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LE MOT DE LA RÉDACTION
PARCE QUE RIRE DONNE DES AILES... Alors que la période de vacances se rapproche à grands pas, les habitants de Mayotte ont appris en début de semaine que leurs départs vers la métropole pourraient bien être perturbés. La cause ? Classique, désormais : une panne, ou plus précisément des pièces défectueuses, sur les moteurs du Boeing 787 d'Air Austral. Deux mois d'immobilisation nécessaire au minimum pour retrouver cet avion, annoncé comme le fleuron du concepteur américain. En attendant, toujours la même galère : des transits par La Réunion et des vols décalés ou reportés. Si la compagnie assure faire au mieux, avec notamment la location immédiate d'un avion appartenant à une compagnie espagnole, les usagers, eux, s'agacent de plus en plus de la situation. "À quand la piste longue ?", risque-t-on d'entendre scander de plus en plus au sein de la population. Une piste longue dans les cartons depuis 15 ans, dont on nous assure qu'elle est toujours à l'étude, mais que personne n'a encore jamais vu. Cela sera-t-il le cas un jour ? En tout cas, dans notre entretien de la semaine, le président-directeur général d'Air Austral, Marie-Joseph Malé, conscient des critiques régulièrement adressées à sa compagnie, dit l'appeler de tous ses vœux pour enfin faciliter la desserte qualifiée de "complexe" entre Dzaoudzi et Paris. En attendant, et puisque rire donne des ailes,
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paraît-il, nous vous proposons dans notre dossier de la semaine de découvrir – ou redécouvrir – les stéréotypes de Mayotte. Un exercice de style déjà paru dans nos colonnes il y a un an et demi, sur deux numéros, et qui avait connu un fort succès. Nous avons donc décidé de les regrouper et de les publier dans la nouvelle version de votre Mayotte Hebdo, désormais gratuit, afin que tout le monde puisse en profiter, en rire ou en sourire. Après sa lecture, vous regarderez d'un autre œil l'infirmière fêtarde, la bouéni du marché, le cadre mahorais, le syndicaliste, le fonctionnaire métro', le ministre en visite, le capoaï mzungu ou encore le rasta blanc. Rires et sourires aussi dans nos pages magazines. Ceux de ces personnes s'initiant aux joies de l'informatique et d'internet. Nous sommes allés à leur rencontre au Centre communal d'action sociale de Dembéni, afin de mieux comprendre les difficultés auxquelles ces "illectronistes" sont confrontés dans un monde de plus en plus interconnecté. Enfin, nous vous présentons Namoure Zidini, le directeur de Maestria Recrutement & Relocation, qui œuvre pour un autre des enjeux majeurs du 101ème département : l'emploi, la formation, l'orientation et les relations humaines. Bonne lecture à vous tous.
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COUP D’ŒIL DANS CE QUE J'EN PENSE
Laurent Canavate
Mayotte Hebdo n°620, vendredi 28 juin 2013
Viser l'excellence pour Mayotte La Réunion est passée maître dans l'art d'utiliser les fonds européens, entend-on souvent. Et en termes de taux de consommation, nos voisins réunionnais sont effectivement très forts. En termes de montants absolus aussi. Ils ont pu aménager leur île, construire les infrastructures favorisant le développement économique et social. Ils ont pu réaliser des chantiers titanesques, des routes suspendues improbables, des ponts, des tunnels, des routes sur l'eau, des percements de montagnes, des basculements d'eaux... Ils avaient même commandé des Airbus A380 ! Ils ont su très certainement former leurs élites avec un bon système éducatif, sans rotations, mais aussi s'appuyer sur des compétences extérieures, trouver des experts, des lobbyistes, se serrer les coudes quand il le fallait. Conseiller régional, maire, député, sénateur, Jean-Paul Virapoullé, qui continue à servir La Réunion, face à son "adversaire" Paul Vergès, l'avait très bien résumé aux élus de Mayotte rassemblés dans l'hémicycle Younoussa Bamana pour la célébration de la départementalisation : à la gare du Nord à Paris, chaque élu réunionnais partait avec son camp. "On ne se connaissait pas", disait-il. Mais arrivés à la gare de Bruxelles, tous ne forment qu'un groupe, un bloc solidaire, avec un seul objectif : défendre les intérêts de leur territoire. C'est cette solidarité, cette force dans l'union qui a été perdue à Paris, lors de la signature d'un Accord sur l'avenir de Mayotte, lorsque le MPM s'est coupé en morceaux... Cette étape marquait la fin d'un long combat homérique pour maintenir Mayotte dans la France, et en faire le 101ème département. La fin du combat s'approchait et l'union se délitait. Avec le départ de Younoussa Bamana, de Marcel et Martial Henry, de Zoubert Adinani, d'Adrien Giraud et de quelques autres comme Jean-François Hory, le combat politique s'arrêtait, marquant la fin d'une époque, d'un leitmotiv. Depuis, beaucoup ont voulu (ou cru) être chef, président. Le pouvoir est monté à la tête de certains, des orientations malheureuses ont peut-être été prises, des embauches de complaisance massives ont étouffé les administrations locales, les équipes n'ont pas été mobilisées, managées, motivées, et la situation ne s'est pas toujours améliorée. À la différence de La Réunion, où de nombreuses communautés coexistent, se respectent et combattent ensemble, côte à côte quand il le faut, Mayotte n'a pas encore su constituer un "pot commun", un socle d'intérêts convergents. Ici, parfois, on a l'impression que chacun tire de son côté, voire sur les autres...
À La Réunion il y a les descendants de colons, les Créoles des hauts, les Malbars, les Chinois, les Indiens, les Zoreils... Des catholiques, des musulmans, des hindouistes, des bouddhistes... Ils ont su mettre de côté leurs différences, qui forment aujourd'hui la richesse de leur île, pour défendre leur territoire, le valoriser, le développer. Ils ont su chacun apporter dans le "pot commun" leurs relations, leurs réseaux, leurs forces, leurs atouts, leurs idées, leurs qualités, leurs compétences. Ils ont su, quand il le fallait, se rassembler pour l'intérêt supérieur de leur département, bien conscients de leur intérêt dans ce développement, de l'intérêt pour leurs enfants. À Mayotte, le secteur privé, marginal il y a quelques années, a été "abandonné" aux Mzungus, aux Indiens. Les Mahorais ont "trusté" la politique et donc les administrations. Il fallait trouver de l'emploi pour les enfants, pour les cousins, les neveux... Ils étaient embauchés dans les administrations, associations qu'ils finançaient et autres services parapublics. Aujourd'hui, on le sait trop, ces services publics sont saturés, et mettent en difficulté toute l'île. L'avenir passera par une forte amélioration de la qualité du service public rendu aux citoyens et par le secteur privé. Des Mahorais, de plus en plus nombreux se sont évidemment lancés dans de nombreux secteurs de l'économie, avec des atouts, du foncier, une connaissance des besoins, des contacts qui leur assurent en plus parfois des avantages importants. Et tant mieux, car l'avenir de l'île, son développement économique et social, ne pourra être assuré que par ce secteur privé. Mais l'île ne pourra pas avancer sans un "pot commun" dans lequel chacun apportera ses compétences, ses qualités, ses réseaux. C'est l'île qui en bénéficiera et tous ceux qui y vivent. Il faut être forts et unis ici, mais aussi à Paris, à Bruxelles. Mayotte en a besoin. L'attractivité du territoire, les conditions de vie, le niveau de la santé et de l'éducation pour nos enfants, les créations d'emplois... Tous ces éléments concernent tous les habitants. À aller encore chacun de son côté, sans une union forte quand c'est nécessaire de l'ensemble des communautés, avec l'État, dans l'intérêt bien compris de chacun, nous continuerons à souffrir, à trainer, à manquer de profs et de médecins, de cadres et de créations d'emplois. De la constitution de cette force dépendra l'avenir de Mayotte et la possibilité, alors, de viser l'excellence.
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À la recherche des cités swahilies
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SANS Z RENDE S U O V
Entretien avec Stéphane Pradines, archéologue qui a fouillé deux importantes cités swahilies au Kenya et en Tanzanie entre 1999 et 2006. Un pas de plus dans la connaissance des peuplements de l'archipel. Il l'explique : "Les Comores apparaissent dans le mythe de fondation des villes shiraziennes. Un sultan et ses six fils quittent Shiraz (Perse, ancien Iran), chacun des fils fonde une ville : Mogadiscio, Gédi au Kenya, Mombasa, Kilwa en Tanzanie, Zanzibar et une ville aux Comores, certainement à Ngazidja. On retrouve également les Comores dans les voyages de Simbad le marin au 9e siècle. L'histoire de l'archipel des Comores est totalement liée à la côte swahilie. Les tombes shiraziennes de Tsingoni sont les mêmes que celles que l'on trouve à Lamu (Kenya). La mosquée de Tsingoni est faite sur le même modèle que les mosquées swahilies : le pilier face au mihrâb se retrouve dans les constructions du Yémen et d'Oman. On décèle des influences variées dans l'architecture de la mosquée de Tsingoni."
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Mayotte Hebdo n°431, vendredi 5 juin 2009.
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"Port du voile chez les jeunes mahoraises : choix religieux ou phénomène de mode ?" La question que nous posions en juin 2014 est légitime. Nous écrivions : "À l’heure où l’île se modernise et devient pleinement un département français, les traditions se perdent, au profit de la culture occidentale. Les jeunes veulent s’intégrer, suivre la mode. Ces dernières années, on remarque néanmoins une tendance chez les jeunes filles à se voiler de plus en plus." Réponse de notre enquête : "de plus en plus de jeunes filles se mettent à porter voile, par obligation religieuse. Mais beaucoup d’entre elles tentent de concilier mode et religion. Le voile serait devenu une tenue tendance. Quoi qu’il en soit, selon nos jeunes, porter le voile ne devrait pas être une tenue de mode, un accessoire de plus dans notre garde-robe, "mais une tenue discrète, pudique, à l’image de la femme musulmane", témoigne l'une d'entre elles.
IL Y A 5 ANS
Tendance : tout voile dehors
Mayotte n°662, vendredi 6 juin 2014.
GRAND CHOIX DE LEURRES
LA PHOTO D'ARCHIVE Des paillotes incendiées à Hamouro
Octobre 2003 : 28 paillotes abritant des étrangers en situation irrégulière sont incendiées à Hamouro. Des employés de la municipalité sont mis en cause. Le maire de l'époque s'en expliquait : "Nous n'avons pas brûlé toutes les maisons des Anjouanais mais seulement celles qui nous reviennent de droit. Les gens s'étaient engagés à détruire les cases avant de s'installer dans les maisons Sim. Ces cases nous appartenaient et nous ne voulions pas qu'elles abritent des personnes en situation irrégulière. Ce jour-là, elles étaient libres, nous avons profité de l'occasion : quand j'ai appris que les gendarmes étaient venus, j'ai dit "on y va". Nous ne voulions plus que les clandestins soient nos hôtes de fait. Nous les avions prévenus et nous avions déjà demandé leur expulsion au préfet par délibération."
PALMES AQUAGYM
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TCHAKS
LA PHRASE
LE CHIFFRE 11 C'est le nombre de demandes d'asile formulées par les 18 migrants srilankais arrivés à la fin du mois de mai à Mayotte, qui ont été rejetées par la préfecture. "J'ai demandé à nos services, et j'ai demandé à l'Ofpra aussi de faire en sorte que l'instruction soit la plus rapide possible", avait promis le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner. Les onze migrants concernés feront donc l'objet d'une procédure de réacheminement. Le passeur, lui, a été placé en garde à vue. Les six autres demandeurs d'asile ont été libérés en vue d'une étude ultérieure de leurs dossiers.
"Aujourd’hui à Mayotte, il n’y a que quatre MJPM" Lors d'une réunion d'information sur les personnes majeures vulnérables à Mayotte, Nafissata Mouhoudhoire, directrice adjointe de la Direction de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale (DJSCS) regrette le manque de mandataires judiciaires affectés à la protection des majeurs sur le territoire. "Il en faudrait au moins cinq fois plus d’ici les deux prochaines années", a-t-elle aussi estimé en poursuivant : "On peut faire venir des personnes qui viennent de métropole ou de La Réunion… mais elles risquent de se heurter à la barrière de la langue. Nous souhaitons que davantage de personnes soient formées localement et passent le certificat nécessaire pour devenir MJPM."
L'ACTION Une enquête sur la vaccination des enfants "Enjeu majeur de santé publique", la vaccination des enfants et des adolescents fait l'objet d'une large enquête baptisée "Carne Za Wana 2019", par l'Agence régionale de santé océan Indien (ARS OI) à Mayotte. Depuis le 5 juin et jusqu'à la mi-juillet, des binômes d'enquêteurs composés d'un infirmier et d'un traducteur se rendent dans des domiciles sélectionnés au préalable pour proposer aux parents et tuteurs de participer à l'étude. Les entretiens durent une quinzaine de minutes et permettront, à terme, de comparer le taux de couverture vaccinale actuel pour les vaccins obligatoires avec celui de la dernière étude de ce type, réalisée en 2010. Il s'agira également de déterminer si des caractéristiques sociodémographiques sont associées à un défaut de vaccination et d'évaluer l'impact de la campagne de rattrapage vaccinale menée en juin dernier.
LA PHOTO DE LA SEMAINE Une couleuvre de Mayotte aperçue à Kawéni
"C'est n'est qu'un serpent", diront certains. Oui, mais un serpent en voie d'extinction. Publiée lundi sur le réseau social Facebook, une vidéo montre une couleuvre de Mayotte se tortiller sur le bitume. Avec seulement 38 observations de ces reptiles dans l'île – dont cinq individus morts – selon les dernières études, l'espèce a récemment été classée en "danger critique d'extinction" par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Hors de question, donc, de tuer ces reptiles qui ne représentent par ailleurs absolument aucun danger pour l'homme, puisque l'espèce ne peut mordre et n'est pas venimeuse.
SAUVETAGE
BE R E V O R P LE
Des pêcheurs mahorais secourus en mer
Samedi 1er juin, à 19h30, le centre opérationnel de l’action de l’État en mer de Mayotte (PC AEM) est alerté de la présence en mer, à 50 milles au large des côtes de Mayotte de trois marins pêcheurs en avarie technique. Le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage de la Réunion (CROSS Réunion), en liaison avec les autorités malgaches, prend alors le relai de la conduite des opérations et entre en contact avec un vraquier, le Ionic Storm, et un thonier senneur espagnol, le Galerna II, qui s'en vont les secourir. Les trois hommes sont récupérés sains et saufs.
Amulola mama baba laukana kusimtsaha. Celui qui épouse la mère est le père, même si tu n'en veux pas.
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LE FLOP LE TOP Bientôt un nom pour le volcan sous-marin Sympathique initiative pour faire participer les élèves mahorais au phénomène volcanologique qui se déroule au large de nos côtes. Suite à la découverte du volcan sous-marin à l'est de l'île, le préfet Dominique Sorain et le vice-rectorat ont acté le lancement d'un concours auprès des écoles primaires et des collèges pour nommer l'édifice avant la fin de l'année scolaire. "Ce sont ainsi plusieurs milliers d’enfants qui vont pouvoir faire jouer leur imagination afin de proposer un nom au volcan de Mayotte et par la même occasion mieux comprendre ce phénomène naturel grâce à leurs professeurs. Des propositions seront faites à un comité de sélection qui se réunira à l’issue", indiquent les autorités dans un communiqué.
