Le mot de la rédaction
Partout et tout le temps Vous êtes-vous déjà posé la question : "Pourrions-nous revenir en arrière, à l'époque du téléphone filaire, des fax, des courriers postaux, de l'incertitude d'une certaine manière, mais aussi de la surprise ?" Difficile à imaginer, car le net est désormais de partout. Les échanges d'informations défilent sur nos écrans d'ordinateur, sur nos smartphones, tout autour de nous. Nos réflexes mêmes sont conditionnés par l'immédiateté. Un retard sur la route ? On prévient immédiatement ses proches. Un doute sur un trajet ? On allume le GPS. Quelques minutes d'ennui ? On suit l'actualité. Bref : plus aucun espace n'échappe à la toile. Fatigant ? Oui parfois, mais inexorable. A-t-on encore, en effet, le temps d'écouter le bruit des vagues et celui de la barge ? Le temps de regarder un feu s'allumer ? Celui de parler à son voisin ou à l'inconnu(e) qui passe par là ? Le temps, tout simplement, de laisser faire les choses ? À Mayotte, le haut débit est arrivé en 2012. Et l'île s'est vite mise au pas depuis. Elle est désormais largement couverte par les Tél. 0269 63 63 03
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différents réseaux. Ils dictent, ici aussi, nos vies. Dans ce numéro, nous nous penchons sur les habitudes mahoraises en la matière. Quelles sont les recherches qui reviennent le plus souvent ? Qu'a changé le net dans nos quotidiens ? Quel espoir porte-t-il en termes de développement ? Autant de questions auxquelles nous essayons de répondre de manière ludique. Nous vous présentons aussi Mariama Ibouroi Mze, une jeune femme qui a su faire parler de Mayotte et du reste de l'archipel grâce à son entreprise, par laquelle elle propose des produits locaux en métropole. Enfin, nous avons laissé la parole à l'écrivain Nassur Attoumani. Il nous parle de ses projets, mais aussi de Mayotte. Et pour cela, quoi de mieux que la littérature ? Quelque chose qui prend du temps, qui se travaille, qui n'est pas dans l'immédiateté. Quelque chose qui se savoure, se laisse digérer, et qui marque pour longtemps. Cela fait du bien.
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coup d’œil dans ce que j'en pense
Laurent Canavate
Mayotte Hebdo n°352, vendredi 12 octobre 2007
Les bénévoles, l'élu, l'administration et le privé Il y a des centaines, des milliers de personnes sur cette île qui consacrent leur temps libre à des projets, des actions, des causes. Ils le font bénévolement, dans des associations la plupart du temps. Ils y sacrifient un peu leur famille, un peu leurs amis, un peu leurs loisirs. Ils reçoivent parfois des frais de déplacement, mais c'est rare. C'est plutôt de leur poche qu'ils doivent sortir de l'argent. Très souvent même. C'est une manière d'apporter leur pierre à l'amélioration de la société dans laquelle nous vivons, une manière de s'occuper de nos enfants pour leur proposer du sport ou d'autres activités. Une manière de s'occuper des plus démunis, une manière d'aider les enfants à mieux réussir leur scolarité par des cours de soutien scolaire, une manière de protéger notre environnement, de le faire mieux connaître, une manière de se retrouver entre amis(e)s pour aller danser, pour des sorties, des balades. Une manière de faire vivre la culture, les traditions, l'histoire. Une manière de se retrouver autour d'une religion. Une manière de défendre des intérêts… La vie associative est riche, elle a un rôle social essentiel. Elle est aussi une école de la démocratie par ses règles, son fonctionnement, ses projets à mener, ses équipes à constituer, à motiver pour continuer. Par les missions qu'elles remplissent, par leurs rôles dans la société, les associations sont souvent logiquement soutenues par les pouvoirs publics, par les collectivités locales du territoire concerné. Et là on rentre dans l'administration… Une administration efficace, sérieuse, dédiée à l'intérêt général, doit faire son travail. C'est un rouage essentiel de la société, un mal nécessaire ont dit certains. C'est en effet par ses fourches que transite l'essentiel de nos contributions financières à la société. Nos taxes et nos impôts doivent donc être orientés par les femmes et les hommes que nous avons élus et doivent servir aux projets décidés par la majorité. Ils ne doivent pas servir à faire vivre une partie de la population sur le dos de l'autre. Une administration efficace est indispensable. Il y a des services à faire fonctionner, des services à rendre, à l'image du STM. Des retards de paiement dans les subventions aux associations sont de ce fait intolérables pour les bénévoles que nous sommes souvent, à un moment ou un autre de la journée. Des retards de paiement à des entreprises, pour payer des salariés qui ont déjà effectué le travail, est encore plus intolérable. L'administration doit être au service des citoyens, elle doit participer à faire fonctionner la société, faciliter l'activité, mais surtout pas constituer un frein, un blocage, un poids trop lourd à tirer. L'embauche ou le maintien en poste de gens incompétents nuit inéluctablement aux services. Dans une association, une telle personne est rapidement évacuée au profit d'autres plus motivées. Dans une entreprise la personne est licenciée. Dans une administration elle est toujours là. Elle change éventuellement de service, par souci de discrétion. Elle encombre les bureaux quand elle s'y rend. Elle fait croire qu'elle s'occupe du dossier, mais ne
fait rien… Elle constitue une plaie et provoque régulièrement des problèmes aux autres citoyens. Mais elle se cache derrière son service et continuera à être payée chaque mois, tandis que les bénévoles payeront de leur poche ou mettront en berne leurs projets. Tandis que les entreprises seront mises en difficulté à cause d'une personne étrangère à l'équipe. Une personne qui freinera des projets créateurs d'emplois, malgré la qualité du travail effectué, malgré les risques pris et les choix parfois difficiles qu'il a fallu prendre et assumer. Car dans une entreprise, à la fin du mois il faut payer les salaires. Contrairement aux administrations où certains ont l'impression que l'argent tombe du ciel, inlassablement. Et le souci arrive quand certains mélangent un peu tout ça. Ils prennent la tête d'associations pour espérer se faire élire et coulent une structure pourtant bien utile à beaucoup. Il suffit de regarder les principales ligues de sport qui sont en piteux état. Certains se font élire pour espérer faire fortune en distribuant une partie de la masse financière qu'ils voient défiler aux bons endroits, à leurs amis, et pour voyager aux frais des contribuables. Ils oublient que le bénévole oeuvre par conviction, sans espérer le moindre retour financier. Ils oublient que l'élu choisit de consacrer un morceau de sa vie, le temps de son mandat, à la gestion de la chose publique, pour prendre en main le destin d'un groupe d'individus. Ils oublient que l'administration est là pour gérer loyalement, sérieusement, les moyens à sa disposition. Pas les attribuer à des amis en détournant les critères établis, en pratiquant un clientélisme éhonté. Beaucoup oublient que le salarié du privé, le chef d'entreprise prennent des risques tous les jours, que le salaire n'est jamais garanti à la fin du mois. Mais que le travail bien fait est rétribué en conséquence. Les élus ne doivent pas espérer faire fortune avec l'argent public. La loi et la justice finiront par les rattraper. Dans les administrations; les gens incompétents oublient qu'il y a des obligations de résultat parce qu'on ne leur dit pas… Ils croient qu'ils vont rester à leur poste ad vitam aeternam et continuer de nuire, alors que d'autres tentent d'avancer. Ces gens-là se croient détenteurs des clés du coffre, mais l'argent ne leur appartient pas. Ils croient disposer d'un droit de vie et de mort sur les associations, sur les entreprises. Ils se croient forts pour pouvoir bloquer un dossier, en pousser un autre… Ce n'est pas le principe de l'égalité républicaine, ce n'est pas le principe de l'impartialité de l'administration. Il faut faire un grand ménage dans les administrations. Vite ! Il y a des personnes très compétentes, très motivées, mais elles se découragent, elles sont étouffées par trop d'incompétents. Il faut des départs en préretraite pour les plus anciens. Il faut surtout des sanctions pour les autres qui ne viennent même pas à leur travail. De même pour les élus, il y en a de vraiment motivés par l'intérêt général, rares, ils doivent se faire entendre, se faire respecter par leurs administrations. C'est à ce prix là que chacun pourra se consacrer à son travail efficacement, sereinement.
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Conseil général : trois gros dossiers bloqués "Les réponses à trois appels d'offres pour la conduite d'opérations économiques de grande envergure à l'échelle territoriale sont étouffées dans "le sanctuaire du tiroir" au Conseil général. Alors que l'on approche de la limite du délai légal pour l'ouverture des offres, rien ne bouge pour autant", déplorions-nous dans ce numéro. Le Schéma régional de développement économique, le Schéma territorial d'aménagement des zones d'activité économique, et l'aménagement et la commercialisation des neuf sites de développement touristique majeur, arrêtés par le Plan d'aménagement et de développement durable (Padd), n'avancent en effet pas. Nous nous interrogions : "Pourquoi la Collectivité mettrait-elle en péril la réalisation de ces chantiers vitaux pour le développement économique de l'île, la création d'emplois, alors que par ailleurs elle en a initié le mouvement ? " Réponse d'une source de l'institution : "Tout le monde veut croquer. Comme des amis ou de la famille n'ont pas répondu, ou ne peuvent être sélectionnés au vu des critères du marché, ils préfèrent jouer la montre, et laisser mourir la procédure dans un tiroir. C'est ce qu'ils ont fait pour le ponton croisiéristes." Des pratiques qui seraient "monnaie courante" selon cette même source. Mayotte Hebdo n°433, vendredi 19 juin 2009.
Vendeurs à la sauvette : Mamoudzou fait place nette La mairie de Mamoudzou tente de faire fuir les vendeurs à la sauvette. Une scène devenue "presque banale au marché", soulignions-nous. Une de ces vendeuses témoigne : "Il est environ 15h au marché de Mamoudzou. Ma Fatima, une jeune dame âgée d’une trentaine d’années, est assise sur un muret à côté des feux tricolores. Ses yeux sont emplis de larmes et, autour d’elle, la foule s’amasse. La jeune femme ne cesse de se lamenter : “J’étais de l’autre côté du feu quand la Police nationale est arrivée. Je ne les ai même pas vus venir. Ils ont stoppé net leur voiture et m’ont tout pris : les tomates, les oranges, les concombres. J’ai réussi de justesse à sauver la salade." Problème : en plus des rivalités qui apparaissent avec les vendeuses légales du marché – "Les mamans du marché couvert payent à la Chambre de commerce et de l’industrie entre 150 et 250 euros par mois pour les boxes" –, cette vente sauvage pose des problèmes sanitaires, les produits proposés échappant aux contrôles mis en place.
