novembre 2019 Ne pas jeter sur la voie publique • Graphisme : Claire Pesqueux • Imprimé par
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LE MOT DE LA RÉDACTION
DES ERREURS ET DES CHIFFRES L'immigration clandestine demeure une des préoccupations majeures du territoire, et les attentes des Mahorais sur cette petite île où près de la moitié de la population est étrangère, sont fortes. La réponse du gouvernement ? L'opération Shikandra, fixant comme objectif une forte hausse des reconduites à la frontière. Sur le papier, cela fonctionne. Oui, mais voilà : il semble que les moyens supplémentaires accordés par l'État en termes de forces de l'ordre ne suffisent pas à remplir correctement la mission. Résultats : dans cette course au chiffre, des erreurs sont commises. Expulsions illégales et procédures pas toujours rigoureuses augmentent en même temps que les chiffres demandés. Mayotte Hebdo s'est, cette semaine, penché sur cette problématique : témoignages, opinions de policiers sur la question, réponse du sous-préfet en charge de la lutte contre l'immigration clandestine, Julien Kerdoncuf : un vaste dossier pour mieux comprendre les conséquences d'une politique difficile à tenir parfaitement en l'état des choses. Plus légèrement, vous retrouverez dans la rubrique Mayotte et moi le portrait d'Omar Saïd, à la tête de l'association Wenka Culture, qui œuvre pour redonner à Kawéni un visage humain. Un bel exemple de volonté et de motivation. Enfin, puisqu'il faut toujours regarder vers l'avenir, notre rubrique magazine vous propose de tout comprendre des enjeux du projet gazier du Mozambique pour Mayotte. Une source de développement forte, pour laquelle les institutions et acteurs privés locaux désirent se mobiliser. Bonne lecture à tous
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COUP D’ŒIL DANS CE QUE J'EN PENSE
Laurent Canavate
Mayotte Hebdo n°588, vendredi 2 novembre 2012
LA FIERTÉ QUE MAYOTTE AVANCE Donner le meilleur de soi, être fier de son travail, de ses réalisations, s'épanouir dans ses activités professionnelles, mais aussi associatives, familiales, amicales. Consacrer du temps, de l'énergie, s'investir dans ce que l'on fait. Et être payé en retour. Il peut s'agir du travail, pour lequel on perçoit un salaire, mais aussi du sourire des enfants que l'on accueille dans le cadre d'associations sportives, culturelles, de soutien scolaire où on donne de son temps. On pourra (ou non) attendre de la reconnaissance de personnes que l'on aura aidées, soutenues dans la difficulté, dans la douleur. Il peut aussi s'agir d'actes gratuits, pour le plaisir, de travaux à la maison, du jardin ou du champ, d'un évènement, d'une soirée à organiser… À chaque fois on se sera investi, on aura consacré du temps, de l'énergie, nos compétences, on aura réfléchi pour réaliser au mieux cette action. Et le travail aura été fait, l'association aura pu assurer sa mission, la maison se sera embellie, les enfants seront heureux. Ici, comme ailleurs, les concitoyens pourront être fiers d'avoir élu telle personne qui se bouge, agit concrètement, efficacement, améliore nos conditions de vie, de déplacement, participe au développement du territoire. Le chef de service sera reconnu pour son domaine d'activité qui progresse, s'améliore. Les écoles en bon état, avec des enseignants de qualité, tout comme les routes (desquelles on aura pu balayer le gravier !), le cinéma qui accueille des scolaires tous les matins et projette des films, les entreprises qui sont florissantes, qui se développent, créent des emplois, payent des impôts, des taxes qui permettent de disposer de nouveaux moyens pour continuer à avancer. L'agent sera reconnu sur le terrain pour avoir fait son travail. Il aura mérité son salaire. Mais à Mayotte, parfois, ça ne marche pas comme ailleurs. "C'est Mayotte…", disent certains avec une moue dégoutée ou désespérée, d'autres plus fièrement attachés à leurs particularismes. Le résultat est que le cinéma ne diffuse pas de film. Le centre d'hébergement n'héberge et ne nourrit plus personne depuis longtemps. Le stade territorial, la fierté de l'île, ne peut plus accueillir de match officiel. Les
TOLERIE - PREPAR ATION - PEINTURE
routes sont embouteillées à la moindre anicroche. L'île est paralysée à la moindre grève, au moindre barrage. Les plages ne sont pas aménagées. Les déchets submergent l'île. Les chefs de services ne dirigent rien ni personne. Ils préfèrent fuir - courage ! -, devant les chantiers à mener, les problèmes à résoudre et les responsabilités à assumer. Les élus fuient plus vite encore, à la recherche du moindre billet d'avion. Les syndicalistes pensent au présent, mais obèrent gravement l'avenir de toute l'île en voulant absolument intégrer tout le monde dans une fonction publique qui ruinera Mayotte et ses communes par des milliers d'agents incapables d'assurer la moindre mission. Placés là sans raison, sans emploi, sans activité, sans compétence, sans avoir passé le moindre concours. Sans le moindre chef, sans accepter d'obéir à des règles de base, de respecter des horaires… Les élus n'osent surtout pas leur dire, et c'est le problème. Les syndicalistes le taisent. Mais pour payer ces agents inutiles, il faut de l'argent. Et il ne tombe pas du ciel. Il faut le prélever sur ceux qui essayent de travailler, mais aussi sur toutes les marchandises qui rentrent sur l'île. Alors les syndicalistes se battent pour intégrer tous ces agents, mais parallèlement contre la vie chère que cela entraîne… S'il n'est pas question de "virer" tous ces agents inutiles, au moins faut-il les mettre au travail, il est temps, que ça bouge dans les bureaux, sur le terrain, que Mayotte avance ! Il est temps de s'appuyer sur de véritables directions des ressources humaines, de les former, les encadrer, les suivre, les mettre au travail ou les aider à se reclasser, à préparer des concours, à partir en pré-retraite, à s'installer dans le privé. Mayotte se meurt de ses agents publics "inutilisés", alors qu'encadrés, motivés, mobilisés, ils pourraient se mettre au travail et être fiers de leurs actions, de leurs réalisations, des dossiers qu'ils participent à faire avancer, à faire aboutir. Et toute l'île en profiterait, dans tous les secteurs. Heureusement il y a des élus et des agents publics efficaces, dynamiques, courageux, mais bien trop peu. Et pour beaucoup le courage manque, la fierté aussi que Mayotte avance.
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S LE RÉTRO
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Entretien avec le préfet Tout juste revenu de Paris où il avait assisté au discours du président de la République sur l'Outremer, Hubert Derache, alors préfet de Mayotte en poste depuis trois mois accorde un entretien exclusif à Mayotte Hebdo. Et il tient à répondre à une inquiétude : "Il n'y aura pas de régularisation massive parce qu'on a bien vu partout, en Espagne, en Italie, et même en France quand on l'a fait en 1997, quand il y a eu le changement de gouvernement, qu'à chaque fois qu'il y a régularisation, vous ne réglez même pas le sujet que déjà vous avez un appel d'air. Finalement, vous repartez à la case "départ" et vous avez perdu tout le bénéfice de la mesure de régularisation." Mayotte Hebdo n°451, vendredi 13 novembre 2008.
Pêche miraculeuse à Bandrélé Incroyable : un mérou de 157 kilos est pêché à Bandrélé ! "Le jeune homme, aquaculteur à la société Sud Aquaculture a rejoint comme chaque matin les cages à ombrines du site de sa société au large de Bandrélé. Et comme chaque matin, il se saisit de sa canne à pêche, de sa bobine de fil longue de 200 mètres et tente d’attraper des poissons au bout de sa ligne. Cela faisait plusieurs jours qu’Harache avait repéré un mérou d'une taille impressionnante rôder autour des cages à ombrines." Au final, le poisson mord et il lui faudra 1h30 de combat pour le ramener, mais aussi cinq personnes pour le charger dans la voiture. Retrouvez le récit entier de cette incroyable session de pêche dans les pages suivantes. Mayotte Hebdo n°680, vendredi 14 novembre 2014.
LA PHOTO D'ARCHIVE
Rencontre entre l'intersyndicale et le conseiller du premier ministre Novembre 2011 : cinq semaines après le début de la grève contre la vie chère, l'intersyndicale emmenée par Boinali Saïd rencontre pour la première fois Denis Robin, ancien préfet de Mayotte et conseiller du Premier ministre (François Fillon), en visite sur l'île pour tenter de dénouer la crise. Pour autant, rien ne se jouera ce jour-là. Denis Robin le dit lui-même : "on ne sortira pas de la première réunion avec une solution."
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IL Y A 5 ANS
IL Y A 10 ANS
C'ÉTAIT DANS MH
COUP D’ŒIL DANS PÊCHE MIRACULEUSE À BANDRÉLÉ Mayotte Hebdo n°680, vendredi 14 novembre 2014.
Mercredi matin en se levant, Harache Abdoul Madjid n’avait pas imaginé la merveilleuse journée de pêche qui l’attendait.
Le jeune homme, aquaculteur à la société Sud Aquaculture a rejoint comme chaque matin les cages à ombrines du site de sa société au large de Bandrélé. Et comme chaque matin, il se saisit de sa canne à pêche, de sa bobine de fil longue de 200 mètres et tente d’attraper des poissons au bout de sa ligne. Cela faisait plusieurs jours qu’Harache avait repéré un mérou d'une taille impressionnante rôder autour des cages à ombrines. Il lui arrive en effet de faire un peu de plongée autour des cages à poisson. Quelques mois plus tôt, déjà, il avait attrapé un mérou d'une taille impressionnante, qui pesait 120 kg. Il faut dire que les cages des aquaculteurs agissent comme des dispositifs de concentration de poissons. La nourriture distribuée aux poissons d'aquaculture se répand à proximité des cages et les petits poissons sont attirés par l'aubaine. Leurs prédateurs naturels, carangues, mérous en font alors leur territoire de chasse. Les mérous sont de redoutables prédateurs. Ils se terrent dans la vase et à proximité des
récifs coralliens et restent sans bouger en attendant qu'une proie se présente à leur portée. Ils s'en prennent volontiers aux crustacés, mais aussi aux poissons plus petits qu'eux, aux petits dauphins et requins qu'ils gobent en entier avec leur énorme bouche. Leurs dents en forme de crochet retiennent les proies qui seront broyées impitoyablement. Durant leur vie, les mérous absorbent d'impressionnantes quantités de nourriture et ne cessent presque jamais de grossir. Après avoir placé une ombrine au bout de son hameçon n°2, notre pêcheur attend patiemment que “ça morde”, assis sur une cage à ombrine, les pieds effleurant l'eau. Le nuage de pluie énorme qui plane au-dessus du lagon et recouvre l'île de Mayotte se dégonfle tout à coup. Pour notre pêcheur, c'est un indicateur efficace pour une bonne partie de pêche. Les gros poissons apprécient lorsqu'il pleut et qu'une légère houle balaie le lagon. L'aquaculteur espère remonter une carangue, sa prise habituelle, un poisson
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déjà lourd et combattif. Une fois, Harache raconte qu'il a retrouvé au bout de son hameçon un requin. S'il n'est pas parvenu à identifier le type de squale, il se souvient que la bête mesurait 2,30 m et pesait 149 kg. Il avait dû batailler pendant une heure pour que l'animal, épuisé, accepte de se laisser cueillir.
