrahim Boinahéry. Un monde politique qu'il pourrait bien retrouver puisqu'il se dit que le responsable économique entend être candidat à Tsingoni, lors des prochaines élections municipales, en 2020. n

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LE DOSSIER

FÉV

"ALERTE TÉMOIGNAGE D


VRIER 1967

Février 1967 : Mayotte se retrouve dans un climat insurrectionnel. En cause : le blocage de l'ORTF par les Chatouilleuses qui protestent contre la politique menée par Moroni à l'égard de l'île. Pour mettre fin aux troubles, une compagnie du 2ème RPIMA de Madagascar, basé à Ivato, est envoyée en urgence sur l'île aux parfums, où va bientôt se jouer un pan de l'histoire du combat pour Mayotte française. Parmi les militaires, un jeune appelé de 19 ans, qui en profitera pour rédiger un carnet de bord : "Alerte Comores". Ce document dont personne n'avait eu connaissance jusqu'à présent nous est parvenu 52 ans après les faits. Un témoignage enrichi de photo, qui vient compléter la connaissance de cette période. Inédit.

COMORES" : D'UN APPELÉ 13

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LE DOSSIER

Geoffroy Vauthier

FÉVRIER 1967

Jean-Louis Lebigot aujourd'hui.

CARNET DE BORD D'UN MILITAIRE C'ÉTAIT IL Y A 52 ANS : LE 4 FÉVRIER 1967, LES CHATOUILLEUSES FONT LE SIÈGE DE L'ORTF POUR PROTESTER CONTRE LE TRANSFERT DE LA CHAÎNE VERS MORONI. LA SITUATION DÉGÉNÈRE ET LE CONTEXTE DEVIENT INSURRECTIONNEL. POUR LA CONTENIR, LE 2ÈME RPIMA, BASÉ À MADAGASCAR, EST APPELÉ EN RENFORT LE 6 FÉVRIER. PARMI LES MILITAIRES, L'APPELÉ JEANLOUIS LEBIGOT, ALORS ÂGÉ DE 19 ANS, QUI A RÉDIGÉ UN CARNET DE BORD DE SA MISSION À MAYOTTE. UN DOCUMENT QUE NOUS AVONS RETROUVÉ ET QUE NOUS PUBLIONS EN EXCLUSIVITÉ.

Jean-Louis Lebigot à 19 ans. Il est alors basé à Ivato, à Madagascar, où il effectue son service militaire au sein du 2ème Régiment de parachutistes d'infanterie de Marine.

"Nous sommes arrivés à Dzaoudzi à 8h du matin. En atterrissant, nous voyions cette mer couleur d'émeraude, c'était fantastique" : nous sommes le 6 février 1967, et pour la première fois de sa vie, Jean-Louis Lebigot, un appelé de 19 ans, s'apprête à poser le pied à Mayotte. Deux heures plus tôt, la 2ème compagnie du 2ème régiment de parachutistes d'infanterie de marine (RPIMA), décollait d'Ivato, à Madagascar. "Nous avons été réveillés à 2h du matin, et sommes partis quatre heures plus tard", se rappelle-t-il en précisant : "Initialement, nous devions sauter en parachute sur Dzaoudzi, mais les avions ont finalement pu atterrir, nous débarquer, et repartir pour aller chercher des légionnaires à Diego-Suarez. Une fois arrivés, nous avons fermé l'aéroport, car des manifestants voulaient le prendre pour ne pas que d'autres renforts arrivent, et nous les avons repoussés vers la mer." Motif de cette arrivée en urgence : un contexte jugé "insurrectionnel" sur l'île aux parfums, pour reprendre les mots de l'homme, aujourd'hui âgé de 72 ans. La raison de ce climat tendu ? Cinquante-deux ans après, les raisons précises se sont quelque peu effacées de sa mémoire, mais "des allocations avaient été retenues, ou bien Mayotte n'y avait pas eu

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L'aéroport de Mayotte, immortalisé par Jean-Louis Lebigot en 1967 lors du départ de sa compagnie de l'île aux parfums.

droit, peut-être. Cela avait provoqué une révolte", croit-il se rappeler sans omettre que "c'est en tout cas ce qu'on nous avait dit, car on ne nous donnait pas trop de renseignements." Un mouvement d'ordre purement social, donc ? Pas forcément, trop d'évènements déterminants dans la lutte pour Mayotte française se sont en effet déroulés durant ces quelques journées. Deux jours plus tôt en effet, les Chatouilleuses font le siège de l'Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) : le gouvernement territorial comorien – institution existante à l'époque puisque les trois autres îles des Comores sont alors toujours françaises – a en effet décidé de transférer la radio alors installée à Pamandzi vers Moroni, en Grande Comore, "ce que les Mahorais [considéraient] d’un mauvais œil", rappelle JeanLouis Lorenzo dans son article Une histoire de la radio à Mayotte*. Mais la grogne permet aussi de "faire entendre sur les ondes leur protestation contre l'insuffisance des mesures sociales adoptées par le gouvernement local"**. Un fait également souligné par Rémi Carayol dans son ouvrage Histoire de Mayotte 1946-2000***, qui mentionne : "Le 4 février 1967, ces mêmes "chatouilleuses" font le siège de l'ORTF en guise de protestation contre le déficit de mesures sociales et scandent ce qui deviendra le slogan de leur lutte : "Nous voulons rester Français pour être libres". Encore une fois, la manifestation dégénère."

Dès le lendemain, le 5 février, et suite à ce blocage, deux députés mahorais de l'Assemblée, Soufou Sabili et Saïd Toumbou, font l'objet d'un mandant d'amener, tout comme d'ailleurs un militant, Silahi Madi, et trois représentantes des femmes, Zéna M'Déré, Zaïna Boinali et Moitsoumou Djaha. Mais les prévenus refusent de se rendre à la gendarmerie et se réfugient au domicile de Souffou Sabili. Furieux, le président du conseil du gouvernement du territoire des Comores, Saïd Mohamed Cheick, les convoque à Moroni afin qu'ils rendent des comptes. Bien que prêts à faire le voyage, les deux élus ne pourront s'y rendre. Les femmes sont en effet opposées à leur départ et font le siège de leur domicile toute la nuit. C'est ici que le témoignage de Jean-Louis Lebigot rejoint l'histoire de Mayotte, puisque le 6 février au matin, les parachutistes arrivent en renfort de Madagascar.