Il y a 5 ans
Il y a 10 ans
c'était dans MH
Mayotte Hebdo n°664, vendredi 20 juin 2014.
la photo d'archive Les mamans contre la suppression du visa Balladur
Août 2012 : lors d'une session plénière au Conseil général, les élus sont pris à partie par un collectif de plusieurs associations mahoraises représentées par leurs éléments féminins. Les femmes de Mayotte entendent faire adopter par leurs élus une motion demandant le maintien du visa Balladur dans sa forme actuelle. Une grogne qui fait suite à une proposition sénatoriale de suppression dudit visa.
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tchaks
Le chiffre 60
La phrase
L'action Mon école, ma mangrove L'association des Naturalistes et le vicerectorat de Mayotte ont signé jeudi, une convention de partenariat qui s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du projet "Mon école, ma mangrove", pour l'année scolaire 2019-2020. Cette convention vise à sensibiliser 9.000 scolaires à la préservation de la nature et à l’importance du respect de l'environnement et de l’espace public. À titre de rappel ces zones humides concentrent une forte proportion de déchets plus ou moins toxiques et dangereux qui exposent la population à divers risques sanitaires.
"Nous avons renforcé tous les effectifs de police et de gendarmerie mobile sur ce secteur, à la fois pour faire de la présence mais aussi de la médiation" Mardi 19 juin, lors d'une réunion publique réunissant les habitants et les cadis, le directeur de cabinet du préfet, Étienne Guillet, tente de rassurer les riverains, encore sous le choc des violents affrontements qui ont eu lieu dans le village le dimanche précédent. Le haut fonctionnaire a ensuite poursuivi : "On peut parler d'un retour au calme pour l'instant mais cela ne doit pas cacher les choses sur la durée, d'autres actions vont être mises en place pour que l'on retrouve de la sérénité."
C'est le nombre de nouveau-nés enregistré par le Centre hospitalier de Mayotte (CHM) en une journée il y a une quinzaine de jour. Un pic de naissance qui en dit long sur la situation du CHM. Lors d'un point presse organisé en début de semaine dernière, Christophe Caralp, chef de pôle Urgence, réanimation, Samu, évacuations sanitaires et caisson hyperbare (Ursec), s'exprimait sur la situation du CHM, qui fait face à "une très forte activité." Il déclarait notamment : "nous jonglons avec les moyens du bord." Pour y remédier, la direction a décidé de monter un dossier en urgence, sur demande de l'Agence régionale de santé (ARS) qui souhaite les accompagner financièrement. "Au regard des places dans le service, nous devrions évasaner un certain nombre de bébés. Or, il est actuellement très compliqué de les évasaner puisqu'ils sont, pour la plupart, très fragiles. Nous espérons donc pouvoir aboutir, d'ici un an, à la mise en place de cette capacité supplémentaire pour pouvoir les soigner dans les meilleures conditions possibles", espère Catherine Barbezieux Betinas, directrice du CHM.
La photo de la semaine
La flamme des Jeux des îles arrive à Mayotte
Dimanche 16, la flamme des Jeux des îles de l'océan Indien fait son arrivée à Mayotte, accompagnée de danses, de chants traditionnels et de colliers de fleurs, et en présence de représentants de l'État, du Conseil départemental, du vice-rectorat, du président du Cors, Madi Vita, etc. C'est la première fois que le symbole passe par Mayotte. Quant aux problèmes diplomatiques demeurant avec l'Union des Comores, "ce sont des choses qui se discutent au plus haut niveau et on espère tous une issue en faveur de Mayotte. En attendant, ce qui compte, c’est que nos athlètes performent", a estimé Bourouhane Allaoui, conseiller départemental de Koungou et président de l’Office du sport de Mayotte.
Sport
Le proverbe
Des lycéens de Pamandzi au Liban Ils se sont envolés lundi matin pour Beyrouth. Une équipe de six élèves de terminale du Lycée de Petite- Terre représentera Mayotte à la neuvième édition des Jeux internationaux de la jeunesse (JIJ). L’évènement débute ce mardi 19 au Liban et s'y tiendra jusqu'au lundi 24. Quelque 57 équipes issues de 36 pays différents participeront à cette mini-olympiade, mêlant épreuves sportives et défis culturels. Les JIJ sont organisés chaque année par l’Association des établissements français à l’étranger (AEFE) et par l’Union nationale du sport scolaire (UNSS).
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Fazaa nyengi ushia. Une grande peur permet d'échapper au danger.
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Le flop Le top Succès pour la manifestation contre le prix de l'aérien À l'appel des collectifs et associations, ils s'étaient réunis simultanément en métropole, à La Réunion et à Mamoudzou, où ils étaient près de 500. En cause : le prix des billets d'avion pratiqués par la compagnie Air Austral, mais aussi plus largement la problématique de la desserte aérienne de Mayotte et d'une hypothétique piste longue. L'occasion pour les manifestants de parapher un texte "pour la saisine de Monsieur Emmanuel Macron, président de la République française, sur la problématique aérienne à Mayotte et les manœuvres déloyales de la compagnie réunionnaise Air Austral."
Ils font l'actu Anouèche Ben Said Ali
Le Mahorais, Anouèche Ben Said Ali, a été décoré d'une médaille pour acte de courage et de dévouement par le préfet de police de Paris mercredi matin. Le 8 octobre 2018, le gardien de la paix avait arrêté un forcené armé d'un couteau qui menaçait les usagers du métro parisien. Le sous-préfet Anthmane Aboubacar était présent lors de la cérémonie aux côtés du sénateur Thani Mohamed Soilih.
La majorité sabre un projet de loi pour Mayotte
Alors que la proposition de loi relative à la programmation du rattrapage et au développement durable de Mayotte du député Mansour Kamardine a été déposée le 30 avril, le parti présidentiel (LREM), majoritaire, a d'ores et déjà envoyé un mauvais signe à son rapporteur, le député lui-même. La Commission des lois a en effet rejeté l'article 1er, qui détermine les objectifs de l'effort national en faveur du 101ème département : "mettre à niveau les infrastructures de transport, réaliser l’égalité sociale, garantir la libre administration des collectivités territoriales, s’inscrire dans une trajectoire bas carbone, renforcer le développement économique endogène et sa position dans son environnement régional."
Nafissata Mouhoudhoire
L'inspectrice de l'action sanitaire et directrice adjointe de la Direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS) Nafissata Mouhoudhoire a reçu jeudi soir, les insignes d'officier de l'ordre national du Mérite. Cette récompense entérinée par décret présidentiel vient saluer l'engagement social de l'inspectrice à travers ses différentes fonctions notamment à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, mais aussi dans le secteur associatif et pour la défense de la condition féminine sur l'île en tant qu'ancienne déléguée aux droits des femmes.
municipales 2020
Diplomatie
Le bal des élections municipales 2020 est ouvert à Sada. La maire de la commune verra ainsi une cérémonie d'investiture organisée par son comité de soutien se tenir le dimanche 23 juin, de 15h à 18h, place de la Boulangerie. Par ailleurs, le délégué régional de La république en marche, Stanislas Guérini, a présenté lundi les noms d'une vingtaine de têtes de liste du parti lors d'une conférence de presse à Paris. Parmi elles : Roukia Lahadji, qui sera donc également candidate à sa propre succession à Chirongui.
Mayotte, au cœur des relations franco-russe Rivalités sut Twitter entre le ministère russe des Affaires étrangères et le quai d'Orsay. En cause : la publication par ce dernier d'une vidéo qualifiant d'illégale l'annexion de la Crimée par la Russie. En réponse, dès le lendemain, Moscou incitait le président Emmanuel Macron à aborder également de la situation de Mayotte. Réplique des autorités françaises : "Mayotte est l’illustration parfaite d’un référendum transparent et juste. Bien différent de l’annexion illégale de la Crimée par la Russie."
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à la rencontre de...
Houdah Madjid
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Mariama Ibouroi Mze
Gérante de la Maison Jahazi Mariama Ibouroi Mze est à la tête de la Maison Jahazi, entreprise spécialisée dans la vente de produits traditionnels originaires de Mayotte, et plus largement dans l'archipel des Comores. Établie en région parisienne, la jeune femme ambitionne de faire découvrir les îles par le biais de son site de vente en ligne : lamaisonjahazi.com. Épicerie fine, santé et bien-être, beauté, le site internet de la Maison Jahazi se veut au plus proche de Mayotte et des autres îles de l'archipel. Un objectif que s'est fixée la gérante de l'entreprise depuis un an, Mariama Ibouroi Mze. Née à Mayotte d'une mère mahoraise et d'un père Grand comorien, la jeune femme a vécu une partie de sa vie à La Réunion, "au début des années 1990, une des premières vagues de Mahorais qui partaient vers La Réunion", se souvient Mariama Ibouroi Mze qui a poursuivi sa scolarité sur l'île intense jusqu'au baccalauréat. Une fois ce dernier en poche, elle s'envole en direction de l'Hexagone. Elle se tourne d'abord vers un cursus en droit, mais réalise très vite que ce choix ne lui convient pas : "je ne voyais pas quelle sortie professionnelle j'allais avoir". La jeune femme se réoriente et poursuit avec un BTS Transport, "par élimination". Un secteur qui la passionnera in fine. "Il y avait beaucoup de garçons, très peu de filles. Je vais rarement là où on m'attend, c'était vraiment intéressant", indiquet-elle. S'en suivra un DUT en logistique en alternance. Au niveau professionnel, elle poursuivra dans le même domaine, en tant qu'agent de transit puis affréteur routier international de marchandises en région parisienne. "J'avais un portefeuille de clients et devais leur trouver des transporteurs", explique la jeune femme. Suite à un licenciement économique en 2015 l'aventure ne continuera pas. Une nouvelle page se tourne pour celle qui souhaite tirer un trait sur le secteur du
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Du local en métropole Avec succès, Mariama Ibouroi Mze distribue des produits de l'archipel en métropole : "Je ne me voyais pas reprendre le transport routier. C'était l'occasion de me lancer dans l'entrepreneuriat."