Un combat de 1h30 Il en est à ce point dans ses rêveries lorsque, sur le coup de 9h, la ligne se tend. Immédiatement, notre pêcheur comprend qu'il s'agit d'une grosse prise. La poussée est très lourde et le fil menace déjà de rompre. Il détache sa barque, saute à l'intérieur, attrape sa canne et se prépare au combat. Le pêcheur a toutes les peines du monde à retenir la ligne en évitant qu'elle casse. Tout le jeu consiste à libérer le frein pour laisser l'animal se fatiguer sans briser le fil de pêche puis à suivre sa piste. À plusieurs reprises, le pêcheur a dû s'escrimer à conserver le poisson au bout de sa ligne, laissant la barque dériver sur plusieurs centaines de mètres. Au bout de l'épuisement, il trouve malgré tout la force de garder la bête intacte. Le poisson a finalement
déposé les armes au bout d'une heure et trente minutes de combat. Le pêcheur n'a plus eu qu'à attacher le poisson à la barque et à le trainer vers la berge. “Après, tous ces efforts, il a fallu une dizaine de minutes de récupération à Harache avant de s'extraire de la barque. Cinq personnes ont été nécessaires pour tirer l'animal fabuleux hors de l'eau et le faire glisser à l'arrière du pick-up. Sur la place de Bandrélé, les villageois et autres badauds sont venus en nombre pour admirer la prise du jour. Habitués à acheter le poisson à Harache, ils ont été impressionnés par la taille du mérou. Pour peser le poisson, comme la plupart des pêcheurs, Harache le débite d'abord et pèse sa prise au fur et à mesure qu'il vend les morceaux. Le poisson est vendu entier avec les arrêtes, même la tête et la queue ont trouvé preneurs. En l'espace de 4 heures, les 157 kilos du mérou ont disparu de l'étal de fortune improvisé avec des feuilles de bananiers. Il faut dire que le prix était modéré, 5 euros au kilo. À la fin de la journée, le pêcheur est rentré fourbu, mais heureux de sa prouesse et de sa bonne affaire afin de déguster un bon ragoût de mérou.
Adrien Theilleux
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TCHAKS LE CHIFFRE 30 C'est le nombre d'agents de tri urbain et de médiation qui seront postés jusqu'à la fin de l'année, trois fois par semaine, autour des points de récolte des déchets de Mamoudzou pour les débarrasser de leurs nombreux déchets jonchant le sol, mais aussi pour sensibiliser les riverains. Initié par la Communauté d'agglomération de Dembéni-Mamoudzou (Cadema), l'appel à projets a été remporté par le regroupement économique et solidaire Tifaki.
LA PHRASE "Les Comoriens qui sont à Mayotte sont chez eux" Sur la chaîne France 24, le président de l'Union des Comores, Azali Assoumani, remet le couvert quant au contentieux qui oppose son pays à la France sur la question de Mayotte. Ce malgré la signature d'un accordcadre de coopération entre les deux États en juillet dernier, accordant une aide au développement plus élevée à l'Union des Comores en échange d'un meilleur contrôle des flux migratoires par ce pays. "Il y a des Comoriens à Paris et à Marseille, je ne vois pourquoi il ne pourrait pas y en avoir à Mayotte", a-t-il également déclaré.
L'ACTION Couvre-feu à Combani et Miréréni Mise en place d'un couvre-feu à Combani et Miréréni, par le maire Mohamed Bacar. Une décision qui intervient à la "suite [des] évènements de violence entre bandes de jeunes, qui se sont déroulés récemment dans les villages et qui ont induit à des conséquences regrettables". Il est donc désormais interdit pour tout mineur âgé de moins de 18 ans non accompagné d’une personne majeure, membre de sa famille ou par un tuteur légal de circuler de 19h à 5h du matin sur l’ensemble de Combani et de Miréréni. "Tout regroupement ou déplacement de plus de trois individus non préalablement autorisé est également interdit sur les voies et espaces publics" durant la même plage horaire. En cas de non-respect de cet arrêté, les mineurs seront raccompagnés chez eux par la police municipale ou la gendarmerie nationale et les parents pourront faire l’objet de poursuites pénales.
LA PHOTO DE LA SEMAINE Des élèves contre l'insécurité à Pamandzi Mardi 13, un rassemblement de collégiens, lycéens et parents d’élèves s’est tenu aux abords du lycée de Pamandzi. Plusieurs centaines d’habitants sont venus faire entendre leur inquiétude visà-vis de l’insécurité en hausse sur tout le territoire de Petite-Terre.
TSARARANO Le marché couvert est inauguré Le projet est ancien – 2006 – mais a enfin ouvert ses portes. Vendredi 8, la commune de Tsararano a inauguré son premier marché couvert. "Le projet a pu se réaliser (…) grâce à la collaboration financière et technique des services de l’État, de la préfecture, de la Deal et du conseil départemental. L’objectif étant de renforcer l’attractivité du territoire et de bénéficier d’un service de proximité", a indiqué le Conseil départemental. "D’une superficie de 1 250 m2, ce marché destiné à accueillir les marchands locaux pour la vente de fruits et de légumes, vêtements, textiles, etc., au rez-de-chaussée. L’étage supérieur sera destiné à des bureaux de professionnels", a-t-il par ailleurs été précisé.
PROVERBE Haraka kaina baraka. La précipitation ne porte pas chance.
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LE FLOP
LE TOP Un lycée de la mer en préparation ?
Une réponse qui se fait attendre
On le sait, la mer est l’un des secteurs les plus importants pour Mayotte. Philippe Lefebvre, délégué académique à la formation professionnelle initiale et continue au vicerectorat, intervenant lors d'une conférence sur la formation durant le Forum économique de Mayotte, qui s'est tenu les 12 et 13 novembre, a ainsi confié que l’institution travaillait avec les Affaires maritimes à la création d’un lycée de la mer et du littoral. La première étape de ce travail consiste à mettre en réseau les différents acteurs afin de dégager les besoins et possibilités en la matière ; et la seconde consistera à déterminer si ce lycée verra le jour sous la forme d’un établissement à part entière comme c’est le cas dans d’autres départements d’Outre-mer, ou s’il s’agira seulement de sections.
Deux mois et toujours pas de réponse du gouvernement pour le député Mansour Kamardine. Le 3 septembre dernier, l'élu alertait en effet le ministre de l’Intérieur sur le regain de violence à Mayotte, notamment en milieu scolaire. "Depuis plusieurs mois, un retour du phénomène de bandes violentes, de bandits de grand chemin et d’agressions suivies d’atteintes aux personnes est constaté", expliquait-il, quelques jours après le décès d’un jeune étudiant devant le lycée de Sada. "Ce dernier drame met la population en émoi. Elle s’inquiète au plus haut point et demande que des mesures de lutte générale contre les violences aux personnes soient prises sans délai, que les transports collectifs soient durablement sécurisés et que les enceintes éducatives et leurs abords fassent l’objet d’un plan de renforcement et de vigilance contre l’insécurité." Mansour Kamardine demandait alors de convoquer des assises de la sécurité à Mayotte, associant tous les acteurs dans les meilleurs délais, mais aussi de lui indiquer si le gouvernement envisage d’organiser "immédiatement" une réunion interministérielle intérieur-justice et éducation nationale-outre-mer pour prendre à bras le corps cette problématique.
ILS FONT L'ACTU
Jean-Baptiste Constant et Hadrien Haddak
Après le départ d'Étienne Guillet, la préfecture a un nouveau directeur de cabinet : Jean-Baptiste Constant. À 47 ans, l'homme a œuvré plusieurs années en Polynésie française en tant que Directeur de la réglementation et des affaires juridiques au haut-commissariat de la République, puis en métropole, respectivement aux postes de directeur de la réglementation et des élections à la préfecture des Yvelines ; attaché hors classe ; sous-préfet de Sarlat-laCanéda ; et, avant son arrivée sur le 101ème département, il était directeur de cabinet du préfet de la Loire. Par ailleurs, est aussi arrivé récemment à la préfecture Hadrien Haddak, 28 ans, sous-préfet chargé de l'appui au territoire. Un poste nouvellement créé et destiné à s'assurer de l'application du contrat de convergence dont bénéficie Mayotte.
ÉDUCATION Fred Theys en tournée dans les établissements scolaires de Mayotte Le plasticien réunionnais, spécialisé dans les albums jeunesse et les bandes dessinées pour adultes, proposera son spectacle "Dessine-moi une histoire" dans 14 établissements scolaires de l’île aux parfums. En improvisation totale, l’artiste dessinera en direct les histoires inventées par les élèves, avant d’intervenir au festival Migrant' Scène organisé par la Cimade le 17 novembre à la MJC de Passamaïnty, et à la journée de clôture des 30 ans de la convention internationale des droits des enfants le 23 novembre au lycée de Coconi.
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MAYOTTE ET MOI
Raïnat Aliloiffa
OMAR SAID
REDORER L'IMAGE DE KAWÉNI
TOUS LES HABITANTS DE KAWÉNI CONNAISSENT WENKA CULTURE. ILS SONT CONSCIENTS DU RÔLE QUE JOUE L’ASSOCIATION DANS LEURS VIES AU QUOTIDIEN. SI LEURS ROUTES SONT PROPRES C’EST NOTAMMENT GRÂCE À CETTE ASSOCIATION QUI S’EST ENGAGÉE POUR REDORER L’IMAGE DE SON VILLAGE. UNE BELLE RÉUSSITE POUR CELUI QUI EST À L’ORIGINE DU PROJET : OMAR SAID, UN JEUNE DE KAWÉNI PLEIN D’AMBITIONS. RENCONTRE. Ce n’était pas gagné. Ni pour Wenka Culture, ni pour son directeur général, Omar Said. Il y a deux ans, l’association était encore peu connue. Aujourd’hui elle est devenue un acteur social indispensable pour Kawéni. Ses combats ? Entretien des espaces verts, nettoyage des rues, accompagnement des personnes âgées ou en situation de handicap, dans le quartier de Kawéni. Derrière toutes ces actions se tient un homme, Omar Said. Il est né et a grandi à Kawéni. Alors pour lui c’était comme une évidence, un devoir. Wenka Culture existe depuis 2008, mais elle était jusque là tapie dans l’ombre. Ce n’est qu’en 2017, lors de la prise de fonction d’Omar Said en tant que directeur général, que l’association déploie ses ailes et se fait connaître. Pourtant, personne n’aurait parié sur lui il y a quelques années, pas même ses parents. Le jeune Omar est en effet un enfant rebelle, flirtant avec la petite délinquance que sont les vols et les bagarres. Les cicatrices qu’il a sur le corps lui rappellent sans cesse son passé tumultueux. C’est le sport qui vient le sauver à l’âge de 16 ans. Un jour, alors qu’il est en train de courir, un entraîneur le voit et lui demande d’intégrer son équipe d’athlétisme. "C’est comme ça que j'ai trouvé un cadre de vie plus sein", explique-t-il en poursuivant : "Grâce à l’athlétisme j'ai réussi à me canaliser, à être humble et à respecter les autres." En très peu de temps, Omar devient un sportif de haut niveau. Il remporte plusieurs compétitions régionales et nationales. Il rêve alors de devenir champion du monde. L’athlète intègre le pôle espoir de l’université d’Orléans, mais en 2012, il se blesse à la jambe et ses rêves de gloire s’effondrent. Omar Said passe par une dépression avant de se ressaisir. Il reprend ses études et poursuit une carrière dans l’économie et la gestion. Son objectif ? Devenir riche. Un rêve qu’il partage avec tous les jeunes de son quartier. "Je voulais changer l’image que les gens ont de Kawéni. Tout le monde pense qu’on est incultes, qu’on est des délinquants. Moi je voulais réussir pour montrer l’exemple", raconte-t-il. Il se découvre une passion pour les études et souhaite aller jusqu’au doctorat. Mais l’arrivée de sa fille après sa
licence l’oblige à rapidement travailler pour subvenir à ses besoins. Il devient préparateur de commandes, mais au bout de six mois le jeune père décide d’aller au bout de ses rêves et se lance dans un master économie sociale et solidaire. Le développement de Kawéni, il y pense alors toujours, mais il doit d’abord finir ce qu’il a commencé. Alors qu’il débute sa première année de doctorat, ses parents lui demandent de rentrer à Mayotte pour les aider financièrement. Omar revient avec un master en poche et des projets plein la tête. Il se souvient alors de l’association de son quartier, Wenka Culture. Les fondateurs lui font rapidement confiance et lui laissent champ libre. "À mon arrivée il n’y avait qu’un seul salarié et c’était moi. Je devais aller chercher les subventions pour me payer, et je gagnais entre 500 et 600€, pas plus." Mais Omar n’en démord pas. Il est persuadé qu’il peut faire évoluer l’association et par la même occasion Kawéni. Il décide de créer un projet économique, solidaire et pédagogique. S’en suivent alors des nuits blanches pendant un an et demi jusqu’en février 2019 où Wenka Culture obtient l’agrément qui lui permet d’avoir des activités économiques et des subventions de l’Etat. "Cela a été la consécration pour nous", souritil. Aujourd’hui l’association compte 24 salariés et est en pleine expansion. Omar Said aimerait que Wenka Culture devienne une association départementale et qu’elle agisse sur toute l’île : "Je veux titiller Tifaki Hazi, les Apprentis d’Auteuil ou Mlézi Maoré qui sont un peu seuls sur le terrain". Le jeune entrepreneur souhaite également créer une entreprise sur la mobilité à Mayotte. Elle aidera les personnes éloignées du monde du travail à se déplacer afin de pouvoir s’incérer dans la société. Un projet qui rendra fiers ses parents, notamment son père. Si ce dernier n’avait aucun espoir pour son fils, aujourd’hui il est son plus grand fan et travaille avec lui. Une belle victoire pour le jeune délinquant de Kawéni qui a failli mal tourner. n
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MAYOTTE ET MOI
OMAR SAID
MON ENDROIT FAVORI
Chez ma mère. Elle habite dans les hauteurs et quand on est chez elle on a une vue imprenable sur Kawéni. On voit tout le village et le soir c’est encore plus beau. C’est un endroit très apaisant et calme. C’est là que je m’assois pour réfléchir et élaborer tous mes projets.