DÉPUTÉS REBELLES Dans le carnet de bord tenu par le jeune militaire lors de sa mission à Mayotte (voir de la page 18 à la page 35), il est en effet mentionné, au sujet de ce 6 février 1967 : "À 11h00 locale, la compagnie est enfin appelée à intervenir au village de "l'Abattoir" (sic) où les députés rebelles se sont réfugiés sous la protection de la population." L'ambiance est alors très tendue : curieux de ce déploiement de forces aéroportées et inquiets des inhabituels mouvements sur l'île, nombre d'habitants de Grande-Terre tâchent

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LE DOSSIER

Une photo d'archive montrant le siège de l'Office de radiodiffusiontélévision française (ORTF) en 1967.

de rallier Labattoir. Avec succès, malgré les tentatives de la Garde comorienne d'empêcher le débarquement des boutres à la jetée de Dzaoudzi. Le militaire, posté au niveau de la digue peu avant l'intervention de sa compagnie au domicile du député, le relate : "On faisait barrage au niveau de la digue, mais les boutres la contournaient." L'attroupement est estimé à 1 500 personnes par la gendarmerie, dont certaines sont armées, selon divers témoignages de l'époque "de piques, de couteaux, de coupes-coupes (sic), et de pierres."**** De ce contexte pour le moins tendu, Jean-Louis Lebigot garde un souvenir des plus marquants et des plus difficiles, celui d'une "d'une femme enceinte" à qui un militaire – "il y avait parmi nous des anciens de la guerre d'Algérie" – aurait "mis un coup de baïonnette dans le ventre", provoquant de fait "son accouchement ou son avortement." Et de

conclure sur ce point : "C'est la seule charge que nous avons eue à mener." Finalement, "après de longs palabres, les députés rebelles se rendent enfin. Les manifestants tentent de franchir le barrage du PK4, mais en vain." Effectivement, en accord avec les dirigeants du Mouvement populaire mahorais (MPM), alors en pleine structuration, les députés Soufou Sabili et Saïd Toumbou acceptent de se livrer. Zéna M'Déré et Moitsoumou Djaha, pour leur part, se rendront ellesmêmes aux gendarmes dès le lendemain pour être placées en garde à vue. Le blocage et ses suites auront de larges répercussions sur l'avenir politique des deux hommes, qui ont finalement rallié la cause de l'unité des Comores, notamment en créant le mouvement des "Serrer la main" : suite à la manifestation, ils sont condamnés à quatre et six mois de prison, et sont déchus

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de leurs mandats. Un contexte sur lequel revenait Saïd Toumbou quelques mois avant sa mort*** : "Alors qu’on a essayé de calmer les femmes, c’est nous qui avons été jugés coupables." Et d'évoquer "un coup monté" par Marcel Henry, quelques mois avant les élections législatives : "Il savait très bien qu’on serait députés à vie, or le fait d’être en prison nous empêchait de nous présenter, on devait être remplacés. Il a exploité le transfert de la capitale pour faire croire à la population que nous étions d'accord avec les décisions prises à l'encontre de Mayotte. C’est lui qui a poussé les femmes à se révolter ! Quand Souffou a voulu s'expliquer devant la population, on l'en a empêché." Vrai ? Faux ? Quoi qu'il en soit, Marcel Henry et le MPM remporteront lesdites élections, première étape politique permettant d'aboutir, à terme, à la départementalisation de Mayotte en 2011.

SURVEILLANCE ET DÉCOUVERTE Bien qu'ignorant de ces faits liés à la prise de l'ORTF, JeanLouis se souvient que "les troubles se sont vite arrêtés. La situation a été maitrîsée en deux jours, et nous sommes restés trois jours en alerte. Nous avons été postés sur le boulevard des Crabes, que les boutres continuaient à contourner." Le reste de la mission se déroulera sans encombre, entre patrouilles à la baie de Moya et marches à la Vigie, comme en témoigne le carnet de bord : "Nous devions sauter sur Grande-Terre pour un exercice, mais cela ne s'est finalement pas fait", complète-t-il. Il y aura aussi la rencontre avec les habitants, notamment lorsqu'un pêcheur les dépanne. "Nous n'avions plus rien à manger, c'est le paradoxe de l'armée française", détaille-t-il en poursuivant : "Il nous a fallu manger de la noix de coco pendant deux jours, jusqu'à ce

qu'un pêcheur accepte d'amener deux sous-officiers avec lui pour qu'ils prennent du poisson." Le 25 février 1967, 19 jours après son arrivée à Dzaoudzi, la 2ème compagnie du 2ème RPIMA quittait Mayotte avec un certain regret, comme en témoignent les mots employés dans les légendes des photos : "paradis", et "douce île." Plus de cinq décennies plus tard, Jean-Louis Lebigot le confirme : "Mon séjour là-bas a été très bon, entre baignades et quelques rapports avec la population, qui était gentille malgré sa pauvreté. Toutefois, ces contacts demeuraient menus, car il faut se rappeler que nous étions tout de même venus pour maîtriser la situation." C'est ensuite à La Réunion que la compagnie sera envoyée pour assurer le bon déroulement des élections législatives, dans un tout autre contexte. À l'issue de son service militaire, notre homme retrouvera la vie civile, où il reprendra son métier de cuisinier. De Mayotte, il n'aura plus que de vagues nouvelles de la part d'un ami et de sa nièce, qui y ont tous deux vécu : "Je crois savoir que l'ambiance a changé, que ce n'est plus comme avant". Et de finir, enfin, sur un lien étrange : "Il faut aussi ajouter mon grand-oncle qui, avant moi, y avait été en poste avec la Légion étrangère. Cela fait trois générations d'une même famille à être passées par Mayotte. Comme quoi, on a peut-être des liens avec certains endroits sans le savoir."n

*Lorenzo Jean-Louis. Une histoire de la radio à Mayotte. In: Outre-mers, tome 99, n°374-375,2012. Mayotte, un enjeu ultramarin. **Mayotte Hebdo, hors série n°7, Mayotte 1974, 1975, 1976. ***Rémi Carayol, Histoire de Mayotte 1946-2000. ****Les chatouilleuses, Somapresse/Conseil départemental de Mayotte.