Quatre mois de retard pour les K-bis Agacement du côté des porteurs de projets : aucune nouvelle entreprise ne pourra être reconnue juridiquement avant le mois de septembre. En cause : l'impossibilité d'obtenir le K-bis, seul document officiel attestant, justement, l'existence juridique de celle-ci. Le greffe du tribunal de commerce de Mayotte n'en éditant plus, la mission a été confiée, comme à La Réunion, à une société privée. Mais cette dernière doit faire face en priorité au retard déjà enregistré : quatre mois. Les conséquences pour les chefs d'entreprises sont lourdes, le document étant nécessaire pour de nombreuses démarches. "Des centaines de chefs d'entreprises complètement coincés", estime ainsi Alex Eynard, directeur de l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie).
ILS FONT L'ACTU Phyllisia Ross L'artiste américaine d ' o r i g i n e h a ï t i e n n e, Phyllisia Ross se produira à Majicavo Koropa samedi 15 juin. Un passage sur l'île aux parfums très attendu par son public. La chanteuse et pianiste de renommée internationale compte à son actif de nombreux duos avec des pointures du monde musicale de l'autre côté de l'océan. Phyllisia Ross est également connue pour son éclectisme artistique, notamment pour ses morceaux interprétés en anglais et en créole haïtien.
PAF De nouvelles jumelles
La Police aux frontières a récemment publié une annonce de marché de fournitures pour l'achat de jumelles à vision thermique. Captant les ondes de chaleur, ces jumelles permettent d’apercevoir des composants souvent difficiles à distinguer à l’oeil nu ou dans l’obscurité. Elles sont notamment utilisées la nuit pour intercepter les kwassas en provenance des Comores. L'organisme acheteur, le Secrétariat général pour l'administration de la police (SGAP), apporte un soutien administratif et logistique à la Police nationale à Mayotte.
Alain-Kamal Martial Le dramaturge mahorais et sa compagnie de théâtre, la Cie Eastambul, présentent leur dernière pièce les 14 et 15 juin à 20h à la MJC de Tsingoni. Intitulée Espaciologie du drame de Dzaoudzi, cette trilogie de textes propose "un regard sur l'histoire des territoires dans le canal du Mozambique et dans l'océan Indien. À travers cette histoire, l'on se rend compte que Mayotte y a toujours tenu un rôle important, dans les moments d'apaisements comme dans les périodes de conflits." Et l'auteur d'affirmer : "Ce n'est pas à La Réunion que la France a pu s'inscrire dans la région, mais à Mayotte."
CULTURE Le festival de l'image sous-marine fait le plein
Beau succès pour la 25ème édition du Festival de l'image sous-marine avec un nombre de visiteurs en hausse, atteignant presque les 1 000 entrées pendant les cinq jours de l'évènement. Le festival, c'est aussi 17 photos imprimées, deux conférences, et une projection à Bouéni, mais aussi en milieu scolaire puisque diverses diffusions y ont eu lieu, permettant à plus de 500 élèves d'être sensibilisés à l'importance de la vie sous-marine.
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À LA RENCONTRE DE...
Houdah Madjid
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NAMOURE ZIDINI
DIRECTEUR DE MAESTRIA À LA TÊTE DE MAESTRIA, CABINET DE CONSEIL EN RECRUTEMENT, SOLUTIONS RH ET SERVICE DE RELOCATION, DEPUIS TROIS ANS, NAMOURE ZIDINI DIRIGE UNE ÉQUIPE DE TROIS EMPLOYÉS. L'INGÉNIEUR INDUSTRIEL DE FORMATION A SILLONNÉ LE MONDE AVANT DE POSER SES VALISES À MAYOTTE. IL A PLUS D'UN TOUR DANS SON SAC. Il aurait pu poursuivre sa carrière au MoyenOrient dans une firme multinationale mais c'est à Mayotte que Namoure Zidini décide de poser ses valises. Ayant grandi en métropole, c'est à La Réunion qu'il passe son baccalauréat scientifique. Il poursuit avec un double cursus en École supérieure des technologies industrielles avancées dans le sud-ouest de la France, à Bidart (64), et en parallèle dans une école d'ingénieur dans le nord de l'Espagne. Namoure Zidini, obtiendra son diplôme en 2007 (Bac+5), lui délivrant ainsi le titre d'ingénieur industriel. "J'avais très envie de travailler à l'étranger, indique-t-il. Mais j'ai eu une bonne opportunité de création d'entreprise à Mayotte". Une première opportunité pour celui qui avait déjà pour objectif de venir développer l'île aux parfums et la région. Déterminé, il endosse les fonctions d'entrepreneur pour deux ans dans le domaine de l'aviation civile aux côtés de sa famille. Un défi de taille, pour l'ingénieur fraîchement diplômé. "C'était ma première expérience entrepreneuriale. Elle m'a clairement formé et appris presque tout ce que je sais maintenant, explique-t-il. Humainement c'était géniale, techniquement j'étais en charge de la fonction RH, financière et technique". En parallèle, le jeune entrepreneur travaille dans les énergies renouvelables. "C'était mon rêve à l'époque de travailler dans les énergies renouvelables", confie celui qui s'est envolé en direction de l'île intense afin de trouver son bonheur dans ce secteur de prédilection en tant que chargé de mission énergie Mayotte. Namoure Zidini s'attèle à définir la stratégie énergétique de l'île. "Je travaillais à La Réunion mais pour Mayotte. C'était passionnant", se remémore ce dernier. Il restera six mois à La Réunion.
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Une équipe de trois personnes Namoure Zidini à la tête de Maestria, dirige une équipe de trois femmes. Conseil en recrutement, solutions RH, et relocations sont leurs maîtres-mots.
CE QU'ILS EN DISENT Dina, épouse de Namoure Zidini
"Il sait s'entourer" "Le sens de la mesure et du pragmatisme nourrissent ce tempérament fougueux. Quand il tient une idée, il la couve d'abord pour lui donner de l'épaisseur avant de déployer toutes les ressources pour lui donner son élan. Son secret ? Il sait s'entourer, conscient que c'est dans l'addition des intelligences qu'il faut miser pour réussir le pari de l'entreprenariat".
Le baroudeur part ensuite en vadrouille pendant deux ans, combler ses pérégrinations. En 2009, il opte pour un tour d'Afrique et c'est en Afrique du Sud qu'il atterrit. Il passera trois mois à découvrir le pays avant de regagner l'Hexagone. "[À mon retour], j'ai beaucoup galéré. C'était juste après la crise des subprimes, il n'y avait plus de boulot". Namoure Zidini, ne reste pas pour autant en jachère et saisit la nouvelle opportunité qui s'offre à lui : partir au Moyen-Orient rejoindre un "grand industriel". Direction l'Arabie Saoudite où il effectuera une première mission en tant qu'ingénieur supply chain dans une "grosse boîte", cotée en bourse. Namoure Zidini a pour mission la construction d'une usine dans le pétrole. "J'étais vraiment dans mon cœur de métier. C'était ce que j'avais étudié à l'école". Ce dernier est ensuite muté à Dubaï, en tant que responsable supply chain dans
un hub commercial. "J'étais le lien entre les équipes commerciales et la production" explique-t-il. Une expérience enrichissante de plus au cours de laquelle "il a appris plein de choses dans un milieu assez confortable, car c'est le milieu du pétrole. Un autre monde." Il passera quatre ans à Dubaï. Quatre années durant lesquelles sa vie change radicalement avec un mariage et un enfant. Loin de sa famille, l'ingénieur et père de famille décide de regagner son île où d'autres projets l'attendent. Accompagner les nouveaux arrivants "J'avais envie de rentrer pour quelque chose d'utile" : tel était le leitmotiv qui animait Namoure Zidini avant de revenir à Mayotte en 2013. "Si c'était uniquement pour la carrière, je serai resté à Dubaï. Travailler dans une grosse entreprise c'est avoir sa carrière
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tracée jusqu'à la retraite mais ce n'était pas ce que je voulais. Je voulais vraiment quelque chose d'utile". Après mûre réflexion, Namoure Zidini se remet dans le bain de l'entrepreneuriat. "C'est venu comme une évidence. Dans mes expériences précédentes j'avais eu beaucoup à recruter et j'appréciais cette mission, j'ai donc décidé de me spécialiser". Il fonde Maestria, cabinet de conseil en recrutement, solutions RH et relocation basé à Koungou, en 2016. Le jeune chef d'entreprise recrute alors une personne expérimentée qui "affine sa vision pratique d'un cabinet de recrutement. C'est comme ça [qu'il] a pu donner une identité et une philosophie à [l'entreprise]". Le cabinet propose trois activités la principale est le recrutement. "Comment attirer à Mayotte des profils rares, recherchés ?" s'est interrogé le chef d'entreprise. "En général, il s'agit de recruter des personnes très qualifiées, très expérimentées. Notre valeur ajoutée est d'aller chercher des profils partout dans le monde que les entreprises ont du mal à trouver." Directeurs financiers, directeurs généraux, experts-comptables, juristes, psychomotriciens, ergothérapeutes et bien d'autres, tous sont dans la ligne de mire de Maestria pour un meilleur développement de l'île. "Nous n'avons aucune limite. Nous nous sommes néanmoins fixés une priorité d'action : rechercher des gens qui ont des liens avec Mayotte, des natifs ou des personnes qui y ont vécu une partie de leur vie ou autres." Un deuxième vivier, "qui est très peu exploité car Mayotte c'est tout petit", est la mobilité professionnelle pour les personnes déjà en poste. "Si on trouve une personne qui est à Singapour et qui a un lien avec Mayotte, il sera immédiatement dans mon vivier et je ferai tout pour qu'il rentre", explique le directeur. La deuxième activité, quant à elle, l'accompagnement des nouveaux arrivants, est dynamique depuis six mois. "Venir à Mayotte n'est pas anodin, surtout depuis la grève qu'il y a eu en 2018. Venir à Mayotte, c'est un choix de mode de vie. On a estimé nécessaire d'accompagner les nouveaux arrivants." Un argument crucial ?
"Votre installation on s'en occupe de A à Z." Une prestation de relocation qui propose aux nouveaux arrivants et à leur famille d'arriver à Mayotte dans les meilleures conditions possibles. Immersion dans la culture mahoraise Le cabinet fait également office d'organisme de formation à travers ses sessions "Immersion à la culture et à la vie à Mayotte" (sic). Depuis deux mois, cette formation est complémentaire à l'activité de relocation. Apprendre à connaître l'île et ses atouts fait également partie des services proposés aux nouveaux arrivants afin que ces derniers soient "le plus opérationnels possible sur le territoire." Très vite, le directeur réalise l'utilité de ce service à Mayotte. "Nous avons étendu ce service aux personnes recrutées, mais aussi à toutes les personnes recrutées par les entreprises de Mayotte." Une prestation qui rencontre un succès à l'unanimité. "C'est vraiment pour ça que j'ai lancé ce cabinet. L'idée est d'attirer à Mayotte des gens qui n'étaient pas, a priori, disposés à venir. On les accueille, une fois arrivés nous faisons en sorte qu'ils arrivent à apprécier l'île à sa juste valeur." En effet, la méconnaissance du territoire mène souvent les nouveaux arrivants à ne pas "comprendre" l'île. Ainsi, des sessions pourvues d'un historien, un sociologue et autres animent les formations pour atteindre plusieurs objectifs pédagogiques dont le premier vise à "apporter les connaissances historiques, sociologiques, législatives, culturelles et interculturelles pour mieux appréhender le travail et la vie à Mayotte."
CE QU'ILS EN DISENT Fairouz Aidel, collègue de Namoure Zidini
"Un amour" "Un amour. C'est vrai, ça en est un. Namoure est quelqu'un de gentil, bienveillant et pédagogue. On apprécie son professionnalisme et son mangement. Le mot qui qualifie le plus Namoure est la gentillesse. Je n'exagère en rien, nous sommes trois à travailler pour lui et trois à penser la même chose. Il porte bien son prénom".
Jusqu'alors se sont tenues deux sessions abordant les problèmes sociétaux et bien d'autres de l'île. Trois autres sont prévues courant juin, le cabinet est déjà sollicité pour le mois de septembre. Le directeur souhaite proposer constamment deux sessions par mois. Une initiative qui s'inscrit dans la lutte contre les préjugés sur l'île et qui favorise le vivre-ensemble.
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LE DOSSIER
Houdah Madjid - Ornella Lamberti - Ichirac Mahafidhou - Geoffroy Vauthier Illustrations Daymond
Vous allez reconnaître et adorer ceux des autres, mais détester et renier le vôtre. Rien de plus normal : c'est le principe des clichés et des stéréotypes. Caractéristiques collées, légitimement ou pas, à un type de personne ou à un groupe - on parle alors de sociotype -, ils sont partout. Où que l'on aille, quoi que l'on fasse, impossible d'y échapper, qu'on le veuille ou non. Chacun à sa manière a un pied – voire les deux – dans une case, et même parfois dans plusieurs. Mayotte n'échappe évidemment pas à la règle. Cette petite île, réputée ouverte et tolérante, use elle aussi – et parfois même abuse - de poncifs envers les uns et les autres. Est-ce un mal ? "Pas nécessairement", répondra le sociologue, à condition toutefois que le sujet ne soit pas enfermé dans l'image dont il est affublé par l'autre, par la communauté. Cette semaine, Mayotte Hebdo a choisi de republier un des dossiers qui a connu un fort succès. Nous nous sommes intéressés à tous ces sociotypes qui font l'île aux parfums et aux idées reçues qu'ils véhiculent. Et elle n'en manque pas : de l'infirmière fêtarde au cadre fantôme des collectivités, du prof chasseur de primes au mzungu raciste, sans oublier la bouéni endormie du marché ou encore le gendarme dragueur : nous avons isolé une douzaine de groupe, et nous sommes amusés à les décrire. Vous êtes forcément dans l'un d'entre eux ou dans plusieurs, au moins un peu. Et si ce n'est pas le cas, c'est que vous manquez d'autodérision. Cela serait bien dommage car comme le dit notre intervenant : "L'autodérision est un pas vers la tolérance." Souriez, vous êtes clichés : un dossier à lire avec humour et second degré. Et n'oubliez pas, on peut rigoler, mais on ne se moque pas !
[Stéréotype : caractérisation symbolique et schématique d'un groupe qui s'appuie sur des attentes et des jugements de routine]
STÉRÉOTYP
SOURIEZ,
[Cliché : Lieu commun, banalité que l'on redit souvent et dans les mêmes termes ; poncif]
[Sociotype : type de personnalité du point de vue sociologique]
LE JOURNALISTE Ah là là, quand il s’agit de gribouiller des cochonneries sur les autres, il y a du monde, mais lorsqu’il s’agit à son tour de s’exposer et de faire son autoportrait, il n’y a plus personne, hein. Syndrome de la page blanche, mesdemoiselles et messieurs les journalistes. Ça donne des leçons sur l’autodérision, mais c’est infoutu d’aligner trois lignes un peu caustiques sur ses travers. Pourtant, tout le monde le sait : ce journaliste qui voulait changer le monde, écrire sur les conflits en Afrique pour le New York Times, a plutôt fini à la rubrique des makis écrasés. Le "reporter", comme il aime se faire appeler, arrive en retard pour les conférences de presse, mais à l’heure à tous les buffets et cocktails mondains. Il en profite pour étoffer son carnet d’adresses dont il se servira pour résoudre des problèmes personnels (faire sauter des PV, ne pas faire la queue dans les administrations, etc.) Il boit, fume, n’hésite pas à textoter, et à séduire pour obtenir des informations ou des billets d’avion à l’œil. Il est célibataire, finira seul, et il le sait. C’est pourquoi il écrira un livre déprimant ou ses mémoires à la retraite, il n’aura que ça à faire et plus d’amis. Heureusement, il a Pulitzer, son chat fidèle.