MON ŒUVRE PRÉFÉRÉE C’est cette petite statuette d’un bénévole de l’association. Ça représente une personne qui lit, mais elle a sa tête dans sa main et le livre sur sa tête. Pour moi cela veut dire qu’avant de regarder et de juger les vies des autres, il faut d’abord lire sa vie, regarder ce qu’on est. Je comprends aussi qu’il faut écrire son histoire soimême pour être fier de lire son livre plus tard.
MON MEILLEUR SOUVENIR À MAYOTTE C’est en février 2019, quand on a eu l’agrément pour l’association. Personne ne croyait en moi, en nous. Dans ma vie professionnelle c’était ma première victoire. On est la première association à Kawéni à avoir l’agrément. Cela nous a pris un an et demi et on nous a mis beaucoup de bâtons dans les roues. L’agrément change tout parce que c’est ce qui nous permet d’avoir des aides de l’État. On peut aussi désormais faire des activités économiques pour qu’il y ait une entrée d’argent.
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MA PHOTO MARQUANTE C’était la première fois que je prenais mes fonctions à Wenka Culture en septembre 2017. J’étais fier et plein d’espoir. Tout de suite après, j’ai collé les photos de toutes mes idoles derrière. Il y a Nelson Mandela, Thomas Sankara, Malcom X, Patrice Lumumba, Karl Marx, Tupac et bien d’autres. Ils sont tous très différents mais ils m’inspirent chacun à sa façon. Quand j’étais à la fac j’ai beaucoup lu Malcom X, Nelson Mandela, Patrice Lumumba. Ce sont des personnes qui m’ont vraiment inspiré par leur intelligence, leur philosophie, leurs combats pour les noirs, etc. Tupac parce que j’adore le rap. Et Karl Marx c’est inévitable puisque je viens d’une filière économique.
MA BONNE IDÉE POUR MAYOTTE J’aimerais qu’on arrête de parler de manque d’ingénierie sur le territoire. On nous fait croire qu’on n’est pas assez doués pour mettre en place des projets. Il faut arrêter de dire cela, parce que dès lors que les gens entendent ça, ils se disent qu’ils sont incompétents alors qu’aujourd’hui on voit le changement. On a des jeunes qui font des études aux États-Unis, au Canada et ils sont super forts. Ces gens là ont des projets mais on leur dit tellement qu’ils sont nuls qu’ils préfèrent sous exploiter leurs talents. J’aimerais m’adresser à ces personnes là et leur dire qu’elles ont quelque chose à apporter sur cette île. Arrêtez de faire le strict minimum. On jette des cerveaux par la fenêtre. Si on agit tous de cette manière, on n’ira jamais loin, on sera en retard et on n’a pas le temps d’être en retard Deuxième chose : je comprends que l’on parle de l’immigration, que la population en ait marre. Mais si le débat tourne toujours autour de ce sujet nous n’avancerons pas. Nous devons également nous intéresser à autre chose. Débattons sur de vrais sujets économiques qui feront avancer l’île.
Wenka culture se trouve au 2 Rue de Lazerevouni à Kaweni, en face de l’espace Corralium. Vous pouvez également les joindre au 02 69 66 91 60. L’association se charge de nettoyer les rues de Kawéni tout en développant les espaces verts. Ils interviennent également dans les établissements et les municipalités. Pour plus d'informations rendez vous sur leur page facebook : https://www.facebook.com/ wenkaculture/
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LE DOSSIER
Immigration clandestine
LA BOULIMIE DU SHIKANDRA Après une année 2018 marquée par une forte attente de la population en matière de lutte contre l'immigration clandestine, le gouvernement affiche une ambition historique. Fort d'un renforcement des moyens humains et matériels, l’opération Shikandra impulse un rythme effréné d’éloignements, quitte à provoquer des drames humains et des mesures illégales. Mise en contexte.
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e chiffre impressionne : 25 000 reconduites à la frontière. L'objectif est ambitieux et martelé directement de la bouche du président de la République. Après une année 2018 marquée par un conflit géopolitique, des grèves, et des blocages, l'heure est au rattrapage pour les services de l'État en matière d'éloignement vers les Comores. Là où quelque 10 000 individus ont navigué sur le Maria Galanta pour aller simple l'année dernière, Emmanuel Macron indiquait lors de sa visite sur le territoire que 24 000 éloignements ont déjà été réalisés. C'était il y a moins d'un mois, et pourtant "L'objectif des 25 000 expulsions sera atteint sans problème, voire même dépassé", insiste-t-on du côté de la préfecture comme des associations. De quoi retrouver la pole position des territoires les plus expéditifs, à l'heure où Mayotte additionne déjà près de 30 000 OQTF (Obligations de quitter le territoire français) prononcées depuis le début de l'année.
LES POLITIQUES SUR LE QUI-VIVE En 2017, Mayotte dépassait déjà la métropole en la matière avec 16 648 expulsions, contre 10 114 pour la France hexagonale. Si l'ensemble des données ne sont pas encore disponibles pour 2019, l'île aux parfums semble en bonne voie pour distancer une nouvelle fois les autres territoires nationaux. Poussé par une population en attente de mesures fortes en la matière, le gouvernement sort les grands moyens. Nom de code : Shikandra, un poisson réputé pour sa ténacité en matière de préservation de son territoire, qui devient l'emblème d'un programme politique d'envergure. En 2018 déjà, un état-major spécial été créé sous les ordres d'un sous-préfet spécialement dédié à la lutte contre l'immigration clandestine (LIC). Un mois après l'installation de cette structure ambitieuse, le groupe d’enquête sur la lutte contre l’immigration clandestine (GELIC) voit le jour. Progressivement, des intercepteurs sont rénovés ou achetés, portant le nombre total à neuf aujourd'hui. Sur les terres également, des mesures destinées à contrôler les flux migratoires sont mises en place : plus de 30 hectares de "cultures agricoles illégales" sont rasées, tout comme de nombreux bidonvilles qui abritent des centaines d'individus pas toujours en situation de clandestinité. Une cellule interministérielle est même spécialement mise sur pied pour "lutter contre l’habitat illégal" et œuvrer à "sa résorption". Sans parler des effectifs supplémentaires avec notamment plus d'une trentaine de fonctionnaires de la PAF, et 26 gendarmes communaux.
Dans un département où 48 % de la population est étrangère, le gouvernement met la main au portefeuille à grand renfort de communication. Pour autant, impossible de faire l'impasse sur une embûche de taille : la question des retours, dont le chiffre demeure non-quantifiable. Si l'opération Shikandra prévoit un volet politique avec les Comores "dans la lutte contre les filières d'immigration irrégulière, la traite des êtres humains et la sauvegarde des vies humaines en mer", difficile de dissuader les candidats au retour sur un territoire bien plus riche que son voisin direct. Pas plus tard que ce lundi, le corps sans vie d'une femme de 40 ans, apparemment venue en kwassa, a été retrouvé à Majicavo. Un nouveau stigmate pour une île qui continue d'attirer ses voisins en dépit des drames qui s'y jouent. Si les Comoriens entrés illégalement sur le territoire ne s'enregistrent pas à la préfecture, les nouveaux demandeurs d'asile continuent inlassablement de s'additionner devant la file d'attente de Solidarité Mayotte. Pour les uns comme les autres, Mayotte devient un territoire de survie où l'avenir est en suspens.