Quelques photos, prises à Ivato cette fois, du jeune militaire.

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Solène Peillard

"Mise en alerte le lundi 6 février 1967 à 2h" : ainsi commence le carnet de bord, intitulé "Alerte Comores" de Jean-Louis Lebigot, alors jeune militaire appelé de 19 ans.

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"La compagnie est appelée à intervenir au village de l'Abattoir (sic) où les députés rebelles se sont réfugiés" : sans le savoir, la 2ème compagnie du 2ème RPIMA basé à Ivato, à Madagascar, va prendre part à ces quelques jours déterminants dans l'avenir de Mayotte.

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Le journal du militaire raconte également le quotidien de ces hommes, qui resteront 19 jours à Mayotte.

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Petite-Terre, puisque la compagnie n'aura pas l'occasion de se rendre en GrandeTerre, est décrite par Jean-Louis Lebigot.

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"Les boutres chargés de manifestants amenaient des renforts" : si le contexte tendu des heures précédentes s'est tassé, la surveillance demeure au rang des priorités pour la compagnie appelée en renfort.

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Parmi les découvertes des militaires lors de leurs patrouilles en PetiteTerre : la noix de coco, dont la cueillette les laisse rêveurs.

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Sous le climat chaud de cette île tropicale, le lait de coco apparait comme un miracle aux militaires.

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Une patrouille à la baie de Moya, à travers la brousse. Passés les troubles, la mission de la compagnie se résumera à effectuer plusieurs de ces patrouilles.

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Deux jours à ne manger que des noix de coco car les réserves sont vides : un des souvenirs marquants du séjour de l'appelé. Heureusement, la rencontre avec un pêcheur changera la donne.

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Le pêcheur en question amène deux sousofficiers de la compagnie avec lui afin qu'ils ramènent un peu de poisson.

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Du poisson plutôt que du pain : les militaires auront pu combler un peu leurs estomacs vides.

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"La légende veut que les corps de ceux qui s'y baignent soient retrouvés à Anjouan" : une des notes prises par le militaire appelé dans son journal.

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Au-delà de sa mission, la venue à Mayotte de la 2ème compagnie du 2ème Régiment de parachutistes d'infanterie de marine est aussi l'occasion de profiter de moments de détente.

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Visite des lieux et match avec un autre régiment étaient aussi au programme.

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Le 16 février 1967, la compagnie commence à quitter "cette douce île, dont ils avaient su si vite prendre le rythme", comme l'a écrit JeanLouis Lebigot.

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Il y eut aussi des moments de rencontre avec les habitants de Mayotte, même "si ces contacts demeuraient menus, car il faut se rappeler que nous étions tout de même venus pour maîtriser la situation."

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Les hommes de la compagnie encore présents prirent leur envol le 25 février pour rentrer à Ivato, à Madagascar.

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"Dzaoudzi c'est fini car la 2 est partie" : ainsi s'achève le carnet de bord tenu au mois de février 1967.

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ENTRETIEN

Lyse Le Runigo

"L'ADOPTION, CE N'EST PAS DE L'HUMANITAIRE"

NATHALIE PARENT, PRÉSIDENTE DE L'ASSOCIATION ENFANCE ET FAMILLES D'ADOPTION

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La présidente de l'association Enfance et Familles d'adoption est en visite à Mayotte depuis le 8 mai pour sensibiliser le public à la parentalité adoptive et former les professionnels confrontés à cette question dans leur pratique quotidienne. Il s'agit aussi de balayer certaines idées reçues, dans un département où l'adoption est, sinon mal vue, encore largement méconnue. Tandis que le nombre de mineurs isolés y défie toutes les statistiques, celui des adoptions ne dépasse jamais la dizaine chaque année. Mayotte Hebdo : Vous étiez déjà venue à Mayotte en 2017 lors d'une première session de formation sur la parentalité adoptive. Quelle est votre conception du contexte local quant à l'adoption ? Nathalie Parent : Ce contexte est d'abord marqué par le peu de pupilles sur le territoire, c'est-à-dire le peu d'enfants juridiquement adoptables. Dès lors, l'adoption reste très réduite sur Mayotte. La question, c'est de savoir comment il faut travailler pour que les enfants qui sont des mineurs isolés ici, soient repérés et puissent acquérir le statut de pupille. La déclaration de délaissement [ou d'abandon, préalable indispensable à l'acquisition de ce statut et donc, à l'adoption, ndlr] a été facilitée par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant. Mais faut-il encore qu'on la demande, donc il faut d'abord repérer tous les enfants qui pourraient être concernés. Cela passe par les services sociaux, et peutêtre aussi par le biais de la Commission d'étude du statut des enfants qui a été mise en place par la loi du 22 mars 2016 relative à la protection de l'enfance. C'est cette Commission qui va, tous les six mois pour des enfants de moins de deux ans, et tous les tous les ans pour des enfants plus âgés, examiner si le statut du mineur correspond toujours à la réalité de ce qu'il vit. Et si ce n'est pas le cas, il fera évoluer ce statut. Ils pourront se poser la question pour des enfants qui n'ont plus aucun contact avec leurs parents ou même avec leur famille élargie. Je ne sais pas si la Commission Statut a d'ores et déjà été mise en place ici, mais ça permet d'offrir des regards multiples sur les situations. Cela regroupe toutes les personnes qui interviennent autour de l'enfant (instituteurs, psychologues, médecins, Aide sociale à l'enfance, etc.). Auparavant, seuls le référent de l'enfant et le travailleur social pouvaient demander une modification de statut. Aujourd'hui il y a ce qu'on appelle le "projet pour l'enfant" qui doit être réalisé par l'aide sociale à l'enfance (Ase) pour les enfants qui lui sont confiés, projet qui doit prendre la globalité de ce que vit l'enfant, aussi bien son état de santé, son état psychique, ses résultats scolaires, son comportement, ses loisirs, la manière dont il vit, les contacts qu'il a encore avec sa famille biologique et élargie, etc. C'est une globalité.