PES
VOUS ÊTES CLICHÉS 13
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Geoffroy Vauthier
FAISSOIL SOILIHI
"LES MARQUEURS SOCIAUX NE SONT PAS FORCEMENT NÉGATIFS" SOCIOLOGUE, FAISSOIL SOILIHI A RÉPONDU À NOS INTERROGATIONS SUR LA QUESTION DES SOCIOTYPES*. SONT-ILS UNE RÉALITÉ ? ONT-ILS UNE UTILITÉ ? À QUEL MOMENT DEVIENNENT-ILS PROBLÉMATIQUES ? DE QUOI NOUS AIDER À RELATIVISER NOS PETITS TRAVERS, OU TOUT AU MOINS L'IMAGE QUE L'ON RENVOIE DE NOUS-MÊMES. Mayotte Hebdo : Les sociotypes, mythes ou réalités ? Faissoil Soilihi : Ce sont des réalités. S'il n'y avait pas cette notion de “type“, de représentation sociale, il n'y aurait pas de référence ni de référentiel. La première notion correspond à la manière dont on organise les choses dans la société, la façon dont on les "range". La seconde correspond à la façon dont on se représente la société : c'est une phase beaucoup plus réflexive. La notion de types rentre forcément en jeu. Sans elle, il n'y aurait pas d'orientations. Or, il y a besoin de marqueurs sociaux pour se positionner soi-même, tout d'abord pour identifier les choses, puis pour les distinguer. Si on ne le fait pas, quelque part on réduit nos capacités de discernement. Lorsqu'un groupe se constitue, c'est pour mettre en place une sécurité collective. Dans une masse, on n’est pas dans la même configuration que lorsqu’on est dans un groupe, ce dernier consolide un sentiment de sécurité qui permet de se différencier de la masse ou des autres groupes qui la composent. C'est une manière de se protéger et par la même occasion de se distinguer. MH : Ils ont donc une utilité à la société. Mais ne peuvent-ils pas devenir problématiques ?
FS : Si, lorsque la typologie devient une forme de stéréotype, et que l'on tombe sur le terrain du jugement de valeur et des préjugés. Un stéréotype n'est pas forcément négatif, le danger ne vient pas de lui en soi. Mais dès que l'on emploie le mot "stéréo", c'est que l'on reste figé, dans une position ferme, qui ne bouge pas. C'est quelque chose qui serait accepté par l'opinion publique. On reste toujours sur la notion du référentiel, qu'il soit légitime ou pas, formel ou pas, mais qui est accepté. Alors, certes, comme nous l'avons dit, sans ces référentiels, nous manquons d'une capacité de discernement, car on a besoin de se positionner. Néanmoins, en allant trop loin, on rentre dans le stade de la doxa, une forme de représentation relayée par tout un mécanisme. Ces formes de représentations sont complètement acceptées par une grande majorité de la société. C'est le cas du plombier en métropole, par exemple. On pensera tout de suite au plombier polonais. Comme cette notion est légitimée par le discours de la majorité, alors il se généralise. MH : Quel garde-fou alors ? FS : La notion d'humilité. C'est la reconnaissance de l'autre, de son altérité évidemment, mais aussi de sa capacité à faire valoir son engagement pour le bien commun. Dans toutes les sociétés, l'enjeu essentiel est : "Comment se
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répartit-on les tâches ?" Vous contribuez et on vous rétribue en retour. Pour sortir de ces méandres de préjugés, de jugements de valeur, il y a la notion du Travail, un concept universel. Il faut juger de la capacité de l'autre à prendre part au bien commun et à le construire. Pour en revenir à l'exemple du plombier polonais, il a par exemple apporté une vraie force de travail.
LE CADRE QUI TRAVAILLE DANS UNE COLLECTIVITÉ
MH : Mayotte, très hétérogène dans ses populations, est-elle plus sujette à ces sociotypes ou stéréotypes ? FS : Oui, mais vous savez, au-delà des populations venues de l'extérieur, il y a 72 villages à Mayotte. Et lorsque vous passez d'un village à un autre, vous changez de monde. C'est tout petit, mais grand sur le plan des différences culturelles, des référentiels et des représentations sociales. Même au sein de quelques villages, il peut exister des dichotomies. Si on rajoute en plus les infirmiers, les professeurs, les fonctionnaires, etc., vous pouvez imaginer ce qu'il peut y avoir comme clichés les uns envers les autres ! En revanche, ce n'est pas parce que l'on vit dans une société hétérogène qu'il y a plus de clichés, ou qu'ils sont plus dangereux. Au contraire, si la société a accepté cette hétérogénéité, c'est qu'elle était en capacité d'absorber ces formes de différences. Des marqueurs sociaux ne sont pas négatifs ou synonymes de rivalités : les sociétés africaines et chinoises ont été construites avec des instruments de régulation sociale depuis 2000 ans, sinon plus. Au Sénégal, par exemple, les échanges entre ethnies peuvent être teintés de familiarités et de plaisanteries : "Nous pouvons être différents, mais nous faisons société ensemble." MH : Doit-on comprendre que l'acceptation, voire l'autodérision, est une clé de la tolérance ? FS : C'est exactement cela. Quand les gens plaisantent et échangent, cette activité devient un moyen de consolider le lien. Cela peut permettre aussi la médiation sociale : lorsqu'apparaissent des clichés qui révèlent des antagonismes, il est possible d'instaurer un dialogue, d'autoréguler la société tant qu’il est encore temps. Cela ne devient dangereux que si la société n'a pas prévu des outils d’autorégulation spécifiques aux antagonismes vécus. Cette forme d’autodérision exprime une tendance, mais elle n’est qu’un exemple parmi les instruments d’autorégulation qui incitent les acteurs à user d’humilité, d’abord par la reconnaissance de l’autre - “alter“ -, et ensuite par sa capacité à contribuer dans la construction du bien commun. Il faut donner à la société sa dimension réflexive. Une société qui se retrouve en crise à cause des antagonismes est une société qui n'a pas su construire son propre “miroir“, lui permettant de porter un regard sur elle-même, dans l’objectif de mieux se défendre.
Sur son bureau, les piles de dossiers commencent à défier les lois de la gravité. La climatisation, en mode "On" depuis plusieurs jours, agite doucement les feuilles qui attendent, impavides, qu’on veuille bien les consulter. Anfouati, la secrétaire de ce directeur général adjoint d'une collectivité, a appris par cœur le message mécanique qui sauve ses journées de travail : "Ahmed H. est en déplacement. Rappelez demain". En attendant, elle discute avec sa belle-sœur au téléphone qui, de toute façon, ne sonne guère plus. Lassés de rappeler tous les jours ce responsable aux abonnés absents, les interlocuteurs ne se pressent plus au bout du fil. Ahmed est en déplacement depuis des mois. Quand il n’est pas à Madagascar – il fait bien partie du département Coopération régionale, non ? –, il passe au bureau vers 10h pour demander à Anfouati de rédiger quelques notes afin de justifier ses frais de bouche. A midi, il mange avec les vingt personnes de la délégation et évoque bruyamment ses dernières frasques de voyage. Les convives des autres tablées ne sont même plus choqués, ils ont l’habitude. Son père, agriculteur, lui a toujours dit qu’un homme qui réussit est un homme qui travaille dans un bureau. Ahmed a bien retenu le côté bureau, un peu moins le côté travail. Du coup, il a pris un peu de poids ces dernières années, il bedonne tranquillement. Il s’en fout, ce qu’aiment les femmes, c’est un petit ventre douillet et un portefeuille bien rempli. Avec ses chaussures faussement italiennes mais vraiment pointues, et son eau de Cologne qui embaume l’intérieur de son gros 4x4 payé cash, il trouve qu’il a réussi. Papa serait fier de lui. En tout cas, lui, il l'est.
*Entretien réalisé pour Mayotte Hebdo n°816
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LES GENDARMES QUI SE CROIENT À SAINT-TROPEZ Endroits réputés auprès des femmes en quête de testostérone qui dit son nom, les brigades territoriales de gendarmerie de Mayotte abritent jalousement des hordes d’hommes jeunes, surentraînés, à la capillarité absente mais à la musculature bien présente. Que se passe-t-il au sein de ces murs ? L’adolescente fébrile imagine des séances d’entraînement viriles, des sessions de pompes et d’abdos interminables, de maniement de grosses armes, des conseils de bodybuilding murmurés du bout des lèvres. Cette adolescente exagère certainement mais il faut dire que le gendarme entretient son corps et sa légende. En effet, lorsqu’il se mêle au monde civil, trop heureux de côtoyer enfin la gent féminine, le jeune loup se met âprement à chercher une compagne. Se déplaçant uniquement en meute de crânes rasés, il arrive conquérant dans les bars de civils qui tremblent alors, raffermi dans sa position de mâle dominant par l’effet de groupe (chaque gendarme pense qu’il est le mâle "alpha" de son escadron). Il entame alors une parade nuptiale destinée à montrer à ses camarades qu’il est le plus fort et à assouvir de légitimes pulsions d’amour. Le jeudi soir, il démontre l’ensemble de ses talents de séducteur à la soirée tapas d'un célèbre bar de plage de Petite-Terre. Heureusement, on peut autant compter sur lui quand il s’agit de défendre la veuve et l’orphelin que pour draguer les filles en boîte de nuit ! Car il trime dur pour assurer la sécurité de ses concitoyens et concitoyennes. Alors, on lui pardonne quand il triche un peu, lançant illégitimement et à pleins tubes ses gyrophares pour arriver un peu plus vite chez lui ou au bar… Valable aussi pour les valeureux membres de la brigade anti-criminalité, reconnaissables dès l’apparition de leur véhicule, un Duster blanc qui semble avoir fait la guerre.
LE COLON NOSTALGIQUE Il peut être, au choix, catégorie A dans la fonction publique, cadre du secteur privé, ou patron d'une petite PME. Ici, il trouve que rien ne va. Rien ni personne, d'ailleurs : pour lui, "il ne faut pas s'étonner de l'état de l'île, le Mahorais n'aime pas travailler". Quant à "l'Anjouanais", il est "bosseur, mais a des papiers, c'est terminé, i ne fout plus rien". À vrai dire, dans la région, seule Madagascar trouve à peu près grâce à ses yeux. Déjà parce que "le Malgache, lui, se donne à fond et ne se plaint jamais", ensuite parce qu'il trouve que les femmes y sont très belles - la sienne est d'ailleurs Malgache et c'est vrai qu'elle est assez belle -, et puis surtout parce qu'on y mange bien et que la vie n'y est pas chère. Il a même acheté un terrain là-bas. D'ailleurs, il le répète sans cesse : "On aurait plutôt dû garder Madagascar que Mayotte." Du coup, on a envie de lui demander ce qu'il fait ici, s'il déteste tant cet endroit que ça, mais ce n'est pas la peine, car on sait ce qu'il répondra : "Attends, on est en France ici, non ? Alors pourquoi je partirais ?" Au fond, on sait qu'il ne serait peut-être pas grand-chose ailleurs, et que faire de l'argent ici, c'est assez facile. Seraient-ce les vraies raisons de sa présence ? On vous laisse le soin d'y répondre.
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LE CAPOAÏ Ce métropolitain qui a atteint un stade de tropicalisation très (trop ?) avancé ne pourra désormais plus se réadapter ailleurs. Le capoaï, également appelé "clochard" - se trouve autour des épiceries le soir en semaine, et dès le matin le weekend -, ou plus rarement attablé à un comptoir de bar. Il peut évoluer seul, mais préfère généralement trinquer en groupe de trois ou quatre capoaï. Il est facilement reconnaissable à la canette de mauvaise bière qu'il tient à la main, et qui ne sera ni la première ni la dernière. On l'imagine arrivé à Mayotte il y a de longues années : 10 ans, 15 ans. Peut-être 20. En tout cas, il est là depuis longtemps. Trop longtemps. Plus en tout cas que ce qu'il pouvait supporter sans sombrer. La chaleur, la mer, son divorce récent, des primes d'expatriation, des femmes plus jeunes que lui et peu regardantes, etc. : autant d'arguments qui l'ont alors convaincu que la vie était meilleure ici. Malheureusement, le bonhomme n'a pas pris garde à la dégringolade. De mauvaise bière en mauvaise bière, d'été moite en été moite, l'ivresse l'a emporté sans qu'il ne s'en rende compte. Aujourd'hui, à cinquante ans, il a le visage rougi (et pas que par le soleil), des rides creusées, parfois un enfant qu'il a eu par accident, et la conviction qu'il mène la plus belle des vies. Il a probablement un métier, mais impossible d'imaginer lequel. En tout cas, une chose est sûre : il a des potes avec qui boire, boire, et boire encore devant des épiceries sans aucune retenue, et c'est finalement la seule chose qui lui importe. Valable pour tout autre métropolitain célibataire qui arrive à Mayotte dans la force de l'âge, avec pour unique but de fuir quelque chose.
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LA RASTA BLANCHE
Mamoudzou, c’est Babylone. C’est pour cela que Julie habite à Kani-Kéli, dans le Sud authentique, même si de temps en temps, elle se rend au cœur de Babylone en stop pour quelques courses spécifiques. Le reste du temps, elle est professeur d’arts plastiques. Ses élèves l’apprécient, même s’ils ont d’abord été décontenancés par cette jeune femme de 30 ans toujours en sarouel bigarré, arborant de longues locks qui lui descendent dans le bas des reins, et qui fume des cigarettes roulées à la sortie du collège. En dehors de ses cours d’arts plastiques – où elle tient vraiment à ce que les élèves de Mayotte expriment ce qui fait leur singularité d’enfants de l’océan Indien plutôt que de leur inculquer des références éculées d’artistes occidentaux –, Julie a ouvert un espace destiné aux adultes et aux familles où chacun peut venir faire ce qu’il veut : se reposer, lire des ouvrages mis à disposition des habitants du village, chanter, pratiquer un instrument de musique, cuisiner pour tout le monde (mais végétarien), etc. Intermittente du spectacle à l’origine, Julie a voulu se reconvertir dans l’enseignement car la transmission, ça lui parle. Après Mayotte, elle aimerait repartir en Inde dans un ashram pour méditer un peu après cette expérience qui aura été riche en rencontres et en leçons de vie. Elle y retrouvera d'ailleurs le gauchiste humaniste – seul type de mzungu toléré dans son entourage – qu'elle a rencontré au festival Milatsika l'année dernière.