Ce qu'ils en disent Ahamada Binali, collaborateur de Mariama Ibouroi Mze
"Très débrouillarde" "Mariama aime l'ordre et l'organisation. Elle essaye toujours d'être prévoyante dans son quotidien. C'est une fille très débrouillarde, très manuelle qui fait beaucoup d'efforts dans son travail et elle s'en sort très bien".
transport et se familiariser avec l'entrepreneuriat. Pendant un an, elle est suivie par Pôle emploi. "Je ne me voyais pas reprendre le transport routier, confie-t-elle. C'était l'occasion ou jamais de me lancer dans l'entrepreneuriat". De formation en formation, Mariama Ibouroi Mze se forge avant de proposer son projet, Umoja, qui voit le jour en 2017, et qui deviendra un an plus tard La Maison Jahazi. "Plus intéressant de défendre une région qu'une île" Au début, elles étaient deux, toutes les deux suivies par la BGE en région parisienne afin de mener à bien leur projet. C'est en 2018, que Mariama Ibouroi Mze prend la tête de La Maison Jahazi, anciennement Umoja. Un concept nouveau doté d'un e-shop, lamaisonjahazi.com, qui propose dans l'Hexagone des produits locaux comme les masques nettoyants au
msindzano, du curcuma naturel et autres épices, savons parfumés au bois de santal, huile de coco, anchar de citron, farine de manioc, etc. Une immersion au cœur de la culture et des traditions ancestrales de l'archipel des Comores et pas uniquement de Mayotte insiste Mariama Ibouroi Mze. "Je fais la promotion de l'archipel des Comores, je ne fais pas de politique. À savoir qu'il y a des choses que je ne trouve pas à Mayotte, mais que je retrouve à Anjouan ou en Grande Comore. Je n'ai pas encore eu l'occasion d'aller à Mohéli". Et d'ajouter : "C'est plus intéressant de défendre une région, que de défendre une île. C'est ce que j'explique aux Mahorais de métropole qui souhaiteraient que je parle que de Mayotte. Nous avons quasiment les mêmes plats, les mêmes tenues, le msindzano tout le monde le porte. À Mayotte, certaines épices sont de Madagascar, qui a déjà beaucoup
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d'entreprises en région parisienne assurant sa promotion. Nous, nous avons aussi de bons produits qui peuvent se valoriser en métropole." Si Mariama Ibouroi Mze, effectue des allers-retours entre l'archipel et la métropole en quête de fournisseurs pour le déploiement de son e-shop, le transport de la marchandise reste une problématique à résoudre. "Je fréquente beaucoup d'entrepreneurs comoriens, car ils sont plus visibles [en métropole], explique-t-elle. L'idée est de savoir comment nous pouvons arriver à travailler ensemble, réussir à mutualiser nos forces pour constituer un conteneur par exemple. Comment arriver à mettre en place quelque chose pour que ça nous revienne à tous moins cher". Un projet en réflexion. Autre bémol, "nous n'arrivons pas à savoir combien d'entrepreneurs exercent dans l'agroalimentaire ou font de l'import-export en dehors de la région parisienne", souligne-t-elle. En effet, une fédération permettrait aux entrepreneurs de l'archipel de cotiser ensemble et de faciliter le transport des marchandises. Un point important pour celle qui est limitée en termes de quantité."Chacun est dans son coin, ce qui est dommage", déplore-t-elle. "Les mamans ont plus de logistique que nous", indique Mariama Ibouroi Mze qui fait remarquer qu'elles organisent leur stock sur une année voire deux lors de leur voyage "au pays". Vente et transmission culturelle Lors de salons et d'évènements culturels, durant lesquels Mariama Ibouroi Mze a l'occasion de s'entretenir régulièrement avec ses différents clients, l'entrepreneuse s'est rendue compte que la jeunesse de métropole issue de la diaspora ne connaissait pas les produits locaux relatifs à leurs îles et ne savait pas les utiliser non plus. Une information qui fait défaut de génération en génération selon la jeune femme. "Les jeunes arrivent sur un territoire et consomme ce que le territoire leur donne. Quand ils veulent se rapprocher de leur pays, ils se rendent dans les commerces
asiatiques dits tropicaux pour avoir des produits de chez eux", explique-t-elle. "En Europe les gens sont fatigués des produits industriels. [Chez nous], nous avons la chance d'avoir des produits naturels. Le [but] est de mettre en avant notre terroir ainsi que nos territoires." Si l'entreprise est encore jeune, Mariama Ibouroi Mze est contente de compter parmi ses clients les femmes de la communauté qui viennent souvent pour le msindzano et découvrent en parallèle d'autres produits. "Des jeunes citadines", décrit-elle. Une génération qui ne se rend pas souvent dans l'archipel et qui découvre par la même occasion une autre utilisation des produits locaux comme les cookies à base de farine de manioc proposés par la Maison. À la surprise de la dirigeante, quelques hommes de la communauté sont eux aussi adeptes du msindzano. L'entrepreneuse se réjouit notamment du succès que rencontre l'entreprise auprès des métropolitains et des différentes communautés africaines. Des priorités sont à l'ordre du jour, comme le développement du e-shop "qui a du mal à décoller", confie Mariama Ibouroi Mze. En effet, la jeune femme rentabilise plus lors des évènements et souhaiterait déployer davantage la stratégie marketing digitale afin d'élargir sa clientèle à travers tout l'Hexagone. "Ça fait beaucoup seule, mais j'apprends énormément."
Ce qu'ils en disent Kalathoumi, sœur de Mariama Ibouroi Mze
"Elle aime apprendre" "Elle est très passionnée par ce qu'elle fait. C'est une battante, même si elle ne comprend pas quelque chose, elle va tout faire pour y arriver. Elle cherche toujours à améliorer ses compétences et en apprendre d'autres. Elle aime apprendre. Elle aime savoir et ne sera pas tranquille tant qu'elle n'aura pas sa formation".
Mariama Ibouroi Mze, exposera du 1 er au 14 juillet prochains au Quai des créateurs, boutique éphémère sise au cœur de la ligne 3 du métro de Paris, station Galliéni. Une nouvelle occasion de faire découvrir aux passants la culture de l'archipel avec toutes ses déclinaisons, ses couleurs et ses saveurs.
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50 nuances
de net Pour une fois, Mayotte n'échappe pas à la règle. Depuis 2012 et l'arrivée du haut-débit sur l'île, la couverture internet n'a eu de cesse de s'améliorer. Résultat : une population connectée, adepte des réseaux sociaux, et une toile qui relie Mayotte au reste du monde. Résultat : le net est désormais (presque) partout dans notre quotidien. Si les recherches internet en disent parfois beaucoup sur les habitants de l'île, cette connexion est aussi l'occasion pour eux de se saisir de l'actualité, de promouvoir l'île aux parfums, de faire parler d'eux, mais aussi d'espérer un développement économique basé sur ces nouvelles technologies.
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le dossier
Geoffroy Vauthier
web
Ce qu'il faut retenir en chiffres
Pour bien comprendre l'importance d'Internet à Mayotte, Voici quelques uns des chiffres à connaître. Source : Rapport We are social 2019.
244 900 107 900 41% 93% Le nombre d'utilisateurs internet sur l'île, soit
Le nombre d'abonnements mobile à Mayotte. Soit
de sa population
de sa population
101 100 34% soit
Le nombre d'utilisateurs actifs sur l'internet mobile à Mayotte
de sa population.
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+3,5% La hausse des abonnements mobiles en une année (janvier 2018 – janvier 2019), soit 8 253 abonnements en plus.
+17%
La hausse des utilisateurs actifs sur les réseaux sociaux en une année (janvier 2018 – janvier 2019), soit 14 000 utilisateurs en plus.
+25% 95 000 Le nombre d'utilisateurs actifs sur les réseaux sociaux à Mayotte, soit 36% de sa population. Parmi eux, ils sont 89 000 à utiliser ces réseaux sociaux sur mobiles : 34% de la population de l'île.
Facebook regroupe 91 000 utilisateurs à Mayotte, ce qui en fait le premier réseau social utilisé sur l'île. En deuxième position, Instagram et ses 22 000 utilisateurs, suivi du réseau social professionnel, LinkedIn, qui regroupe 15 000 utilisateurs, puis de Twitter avec 5 600 utilisateurs. *L'analyse de We Are Social ne dispose pas de données sur Snapchat, très répandu notamment chez les adolescents, et ne prend pas en compte TikTok, récent réseau qui cartonne chez les adolescents.
La hausse des utilisateurs des réseaux sociaux sur mobile en une année (janvier 2018 – janvier 2019), soit 18 000 en plus. Le top 15 des recherches Google à Mayotte En 2018 1 – Mayotte 2 – Facebook 3 – Youtube 4 – Google 5 – Traduction 6 – Télécharger 7 – Gmail 8 – Film
9 – Google traduction 10 – Hotmail 11 – Jeux 12 – Streaming 13 – Air Austral 14 – Pronote 15 – Mp3
Le top 15 des recherches YouTube à Mayotte En 2018 1 – Film 2- Dadju 3 – Film complet 4 – Musique 5 – Mayotte 6 – Film complet en français 7 – MHD 8 – Comores 15
9 – Niska 10 – Aya Nakamura 11 – Goulam 12 – Coran 13 – Fortnite 14 – Siou 15 – Vegedream
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le dossier
Houdah Madjid
Tourisme
Instagram : une vitrine pour l'île
Lancé en octobre 2010 le réseau social Instagram rencontre un réel succès auprès des jeunes mais aussi des plus âgés. Avec pour principe le partage de photos et de vidéos, le réseau social comptabilisait en 2018 plus d'un milliard d'utilisateurs à travers le monde. Un outil stratégique pour faire découvrir l'île sous ses plus beaux clichés.
