Mayotte Hebdo n°905

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novembre 2019 Ne pas jeter sur la voie publique • Graphisme : Claire Pesqueux • Imprimé par

portes-ouvertes, conférences, débats, ateliers...

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LE MOT DE LA RÉDACTION

UNE NOUVELLE VOIE Et voilà : une semaine est passée depuis la visite du président de la République Emmanuel Macron. Une semaine qui a été l'occasion de réfléchir aux annonces, à ses discours, de creuser, de ressortir des dossiers. En somme : de s'interroger. Et maintenant, que nous restet-il à faire ? "Attendre et vérifier si les promesses deviennent des actes", entend-on. "Non", répond le sénateur Thani Mohamed Soilihi qui, au contraire, lance un appel aux acteurs locaux, Conseil départemental en tête : il faut désormais, assure-t-il, se saisir des dossiers comme celui de la piste longue et du port, et s'assurer qu'ils soient réalisés. Autrement dit : Mayotte doit se bouger, ne pas tout attendre de l'État, et affirmer sa capacité à prendre les choses à bras le corps. Retrouvez ses propositions dans notre entretien de la semaine. Des promesses, les taxis en ont aussi : inquiet de l'arrivée à moyen terme des transports en commun, une nouveauté pour le territoire, le métier s'interroge : à quelle sauce les chauffeurs de taxis vont-ils être mangés ? Quel avenir s'annonce pour ceux qui ont, jusqu'à présent, assurer un rôle indispensable de service public ? Notre dossier sur le sujet vous dit tout. Enfin, pause gourmande au restaurant l'Hippocampe, à Mamoudzou : nous avons rencontré le patron et chef cuisinier de l'établissement qui cartonne, Davy Lesches, qui, chaque jour et avec sa compagne native de l'île, met tout son cœur à réjouir les papilles. Bonne lecture à tous

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COUP D’ŒIL DANS CE QUE J'EN PENSE

Laurent Canavate

Mayotte Hebdo n°496, vendredi 5 novembre 2010

COMBIEN DE GÉNÉRATIONS SACRIFIÉES ? Pendant des années la Fédération française de football a signalé à Mayotte que le terrain de Cavani n'était pas aux normes, qu'il fallait l'arranger, engager quelques travaux d'entretien. Une fois, deux fois, trois fois… Mais personne n'a réagi, pas de responsable, pas d'élu, pas de chef, pas de directeur, pas de technicien pour comprendre l'importance du message, pour le relayer suffisamment fort. Personne pour expliquer ce qu'il y avait à faire. Pas de décision politique forte en direction des agents en charge de ce site, pas de suivi, pas de contrôle… Les salariés sont payés, mais rien n'est fait. Tout allait bien. Jusqu'à ce que la FFF décide d'annuler la compétition à Mayotte. Pareil pour les barges. Des embauches de complaisance pendant des années, de "l'emploi social" n'ont pas honte d'expliquer certains élus qui n'ont pas bien compris les missions de leur institution. Il y a des services publics à assurer, des conditions favorables au développement économique, à la création d'activités et d'emplois. Mais la prise en charge des chômeurs est l'affaire du Pôle emploi, de la caisse d'assurance chômage à mettre en place, à développer. Pour les barges donc, de la même façon, pendant quelques années les Affaires maritimes ont expliqué l'enjeu de la sécurité, donné des dérogations, attendu des gestes, des entretiens des barges, mais rien n'est venu. Les agents étaient là, toujours plus nombreux à chaque élection. Payés chaque mois, grevant les caisses de la Collectivité, obligeant à maintenir des droits de douane importants sur tous les produits qui rentrent sur l'île. Mais d'entretien, point. Ces investissements lourds se sont rapidement abimés, ont souffert du manque d'attention. Et les barges s'arrêtent, tombent en panne. Pendant des mois les barges ont fonctionné sans homologation, sans assurance !

TOLERIE - PREPAR ATION - PEINTURE

Le conseil général, et son président, étaient responsables pénalement si un problème était survenu. Heureusement rien de tout cela. Mais un jour, à force d'attendre et de ne rien voir venir, les Affaires maritimes ont fait leur travail. Les barges ont été arrêtées. Aujourd'hui si l'une tombe en panne, il y aura une barge par heure. Et si les deux ont un souci, comme ça peut arriver… Et la même situation se retrouve dans les finances des collectivités locales, dans leur gestion, dans de nombreux services. Une partie du personnel embauché pendant des années n'assure pas du tout le travail que les citoyens attendent d'eux. Il y aurait un énorme travail de gestion des ressources humaines à engager… Les dossiers trainent. Et traineront encore longtemps ! Car ces agents sont en voie d'être intégrés dans la fonction publique territoriale et seront à leur poste pour les 10 ou 20 prochaines années au moins. Ils coûteront plus cher et ne pourront pas être licenciés. Les caisses sont plombées pour des années, les services seront surchargés, incapables d'assurer leurs missions… Et il va falloir faire avec. Avec des finances catastrophiques qui ne permettront même pas d'embaucher les compétences nécessaires. Ça va être chaud. Des générations entières de Mahorais ont été sacrifiées à cause du système éducatif de bien trop bas niveau, malgré les efforts de tous ceux qui ont été en poste. La situation risque de se reproduire à l'échelle de l'île, avec de nombreux services des communes, du conseil général, de syndicats communaux et autres associations et institutions rattachées. Les efforts, la motivation, les compétences de certains suffiront-ils à redresser la barre ? Il faut l'espérer.

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Grève au port : le spectre de la pénurie Risque de pénurie à Mayotte. En cause : une grève au port de Longoni. Nous racontions : "Alors que toutes les conditions semblaient pourtant réunies pour se diriger vers une sortie de crise – l'intersyndicale CGT-Ma FO ayant obtenu mercredi soir dans la nuit l'adhésion des agents grévistes aux accords portant sur la grille salariale (…), les négociations ont buté ce jeudi sur la question du paiement des jours grevés." De quoi inquiéter : "En tout cas, le spectre des crises d'approvisionnent que l'on croyait appartenir à un autre temps se dessine de plus en plus clairement. Si le conflit persiste, l'économie locale risque d'être sérieusement paralysée. Les produits se raréfient sur les étals, et les activités et productions locales, pour la plupart dépendantes des importations, commencent à manquer des ressources indispensables." Mayotte Hebdo n°449, vendredi 30 octobre 2009.

PIB par habitant : Mayotte, 568€/mois Analyse du produit intérieur brut (PIB) de Mayotte, basé sur les données de 2011 : "Loin de la moyenne nationale, largement supérieur à celui de nos voisins", résumions-nous. Son montant ? 7 900 € par habitant. Un constat aussi, le poids du secteur public est prépondérant : "Si le secteur public pèse tant sur l’économie mahoraise, c’est d’abord parce que c’est lui qui dépense le plus. Avec l’arrivée d’administrations telles que les chambres consulaires, le Pôle emploi, et d’autres rentrant dans l’évolution de Mayotte vers le droit commun, le nombre de fonctionnaires a plus que doublé (de 3 300 en 2005 à 7 400 en 2011). La masse salariale de la fonction publique a augmenté également en raison de l’intégration, avec notamment un passage du SMIG brut de 647 € en 2005 à 1 087 € en 2011." Mayotte Hebdo n°678, vendredi 31 octobre 2014.

LA PHOTO D'ARCHIVE Taubira à Mayotte Octobre 2014 : la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, est en visite à Mayotte. "Il faut travailler d’arrache-pied pour la prévention et pour l’éducation", estime la ministre. En somme : c’est une justice des mineurs équilibrée, entre "sanction proportionnée" et dispositif éducatif renforcé qu’elle souhaite à Mayotte.

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IL Y A 5 ANS

IL Y A 10 ANS

C'ÉTAIT DANS MH


TCHAKS

LA PHRASE

LES CHIFFRES 106 et 64 Ce sont les cumuls des dernières pluies (au 29 octobre), sur les secteurs de Combani et de Pamandzi. Des pluies qui "n’ont pas eu de répercussions significatives sur les capacités de pompage en rivière ni sur les niveaux des retenues", a annoncé la préfecture dans un communiqué, en demandant à ce que "les gestes d'économie d'eau restent d'actualité." Alors que nous entamons le mois de novembre, la saison des pluies qui se fait attendre commence à susciter l'inquiétude.

"Si l’on veut que la LIC soit efficace, on doit être irréprochable" Le sous-préfet délégué à la lutte contre l'immigration clandestine, Julien Kerdoncuf, souligne l'efficacité de l'opération Shikandra, tout en confiant à nous confrères et collègues de Flash Infos, qu'il est conscient des progrès à faire, notamment sur la question du respect des droits : "L’objectif est d’avoir une pression forte, continue et durable que l’on renforce encore, mais de le faire de manière irréprochable. Car plus nous sommes efficaces, plus nous sommes visibles et donc exposés. Que ce soit visà-vis des associations, des médias, du Défenseur des droits, du politique, etc. Je demande donc à l’ensemble des forces d’être exemplaires."

L'ACTION Un forum des métiers à Kani-Kéli La municipalité de Kani-Kéli organise un forum des métiers le 6 novembre de 9h à 15h à la Maison des jeunes et de la culture de Kani-Bé. Axé sur les métiers de la sécurité, de la défense et sur les professions en tenue, ce rendez-vous est dédié aux jeunes scolaires et en recherche d’emploi. L’objectif est de faire connaître ces métiers, par toujours connus, à la jeunesse et ainsi de lui permettre d’obtenir des informations auprès des professionnels. Le CHM, la Maison d’arrêt, la Croix-Rouge, le Régiment du service militaire adapté, l’Institut régional du travail social, la Direction des ressources terrestres et maritimes, l’Office national des forêts ou encore les Douanes seront mobilisés pour partager leurs expériences.

LA PHOTO DE LA SEMAINE Tourbillon au Sieam Alors que le Syndicat intercommunal des eaux et d’assainissement de Mayotte (Sieam) est l’objet d’un conflit social depuis plusieurs semaines, il est dorénavant le théâtre d’une guerre interne entre les représentants du personnel. Le dialogue semble rompu tandis que les nouvelles têtes du mouvement réclament une annulation de la délégation de service public, en cours d’élaboration sur la branche assainissement, comme préalable à toute discussion.