LA NOUVELLE ARRIVANTE, ALIAS CANDIDE "Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles", avait dit Candide ! La nouvelle arrivante débarque à Mayotte dans le même état d'esprit. Fraîche et pimpante, elle est toute excitée à l'idée de se retrouver au cœur de l'océan Indien. Ravie de se retrouver dans un cadre insulaire, avec le soleil et les cocotiers, elle fredonne des chansons en vogue tout en regardant le beau ciel bleu. Elle est joyeuse aussi de voir des makis suspendus aux branches, des maisons colorées et des fruits tropicaux, elle découvre parallèlement la culture mahoraise. Entre sorties plages et restaurants locaux sympas, les premiers jours s'annoncent sous de beaux auspices. Puis le désenchantement arrive très vite : barreaux aux fenêtres, bidonvilles, embouteillages, grèves à répétition, rayons vides dans les grandes surfaces locales, etc. Sur l'île aux parfums, ça ne sent plus si bon que ça et finalement, il fait terriblement chaud ! Notre nouvelle arrivante ne trouve pas ses repères et de surcroît ne reconnaît plus le chant des oiseaux, pourtant Mayotte recèle de petits trésors à découvrir chaque jour qui passe. La nouvelle arrivante va-t-elle tenir ? Telle est la question.
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LA BOUÉNI DU MARCHÉ Il est 8h et il fait déjà chaud sous les toits du marché couvert de Mamoudzou. Ma Fatima est allongée de tout son long dans son nambawane bleu et blanc, le bras gauche replié sous elle. Son regard un peu embrumé passe sans les voir sur les ananas de saison, les papayes et les tomates plus vertes que rouges qu’elle vend aujourd’hui. Elle pense à toutes les bouteilles de poutou qu’elle ne peut plus écouler depuis que la préfecture a décrété que ce n’était pas aux normes. Depuis quand le poutou est-il illégal ? Mtsssss, chipe Ma Fatima avec dédain. Au bout de la rangée formée par les étals colorés dignes des plus belles toiles de Gauguin, une dame s’agite et marche d’un pas décidé vers elle. Une petite m’zunguette un peu fine, un peu pressée, un peu intimidée par ce milieu auquel elle n’appartient clairement pas. “ Elle a de l’énergie, celle-là ”, pense Ma Fatima. "Ça se voit qu’elle ne s’est pas levée avant le chant du muezzin, qu’elle n’a pas lavé les petits, pris le taxi brousse avec toute sa récolte. Je suis sûre qu’elle a la climatisation dans sa voiture", maugrée-t-elle encore. Qu’importe, il faut appâter la professeure en quête de légumes frais. "Madamou ! Madamou ! Papayes ? Tomates ? Ananas ?" La jeune femme frêle s’arrête devant l’étal et tente un “ Gégé Bouéni ” qui radoucit immédiatement Ma Fatima. "J’aimerais deux ananas, s’il vous plaît". Mais c’est quoi leur problème, à ces wazungu ? Ils voient bien qu’on les vend par trois ! "Je n’en prends que deux, mais je vous paie les trois, ça ne me dérange pas". Butée, Ma Fatima refuse. C’est trois, c’est trois. La mzunguette, courageuse mais pas téméraire, cède de bonne grâce. "Allez, on ne va pas se fâcher, tiens, je t’en mets un autre de plus", rigole Ma Fatima, regardant partir malicieusement cette petite chose toute perdue avec ses… quatre ananas. On a le sens du commerce, à Mayotte, on ne pourra pas nous enlever ça !
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LE PROF CHASSEUR DE PRIMES Quand il a un p’tit coup de mou, Jean-Michel regarde longuement la photographie des travaux de son pavillon à Sarcelle, qui avancent bien quand même. Ça lui permet de tenir, ça lui redonne du courage. Quelle vie, mais quelle vie ! Il sait bien que ce n’est que quatre ans, que son salaire surindexé et ses belles primes paient cette jolie maisonnette en lotissement, que c’est bientôt la retraite, mais quand même, qu’est-ce que c’est long ! Il faut dire que Jean-Michel ne sort jamais des Hauts-Vallons, où il réside derrière de solides barreaux, il a trop peur de se faire agresser. C’est que c’est la guerre dehors, ça ne plaisante pas. Quand il lit les gros titres de la presse locale, il pense très fort à ces milliers d’euros qui s’accumulent sur son compte en banque pour ne pas craquer, prendre sa petite valise – de toute façon, il n’achète rien ici – et se tirer le plus vite possible. Il ne bouge même pas pendant ses vacances, pour économiser encore un peu. Il serre les fesses et attend que ça passe. Bientôt, enfin, il pourra tout vendre et rentrer en métropole. Il voit déjà les petites annonces : “ Cause départ, je vends un set presque neuf de papier WC parfumé, double molletonné ”, “ Cause départ, vends magnifiques cintres en bois ”, etc. Brader les meubles en palettes de bois qu’il a passé des week-ends à poncer amoureusement lui fend un peu le cœur mais son container est déjà plein. Et puis, mieux vaut ne conserver aucun souvenir de cette période maudite. Bon, il est un peu usagé mais ça se vend, un balai à chiottes, non ?
L’EMPLOYÉE DE MAIRIE Salimata a une prédisposition qui fait d’elle une merveilleuse employée de mairie. Elle possède une horloge biologique interne hors pair, qui lui permet de se réveiller à une heure prédéterminée, à la minute près. Ainsi, Salimata arrive à 7h du matin à la mairie, elle s’enquiert de la santé de la femme de ménage, puis de la santé de ses enfants, puis de la santé de son mari, puis de la santé de toute la famille élargie, puis de la santé des habitants du village, avant de se rendre dans le bureau de l’adjointe. Là, elle s’enquiert de la santé de l’adjointe, puis de la santé de ses enfants, puis de la santé de son mari, puis de la santé de toute la famille élargie, puis de la santé des habitants du village. Revenue à 8h30 au secrétariat, Salimata jette un coup d’œil aux affaires urgentes du jour avant de décider de les remettre à demain. Elle s’allonge alors sur le sol carrelé, rendu frais par la climatisation, puis s’endort. Deux heures plus tard, soit à 11h pile-poil, Salimata se réveille de nouveau. Elle va alors fermer la porte d’entrée de la mairie, sa journée est finie. Une horloge biologique interne parfaite, vous dis-je !
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L'INFIRMIÈRE FÊTARDE Le mercredi, "c'est Barak / Zen Eat !" Ses jours de repos ? Wakeboard, plongée et sorties bateau. Sans oublier l'apéro "au Camion". De temps en temps, une sortie pêcheur et un voulé avec les collègues aides-soignants. Plus rarement, un dimanche au calme, "parce que ça fait du bien des fois." L'infirmière fêtarde aime Mayotte. Elle l'adore même ! Son lagon, tous les potes qu'elle s'est fait "super rapidement", et tous ces loisirs trop cools qu'elle ne pouvait pas faire dans son Ardèche natale. Ici, elle vit en groupe, elle bronze, elle s'émerveille. Elle poste souvent des photos sur les réseaux sociaux. Le jour, ce sont les eaux turquoise et les plages blanches d'un îlot, accompagnées d'un : "Trop dur la vie" ironique en commentaire. Le soir, c'est plutôt un selfie avec ses potes autour d'une Despé, avec là encore un "trop crevée !" faussement blasé comme message. Rapidement, ses amis de métropole vont venir la voir parce qu'elle leur donne envie, forcément. D'ailleurs, elle est "super impatiente !" de leur faire découvrir sa vie ici. Tellement hâtive qu'elle leur a déjà concocté un programme : Choungui au levé du soleil, wake, plongée, sortie bateau, voulé, bivouac, sortie pêcheur. Et bien sûr, "Camion, Barak' et Zen Eat", parce qu'il "faut trop que je les emmène au Zen Eat !" Quand elle repartira, elle sera triste. C'est pour ça qu'elle a déjà prévu d'aller en Nouvelle-Cal' ou en Guyane. Mais ce n'est pas pour tout de suite : elle va prolonger son contrat pour un an. Ici, c'est trop chouette, et puis elle aimerait retourner une troisième fois à Mada, puis aller à La Run "voir un pote", et aussi faire Maurice avant de partir. Parfois, elle a un copain en métropole, mais elle n'est pas sûre que ça tienne entre eux. C'est normal : maintenant qu'elle a goûté à la vie au soleil, elle ne se voit pas retourner en arrière. Lui, il veut une histoire tranquille, alors qu'elle, elle préfère "Profiter de la vie". Elle verra bien, parce qu'elle n'a plus envie de se "prendre la tête." En dehors de ses heures de travail, durant lesquelles elle est évidemment immédiatement identifiable, l'infirmière fêtarde est facilement reconnaissable : elle porte un short en jean, un débardeur, et des tongs. De retour de Madagascar, elle peut porter un sarouel et un tressage des cheveux égaye bien souvent son visage aux yeux un poil cernés. Cette dernière caractéristique est d'ailleurs visible les lendemains de fête – particulièrement le jeudi -, mais aussi à chaque fois qu'elle sort du CHM où elle vient de travailler 12h d'affilées, de jour ou de nuit. Car il faut bien lui reconnaître qu'elle bosse dur et consciencieusement. Valable aussi pour les sages-femmes, les profs contractuels en première année, les salariés du privé célibataires de moins de 35 ans, etc. De manière générale, ce stéréotype peut concerner tous les métropolitains n'envisageant pas de rester plus de quelques années sur l'île.
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LE JEUNE 2.0
Facebook, Instagram, et Snapchat ... Ahhhh Snapchat ! Le jeune 2.0 est connecté en permanence en train de poster quelque chose d'extrêmement important : un verre de jus de mangue, les pieds dans l'eau à la plage, ou tout simplement à la maison en train de... snaper ! Tout le monde sait où le trouver en temps et en heure grâce à Snap, réseau social le plus futile au monde. Impossible d'avoir un sujet de conversation avec le jeune Mahorais. Hein ? Qui, quoi, comment ? Il est tellement connecté qu'il en oublie les autres. Comment on appelle ça déjà ? Du "télésnobisme" ! En parallèle, dans sa veille "médiatique", le jeune est très branché niveau fringue. Il arbore les dernières sneakers en vogue et un t-shirt ultra tendance de la marque aux trois bandes, le tout accompagné d'une petite veste même s'il fait 30 degrés sous les cocotiers. Le look est très important, il fait du jeune ce qu'il est : beau gosse avec une coiffure atypique. C'est comme ça que le jeune voit sa cote de popularité grimper en flèche auprès des jeunes filles. En fin de compte, en regardant bien, le jeune à Mayotte est comme tous les autres jeunes : deux fois plus connecté que ses parents, mais deux fois moins disponible ! #bisous
LE MAHORAIS À L’ANCIENNE Son parcours universitaire en métropole pourrait le propulser dans un poste à responsabilité au sein de la fonction publique ou dans une petite et moyenne entreprise, mais cette vie de costume-cravate devant un écran d’ordinateur à longueur de journée ne lui correspondrait pas vraiment. Lui, est resté profondément attaché aux coutumes locales et aux valeurs familiales. Il a par exemple, dans son enfance, développé une passion pour la culture de la terre, pour tout ce que celle-ci peut lui apporter. Une passion que son paternel lui a transmise en le faisant régulièrement grimper dans la Peugeot 404 bâchée pour aller ramasser les feuilles qui allaient nourrir leurs zébus. Aujourd’hui, 20 ans après cette belle période, c’est lui qui conduit son père à la campagne, à bord de son 4x4 boueux. Il adore ces moments ! Passer du temps au milieu de nulle part, sur une terre dont il héritera, et se salir les mains au côté de celui qui lui a tout appris de la vie d’agriculteur. "On débroussaille quand l’herbe est haute, on nourrit les zébus, on plante du manioc, on cueille les fruits à pain, on coupe les bananiers et récupère les régimes. On vend certains produits cultivés dans la société agricole qu’on a créée et on en garde une partie pour la maison. Et durant tout ce temps, je lui raconte ma vie, j’écoute ses conseils, lui me raconte la sienne : il a des anecdotes très rigolotes, notamment sur certaines personnalités politiques actuelles. Pour moi, c’est ça la vie !"
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LE GAUCHISTE HUMANISTE La rivalité entre Mayotte et les Comores ? "La faute à la France, le colonialisme, la françafrique." L'insécurité à Mayotte ? "Pas pire que dans le XXème arrondissement de Paris, tu sais." Quand il se fait voler son portable, ce n'est pas grave : il n'est pas matérialiste. Il comprend. Issu des classes aisées, mais sans l'assumer, il semble débarquer tout droit de Mai 68. Il est en mission à Mayotte pour quelques semaines. Son truc à lui, c'est la solidarité, l'empathie, l'impérieux besoin de défendre les opprimés du capitalisme. D'ailleurs, il a toujours dans son sac à dos le "Discours sur l'origine de l'inégalité", de Jean-Jacques Rousseau. Il le lit aux jeunes pour qu'ils comprennent que l'important ne réside ni dans le matériel ni dans la possession. La pauvreté, la misère, ça le connaît. À 25 ans à peine, il a voyagé - baroudé même - un peu partout. Pour lui, ça ne pouvait pas être autrement. Il avait besoin de s'ouvrir. Il ne supportait plus le confort du monde occidental. Il est donc parti faire de l'humanitaire en Afrique, trois fois, pour creuser un puits ou donner des cours à des enfants. D'ailleurs, ces gamins, il les a A-DO-RÉS, ils sont "trop émouvants." Il aimerait bien faire comprendre tout ce qu'il a vécu avec eux, mais il y a eu "trop de moments forts." Ne lui reste que les selfies, nombreux, qu'il a faits avec eux : dans ses bras, en train de se faire chahuter, en train d'expliquer la grammaire, en train de jouer avec eux au foot, et il en passe. Le continent noir, ça le connaît donc bien. En plus, il a appris à jouer du djembé là-bas. C'est dire. Il est parti une fois en Amérique du sud aussi, "mais c'était un road-trip avec mon ex." Ils ont alors parcouru le continent en stop, oubliant les frontières, transcendant les différences. L'argent ? Il n'en a pas besoin car il préfère dormir chez l'habitant. Ça lui permet d'être au contact des populations. En plus, "ils n'ont pas grandchose, mais qu'est-ce qu'ils sont gentils ! Toujours prêts à partager. Pas comme nous qui avons perdu le sens des VRAIES valeurs. Eux, ils sont préservés du marché et du pouvoir de l'argent." À Mayotte, le gauchiste humaniste trouvera les Mahorais racistes, les mzungus aussi, et l'État abject – une fois de plus - d'avoir mis des frontières. Pour faire comprendre que "On n'est pas tous comme ça", il mettra en place un cours de théâtre dans les bidonvilles et repeindra leurs cases en tôle rouillées. Il trouve que c'est plus joli comme ça, c'est typique et coloré. Il aime. Il repartira à Paris avec le sentiment du devoir accompli, même s'il sait que la lutte sera encore longue. Au moins, il aura apporté sa modeste pierre à l'édifice de la justice et de la liberté. Et ça pour lui, ça compte plus que tout. La prochaine fois, il ira "faire l'Inde" pendant trois mois pour parler de lutte des classes. Une nouvelle mission, un nouveau combat. Et ça, ça compte plus que tout.