LES DÉRAPAGES S'ACCUMULENT Pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement, un travail d'éloignement perpétuel est nécessaire de la part de tous les services. Lesquels doivent nécessairement répondre à des impératifs de temps particulièrement courts. Dans cet objectif journalier d'arrestations et d'expulsions, impossible de freiner la machine. Entre les bus transportant les personnes en situation irrégulière – ou suspectées de l'être – et les départs quotidiens du Maria Galanta depuis la Petite-Terre, la LIC tourne à plein régime, parfois au mépris de certaines vérifications. C'est ainsi que de nombreux enfants français ont été renvoyés (lire p. 16-17) ces derniers mois vers un pays dont certains n'ont jamais foulé le pied. Idem pour des parents, séparés de leur famille en dépit du droit français (lire p. 18-19) et , des personnes en situation régulière, des personnes vulnérables... À plusieurs reprise, la préfecture de Mayotte a été condamnée (lire p. 2223) à rapatrier hommes, femmes et enfants au regard de ces erreurs. Pour les professionnels et bénévoles qui accompagnent les étrangers, les sauvetages se font au compte-goutte. Un phénomène d'expulsions expéditives, dénoncé jusque chez les forces de l'ordre soumise aux politiques de quotas (lire p. 20-21). À n'en pas douter, ces derniers sont remplis pour 2019. À quel prix et dans quelles perspectives ? La question demeure nettement plus épineuse. Tour d'horizon de la part d'ombre de la lutte contre l'immigration clandestine, et des conséquences concrètes imposées par ces quotas inédits. Cyril Castelliti
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LE DOSSIER
Grégoire Mérot
TÉMOIGNAGE
"ELLE M’A DIT AU REVOIR À TRAVERS LA VITRE DU BUS"
C’EST COMME SI UNE TEMPÊTE AVAIT TRAVERSÉ SA MAISON. ET SA VIE. À SON RETOUR DES COURSES, UN SOIR DE JUILLET, SAÏD RETROUVE SON LOGEMENT SENS DESSUS-DESSOUS. IL Y A DES MEUBLES À TERRE ET, PÊLE-MÊLE, HABITS ET PAPIERS JONCHENT LE SOL. SURTOUT, IL N’Y A PLUS LE BRUIT QUI ENVAHISSAIT ENCORE LA PIÈCE PRINCIPALE À PEINE UNE DEMI-HEURE PLUS TÔT. SAÏD SE RETROUVE SEUL, SES DEUX ENFANTS FRANÇAIS ET SA FEMME SONT DÉJÀ EN ROUTE POUR LE CENTRE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE. C’EST LE DÉBUT D’UN LONG VOYAGE, ET D’UN INTENSE COMBAT. "La police est rentrée chez toi, elle a pris ta femme et tes enfants, dépêche-toi de venir !" L’appel de sa belle-sœur, en ce soir de juillet "restera gravé à jamais" dans la mémoire de Saïd. En répétant ces mots, assis sur les marches qui dominent Vahibé, le sang du jeune père de famille se glace à nouveau. "Ça me fait mal de me rappeler de ça, mais il faut que j’explique ce qu’il s’est passé pour espérer que ça ne se reproduise plus. Pour nous, c’est trop tard, on est traumatisés", lâche-t-il le regard au sol en tirant sur sa Coelacanthe. "J’avais demandé à mon patron une avance pour acheter de quoi nourrir ma famille, un sac de riz et un autre de cuisses de poulet. Quand j’ai reçu l’appel, j’étais à la caisse. J’ai tout laissé, même ma monnaie et je suis parti en courant", se souvient Saïd. Arrivé à la maison, il est déjà trop tard. "C’était le bazar, il y en avait partout, ce n’était plus la même pièce que quand j’étais parti une demi-heure avant et il n’y avait plus personne". Se rappelle-t-il encore. Sa femme et leurs deux enfants français, âgés de trois ans et un an et demi, se dirigent vers Mamoudzou à bord d’un véhicule de la police aux frontières. "J’ai sauté dans la voiture de mon cousin pour les retrouver avant qu’ils prennent la barge, j’avais le cœur qui battait à 10 000 !", poursuit Saïd. Mais pour la deuxième fois, il arrive trop
tard. Et voit le fourgon de la PAF s’éloigner à bord du bateau, emportant avec lui sa famille. Alors que le temps s’allonge dans l’attente de la prochaine barge, Saïd a "l’impression de devenir fou". "Je n’arrivais pas à croire ce qui était en train de se passer". Ce n’est pourtant que le début du cauchemar. À bord de l’amphidrome, perdu, il trouve quelqu’un pour lui indiquer la marche à suivre. Le pied sur Petite-Terre, il se met en direction du Centre de rétention administrative et de la Direction départementale de la police aux frontières sur les consignes de son compagnon d’infortune. Et trouve l’interphone dont on lui avait parlé sur le bateau.
"TU AS QU’À ENVOYER UN MAIL À M. MACRON" "J’ai appuyé et j’ai demandé à voir ma femme et mes enfants. Ils m’ont dit de patienter et puis au bout d’un moment, il y a un policier qui est venu me retrouver dehors", se remémore Saïd, le ton de plus en plus empreint de colère. "Je lui explique la situation et lui demande à voir ma famille. Il me répond que c’est pas possible de voir ma femme. Je lui dis "d’accord, mais laissez-moi voir mes enfants au moins". Et là, j’ai halluciné, il m’a répondu "Non et si t’es pas content tu as qu’à envoyer un mail à monsieur Macron". Ça m’a
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mis hors de moi, j’étais très en colère. Je lui explique que mes enfants sont français, qu’ils sont nés en France, qu’ils sont jeunes et qu’ils n’ont pas à être enfermés comme des criminels", relatet-il en incarnant le dialogue, debout, les mains en action. De l’autre côté de l’enceinte, les enfants de Saïd et leur mère font leur entrée au CRA, en état de choc. Le père ne le sait pas encore, mais lorsque les policiers sont entrés dans son domicile après avoir frappé à la porte, toute la famille était nue. Aminata*, qui lavait le linge de la petite tribu n’a qu’eu le temps d’attraper un châle pour couvrir son intimité avant de grimper dans le fourgon de la PAF. Les deux bébés n’ont pas eu cette chance et sont partis sans habits. Des faits qui n’auraient pu qu’augmenter la colère du père de famille s’ils lui étaient parvenus. Alors que son état faisait planer sur lui la menace d’une garde à vue par les gendarmes tentant de lui faire retrouver son calme, la sentence aurait été inéluctable. "Finalement, je suis tombé sur quelqu’un d’un peu compréhensif. Il m’a expliqué qu’à cette heure il était trop tard et que ma famille allait passer la nuit au CRA mais que si j’amenais tous les documents le lendemain je les retrouverai", relate-t-il en se rasseyant sur les marches où se mêlent mégots, canettes et feuilles mortes. D’une colère contenue, il reprend : "j’y suis retourné le lendemain matin avec tous les papiers, les documents d’identité, les actes de naissance etc. On était dimanche. J’ai été reçu, j’ai montré le dossier et on m’a dit "c’est bon, reviens demain et tu auras ta famille". J’étais tellement soulagé !" Saïd revit dans son récit ce moment de soulagement. Mais il sait que la suite ne va pas se passer comme annoncée.
"LE PORTAIL S’EST OUVERT ET J’AI VU LE BUS SORTIR" Lundi matin, le mécanicien descend à nouveau de ses collines de Vahibé pour traverser le bras de mer qui le sépare des siens. Le cœur est plus léger mais il veut l’avoir net : au CRA, on lui assure que sa famille va sortir. "J’étais rassuré, je patientais tranquillement et là je reçois un appel de ma femme. Elle me dit qu’elle ne comprend pas ce qu’il se passe, que les policiers sont en train de les faire monter dans un bus". Saïd croit à une mauvaise blague et continue d’espérer alors que plusieurs policiers sortent du CRA pour créer un cordon de sécurité. "Ils se sont mis en ligne, le portail s’est ouvert et j’ai vu le bus sortir. Il a commencé à tourner pour prendre la route et j’ai vu ma femme à travers la vitre". Le père de famille au physique robuste marque une pause. "Elle m’a fait au revoir de la main", lâche-t-il, le regard perdu au loin. Un coup de poignard pour ce mari "très amoureux" même s’il n’aime pas trop le dire. Une décharge électrique, aussi, pour celui qui admet "avoir le sang un peu chaud". "J’ai pété les plombs, j’ai commencé à hurler que c’était injuste, qu’ils avaient pas le droit de faire ça", explique Saïd la gorge serrée. Avant de reprendre ses esprits, comme dans son récit : "j’ai réussi à me calmer et j’ai vu une assistante sociale et une dame de Solidarité Mayotte. Je leur ai tout expliqué et elles m’ont répondu
que ce n’était pas normal, qu’il devait y avoir une erreur." Les deux femmes appellent la préfecture, les policiers qui se chargent de l’embarquement des personnes expulsées vers Anjouan. Trop tard, Aminata et ses deux enfants sont à bord du Maria Galanta. Ils passeront trois jours sur une terre qu’ils ne connaissent pas, sans un euro, couche ou lait pour les enfants. Maigre réconfort, une femme a offert son salouva à Aminata pour qu’elle puisse se couvrir. Saïd et sa famille resteront plus d’un mois séparés. Le temps d’un long combat, pour la survie d’un côté, pour réunir une famille de l’autre. "Je me suis battu comme un chien pour les faire revenir, j’ai perdu mon boulot parce que je ne faisais que ça et j’ai envoyé toutes mes économies à ma femme pour qu’ils puissent trouver de quoi se nourrir, s’habiller et se loger", se souvient Saïd, à nouveau debout face aux collines. Solidarité Mayotte prend son dossier en main, l’aide à rédiger une plainte auprès du Défenseur des droits, lui assure faire le nécessaire auprès de la préfecture pour organiser le retour de sa famille.
"LA FRANCE FAIT DES LOIS MAIS NE LES RESPECTE PAS" À Anjouan, la subsistance s’organise. Aminata a réussi à trouver une famille pour les accueillir contre rémunération. "Tous les jours elle m’appelait en pleurs, elle avait expliqué aux propriétaires que la préfecture organisait leur retour, alors ils lui demandaient tout le temps quand ils allaient partir, elle avait trop honte", explique Saïd, encore touché par ces appels de détresse. Au bout de deux semaines sans réponse de la préfecture, il décide de prendre les choses en main. Le reste de ses économies part dans les démarches administratives (visas, laisser-passer, etc.) et les billets pour le Maria Galanta. Dans l’alcool, aussi. "Je me sentais tellement impuissant et tellement seul tout ce temps, je ne savais pas si j’allais y arriver. La nuit je parlais tout seul en croyant qu’elle était encore là. Mais j’étais tout seul avec ma colère et je buvais pour me calmer un peu", confesse Saïd, les yeux dans ses baskets trouées. "Mais les gens du village qui me voyaient descendre vers Mamoudzou tous les matins m’ont dit qu’ils étaient admiratifs, qu’il n’y avait pas beaucoup de père qui se battraient comme ça alors ça m’a aidé à rester fort", s’enorgueillie-t-il. Fort, mais seul. "La France fait des lois mais elle ne les respecte même pas. Ça m’est arrivé à moi mais je sais que ça arrive à beaucoup d’autres et malheureusement, les enfants ou les femmes n’ont pas toujours quelqu’un qui va se battre pour eux. Pour moi c’était hors de question que ma famille revienne en kwassa." La solution aurait été plus économique. Mais encore plus traumatisante alors que sa femme et sa fille "font encore des cauchemars de cette histoire", plusieurs mois après. Saïd a perdu son emploi, ses économies, sans doute une bonne partie de sa foi dans les lois de la République. Mais il a retrouvé sa famille. "Quand je les ai vu débarquer, c’était un des plus beaux jours de ma vie", lâche-t-il dans un sourire, lui aussi retrouvé. n *Le prénom a été changé.
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LE DOSSIER
Grégoire Mérot
TÉMOIGNAGE
"POUR MOI LA FRANCE C’ÉTAIT LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ MAIS LÀ C’EST CARRÉMENT L’INVERSE" LE 11 AOUT, LA FEMME D’AHMED AMÈNE LEUR BÉBÉ MALADE À L’HÔPITAL DE MAMOUDZOU. ELLE NE REVIENDRA PAS. ROUKAYA* NE REMETTRA LES PIEDS EN PETITE-TERRE, PRÈS DU DOMICILE FAMILIAL, QUE QUELQUES INSTANTS POUR UN RAPIDE PASSAGE AU CENTRE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE DE PAMANDZI. AVANT DE PRENDRE LA NAVETTE DIRECTION ANJOUAN. DANS LA TOURMENTE, AHMED AURA TOUT DE MÊME RÉUSSI À RÉCUPÉRER IN EXTREMIS LEUR ENFANT, DONT L’ÉTAT DE SANTÉ S’EST DÉGRADÉ EN L’ABSENCE DE SA MÈRE. "Je croyais que la police était là pour nous aider, pas pour nous faire souffrir comme ça. Ils devaient pas faire ça. S’ils avaient fait leur travail correctement elle ne serait pas partie. Mais ils s’en fichent de nous en fait. Ils ont emmené une maman sans se demander ce qu’il y avait derrière. Ils arrivent à dormir avec ça eux ? Comment ils peuvent accepter de faire ça ? Je comprends pas…" Assis sur une chaise en plastique vacillante, son bébé sur les genoux, Ahmed est accablé. En déballant son histoire, les émotions l’assaillent et les pleurs de son enfant masquent avec peine le son de ses propres sanglots. À l’entrée du banga familial, ses deux autres enfants ont le regard perdu, hagard. À quatre et six ans, ils sont en âge de parler, de jouer. Ils sont pourtant là, muets, se mouvant lentement dans le silence. Comme bloqués dans la stupeur.