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Instagram c'est ce rendez-vous numérique où chacun exprime sa joie, sa colère, ses coups de foudre ou de folie sous ses plus belles photos. Un rendez-vous aussi pour découvrir les coins les plus insolites et les cultures du monde. En l'espace de quelques clics, l'application permet de partager photos, vidéos, stories accompagnés de hashtags permettant de catégoriser les publications donc favoriser leur visibilité. Tel est le cas avec le hashtag #Mayotte qui comptabilise à lui seul 110 000 publications et #mayotteisland avec 10 300 publications. D'autres hashtags plus généralistes permettent de faire découvrir l'île aux utilisateurs des quatre coins du globe en langue anglaise pour plus de visibilité. En effet, si Instagram s'avère être un outil stratégique pour les entreprises pour son influence sur l'achat, le réseau social a également son impact sur le choix des destinations touristiques. Chose bien assimilée par les utilisateurs de l'île qui ne lésinent pas sur les hashtags #gotoMayotte dévoilant des paysages à couper le souffle, en ville ou en campagne, scènes de vie quotidienne, îlot de Sable blanc, eau turquoise, couchers de soleil. Aussi, des coutumes et des traditions, avec des clichés réguliers à l'occasion de mariages mahorais, outre le lagon et ses dessous, le tout saupoudré de filtres (ou pas). La vidéo a également sa place sur Instagram. Sous les formes de vidéo classique ou de story valable 24h, ces options s'utilisent également avec le hashtag #Mayotte à des moments plus opportuns : voulé, virée en bateau, randonnée, concert, venue d'un artiste et autres. Bien que le réseau social attire plus les jeunes, les utilisateurs révèlent un réel éclectisme culturel propre à Mayotte. Du photographe professionnel dévoilant les
plus beaux spots de l'île, à la touriste venue de l'île voisine pour piquer une tête dans le lagon mahorais et s'essayer au salouva, en passant par le jeune ultraconnecté qui fait découvrir les dédales de son village, tous sont promoteurs de la vie et de la culture sur l'île aux parfums au travers du réseau social.
"Attirer les regards sur Mayotte par de belles images" Du côté du Comité départemental de Tourisme de Mayotte (CDTM), les réseaux sociaux ont aussi une carte à jouer. Créé en début d'année, le compte Instagram officiel du CDTM, @mayottetourisme, comptabilise 1 000 abonnés pour moins de 100 publications. "On prend la main doucement dessus, il y a beaucoup de regards de ce coté là, [à utiliser] avec les bons hashtags", explique Toiha Issihica, webmaster du CDTM. Un moyen "d'attirer les regards sur Mayotte par de belles images". Le compte Twitter quant à lui, @MayotteTourisme, n'est pas "le réseau favori pour la promotion touristique", souligne le webmaster. Le compte a été repris en début d'année 2019, des publications sporadiques relatives à l'actualité sont toutefois présentées. "Facebook est le réseau le plus utilisé", indique Toiha Issihica. Créé en 2014, la page @tourisme.mayotte compte aujourd'hui 7926 abonnés. Sur cette page, sont mises en avant les activités et les différentes prestations proposées sur l'île. "Il y a beaucoup de visibilité de ce côté, on nous contacte beaucoup via notre page pour des renseignements concernant les prestations à Mayotte". n
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le dossier
Solène Peillard
recherches
Mahorais : ce qu'Internet dit de vous
Chaque mois, 165 000 requêtes contenant le mot-clé "Mayotte" sont effectuées en moyenne sur Google. Agences de voyage et sites institutionnels écartés, que cherchent ces internautes à propos de l'île aux parfums, quand et pourquoi ? Quid des Mahorais ? Navigation dans la mémoire numérique du 101ème département.
Records
Référendum, Miss France et météorite
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La plus grosse recherche internet concernant Mayotte a été enregistrée le 29 mars 2009, jour où la population mahoraise a approuvé à plus de 95 % le référendum qui transformera l'île en département. Ce jour-là, Mayotte figure dans les recherches des départements d'outre-mer, de la Polynésie française, du Gabon, du Mali, de Djibouti, de la Nouvelle-Calédonie, et même, en moindre proportion, des États-Unis, de l'Inde, de la Chine et de l'Australie. En dehors d'évènements exceptionnels, les requêtes concernant le département sont très majoritairement émises depuis Mayotte ellemême, puis les Comores et La Réunion, à l'exception de l'année 2011 où la départementalisation a attiré quelques curieux. Sur les cinq dernières années, le plus gros pic de recherches concernant l'île aux parfums a été enregistré le 13 mars 2018, quelques semaines après le début du dernier mouvement social de cette année-là. Au total, 301 000 recherches mensuelles ont eu lieu sur ce sujet. En deuxième position, c'est la journée du 13 avril 2016 qui s'impose, au lendemain des premières émeutes
Pornographie
Une Vie pas si privée En métropole, les recherches contenant les mots "porno" ou "pornographie" sont souvent associées à des sites dédiés précis ou à des pratiques bien spécifiques : BDSM (bondage, domination, soumission et masochisme), MILF (équivalent de femme mature), et autres fétichismes. Mais concernant Mayotte, les critères de sélection sont tout autre, et majoritairement basés sur l'ethnicité : "porno black" représente la requête la plus fréquemment tapée en matière de pornographie depuis Mayotte et sur les cinq dernières années. Plus bas dans le classement et par ordre de popularité, figurent également "porno français", puis "africain" ou "africaine", ainsi que "malgache". Mais depuis quelques mois, le terme "porno Comores" enregistre une grande progression, ainsi que la pornographie gay, elle-même plus souvent recherchée que les vidéos d'orgies sexuelles par exemple. Sur la même période de temps et toujours selon les données de Google, Passamaïnty serait la ville la plus consommatrice de pornographie numérique, suivie par Hajangoua, Sada, Labattoir et Chiconi. Les sites dédiés les plus visités localement seraient YouPorn et Pornhub. Coquinoux !
urbaines perpétrées pendant la grève générale contre la violence et l'insécurité. Un évènement qui totalise 165 000 recherches mensuelles. Aussi, un évènement d'un autre genre a également été très "googlelisé" par les internautes métropolitains : la chute de Miss Mayotte 2016, en direct à la télévision lors de l'élection nationale au mois de décembre. Enfin, sur les seuls douze derniers mois, la plupart des requêtes portant sur Mayotte concernent les aléas climatiques : les recherches des résultats du bac mis de côté, le passage du cyclone tropical Kenneth survenu au mois d'avril se distingue comme l'évènement le plus recherché sur cette période. Il est suivi de la chute de la météorite au large de Mayotte en février, qui semble avoir suscité bien plus d'intérêt virtuel que la découverte du nouveau volcan ou la naissance de l'essaim de séismes. En revanche, un autre pic de recherches a été enregistré le 30 novembre, alors que le magazine international National Geographic publiait un article sur "De mystérieuses ondes sismiques propagées depuis Mayotte".
le dossier
YouTube
Vitrine de la culture
Chaque jour, les internautes passent plus d'un milliard d'heures de visionnage sur YouTube au total à travers le monde. À Mayotte, les vidéos les plus recherchées ces douze derniers mois concernent principalement le debaa, danse et chant
traditionnels mahorais, qui constitue également, depuis un an, l'un des principaux sujets de recherches des internautes mahorais ailleurs sur le web. La vidéo la plus vue contenant le mot-clé "Mayotte" vient en réalité d'une autre île, puisqu'il s'agit de la bande sonore de la musique Kayambo Kayambo, chantée par une certaine Sandra Mayotte, originaire de Maurice. Concernant les productions locales, la plus visionnée, la chanson Kara la Mahaba de Zaïnouni, cumule aujourd'hui 537 000 vues, neuf ans après sa mise en ligne. La grande majorité des autres vidéos les plus vues à propos de l'île aux parfums compte d'autres compositions d'artistes locaux comme Komo ou Lathéral. Apparaissent également dans cette liste des documentaires sur le lagon, l'immigration ou la tradition des manzaraka. Depuis près d'un an, les vlogs (ou vidéo-blogs) réalisés sur le 101ème département par des voyageurs ou des locaux fleurissent sur YouTube. Alors que les mots-clés "Mayotte" et "culture" associés ne représentent qu'une petite centaine de recherches mensuelles sur Google, la plateforme de création de contenus s'impose comme la plus grande vitrine numérique du patrimoine immatériel de Mayotte.
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Politique Un faible intérêt
Les recherches concernant la politique à Mayotte sont rares. Elles ne représentent qu'une vingtaine de requêtes par mois dans le monde et portent généralement sur la situation politique de l'île dans son ensemble. De très loin, le principal pic de recherches a été enregistré en janvier 2010, en pleine visite du Président de la République d'alors, Nicolas Sarkozy, particulièrement suivie par les Mahorais évidemment, ainsi que par les Réunionnais, et en moindre proportion, quelques métropolitains. Durant les quatre années qui ont suivi l'évènement, les requêtes
liées à la politique mahoraise apparaissent certes plus régulières, mais considérablement moins nombreuses, particulièrement depuis les dernières élections législatives en 2017. Néanmoins, le nom de Marine Le Pen semble être de plus en plus associé aux recherches portant sur Mayotte, où la leader du Rassemblement national a réalisé son meilleur score lors des dernières européennes. Quoi qu'il en soit, aucun pic de recherches à grande ou petite échelle ne concerne la relation géopolitique entre Mayotte et l'Union des Comores.