SADA Un nouveau marché couvert Nouvel équipement opérationnel à Sada. Ce samedi 2 novembre, l’ensemble de l’équipe municipale convie la population à l’inauguration du marché couvert, à 10h, place de la Boulangerie. Cet évènement se déroulera en présence du préfet, Jean-François Colombet, qui remettra par ailleurs une médaille du ministère de l’Intérieur au brigadier Abdallah Toilibou.

PROVERBE Kula ndrege na mabawa zahe. Chaque oiseau vole avec ses propres ailes.

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LE FLOP LE TOP Le stade de Cavani peut (enfin) accueillir des matchs Après une longue période de travaux, la commission sécurité a donné son aval à la tenue de matchs au stade de Cavani. Il ne manque plus désormais que la validation de la société qui a posé les mâts d’éclairage pour siffler le coup d’envoi de nouvelles rencontres de football. Si la pelouse va être foulée par les joueurs incessamment sous peu, il faudra toutefois s’armer de patience du côté supporters. En effet, la tribune est encore en pleine construction. La bonne nouvelle dans tout cela ? Le planning prévisionnel est respecté. La livraison est donc toujours espérée pour la fin de l’année 2020. Normalement, plus qu'un an à attendre !

Appel à l'aide pour Tanchiki Maore C'est un des entrepreneurs mahorais les plus dynamiques qui est menacé. En cause : les pressions financières que subit son établissement, l'hôtel Trévani, qu'il a racheté il y a deux ans, depuis la crise de 2018. Alors que les projections de 2019 devaient être l’occasion de redresser la barre avec une croissance estimée à 32 %, voilà que le tonnerre gronde à nouveau : "Il y a quelques jours, notre patron a reçu la visite d’un huissier qui réclame les dettes dues à la Caisse de sécurité sociale et accumulées avant le rachat du Trévani", explique un de ses salariés. La goutte d'eau de trop : face à la situation, l'entrepreneur réuni ses employés pour leur faire part "de son souhait de baisser les bras." En soutien, les salariés de l'hôtel et d'autres affaires de Tanchiki Maoré se sont réunis lundi place de la République. Sur les affiches : "Élus, oubliez vos intérêts, pensez aux Mahorais !" ou encore "Félicitations, vous avez réussi à décourager le meilleur entrepreneur de Mayotte !" Dommage, en effet, que les pouvoirs publics ne se mobilisent pas plus pour un entrepreneur qui montre l'exemple.

ILS FONT L'ACTU Cinq jeunes en stage à Nairobi Cinq jeunes demandeurs d'emploi ont été envoyés mardi 29 octobre à Nairobi, dans le cadre d'une formation au Développement agroéconomique sécurité alimentaire (Daesa). Ils y réalisent un stage de six mois à l'hôtel Boma, classé cinq étoiles. La promotion compte 13 jeunes en tout, mais huit "ont décidé de rester à Mayotte pour des raisons administratives ou familiales", a confié un cadre du groupe Dam (Daésa Accès Métic), qui organise la formation. Objectif : faire découvrir des postes comme la réception, le service de chambre ou la restauration.

NOUVELLES TECHNOLOGIES Une appli pour alerter des dangers

L’application mobile DomTom Citoyens, en téléchargement gratuit, permet en un seul clic d’alerter ses proches et/ou les services de secours en cas de danger et d’être géolocalisé lors d’une situation d’urgence en Guyane, Guadeloupe, Martinique, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, La Réunion Saint-Martin, Mayotte et dans l’Hexagone, en mer comme sur terre. Avec cette interface, les municipalités ont la possibilité de prévenir leurs administrés d’un séisme, d’un tsunami, d’une tempête, d’un cyclone, d’un ouragan ou encore d’une inondation.

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MAYOTTE ET MOI

Solène Peillard

DAVY LESCHES PATRON ET CHEF CUISINIER DE L'HIPPOCAMPE RESTAURANT LES GOURMANDS DE L'ÎLE N'ONT PAS PU LE RATER ! ET POUR CAUSE : OUVERT DEPUIS DEUX ANS, L'HIPPOCAMPE RESTAURANT PROPOSE DES PLATS RIGOUREUSEMENT PRÉPARÉS, DES PRODUITS FRAIS, VARIÉS ET DE QUALITÉ. UNE OFFRE RARE À MAYOTTE, ET UN PARI RÉUSSI POUR CELUI QUI EST À LA FOIS LE GÉRANT DE L'ENSEIGNE ET SON CHEF CUISINIER. RENCONTRE GOURMANDE. Il y a encore deux ans, une auto-école siégeait là où se tient désormais l'Hippocampe Restaurant. Mais déjà, l'établissement a réussi à s'imposer comme l'une des meilleures tables de l'île aux parfums. Lorsqu'il pose ses valises sur le territoire en 2017, Davy Lesches, co-gérant de l'enseigne, y amène plus de dix ans d'expérience. Fils d'agriculteur, le jeune homme côtoie très tôt "des produits nobles et frais", des denrées de qualité et de terroir qui lui inculquent "le goût de la bonne chère", pendant qu'il reste, comme il le dit lui-même très proche de la terre et du travail qu'elle nécessite. Il développe ainsi déjà un sens de la rigueur et de la précision, autant de qualités auxquelles ne peut se soustraire tout bon cuisinier et qui font germer en lui une véritable passion pour cette discipline. Il intègre ainsi tout naturellement un centre de formation dédié à l'art culinaire en Ardèche. C'est dans ce même département qu'il travaillera "dans un petit restaurant", sous les ordres de l'un des meilleurs ouvriers de France. Après quoi il intègre d'autres établissements, d'abord en tant que cuisinier, puis second de cuisine et même, au bout de seulement deux ans de métier, chef de cuisine. "J'ai eu toutes les expériences !", s'amuse le patron de l'Hippocampe. Mais, à la naissance de sa fille, Davy Lesches raccroche le tablier de chef pour exercer, cette fois, en tant que traiteur pour les collectivités, un nouveau poste aux horaires plus souples, donc plus en adéquation avec sa nouvelle vie de famille. Au bout de six mois, il devient gérant d'un regroupement scolaire. "J'assurais 1 500 repas par jour, plus des cocktails de 300 personnes en tant que traiteur, et du gastronomique une fois par semaine", égraine-t-il.

Alors que la restauration commence à lui manquer, sa femme, mahoraise, lui propose de partir en vacances sur son île natale. "En voyant l'île, j'ai compris qu'il manquait beaucoup de restaurants", se souvient le cuisinier. Un projet né alors : "On s'est dit qu'on pouvait s'installer ici, où c'était aussi plus simple qu'en métropole vis-à-vis de la législation". Après un retour dans l'Hexagone, la famille revient sur le territoire en avril 2017. Six mois plus tard, l'Hippocampe Restaurant assure son premier service. "On est vraiment partis de zéro, on a dû faire de la plomberie, de la maçonnerie, de l'électricité, etc." Le couple de co-gérants ne compte pas les nuits blanches, mais rapidement, l'établissement trouve sa clientèle. Des métropolitains, mais aussi des Mahorais, venus découvrir d'autres saveurs. "Quand j'ai une maman qui vient au restaurant avant ses six enfants et qui abandonne ses breads ou son mataba, ça me fait super plaisir !", lâche Davy Lesches. Sur sa carte, pas de mabawa, mais tous les types de viandes fraîches, un large choix de poissons et même de très appréciés gratins de ravioles : du jamais vu à Mayotte. C'est bien dans la qualité que réside la force de l'enseigne. Alors que la production locale peine encore à trouver sa place, à assurer des volumes suffisants et que les taux de pesticide sont régulièrement pointés du doigt, le chef du restaurant a fait le choix de faire importer ses produits depuis la métropole. "C'est compliqué à gérer", reconnaît Davy Lesches, toujours attaché au bon goût de ses produits, comme à l'époque de son enfance. Mais la gourmandise semble bel et bien au rendez-vous, puisque presque chaque jour, l'Hippocampe et sa centaine de couverts par service font salle comble.

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MAYOTTE ET MOI

DAVY LESCHES

MON ENDROIT FAVORI

On n'a pas beaucoup le temps de sortir malheureusement, mais je crois que c'est la grande plage sur l'îlot M'tsamboro, cet endroit m'avait marqué. C'est un peu de liberté, avec tous ces gens qui écoutent la radio et qui mangent leurs fruits. Ils font ce qu'ils ont envie de faire comme s'il n'y avait rien d'autre autour d'eux, ils sont peinards quoi, ils ne demandent rien à personne.

MON ŒUVRE PRÉFÉRÉE

C'est le jazz, de façon générale. C'est une musique complexe. Pour la comprendre, il faut être complexe soi-même. Mais finalement, on la comprend toujours sans ne jamais la comprendre. J'ai fait de la musique étant plus jeune mais ça fait longtemps que je n'ai pas touché une guitare ! J'avais d'ailleurs pour projet de monter un autre établissement un peu plus spécifique, il y a un an. L'idée c'était de faire quelque chose de nouveau à Mayotte, porté sur le jazz et les tapas. Parce qu'ici, on ne sait pas réellement encore les faire. Je voulais vraiment faire ça mais en voyant les galères que c'était avec les employés, j'ai un peu repoussé le projet. Mais ça reste toujours dans un coin de ma tête !

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MA PHOTO MARQUANTE C'est une photo avec d'autres collègues, quand nous étions encore à l'école de cuisine en métropole, plus précisément en Ardèche, je suis celui du milieu. Là, nous sommes en train de regarder une affiche sur les fruits exotiques, que je ne connaissais pas encore.

MON MEILLEUR SOUVENIR À MAYOTTE Si ma femme avait accouché à Mayotte, ça aurait été la naissance de ma fille ! Mais elle est née en métropole. Alors pour l'instant, en deux ans, c'est l'ouverture de mon restaurant, évidemment. Dès le départ, on savait ce qu'on voulait et on l'a fait comme on le voulait. Il y a encore des améliorations, comme le mobilier extérieur. D'ici le mois prochain normalement, on devrait s'en faire livrer un nouveau, réalisé à la demande par un designer. On veut vraiment proposer autre chose, un cadre qui sorte de tous les autres restaurants, dans un endroit familial où on se sent bien.

MA BONNE IDÉE POUR MAYOTTE Je crois qu'il faut d'abord développer le civisme, pour que les gens se respectent réellement, quand on est dans les magasins, sur la route, etc. Je trouve que ça manque un peu. On parle de faire des travaux de partout, mais il faudrait partir de l'éducation de certains pour que ça se passe mieux.