Même les poules qui se baladent sur le petit terrain semblent avoir mis leur caquètement en sourdine. "Je peux encaisser mais les enfants ils ne comprennent pas ce qu’il se passe. Je suis obligé de leur dire la vérité, que la police a emmené leur maman à Anjouan. Les rares fois où ils ouvrent la bouche c’est pour demander où est leur mère. Le petit pleure tout le temps, j’ai du mal à le calmer. Je ne dors plus. En fait je ne vis plus à cause de tout ça. Aujourd’hui ça fait 20 jours que je vis plus", explique Ahmed, le visage tiré par la fatigue. 20 jours plus tôt, Roukaya, la mère de famille emmène son bébé de trois mois à l’hôpital. Wael vomi, crie sans arrêt. Au CHM, les médecins lui expliqueront qu’il souffre d’un asthme sévère qui l’empêche de respirer correctement.
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Les blouses blanches prodiguent leurs soins, calment le nourrisson et veulent essayer un traitement. Pour constater son efficacité, il faudra revenir le lendemain. Rendez-vous est pris, convocation émise. Durant la nuit, les effets du traitement s’estompent et les crises de Wael reprennent. Dès les premières heures du jour, Roukaya et son bébé traversent à nouveau le bras de mer qui les sépare de l’hôpital.
"ILS LES ONT EMBARQUÉS SANS QU’ILS AIENT PU VOIR LE MÉDECIN" "Quand elle est arrivée au CHM, les policiers lui ont demandé ses papiers", raconte Ahmed, assurant que sa femme lui a "tout raconté dans les moindres détails" et que "de toutes façons, c’est la personne en qui [il a] le plus confiance au monde". "Elle a expliqué qu’elle n’avait pas ses papiers, qu’elle emmenait juste le petit à l’hôpital parce qu’il est malade. Elle a montré aux policiers la convocation des médecins et son certificat de mariage. Elle leur a aussi expliqué qu’elle avait fait une demande à la préfecture pour un titre de séjour et qu’elle attendait qu’on lui donne rendez-vous", soutient le père de famille. "Elle avait des documents sur elle qui montraient ça mais les policiers n’ont rien voulu savoir, ils l’ont embarqué avec le bébé avant qu’ils aient pu voir un médecin", poursuit Ahmed tout en berçant son enfant. Sans nouvelle de sa femme, il commence à s’inquiéter, "ce n’est pas son genre, surtout quand il est question de la santé de [leur] enfant". Pour se changer les idées, il joue à la balle avec ses deux garçons. Son téléphone finit par sonner. C’est la police. "Les policiers m’appellent et me disent qu’ils ont placé ma femme au CRA et qu’il faut que je vienne pour récupérer le bébé". Ahmed laisse ses garçons sous la surveillance d’une voisine et part en courant au centre de rétention administrative. "Ils m’ont fait signer un document et un policier est venu avec mon bébé. Il n’allait pas bien du tout alors ils m’ont proposé de m’amener à l’hôpital de Dzaoudzi après m’avoir demandé si je pouvais y aller moi-même". Sur le trajet, Ahmed explique au policier "que le petit allait être brisé s’il était séparé de sa mère". "Il a dit que ce n’était pas de son ressort". Vu son état, les médecins s’empressent de placer Wael sous assistance respiratoire. Un médicament le calme. Son état redevenu stable, même s’il crie toujours, Ahmed l’emporte pour repartir en direction du CRA. "J’étais tellement stressé, je savais pas quoi faire, en plus avec Wael qui me criait dans les bras je n’arrivais pas à réfléchir", se souvient-il, son fils lové dans ses bras. Au centre de rétention administrative, Ahmed explique "que le bébé a besoin de sa maman, qu’il pleure beaucoup parce qu’'il a besoin du lait de sa maman". "J’avais amené tous les documents et j’ai finalement réussi à voir quelqu’un pour lui expliquer la situation. Ils se sont montrés compréhensifs et m’ont dit qu’ils allaient appeler la préfecture", se souvient-il en serrant son bébé encore plus fort contre lui. On ne sait plus qui console l’autre. "Quand ils sont revenus vers moi, ils m’ont dit qu'il était trop tard, qu'elle était déjà dans le bus". Silence dans la courette, alors que cette phrase résonne encore dans la tête d’Ahmed.
"Tout d’un coup, j’étais complétement perdu… Je crois que je le suis encore", lâche-t-il tristement. "Je suis allé à la gendarmerie pour savoir s’ils pouvaient faire quelque chose, ils m’ont répondu, "c’est comme ça, elle est partie", mais je n’arrivais pas à y croire, tout ça dans la même journée, comment c’est possible ?", s’interroge encore le père de famille. Dans la même demijournée pourrait-on ajouter, puisque le bateau est parti aux environs de midi et que Roukaya a été interpellée aux environs de 7h.
"C’EST INJUSTE, LES PETITS SONT BRISÉS" En plus de ses problèmes respiratoires, Wael a été sevré brutalement et a perdu 200 grammes après avoir été séparé de sa mère. "Je sens qu’il ne va pas bien, il a repris un peu de poids mais il crie tout le temps, il est mal. Je fais ce que je peux mais je ne peux pas remplacer sa mère. J’ai compris plus tard que c’est parce qu’il avait vomi au CRA que les policiers m’ont demandé de venir le chercher. Sinon il serait parti avec sa maman et je sais pas s’il aurait pu être soigné correctement à Anjouan", explique Ahmed. Avant de s’effondrer en larmes. "Je suis en colère, je suis pas d’accord. Tous les gens que je connais me l’expliquent, ce n’est pas normal. Ce n’est pas quelqu’un qui est arrivé du jour au lendemain, c’est ma femme elle est là depuis 2011, on vit ensemble, on a des enfants… J’ai trop mal à la tête à force de penser à ce qui m’arrive. On a vécu trop de choses avec ma femme, je ne peux pas me dire qu’on va peut-être devoir rester séparés et tout recommencer à zéro. C’est injuste. Les petits sont brisés, ils n’ont rien fait pour mériter ça. Je suis ici chez moi, ma mère est mahoraise, elle m’a légué ce terrain, tous mes frères et sœurs ont leur carte d’identité, vivent en métropole. C’est moi qui ai construit le banga et toute ma famille", sanglote le père de famille, devant le regard perdu de ses deux garçons dont le seul "bonheur" de la journée est d’entendre leur maman au téléphone. Des appels brefs et pas quotidiens pour conserver un peu de crédit téléphonique. "Il faut de l’argent pour pouvoir communiquer", rappelle le papa. Et de l’argent, la famille n’en a plus. Les maigres économies ont été envoyées à Roukaya pour vivre sur une île "où elle ne connait personne puisque toute sa famille est ici". Ahmed ne travaille plus, "pour s’occuper des enfants et surtout du petit qui demande de l’attention permanente". Un petit qu’il ne pose dans sa poussette que pour sortir son classeur avec tous les documents administratifs. Il les dispose en piles sur le sol du banga. Côté père : titre de séjour, carte d’identité française de sa mère et acte de naissance. Pour les enfants, actes de naissance et Document de circulation des étrangers mineurs (DCEM). Pour la mère : demande de titre de séjour avec récépissé, acte de mariage. "Tout est allé trop vite, s’ils avaient pris la peine de regarder ces documents, c’est sur qu’elle ne serait pas partie !", s’exclame Ahmed dans un regain de vitalité. Et d’espoir : "on m’a dit que la préfecture allait organiser son retour, j’ai envie d’y croire même s’ils ont déjà fait beaucoup de mal." n *Le prénom a été changé.
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Cyril Castelliti
POLICIERS
"NOUS NE SOMMES PAS DES ROBOTS"
EN PREMIÈRE LIGNE DE L'OPÉRATION SHIKANDRA, LES POLICIERS SONT AUSSI IMPACTÉS DANS LEUR TRAVAIL EN RAISON DES ATTENTES GOUVERNEMENTALES. PARFOIS DÉSARMÉS FACE AU DÉBIT IMPOSÉ, BEAUCOUP SONT CONTRAINTS DE REVOIR LEURS MÉTHODES DE TRAVAIL POUR SATISFAIRE LES ATTENTES DE LA HIÉRARCHIE.
Dans un département où les problématiques migratoires sont rabattues quotidiennement, rares sont les forces de l'ordre qui n'ont pas eu affaire au moins une fois, de près ou de loin, à des activités liées à la lutte contre l'immigration clandestine (LIC). "Qu'ils soient Mahorais ou non, la plupart des agents qui s'engagent ici savent que deux thématiques sont omniprésentes : la lutte contre l’immigration clandestine et la sécurité publique. On sait à quoi s'attendre", reconnaît Bakar Attoumani, secrétaire général chez Alliance Police National Mayotte. Difficile néanmoins de concentrer l'essentiel des ressources sur des missions parfois différentes de leurs fonctions d'origine. "Quand j’ai poussé mon coup de gueule par rapport au fait que l’on nous imposait des missions LIC alors que ce n’est pas notre champ d’intervention, la hiérarchie a dit me comprendre, ils sont d’accord avec mon constat mais rappellent que c’est la volonté du gouvernement et de la préfecture et que l’on doit s’y plier", explique Aldric Jamey, délégué départemental d’Alternative police.
DU RESPECT DES CHIFFRES À l'heure où les chiffres annoncés se doivent d'être tenus, nombreux reconnaissent des conditions de travail parfois éprouvantes. "Cet été, cette pression était vraiment très forte. On la vit de manière assez différente avec les collègues. Certains s’en satisfont, mais pour ma part je pense qu’il y a d’autres moyens de se sentir utile, surtout depuis que le phénomène de bandes rivales refait surface", confie Aldric Jamey. À demi-mot, Bakar Attoumani reconnaît des situations pas toujours évidentes à gérer du point de vue
personnel : "Il y a forcément un impact personnel dès lors que l'on travaille avec des êtres humains. Les fonctionnaires de police ne sont pas des machines !". De là à évoquer une politique de quotas, le sujet se veut plus délicat : "Officiellement, il n’y a pas de quotas, mais officieusement, on nous fait comprendre que si le fourgon n’est pas rempli d’étrangers en situation irrégulière, ça ne va pas. On ne nous les impose pas directement avec des chiffres, en revanche nos supérieurs ont bien des chiffres à faire". Ces derniers étant ceux annoncés par le gouvernement. Bakar Attoumani renvoie quant à lui la responsabilité directement aux fonctionnaires de police. "On ne peut pas agir n'importe comment sous prétexte que des chiffres sont attendus ou pas. Le code de police de 2014 nous réclame d'avoir du discernement. À nos collègues de réaliser les missions dans les conditions de sécurité et de respect des individus, le chiffre vient après". Quid des dérapages commis dans le cadre des cadences imposées ? "Nous sommes les premiers à réclamer de la formation pour éviter que des erreurs soient commises", répond le syndicaliste. Son collègue d'Alternative police prend quant à lui l'exemple des PV : "Ils sont déjà pré-remplis donc ce n’est franchement pas compliqué de mettre les informations demandées. On fait en fonction de ce que nous dit la personne interpellée ou de ses documents d’identité." Et si celle-ci n'est pas en mesure de les fournir ? "Normalement on appelle la préfecture pour savoir si la personne a un dossier ou autre. Normalement. Mais c’est vrai que sur le terrain, par manque de temps ou autre, je sais qu’il y a des collègues qui ne le font pas. On n’a pas spécialement d’ordres précis à ce niveau-là", reconnaît-il.