LE FRANCOCOMORIEN CONTRE MAYOTTE FRANÇAISE Il est de tous les combats pour briser l'oppression française sur les trois îles… pardon les quatre îles des Comores. Car oui, pour ce Franco-Comorien, professeur de l'éducation nationale à Mayotte, l'Union des Comores compte bel et bien quatre îles. Tout le reste n'est que baliverne. D'ailleurs, il n'est pas le seul à penser ainsi : tous ses amis de la diaspora comorienne en France pensent la même chose. En tout cas, tous ceux qu'ils fréquentent. C'est normal, car il ne s'encombre pas des autres discours. Même la volonté de ses "frères mahorais" lui est inaudible. Étonnement en revanche, ce fervent défenseur du peuple comorien ne défend ce combat que sur le territoire français. On ne le voit en effet pas sur les terres comoriennes lutter avec autant de conviction contre la corruption des élites, ou contre l'industrie du kwassa-kwassa. Pour sa défense, c'est en France qu'il travaille et gagne sa vie, lorsqu'il rentre dans son cher pays, c'est pour les vacances. Et personne n'a envie de parler affaires et boulot pendant cette période-là n’est-ce pas ?
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LE DOSSIER
LE RACISTE QUI S'IGNORE Jérôme a quitté sa tendre Corse, il y a de cela deux ans. Il a fait le tour de l'île de beauté mais n'a jamais eu l'occasion de s'aventurer en dehors de la région. D'abord enjoué à l'idée de quitter sa Corse chérie et de s'envoler vers un département d'outre-mer, puisque "c'est toujours en France", le quadragénaire a atterri à Mayotte pour des raisons professionnelles. Après deux ans passés sur l'île aux parfums, Jérôme n'arrive toujours pas à s'adapter, même s'il arbore souvent un dashiki* pour faire plus "local". Il se rappelle ses premiers jours sur l'île durant lesquels il découvrait les cocotiers, les bouénis, et les trois langues officielles, d'ailleurs, Jérôme s'y perd et ne capte pas un mot. Il ne comprend pas non plus pourquoi "les femmes se déguisent" avec des masques sur la figure, c'est pas halloween ! Pourquoi aussi ce châle sur la tête et ce drap qui les enveloppe au lieu d'être toutes en poum-poum short et t-shirt, "comme toutes les filles à Ajaccio". Jérôme comprend encore moins le monsieur qui crie dans le micro et les hommes qui suivent avec des robes. C'est vraiment le carnaval ! Cela étant, Jérôme aime l'île aux parfums pour ses plages : il peut régulièrement avoir recours à des activités nautiques, même si "En Corse, les paysages sont plus beaux qu'ici et là-bas les gens sont bien" avait-il expliqué un jour à un ami. Pour finir, Jérôme a horreur qu'on lui parle de racisme ordinaire ! Cela fait deux ans qu'il est à Mayotte, il a beaucoup de respect pour la culture mahoraise, et en plus il a "des amis noirs" tandis que les autres ont des amis tout court… *tunique africaine colorée
LE TAXIMAN Abdallah a eu son permis il y a une éternité : le code de la route et ses règles élémentaires, ça fait bien longtemps qu’il les a oubliés. Fort heureusement, il est taximan, u n métier qui à Mayotte ne nécessite pas de le connaître… Après douze ans de mauvais et loyaux services, il a même créé son propre code de la route. Et dans son code de la route à lui, il s’accorde tous les droits, dont celui d’emmerder la populace. Sa jouissance : s’arrêter en plein milieu de la route pour ramasser une cliente. Les klaxons des automobilistes agacés derrière lui, les embouteillages qu’il provoque, le fou roulant n’en a que faire. Pas question de passer à côté d’un tel pactole au bout sa course : 1,40€ ! Abdallah a un autre kiff : faire un bout de chemin avec les jeunes filles et se bourrer le crâne de vilaines pensées. Il pense savoir s’y prendre avec elles, la course gratuite en échange d’un numéro de téléphone à défaut de n’avoir les mots et le comportement adéquat pour les charmer. Malheureusement il n’y a systématiquement jamais personne au bout du fil, on s’est encore servi de lui. Abdallah manque de lucidité et visiblement de charme aussi !
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LE BACOCO
Il a des petits-enfants un peu partout à Mayotte. Pour leur rendre visite, il doit attendre le week-end et supplier ses « chauffeurs privés » de l’amener avec eux. Des "chauffeurs privés" qui ont mieux à faire, mais qui le font quand même, car les anciens, ça reste les anciens, et c'est donc encore un peu sacré. Lorsque vient la saison des oranges, le coffre de la voiture est rempli de petits sacs de ces agrumes. Tout le monde sera servi, car papi n’a pas de favori. Ses neveux et petits-enfants sont tous pareils pour lui. Malgré son état de santé, il tient à faire le voyage du nord au sud pour les distribuer, ses oranges ! Sans prévenir, comme à l’accoutumée à Mayotte, le vieux monsieur arrive par surprise, un dimanche matin. Une belle stratégie, car il sait que tout le monde est encore à la maison. «Hodina » ? « Karibu » ! « Mais maman, cette voix ressemble beaucoup à celle de papi Saïd ». « C’est effectivement moi mon enfant », répond-t-il alors. Et ses chauffeurs, devenus employés d'un jour, sont toujours derrière lui avec des sacs de cadeaux, puisqu’il n’a plus assez de forces pour les soulever. Ses gentilles paroles redonnent toujours le sourire à ses petits-enfants. On n’a pas envie qu’il parte mais ses accompagnateurs ont d’autres choses à faire. Les dimanches, s’il ne quitte pas sa maison, on le retrouvera toujours sur sa terrasse habillé d’un shikoi et assis sur une chaise, espérant que quelqu’un vienne le retrouver pour discuter. Et comme c’est un papi gentil, les visites ne s’arrêtent jamais. Les gens arrivent les uns après les autres. Mais que serions-nous sans notre bacoco ?
LE SYNDICALISTE Il écrit des communiqués à la presse – forcément à la solde des puissants – bourrés de fautes d'orthographe, mais connait en revanche tous les rouages de la loi. En tout cas, tant que personne ne lui demande de les expliquer. Il connaît surtout ceux qui permettent de "Défendre des droits" et de "Demander plus de moyens". Le syndicaliste et ses valeureux combattants ne se battent pas pour eux même, oh non, loin de là. Ils se battent pour tous les habitants de Mayotte, pour l'égalité, pour vivre debout. Cet idéal, il est prêt à tout pour l'atteindre. Bloquer une île durant des jours et des jours? C'est fatiguant, c'est vrai, mais ça en vaut la chandelle. Couper des arbres pour barrer une route, c'est encore plus fatiguant, mais ça en vaut aussi la peine. Pour Mayotte, pour nous tous, pour… "Comment ça, la population n'est pas d'accord ?" À cette question, le syndicaliste invoque le romantique combat de l'inégalité, du droit à vivre comme les autres pour chaque Mahorais, il espère galvaniser la foule en invoquant des injustices. Au passage, qui sait, deviendra-t-il un Mahmoud X ou un Bacar Luther King ? Malheureusement, cela ne prend pas toujours. Dans sa fougue, le syndicaliste va parfois trop loin, il s'empêtre et se met la population à dos. Heureusement, il sait retrouver la raison. On lui propose une prime exceptionnelle et il accepte de cesser tout combat. Car, oui, le syndicaliste sait aussi remarquer le pas qui est fait vers lui. Ne dit-on pas que c'est l'intention qui compte? Et puis, au fond, il participe déjà à un autre mouvement social prévu la semaine suivante. De toute façon, il ne pourra pas être partout. C'est aussi bien comme ça.
LE BLANC QUI SE PREND POUR UN NOIR "Seb", pour les intimes, a entre 20 et 30 ans. Il a grandi en métropole aux côtés de "blacks". Il connaît tous les chanteurs afro-américains des années 90, apogée du RnB, et tous les chanteurs afro-caribéens du moment. Et pour cause, à ses heures perdues Seb est DJ ! Il ne mixe pas sur du Claude François, non, il préfère Koffi Olomidé, Stony et Goulam. En tant que bon citoyen du monde, Seb a enrichi son vocabulaire "afro". Il connaît des termes en créole, en lingala et maîtrise même le shimaoré. Pour amuser la galerie, il scande à tout va "ewa". Oui, Seb s'entend mieux avec les blacks, c'est un fait. Avec les blancs, il ne "délire" pas assez. Niveau bouffe, il préfère aussi manger "local" : les pâtes c'est pas pour lui. Côté love, Seb a un faible pour les filles de couleur : chocolat, caramel, ou vanille. "C’est les meilleures ! », lance le DJ. Quel coquin ce Seb ! Seb, il a aussi du style. Il arbore souvent un t-shirt "vert, jaune, rouge" et porte du wax. Parmi ses nouvelles résolutions 2018, Seb a décidé de changer de coupe de cheveux. Pourquoi pas des tresses ?
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LE DOSSIER
LE PROF DE PLONGÉE Bien sûr, les appétences de Laurent l'ont toujours porté vers la mer. Mais il aurait pu faire marin, pêcheur, ou scaphandrier. On ne va pas se mentir : s'il a finalement choisi prof de plongée, c'est pour choper de la morue. Et avec sa profession, rien de plus facile. Des années à écumer les eaux, des heures à barboter dans le monde du silence, de longues minutes à contempler l'horizon en vieux loup de mer taiseux derrière ses lunettes polarisées, ça lui a donné le temps de fourbir ses punch-lines. Ainsi sert-il aux minettes un peu effrayées par leur première fois : "Ne t'inquiète pas, on ne descendra pas aussi profond que le bleu de tes yeux". Il en a d'autres, des formules magiques, notamment pour celles qui sont déjà niveau 2 ou même celles qui viennent avec leur mec (dont il critique, condescendant, la façon de plongée), mais la cible préférée de Laurent reste la plongeuse néophyte et apeurée avec qui il peut jouer à fond sur l'OEdipe. Oui, le beau moniteur extra-moulé dans sa combinaison qui laisse saillantes les parties avantageuses de son anatomie façonnée par des années à remonter des ancres, et qui manipule de ses mains expertes un matériel qui a l'air très, très technique devient alors… papa. Cet homme viril, rassurant, concentré, qui distribue d'une voix ferme et grave quelques directives incontestables, à qui on confie sans sourciller sa vie et sa sécurité. Quand, sous l'eau, Laurent saisit doucement la main de la fille, plonge sérieusement ses yeux dans les siens à travers le masque, lui donne de lapidaires consignes d'un geste assuré puis l'entraîne vers le fond alors qu'elle se laisse faire, il sent souvent qu'il a déjà gagné. Le planteur de fin de plongée, la joie d'avoir pu communier un instant avec le monde marin, une vague hyperoxygénation et hop, euphoriques, les filles cèdent de bonne grâce à ses avances. Ainsi, elles se succèdent dans le lit de Laurent à un rythme qui rend jaloux ses amis employés de bureau, ce qui n'émeut guère le plongeur qui ne tombe en pâmoison que devant les ondulations régulières et féminines d'un nudibranche effronté, ou face à la danse nuptiale et sensuelle d'un baliste vigoureux.
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L'INTELLECTUEL
Chaque jour ou presque, sa page Facebook est alimentée d'un long texte né de ses divines pensées. Il y analyse le pourquoi du comment du pourquoi du comment, et plus encore. Dans chacun d'eux, on retrouve une expression devenue populaire : "Mayotte en sous-France." Il affirme, car Il sait. L'intellectuel est comme ça. Il pense. Il intellectualise. Il est la Voie et la Voix à suivre. D'ailleurs, on le remarque sur sa photo de profil. En noir et blanc, le regard égaré dans ses pensées, forcément nombreuses, forcément complexes. Comment en douter ? Lui, le Mahorais qui a compris, guide tous les autres vers le chemin de la Vérité, vers les solutions pour Mayotte. Il éclaire les naïfs sur les problèmes de l'île et sur les causes réelles de sa situation. Et toutes ont un point commun : c'est toujours les autres qui sont coupables. L'État, le racisme, le néocolonialisme, l'Union des Comores, l'immigration clandestine, les Francs-maçons, le complot des métropolitains hauts placés contre les Mahorais, l'Insee, les Américains, les Russes. Il se murmure même que les Esquimaux pourraient tirer les ficelles en secret : en somme, tout le monde est coupable, sauf Mayotte, qui n'est que la victime éternelle de ce satané complot des autres contre elle. D'ailleurs, si son Excellence sérénissime, l'intellectuel, est ouverte au débat, c'est dans un cadre autorisé : celui qui ne va pas à l'encontre de son analyse. Son jugement est Vérité, il est la base sur laquelle travailler. Tout autre postulat est faux et au service d'intérêts qui cherchent volontairement à nuire à l'île aux parfums. Hors de question, donc, de leur laisser un espace d'expression. Par conséquent, tous ceux qui tâchent d'apporter leur pierre à l'édifice du débat sont soit pour, soit contre Mayotte. Soit pour, soit contre son Excellence séré- nissime. L'intellectuel pense souvent depuis un bar de Mamoudzou, une bière ou deux à la main, ou depuis son bureau, puisqu'il est généralement employé d'une collectivité publique. Car pour penser, en effet, il faut du temps de libre.
L'ANTILLAIS PERDU A part les quelques palmiers qui s'élancent vers le ciel toujours bleu, il dit qu'il "voit pas le rapport". Le Caribéen échoué ou l'Antillais déboussolé a beau scruter les paysages, discuter avec les gens, se rendre dans les quelques bars de Mamoudzou, écouter la musique locale, il ne reconnaît rien à Mayotte de son île natale. Il n'y a vraiment que les ministres pour penser que tous les DOM se ressemblent. Didier a bien tenté de s'intégrer mais ses coups de hanche chaloupés sont trop violents pour la retenue du chigoma, la vue d'une THB l'emplit d'une tristesse insondable et quand on lui propose gentiment du rhum Charrette, il fond en pleurs. Les salouvas couvrants étouffent en lui toute velléité d'approche séductrice, et qu'est-ce que c'est que ces plages avec des baobabs ? Comment est-on censé préparer du sorbet coco avec ça ? De toute façon, la température n'est pas la même qu'aux Antilles et le sorbet que Didier confectionne avec amour ressemble vite à un coulis coco vaguement réfrigéré, aussi déprimant que l'est le manioc frit (un acra, ce n'est pas compliqué, quand même !) Le dimanche, enfin, il se réfugie à NotreDame-de-Fatima, après avoir passé un énième coup de fil affolé à sa maman chérie. Et en rentrant chez lui, il met du zouk à fond, cuisine un poulet au colombo et envoie des lettres de motivation en Guadeloupe, en Martinique et même à La Réunion. Kimbé red, pa moli, vieux frère…
LE DOSSIER
LE CADRE D'UN SERVICE DE L'ETAT Cela fait des heures que Jean-Michel transpire sur ce rapport dédié à la question du logement. FRAFU, LBU, ANRU, ça lui fait penser qu'il en a plein le… Jean-Michel saisit toutes les subtilités de ce langage en acronymes abscons et en sigles illisibles. Il est capable de faire des phrases telles que : "Le PDRG (élaboré par la DAAF et l'ASP) relève du FEADER auquel la Guyane est éligible depuis qu'elle est RUP". D'ailleurs, quand il rentre à la maison, il parle de la même façon, ça permet de gagner du temps, et le temps est précieux sur ce satané territoire en plein retard structurel (Oui, on ne dit pas : "On est dans la mouise jusqu'au cou" mais "On subit un retard structurel" ou "On est en plein rattrapage institutionnel"). Ainsi, quand Jean-Michel (ou JM) s'adresse à sa femme le soir, il lui dit : "Chérie, tu as pensé aux DAACL pour le BD avec JC et AM ?" ("Chérie, tu as pensé aux denrées alimentaires à cuisson lente pour le barbecue dominical avec Jean-Charles et Anne-Marie ?") Claire connaît bien son mari et lui montre, indulgente, les saucisses qui patientent dans le congélateur. Elle espère juste que ce WE, il ne sera pas trop KO, qu'il déconnectera ASAP et lui fera l'AMOUR (Aide Multitechnique à l'Orgasme Unique Rationnalisé).