L'Hippocampe Restaurant vous accueille au 1 rue impasse des pompiers à Kawéni (en face de la boutique orange), du lundi au samedi, de 11h30 à 14h et le vendredi soir, de 19h à 22h. Réservations vivement conseillées au 0269 60 76 60.

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LE DOSSIER

SUR LES CHAPEAUX 12•

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À Mayotte, on n'a pas (encore) de bus, mais on a des taxis. Et heureusement ! Chaque jour, ils assurent plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de trajets à travers le chef-lieu et, plus largement, à travers l'île. Leur rôle ? Celui d'un service public. Essentiel et nécessaire pour la population. Et, bien que parfois un brin désorganisés, disons-le sans fard : heureusement qu'ils sont là. Heureusement, oui, mais pour combien de temps ? Car ça y est : à moyen terme, le 101ème département aura, lui aussi, ses transports en commun. Une bonne nouvelle pour les usagers, évidemment, mais après des années de bons et loyaux services que vontils devenir nos chauffeurs de taxis ? "Ils vont se moderniser" , nous dit-on. L'heure de l'évolution a-t-elle donc sonné ? Sera-telle à la hauteur des attentes ? Et surtout, les taxis en sortiront-ils gagnants ? Réponse dans notre dossier de la semaine.

X DE ROUES 13

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LE DOSSIER

Geoffroy Vauthier

CHAUFFEURS

DES TAXIS ET DES HOMMES Photo : Geoffroy Vauthier

LES TAXIS, CE NE SONT PAS QUE DES VOITURES ET DES TRAJETS. CE SONT AVANT TOUT DES HOMMES QUI TRAVAILLENT SUR LA ROUTE, HEURE APRÈS HEURE, CLIENT APRÈS CLIENT. UN TRAVAIL FAIT DE RENCONTRES, DE KILOMÈTRES ET D'EXPÉRIENCES.

Le bout de parpaing qu'il tenait dans la main avait beau s'effriter sur le bitume, il lui restait des morceaux suffisamment gros pour être

dangereux. Il s'avançait avec détermination vers la voiture. Alors, lorsqu'Ismaël a compris ce qui allait se passer avec ce jeune au visage

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masqué par un bandana, il a passé la marche arrière, a reculé, et s'est rapidement engouffré dans la petite rue en pente qui monte vers Mandzarisoa. Juste à temps pour éviter le jet de cailloux qu'il prévoyait. De là, il a pu faire demi-tour et s'empresser de redescendre rapidement en passant par le centre de Mtsapéré, au prix d'un ou deux sens interdit. À ses côtés, une infirmière sortant de son service. À l'arrière, une jeune femme et son bébé. Lorsque, arrivé dans la rue principale du village, il a vu des bouts de pierre sur la route, mais surtout des gens de tout âge discuter, il a compris que les voyous étaient déjà passés par là, et qu'il allait pouvoir ramener à bon port ses passagers. C'était en 2016, un soir de semaine vers 18h30, quelques jours avant le début du ramadan. Mayotte, et plus particulièrement le chef-lieu, était alors en pleine ébullition, avec des tensions entre bandes de jeunes débouchant régulièrement sur des affrontements dans la rue. C'était le cas ce soir dont Ismaël se souvient : "C'était mon dernier trajet, je rentrais chez moi à Tsoundzou. Alors, sur le chemin, j'ai récupéré une infirmière et une jeune maman avec son petit à la sortie du CHM. Je devais déposer la première à Mtsapéré et la deuxième à Passamaïnty. Et j'ai croisé ces jeunes au niveau de Cavani." S'il en rigole deux ans plus tard, sur le moment en revanche, le chauffeur de taxi a eu peur. Lui qui exerce depuis sept ans a compris ce soirlà, "qu'ici, on n'a pas qu'un rôle de transport. Heureusement qu'on ramène des personnes chez elle parce que sinon, avec l'insécurité, il y aurait encore plus d'agressions !" Une autre fois, c'est sur un trajet inverse qu'Ismaël a pu constater toute l'importance de son métier à Mayotte. "Une dame, se rappelle-t-il, que j'ai dû déposer en urgence à l'hôpital car elle sentait qu'elle allait accoucher bientôt. Alors, au cas où, j'ai foncé sans m'arrêter prendre d'autres personnes en cours de route. Mais elle a quand même pensé à payer avant de descendre de la voiture", rigole-t-il. Chauffeur de taxi : un travail qui tient chez nous le rôle d'un service public. Chauffeur de taxi : un des métiers les plus connus de Mayotte, mais pas pour autant toujours valorisé.

UN SMIC POUR SALAIRE Saïd* a 26 ans et attend dans son fourgon sur le parking des taxis-brousse, face au front de mer du chef-lieu. Pour lui, la profession de chauffeur de taxi est toute nouvelle puisque cela fait seulement trois jours qu'il a commencé en tant que salarié d'une entreprise. Son trajet ? Mamoudzou-Chirongui. L'aboutissement d'un parcours scolaire un peu compliqué : "Je ne m'en sortais pas très bien à l'école", confie-t-il. Il intègre donc le Bataillon du service miliaire adapté (BSMA, renommé aujourd'hui RSMA), et passe une formation pour devenir taxi. Une formation qui aborde plusieurs points, comme la sécurité des passagers et la gestion d'entreprise. À l'issue de celleci, il s'envole six mois en métropole mais fini par revenir à Mayotte et décide de mettre à profit ses acquis pour

postuler et décrocher un travail. Une étape de salariat qu'il espère provisoire : "Avant de pouvoir obtenir une licence, il faut avoir travaillé deux ans pour une entreprise", explique-t-il. Mais sa demande est déjà faite : dès qu'il l'obtiendra, il acquerra un fourgon et lancera sa propre affaire. Même avec les traites du véhicule, son entretien et "la licence à payer annuellement", il pense s'y retrouver mieux financièrement car en tant que salarié, son salaire est fixe… et payé au tarif minimum. Sans expérience, son patron ne lui a proposé que le smic, soit quelque 1 150€ par mois. Il n'est pas le seul : "Selon l'employeur, le chauffeur peut gagner un peu plus, mais généralement, cela correspond à peu près au smic", affirme-t-il. Un peu plus loin sur le parking, Mohamed exerce depuis quatre ans. Lui aussi est salarié, de son oncle. Lui aussi est payé au niveau du smic. Et lui aussi a fait une demande de licence, même si le business est moins juteux qu'avant. Sur ses quatre allers-retours quotidiens – de 6h du matin à 15h – ralliant Mamoudzou aux communes du centre-sud, il constate que la chute a été forte : "Je ramène 100€ par jour à peu près, parfois 70€ seulement, alors que lorsque j'ai débuté, cela pouvait aller jusqu'à 170€." En cause : "les taxis mabawa", qu'il constate plus nombreux, y compris sur le terrain des taxis-brousse. Un constat qui le fait désormais réfléchir à la suite de sa carrière, d'autant qu'il redoute la mise en place du réseau Caribus qui, à terme, captera au moins une partie des clients se rendant ou venant des villages situés entre Mamoudzou et Dembéni. Résultat : plutôt que d'investir dans un taxi, le chauffeur envisage plutôt de le faire dans le permis D, autorisant la conduite de bus.

DES CLIENTS ATTACHÉS AU TAXIS MAIS… Sur le parking de l'amphidrome, quelques clients attendent le départ des mini-bus vers le nord. Ils sont, en ce milieu de matinée, plus difficile à remplir : "Le gros des clients, c'est surtout le matin, lorsque les gens vont travailler", confirmait Mohamed peu avant. Et c'est ce qui gêne certains car, dans la mesure du possible, les fourgons doivent être pleins pour prendre la route, rendant quelque peu fluctuante l'heure de départ. "Il ne faut pas toujours être pressé", regrette un trentenaire qui se rend à un rendez-vous à Bandraboua. Une dame à côté acquiesce en levant les yeux. "C'est quand même sympathique, c'est aussi ça Mayotte", ajoute-t-elle, "Souvent on discute pendant le trajet, et c'est aussi l'occasion de recroiser des gens qu'on ne voit pas tout le temps." "Je suis d'accord, mais aujourd'hui l'île a besoin de plus régularité", complète l'homme qui conclut : "On y attachés aux taxis, mais il faudrait maintenant mieux les organiser, pour que ça soit plus simple pour les usagers. Moi, je suis prêt à payer un peu plus cher s'il le faut." n *Le prénom a été changé sur demande de l'intéressé.

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LE DOSSIER

Cyril Castelliti

RÉGLEMENTATION

EN ROUTE VERS LA MODERNISATION NOUVEAU CODE COULEUR, MODERNISATION DES ÉQUIPEMENTS, RÉORGANISATION DES TARIFS : LES TAXIS MAHORAIS SE PRÉPARENT À DE GRANDS CHANGEMENTS DANS L’ORGANISATION DE LEUR PROFESSION. UNE "PETITE RÉVOLUTION" QUI S’OPÈRE ÉTAPE PAR ÉTAPE DANS UN SECTEUR HABITUÉ À VIVRE SELON DES RÈGLES D’UN AUTRE TEMPS. Les (gros) sous sont là. Alors que le Conseil départemental a accordé une enveloppe de 6 millions d’euros pour moderniser les taxis mahorais et leur organisation, la profession se retrousse les manches pour rattraper un retard d’envergure. L’occasion pour les premiers concernés de faire entendre leurs revendications concernant leurs conditions de travail, les salaires, et la lutte contre les taxis mabawas. Tour d’horizon de la situation actuelle et des modifications envisagées.

DE NOUVEAUX ÉQUIPEMENTS Selon une étude de la Cadema, 60% des véhicules en circulation ont entre 15 et 20 ans d’ancienneté. L’heure est donc à la rénovation du parc automobile, comme convenu dans la coquette enveloppe du conseil Départemental. Pour rappel "La profession de taxi est l’une des rares qui n’a jamais été aidée par les instances publiques", souligne la directrice du développement économique de la Chambre des métiers et de l'artisanat (CMA), Salama Rania. Plus qu’une rénovation des véhicules, les équipements professionnels sont aussi concernés. Au programme : d’abord une tête de taxis unique présentée comme "un dispositif répétiteur lumineux de couleur blanche à fixation magnétique avec indication lumineuse verte ou rouge informant de la disponibilité", comme convenu dans le compterendu de la réunion de la commission taxis du 15 février 2019. Ensuite, une "plaque adhésive non repositionnable d’identification avec numéro d’AME visible de l’extérieur". De quoi permettre un alignement des équipements, à l’heure où ceux-ci sont encore soumis à une charte du 25 juin 2014 qui suggérait, déjà à l’époque, des "aménagements".