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ENTRETIEN

"L'ADOPTION, C'EST FAIRE FILIATION" MH : Comment définiriez vous l'adoption et ce fameux statut de "pupille de l'État" qui permet d'y parvenir ? NP : L'adoption, ça consiste à donner une famille à un enfant qui n'en n'a plus. Il ne s'agit surtout pas de faire en sorte que tous les enfants isolés deviennent pupilles pour être adoptables, ce n'est pas du tout le but. Il n'est pas question de créer des enfants pupilles quand ça ne doit pas être leur projet et quand ça ne correspond pas à leur réalité. Ce statut - la loi est assez claire là-dessus ce sont vraiment des enfants pour lesquels il n'y a plus d'adulte qui ont d'autorité parentale, de fait, ou de droit. De droit parce qu'ils sont les parents ou de fait parce qu'ils se comportent comme des parents et dans ces cas-là, ils ont une autorité, même si elle n'est pas juridiquement établie. Ça peut être le cas dans la pratique de l'adoption informelle qui existe ici. Le statut de pupille de l'État est le plus protecteur pour un enfant qui n'a plus personne, parce que derrière, vous avez un tuteur qui est le préfet ou son mandataire, et un conseil de famille. Si on a ce statut-là et que l'on peut bénéficier d'un projet d'adoption, ça signifie qu'on peut avoir une famille. Après, il faut dire aussi qu'on peut être juridiquement adoptable, sans toutefois l'être au niveau psychologique. Il faut alors faire ce qu'on appelle un bilan d'adoptabilité. Cela consiste à se demander, au moment où l'on s'interroge pour savoir si un projet d'adoption pourrait être envisageable pour un enfant : "Est-ce que dans sa tête, il est capable de rentrer dans un nouveau lien de filiation ?" C'est ça l'enjeu. S'il n'est pas capable, s'il ne veut pas, s'il refuse, il faut entendre sa parole et lui proposer un autre projet. MH : À Mayotte, l'adoption est très peu répandue et assez méconnue, alors même qu'il existe beaucoup d'enfants en détresse ou en errance. Comment expliquer ce paradoxe ? NP : C'est une question un peu particulière ici. Il y a quand même toute la tradition de prise en charge des enfants sans qu'il y ait forcément de l'adoption au sens où nous, nous l'entendons en métropole. Il y a donc ici beaucoup

d'adoptions informelles, du fait de la prise en charge par la famille élargie, voire très élargie, des enfants. Et c'est assez paradoxal car vous avez sur Mayotte énormément d'enfants qui arrivent seuls sur le territoire mais qui ne sont pas pupilles de l'État, qui n'ont pas ce statut, et qui ne peuvent donc pas être adoptés. Les enfants adoptés ont souvent des parents biologiques, et les orphelins au sens strict sont finalement assez rares. Sur la question de la parentalité adoptive, je pense qu'il faut d'abord de l'information. Mayotte n'est pas département français depuis si longtemps que ça. En outre, il y a énormément de personnes d'origine comorienne, or, les Comores interdisent l'adoption. Dans le droit musulman, il n'y a pas d'adoption mais la pratique de la kafala*. Il y a aussi ces arrivées d'enfants en kwassa-kwassa, qui sont isolés mais pas forcément abandonnés. Il faut que la population apprenne l'existence de cette possibilité de l'adoption. Elle ne doit pas être brandie comme la meilleure – parce que ce n'est pas forcément la meilleure – mais c'est une possibilité. Par exemple, quand on n'est pas en capacité de garder son enfant ou que les délais pour une IVG [Interruption volontaire de grossesse, ndlr] sont dépassés, ou que cela va à l'encontre des croyances ou des principes de la jeune femme enceinte. Le fait de confier son enfant à l'adoption est peut-être plus audible pour elle que l'IVG, mais encore faut-il qu'elle sache que c'est possible. Cela implique de former les professionnels concernés et d'en parler. Le film que nous allons diffuser samedi soir – Pupille, de Jeanne Herry, ndlr – y participe aussi. Il montre bien la situation de cette mère qui ne peut pas garder son enfant, qui accouche sous le secret, et le parcours de son enfant. Comment, au bout de trois mois, il a une nouvelle maman. Et c'est assez extraordinaire parce que c'est exactement comme ça que ça se passe. Plus on fera passer ce genre de choses et plus on pourra montrer que tout ça, ça ne sert pas à faire du trafic d'organes, que les parents adoptifs ne sont pas des pervers en puissance, etc., et à se défaire de certaines idées reçues qui circulent d'ailleurs dans de nombreux pays. MH : Désir d'enfant et besoins de l'enfant sont-ils toujours compatibles ? NP : Pour adopter, il faut un désir d'enfant, c'est quand même la base ! Vouloir être parent, c'est le point de départ. Après, il faut réussir à passer de l'enfant rêvé, l'enfant idéal, à l'enfant réel, l'enfant qui attend, et qui n'est pas forcément celui qu'on avait imaginé au départ. Tout ça, c'est un chemin, et ça demande systématiquement de partir des besoins de l'enfant pour trouver le projet parental qui va lui correspondre, et non pas du projet parental ou de la volonté des adoptants pour aller chercher l'enfant. On cherche des parents qui ont un projet qui va pouvoir correspondre à ses besoins. Même un bébé né sous le secret a des besoins particuliers : ce n'est pas une page blanche.