LE TOURISTE ALLEMAND Si Günther voulait passer inaperçu, c'est bien loupé. Aussi visible qu'une baleine dans le jacuzzi de son amie Greta, le touriste allemand, chaudement débarqué à Mamoudzou de son bateau de croisière, se repère à 10 kilomètres à la ronde. Son visage rougeaud dépareille, son bob exotique le dénonce, ses chaussettes assorties à ses Birkenstock déconte- nancent et son air perdu achève de le distinguer du reste de la population locale qui se presse, colorée, autour du marché de Mamoudzou. Ten- tant en vain de co prendre la géographie illisible du chef- lieu de l'île, il s'adresse aux passants dans un anglais teinté d'un accent germanique à couper au couteau : "Bonjour, où se trouve le centre ? L'hypercentre ? Où sont les transports en commun ? Où achète-t-on des tickets de bus?" Des questions simples pour le citadin qu'il est mais qui n'appellent aucune réponse. D'une part, car elles sont absolument inadaptées à cette ville construite cahin-caha et d'autre part, parce que le p u b l i c anglophone est rare dans les parages. A 74 ans, on ne s'engage plus dans de rocambolesques aventures et Günther se rabat donc sur le marché couvert à portée de main. Après s'être fait alpaguer par des bouénis ravies de faire découvrir à ce voisin européen les produits locaux, le septuagénaire remonte perplexe sur le navire, quelques ananas à la main. Peut-être aurait-il dû choisir l'excursion complète et se laisser guider par des professionnels sur ce territoire étrange…
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LE MAHORAIS DÉSACRALISÉ L’islam , ses principes et ses pratiques, Habib marche dessus. Et il est bien trop tard pour ses parents - traditionnalistes et très portés vers la religion musulmane – pour le remettre dans le droit chemin. L’alcool est devenu son eau et il est fier de le revendiquer, du moins il ne s’en cache pas. Pourquoi s’en cacher d’ailleurs ? Après tout, il ne fait rien de mal l’alcolo, à part se tuer à la vodka et autres Johnny Walker les soirs de fêtes. Si ce n’était que les soirs de fêtes… La picole, ça le connait, même en plein cagnard, il ne manquerait pas une occasion pour se bourrer la gueule. Ainsi, il n’est pas impossible de l’apercevoir accoudé sur une table au fond d’un bar. Tu comprends vite qu’Habib est raide quand tu vas le saluer : ses yeux rouges et son sourire à un moment où il n’y a pas lieu de sourire hein, le trahissent à chaque coup. Les jours de voulé à la maison ou à la plage sont ces jours d’anniversaire : il les adore !
CELLE QUI S'EN VA Il y a deux ans, parfois trois, elle posait le pied à Mayotte avec sa valise et son sac à dos. Sa première expérience de longue durée hors de métropole. Comme d'autres, elle venait bosser au CHM ou comme prof contractuelle. L'île aux parfums ? Elle en avait entendu parler, ni plus ni moins. Pour elle, c'était l'occasion de partir, de voir du pays. Elle y est venue sans a priori. "On verra sur place", se disait-elle. Elle a bien fait : rapidement, elle s'est mise à aimer cette île et la vie qu'elle lui a permis de mener. Il y avait ses potes, forcément nombreux, ses soirées, son lagon, et toutes ces choses que les métropolitains aiment bien ici. Mais pas seulement. Elle a aussi aimé son boulot, pas toujours simple, mais souvent intéressant, la sensation d'apporter sa pierre à l'édifice, d'avoir travaillé pour autre chose que seulement gagner sa vie. Et puis, elle a pris goût à cette vie si différente, sa nonchalance parfois agaçante, mais souvent bon enfant, ses surprises bonnes ou mauvaises, mais qui, de toute façon, finissent toujours bien, ses rencontres atypiques dans un taxi ou au bord d'une route. Elle a aimé manger des mabawas sur le sable, les doigts pleins de graisse, ne pas être obligée de se saper comme une princesse pendant ses jours de repos, et être un peu coupée de toute l'agitation de la lointaine métropole. Aujourd'hui, elle est là, à attendre la barge en sens inverse. Cet endroit si étrange quand elle est arrivée lui parait désormais familier. Dire que c'est la dernière fois qu'elle le voit… Elle est triste. Derrière elle, des valises plus grosses qu'elle. Elle ne pensait pas avoir accumulé autant d'affaires ici. Pourtant elle a fait le tri, mais pas assez. Ou trop. Peut-être aurait-elle du garder ci ou ça. Mais maintenant, c'est fait, inutile d'y repenser. Cet avion qu'elle va prendre a un goût bizarre. Durant tout ce temps passé ici, il avait la saveur des vacances, des voyages, de la détente. Mais là, il a juste le goût du départ. Elle aimerait bien écrire un petit mot sur sa page Facebook pour remercier les gens qu'elle a rencontrés ici, pour remercier aussi tous ceux qu'elle n'a pas rencontrés mais qu'elle aime quand même, pour remercier ses collègues, ses amis, son ex rencontré ici et avec qui ça n'a pas toujours été facile de cohabiter au sein d'un si petit endroit mais qui faisait partie de l'aventure, ses connaissances, les serveurs de son bar préféré, ses voisins mahorais sympathiques, son taximan toujours prêt à venir la chercher, ses anciens colocataires, etc. En fait, elle aimerait écrire un petit mot pour remercier Mayotte tout court. Mais elle ne le fera pas tout de suite, sinon elle se mettrait à pleurer. En fait, il est déjà trop tard, rien que d'y penser, quelques larmes coulent de ses yeux bleus. Ça va faire couler son léger maquillage, c'est dommage. Du coup, elle se force à penser à autre chose, à son arrivée à Paris le lendemain, à sa famille, aux retrouvailles avec ses vieux amis, à sa vie d'après. Oui, voilà, sa vie d'après Mayotte. D'ailleurs elle arrive, elle vient la chercher. Ce bruit sourd de frottement métallique le lui dit : la barge est arrivée. Sa dernière. Allez, c'est l'heure.
LE MINISTRE EN VISITE
L e s glandes sudoripares en surrégime, ses délicates pupilles habituées au travail de bureau agressées par cette luminosité infernale, asphyxié par cette foule ravie d'accueillir un ministre d'Etat sur son territoire et la chemise bonne à essorer, Gérard a l'impression de devoir participer à son corps défendant à un concours de T-shirt mouillé. Le collier de jasmin qui lui ceint le cou lui donne encore plus l'impression d'être une Miss Univers coincée dans une situation érotico-absurde. "Merde, j'ai pas fait l'ENA pour ça", peste le représentant de l'Etat qui songe l'espace d'un instant rageur au Président qui lui a vendu cocotiers, lagon bleu et cocktails sur le sable. En même temps, Jupiter pense que la Guyane est une île… "Il s'est foutu de ma gueule, Manu. Où sont les belles en bikini, les cocktails au rhum entêtant, les soirées dansantes collé-serré?" Eh oui, Gérard, comme tout ministre qui se respecte, associe tous les DOM aux Antilles. En un sursaut de professionnalisme et tandis qu'il serre des pognes moites avec un sourire crispé, Gérard s'en veut un peu confusément de songer à Miss Mayotte plutôt qu'aux syndicalistes de la CGT. Après tout, il a une grève de l'hôpital à gérer, des manifestants à cajoler, des syndicalistes à amadouer et, s'il est de bonne humeur, de l'argent à distribuer. Mais pas trop, juste pour calmer le jeu en attendant le prochain ministre qui débarquera pour faire exactement la même chose que lui. Il lui souhaite bon courage à celui-là.
ENTRETIEN
Solène Peillard
" JE SUIS POUR LA PISTE LONGUE DEPUIS PLUS DE SEPT ANS "
MARIE-JOSEPH MALÉ, PDG D'AIR AUSTRAL
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marie-joseph Malé PDG d'Air Austral
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Énième écueil pour Air Austral, avec cette fois un air de déjà vu. Depuis lundi 3 juin au soir, l'un des Boeing 787-7 de la compagnie est immobilisé "pour une période assez longue et pour le moment indéterminée", a prévenu le service de communication d'Air Austral, qui estime qu'un retour à la normale ne sera possible que d'ici "deux mois minimum", le temps de remplacer les pièces défectueuses du moteur de l'appareil. Mais alors qu'un avion de la compagnie espagnole Wamos Air a du être affrété en urgence dans la foulée pour assurer le vol Paris-Dzaoudzi comme initialement prévu, la société tente difficilement de faire face à une situation qu'elle avait déjà rencontrée l'année dernière. Le président-directeur général d'Air Austral, Marie-Joseph Malé, fait le point*. Mayotte Hebdo : Comment expliquez-vous qu'une nouvelle fois le moteur de ce Boeing 787-7 ait présenté des traces d'usure "prématurée", selon les mots du communiqué envoyé par Air Austral ? Marie-Joseph Malé : Comme vous le savez, nous avons fait l'acquisition de deux Boeing – les 787 – en juillet 2016, lorsqu'on a démarré la desserte de Mayotte en direct. Ces deux avions sont équipés de moteurs Rolls Royce. Beaucoup d'opérateurs utilisent ces moteurs-là, dont de grandes références comme British Airways ou Singapore Airlines. Quelque temps après a commencé à apparaître sur ces moteurs une fatigue au niveau des ailettes, qui se trouvent dans les turbines. Je vous passe les détails techniques, mais elles ont commencé à montrer des signes d’usure de manière prématurée. Pour la même raison l'an dernier, beaucoup de compagnies ont dû arrêter leurs avions pour le remplacement d'une partie de ces ailettes. On savait à cette époque qu’il faudrait de toute façon réimmobiliser ces appareils pour pouvoir changer définitivement ces ailettes. Car parallèlement Rolls Royce a travaillé sur une conception différente
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ENTRETIEN
ON A MIS EN PLACE TOUTE UNE CELLULE DE CRISE des matériaux qui, là, peuvent ne pas présenter d’usure, ou du moins en présenter moins que ces ailettes-ci. C’est un travail classique des bureaux d’études d’ingénieur et ils ont fini par trouver quelque chose il y a tout juste un mois. Donc on sait que dans six mois ou un an ils auront la production suffisante pour remplacer toutes les ailettes de tous les moteurs qui posent actuellement problème. Les nôtres avaient été changées en partie, et on savait qu’il y aurait sans doute des choses à refaire dans le futur. Entre temps, on a donc nécessairement eu un plan de surveillance : dès que cette usure prématurée est apparue, c’est une responsabilité régalienne de l’État de surveiller les problèmes de sécurité au niveau des vols. Donc ils ont édicté ce qu’on appelle une directive de navigabilité qui s’impose aux compagnies aériennes et leur dit, en substance, qu’il faut mettre en place un plan de suivi et de contrôle périodique, tous les mois, tous les deux mois, en fonction des moteurs et de leur état. Pour pouvoir les évaluer, on fait un boroscope. C’est un peu comme une endoscopie : on envoie un tube avec une caméra à l’intérieur du moteur pour pouvoir tout filmer et voir comment ça se passe. Ce plan de surveillance s’impose à nous, avec des contrôles très réguliers. Le dernier avait été fait il y a un peu plus d’un mois sur cet appareil-là, au niveau de l’une des parties du moteur et on n'avait rien trouvé. MH : Alors que s'est-il passé lundi ? MJM : On faisait un boroscope – je dirais presque de routine – pour contrôler l'état des ailettes qui ont été changées, tenez-vous bien, il y a six à neuf mois, par
Rolls Royce ! Et lundi, effectivement, l'équipe de Rolls Royce a trouvé une ailette qui avait une fêlure. Donc cela signifie un arrêt immédiat de l’appareil, car la sécurité est en jeu. Ce qui devait être un contrôle de routine a révélé une usure totalement prématurée et inattendue puisqu’en réalité, ça fait partie des pièces qui ont été changées récemment, ce qui montre qu’effectivement on doit attendre la solution définitive. MH : En attendant cette solution qui peut arriver sous plusieurs mois, comment comptez-vous assurer les vols que devait initialement effectuer ce Boeing ? MJM : On a mis en place toute une cellule de crise, en deux phases : la première, je dirais que c’est la crise un peu aigüe qui a commencé lundi jusqu’au 10 juin à peu près. On a déjà affrété des appareils, on a mis en place des solutions : les passagers qui devaient partir mardi soir ont été acheminés via Tananarive et La Réunion, et ils [sont arrivés] à Paris entre une heure et une heure et demie de retard, donc je pense que de ce côté-là, on a plutôt bien travaillé. Dans les jours qui viennent, on va utiliser notre autre Boeing 787 pour essayer de faire les rotations Dzaoudzi-Paris, ce qui offre un niveau de confort important pour les Mahorais, et on utilisera plutôt le 747 sur Bangkok cette semaine. Puis on sera dans une deuxième phase à compter du 10 ou du 11 juin. On en train de chercher (un autre appareil, ndlr), et là on doit bien dire qu’on est pris de court. On est en train de chercher sur le marché un avion qui pourrait nous permettre véritablement de prendre le relai pour qu’on puisse assurer toute une partie de notre exploitation pour les deux ou trois mois à venir. MH : Quels sont les scénarios possibles ? MJM : À ce stade, c’est très compliqué d’imaginer complètement tous les cas de figure, car il y en a beaucoup. Ce que je peux dire aujourd’hui c’est que tous les vols sont maintenus à partir du 11. On n’a pas un choix infini d’appareils, il en faut un qui puisse se poser à Dzaoudzi, sinon on sera obligés d’utiliser un autre appareil qui n’est pas censé faire du Dzaoudzi-Paris, donc ça sera en nombre limité. Tout dépend du type d’appareil que l’on pourra trouver sur le marché. On se donne 24h ou 48h en fonction du type d’avion que l’on trouve : des A330-200, pourquoi pas des Boeing 777-200ER. On en a trouvé un lundi, mais deux heures après il avait disparu. L’alternative est simple : si on ne trouve pas, on sera bien obligés de rabattre les passagers sur La Réunion, ce qui n’est pas la meilleure solution. Il faut que l’on puisse en trouver une qui réponde au mieux aux attentes, mais nous sommes face à des circonstances extraordinaires où la sécurité est en jeu.