Bonus Les 10 pages les plus visitées La liste ci-dessous a été actualisée le 18 juin et est susceptible de changer, particulièrement concernant les articles de presse. Ce classement* tient compte du nombre de visiteurs mensuels à travers le monde de chacune de ces pages traitant de Mayotte. 1. Wikipédia (EN)
Mayotte : 75 300 visites par mois 2. Encyclopædia Britannica 2 Mayotte (EN) : 21 400 visites par mois 3. BBC - Troubles à Mayotte les insulaires français rassemblent les "étrangers" 3 (EN) : 5 500 visites par mois 4. TripAdvisor Hôtels et plages à Mayotte (FR) : 4 300 visites par mois 4 5. ilemayotte.com 5 (EN) 4 100 visites par mois 1
6. france.fr 6 Visitier Mayotte (EN) : 3 200 visites par mois 7. YouTube Mayotte, l'île au lagon 7 (EN) : 2 600 visites par mois 8. aljazeera.com Îles de la mort 8 (EN) : 2 300 visites par mois 9. wordpopulationreview.com 9 Mayotte population 2019 (EN) : 2 200 visites par mois 10. booking.com 10 Mayotte (FR) : 2 100 visites par mois
*Données tirées du site Ubersuggest. WikiTravel et WikiVoyage inclus. - 2 Encyclopédie britannique de référence, éditée depuis 1768. - 3 Article paru le 17 mars 2018. 4 Site d'avis de clients concernant des établissements et activités touristiques. Pages "Hôtels" (2 100 visites) et "plages" (2 200 visites) confondues. 5 Guide touristique gratuit de Mayotte, anglophone et francophone. 6 Site polyglotte d'information touristique et culturelle en France. 7 Vidéo originale en anglais, mise en ligne le 5 mai 2016. 8 Article paru le 3 février 2016 sur le site de l'agence de presse partiellement financée par le gouvernement qatari. 9 Site américain de données démographiques et projection de croissance. 10 Site de réservation d'hébergement en ligne 1
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Grégoire Mérot
L'information pour tous (et par tous) Lilo Fidjo, comme il se fait appeler sur Facebook est le créateur et administrateur du fameux groupe "Infos Routes Mayotte". Si le groupe reste "une famille où l'on se sent bien", selon ses mots, le groupe est aujourd'hui d'une ampleur telle qu'il implique une forte responsabilité de la part de son père fondateur. " Attention à Passamaïnty, un groupe de jeunes avec des bâtons! " Sur fond rouge, le message d'alerte est pour le moins succinct, mais a le mérite d'être clair. Sur le net mahorais, c'est la première information que l'on t r o u v e concernant les graves violences qui ont émaillée l a soirée du dimanche 16 juin à Passamaïnty. Le premier média à relayer les évènements ne le fera que le lendemain matin. Fournir une information collaborative et utile, voilà l'essence de nombreux groupes Facebook qui maillent la toile de Mayotte. Ici, c'est I.R.M, pour Info Routes Mayotte. Comme son nom l'indique, la page à vocation à faire passer tous types de messages concernant l'état des routes et la circulation dans l'Île. Bien souvent, c'est aussi là que l'on retrouve les premiers
éléments concernant des faits divers. Il faut dire qu'I.R.M, si l'on se fie aux chiffres du compteur Facebook, c'est un potentiel réseau de 45 564 correspondants, soit plus de 20% de la population. Et si certains utilisateurs sont plus réguliers que d'autres dans leur publication de contenu sur le groupe, on note tout de même pas moins de 3 000 publications en moyenne chaque mois. Preuve, s'il en fallait, de la vitalité du groupe, mais aussi de son importance dans la vie publique mahoraise. Incontournable, on retrouve même en son sein des institutionnels à l'instar de la préfecture de Mayotte. Forts de cette légitimité acquise en cinq ans, les administrateurs du groupe n'hésitent plus à interpeller directement les autorités compétentes. Suite aux violences de Passamaïnty, on peut même retrouver une lettre ouverte aux autorités. "Message au service de communication de la préfecture ici présent", peut-on lire en lettres capitales. La suite est une demande pressante "d'intervention musclée de police." Et si le message n'était pas assez clair, le post est assorti d'images chocs des blessures prises le soir des évènements. Des images que l'on retrouvera plus tard dans un média "officiel" de l'île, barrée de la mention "Infos routes Mayotte". Le groupe collaboratif est devenu une source d'information à part entière. Vecteur d'informations sur la circulation donc, mais aussi de circulation de l'information.
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Lilo Fidjo, créateur du groupe Infos Routes Mayotte
"Plus qu'infos route, c'est infos tout !" Mayotte Hebdo: Pourquoi avoir créé Infos routes Mayotte (I.R.M)? LF : Tout simplement parce que j'ai vu que les autres départements français avaient de nombreux moyens pour retrouver ce genre d'informations pratiques (les conditions de circulations, ndlr), alors qu'à Mayotte il n'y avait rien. Etant donné que je me déplace beaucoup et aux quatre coins de l'île puisque je suis commercial, j'ai voulu faire profiter des informations que j'obtenais. MH : Comment expliquez-vous le succès du groupe ? LF : Car c'est le seul ! Il est utile et pratique, les gens s'y sentent à l'aise. C'est vraiment devenu une famille et le reflexe I.R.M s'est intégré dans le quotidien de beaucoup de Mahorais, que ce soit pour demander une information ou pour en partager une. Par ce biais, l'accès à l'information est très facile. Et c'est aussi ce qui explique que l'on soit passé "d'Infos routes" à "Infos tout" en quelque sorte. MH : Vous avez-même pris la parole concernant les évènements de Passamaïnty. Avez-vous conscience d'une certaine responsabilité sociale à travers ce groupe ? LF : Les évènements m'ont poussé à le faire, mais ce n'est pas la première fois que je publie ce genre de messages. Cela a pu arriver lors des grandes grèves ou des manifestations contre l'insécurité par exemple. I.R.M est suivi par tout le monde, dont la police, la gendarmerie, la préfecture etc. Tout Mayotte y est, alors en général le message passe très bien. À travers ce groupe, j'ai pu tisser des liens avec les différentes administrations et tout le monde y trouve son compte.
Facebook, c'est aussi du business
Par A.I
Les réseaux sociaux, ce n'est pas que des photos et des infos. Parmi les possibilités : faire connaître son petit business artisanal, avec parfois un vrai succès à la clé. Exemple avec Zahara.
Sans emploi pour le moment, Zahara, 33 ans, s’est rappelée de ce que sa mère et sa grand-mère lui enseignaient : "ne jamais rester sans rien faire dans la vie." Il est dans la culture mahoraise de préparer des mets et des gâteaux pour les grands évènements et occasions. Il arrive même que la personne responsable du foyer, la maman ou la mamie, se mette à vendre des samossas, biscuits, beignets, crêpes ou encore petits gâteaux cuisinés en famille pour gagner quelques sous et pouvoir faire quelques achats : un beau salouva, des ustensiles de cuisine qui lui ont tapé dans l’œil, etc. En somme : un esprit de solidarité, de convivialité et de partage des moments de vie ensemble, alliant l’utile à l’agréable. Avec les moyens modernes de communication, il était donc facile pour Zahara de trouver une clientèle déjà
Concernant les événements de Passamaïnty, c'est un policier qui m'a fait parvenir les images des blessures. Cela arrive régulièrement et le groupe est un bon moyen pour contourner le devoir de réserve… J'ai décidé de les utiliser pour faire passer un message et je sais qu'il a été entendu. MH : Vous n'êtes pas dépassé par ce qu'est devenu I.R.M ? LF : C'est vrai que cette année, ça prend une autre tournure. Mais comme je le disais, I.R.M reste une grande famille et je crois qu'il faut garder cela en tête. MH : Comment contrôlez-vous les fausses informations qui pourraient être publiées ? LF : Tout le monde peut publier mais j'ai paramétré le groupe pour qu'il y ait approbation en amont des publications. Ma compagne ou moi vérifions l'information et si nous avons des doutes, nous la supprimons mais nous essayons d'être le plus possible en flux continu. Et concernant les informations que je publie, je n'ai aucun doute puisqu'elles viennent de gens très sérieux de mon réseau, souvent de la police ou de la gendarmerie. Lorsqu'il y a des dérapages de la part de membres du groupe, on met la personne en sourdine pour un jour ou plus. En général, ça calme ! (Rires) Mais c'est quelque chose d'assez rare, l'ambiance est très bon enfant. MH : Vérification des informations, réseau de confiance, etc. Finalement vous faites un peu un travail de journaliste, non ? LF : Oh non ! Je ne suis pas journaliste et je ne prétends pas l'être. Je fais tout simplement cela par civisme.
présente dans sa liste d’amis Facebook. Elle se décide à tester l'expérience : "L’avantage est que je peux travailler à partir de chez moi tout en m’occupant de mon foyer, avec mes tantes qui m’aident pour la préparation des gâteaux." Tout de suite, c'est le succès. "La période la plus affluente est la période des fêtes, mais aussi la période du mois de Ramadan où beaucoup de clients cherchent à épater leurs convives et invités", explique-t-elle en citant un autre exemple : "J’ai une commande pour 500 euros pour début juillet." Les réseaux sociaux étant en effet "le bouche-à-oreille moderne", la réputation de sa production se répand rapidement. Ce moyen de se faire de la pub, lui permet même de recevoir des commandes de personnes vivant dans des communes éloignées de la sienne, et même depuis la métropole. Et depuis, elle avoue même recevoir des demandes d’amis sur Facebook… uniquement pour ses gâteaux. Et de se réjouir : "Je ne savais pas que cela prendrait une telle ampleur au départ, mais au vu du succès, je pense acheter du nouveau matériel pour cuisiner de nouvelles. recettes. Petit à petit, je compte en faire une petite entreprise beaucoup plus sérieuse."
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Benoît Almeras (avec G.D)
influenceurs
les personnalités à suivre sur le net Le + humoriste
Vous pouvez les trouver sur Twitter, Instagram, Snapchat, Facebook, YouTube en utilisant les hashtags #mayotteisland, #mahorais ou encore #976. Eux, ce sont les personnes qui mettent, à leur manière, Mayotte sur la carte des réseaux sociaux depuis quelques années. Nous vous présentons certains d’entre eux, connus mais aussi plus confidentiels.