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Cette femme qui l'a mis au monde, comment a-t-elle vécu sa grossesse, y a-t-il eu un déni ? A-t-elle été correctement suivie ? A-t-elle eu une attitude qui était celle d'une femme enceinte : ne pas boire d'alcool, ne pas fumer, ne pas se droguer, etc. ? A-t-elle subi des violences ? Est-ce que sa relation était consentie ou l'enfant a-t-il été conçu lors d'un viol, d'un inceste ou d'une relation non consentie, d'une relation sans lendemain, d'un "coup d'un soir" ? Cette jeune femme ou fille a-t-elle eu la drogue du violeur, a-t-elle été mise à la porte ? Tout cela, ça a son importance. Les besoins de l'enfant changent en fonction de chaque situation. Si vous êtes né, et que la mère ne s'est rendu compte de sa grossesse qu'à quatre mois, comment elle le vit ? Quels vont être les sentiments de cette femme par rapport à cet enfant ? On sait très bien aujourd'hui que tout ce qui se passe in utero a des répercussions par la suite. En fonction de tout ce qu'elle pourra laisser comme informations, cela aidera à construire le projet de l'enfant. Plus il y aura d'informations, plus on pourra faire un projet au plus près de ses besoins. MH : On dit souvent que la procédure d'adoption relève du "parcours du combattant" pour les candidats, qu'en pensez-vous ? NP : C'est une réalité, bien sûr. Moi je n'aime pas trop l'expression car je pense que ce "parcours du combattant", c'est plutôt l'enfant qui le subit. Les enfants adoptés ont des histoires telles qu'il est rare que des adultes aient un passé aussi compliqué et aussi potentiellement traumatique. Mais oui, aujourd'hui l'adoption, c'est très compliqué. Parce qu'il y a énormément d'agrément** en cours de validité. Il doit y en avoir environ 13 000 en 2017 en France pour 1500 adoptions (nationales et internationales confondues). Ça veut dire qu'en effet, il y aura un certain nombre de personnes qui ne pourront pas aboutir dans leur projet. L'autre raison de cette difficulté, c'est qu'il n'y a toujours pas en France de préparation, de sensibilisation à la parentalité adoptive, ce qui pourtant existe dans tous les autres pays, ce qui explique que les gens se lancent dans des projets qui sont difficilement réalisables car ils ne correspondent pas aux besoins des enfants qui sont en attente. Plus on est informés de la réalité de l'adoption – qui sont ces enfants ? Quels sont leurs besoins ? – et plus on peut préparer son projet ou décider de l'abandonner. MH : Les chiffres de l'adoption en France, d'ailleurs, sont en baisse ? NP : Ça a énormément baissé. En 2005, il devait y avoir 28 000 agréments en cours de validité, en 2017 il n'y en avait plus que 13 000. En 2005, il y avait, rien qu'à l'international, 6 000 enfants qui sont arrivés, et ce chiffre est passé à 615 en 2018. C'est dû notamment à

un certain nombre de pays d'origine des enfants où le niveau de vie s'est élevé, des modifications des mentalités avec un développement de l'adoption nationale, suite à la ratification de la Convention de La Haye (en 1993, ndlr). Il y a aujourd'hui un développement de l'adoption nationale avec l'application du principe de subsidiarité, c'est-à-dire que d'abord on essaie de maintenir l'enfant dans sa famille, ensuite dans sa famille élargie, ensuite on privilégie l'adoption nationale, puis l'adoption internationale, qui est le dernier recours. Et puis, il y a un côté un peu pervers qui s'est développé avec ce système : il y a un certain nombre de pays qui n'ont pas pu véritablement mettre en place l'adoption nationale pour répondre aux besoins des enfants, mais qui du coup, parce qu'ils ont ratifié la convention de La Haye, ne laissent plus sortir les enfants en bonne santé de leur territoire. Donc ces enfants ne sont plus adoptables au niveau national et ils ne sont plus proposés à l'adoption internationale, et quand ils les proposent, c'est trop tard, ils ont déjà passé cinq ou six ans dans des institutions. D'autres pays, en revanche ne proposent plus d'adoption internationale. MH : L'adoption est-elle un acte militant ? NP : L'adoption ce n'est pas de l'humanitaire, l'adoption, ce n'est pas être écolo, l'adoption ce n'est pas du militantisme. L'adoption, c'est "faire filiation" : c'est considérer un enfant qu'on n'a pas fait comme le sien. Bien évidemment, il y a un peu ce côté-là, oui. Mais ça ne doit certainement pas être la première motivation pour adopter, parce que dans ce cas, qu'est-ce qu'on fait porter au gosse, qu'estce qu'on lui fait porter en dette ? Ce sont par exemple ces parents adoptifs qui vont dire à leur enfant : "Tu vois, j'aurais pu [avoir un enfant naturel ndlr] mais j'ai fait le choix de t'adopter, et aujourd'hui je le regrette parce que tu as vu comment tu te comportes ?" Il ne doit jamais y avoir de dette dans l'adoption. L'enfant, il n'a rien demandé à personne, et il n'a surtout pas demandé à être abandonné. Il a déjà subi pas mal, et nous, on est là, avec notre désir d'enfant, mais on ne choisit pas l'enfant. Et surtout, on ne lui fait pas porter ce qu'il va devenir, on l'accompagne et on en fait le sien. On ne vient pas lui dire, "Je suis allé(e) te sauver à l'autre bout du monde, je t'ai sauvé(e) de la misère, ou de la maltraitance, tu devrais être reconnaissant" C'est comme quand les gens vous disent : "C'est bien ce que tu fais". Non, on n'est pas là pour faire du bien. L'adoption n'est pas une bonne action. C'est un projet personnel propre à chacun et il ne faut pas le faire porter à l'enfant.n *En droit musulman, la Kafala est une procédure d'adoption qui interdit l'adoption plénière (qui substitue le lien de filiation adoptif au lien biologique) et qui s'apparente plus à une forme de tutelle. ** L'agrément est l'autorisation légale pour adopter. Valable cinq ans sur tout le territoire national, elle ne constitue pas pour autant un "droit à l'enfant" automatique.

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Laureline Pinjon

Myriam Cassim, Miss Prestige 2018.

CONCOURS DE BEAUTÉ

DERRIÈRE LA COURONNE, UN MODE D'AFFIRMATION ÉCHARPE AUTOUR DU COU ET SOURIRES AUX LÈVRES, CE N’EST PAS LES MISS QUI MANQUENT À MAYOTTE ! SUR L’ÎLE, IL EXISTE UNE PETITE DIZAINE DE CONCOURS DE BEAUTÉ QUI GRAVITENT AUTOUR DES DEUX INCONTOURNABLES CONCOURS NATIONAUX, MISS FRANCE ET MISS PRESTIGE. SI CHACUN A SES SPÉCIFICITÉS, TOUS SONT DES MODES D'AFFIRMATION POUR LES MAHORAIS, LEUR ÎLE OU LEUR CULTURE. 40•

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n janvier dernier, Jane Jaquin lance son émission web "Jane & Vous". À l’écran, elle est entourée de huit personnes avec une écharpe en bandoulière : Miss Mayotte, Miss Salouva, Miss Handicap, Miss Nord, Miss Sportive, Ambassadeur Mayotte et Mister National. "La famille des Miss et des Mister de Mayotte", comme elle l’appelle, presque au complet. Si la superficialité des concours de beauté est souvent pointée du doigt, à Mayotte ils représentent des enjeux bien plus complexes. En effet, en quelques mois, les concours s'enchaînent et tous sont suivis de très près. Chaque année, des centaines, voire des milliers de Mahorais votent pour élire les plus belles filles de l’île. Alors, que représentent-ils vraiment ?