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MH : Justement, qu'en est-il de votre second Boeing 787 qui, lui, vole encore ? MJM : On a un plan de surveillance extrêmement rapproché sur le deuxième 787 : il devra faire un boroscope au mois de juillet. Cela touche à la sécurité des vols, donc il est très important, quand on a un moteur qui peut présenter des déficiences quelconques, de respecter ces plans de surveillance. Par exemple, Singapore Airlines, compagnie de référence, a acheté il y a quelque temps des 787 neufs avec des moteurs Rolls Royce. Deux mois après, ils ont dû les arrêter parce que ces moteurs présentaient une usure trop rapide et il n’y avait pas de moteur de rechange. C'est pour ça qu'on est en train de chercher des solutions. L'année dernière, nous avions dû remplacer ces ailettes par le même modèle, mais neuves, en attendant que le constructeur termine le nouveau modèle, qu'il commence à produire depuis près d'un mois et demi. Donc, dans le futur, nos moteurs n'auront plus ce genre de difficultés. Lorsque le premier avion sera de nouveau opérationnel, le second pourra être arrêté à son tour pour qu'on remplace les ailettes dans la foulée. MH : En attendant, n'est-il pas possible de mobiliser l'un de vos appareils actuellement déployés à La Réunion ? MJM : Non, ils n'auraient pas pu se poser. Moi je suis pour la piste longue depuis plus de sept ans parce que s'il y avait eu cette piste longue aujourd'hui, j'aurais pu poser l'un de ces appareils et ça aurait été particulièrement simple. Vous le savez, la desserte de Mayotte est complexe. Aujourd'hui, je ne peux pas poser ces avions ici et c'est la raison pour laquelle on s'est équipés des seuls avions qui pouvaient le faire, en attendant la piste longue. Si on ne les avait pas eus, les Mahorais n'auraient jamais pu faire l'expérience d'un vol direct vers Paris, contrairement à tout ce qu'on peut raconter. D'autres avions peuvent se poser à Mayotte, mais en effectuant des arrêts intermédiaires. Il faut aussi qu'il y ait des pilotes qualifiés, etc. MH : Cela fait déjà plusieurs fois depuis le début de l'année que l'un de vos avions opérant à Mayotte est immobilisé ou en panne, lésant les passagers mahorais... MJM : Les passagers partis lundi soir ont immédiatement rejoint La Réunion, et sont arrivés à Mayotte le lendemain ou le surlendemain. On est ici dans des circonstances extraordinaires où la sécurité est en jeu. L’arrêt de l’avion a été prononcé à la demande des autorités, je le rappelle. L’alternative, elle est simple : ça pourrait être d’annuler le vol et de rembourser les passagers, ce qui serait catastrophique. Notre objectif aujourd’hui, c’est de
pouvoir acheminer tous nos passagers avec le moins de désagréments possibles en terme d'horaires. DzaoudziParis, c'est une relation complexe. Si nous sommes les seuls à le faire, c’est parce que c'est compliqué. Concernant les dédommagements, on a une obligation de remboursement envers les clients qui le souhaiteraient, les choses sont relativement claires sur ce sujet. MH : À ce propos, le député Mansour Kamarine (LR) a récemment constitué une association des usagers du transport aérien à Mayotte, alors que circule dans le même temps une pétition contre le "racket" d'Air Austral. Quelle est votre réaction sur le sujet ? MJM : Monsieur Kamardine, comme tout le monde, est libre de faire ce qu'il veut. En ce qui me concerne, je me suis déjà exprimé plusieurs fois sur les tarifs. Depuis cinq ou six ans, la structure tarifaire n'a pas bougé, parce qu'on a mis un point d'honneur à ne pas élever nos tarifs. J'ai lu un certain nombre de commentaires sur le fait qu'on se soit alignés à 190 euros quand Corsair est arrivé. Je rappelle qu'en 2012, six mois après mon arrivée, le premier qui a lancé le Dzaoudzi-Réunion, c'est Air Austral au tarif de 199 euros. Et on offre toujours des tarifs à 190 euros, à 238 euros depuis peu, et même des places à des tarifs très intéressants sur Paris, mais cela concerne un nombre de places limité. Nous sommes sûrement victimes de notre succès, car lorsqu’on a un meilleur rapport qualité-prix, les gens préfèrent prendre les vols directs, plutôt que mettre 17h à arriver en passant par La Réunion. Je n'ai jamais empêché qui que ce soit de venir, et d'ailleurs j'appelle de mes vœux la compétition parce qu'on ne sera plus l'objet de toutes les critiques. Les gens doivent aussi comprendre la difficulté qu'on a à desservir en direct Dzaoudzi-Paris. La solution de facilité, pour nous, aujourd'hui serait simplement de faire Dzaoudzi-La Réunion-Paris, car il est très facile d'affréter un avion sur La Réunion. Mais on se bat pour ce vol direct qui a beaucoup amélioré la vie des Mahorais, notamment dans leur relation avec la métropole. Sur les 76 vols qu'on a pu nous lister entre le 1er mars et le 20 mai, on en a compté six qui affichaient un retard de plus de trois heures, si on exclut la panne simultanée des deux appareils (début mars, ndlr) – la probabilité que cela se produise est proche de zéro – et les conditions météo marquées par le passage du cyclone Kenneth. Donc, la critique ne résiste pas à l'analyse objective des faits. Il y a une instrumentalisation qui est faite par plein de personnes pour plein de raisons : libre à eux de le faire, mais ces appareils sont les seuls qui peuvent assurer la liaison Dzaoudzi-Paris, et les Réunionnais aimerait bien avoir de tels appareils pour rejoindre Paris, mais on a préféré les utiliser pour Mayotte. n *Entretien réalisé le mardi 4 juin.
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Laureline Pinjon
MAYOTTE ET LE NUMÉRIQUE
ERROR 976
NE PAS ÊTRE À L’AISE AVEC LES OUTILS NUMÉRIQUES PORTE UN NOM : "L’ILLECTRONISME." UN MOT-VALISE QUI TRANSPOSE LE CONCEPT DE L’ILLETTRISME AU DOMAINE DU NUMÉRIQUE. LOURD DE CONSÉQUENCES, IL PEUT RAPIDEMENT DEVENIR UN HANDICAP. À DEMBÉNI, DES FORMATIONS NUMÉRIQUES ONT VU LE JOUR AFIN DE FAIRE FACE À CE PROBLÈME. CLIQUER, C'EST PAR ICI.
les participants apprennent à pianoter, à cliquer et à surfer sur le net.
Au fond du Centre communal d'action sociale (CCAS) d'Iloni, à Dembéni : la salle multimédia. Elle est tapissée d'affiches qui expliquent les différents moteurs de recherches, les composantes d'un ordinateur, les fonctions d'une souris. Alignées face au mur, six personnes. Leurs visages se reflètent dans les écrans des ordinateurs qui s'allument peu à peu. Depuis trois mois, elles se retrouvent tous les mardis, mercredis et vendredis pour suivre une formation numérique. Ensemble,
Apprendre à taper sur un clavier L'objectif du cours d'aujourd'hui : envoyer un mail avec une pièce jointe. Si l'exercice peut paraître facile, il demande du temps aux apprentis. "La fenêtre en bas à droite c'est pour taper, écrire le message", précise le formateur, avant de rappeler qu'une adresse mail ne doit pas comporter d'espaces et doit être recopiée sans faute, "comme pour La Poste". Deux heures d'atelier plus tard, le mail est envoyé par la majorité du groupe. Apprendre à taper sur un clavier, ouvrir une boîte mail, faire une recherche en ligne : les débutants ont déjà parcouru un long chemin. Leur premier mois d'apprentissage a été entièrement consacré aux bases informatiques. Pour apprendre à manier la souris, ils ont passé une séance entière à tracer des traits sur le logiciel Paint. "J'ai essayé de leur faire comprendre que la souris était comme leur main, l'écran comme leurs yeux", se rappelle Batrolo Yssouf El-Yassion, le formateur numérique. Ce dernier tente d'être le plus pédagogue et réaliste possible. Essayer de comprendre le numérique quand on ne le maîtrise pas peut s'avérer très abstrait. Il cite l'exemple du bureau numérique qu'il avait modélisé sur un véritable bureau où il déplaçait les piles de papier pour faire comprendre le "copier/coller" à ses élèves. Avant leur formation, le monde numérique était quasi-inconnu pour la plupart d'entre eux. Madi Chadhouli n'avait par exemple jamais touché un ordinateur avant de franchir les portes de la salle multimédia d’Iloni. À présent, "c'est devenu un jeu, c'est mon football à moi", confie-t-il avant de se replonger dans
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son match. Il le gagnera : son mail sera envoyé. Pour lui, le plus dur, "c'est de se rappeler". Alors il note et annote dans un petit carnet les procédures à suivre. Comme ses camarades assises à sa droite, il dessine les icônes qu'il rencontre sur les écrans et écrit à quoi elles correspondent. Problème de connexion Deux écrans plus loin, Toiherdine Laithati. Elle appuie timidement sur les touches avec ses index, lettre après lettre. Sa motivation pour intégrer la formation : "devenir indépendante numériquement." Elle tient une boutique où elle vend des vêtements, et gérer les outils numériques l'aidera à communiquer et à passer commande. Chez elle, elle a un ordinateur sur lequel elle peut s'exercer, mais "Internet beugue tout le temps". Aux yeux du formateur, l'une des plus grosses difficultés de la maîtrise des outils numériques à Mayotte, c'est leur manque d'accès. Batrolo Yssouf avait déjà donné des cours d'informatique, en métropole. Ses élèves métropolitains avaient "déjà des bases" et surtout, un ordinateur et une connexion Internet. Avoir un ordinateur est encore chose rare dans certains ménages mahorais, et 19% des logements ont encore des difficultés d’accès à Internet à Mayotte, selon Zone ADSL. Plusieurs des apprentis s'en désolent, eux qui veulent "s'entraîner et réviser". Heureusement pour eux, la commune de Dembéni est bien équipée. En 2018, la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) de Mayotte lançait un appel aux projets pour la mise en œuvre d'actions d'accompagnement au numérique. De Sada à Dzaoudzi, 10 CCAS ont répondu à l'appel. Des formations en médiation numérique, des créations d'espace en libre accès, des accompagnements à domicile ou encore des sensibilisations au numérique ont alors été financées. En avril dernier, c'est la Maison digitale qui a ouvert ses portes à Cavani. Un modèle à suivre pour "accompagner à la prise en main d'outils digitaux", selon le Pacte ultramarin d'investissement dans les compétences (PUIC) de Mayotte. Illectronisme et illettrisme : de vieux amis Alors que tous les élèves tentent de joindre à leur mail une image, Moustafa perd un peu ses moyens lorsque le formateur s'approche de lui. Ce qui l'embête dans l'exercice d'aujourd'hui, c'est la rédaction du mail. Il se focalise sur les mots soulignés en rouge. L'animateur le rassure : "Ce n'est pas grave si tu fais des fautes. Et puis il faut savoir que l'ordinateur ne connait pas l'orthographe des mots shimaoré." Les ateliers numériques, eux, sont multilingues. Les explications données en shimaoré sont ponctuées de vocabulaire numérique français. Des "enregistrer sous", "navigateurs" et "envoyer" s'échappent alors des phrases shimaoraises des apprentis. "La formation est dispensée à 70% en français, 30% en shimaoré, et des fois on mélange même un peu d'arabe", précise le formateur. Si on peut apprendre à taper sur un clavier d'ordinateur, l'utilisation d'Internet nécessite de savoir lire. "L'illectronisme
découle des chiffres alarmants de l'alphabétisation et de la maîtrise du français à Mayotte", précise Laurie Toussaint, la directrice du CCAS de Dembéni. Au milieu des six élèves, une femme avec un casque audio sur la tête ne fait pas les exercices. Elle a abandonné la formation car elle ne maîtrise pas assez bien la langue de Molière. Mais le formateur lui laisse la possibilité de participer aux séances : "Je lui montre qu'Internet, ce n'est pas que des démarches administratives ou des sites compliqués qui nécessitent de parler français. Elle aussi elle peut en tirer bénéficie." Elle découvre alors YouTube et ses vidéos, et "scroll" (action de faire défiler, ndlr), les photographies sur Google Images. "Je tape l'adresse mail et je parle directement à mon conseiller" Le profil des apprentis se ressemble un peu. Âgés de 30 et 50 ans, beaucoup sont bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA) ou demandeurs d'emploi. Aujourd'hui, savoir maîtriser le traitement de texte et avoir un CV coloré sont devenus presque indispensables à l'emploi. Le PUIC de Mayotte, signé le 23 avril, souligne dès son préambule la transformation du marché du travail mahorais par "l'évolution rapide de la place du digital et du numérique". La lutte contre l'illettrisme et l'illectronisme sont l'un de ses objectifs majeurs. "Pôle Emploi dit à ses usagers qu'ils vont recevoir des mails, mais on ne leur explique pas ce qu'est un mail", déplore l'animateur des ateliers numériques. Grâce à sa formation, Soumatie Ali annonce fièrement avoir réussi à s'actualiser sur le site en charge de l'emploi. "Avant, pour avoir un papier, je devais aller sur place. Je devais prendre un taxi pour Mamoudzou et attendre longtemps au guichet. Maintenant, je me mets devant un ordinateur. Je tape l'adresse mail et je parle directement à mon conseiller."
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MAGAZINE
Au-delà de l'emploi, c'est la majorité des démarches administratives qui se résolvent à présent en ligne. Le gouvernement a annoncé dans son Plan d’action 2022 que, d’ici là, 100% des services publics et des démarches administratives seront dématérialisées. En fin de séance, le formateur présente le site Ameli de l'assurance maladie. Il parle aussi du DMP : le Dossier médical partagé. Les formés ont pour consigne de venir à la prochaine séance avec leurs documents de santé. Ils vont les scanner et les entrer en ligne dans un espace de stockage. Le dernier mois de formation sera entièrement consacré aux démarches administratives. Rendre ces dernières accessibles, c'est par conséquent faciliter l'accès au droit. Exister numériquement Dans le lot des "e-apprentis", Toumani Echati. Elle se réjouit à la découverte du nouvel univers que lui offre Internet. "On peut faire tellement de choses avec un ordinateur !" Même
si elle parle souvent via les appels en vidéo de Facebook à son fils en métropole, elle confie se sentir souvent exclue sans maîtrise des outils numériques. Le ressenti de Toumani n'est pas un cas à part, ni même un phénomène propre à Mayotte. En mars 2018, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) lance une enquête sur le sujet de l'illectronisme. Résultats : 50% des sondés avouaient avoir déjà ressenti une sensation de décalage avec leur entourage, au point de se sentir seuls à cause de l'emploi de certaines technologies. Exister numériquement, c'est exister socialement. Le numérique actionne souvent trois leviers majeurs : l'estime de soi, la préservation des liens sociaux et familiaux et l'apaisement psychologique, d'après une étude d'Emmaüs Connect, qui lutte contre l'exclusion numérique. Des facteurs qui, aux yeux des sociologues, facilitent l'insertion professionnelle, mais aussi sociale.