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VERS ENCORE PLUS DE LIC ? Face à la fusion prochaine entre la et la Direction départementale de la sureté publique (DDSP) et la Direction départementale de la police aux frontières (DDPAF), l'heure est à l'attente pour les forces de l'ordre. "On espère un renforcement des moyens, notamment humains, pour réaliser les objectifs attendus. Cela permettrait aussi à certains de prendre du repos pour mener à bien leurs missions. Tout dépend des objectifs fixés en 2020. On est dans l'attente", explique Bakar
Attoumani. Difficile dans tous les cas d'imaginer une baisse des investissements en matière de lutte contre l'immigration clandestine. Cela notamment en raison du futur responsable de cette "superstructure" – Jean-Marie Cavier, actuel directeur de la PAF –, selon Aldric Jamey : "Je ne pense pas que les choses vont aller en s’arrangeant. Il a un focus très LIC donc je pense qu’il va nous imposer d'en faire encore plus. C’est dommage, on voudrait se concentrer sur la sécurité, c’est ça notre métier et il y a un grand besoin quand on voit ce qu’il se passe sur l’île en ce moment."n
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LE DOSSIER
Cyril Castelliti
CRA
"UNE MACHINE À EXPULSER"
LE CENTRE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE DE PAMANDZI AFFICHE COMPLET AU QUOTIDIEN. DERRIÈRE SES GRILLES, LE RYTHME IMPOSÉ NE PERMET BIEN SOUVENT PAS DE VÉRIFIER EN DÉTAIL LA SITUATION ADMINISTRATIVE DES INDIVIDUS RETENUS. LES ERREURS SONT QUOTIDIENNES, AU GRAND DAM DU MAIGRE PERSONNEL ASSOCIATIF QUI ACCOMPAGNE LES ÉTRANGERS.
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Les traits tirés, des cernes sous les yeux, Camille* décrit avec lassitude le spectacle quotidien qu'il observe quotidiennement au centre de rétention administrative (CRA). "Avec les chiffres imposés, la situation va de mal en pis. Des gens sont arrêtés le matin et expulsés dès midi", introduit-il timidement. Afin d'éviter les répercussions dans son travail, le jeune homme insiste pour ne pas partager sa fonction au sein de cette institution qu'il connaît bien. "Je ne sais pas comment je fais pour tenir psychologiquement", admetil. Pour le jeune homme, cet épuisement s'explique en raison de la "politique du chiffre imposée" et ses conséquences potentiellement désastreuses pour les pensionnaires du CRA. "Des policiers sont parfois choqués par ce qu'ils voient, notamment concernant l'incarcération et l'éloignement d'enfants français. Un agent qui travaille depuis 10 ans dans différents CRA m'a confié qu'il n'avait jamais vu une situation pareille", lâchet-il. À l'origine de ces manquements au droit : des procèsverbaux mal remplis qui, dans la précipitation, indiquent des informations erronées susceptibles de provoquer l'éloignement de personnes en situation régulière.
COMPLET AU QUOTIDIEN Pour assurer une cadence d'expulsions maximale, le CRA se doit de tourner quotidiennement au maximum de ses capacités. "Ces derniers temps, j'ai l'impression que les forces de l'ordre ne savent même plus qui arrêter. La même personne est arrêtée le lundi, libérée pour des raisons juridiques, et retenue à nouveau le mercredi", constate-t-il. Dans la majorité des cas, ces "libérations", sont rendues possible par les bénévoles des rares associations autorisées à travailler dans le CRA : La Cimade, Mlezi Maoré, et Solidarité Mayotte. Laquelle concentre cinq juristes qui travaillent six jours sur sept. "Sachant que la durée de rétention d'une personne est en moyenne de 7 et 12h, et que l'effectif total du CRA est de 130 personnes, il nous est impossible de vérifier l'ensemble des situations des individus retenus", reconnaît Romain Reille, directeur de l'association. Dans plus de la moitié des cas, les personnes assistées par son association ont bénéficié d'un retrait d'obligation de quitter le territoire français (OQTF). Ce qui n'empêche pourtant pas certaines d’entre elles d'être tout de même éloignées. En cause : le délai de transmission de l'information, loin d'être aussi rapide que le rythme des éloignements. Une course contre la montre quotidienne, dont l'une des principales embûches demeure l'accès aux documents administratifs. Si ces derniers se trouvent dans le sac d’un retenu, les procédures pour y accéder sont longues en raison du faible effectif policier, et de la masse de travail que les agents ont à réaliser. Sans parler du temps nécessaire à la collecte de ces informations en dehors des frontières du CRA, via la famille ou le domicile de la personne retenue. Des informations qui seraient pourtant souvent à la portée des agents du CRA lors de l'enregistrement des individus à leur arrivée. Problème : "Même le minimum n'est pas fait,
à commencer par appeler la préfecture pour vérifier la validité d'un titre de séjour, ou si la personne est en procédure pour son obtention", indique Camille. Même son de cloche du côté de Romain Reille qui évoque des individus "Qui sont en situation légale sur le territoire, mais qui n'ont pas forcément de titre de séjour car celui-ci est en procédure de renouvellement". Une fois encore, la nécessité d'aller vite contraint les forces de l'ordre à survoler certaines questions, voire carrément en omettre d'autres. Si les exemples d'enregistrement de PV litigieux ne manquent pas, certains sont particulièrement parlants. En mars dernier, un jeune homme de nationalité Malgache découvre que son procès-verbal indique qu'il est né à Mtsapéré... en "Union des Comores". Une autre personne, de nationalité Comorienne, découvre qu'elle est née à Koungou, toujours "en Union des Comores". Début février, le préfet de Mayotte reconnaît également dans son arrêté d'éloignement des erreurs concernant le nom, le prénom et la date de naissance d'un ressortissant comorien devenu soudainement majeur au moment de la rédaction de son PV. Le type d'erreurs pour lesquelles la préfecture est condamnée à rapatrier des individus éloignés. C'était notamment le cas le fin mai 2019, lorsque le juge des référés a ordonné le rapatriement d'un mineur considéré comme majeur lors de son entrée au CRA.
UN PERSONNEL EN "EXTRÊME TENSION" Selon les propres chiffres de la préfecture, la moyenne mensuelle des éloignements au cours de ces quatre dernières années est passée de 1 900 maximum, à près de 2 400 en 2019. Parmi les conséquences de cette hausse en dépit des maigres effectifs : "Nos équipes sont en extrême tension", alerte Romain Reille. "Nous sommes obligés de faire un tri dans les dossiers que nous pouvons traiter. Lorsque nous nous passons dans les zones du CRA, nous faisons un appel en plusieurs langues pour que ceux qui estiment avoir besoin de nos services se manifestent". Lesquelles sont censés connaître le champ d'action de l'association au travers de "flyers placardés dans le CRA". Ce qui ne permet pas vraiment répondre aux besoins de l'ensemble des individus concernés. Ainsi "Les équipes sont en extrême souffrance. Nous sommes face à la misère du monde. Les gens deviennent de plus en plus agressifs envers nos juristes car nous ne sommes pas en capacité de répondre à leurs demandes". Une situation catastrophique que Romain Reille assure relayer quotidiennement auprès des autorités. Si un modeste renforcement des effectifs serait actuellement à l'étude, difficile de faire le poids face à la vitesse de la "machine à expulser". Pour Camille, le maigre travail des juristes au sein du CRA relève plus d'une "mascarade tolérée en guise de figuration", que d'un réel travail juridique permettant d'endiguer l'ensemble des manquements législatifs constatés dans le CRA. n *Le prénom a été changé
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LE DOSSIER
Grégoire Mérot
ET AUSSI... PROCÈS-VERBAUX
"C’EST LE CŒUR DU PROBLÈME"
Julien Kerdoncuf (voir interview p.26/27) le martèle, il y a bien quatre volets de vérification d’identité avant qu’une personne ne soit renvoyée. Par ailleurs, l’article L611-1-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que "si, à l’occasion d’un contrôle, il apparaît qu’un étranger n’est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu par un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans ce cas, l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire met l’étranger en mesure de fournir par tout moyen les pièces et documents requis et procède, s’il y a lieu, aux opérations de vérification nécessaires." Mais alors, comment expliquer que des Français puissent être envoyés à
Anjouan ? Selon Maître Ghaem, "tout vient du procès-verbal émis par les services interpellateurs. C’est à ce moment-là qu’on ne fait pas l’effort de vérifier correctement l’identité de la personne. Malheureusement, force est de constater que les différents services s’appuient ensuite sur ce même PV. Cela fait huit ans que je suis là et je n’ai jamais vu un seul dossier où l’identité a évolué au cours des quatre pseudo volets de vérification, alors même que l’identité ou la situation administrative de l’interpellé étaient erronées depuis le départ. Le seul moment où cela peut évoluer, c’est quand Solidarité Mayotte se saisit du dossier. Sachant qu’elle ne peut voir qu’une personne sur huit selon les chiffres de 2018, on est loin des quatre volets avancés par la préfecture. Je les vois ces PV, entre celui d’interpellation, celui qui est fait à Pamandzi et au CRA, il n’y aucune évolution. Dans tous ces procès-verbaux, il y a une dernière ligne "avez-vous quelque chose à ajouter ?" et cette ligne n’est jamais remplie, que l’interpellé soit bac+5 ou autre. Cela prouve bien qu’on ne leur pose même pas la question, on ne les met pas en mesure d’expliquer quoi que ce soit. Pourtant on voit bien que quand c’est Solidarité Mayotte qui prend les choses en main, les choses évoluent." Un premier élément pourrait éclairer sur la situation administrative de l’interpellé et son identité, et permettre ainsi que le reste de la chaîne ait une information plus fiable à travers le premier procès-verbal : l’appel que les policiers sont censés passer à la préfecture au moment où ils contrôlent la personne. Cela doit notamment permettre de savoir si la personne a un titre de séjour qu’elle n’a pas pu présenter, si une demande de titre est en cours, etc. Problème, "c’est vrai que sur le terrain, par manque de temps ou autre, il y a des collègues qui ne le font pas. On n’a pas spécialement d’ordres précis à ce niveau-là », confesse Aldric Jamey, le délégué départemental d’Alternative police. n
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EXPULSION
QUI EST (NORMALEMENT) PROTÉGÉ ? À l’évidence, les personnes françaises ne peuvent faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Les personnes ayant un titre de séjour valable non plus, tout comme celles qui en ont fait la demande et reste dans l’attente d’une réponse de l’administration. En ce cas, elles doivent être en possession d’un récépissé attestant de cette demande en cours, récépissé qui peut être renouvelé si l’administration n’a toujours pas statué. En dehors de ces cadres, voici une liste non exhaustive des personnes normalement protégées d’une OQTF :
• L’étranger mineur de 18 ans ; • L’étranger ayant une résidence régulière en France depuis plus de 10 ans SAUF s’il n’a obtenu que des titres de séjour mention « étudiant » pendant ces 10 ans ;
•
L’étranger ayant une résidence régulière en France depuis plus de 20 ans ;
•
L’étranger ne vivant pas en situation de polygamie qui est parent d’enfant français mineur résidant en France : il doit contribuer à l’entretien et à l’éducation de l’enfant depuis sa naissance ou depuis au moins 2 ans ;
•
L’étranger ne vivant pas en situation de polygamie qui est conjoint de Français et justifiant d’au moins 3 ans de mariage et du maintien de la vie commune avec ce dernier ;
• L’étranger qui justifie vivre en France depuis au plus l’âge de 13 ans ; • L’étranger ayant 10 ans de résidence en France et justifiant de plus de 3 ans de mariage avec un étranger lui-même présent en France depuis l’âge de 13 ans ainsi que du maintien de la vie commune avec ce dernier ;
•
L’étranger titulaire d’une rente accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % ;
•
L’étranger malade dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié ; S’ajoute à cela la notion de vulnérabilité de la personne, qui doit être évaluée par l’administration au moment d’établir l’obligation de quitter le territoire français. Un terme particulièrement flou et sujet à interprétation mais qui doit guider l’autorité dans sa décision.