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UN SYSTÈME DE PAIEMENT GÉOLOCALISÉ

Pour le secrétaire général de la Préfecture de Mayotte, Edgard Pérez, pas question de renoncer à certaines "spécificités mahoraises", notamment concernant le "tarif au forfait". "C’est une demande du préfet, de la profession et des usagers", insistet-il. Egalement conservée, la particularité du "taxi collectif". Seule nouveauté à venir d’ici 2020 concernant le paiement : la mise en place d’une petite imprimante qui délivrera une facture au client "dès sa prise en charge dans le véhicule". "Déjà, cela permettra au chauffeur de s’assurer que son client va bien le payer, tout en facilitant les contrôle de l’inspection du travail comme des forces de l’ordre", explique-t-on du côté de la préfecture. Cette imprimante fera également office de "caisse virtuelle", pour permettre au taximan de calculer son chiffre d’affaire et d’établir des factures. De quoi faciliter ses démarches administratives, notamment concernant les cotisations sociales. Cette petite imprimante permettra également une autre innovation de taille : la géolocalisation des professionnels. "Le client pourra joindre directement un centre d’appel afin de commander un taxi sur un point précis", ambitionne-t-on du côté de la CMA. Une initiative de la coopérative Taxi vanille, dont la CMA espère porter le nombre d'adhérents à 100 d’ici la fin de l’année.

RÉSOUDRE LE PROBLÈME DES AUTORISATIONS DÉLIVRÉES PAR LA PRÉFECTURE Parmi les problématiques régulièrement soulevées : la question des "licences", ou plutôt des "autorisations de stationnement" permettant au taximan d’exercer légalement son métier. Actuellement 660 sont délivrées sur le territoire, dont une majorité à Mamoudzou (340), et en Petite-Terre (115). Problème "on sait que beaucoup ne sont pas utilisées par les professionnels", reconnait la Préfecture. Résultat, alors que certains conservent ce sésame, d’autres ne peuvent y prétendre en raison des quotas imposés. Pourtant, contrairement à la métropole, "Ces autorisations n’ont aucune valeur financière. Elles ne peuvent être rachetées ni revendues. Mais certains imaginent quand même qu’ils pourront les monnayer à l’avenir. Or, Mayotte ne se tournera jamais vers ce système. Au contraire, c’est plutôt la métropole qui semble suivre notre exemple", explique Edgard Perez. Pour résoudre cet écueil qui ne date pas d’hier, la Préfecture prévient d’emblée que "les quotas peuvent être révisés". "Mais avant d’envisager une augmentation du nombre d’autorisations, il faut d’abord faire de l’ordre", prévient Egard Perez. Ainsi, des procédures de retrait d’autorisation ont été lancées et seront effectives "d’ici fin novembre". "Nous en profiterons pour redistribuer les licences à de jeunes chauffeurs de taxi qui nous pressent pour exercer ce métier. L’objectif : améliorer la desserte sur Mayotte", conclut-t-il.

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LE DOSSIER

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QUID DES TARIFS ? Plusieurs fois réclamée par la profession, le prix de la course a connu une augmentation de 10% sous décision préfectorale, le 14 mai dernier. Une première depuis quatre ans, qui doit s’accompagner d’une nouvelle augmentation dans les prochains mois en raison de l’amélioration des services indus par la modernisation. Entretemps, un problème de taille doit être résolu : la grille des tarifs. "C’est d’une complexité absolue !", reconnait le secrétaire général de la préfecture. Même constat chez la CMA qui évoque "un véritable roman sur plusieurs pages". Difficile en effet de s’y retrouver dans cet arrêté préfectoral noirci de quadrillages, où les tarifs varient d’un village à l’autre en fonction du parcours choisi. "On réfléchit à une grille tarifaire beaucoup plus simple", explique Edgard Perez. "Pourquoi pas un système concentrique avec des zones, à l’instar de la région parisienne", propose-t-il en insistant : "Dans tous les cas, il nous faudra quelque chose qui tienne sur une page ou deux". "On a demandé aux syndicats d’y réfléchir et de nous faire des propositions", conclut-on du côté de la Chambre des métiers.

UNE VITRINE POUR MAYOTTE Point commun de toutes ces mesures : la nécessité d’uniformiser les taxis afin de discerner les vrais des faux. Un leitmotiv censé répondre aux attentes de la profession qui ne mâche pas ses mots face aux taxis mabawa. Pour couronner cette volonté, l’arrêté préfectoral du 14 mai indique qu’une couleur unique sera désormais en vigueur pour les taxis : le "jaune ylang". "C’est un marqueur pour la profession. Un vecteur d’unification qui favorise le tourisme, à l’instar des taxis londoniens", se réjouit le secrétaire général de la Préfecture. "Nous avons lancé une consultation auprès des concessionnaires de l’île. Les taxis nous seront livrés en blanc et nous avons décidé de les floquer jaune. La coopérative Taxi vanille avait déjà prévu de remplacer certains véhicules pour ses adhérents. Elle s’est donc portée volontaire pour recevoir ces premiers véhicules test d’ici la fin du mois prochain", explique de son côté Salama Rania. Alors que le secrétaire général de la Préfecture confirme que "les premiers prototypes d’équipements ont déjà été reçus", force est de constater que la modernisation est en bonne route. Mardi 29 septembre, la directrice du développement économique de la CMA indiquait qu’une trentaine de candidatures ont été déposées par des artisans taxi pour moderniser leur véhicule et l’équiper. Verdict attendu d’ici la fin de l’année, avant de voir d’ici 2020 les premiers changements concrets de chantier d’envergure.

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LE DOSSIER

Gregoire Mérot

TRANSPORT EN COMMUN

DANS LES ROUES DE CARIBUS L’APPARITION DE TRANSPORTS EN COMMUN AURAIT PU INQUIÉTER BON NOMBRE DE TAXIMEN. IL N’EN EST FINALEMENT RIEN ET LEUR MÉTIER NE RISQUE PAS DE DISPARAÎTRE SUR L’ÎLE. AU CONTRAIRE, ILS VIENNENT S’INSCRIRE DANS UNE LOGIQUE DE COMPLÉMENTARITÉ DANS UN ESPRIT "GAGNANT-GAGNANT", ASSURE PAR EXEMPLE LA CADÉMA QUI PORTE LE PROJET CARIBUS. Caribou les bus. C’est un peu ce que peuvent se dire les différents artisans taxis de Mamoudzou. Car si bon nombre d’entre eux craignent des problèmes de circulation encore accentués lors des travaux d’aménagement nécessaires à la future circulation des bus, le futur semble s’éclaircir pour eux, comme sur les routes. "Le premier avantage que je vois à Caribus, c’est qu’il devrait y avoir moins de circulation", considère déjà Ali, qui accueille le projet programmé pour 2023 avec bienveillance. Il a pris part aux différentes discussions qui doivent envisager l’avenir de sa profession alors qu’un Plan global de transport et de déplacement (PGTD) se mettait en place pour définir clairement l’avenir de la mobilité dans l’île. Le premier axe fort de ce PGTD est évidemment l’apparition de lignes de bus. Si les dates sont encore incertaines voilà le premier axe du document cadre : "développement du premier réseau de Transport collectif interurbain (TCI) avec les taxis desservant le reste des villages périphériques, aménagement de 70 points d’arrêts, déplacement et réaménagement de la gare maritime de Mamoudzou…" "Dès le départ nous avons intégré les taxis au projet, ils doivent en être partie prenante dans une logique de complémentarité", poursuit Mohamed Moindjié, vice-président de la Cadema en charge du dossier. "Nous avons

créé une commission de concertation où ils ont pu nous faire part de leurs attentes tandis que nous leur présentions le projet. C’est à travers elle que nous avons pu affiner notre démarche commune et ils sont aujourd’hui tous d’accord", affirme encore l’élu. "Ils auront plusieurs possibilités et des marchés publics seront formés à leur intention pour desservir certaines zones. A eux de s’organiser, en regroupements par exemple à l’image des Taxis Vanille, pour se positionner sur certains lots", détaille-t-il, se disant très flexible quant à leurs attentes. Notamment sur l’utilisation des voies des bus par les taxis. "Ce sont des négociations que nous devons mener, pour l’instant ce sont des voies dédiées aux bus et aux secours mais ce n’est pas fermé, l’idée est simplement que ça ne bouchonne pas afin de maintenir un haut niveau de service. Mais regardez à Paris, les taxis utilisent ces voies sans aucun problème donc c’est envisageable", soutient l’édile. Complémentaires des bus… et des bateaux "Moi, quand j’entends que l’on aura plus de pôles d’échanges, plus de points de desserte, des destinations mieux encadrées, le tout dans une circulation qui devrait être plus fluide, je ne peux être que ravi", se félicite ainsi Ali, avant de de se faire plus tempéré. "Le problème c’est qu’on ne sait jamais vraiment avec eux, les dates changent, les projets aussi, on manque de visibilité", s’inquiète le taximan. Les différentes parties

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prenantes que sont la Ville de Mamoudzou, la Cadema ou encore le Conseil départemental se veulent pourtant rassurantes. "Il faudra peut-être revoir le calendrier à la marge, concède-t-on, mais l’essentiel est là et ne bougera pas, ce sont des projets déjà financés notamment à travers le contrat de convergence", soutient Mohamed Moindjie. La visite du président de la République en ce mois d’octobre est venue confirmer ce dernier point. "Le développement passe par les infrastructures, le plan de convergence prévoit 300 millions d’euros sur la mobilité, il s’agit d’un programme routier et de transport en commun que l’État soutiendra", a affirmé Emmanuel Macron. Deuxième axe du Plan de transport : "création d’une ligne supplémentaire Est-Ouest (Acoua-Combani-Passamainty), réaménagement du ponton de Mamoudzou, mise en service d’un pôle d’échange à Petite-Terre, Passamainty et HautsVallons, aménagement du pôle d’échanges multimodal central de Mamoudzou, mise en service du transport collectif urbain « Caribus » d’ici 2023, création de deux lignes maritimes Iloni-Mamoudzou et Longoni-Mamoudzou..." Vers une logique de service public ? Là encore, le taxi s’inscrit dans une logique des premiers et derniers kilomètres, c’est-à-dire les trajets entre le

domicile ou le lieu de travail et le pôle d’échange le plus proche. Une complémentarité pensée à travers un impératif : "la nécessité de trouver des solutions alternatives aux véhicules individuels", souligne encore le document. En ce qui concerne les taxis, plusieurs pistes sont à l’œuvre et on laisse même entendre au Conseil départemental qu’une personne pourrait utiliser un même titre de transport pour les navettes maritimes, le bus et… les taxis. Ces derniers devenant donc un véritable service public. "J’aimerais y crois mais je pense que ce sera très compliqué à mettre en place car il faudrait alors que nous soyons payés par le conseil départemental ou autre et non plus directement à la course", considère Ali, rappelant au passage au point d’achoppement entre deux logiques. "Il faut garder en tête que nous sommes une profession privée et qu’il faut nous laisser une certaine liberté dans notre métier". "Oui mais on ne peut pas en même temps leur donner des millions d’euros de subvention, notamment pour les aider à moderniser leur flotte et leur assurer un avenir pérenne et ne pas leur demander une contrepartie. Ils étaient indispensables jusqu’à présent, nous devons pouvoir compter sur eux à l’avenir", réagit-on au Conseil départemental. De tout bord, on veut en tout cas penser le transport, en commun.