Ahamadi Boura El-Farouk, AKA Eliném* Facebook @elinemvideo | YouTube Eliném | Snapchat elinem095 À 23 ans, et après près de cinq ans d’activité sur YouTube, Eliném rassemble environ 480 000 abonnés sur sa chaîne YouTube. Ses 110 vidéos cumulent aujourd’hui plus de 66 millions de vues (au 19 juin 2019). Une success-story surprise, puisqu’Eliném ne se destinait pas à une carrière d’humoriste. Le PetitTerrien (il est originaire de Labattoir) voulait d’abord faire du chant. Une passion qui se retrouve aujourd’hui dans ses vidéos, qui mêlent souvent sketches et chansons rap populaires. Sa carrière de Youtubeur, Ahamadi la commence après avoir "découvert des YouTubeurs comme Mister V ou Norman". "Ils m’ont donné envie de faire comme eux", raconte-t-il. Au-delà de faire rire, il souhaite aussi montrer une autre image du département. "On entend parler de violence et de délinquance. Moi je veux montrer que les jeunes de Mayotte peuvent aller loin."
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Jane Jaquin Twitter @janerosemay | Instagram @janejaquin Facebook @jaquinjane | Snapchat janerosemay
La + managée
Jane Jaquin est une personnalité bien connue des utilisateurs des réseaux sociaux à Mayotte. Avec près de 7 000 followers sur Facebook et autant sur Instagram, elle est aussi l’une des plus emblématiques. L’animatrice de "Cheveux chéris", émission diffusée sur Mayotte La 1ère, voit ses réseaux d’abord comme une manière d’interagir avec son public. "J’ai créé ma première page Facebook en 2012 avec ma première émission diffusée sur Mayotte La 1ère", relate Jane Jaquin. "C’était surtout un moyen de ne pas voir des gens me rajouter comme amie sur mon compte privé." Elle créera peu après son compte Instagram et son compte Snapchat – réseau social qui deviendra son réseau de prédilection pour la proximité qu’il lui offre avec les autres utilisateurs. "Je partageais tout dans mes stories", se remémore la présentatrice. "Des délires, mais aussi des conseils que je donnais aux étudiants mahorais qui allaient en métropole. C’est de là que j’ai tiré mon surnom de ‘Tatie Jane’". Jane Jaquin raconte aussi ses difficultés à séparer sa vie privée et sa vie publique sur
les réseaux. Depuis la fin de l’année 2018, elle recourt aux services d’un manager, pour pouvoir mieux gérer son image. "Ça m’a permis de prendre un peu de distance par rapport aux réseaux sociaux", confie l’animatrice TV, ajoutant que "c’est aussi plus simple pour gérer des sollicitations au quotidien." La comédienne assure ne pas gagner sa vie avec son image publique et ne pas vouloir accepter de faire du "placement de produit", et ce bien que l’une des vidéos publiées sur sa page Facebook mette en avant le magasin "Meuble & déco". "Je n’accepterai de rémunération que si je peux relayer des messages d’utilité publique", affirme pourtant Jane Jaquin. "Ce que je veux, c’est d’abord alerter sur des situations difficiles que connaissent les jeunes ici et qui sont peu ou pas évoquées." Dernier exemple en date ? En partageant son histoire, celle d’une enfant abandonnée par son père biologique, elle a ému de nombreux utilisateurs de Twitter et mis en lumière une situation difficile partagée par d’autres enfants de Mayotte.
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Le + expert
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Éric Décombe Twitter @rico976 | Reddit u/msieurrico Parmi les influenceurs vivant à Mayotte, c’est peut-être l’un des plus discrets, mais sans doute pas le moins important. Éric Décombe est le chef du bureau aménagement numérique territorial du 101ème département. Son fil Twitter est une mine d’informations pour qui s’intéresse aux télécommunications à Mayotte. "J’essaie de relayer nos actions et nos progrès en matière de télécommunications", lance cet expert en géomatique [discipline désignant le traitement informatique de données géographiques, NDLR]. "La grande majorité de mes publications sont liées à mon travail, car il y a un déficit de communication du Conseil départemental sur les projets menés." Éric Décombe relaie ainsi les travaux de déploiement de la fibre optique au sud de Grande-Terre, des cartes sur l’impact potentiel que celui-ci aura sur les habitants de Mayotte, etc. Il essaie également d’évangéliser les utilisateurs à l’utilisation des
données géographiques et des outils numériques, un écho à ses autres fonctions. "Je suis également formateur au sein du Centre national de la fonction publique territoriale, j’apprends aux fonctionnaires à mieux maîtriser les outils et les logiciels à leur disposition." Être plus accessible, c’était l’objectif d’Éric Décombe en rejoignant Twitter en 2013 : "C’est toute l’utilité de ce réseau social, on peut toucher rapidement des personnes expertes dans leur domaine et les solliciter en cas de besoin", conclut-il. Outre ses activités sur Twitter et au sein du Conseil départemental, Éric Décombe est également l’un des animateurs du site Observatoire de Mayotte (www.observatoire-de-mayotte.fr) – coordonné par la direction de l'Environnement, de l'aménagement et du logement (Déal). Ce site compile différentes données, notamment les parcelles cadastrales, les risques de glissement de terrain, entre autres.
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La + informatrice Pour les familiers du parcours d’Abby Said Adinani, l’histoire est connue : lorsqu’elle débarque en retard pour sa rentrée en école de journalisme à Paris en 2011, personne n’est au courant du mouvement social qui secoue Mayotte à l’époque et qui explique son arrivée tardive. "Quand j’ai informé mes profs et mes camarades de classe, ça avait été une surprise pour eux", se rappelle Abby. L’école de journalisme lui apprend à utiliser Twitter. "Au début, ça ne me parlait pas, mais rapidement j’ai vu certains de mes camarades de classe l’utiliser comme un outil professionnel, pour caler des entretiens", raconte la journaliste qui se pique de plus en plus au jeu des tweets, retweets et hashtags. C’est lors de la grève générale de 2016 qu’elle se rend compte du poids que le réseau social peut revêtir. "J’étais tous les jours sur le terrain pour montrer ce qui se passait", affirme Abby Said Adinani. "Twitter m’a essentiellement
Abby Said Adinani Twitter @Bee_Mondroha Instagram @pelapelaka_saa servi à alerter de la situation au niveau national." Elle est alors suivie et contactée par ses confrères dans les rédactions parisiennes, car vue comme une source d’informations "fiable", ce qui se traduit par une augmentation de son audience. "J’ai remarqué des pics d’augmentation de mon nombre de followers lors des différents évènements ou phénomènes qui ont touché Mayotte ces dernières années. Mayotte intéresse davantage quand ça ne va pas." Aujourd’hui, Abby Said Adinani est directrice du magazine gratuit May’People. Son activité professionnelle, plus éloignée du terrain, fait qu’elle twitte moins qu’avant. "J’essaie d’équilibrer les publications sur Mayotte", nuance-t-elle. "Ici, on a aussi besoin de médias positifs. Ça se ressent dans mes derniers tweets, où je parle davantage d’aspects culturels, de la vie à Mayotte en général. Notre quotidien, ce ne sont pas que les faits divers, c’est aussi aller à la plage le samedi !"
À suivre aussi sur YouTube Maria des Îles Sa chaîne YouTube compte encore peu d’abonnés (un peu plus de 4 000 au 19 juin 2019) mais la trentaine de vidéos qu’elle comprend cumulent déjà 300 000 vues. L’adolescente maîtrise déjà les codes de la plateforme. Au menu : des vidéos lifestyle (voir notamment "Ma Routine Ramadan"), des sketches et des vlogs sur la vie à Mayotte.
La Sakina Family Installée en métropole, Sakina est mère d'une famille nombreuse : six enfants. Après avoir lancé sa chaîne YouTube, Sakina Make Up, en 2014, et suite à un bon accueil du public, elle décide de lancer une autre formule : la Sakina Family. On y retrouve des scènes de vie quotidienne, des petites scènes, et surtout des moments émouvants où l'amour répond à l'humour. Le succès est immédiat et quelque 340 000 personnes sont abonnées à sa chaîne. Très suivie à Mayotte, cette dernière permet aussi de promouvoir l'île aux parfums en métropole. Dans une de ses vidéos, elle apprend ainsi notamment à ses enfants à parler le shimaoré.
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le dossier
Geoffroy Vauthier
Technologies de l'information et de la communication
Un vaste potentiel économique
Leur nom est un peu barbare, mais elles représentent une vraie manne pour Mayotte. Les Tic, pour Technologies de l'information et de la communication sont désormais partout et le développement de l'île en dépend.
Il y a quelques semaines, l'Union des chambres de commerce et d'industrie de Mayotte (UCCIOI) lançait une plate-forme sur le web, destinée à faciliter les relations entre entreprises de la zone océan Indien. Avec ce site – www.oceanindien.biz –, l'organisme entend bien permettre aux entreprises de Mayotte de s'exporter à l'international. "L'idée, avec cette plateforme, est vraiment de donner de la visibilité
et d'inspirer d'autres entreprises", expliquait ainsi la vice-présidente de l'UCCIOI, Isabelle Chevreuil, dans notre entretien de la semaine dernière (Mayotte Hebdo n°889). Directeur du Pôle entreprises de la Chambre de commerce et d'industrie de (CCI) de Mayotte, Alexandre Kesteloot complétait : "il y [a] cette idée de pouvoir permettre à certains territoires moins outillés d'accéder à cette mise en relation. Et la première
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façon de le faire, c'est de permettre aux entreprises d'exister sur un territoire ou un autre, afin qu'elle puisse identifier des partenaires, se connecter à des offres, etc." Du côté du Groupement des entreprises mahoraises des technologies de l'information et de la communication (Gemtic), justement, on a bien conscience de cette importance. La structure, qui promeut ce secteur, l'affirme : sans maîtrise d'internet, point d'essor possible. Et c'est tout naturellement que le constat précédent est confirmé. Haouthani Massoundi, chargée de mission au Gemtic, développe : "Ne serait-ce que par rapport à son positionnement géographique, Mayotte à une place importante à prendre dans le canal du Mozambique. Nous sommes une île française, avec une stabilité politique, et nous parlons le shimaoré, proche du swahili. Si on développe le numérique, que l'on communique avec les autres, nous avons tout pour devenir un hub." Un développement devenu désormais indispensable : "Depuis l'arrivée du haut-débit à Mayotte, en 2012, la façon de travailler a changé. Aujourd'hui, on envoie des mails et des documents sans courriers postaux. Les entreprises ont moins besoin de se déplacer pour des réunions ou autres.Tout peut se faire en ligne, que ce soit en métropole ou dans la région." Problème : il semble que l'île soit quelque peu à la traîne dans ce domaine.