LES AMBASSADRICES DE L'ÎLE Tissianti Madi a 20 ans. Entre ses mains, elle tient précieusement une couronne ornée de pierres pailletées. Quand elle marche dans les rues de Mamoudzou, des petites filles aux yeux pétillants chuchotent en la regardant. Elle est étudiante en licence professionnelle de Développement de projets de territoires au CUFR de Mayotte, mais également Miss Salouva 2018. Ce titre, elle l'a obtenu grâce au concours de beauté éponyme et 100% mahorais créé en 2009. Avec un sourire timide, elle se confie : grâce à ce concours, elle n'a pas seulement gagné un titre, mais surtout de la confiance en elle. Porter une écharpe de Miss, c'est apprendre à s'aimer, mais aussi s'affirmer. Camille Couvert, sociologue spécialisée dans les pratiques esthétiques et les concours de beauté, remarque une influence des courants féministes au sein des concours de beauté. Elle dénote "une volonté très claire d'être autonome". L'une des pionnières de l'île en concours de beauté, Mariame Hassani, Miss Mayotte 2000, est aujourd'hui directrice d'école. Et pour elle, c'est une évidence : son expérience de Miss "a contribué à la femme qu'[elle est] à présent". Après son élection et de retour à Mayotte, Mariame a justement décidé de profiter de son statut pour agir. "Je voyais beaucoup de jeunes qui erraient dans les rues. Je me suis demandée : qu'est-ce que je peux faire en tant que Miss pour ces jeunes ?" Elle créé alors Mister Ambassadeur, le concours "pour le plus bel homme de Mayotte". "Ce n'est certainement pas la solution miracle, mais ça peut être une solution, explique-t-elle modestement. Ce genre d'expérience leur permet par la suite une meilleure insertion socioprofessionnelle. Ça leur offre également une crédibilité qui les suit à vie." Elle se remémore son élection d'il y a bientôt dix ans. Parmi les rencontres et les beaux souvenirs, l'ancienne Miss se rappelle avoir pris conscience de quelque chose d'encore plus grand. Sous le feu des projecteurs, elle s'aperçoit en effet qu'elle n'est pas seulement Miss, mais aussi l'ambassadrice de son île et de ses habitants. "Je mettais en avant la jeunesse mahoraise. J'étais le porte-parole de la femme mahoraise", affirme-t-elle encore fièrement aujourd'hui.

Si les élections de Miss donnent bien naissance à un porteparole, elles peuvent également dresser le portrait d'un modèle de référence. Aux yeux de Myriam Cassim, la Miss Prestige 2018 qui a réussi à hisser pour la première fois Mayotte à la seconde marche d'un concours de beauté national, il existe un "problème identitaire à Mayotte" : "Les Mahorais sont à la jonction de plusieurs identités, notamment française et africaine. Ce trouble se ressent davantage en tant que femme, avec l'absence de réel récit identitaire féminin." La Miss se rappelle ainsi de l'un de ses cours d'histoire sur la Résistance où "seulement des femmes blanches étaient citées". Elle avait alors levé la main pour demander pourquoi Joséphine Baker (artiste française d’origine afro-américaine, résistante pendant la Seconde Guerre mondiale et activiste contre le racisme aux États-Unis, ndrl) n'était pas évoquée. "On oublie trop souvent les femmes noires, s'exclame-t-elle. Particulièrement à Mayotte. On manque de modèle quand on se construit. On n’a pas de tribune qui porte les femmes qui font pourtant tant pour l'île." En tant que Miss, elle souhaite donc essayer d'incarner ce modèle manquant. Sur les réseaux sociaux, près de 4 000 personnes sur Facebook et 7 000 sur Instagram suivent ses publications. Une vitrine, mais surtout un moyen simple de communiquer. "Beaucoup de jeunes filles qui me suivent en ligne me posent des questions. Je parle avec elles. Je veux être leur soutien moral, je veux leur donner de l'ambition et leur transmettre de l'énergie, raconte Myriam. Je veux qu'elles se disent : cette fille est comme moi et je veux, je peux faire comme elle", poursuit-elle avec conviction. Frank Servel, le délégué régional et représentant Miss France à Mayotte abonde dans ce sens : "La Miss élue est une beauté, mais aussi une ambassadrice." Les concours de beauté sont parallèlement un mode d'expression. "Le but est de faire parler de Mayotte. Quand une fille avec une écharpe "Miss Mayotte" autour du cou défile devant des milliers de spectateurs, ça marque forcément !", explique-t-il en parlant de ses Miss, qui sont "l'image de Mayotte en métropole." En 2019, l'élection de Miss France a été suivie par plus de 7,4 millions de téléspectateurs sur TF1. Durant son élection, Mariame Hassani se rappelle avoir été étonnée par la méconnaissance de Mayotte en métropole, et de l'impact que pouvaient avoir ces élections. "J'ai compris que ce n'était pas seulement un concours de beauté, mais une véritable vitrine pour l'île." Les quelques minutes de défilés, chorégraphies et interviews télévisés peuvent alors représenter beaucoup "pour une petite île comme la nôtre" s'accorde à dire la première Miss de Mayotte.