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LE DOSSIER

Solène Peillard

ET AUSSI

LES TAXIS CLASSIQUE… ET LES AUTRES

FAUTE D'ACTEURS PUBLICS, ILS ASSURENT LE SEUL SERVICE DE TRANSPORT EN COMMUN DE L'ÎLE – RAISON POUR LAQUELLE LA PRÉFECTURE EST CHARGÉE DE FIXER LEURS TARIFS. MAIS DEPUIS QUELQUES MOIS, DES ENTREPRISES PRIVÉES GERMENT ÇÀ-ETLÀ POUR PROPOSER DES ALTERNATIVES LOCALES AUX TAXIS, À L'INSTAR DE CE QUI SE FAIT DÉJÀ EN MÉTROPOLE VIA DES APPLICATIONS MOBILES. LE BUT N'EST PAS LÀ DE CONCURRENCER CEUX QUI TRANSPORTENT LES MAHORAIS EN VILLE COMME EN BROUSSE DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, MAIS PLUTÔT DE COMPLÉTER LEURS SERVICES. UNE AFFAIRE QUI ROULE POUR LES USAGERS, ET PARFOIS, POUR LES TAXIMEN EUX-MÊMES.

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LE COVOITURAGE AVEC GARI'CO Mettre en relation des conducteurs et passagers qui parcourent les mêmes tronçons de route dans des voitures à moitié vides ? BlaBlaCar l'a déjà fait en métropole et en Europe, mais à Mayotte, Gari'Co a pris le relais. Ce site web a vu le jour en fin d'année dernière, afin de proposer le premier réseau de covoiturage de l'île aux parfums – et qui concerne également les deux roues. "La cible, c'est vraiment les trajets quotidiens, car pour le ponctuel, le taxi sera plus rentable", reconnaît El-Farouk Adinani, de l'association Sirel976 Production, instigatrice du projet. Une idée pratique, sociale et économique, mais à laquelle les Mahorais adhèrent lentement. Un an après son ouverture, le site recense à peu près 400 inscrits. "C'est encore trop tôt pour savoir si ça fonctionne ou pas", tempère El-Farouk Adinani, rappelant que le covoiturage n'est pas encore un mode de transport bien ancré dans les mœurs et que nombre de conducteurs peinent encore à céder le volant. Le projet initial de Gari'Co prévoyait d'inclure des taxis, afin de proposer une alternative aux passagers qui ne trouveraient pas de trajets disponibles – moins de dix itinéraires étant mis en ligne chaque semaine à l'heure actuelle – mais les syndicats n'ont finalement jamais donné suite.

COMMENT ÇA MARCHE ? En attendant que l'application arrive, dans le courant de l'année prochaine, le site www.covoiturage-mayotte. com est la seule plateforme disponible. L'interface permet d'indiquer les points de départ et d'arrivée du trajet, ainsi que la date souhaitée. Là, s'affichent tous les covoiturages coïncidant disponibles. En cliquant sur un trajet, plusieurs détails peuvent être consultés : la récurrence hebdomadaire de l'itinéraire, toutes ses étapes, le profil du conducteur, le type de véhicule, le nombre de place disponibles, la possibilité ou non de transporter de gros bagages, des animaux, etc. Au moment de la réservation, il est possible de payer une place ou plusieurs, sous réserve de disponibilité. Après quoi, l'utilisateur peut payer par carte bleue pour ensuite contacter le conducteur. Côté conducteur justement, il est impératif d'ajouter le type de véhicule à son profil, ainsi qu'une copie du permis de conduire avant d'enregistrer son premier trajet sur le site de Gari'Co, sécurité oblige. Les utilisateurs sont également invités à ajouter à leur profil leur carte d'identité ou passeport, afin d'assurer la traçabilité de chaque internaute en cas de problème lors du trajet.

COMBIEN ÇA COÛTE ? Les conducteurs fixent librement le prix de leur covoiturage, mais le site propose tout de même un montant à ne pas dépasser. Par exemple, un trajet de Sada vers le lycée de Kahani est affiché au tarif de 1,68 euros par passager – dont 18 centimes de frais de réservation –, pour une distance d'un peu moins de sept kilomètres. Mais un tarif préférentiel sera appliqué si le passager décide de rejoindre ce trajet tous les jours. Le cas échéant, il sera facturé au mois.

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PRATIQUE

LIMITE LES BOUCHONS PROFILS VÉRIFIÉS 23

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LE DOSSIER

UN CHAUFFEUR PRIVÉ AVEC L'APPLICATION PREMIUM La France représente le deuxième plus gros marché d'Uber en Europe. Pourtant, depuis son arrivée sur l'Hexagone il y a quelques années, le mastodonte dans le milieu des chauffeurs privés n'a jamais posé un pied en Outre-mer. Il n'en fallait pas plus à Shamir M'ze pour se lancer et créer, il y a six mois, son homologue mahorais. Son application mobile, Premium, permet à qui le veut, en Grande-Terre uniquement, de réserver à toute heure du jour ou de la nuit un chauffeur soit pour un trajet donné, soit pour un nombre d'heures déterminé. Dans le deuxième cas de figure, le conducteur du véhicule accompagne alors l'usager dans chacun de ses déplacements et au besoin, l'attend avant de reprendre la route. Au total, une dizaine de chauffeurs privés travaillent au service de Premium. Parmi eux, des taximen licenciés, pour qui l'application représente un sérieux complément de revenus. La plateforme séduit aussi les usagers, puisqu'ils sont déjà presque 2 000 à l'utiliser de manière plus ou moins récurrentes, et particulièrement lors des sorties nocturnes, aux heures où les taxis manquent souvent.

COMMENT ÇA MARCHE ? Une fois l'application Premium installée (disponible sur iPhone et Android), il suffit d'indiquer le point de départ et d'arrivée pour la formule à la course, ou le nombre d'heure de mise à disposition, compris entre 30 minutes et 24 heures. L'écran affiche une carte permettant de voir en direct l'emplacement de chaque chauffeur, qu'il soit en voiture citadine, en van de huit places ou en moto (lire également notre article consacré aux taxis-moto), les trois types de véhicules proposés par Premium. Ne reste ensuite plus qu'à indiquer la date, l'heure, le nombre de passager, le mode de paiement (à bord, en espèce ou directement par carte) et éventuellement les demandes particulières, comme le nombre de bagages. Une fois la réservation enregistrée, le chauffeur contacte le client pour confirmer la course. Le délai de réception du message peut varier en fonction du nombre de conducteurs disponibles.

COMBIEN ÇA COÛTE ? Chaque course inclut six euros de frais de service. Ensuite, le coût total du trajet est facturé entre 50 et 80 centimes le kilomètre, selon l'heure. Si cette alternative coûte plus cher qu'un taxi classique, elle permet à chaque utilisateur qui réserve un chauffeur privé de faire monter dans le véhicule autant de personnes qu'il y a de places, sans changer le prix de la course. À titre d'exemple, comptez 26 euros pour une course Mamoudzou-Bandrélé en berline citadine, soit 6,50 euros par personne si le véhicule est pleinement rempli.

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PRATIQUE FLEXIBLE

DISPONIBLE 24H/24 & 7J/7 24•

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TAXIS-MOTO

"TOUTE UNE MENTALITÉ À CHANGER" DE PLUS EN PLUS VISIBLE AUX ABORDS DE MAMOUDZOU, LES TAXISMOTO SEMBLENT S’INSTALLER À LONG TERME, ET CE MALGRÉ LEUR IRRÉGULARITÉ. L’UNION DES TAXIS DE MAYOTTE, QUI A SIGNALÉ LE PHÉNOMÈNE À LA PRÉFECTURE, SOUHAITE RÉGLEMENTER LE MÉTIER ET ENCOURAGER LES PROFESSIONNELS LOCAUX À OPTER POUR CETTE ALTERNATIVE. Deux euros : c'est, aujourd’hui, la somme à débourser pour se libérer de l’enfer des embouteillages à Mamoudzou. Les taxis-moto coûtent en moyenne 40 centimes de plus qu’un taxi classique (1,60€ la course). Évidemment, de nombreux Mahorais les ont adoptés, trouvant dans ce nouveau mode de déplacement un moyen efficace de lutter contre les bouchons aux heures de grand encombrement, entre Koungou et Tsoundzou. Problème : les taxis-moto mahorais n’ont rien de légal. Au niveau national, une réglementation spécifique a été votée en 2010 et est entrée en vigueur en 2011. Cette réglementation légalise la pratique du métier, mais détient ses particularités. Exemple : contrairement aux taxis classiques qui peuvent s’arrêter à tout moment pour prendre un passager, les taxis motos ont l’interdiction formelle de proposer leur service sans qu’il n’y ait eu de réservation au préalable. En le faisant, ils s’exposent à la confiscation du deux roues, une suspension de permis, une amende voire même l’emprisonnement. Or, seule l'application Premium permet aujourd'hui de réserver un taxi-moto, et de l'aveu même de son créateur, les deux roues n'y connaissent pas un franc succès, au contraire des voitures et mini-bus. Outre cette mesure, les taxis-moto doivent répondre à des obligations

plus ordinaires. La détention d’une carte professionnelle, d’un permis A, d’un certificat médical ou encore l’absence d’infraction ayant entrainé la perte de points pour le chauffeur, l’assurance et l’attestation d’entretien portant sur les pneus, le freinage, l’éclairage et la signalisation pour la moto. "Tout le monde est conscient que les taxis-moto clandestins ne respectent aucune de ces réglementations. Ils nous tuent à petits feux comme le font les taxis clandestins en voiture depuis des années, mais cela ne semble pas déranger les services de l’ordre public", déplore Zaïdou Ali Abdallah, secrétaire général de l’Union des taxis de Mayotte. "Nous avons signalé l’émergence illégale de l’activité à la préfecture, mais ne constatons aucune évolution positive pour nous qui respectons les règles", insiste-t-il. En termes purement pratique, l’Union des taxis de Mayotte reconnaît l’efficacité du taxi-moto et encourage tous les professionnels mahorais à y réfléchir. "C’est tout une mentalité qu’il faudra changer et cela risque de prendre du temps, mais si certains d’entre nous veulent sauter le pas, nous serons présents pour les accompagner dans leur reconversion. Il y a un besoin, c’est évident, mais cela doit se faire dans le respect du métier et de ceux qui le pratiquent en toute régularité", conclut-il. Ichirac Mahafidhou