Un secteur porteur, mais peu promu Car, contrairement à ce que l'on peut imaginer d'une nouvelle génération née avec l'informatique et internet – la fameuse génération Z –, elle n'a pas toujours connaissance de l'importance professionnelle de ce secteur. En tout cas pas à Mayotte : "On a un changement aussi dans la jeunesse, constate Haouthani Massoundi, mais qui ne va malheureusement pas vers ce que nous attendions." En cause ? Des jeunes qui "se servent d'internet comme d'un jeu, d'une manière assez ludique", sans voir qu'il s'agit aussi "d'un métier que l'on peut apprendre. Internet, ce n'est pas que les réseaux sociaux. Ce sont aussi des sites que l'on créés, des vidéos que l'on monte, qu'il faut mettre en ligne, etc. : il y a tout un panel de métiers dans le web." Un panel de métiers qui, de fait, rend le secteur particulièrement porteur. Et la chargée de mission du Gemtic de l'affirmer : "C'est très dommage, car ce sont des savoir-faire très demandés par les entreprises locales, et nous avons du mal à les avoir localement. Les Tics sont un secteur très porteur. Prenons par exemple les administrations à Mayotte : elles ont toutes un site internet, mais la plupart du temps il s'agit d'une coquille vide, car il n'y personne pour les alimenter, en assurer la maintenance, etc." D'autant plus dommage à la vue d'une pyramide des âges mahoraise, qui fait la part belle à cette génération Y, débarquant actuellement sur le marché du travail et qui, malgré l'arrivée tardive du haut-débit à Mayotte, dispose désormais des outils nécessaires pour conquérir le secteur du web. "Même si le haut-débit est arrivé plus tard à Mayotte qu'ailleurs, l'île est aujourd'hui connectée à plus de 99%. Il n'y a plus de décalage avec d'autres territoires. Partout sur l'île, on a une connexion, au contraire d'ailleurs de La Réunion ou de la métropole
où certains endroits ne sont pas couverts", confirme la chargée de mission. Alors, comment développer ce potentiel ? "Il manque de sensibilisation et de formation", déplore-t-on au Gemtic : "Certes, les jeunes ne se disent pas que le web peut être un métier, mais personne ne leur fait savoir non plus. Il faut qu'on puisse les sensibiliser et les informer des possibilités offertes par le web. Et puis, il faut aussi qu'il y ait des formations locales pour que les entreprises puissent les recruter." À ce titre, le Gemtic organise différents évènements pour promouvoir le secteur, comme la première Semaine du numérique, cette année, en partenariat avec le vice-rectorat. Cette action a permis de "rapprocher le monde de l'entreprise et celui de l'école. Les entreprises ont ce besoin de discuter avec les professeurs, afin que ceux-ci puissent inciter les jeunes à se lancer dans ces nouveaux métiers", commente Haouthani Massoundi. Actuellement, c'est une nouvelle formation que l'organisme met en place avec le réseau Webforce 3, qui regroupe une quarantaine de centres de formation aux métiers du web et de l'informatique. Florence Bourdillat, directrice du développement Île-de-France et Dom-Tom est en effet actuellement sur le territoire à ces fins. Objectif : former des développeuses, car "les femmes sont vraiment absentes du secteur du numérique. Elles ont du mal à se dire qu'elles peuvent se lancer dans ces métiers-là. C'est dommage, car ils sont très adaptés à elles : on peut travailler de chez soi et s'occuper des enfants, par exemple." Un exemple d'initiative, mais qui doit aussi, selon le Gemtic, inspirer les acteurs publics : "les collectivités doivent s'approprier les outils internet, car le secteur est très porteur." Une appropriation en cours si l'on en croit les divers espaces numériques mis en place ces deux dernières années sur l'île par les communes. Un premier pas, juste, car "si on met en effet des structures en place, oui, avec des espaces numériques, on ne pense pas à animer ces espaces-là. On ne s'en sert pas encore pour initier les adolescents au codage, par exemple."
Développer le numérique pour développer Mayotte Au final, alors qu'internet permet de s'affranchir des contraintes,à Mayotte,tant que la jeunesse n'a pas possibilité d'être formée sur place, "on reste toujours dépendants des gens de l'extérieur." Et de conclure : le développement des Tics est un axe stratégique pour Mayotte. Si on le développe, alors on pourra développer tous les secteurs. Le numérique est désormais de partout. Ne parle-t-on pas de e-santé ? De e-learning ? Et n'oublions pas le tourisme, largement cité comme une manne pour Mayotte. Ne s'agit-il pas de savoir communiquer à l'extérieur sur le potentiel de l'île ? Tout cela, cela passe désormais par le numérique et internet." n
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Geoffroy Vauthier
" Ce que l'étranger connait de la culture mahoraise, c'est ce que les Mahorais ont bien voulu lui expliquer "
Nassur Attoumani, écrivain
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Avec 18 ouvrages à son actif, Nassur Attoumani est sans doute l'auteur le plus prolifique de Mayotte, mais aussi le plus reconnu à l'extérieur. Mélangeant savamment littérature pure, vécu personnel et sociologie de l'île, il traverse avec humour les époques et soulève les tabous du quotidien.
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Mayotte Hebdo : Parmi vos actualités, vous venez de traduire les Fables de La Fontaine en shimaoré. Pourquoi cette démarche ? Nassur Attoumani : La Fontaine est un monument de la littérature française. Or, certaines personnes n'y ont pas accès, car elles ne parlent pas la langue. L'idée de traduire une quarantaine de ces fables est donc de pouvoir les lire en shimaoré, et ainsi de les rendre accessibles à un auditoire. Cette traduction est donc destinée à des lectures orales, mais aussi à l'enseignement, car le vice-rectorat essaie de mettre en place l'apprentissage du shimaoré à l'école. Or, il manque terriblement d'ouvrages pour cela. MH : Quand sera-t-il disponible? NA : Le contrat a été signé en 2018, en même temps que mon dernier ouvrage, Instinct de survie à Madagascar. La maison d'édition y rajoute actuellement des illustrations anciennes, des années 1950 et 1960. Cela prend donc un peu de temps. Je n'ai pas encore de date de sortie précise à annoncer, mais cela sera bientôt. MH : On connaît l'importance des contes à Mayotte et le rôle qu'ils jouent, notamment en termes d'éducation. Les Fables de La Fontaine semblent donc particulièrement adaptées à la jeunesse du territoire... NA : Les Fables de La Fontaine sont universelles. La culture mahoraise est une culture de l'oralité. On utilisait beaucoup, autrefois, les proverbes, par exemple. On continue d'ailleurs dans les meetings politiques, les réunions publiques, etc. Les Fables de La Fontaine ont, elles aussi, une morale à la fin. Cela correspond donc bien, oui. MH : Autre actualité, plus ancienne celle-ci : vous étiez en février dernier au Salon du livre de Paris. Quelle visibilité a eu Mayotte durant cet évènement ? NA : Nous avons eu plus de 300 visites sur le stand de Mayotte. Ce n'était pas des Mahorais, car, bien que nombreux à Paris,
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"Le conte, c'est la carte d'identité d'un pays" on les voit rarement dans les manifestations littéraires. Il s'agissait essentiellement de métropolitains, de "négropolitains", etc. Il y a un vrai intérêt de l'extérieur envers Mayotte. Pour ma part, j'étais sur deux stands, celui de Mayotte et celui des Éditions Orphie, qui éditent dans trois océans. J'ai vendu plus de bouquins que les Antillais qui étaient là ! Cela veut dire qu'il commence à y avoir un intérêt pour la littérature de Mayotte. Au bout de 18 ouvrages, mon nom commence à circuler. MH : Vous intervenez également régulièrement dans des conférences universitaires, en Europe notamment. On peut, là aussi, voir une preuve que la littérature mahoraise intéresse en dehors de la zone, et plus largement du monde francophone. D'après vous, d'où vient cet attrait ? NA : Je ne sais pas trop. Nous sommes restés longtemps à l'ombre des autres départements. Et je ne parle que des départements d'outre-mer. À La Réunion, il doit y avoir dans les 200 écrivains. En Martinique et en Guadeloupe
aussi. Mais on entend parler que d'une poignée d'entre eux. La plupart des autres contributeurs à la littérature restent dans l'ombre. Ils ne sont pas étudiés par les universitaires. Or, maintenant, il y a de plus en plus de colloques littéraires où l'on parle de mes ouvrages notamment. Je dis souvent que tout ce que nous écrivons, cela a déjà été écrit. Ce qui change, c'est la façon dont nous l'écrivons. J'imagine que c'est cela qui intéresse, mais il faudrait le demander aux universitaires. MH : La littérature mahoraise intéresse de plus en plus, mais paradoxalement, on a l'impression que la jeune garde littéraire tarde à arriver. Pourtant, l'instruction, l'écriture, sont désormais répandues. Comment expliquer le phénomène, et surtout comment faire pour faire naître des écrivains en herbe ? NA : Nous demandons à ce que la littérature mahoraise soit intégrée dans le cursus scolaire à Mayotte, que l'on parle de nos ouvrages dans les collèges et lycées, que nos œuvres soient étudiées ici. C'est comme ça que l'on impulsera un regain de lecture. Quand on essaye de faire la promotion de la lecture et de l'écriture, il nous faut d'abord un lectorat. À ce sujet, une anecdote : une fois, on m'a proposé d'éditer mon ouvrage à La Réunion. Or, le directeur de la collection éditait ses bouquins chez Gallimard. Je lui ai fait la remarque : "Vous éditez là-bas et pas chez vous, et vous me demandez de vous confier mes manuscrits pour les éditer à La Réunion ?" Il m'a répondu : "Oui, mais il n'y a pas un grand lectorat chez nous. Si nous nous éditons uniquement chez nous, c'est difficile." Je lui ai répondu : "Vous êtes 950 000, nous seulement 300 000. S'il ya déjà un étouffement de lectorat chez vous, vous pensez quand même que c'est une bonne chose que l'on vienne ?" Nous avons, nous aussi, besoin d'être vu à l'extérieur. Par ailleurs, nous avons également mis en place le concours de littérature Francojeune à l'échelle de l'océan Indien. Nous leur offrons gratuitement des ateliers d'écritures. Nous les voyons progresser, et certains deviennent des écrivains reconnus. Il y a une vraie demande des jeunes de pouvoir s'exprimer. On le voit à travers la chanson aussi, une autre forme d'écriture. Il y a de plus en plus de jeunes qui chantent. Contrairement aux anciens, qui apprenaient l'instrument, la majorité des jeunes aujourd'hui ne jouent pas d'un instrument, mais font quand même de la musique en la programmant, et sortent des albums. Cela traduit cette envie de s'exprimer, valable aussi dans la littérature. Et puis, tant que nous n'aurons pas de maison d'édition soutenue, tout au moins au début, par les pouvoirs publics, on aura du mal à décoller. Ce qui fait qu'il y a plus d'écrivains aux Comores qu'à Mayotte, c'est qu'ils ont mis en place ces maisons d'édition.