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Faire un pont entre la salle multimédia et l'accueil de proximité Sourires aux lèvres, les apprentis éteignent leurs machines et rangent leurs chaises. La salle multimédia se vide peu à peu. En libre accès depuis quelques années déjà, le CCAS a décidé de la mettre à disposition des ateliers numériques, parallèlement à son accueil social inconditionnel de proximité. "On a décidé de faire un pont entre les deux", explique Laurie Toussaint, la directrice du CCAS. Et pour cause : la plupart des usagers qui se présentaient à l'accueil demandaient conseil pour des démarches en ligne. "Face la multiplication de la dématérialisation de l'administration, on s'est
dit qu'on devait faire quelque chose pour développer l'accès au numérique, aussi bien en termes de moyens que de compétences." La première session d'atelier numérique a alors été accueillie à Iloni au mois de mars. Le projet a été victime de son succès avant même de débuter : cinq personnes ont été placées en liste d'attente pour la session de septembre prochain. Laurie Toussaint vise encore plus loin. Elle espère pérenniser et étendre les formations : "L'idée serait de développer des formations avec différents niveaux. Aussi bien pour des personnes illettrées, que des jeunes âgés de 20 ans." Car elle le rappelle, avoir un téléphone dans les mains ne fait pas de vous quelqu'un à l'aise avec le numérique.
Internet et Mayotte en chiffres - 2012 : c'est l'année à laquelle Mayotte accède pour la première fois à l'Internet haut débit grâce à son raccordement au câble sous-marin LION II (Lower Indian Ocean Network). - 41% de la population mahoraise utilise Internet de manière quotidienne, selon We are social, une agence digitale internationale. - 100ème : c'est la position de Mayotte au baromètre 2018 de Zone ADSL, qui classe la couverture internet des 101 départements français. L'île est avant-dernière, juste avant la Guyane. - 37ème : c'est la place de l'île dans le classement des 46 pays de la zone Afrique, en fonction de leur vitesse de téléchargement. Mayotte se positionne juste avant le Mali et Djibouti.
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OFFRES D'EMPLOI OFFRES DE FORMATIONS FICHES MÉTIERS TÉMOIGNAGES CONSEILS
Proman vous souhaite
une bonne fin de ramadan et une très belle Aïd 2019
PROPOSENT UNE FORMATION AU DIPLÔME D’ÉTAT D’ACCOMPAGNANT EDUCATIF ET SOCIAL A DIEPPE en MÉTROPOLE La formation d’une durée de 11 mois, alternant formation théorique et stage, permet de se présenter au diplôme d’État d’Assistant Educatif et Social (DEAES) et de travailler ensuite dans des structures médico-sociales auprès de personnes handicapées ou dépendantes de tous âges. Aucune condition de diplôme n’est requise pour s’inscrire. Il faut néanmoins réussir les épreuves de sélection : une épreuve écrite et une épreuve orale. Début de la formation : 4 novembre 2019
Inscription sur le site Internet de l’IFCASS www.ifcass.fr jusqu’au 31 juillet 2019. Renseignement : Auprès de l’IFCASS au 02.35.82.67.18 et sur son site Internet www.ifcass.fr Auprès de LADOM au 02.69.61.51.28 et sur son site Internet www.ladom.fr
www.facebook.fr/ifcass
Conditions d’entrée : Être inscrit au Pôle Emploi / avoir entre 18 et 30 ans / Avoir un foyer fiscal à Mayotte dont le quotient familial est inférieur à un montant qui vous sera communiqué par LADOM / Ne pas avoir bénéficié d’une autre aide à la mobilité dans l’année / Satisfaire aux épreuves de sélection.
OFFRES D'EMPLOI TRAVAILLEUR SOCIAL - MAISON DES ADOLESCENTS (H/F)
ASSOCIATION MLEZI MAORE - 976 - MAMOUDZOU L'association recherche pour sa Maison des Adolescents à Mamoudzou, un travailleur social H/F à temps plein. Accueil du public Évaluation de la situation sociale, sanitaire et familiale
COLAS - 976 - KOUNGOU
ROUTIER / ROUTIÈRE
ANIMATEUR SOCIOCULTUREL / ANIMATRICE SOCIOCULTURELLE
Conduit un véhicule routier lourd (poids total autorisé en charge -PTACsupérieur à 3,5 tonnes) afin de transporter des marchandises (produits, véhicules, ...), en moyenne ou longue distance
ECOLE MATERNELLE WANA COMBA - 976 - TSINGONI
Missions: Conçoit des projets d'animation socioculturelle pour le public, les met en place et les coordonne afin de favoriser la communication et le développement du lien social
COMPTABLE (H/F)
ADECCO MAYOTTE - 976 - MAMOUDZOU Adecco Mayotte recherche pour son client spécialisé dans les locations de voitures, un(e) comptable. Vous aurez en charge la comptabilité de l'ensemble de l'établissement
FORMATEUR / FORMATRICE DE FORMATEURS (H/F)
MAYOTTE CONSULTING ET FORMATION - 976 - MAMOUDZOU Le formateur doit proposer une méthode et un contenu pédagogique adaptés. Il doit donc maîtriser les programmes des matières enseignés pour cela les compétences pédagogiques sont donc un pré requis
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL (H/F)
HOLD-INVEST - 976 - KOUNGOU Sous l'autorité du président et du directeur général, le secrétaire général est chargé d'assurer le bon fonctionnement de l'entreprise en pilotant et coordonnant les activités d'administration
INFIRMIER PUERICULTURE (H/F), MAYOTTE (H/F)
COMPTABLE FOURNISSEURS (H/F)
* voir site Pôle emploi
AUTEUIL OCEAN INDIEN AGEPAC MAYOTTE - 976 - MAMOUDZOU Participer au positionnement des jeunes entrants - Organiser et mettre en place des séances collectives en lien avec l'examen du Code de la route et de l'ASR, en tenant compte des besoins du public
976 - MAMOUDZOU Recherche: COMPTABLE FOURNISSEURS (H/F) Vous intégrez un grossiste alimentaire à Mayotte. Au sein du service comptable de l'entreprise, vous vous concentrez sur tous les achats
le cahier
mploi & formation MINISTERE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET SOLIDAIRE AVIS DE RECRUTEMENT SANS CONCOURS FEMME-HOMME ADJOINT(E) ADMINISTRATIF(VE) 1ERE CLASSE DE L’ETAT spécialité comptabilité AU TITRE DE 2019 La Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement de Mayotte recrute, sans concours, un(e) adjoint(e) administratif(ve) 1ère classe – spécialité comptabilité pour le service infrastructures, sécurité, transports à la subdivision territoriale de Kawéni. I – Calendrier :
VI – Constitution du dossier :
Date limite de clôture des inscriptions : le 14 juin 2019
Le dossier devra comprendre obligatoirement : aUne adresse postale, aUne lettre manuscrite motivant leur candidature, aUn curriculum vitae (CV) détaillé indiquant le niveau d’études, le contenu et la durée des formations suivies, les emplois occupés. aun numéro de portable aune adresse courriel.
Date de l’entretien oral et des épreuves pratiques des candidats sélectionnés : les 17 et 18 juillet 2019 à la DEAL Résultats : le 19 juillet 2019 à midi Aucune information ne sera délivrée ni par téléphone, ni sur place. Pour toute information, veuillez utiliser l’adresse de messagerie suivante : arlcompta.ufc.sg.deal-mayotte@developpement-durable.gouv.fr
VII – Date et lieu du dépôt de votre dossier : Votre dossier est à envoyer au plus tard, uniquement par mail, le :
II – Fonctions : 14 juin 2019, à midi, date de clôture des inscriptions à l’adresse suivante : • Organiser la polyvalence entre les 3 comptables du pôle route. • assurer la comptabilité de la subdivision et la continuité de la comptabilité au sein du pôle route (subdivision, parc et ingénierie). • Veiller au suivi de la conformité aux règles de comptabilité publiques. • Saisir et suivre les engagements et mandatements via chorus formulaire. • Saisir et suivre les marchés via les logiciels PLACE et GEMME ; CHORUS • participer au suivi des tableaux de bord financier et de marchés des unités du pôle route.
arlcompta.ufc.sg.deal-mayotte@developpement-durable.gouv.fr Les dossiers incomplets et les dossiers parvenus après la date de clôture des inscriptions ne pourront pas être pris en compte. Un accusé de réception vous sera adressé par retour de mail vous indiquant que votre dossier a bien été pris en compte et sa complétude. VIII – Sélection des candidatures :
III – Qualités requises pour l’emploi et contraintes du poste : • Sérieux, autonomie, sens de l’organisation, disponibilité, capacité d’analyse, savoir développer et mettre en œuvre ses connaissances rédactionnelles techniques et administratives • Connaissance de la comptabilité publique et de l’organisation comptable du MTES/DGITM • Connaissance de la gestion financière des marchés publiques • Connaissance de l’utilisation d’OPEN OFFICE (texte et calcul) • Obligation de présence durant la clôture budgétaire.
Une commission procédera à la sélection des candidatures. La liste des candidats devant être auditionnés sera affichée dans les locaux du siège de la DEAL le vendredi 21 juin à 12h00 Les convocations des candidats retenus à participer à l’épreuve pratique et à un entretien oral avec le Jury, seront envoyées par mail et pourront être également retirées au Bureau des Concours de la DEAL, dès parution de la liste. L’audition des candidats se déroulera de la manière suivante :
I V – Rémunération et statut : Pendant l’année de stage, votre rémunération brute mensuelle sera d’environ 2579 € incluant les primes mensuelles. Vous êtes nommé(e) adjoint(e) administratif(ve) stagiaire, pour une année, au terme de laquelle, si vous donnez satisfaction, vous êtes titularisé(e). V – Conditions générales requises : Pour vous présenter aux épreuves, vous devez remplir les conditions générales d’accès à la Fonction Publique : aavoir la nationalité française ou être ressortissant de l’Union Européenne ajouir de vos droits civiques aavoir un casier judiciaire sans mention incompatible avec l’exercice des fonctions aêtre en situation régulière au regard du code du service national aêtre physiquement apte à l’exercice des fonctions
1 - Entretien oral (durée : 30 minutes maximum) L’entretien oral avec le jury portera sur les expériences personnelles et éventuellement professionnelles du candidat ainsi que sur sa motivation et sa capacité d’adaptation à l’emploi offert. La commission, pendant cet entretien, vérifiera également l’aptitude du candidat à accomplir les missions qui lui seront confiées. 2 – Épreuve pratique (durée : 1 heure) Suite à l’entretien oral, les candidats admissibles passeront une épreuve pratique portant sur les connaissances de l’outil informatique et permettant d’évaluer les qualités comptables du candidat. À l’issue des entretiens, la commission arrêtera le nom du candidat sélectionné (sous réserve de la vérification des pièces justificatives ). Ce dernier sera informé par courrier et par mail. IX – Date de nomination et prise de poste : La prise de poste interviendra à compter du 1er septembre 2019.
MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayotte.hebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Geoffroy Vauthier Rédactrice en chef adjointe Houdah Madjid
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Couverture :
Entretien, avec le PDG d'Air Austral Journalistes Ichirac Mahafidhou Lyse Le Runigo Hugo Coeff Romain Guille Solène Peillard Ornella Lamberti Correspondants HZK - (Moroni) Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan, Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mouhamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com
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VI – Constitution du dossier :
Date limite de clôture des inscriptions : le 12 juin 2019
Le dossier devra comprendre obligatoirement : aUne adresse postale, aUne lettre manuscrite motivant leur candidature, aUn curriculum vitae (CV) détaillé indiquant le niveau d’études, le contenu et la durée des formations suivies, les emplois occupés. aun numéro de portable aune adresse courriel.
Date de l’entretien oral et des épreuves pratiques des candidats sélectionnés : les 17 et 18 juillet 2019 à la DEAL Résultats : le 19 juillet 2019 à midi Aucune information ne sera délivrée ni par téléphone, ni sur place. Pour toute information, veuillez utiliser l’adresse de messagerie suivante : ufc.sg.arlcompta.deal-mayotte@developpement-durable.gouv.fr
VII – Date et lieu du dépôt de votre dossier : Votre dossier est à envoyer au plus tard, uniquement par mail, le :
II – Fonctions : 12 juin 2019, à midi, date de clôture des inscriptions à l’adresse suivante : • Organiser la polyvalence entre les 3 comptables du pôle route. • assurer la comptabilité de la subdivision et la continuité de la comptabilité au sein du pôle route (subdivision, parc et ingénierie). • Veiller au suivi de la conformité aux règles de comptabilité publiques. • Saisir et suivre les engagements et mandatements via chorus formulaire. • Saisir et suivre les marchés via les logiciels PLACE et GEMME ; CHORUS • participer au suivi des tableaux de bord financier et de marchés des unités du pôle route.
ufc.sg.arlcompta.deal-mayotte@developpement-durable.gouv.fr Les dossiers incomplets et les dossiers parvenus après la date de clôture des inscriptions ne pourront pas être pris en compte. Un accusé de réception vous sera adressé par retour de mail vous indiquant que votre dossier a bien été pris en compte et sa complétude. VIII – Sélection des candidatures :
III – Qualités requises pour l’emploi et contraintes du poste : • Sérieux, autonomie, sens de l’organisation, disponibilité, capacité d’analyse, savoir développer et mettre en œuvre ses connaissances rédactionnelles techniques et administratives • Connaissance de la comptabilité publique et de l’organisation comptable du MTES/DGITM • Connaissance de la gestion financière des marchés publiques • Connaissance de l’utilisation d’OPEN OFFICE (texte et calcul) • Obligation de présence durant la clôture budgétaire.
Une commission procédera à la sélection des candidatures. La liste des candidats devant être auditionnés sera affichée dans les locaux du siège de la DEAL le vendredi 21 juin à 12h00 Les convocations des candidats retenus à participer à l’épreuve pratique et à un entretien oral avec le Jury, seront envoyées par mail et pourront être également retirées au Bureau des Concours de la DEAL, dès parution de la liste. L’audition des candidats se déroulera de la manière suivante :
I V – Rémunération et statut : Pendant l’année de stage, votre rémunération brute mensuelle sera d’environ 2579 € incluant les primes mensuelles. Vous êtes nommé(e) adjoint(e) administratif(ve) stagiaire, pour une année, au terme de laquelle, si vous donnez satisfaction, vous êtes titularisé(e). V – Conditions générales requises : Pour vous présenter aux épreuves, vous devez remplir les conditions générales d’accès à la Fonction Publique : aavoir la nationalité française ou être ressortissant de l’Union Européenne ajouir de vos droits civiques aavoir un casier judiciaire sans mention incompatible avec l’exercice des fonctions aêtre en situation régulière au regard du code du service national aêtre physiquement apte à l’exercice des fonctions
1 - Entretien oral (durée : 30 minutes maximum) L’entretien oral avec le jury portera sur les expériences personnelles et éventuellement professionnelles du candidat ainsi que sur sa motivation et sa capacité d’adaptation à l’emploi offert. La commission, pendant cet entretien, vérifiera également l’aptitude du candidat à accomplir les missions qui lui seront confiées. 2 – Épreuve pratique (durée : 1 heure) Suite à l’entretien oral, les candidats admissibles passeront une épreuve pratique portant sur les connaissances de l’outil informatique et permettant d’évaluer les qualités comptables du candidat. À l’issue des entretiens, la commission arrêtera le nom du candidat sélectionné (sous réserve de la vérification des pièces justificatives ). Ce dernier sera informé par courrier et par mail. IX – Date de nomination et prise de poste : La prise de poste interviendra à compter du 1er septembre 2019.