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ENTRETIEN

Geoffroy Vauthier

THANI MOHAMED SOILIHI, SÉNATEUR

"NOUS DEVONS AUSSI Y METTRE DU NÔTRE" UNE SEMAINE APRÈS LA VISITE PRÉSIDENTIELLE, LE SÉNATEUR LREM THANI MOHAMED SOILIHI EST SATISFAIT DE LA VENUE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE. TOUTEFOIS, IL CONSIDÈRE QUE CE N'EST PAS À L'ÉTAT DE TOUT FAIRE ET QUE LES ACTEURS LOCAUX DOIVENT, EUX AUSSI, AMENER LEUR PIERRE À L'ÉDIFICE. PISTE LONGUE, PORT, MAIS AUSSI ÉVOLUTION INSTITUTIONNELLE, LE SÉNATEUR PRÉCONISE DE PRENDRE LES CHOSES EN MAIN. Mayotte Hebdo : Le président Macron a effectué sa visite à Mayotte la semaine dernière. Qu'en retenez-vous ? Thani Mohamed Soilihi : Avant tout, il faut rappeler certaines choses en réponse à des commentaires que l'on entend ici ou là. Une visite présidentielle, ce n'est pas une visite ministérielle, c'est quelque chose d'exceptionnel : tous les départements de France n'auront pas le privilège d'accueillir le président de la République. Le moment est donc important. À écouter certains commentaires, c'est comme s'il fallait profiter de cette venue pour demander des cadeaux. Mais le président de la République, ce n'est pas le Père Noël ! Durant une visite de cette teneur, ce sont donc deux, trois, quatre, cinq au maximum, grandes attentes qu'il faut mettre en avant. Par rapport à cela, je retiens le fait que le chef de l'État a rassuré les Mahorais sur leur appartenance à la France. Cela n'est pas quelque chose de palpable ou de budgétisable, mais on se souvient des propos qu'il avait tenu en campagne et qui avaient pu interroger beaucoup de Mahorais. Or, le président est venu rassurer sur ce point,

c'est une satisfaction pour les Mahorais, car c'est ce qu'ils attendaient. Ensuite, la piste longue. Beaucoup de gens me disaient : "Si Macron vient sans annoncer la piste, cela n'est pas la peine qu'il vienne." Il est venu et vous avez entendu comme moi ce qu'il a dit. Bien. Et puis, il a abordé aussi tout ce qui concerne les droits sociaux, les questions de société, l'immigration, l'éducation, etc. Pour tout cela, j'estime que sa venue à Mayotte a été importante, et que des réponses ont été apportées. MH : La piste longue a été la grande annonce de sa visite. L'enthousiasme a été toutefois modéré. Une retenue sans doute guidée par les nombreuses promesses jamais abouties jusqu'à présent. A-t-elle vraiment une chance de se réaliser ? D'autant que le délai de 18 mois pour finaliser le dossier de lancement des travaux est court… TMS : Je peux vous assurer de la volonté réelle, claire et sans équivoque du président à ce sujet. Je peux vous le dire pour avoir participé à la réunion qui s'est tenue dans

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l'avion présidentielle et durant laquelle nous avons abordé le sujet. Que les Mahorais soient sceptiques, je les comprends. Depuis combien d'année sont-ils baladés avec cette piste ? Combien de présidents se sont succédé ? François Hollande n'en avait même pas parlé. La méfiance est donc parfaitement compréhensible, et heureusement que les Mahorais le sont, méfiants ! Le devise Ra Hachiri, c'est cela : soyons vigilants. Quant au délai de 18 mois, j'espère qu'il n'est venu à l'idée de personne que l'allongement d'une telle piste peut se faire sur cette période. Le président a dit que d'ici 18 mois il y aura des actes concrets qu'il constatera de lui-même. Cela ne veut pas dire que les travaux seront finis et que la piste sera inaugurée. Au-delà du scepticisme compréhensible, il y a quand même des éléments de nature à avoir une bienveillance vigilante. Le président de la République ne s'engage pas pour le prochain quinquennat mais pour le sien, et assez

rapidement. Alors on verra bien si cette promesse – mais je n'ai aucune raison d'en douter –, se met en place. Autre chose : il a aussi parlé de la problématique du port. Mais il ne faut pas penser que ce sont des choses qui vont se faire toutes seules et qu'un beau matin on va se réveiller en voyant la piste qui s'est allongée, par exemple. Il faut qu'on y mette du nôtre. Dans cette historie de piste, ce que j'ai déploré et que je continue à déplorer, c'est que, au contraire de la route du littoral ou de celle des Tamarins à La Réunion, on n'a pas un projet qui provient du territoire, que l'on a élaboré et pour lequel on demande seulement une aide et un appui de l'État. Après cette annonce, il n'est pas trop tard. MH : Que proposez-vous pour y remédier ? TMS : Je propose de mettre en place une sorte de comité de suivi, un regroupement d'élus, de personnes de la société civile, des forces vives de cette île pour suivre

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tout cela et être force de proposition et de vigilance, plutôt que d'attendre et de voir si dans 18 mois la promesse sera concrétisée. Il ne peut être piloté que par le Conseil départemental, qui exerce les compétences de la région à Mayotte. C'est le chef de file qui dessine les grandes orientations du territoire. Aujourd'hui, je demande donc au président Soibahadine de réunir ce comité pour montrer à l'État que ce n'est pas que dans les paroles que l'on tient énormément à cette piste. Une commission de ce type pourrait aussi être créée pour le port, afin de pouvoir travailler de concert avec l'État. Le mérite de cette proposition, c'est aussi que le moment venu, personne ne puisse dire qu'il n'a pas été consulté. Et c'est aussi une question de transparence vis-à-vis de la population. Cette démarche a donc plusieurs vertus. C'est beaucoup plus utile de procéder ainsi que de continuer à disserter pour savoir si les promesses seront respectées ou pas. MH : À propos du port de Longoni justement, le président a déclaré que l'État rentrera dans sa gouvernance. Pouvez-vous nous en dire plus ? Un statut de grand port maritime peut-il être envisagé ? TMS : À terme, pourquoi pas. Avant même la contractualisation de la délégation de service publique (DSP), la transformation du port de Longoni en grand port maritime avait ma préférence, à titre personnel. Mais on ne peut pas faire comme si on ne connaissait pas la situation actuelle : je ne suis pas d'accord sur ce point avec Mansour Kamardine, qui dit qu'il n'y a pas de problèmes de gouvernance. S'il n'y en avait pas, on n'entendrait pas parler des difficultés du port tous les quatre matins. Selon moi, les choses doivent se faire étape par étape. Et cela commence par résoudre une bonne fois pour toutes les problèmes actuels entre le délégataire et le délégant. Ça, c'est indépendant de l'entrée ou pas de l'État dans la gouvernance, qui pourra se faire en second lieu, bien que les avis soient partagés sur le sujet. En tout cas, la proposition de l'État répond à une demande du Conseil départemental. Donc, aujourd'hui, quand certains disent que ce n'est pas la bonne solution, il faudrait savoir ce qu'ils veulent. Le chef de file a émis cette demande, elle a été satisfaite. La question est donc comment finaliser sa mise en œuvre. Les choses ne vont pas se faire toutes seules et je préconise donc là

aussi un comité de suivi, un outil de vigilance associant les différents acteurs jouant un rôle dans le port. Cela permettra de montrer que les acteurs locaux du port n'attendent pas que les choses se fassent toutes seules, mais qu'ils sont disposés et se préparent à travailler avec l'État. MH : C'est une demande qui a été faite officiellement ? TMS : Je l'ai affirmé plusieurs fois lors d'interventions médiatiques, mais je vais peutêtre le demander officiellement au Conseil départemental. C'est une idée que j'émet. Cela ne veut pas dire qu'elle est forcément bonne, mais je lance la discussion. Si des gens estiment que ce n'est pas pertinent, alors qu'ils ne se privent pas de le faire savoir. MH : Vous dîtes regretter que le territoire ne porte pas ses propres projets, mais le Conseil départemental invoque souvent la difficulté que cela représente alors qu'il n'est pas gestionnaire des fonds européens malgré ses demandes. C'est tout de même un handicap, non ? TMS : Il n'y a pas que la gestion des fonds européens qui serait un signe donné à Mayotte pour qu'elle mène de grands projets structurels. C'est d'abord la façon de mener ces projets. J'en viens au changement du mode de scrutin. Aujourd'hui, pourquoi il n'y pas de grands projets structurels partagés par tous ? Parce qu'au départ, lorsque les élus sont candidats et s'adressent à la population, il n'y a pas de concertation entre eux, il n'y a pas de projets communs. Chacun fait son projet dans son coin. On ne voit pas assez grand, pas assez loin : c'est cela qui manque en priorité. La gestion des fonds européens viendrait naturellement si le mode de scrutin changeait, si Mayotte était déclarée dans la loi comme une région. Je suis donc en partie d'accord avec le Conseil départemental, mais il faut commencer par le début : ériger Mayotte en vrai département-région, avec les compétences économiques qui vont avec. C'est à partir de là qu'on aura un argument et une force supplémentaire pour convaincre l'État de laisser cette collectivité assumer cette compétence. MH : Où en est ce projet d'évolution institutionnelle ?