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LE DOSSIER
Grégoire Mérot
ENTRETIEN Julien Kerdoncuf, sous-préfet chargé de la lutte contre l'immigration clandestine
"AVEC AUTANT D’ÉLOIGNEMENTS, IL Y A FORCÉMENT DES ERREURS" L’OPÉRATION SHIKANDRA ET LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION CLANDESTINE FONT L’OBJET D’UNE COMMUNICATION POLITIQUE BIEN RÔDÉE, QUE LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE EN PERSONNE EST VENU MARTELER. SUR LE TERRAIN, DE NOMBREUX ERREMENTS SONT TOUTEFOIS CONSTATÉS. JULIEN KERDONCUF, SOUS-PRÉFET EN CHARGE DE LA LIC S’EN EXPLIQUE. Mayotte Hebdo : Comment peut-on concilier des objectifs colossaux de reconduites à la frontière et le respect des règles de procédure comme le droit des personnes ? Julien Kerdoncuf : D’abord, les objectifs chiffrés ne viennent pas de la préfecture mais du politique. Je ne fonctionne pas comme cela au quotidien auprès de la PAF. Il y a des jours où il y a plus d’interpellations que d’autres, c’est comme cela et je demande surtout que les opérations soient menées sur l’ensemble du territoire. La montée en puissance de notre activité ne s’est pas faite à effectifs constants. Nous avons notamment augmenté les effectifs du CRA pour que tout se passe dans les meilleures conditions. Quand on passe de 15 000 éloignements l’année dernière à 25 000 cette année, mécaniquement, le volume des erreurs ou des dysfonctionnements augmente. Je considère que la part, en revanche, est la même. C’est-à-dire qu’on ne fait pas plus de bêtises, relativement au nombre de personnes expulsées, qu’avant. Cela étant dit, il y a des erreurs et on s’attèle à les régler. Notre objectif est de faire la LIC de manière irréprochable.
Parce que plus on est efficaces, plus on est visibles et donc exposés. Que ce soit vis-à-vis des associations de défense des étrangers, du Défenseur des droits, des médias, du politique, de la population, etc. Je demande donc aux forces de l’ordre d’être exemplaires dans leur façon d’agir. Des erreurs ont été faites, mais à chaque fois, nous en avons profité pour travailler sur des verrous pour éviter qu’elles ne se reproduisent. M.H : Justement, quels sont ces verrous ? J. K : Premièrement, lorsque le policier contrôle une personne, il tente de récupérer ses éléments d’identité. C’est le premier verrou. S’il a un doute, il appelle le service des étrangers. C’est le deuxième verrou. Il demande ainsi au service si un dossier est en cours ou autre. C’est là que l’on décide de placer la personne en rétention ou non en fonction de sa situation. Troisième verrou : une fois arrivé à la direction départementale de la police aux frontières (DDPAF). Là, le quart judiciaire s’occupe des procédures et organise un nouvel échange avec la préfecture pour recueillir d’autres éléments sur l’identité de la
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personne. Admettons que celle-ci soit intégrée au CRA. Là, il y a un quatrième verrou : les associations comme Solidarité Mayotte. Tout le monde ne passe pas devant elles, d’abord parce que les associations ne peuvent pas voir tout le monde et que tout le monde n’a pas vocation à passer devant les associations. Soit la personne va les voir, soit le personnel du CRA les alertent sur une situation particulière. Dans ce cas-là, on met la personne en attente pour que l’association fasse son travail. Enfin, cinquième verrou : c’est le juge, qui peut être saisi notamment à travers l’intervention des associations. Il est arrivé depuis le début de l’année qu’aucun de ces verrous n’ait fonctionné pour des raisons que parfois je ne m’explique pas. Cela peut venir des personnes elles-mêmes, qui n’ont pas fait connaître leur situation. Dans ce cas-là, on est obligé de faire revenir les personnes. Je pense que c’est arrivé moins d’une dizaine de fois depuis le début de l’année. M.H : Concrètement, que faites-vous pour que les quatre verrous évoqués soient infaillibles ? J. K : Nous allons tendre vers un système biométrique de vérification d’identité courant 2020, je l’espère. Cela demande une réorganisation assez importante. Une fois sur deux l’interpellé ne donne pas la bonne identité, il ne dit pas s’il a des enfants, etc. Le système doit permettre de pouvoir retrouver toutes ces informations grâce aux empreintes digitales. Cela fonctionne à partir du moment où tout le monde est fiché, mais cela devrait aller relativement vite ici. Je mise beaucoup là-dessus, je pense que cela serait un moyen supplémentaire pour sécuriser notre procédure et gagner du temps comme de l’énergie. M.H : Cela permettrait-il aussi d’éviter l’expulsion de personnes vulnérables en raison de leur santé ? J. K : Depuis août, je suis en lien avec le CHM pour faire en sorte que l’on évite d’éloigner des personnes vulnérables en raison de leur santé. Cela vaut aussi pour les parents d’enfants suivis par le CHM. On met en place un protocole pour identifier les personnes très vulnérables tout en gardant plusieurs verrous pour éviter les certificats de complaisance. Nous mettons également en place un système d’alerte à disposition du CHM s’ils apprennent qu’on est en train d’éloigner une personne vulnérable. M.H : Avant cela, comment veillez-vous à ce que les interpellations soient régulières et respectueuses des personnes ? J. K : Je passe régulièrement voir les policiers de la PAF. D’abord pour les soutenir dans leur travail car ils font un boulot remarquable, au cœur du dispositif. Mais à ce titre, ils se doivent d’être exemplaires et irréprochables, c’est le message que je leur transmets. On est scrutés, très exposés. Chaque arrestation doit être exemplaire car les gens ont maintenant
le réflexe de filmer, de s’épancher dans la presse ou autre. Depuis le début de l’année, il y a eu peu de cas de mises en causes avérées dans le cadre des interpellations, mais, il peut arriver que les choses ne se passent pas dans les règles de l’art. Il ne faut pas s’en cacher, ne pas faire l’autruche. Notons par ailleurs que le procureur fait des rappels réguliers de procédure. De mon côté, à chaque fois que je suis sollicité pour une interpellation litigieuse, nous examinons ce qu’il s’est passé pour comprendre les erreurs et ne pas les reproduire. M.H : Qu’en est-il des interpellations à domicile ? J. K : Le plus souvent, lors d’un contrôle, on a deux cas de figure qui peuvent conduire à des interpellations à domicile. D’une part, une personne contrôlée qui prend la fuite. S’engage alors le droit de poursuite par les policiers et si la personne rentre dans un domicile, le policier ou le gendarme est en droit de rentrer dans cet espace pour interpeller la personne. D’autre part, lorsqu’une personne est contrôlée, qu’elle n’a pas ses papiers mais dit les avoir à son domicile, la police peut accompagner la personne pour aller chercher les papiers. À chaque fois que j’ai demandé un rapport sur les arrestations à domicile, c’est une de ces deux situations qui est remontée. M.H : Mais personne ne va aller vérifier ça… J. K : Ce n’est pas mon travail, je gratte le plus possible pour tenter de comprendre ce qu’il se passe mais je ne suis pas juge. M.H : Ce n’est pas le rôle de l’administration de faire des enquêtes internes et éventuellement de sanctionner ? J. K : Oui l’administration doit sanctionner, mais à partir du moment où la faute est établie. C’est ce qu’il s’est passé à l’aéroport lorsque deux agents de la PAF ont été reconnus comme participants à un trafic de faux documents. Je ne veux pas être dans la facilité en niant qu’il n’y a pas de déviance. On n’a jamais fait autant de reconduites à la frontière que cette année, il y a forcément des cas d’éloignement qui n’auraient pas dû avoir lieu. Cela n’excuse rien et doit nous obliger à trouver des solutions. M.H : Comptez-vous permettre aux associations intervenant au CRA d’avoir plus de moyens humains pour assurer que le dernier verrou qu’elles sont censées constituer fonctionne correctement ? J. K : Je suis très favorable à la présence d’associations au CRA. D’ailleurs, il y en a deux qui interviennent ici alors que dans tous les autres CRA de France il n’y en a qu’une. Je les considère comme des partenaires de notre action et comme un verrou efficace. Le marché va être renouvelé prochainement, je ne sais pas qui candidatera mais je suis favorable à ce qu’elles interviennent et qu’elles aient des moyens humains supplémentaires. Je le répète, je les considère plus comme des partenaires que comme des obstacles. n
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Geoffroy Geoffroy Vauthier Vauthier
MOZAMBIQUE
UN PROJET GAZIER QUI FAIT RÊVER MAYOTTE TOUS LES REGARDS DE L'OCÉAN INDIEN SONT TOURNÉS DESSUS. IL FAUT DIRE QUE LE PROJET GAZIER DU MOZAMBIQUE REPRÉSENTE UNE MANNE ÉCONOMIQUE INDIRECTE POUR CETTE ZONE DU MONDE, ET PARTICULIÈREMENT POUR MAYOTTE. REVUE DES POSSIBILITÉS. 28•
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UN PROJET GAZIER AU MOZAMBIQUE ? Pour ceux qui n'auraient pas suivis, d'immenses gisements gaziers ont été découverts entre 2010 et 2013 dans le nord du pays, notamment au large de la péninsule de Afungi. Estimées à 5 000 milliards de mètres cube, ces ressources gazières encore inexploitées place le pays au rang de 9ème réserve mondiale de gaz. Autant dire que la manne est énorme. Lancé officiellement au mois de juin dernier, le projet bénéficiera de 25 milliards de dollars d'investissement de la part de l'opérateur américain Anadarko : soit un quart des investissements totaux. Une part qui a été cédée en septembre dernier à la compagnie pétrolière française, Total.
Essentiellement destinée à l'exportation vers les pays d'Asie – Chine, Japon et Corée –, l'exploitation du gaz, pompé dans l'océan Indien puis acheminé par pipeline vers la côte où il sera transformé en gaz naturel liquéfié (LNG), devrait débuter dans deux ou trois ans, le temps de mettre en place les premières infrastructures nécessaires à la production. Pour autant, et afin de mettre en exergue l'ampleur du projet, la construction des unités de production devraient s'étaler sur 10 ans. Des ressources à long terme qui promettent de remettre le Mozambique à flot. Le Mozambique, oui mais pas seulement. Car la zone océan Indien, et particulièrement le canal du Mozambique, devrait pouvoir bénéficier de retombées indirectes. Et quel département français se trouve au milieu du canal du Mozambique ? Mayotte, bien évidemment.