"MONTRER LA FRANCE QU'ON NE CONNAIT PAS" Les concours de beauté sont l'occasion de porter une visibilité sur l’île au lagon, mais aussi de témoigner de la pluralité de la France. Myriam, Miss Prestige 2018, voulait justement représenter la facette mahoraise de la culture française, "la France qu'on ne connait pas, celle sous les palmiers avec ses 32° à l'ombre". "La diversité ethnique reste minime dans les concours régionaux de métropole, mais

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Une petite dizaine de concours de beauté cohabitent à Mayotte, preuve de l'importance sociale qu'ils ont pour l'île.

il arrive que les concours de beauté deviennent des espaces où on a une représentation de la diversité, notamment avec les outre-mer", atteste le sociologue Camille Couvert. Frank Servel se réjouit justement qu'il y est "chaque année de plus en plus de filles des outre-mer dans les Tops 5" des concours nationaux. Effectivement, sur les cinq dernières années, deux Miss d'outre-mer ont été élues Miss France : Alicia Aylies, Miss Guyane en 2017, et Vaimalama Chaves, Miss Tahiti, l'année dernière. En 2019, les candidates d'outre-mer ont d'ailleurs décroché trois places dans le Top 5 final. Les Ultramarines sont souvent présentées comme une famille, un ensemble de huit jeunes femmes qui regroupe Miss Guadeloupe, Miss Martinique, Miss Tahiti, Miss Nouvelle-Calédonie, Miss Guyane, Miss Réunion, Miss Saint Martin-Saint Barthélémy et Miss Mayotte. Ces jeunes filles renvoient à l'imaginaire commun des "femmes des îles", exotiques et érotiques. Une image qui trouve ses origines dans la littérature coloniale, écrite à travers les yeux des Européens, explique Laura Schuft, sociologue et auteure de Les Concours de beauté à Tahiti. La fabrication médiatisée d'appartenances territoriale, ethnique et de genre. "Dans de nombreux territoires des anciennes colonies, on attribue le lieu à la femme, elle devient sa métaphore." Lors des concours de beauté, on assiste alors souvent à une mise en scène (simplifiée) des lieux à travers le corps des femmes. Une forme de beauté culturelle qui devient un véritable élément marketing selon la sociologue : "On valorise le territoire à travers les corps de ces femmes. Elles deviennent presque un élément touristique pour vendre l'attractivité territoriale." On attend alors des Miss mahoraises qu'elles soient

le miroir de leur île. Ludy Langlade, la Miss Mayotte 2014, s'est d'ailleurs retrouvée au cœur d'une polémique, quelques heures seulement après son élection. En cause : elle n'était "pas assez Mahoraise" aux yeux de certains. La jeune fille métissée qui était installée à Mayotte depuis quelques mois, a dû subir les acharnements des internautes qui criaient à la tromperie.

UNE AUTRE BEAUTÉ EST POSSIBLE Le comité de Miss Salouva n'attend pas de ses Miss qu'elles représentent l'île grâce à leur physique, mais grâce à leur capacité à porter les valeurs de la femme mahoraise. En 2011, deux métropolitaines de passage à Mayotte ont même concouru. "Elles ont réussi à apprendre et à vendre les valeurs de Mayotte. Elles ont été très soutenues." se rappelle Charfati Hanafi, présidente du concours. Enveloppée dans un salouva aux couleurs chaudes, cette amoureuse de la tenue traditionnelle mahoraise a décidé de donner naissance au concours suite au triste constat que le salouva ne se portait plus, ou peu. "De nos jours, on le porte le vendredi, lors de grands évènements et festivités, ou quand on n’a plus rien dans nos armoires, relate-t-elle. On doit le faire perdurer et évoluer avec son temps." Pour Charfati comme pour beaucoup d'autres, le salouva a une symbolique forte, car "c'est la tenue portée par les aînées, les mères et grands-mères". Une tradition qui mérite d'être mise sur le devant de la scène, selon elle. Camille Couvert, sociologue spécialisée dans les concours de beauté, explique que selon le type de concours, les attentes ne sont pas les mêmes. "Parfois, on neutralise les attentes esthétiques pour mettre en avant la tradition ou des exigences culturelles, plus ou moins importantes selon l'ancrage territorial."

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Dans ce concours, "pas de tenue de sport, de ville ou de maillots de bain, des tenues qu'on voit peu dans l'espace public de Mayotte, mais seulement des salouvas" atteste Charfati . Et les familles des candidates adhèrent davantage au concept : "Les candidates à Miss Salouva deviennent la fierté des familles en portant la tradition. Elles ne sont pas dénudées. C'est parfois les familles elles-mêmes qui nous appellent pour inscrire leurs filles."

des formes de discriminations et de montrer qu'une autre beauté est possible." À travers leurs élections, les Miss conjuguent ambitions personnelles et rayonnement territorial. Ces concours de beauté, au-delà de leur superficialité, peuvent donc devenir de véritables modes d'affirmation aussi bien pour ces jeunes filles que pour leur île et leur culture. Par leur biais, c'est également le reflet de la société mahoraise qui se dessine. Son ambivalence entre tradition et religion, et modernité et occidentalisme. n

Moncef Mouhoudhoire et son association Narike M'sada, en est à l'origine. Il voulait justement se différencier et permettre à toutes de se sentir légitimement belles. "Il y a beaucoup de femmes bwadra à Mayotte, et comme partout ailleurs on leur fait encore trop peu de place dans la société" pointe du doigt l'organisateur. À l'ouverture des candidatures, en seulement un mois, le concours a reçu une dizaine de postulantes. Une dizaine de femmes engagées qui voulaient montrer qu'elles étaient "bwadra et fières de l'être". "On a mis le doigt sur une frustration et une stigmatisation que vivent beaucoup de Mahoraises", constate Moncef avant de préciser que "le but est de lutter contre

Photo : Marc Allaria

En 2000, Mariame Hassani se rappelle que des représentants religieux essayaient de dissuader sa mère de la laisser participer au concours national de Miss France. De son côté, Frank Servel, représentant Miss France à Mayotte, observe toujours des jeunes filles qui ne concourent pas à cause d'un désaccord familial. En ligne de mire : le défilé en maillot de bain qui est souvent pointé du doigt comme étant inapproprié à la culture traditionnelle et religieuse mahoraise. Les concours tentent pourtant de s'adapter. À plusieurs reprises, par exemple, les prétendantes à Miss Mayotte défilaient en maillot de bain une pièce, ou revêtues d'un paréo. Car le rapport au corps reste quelque chose de tabou à Mayotte, même si les concours de beauté sont également là pour le faire évoluer. La sociologue Camille Couvert parle justement de certains concours qui ont pour but de "modifier le corps socialement légitime dans l'espace public". Elle cite des groupes qui "s'emparent de cette pratique [les concours de beauté] pour s'affirmer et retourner les stigmates dont ils sont victimes." C'est le cas de Miss Handicap, qui a organisé sa première élection l'année dernière, ou encore de Miss Bwadra, le concours pour les "femmes rondes", qui sont les deux concours préférés de Nadine Hafidou, fondatrice de l'association des Femmes-cadres et entrepreneurs de Mayotte et élue à la CCI (Chambre du Commerce et de l'Industrie). Pour elle : "Les concours de beauté correspondent à la femme mahoraise, coquette de nature. Et en même temps, ils lui permettent de se mettre en valeur, elle qui est plutôt introvertie. C'est valorisant, et davantage dans des concours comme Miss Bwadra ou Miss Handicap où on ôte les complexes de certaines femmes."