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TMS : Toujours au même point. Pour donner suite à la demande du Conseil départemental, j'ai déposé deux propositions de loi. Maintenant, il faudrait soit profiter d'un véhicule législatif, soit en faire un à part entière, pour les faire adopter si tout le monde veut vraiment aller dans ce sens. J'avais profité d'une loi adoptée au Sénat sur les territoires, et qui va être désormais examinée à l'Assemblée nationale pour essayer de faire passer des amendements issus de mes propositions de projets de loi (PPL) sur l'évolution institutionnelle. Malheureusement, cela n'a pas fonctionné, mais je le savais. Je voulais que, pour la première fois, cela fasse un débat au sein du Parlement. Je ne peux pas être le seul à insister pour que cette évolution ait lieu. MH : Le Conseil départemental y est favorable aussi… TMS : Oui, mais il ne suffit pas de le dire, il faut le montrer. J'en ai discuté avec le président de la République dans son avion. J'ai soulevé le sujet lorsqu'on était réunis, les élus, à la mairie de Mamoudzou, pour demander que tout soit clair. Le président m'a répondu que s'il y avait consensus, on pouvait aller dans cette direction. Ce que je note, c'est que dans le récapitulatif que le président du Conseil départemental a fait de son entretien avec le président de la République, ce point n'était pas évoqué. Moi, j'estime avoir fait ma part du travail jusqu'ici. Je ne veux pas plus insister. Si mes collègues élus estiment que ce projet est important, alors il faut prendre le relais et le montrer autrement que par des paroles : un courrier du président du Conseil départemental demandant à la ministre des Outremer ou au Premier ministre de l'inscrire à l’ordre du jour, par exemple ; ou une motion après le dépôt du PPL pour valider le processus, etc. MH : Les élections régionales doivent se tenir en 2021. Le délai est de plus en plus serré… TMS : Oui, il faut un an entre le changement de mode de scrutin et le scrutin lui-même. Donc en effet, nous n'avons plus beaucoup de temps. MH : Si ce projet doit être examiné, n'avez-vous pas peur qu'il soit l'objet de récupérations partisanes lors des élections municipales ? TMS : Le risque est là, mais cela serait dommage car ce n'est pas censé être un projet personnel à quelqu'un. Je continue de le défendre parce que j'ai donné suite à la demande du Conseil départemental de le relayer au niveau parlementaire, mais ce n'est pas mon projet personnel. Je ne demande pas une loi Thani, j'en ai déjà une (rire). C'est vraiment pour

faire avancer les choses : cette collectivité ne se développera que s'il y a plus de cohérence et de visibilité. MH : Autre sujet, en termes d'immigration, quelles sont les prochaines étapes de l'accord signé en juillet dernier entre la France et les Comores ? TMS : J'ai parfois l'impression qu'à Mayotte, on se bat avec beaucoup d'énergie pour parvenir à des fins, mais qu'une fois celles-ci obtenues, on passe à la suite en oubliant qu'il y a des choses à faire. Mais oui, un comité de suivi est prévu dans le cadre de ces accords. Pour tout vous dire, le vendredi précédent la venue du président de la République, une réunion était prévue au Quai d'Orsay sur la demande du ministre Jean-Yves Le Drian, mais elle a été annulée à la dernière minute car il a dû se rendre en Irak. Je comptais y soulever cette question du comité de suivi. L'accord ne fait pas l'unanimité chez les Mahorais, et la seule manière de leur donner confiance est de mettre en place ce comité de suivi dans lequel les élus mahorais siègeront, pour montrer qu'ils veillent et que l'accord est en train d'être respecté ou pas. MH : Un débat sur l'immigration a eu lieu au Parlement au début ce mois. La député Ramlati Ali y a appelé à aller plus loin, afin que Mayotte puisse être "rendue aux Mahorais." Selon-vous, qu'est-ce-qui pourrait encore être fait pour Mayotte ? On se souvient de vos amendements sur l'adaptation du droit du sol à Mayotte, par exemple. TMS : Sincèrement, je ne suis pas convaincu qu'il faille aller plus loin désormais sur le plan législatif. Qu'on aille plus loin dans la lutte contre l'immigration clandestine, c'est une évidence, mais est-ce que cela passe par adopter d'autres lois ? Je ne crois pas. Commençons par appliquer celles qui sont en place, et il y a de quoi faire : lutte contre les marchands de sommeil, le travail irrégulier, l'accord dont nous parlions précédemment, l'interception des kwassas, la surveillance aérienne de la mer, etc. Quant à mon amendement sur l'adaptation du droit du sol, on ne peut pas constater pour le moment des conséquences autres que la baisse des reconnaissances de paternité frauduleuses. C'est toute la communication autour qui le permet. À part cet effet collatéral, ces amendements, on en verra les résultats que dans 13 ans, car c'est à cet âge-là que les enfants peuvent demander la nationalité française. Le moment venu, ils auront démontré leur efficacité parce que leur application fera que les 45% d'enfants aujourd'hui issus de deux parents en situation irrégulière n'auront plus la nationalité française à l'âge de 13 ans. Et s'ajouteront jusqu'à 10 ou 15% – une estimation – qui sont les enfants concernés par une fausse reconnaissance de paternité. C'est mathématique, il ne peut pas se passer autre chose. Ceux qui parlent de remplacement, avec ces amendements on y met fin. Leur application fera que seuls ceux qui respectent les règles d'entrée de séjour pourront prétendre à la nationalité. n

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LITTÉRATURE

Christophe Cosker, "L’Invention de Mayotte", Pamandzi éd. La Route des Indes, 2019.

LISEZ MAYOTTE Chaque semaine, Christophe Cosker, auteur de L'invention de Mayotte, vous propose la quintessence de chacune des trente-six inventions de Mayotte relevées dans l’ouvrage éponyme.

Alfred Gevrey apparaît comme un personnage important dans le système colonial. Procureur général à Pondichéry, il n’est pas seulement attentif aux Indes orientales, mais aussi à l’archipel des îles de la lune, raison pour laquelle il compose, en 1870, un Essai sur les Comores. Sa démarche est d’abord synthétique, puis analytique. Le livre propose donc, in fine, une monographie sur chacune des îles de l’archipel. C’est le troisième et dernier chapitre qui traite de Mayotte en tant qu’« établissement français ». L’invention de Mayotte par Alfred Gevrey est maîtrisée et laisse peu de place à la personnalité. Le style de l’auteur, dont l’extrait commence par un état des lieux des connaissances sur l’île de Mayotte, se montre vigoureux voire autoritaire. Alfred Gevrey commence par décrire les montagnes dans un style relativement technique qui laisse toutefois place à l’imagination, deuxième caractéristique de son style. La forme de l’hippocampe renversé trouve ici son premier ancêtre : l’île en forme d’arête de poisson. Plus loin dans le texte, la barrière de corail devient un anneau protecteur et, n’ayant pas le mot « lagon » à disposition, l’auteur parle familièrement « d’une vaste nappe d’eau qui reste tranquille », par opposition à la haute mer, derrière le tombant.

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Christophe Cosker

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ESSAI SUR LES COMORES Les remarquables travaux de Messieurs Guillain et Jehenne, les nombreuses notices publiées, et la notice statistique insérée récemment en tête du catalogue des produits des colonies françaises, ont laissé peu de choses à dire sur Mayotte. Il ne reste qu’à augmenter, autant que possible, la somme des renseignements que l’on possède sur cette colonie ; je ne reproduirai donc pas ici, les considérant comme acquises, la plupart des descriptions et des observations rapportées dans ces ouvrages. De cette chaîne principale descendent de nombreux contreforts1 qui donnent à la projection de Mayotte, sur la carte, l’aspect d’une arête de poisson. Les extrémités de ces contreforts se sont échancrées sous l’action incessante des vagues et forment aujourd’hui des caps escarpés ; pendant que le fond des rentrants 2, envahi d’abord par les coraux, s’est rempli de terres d’alluvions entraînées par les pluies, et par les rivières ou les torrents de chacune des vallées plus ou moins profondes qui séparent les contreforts. Les palétuviers ont fait une bordure protectrice à ces fragiles dépôts et ils ont progressé insensiblement vers le large, remplissant peu à peu les nombreuses baies plus ou moins propres au mouillage des navires. C’est sur ces

terres d’alluvion, les plus malsaines mais aussi les plus fertiles de l’île, que se sont établis les villages et les habitations rurales. De formation volcanique, Mayotte est entourée d’une ceinture de récifs jusqu’à affleurer le niveau ordinaire de la basse mer, point où s’arrête leur croissance verticale. Aux grandes marées des équinoxes, ils sont en grande partie découverts. Entre ces récifs, formant un gigantesque anneau autour de Mayotte, et l’île principale, s’étend une vaste nappe d’eau qui reste tranquille pendant qu’au dehors la mer brise avec fureur contre les récifs, et où sont disséminés une vingtaine d’îlots recouverts de laves et de scories issues de cratères aujourd’hui effondrés et disparus dans les bouleversements qu’a subis l’île avant de prendre sa forme actuelle. En outre de ces écueils visibles, cet immense bassin est rempli de bas-fonds au milieu desquels serpente un vaste chenal qui permet aux navires de circuler librement et de louvoyer le long des côtes orientales et occidentales et même de faire complètement le tour de l’île, en dedans des récifs, avec quelques précautions. Alfred Gevrey, Essai sur les Comores, Pondichery, A. Saligny, 1870, p. 198-199.