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MH : Vous n'avez jamais été tenté de vous saisir de ce projet ? NA : Non, car ce qui m'intéresse c'est d'écrire. Lancer une maison d'édition, c'est être prêt à recevoir des manuscrits, prendre le temps de les lire tous, avoir un comité de lecture, etc. C'est du temps en moins pour l'écriture. Je suis déjà directeur de la collection théâtre des éditions Ngo, et c'est quelque chose qui prend beaucoup de temps : lire, proposer des corrections ou modifications, etc. MH : Vous avez écrit 18 ouvrages, ce qui fait de vous un des auteurs les plus prolifiques de Mayotte, mais aussi un des plus atypiques puisque vous oscillez entre la littérature pure et la sociologie. Vous abordez notamment le poids des traditions, des pratiques comme la polygamie ou l'inceste, etc. À votre manière, vous influencez le cours de l'histoire de Mayotte… NA : Je pense avoir contribué, en effet, à changer beaucoup de choses, même si les gens ne le savent pas ou ne le perçoivent pas. Lorsque j'ai écrit La fille du polygame, par exemple, les noms patronymiques n'existaient pas. À part les wazungus, les Créoles, les Malgaches et quelques Mahorais, il n'y en avait pas. En 1972, j'avais été voir le président du tribunal de Moroni, pour en adopter un. Il m'a mis à la porte. Idem la semaine suivante et celle d'après. Puis il m'a demandé pourquoi je tenais à avoir un nom patronymique : nous étions dans les prémices de l'indépendance. Dans ce contexte, ma décision tranchait, mais j'ai fini par avoir mon patronyme. J'étais en seconde, et un jour mon père a donc reçu mon bulletin de notes avec ce patronyme, Attoumani, qui était son prénom. C'est ce que j'avais choisi. Il n'a pas du tout apprécié, car il me disait que j'avais volé son nom, et qu'ainsi placé, on pensait que c'était moi qui l'avais, lui, mis au monde. C'est cette problématique du patronyme que j'ai réintroduit dans La fille du polygame. Par la suite, quand Mansour Kamardine est devenu député de Mayotte, je l'ai saisi pour lui soumettre cette question, car cela posait problème, notamment aux étudiants mahorais en métropole, qui n'avaient pas de nom et de prénom au sens entendu là-bas. Je lui ai dit qu'il nous fallait désormais un nom et un prénom. Il a œuvré à la mise en place d'un comité en ce sens, grâce auquel tout le monde a désormais un nom patronymique. Il faut un précurseur à tout, et sur ce coup-là je l'ai été. La double justice, cadiale et républicaine, bloquait aussi pour que Mayotte devienne un département, tout comme la polygamie. Ce thème est abordé dans La fille du polygame. Là encore, j'en avais parlé à Mansour Kamardine, qui s'est saisi du dossier. Il a alors été accusé de vouloir tuer la religion musulmane, mais finalement
il y est arrivé à faire admettre qu'il fallait renoncer à avoir plusieurs épouses. Il faut savoir lire ce qui est entre les lignes. J'essaye d'introduire la culture mahoraise dans mes livres. Par exemple, dans Le calvaire du baobab, un personnage donne un coup de pied dans la marmite qui contient la pharmacopée mahoraise. Il faut alors le soigner à Dzaoudzi, où il attrape des caries après avoir pris des médicaments. Si j'écris cela, c'est pour parler de cette époque où l'on testait les médicaments à Mayotte. C'est une manière détournée, entre les lignes, d'aborder tout cela. Autre exemple dans Le turban et la capote. Avant, à Mayotte, on faisait beaucoup d'enfants. Il y avait eu une campagne de limitation des naissances et de leur espacement dans le temps. Moi, j'écris alors que j'ai un enfant à Choungi, à Mtsangamouji, en Petite-Terre, etc. : bref, un espacement géographique des naissances, non pas temporel. Le directeur de la DDAS à l'époque, présent lors d'une représentation de la pièce, est venu me voir à la fin : "Merci Nassur. Maintenant j'ai compris, nous n’avions pas du tout pensé l'espacement ainsi." Avec de l'humour, j'avais soulevé la question de la polygamie. Du coup ils ont stoppé la campagne. Avant de parler de Mayotte, il faut en comprendre la sociologie. Avant de parler de Mayotte, il faut en lire les contes, car ils sont la carte d'identité d'un pays. Mes livres, c'est en effet de la sociologie mahoraise. Ce que l'étranger connait de la culture mahoraise, c'est ce que les Mahorais on bien voulu lui expliquer. Ils connaissent mieux leur culture que quelqu'un qui est doctorant en anthropologie. MH : Quels sont les projets que l'on peut désormais attendre ? NA : Comme nous l'avons dit, les Hale de La Fontaine seront prochainement publiés. J'ai également fini un Dictionnaire des expressions mahoraises, mais que je n'ai pas encore envoyé à l'éditeur, tout comme Le tour du monde en 365 proverbes. J'ai plusieurs manuscrits encore en attente chez moi. J'ai également fait une série de comptines en trois langues : français, anglais et shimaoré. Elle est destinée aux tout petits et a vocation à compléter le manque d'ouvrage en langue locale. C'est pédagogique et cela va nous permettre de travailler également au niveau de la région grâce à l'anglais. Au mois d'octobre, je serai par ailleurs au Salon du livre de Nairobi. Le marché anglophone dans la région est important. Enfin, Mon mari est plus qu'un fou, c'est un homme doit être traduit en américain. Cela a pris du retard aux EtatsUnis, mais il devrait être disponible en 2020.n
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le métier de la semaine
Chef cuisinier
Le chef cuisinier définit, met en oeuvre et supervise la production culinaire d'un établissement de restauration, selon les normes d'hygiène et de sécurité alimentaires, la charte qualité de l'établissement et les impératifs budgétaires. Il contrôle et coordonne les activités d'une brigade.
Environnement de travail
- Brasserie - Cuisine centrale - Entreprise alimentaire - Mess (Armée) - Restaurant de collectivité - Restaurant gastronomique - Restaurant traditionnel - Traiteur
Compétences
- Concevoir les menus, les cartes et définir les tarifs des plats - Organiser un planning du personnel - Dresser des plats pour le service - Superviser la préparation des aliments - Contrôler le dressage des plats - Veiller au respect des procédures de travail - Contrôler l'application de procédures Qualité, Hygiène, Sécurité et Environnement (QHSE) - Négocier un contrat - Sélectionner des fournisseurs, sous-traitants, prestataires - Contrôler la réalisation d'une prestation - Suivre l'état des stocks - Définir des besoins en approvisionnement - Préparer les commandes - Recruter du personnel - Former du personnel à des procédures et techniques
Accès au métier
Cet emploi/métier est accessible avec un diplôme de niveau CAP/BEP à Bac+2 (BTS) en cuisine, production culinaire, arts culinaires, art de la table et du service, ... complété par une expérience professionnelle en tant que cuisinier au sein de restaurants traditionnels ou de collectivité. Les recrutements peuvent être ouverts sur contrats de travail saisonniers. Son accès dans les établissements de la fonction publique s'effectue généralement sur concours (cantines scolaires, hôpitaux, ...). La maîtrise de l'outil informatique (logiciel de gestion de stock, ...) est requise.
offres d'emploi Réceptionniste en hôtellerie
Professeur / Professeure d'histoire géographie (H/F) Professeur / Professeure d'enseignement technologique Professeur / Professeure de physique, chimie, biologie H/F
976 - BANDRELE Vous serez en charge d'accueillir et renseigner des clients sur les conditions de séjour, les formalités, les prix et les possibilités d'accueil d'un établissement d'hébergement hôtelier
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LES COLLEGES DE MAYOTTE-LE COLLEGE DE - 976 - TSINGONI Enseigner Encadrer
LES COLLEGES DE MAYOTTE-LE COLLEGE DE - 976 - TSINGONI - Préparer les cours et établir la progression pédagogique - Enseigner une discipline à un groupe de personnes - Concevoir les exercices, les travaux pratiques des élèves
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LES COLLEGES DE MAYOTTE-LE COLLEGE DE - 976 - TSINGONI Minimum BAC+3 Enseigner Accompagner
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AGBE BEAUX ENFANTS - 976 - MAMOUDZOU La Garderie des Beaux Enfants de Grande Terre, crèche associative à gestion parentale de 32 enfants, créée en 1989, située à Mamoudzou est à la recherche d'un éducateur (trice) de jeunes
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Se faire vacciner contre les HPV (papillomavirus) Rattrapage possible jusqu’à 19 ans inclus
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Pour repÊrer d’Êventuelles lÊsions au niveau du col de l’utÊrus avant de se transformer en cancer Parce que 90% des cancers du col de l’utÊrus peuvent être ÊvitÊs Même en l’absence de rapport sexuel et après la mÊnopause
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Action Logement participe à la revitalisation des centres-villes des 222 communes du programme Action Cœur de Ville. Sur cinq ans, Action Logement consacre 1,5 milliard d’euros pour construire et réhabiliter des immeubles en centre-ville. Notre objectif : permettre aux salariés de vivre au cœur des villes moyennes.
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