Miss Mayotte 2012, Stenisla Saïd.

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LE CAHIER EMPLOI & FORMATION

LE MÉTIER DE LA SEMAINE GRUTIER LE GRUTIER APPROVISIONNE ET ALIMENTE EN MATÉRIELS ET MATÉRIAUX AU MOYEN D'UNE GRUE LES DIFFÉRENTS CORPS DE MÉTIERS INTERVENANT SUR UN SITE (CHANTIER, PORTUAIRE, NAVAL) SELON LES RÈGLES DE SÉCURITÉ. ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL - Site portuaire - Société de services

COMPÉTENCES

- Utiliser un engin nécessitant une habilitation - Participer au réglage d'une grue de chantier - Participer au montage d'une grue de chantier - Lever des charges sans visibilité - Distribuer des charges sans visibilité - Sortir et mettre à l'eau des bateaux de faible tonnage (<10T) - Décharger des marchandises, des produits - Charger des marchandises, des produits

ACCÈS AU MÉTIER

FORMATION

Cet emploi/métier est accessible avec un CAP/BEP en conduite de grues. Il est également accessible avec une expérience professionnelle dans ce secteur, sans diplôme particulier. Un Certificat d'Aptitude à la Conduite En Sécurité -CACES- conditionné par une aptitude médicale à renouveler périodiquement est requis.

TÉMOIGNAGE

ANRIFIAT AHAMADA, 19 ANS ATTEINT D'UNE SURDITÉ PROFONDE, LA JEUNE ANRIFIAT AHAMADA A PU BÉNÉFICIER D'UN ACCOMPAGNEMENT PROFESSIONNEL DE LA PART DE L'ASSOCIATION MESSO, DANS LE CADRE DE SA CELLULE INSERTION À L'EMPLOI DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP.

"Je m’appel Anrifiat et j’ai un niveau CAP petite enfance et Bafa 1. J’ai choisi de venir dans ce centre pour apprendre le français et avoir une aide spécialisée pour mon cas. Je souhaiterais devenir formatrice en langage des signes. Pour cela, j’ai déjà effectué quelque stage à l’Association pour les déficients sensoriels de Mayotte (ADSM), où j’ai pu former certains au langage des signes. L’association Messo m’a beaucoup accompagné tout au long de ma démarche de recherche d’emploi. Ils m’ont aidé et m’ont soutenu pour mon projet professionnel. Je souhaite désormais effectuer des stages qui pourraient déboucher sur un emploi. Cela me permettra aussi d’approfondir mes connaissances et, par la suite, partir en métropole si possible afin de continuer dans une autre formation spécialisée en langue des signes."

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L’association MESSO aide à la lutte contre l’exclusion et accompagne socialement la population fragilisée : jeunes en décrochage scolaire, jeunes sous-main de justice, jeunes en situation de handicap. MESSO met en place des titres professionnels, des formations qualifiantes, ainsi qu’une action spécifique de formation à destination des personnes en situation de handicap (IEPH). 4 PÔLES D’ACTION : 1 - action sociale 2 - contribution au développement économique 3 - formation et insertion professionnelle 4 - contribution au développement durable Association Messo 85 route nationale de M’Tsapéré 97600 Mamoudzou - 0269 62 18 23 secretariat.direction@messo.fr


LE CAHIER EMPLOI & FORMATION

LES OFFRES D'EMPLOI TECHNICIEN BTP (H/F)

976 - MAMOUDZOU Recherche: TECHNICIEN BTP (H/F) Vous intégrez une société de prestation de services spécialisée dans la maintenance et la réparation mais aussi dans la vente et la location de matériel industriels

RANDSTAD - 976 - MAMOUDZOU

COMPTABLE H/F

RESPONSABLE APPROVISIONNEMENT &TECHNICIEN PRODUCTIONS MARAI (H/F)

COMPTABLE

AGENT DE SERVICE LOCAUX ET RESTAURATION (H/F)

RESPONSABLE DE PARC AUTOMOBILE

SECRETAIRE, CHARGE RH F/H (H/F)

Rattaché(e) au Directeur Général de la Société, vous êtes garant de l'application des procédures comptables et fiscales et du respect des délais de clôture des comptes.

UNION DES COOPERATIVES AGRICOLES DE MA 976 - COCONI ET COMBANI

Les missions Dans le cadre de son développement, l'Ucoopam 976 recrute son/sa Responsable Approvisionnement et Technicien productions maraichères.

UNION DES COOPERATIVES AGRICOLES DE MA 976 - COCONI Les missions Dans le cadre de son développement, l Ucoopam 976 recrute son/sa Comptable Il ou elle a pour principales missions : Comptabilité avec logiciel SAGE - Saisir et tenir la comptabilité

FEDERATION DES APAJH - 976 - SADA Assurer la restauration des enfants et adolescents en situation de handicap au sein de l'IME et maintenir les locaux en état de propreté dans le respect strict des normes d'hygiène

TROPIK LOCATION - 976 - MAMOUDZOU Planification et suivi de l'entretien préventif et curatif du parc (véhicules) Planification de la mise à disposition des moyens de transport Rédaction de documents d'aide à la décision

FEDERATION DES APAJH - 976 - SADA Sous la responsabilité du directeur, le secrétaire remplit des missions administratives variées, dans différents domaines tels que le secrétariat, la tenue des dossiers usagers, l'organisation

* voir site Pôle emploi


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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayotte.hebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Geoffroy Vauthier Rédactrice en chef adjointe Houdah Madjid

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Couverture :

Le 6 février 1967, le 2ème RPIMA intervient en urgence. Journalistes Ichirac Mahafidhou Lyse Le Runigo Hugo Coeff Romain Guille Solène Peillard Ornella Lamberti Correspondants HZK - (Moroni) Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan, Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mouhamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com


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