Emploi métaphorique du terme pour désigner les montagnes de moins en moins élevées comme autant de piliers. Le mot « rentrants » s’oppose ici au mot « saillants » pour désigner, more geometrico, la forme de la côte selon qu’elle excède ou non l’angle plat pour rentrer dans les terres ou saillir vers la mer. 1 2

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Publi-rédactionnel

LA LETTRE DU RESEAU RURAL DE MAYOTTE :

Le Réseau Rural mahorais a été représenté à Poitiers les 19 et 20 septembre 2019 au 15° meeting des RRN, réseaux ruraux nationaux des états membres de l’Union européenne. Cette présence se justifiait par un énorme besoin de prendre connaissance de l’avenir réservé aux RR actuels et plus particulièrement au profil à donner au nouveau "réseau PAC" proposé par l’UE pour l’après 2020. Pour notre jeune réseau mahorais, il est nécessaire d’anticiper cette réflexion, au regard de la pérennisation de ses pratiques et de son expérience sur le terrain, vis à vis de ses partenaires locaux. l’accent a porté sur sa crédibilité en rapport avec sa jeunesse

ainsi que la différence de la nature des produits et services fournis sur notre territoire entre le premier et le second pilier de la PAC, celui-ci étant encore perçu comme exigeant et difficile d’accès, pour ses bénéficiaires agricoles notamment. La rencontre de Poitiers a permis de synthétiser et enrichir les réflexions déjà menées par les réseaux ruraux à différentes échelles sur le profil du futur réseau PAC. L’étape de diagnostic est engagée, des propositions ont été faites afin de construire son architecture et mettre en place les divers dispositifs. Les travaux de Poitiers vont énormément contribuer à réalisation de cette étape. Le résultat final sera bientôt communiqué aux autorités de gestion.


Publi-rédactionnel

ASSEMBLÉE DU RÉSEAU RURAL DE MAYOTTE JEUDI 10 OCTOBRE 2019, L’HÉMICYCLE BAMANA DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL

Le Réseau rural de Mayotte, coprésidé par M le Président du Conseil départemental et par M le Préfet, a organisé son Assemblée des acteurs du développement agricole et rural.

Au programme : retour sur les objectifs et activités du RR976, point sur la réalisation du PDR (programme de développement rural de Mayotte 2014-2020), témoignage des porteurs de projets, discussion entre acteurs et diffusion de 2 films ( le Zébu de Mayotte, le Réseau Rural de Mayotte) pour illustrer les propos. Par ailleurs M David Armellini, du Ministère de l’Agriculture et animateur du Réseau rural national était présent pour apporter des éléments d’information sur la stratégie de la PAC post 2020 et sur les projets nationaux de MCDR ( Mesure collective en faveur du développement rural), à laquelle Mayotte s’est associée. Il a également eu l’occasion, lors de visites de terrain du dimanche 6 au mercredi 9 octobre 2019 d’aller à la rencontre des acteurs de

notre territoire (agriculteurs, collectivités, associations, GAL...) et d’échanger avec eux sur leurs problématiques quotidiennes.

Visite du P.E.R (Pôle Excellence Rural) avec le DRTM.

PARLONS FEADER : Focus sur les projets portés par la Commune de Dzaoudzi-Labattoir : services de base et équipements de proximité pour les populations rurales Lors du dernier séminaire du réseau rural du mois de Septembre 2019 , sur le suivi des projets et la réalisation optimale des demandes de paiement (avance dans certains cas, acompte, demande de solde), les équipes de la commune de Dzaoudzi-Labattoir étaient venues en force pour échanger sur tous leurs projets co-financés par le FEADER (la bibliothèque, les équipements sportifs et la salle d’animation). Ceux-ci s’inscrivent dans la mesure 7 du programme de développement rural de Mayotte qui a pour but la construction ou rénovation d’équipements culturels, économiques, sociaux, sportifs... participant au développement des activités rurales et à l’amélioration des conditions de vie de la population.


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PUBLI REPORTAGE

DÉCOLLAGE DU PROJET DE RÉAMÉNAGEMENT DE L’AÉROPORT DE DZAOUDZI

PISTE LONGUE : on approche ! LORS DE SON DÉPLACEMENT À MAYOTTE, LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, EMMANUEL MACRON, A COUPÉ COURT AUX RUMEURS EN CONFIRMANT L’ALLONGEMENT DE LA PISTE DE L’AÉROPORT DE DZAOUDZI. EN ATTENDANT LE JOUR OÙ DE GROS-PORTEURS VIENDRONT À PAMANDZI, AIR AUSTRAL MONTRE DÉJÀ LE CHEMIN DU DÉSENCLAVEMENT DE MAYOTTE. LA COMPAGNIE A INVESTI DANS L’ACHAT DE DEUX 787-8 DREAMLINER ET LA FORMATION DE SES PILOTES AFIN D’ASSURER TOUTE L’ANNÉE LA DESSERTE DZAOUDZI-PARIS. Pas besoin de long discours. Quatre mots ont suffit : « oui, on le fera ! », c’est ainsi qu’Emmanuel Macron a confirmé aux Mahorais, le 22 octobre 2019, l’allongement de la piste de l’aéroport de Dzaoudzi. Air Austral, qui dessert Mayotte depuis plus de 40 ans et connaît bien les contraintes de la piste actuelle, a salué cette « excellente nouvelle. La concrétisation tant attendue de ce projet contribuera assurément à améliorer l'attractivité du territoire et à renforcer encore le développement du Hub de Mayotte. Elle ouvre de nouvelles perspectives, qui je l'espère, permettront l'arrivée de nouveaux opérateurs ainsi que le développement du marché mahorais », a déclaré le PDG de la compagnie réunionnaise Marie-Joseph Malé.

La longueur de la piste est l’un des freins principaux à l’arrivée d’autres compagnies sur l’archipel. Une compagnie desservant La Réunion, a donné, en janvier dernier, dans une interview à Flash infos, les deux raisons pour lesquelles elle n’était pas présente à Mayotte. Outre le coût du carburant, plus cher qu’ailleurs, la piste ne permet pas d’accueillir de gros-porteurs. Cette compagnie, d’après les mots de son président : « base son succès, son futur, sa croissance et son développement sur l'utilisation de l'A350-900. Or, actuellement, la piste de l'aéroport de Mayotte n'est pas capable d'accueillir dans des conditions satisfaisantes un appareil de cette taille ».

CONTRE VENTS ET MARÉES

LA PISTE DE DZAOUDZI EN CHIFFRES 1930 mètres de longueur piste 1680 mètres de piste exploitables 2600 mètres de piste prévus à terme 200 millions d’euros de budget pour les travaux 2 Boeing 787-8 achetés par Air Austral en 2016 pour proposer un vol direct Dzaoudzi-Paris 8 pilotes et 8 co-pilotes formés par Air Austral pour atterrir de nuit

Il suffit de décoller ou d’atterrir à Mayotte - et le président Emmanuel Macron n’a pas dit le contraire ! - pour comprendre immédiatement le problème majeur de la piste actuelle. « Elle mesure exactement 1930 mètres mais seuls 1680 mètres sont utilisables la majorité du temps car elle s’achève par une colline au sud », indique Olivier Jay, directeur des opérations aériennes chez Air Austral. C’est principalement entre mai et septembre, lorsque les alizées sont favorables, que la piste peut être exploitée dans toute sa longueur car les avions décollent face à la mer ou atterrissent dos à celle-ci. « La colline du Four à Chaux est un obstacle que les pilotes doivent survoler tout en descendant progressivement pour se poser, puis freiner. Et au décollage, il est impossible, sur une distance de 1680 mètres, de donner toute la puissance


La piste ne mesure que 1930 mètres, et lorsque les vents sont contraires, seuls 1680 mètres sont utilisables.

nécessaire à un gros-porteur en partance pour un vol vers Paris à pleine charge », détaille Olivier Jay.

TOURS DE PISTE, TOURS DE CONTRÔLE Pour pallier ces inconvénients, Air Austral a investi dans l’achat de deux Boeing 787-8 Dreamliner. Ces avions, ultra-modernes sont les mieux placés pour desservir Mayotte sans piste longue. « Ce sont, compte tenu du contexte local, les plus performants au décollage pour les vols directs vers Paris », souligne Olivier Jay. Air Austral s’est également engagée dans un programme de formation de ses pilotes afin de respecter les conditions strictes imposées par la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) aux compagnies qui desservent Mayotte. « Pour être autorisés à atterrir à Dzaoudzi, les pilotes repassent régulièrement les tests d’aptitude. Ils effectuent des tours de piste et plusieurs atterrissages avec des avions à vide afin de montrer leur expertise en matière de stabilité et de précision », explique Frédéric Fontaine, recruté chez Air Austral en 2001, aujourd’hui commandant de bord-instructeur et responsable de formation secteurs 777 et 787.

VOL DE NUIT Ce qui est complexe de jour... l’est encore plus de nuit. Afin de pouvoir assurer une liaison régulière entre Mayotte et la métropole, ce qui implique des atterrissages nocturnes, Air Austral a sollicité et obtenu une approbation de l’aviation civile. Pour former ses pilotes, elle a investi dans le développement d’un simulateur de vol. Celui-ci reproduit fidèlement la piste et ses alentours : le relief, les maisons, les

routes. Cet appareil prévoit aussi tous les aléas météorologiques : si la piste est mouillée, il faut attendre la fin d’une averse pour se poser. « Les formations sont lourdes, nous avons donc fait le choix de former tous les pilotes de la compagnie aux vols diurnes et huit équipages - soit un pilote et un co-pilote - aux vols nocturnes », précise Frédéric Fontaine.

UNE LONGUEUR D’AVANCE Air Austral est partie prenante des problèmes récurrents que pose, de longue date, la piste courte : distance de freinage, mais aussi inondations ou conséquences des retards liés aux intempéries (comme les horaires fixes de la barge limitant le temps de travail du personnel de l’aéroport). La compagnie a ouvert la voie, lors de sa demande d’homologation des vols de nuit, à des aménagements de l’aéroport : élagage, balisage lumineux. Avec l’allongement de la piste, la plupart des contraintes s’envoleraient. Air Austral pourrait améliorer considérablement le service proposé aux Mahorais et mieux compenser les aléas techniques. En cas d’avarie sur un 787-8, par exemple, un autre avion tel que le 777-300ER pourrait le remplacer. « L’allongement de la piste de Pamandzi viendra considérablement faciliter les opérations aériennes sur Mayotte et lever les lourdes contraintes opérationnelles auxquelles Air Austral mais aussi les autres compagnies ont à faire face », résume Marie-Joseph Malé. Sa compagnie a une longueur d’avance sur la piste courte, elle mettra tout en œuvre pour suivre la piste longue. Olivia Marquis n


MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayotte.hebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Geoffroy Vauthier

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Couverture :

L'avenir des taxis à Mayotte

Journalistes Romain Guille Solène Peillard Grégoire Mérot Cyril Castelliti Correspondants HZK - (Moroni) Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mouhamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com


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