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MAGAZINE
POURQUOI MAYOTTE PEUT-ELLE EN BÉNÉFICIER ?
De l'avis de tous, Mayotte, située à seulement 500 km des côtes du pays, quasiment en face de la péninsule de Afungi, a une belle carte à jouer. D'autant que son niveau de formation est plus élevé qu'au Mozambique. Et d'ailleurs, tout le monde, chez nous, a les yeux rivés dessus. Preuve en est, une conférence intitulée Le projet gazier du Mozambique et son impact économique pour Mayotte se tenait lors du Forum économique de Mayotte. Et chacun était convaincu de la pertinence du projet pour Mayotte. "Sur ce projet gazier, les choses sont ouvertes", expliquait ainsi Frantz Sabin, directeur général de l'Agence de développement et d'innovation de Mayotte (Adim). Pour Christophe Remoué, directeur de l'association française des entreprises du parapétrolier et des énergies nouvelles, Evolen, "Vous y voyez une opportunité et vous avez raison, parce qu'il y a beaucoup de choses à faire, et que développer un projet pétrolier ou gazier mobilise beaucoup de métiers différents. Vous avez forcément des atouts pour capter une partie de leur valeur." Et de citer quelques chiffres parlants : "12 à 13 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) par an, essentiellement à destination de la Chine, du Japon et de la Corée. (…) Soit 17 méthaniers qui feront la navette entre le Mozambique et l'Asie tout au long de l'année."
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COMMENT SE POSITIONNER ? Disons-le, comme le soulignait Christophe Remoué, d'Evolen : "l'essentiel de la valeur sera développé au Mozambique." C'est d'autant plus vrai que les opérateurs pétroliers, dans leurs contrats d'exploitation ont des contraintes destinées à favoriser les recrutements et le développement local. Toutefois, "le développement de ce projet part de zéro au Mozambique", soulignait le responsable, en expliquant que "Environ 16 000 personnes y participeront, dont 5 000 Mozambicains. Tous les autres viendront de partout. Je suis convaincu que c'est là des opportunités à saisir, ce que le préfet a qualifié de base arrière. Le développement, c'est au Mozambique, mais dans un projet d'une telle taille, [les opérateurs pétroliers ont] besoin de bases arrière, de solutions complémentaires, de bases de repli. C'est la carte à jouer de Mayotte." Base arrière : le mot est lâché. Faire du territoire le plus développé du canal du Mozambique – malgré ses lourdes problématiques –, Mayotte la française, un point d'appui à ce vaste chantier. Par quoi cela passe-t-il ? Par la mise en place d'une Task Force, littéralement une force d'intervention, réunissant les acteurs politiques, étatiques, les collectivités et les acteurs économiques de notre territoire. Objectif : faire des propositions aux opérateurs pétroliers afin de les convaincre de la pertinence de s'appuyer sur Mayotte. Ce que résumait Christophe Rémoué : "Il faut proposer une offre compétitive qui devra parler aux pétroliers, des formalités douanières favorables, et surtout un travail en équipe [notamment avec La Réunion]. Il faudra jouer de la complémentarité et non de la concurrence." Et puis, il faudra développer, d'ici là, la formation professionnelle sur le territoire. Un point également mis en exergue lors du Forum économique de Mayotte, par Enfanne Haffidou, directeur général adjoint du pôle économie, attractivité du territoire et formation du Conseil départemental, qui estimait, en termes de formation, qu'il fallait "être prêt à faire face au défi du projet gazier" ; mais aussi par Alain Gueydan, directeur de la Dieccte à Mayotte : "ses perspectives sont majeures. Nous devons faire en sorte que, d'ici deux à trois ans, lorsqu'il débutera, nous ayons formé les gens [aux métiers qui lui seront nécessaires]." En attendant, ce jeudi 14, une réunion coprésidée par le préfet, Jean-François Colombet, et le président du Conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani, se tenait pour mettre en place cette fameuse Task Force.
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QUELS SECTEURS PEUVENT ÊTRE CONCERNÉS ?
Évidemment, il s'agira de positionner le maximum d'entreprises pouvant apporter leur expertise sur place ou depuis Mayotte. Mais c'est surtout le secteur de la santé qui pourrait être le point le plus convaincant. Le docteur Pierre Galzot est à la tête d'Associated Emergency Center, un groupe qui travaille dans l'assistance médicale aux entreprises. Son travail ? Recenser l'offre de soins dans une zone donnée permettant de répondre aux besoins des entreprises. En l'occurrence, ici, ceux des opérateurs pétroliers et des
nombreux employés qui vont œuvrer durant des années sur ce chantier d'exploitation gazière. Pour l'homme, c'est clair : "En termes de prise en charge en réanimation et urgences, le CHM est tout à fait conforme aux attentes (…) avec notamment des capacités d'interventions chirurgicales introuvables ailleurs dans la zone." Sans parler de la position de Mayotte, quasiment en face de la péninsule de Afungi, rappelons-le, qui représente un avantage certain : "Le délai temps est un élément moteur de la réflexion."
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Un CHM qui semble donc en bonne voie, malgré des possibilités d'accueil limitées. Ce que détaillait le spécialiste : "Là, c'est un peu plus compliqué. Avec l'opérateur Exxon en plus [qui a investi récemment lui dans le projet gazier, NDLR], le projet d'exploitation représente 25 000 à 30 000 personnes sur les sites. Cela représente pour nous 500 à 600 personnes par jour dans nos unités. Si on estime à 1% les cas justifiant une prise en charge en urgence, cela fait 5 ou 6 personnes par jour à évacuer par Mayotte. Il faut donc voir quelles sont les capacités de "digestion" du CHM sur ce point-là." Le CHM, de son côté, a déjà fait une proposition en ce sens. "Nous avons été sollicités par les autorités pour présenter une offre sur les capacités de Mayotte en termes de santé", a confirmé Tiana Wybrecht, chef de cabinet du CHM en charge notamment du dossier Mozambique. Et de poursuivre : "La première chose que nous avons fait et de nous mettre en contact avec le CHU de Saint-Denis de La Réunion pour présenter une offre commune axée sur la graduation des soins. Tout ce qu'on peut prendre en charge ici le sera et les cas le nécessitant partiront directement à Saint-Denis. Ce qui veut dire la mise en place d'un vecteur aérien." Un vecteur aérien sanitaire qui doit se développer aussi entre le Mozambique et Mayotte. Regourd Aviation, qui propose des solutions aériennes aux compagnies pétrolières – Total est un client historique –, s'en chargera. Pour son directeur, Alain Regourd, c'est évident : "Nous prévoyons de baser notre avion à Mayotte. Ce qui nous parait être la meilleure solution pour être rapidement sur zone, entre 40 et 50 minutes." C'est vrai aussi pour ce qui concerne les
hélicoptères de la structure : "Ils sont capables d'effectuer des vols en direct du Mozambique vers ici, et éventuellement aussi depuis les plates-formes en mer vers l'hôpital de Mayotte. La réduction du temps de vol qui est permise est très bonne." Enfin, le port de Longoni pourrait lui aussi bénéficier du trafic maritime important. "17 méthaniers qui feront la navette entre le Mozambique et l'Asie tout au long de l'année", développe Christophé Remoué. Bertrand Fleury de la Ruelle, du groupe Bolloré Transport & Logistics au Mozambique souligne en effet les difficultés d'acheminement de la future production par route entre la péninsule de Afungi et le port de Pemba. Aussi, "On pourrait imaginer une solution par Mayotte", expliquait-il assurant que l'île avait "une fenêtre de tir. Il faut pour cela connaître les espaces disponibles [au port], les conditions que Mayotte peut proposer, et ce que les autorités sont prêtes à faire pour proposer des solutions simples pour le transit." Quant à Ida Nel, présidente de MCG Mayotte Gateway et délégataire de la gestion du port, elle s'est montrée confiante : "Nous sommes rentrés en contact avec le groupe Bolloré. On nous a confirmé que nos tarifs étaient bons." Reste "qu'on est un peu en retard bien que beaucoup de choses soient faites. Le port de Mayotte, c'est aujourd'hui environ 40 hectares opérationnels. Notre projet est de monter à 65 hectares et on pourrait ajouter un volume de 40 hectares. À Maurice, ils disposent 230 hectares. Il s’agit de créer suffisamment de zones de stockage (…) Cela aura un énorme poids pour Mayotte, surtout si on peut développer une partie en zone franche."
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LITTÉRATURE
Christophe Cosker, "L’Invention de Mayotte", Pamandzi éd. La Route des Indes, 2019.
LISEZ MAYOTTE Chaque semaine, Christophe Cosker, auteur de L'invention de Mayotte, vous propose la quintessence de chacune des trente-six inventions de Mayotte relevées dans l’ouvrage éponyme.
Le dictionnaire conserve encore aujourd’hui un statut privilégié parmi les livres de savoir dont il est l’emblème, constituant le livre des livres, celui qui, parce qu’il contient « tous » les mots, contient également virtuellement toutes leurs combinaisons dans d’autres livres. Parmi les dictionnaires, deux noms se détachent, qui font se confondre auteur et texte, producteur et production : Larousse et Robert. Il s’agit ici de présenter l’entrée de Mayotte dans le dictionnaire et pas dans n’importe quel dictionnaire, mais dans l’édition de 1873 du Grand Larousse illustré. Cette invention lexicographique de Mayotte se comprend comme la compilation des connaissances sur Mayotte et le style de la notice change de celui des textes précédents. Il est en effet plus dense et plus pressé, s’adressant à un lecteur avide de connaissances rapidement disponibles pour faire le tour de Mayotte. La matière première reste néanmoins la même que dans les textes précédents, ce qui explique des échos. Et le lecteur se rendra également compte qu’un dictionnaire n’est peut-être pas un livre aussi neutre qu’il le croit, comme en témoignent les préjugés, qui marquent le texte et paraissent aujourd’hui saugrenus.
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Christophe Cosker
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LE GRAND LAROUSSE UNIVERSEL Mayotte, île française de la mer des Indes, dans le canal de Mozambique, à deux cents kilomètres à l’Ouest de Madagascar et à trente kilomètres au Sud-Est d’Anjouan, faisant partie de l’archipel des Comores, par 13° de latitude Sud et 43° de longitude Est ; superficie, 18 500 hectares ; 11 731 habitants ; chef-lieu, Mayotte. Ses bords sont hérissés de caps et hachés de ravines profondes où la mer pénètre quelquefois assez loin. Elle est traversée dans toute sa longueur par une chaîne de montagnes, dont plusieurs points sont élevés de six cents mètres environ. Son sol, d’origine volcanique, est inégal, onduleux, coupé de ravins qui forment autant de torrents pendant la saison des pluies, et restent à sec pendant le reste de l’année. En s’approchant de la mer, le terrain s’abaisse d’une manière assez brusque et se termine, dans la majeure partie de l’île, en marais fangeux. Dans l’intérieur, à l’Ouest de la chaîne principale, on remarque plusieurs plateaux, particulièrement deux qui sont assez étendus et à l’abri des dégâts que produisent les pluies abondantes de l’hivernage1 . Cette partie de l’île est la plus favorable aux cultures, tant à cause de sa position qui la met à l’abri des vents, qu’à cause de son élévation qui lui permet de conserver plus longtemps l’humidité. En général, les sommets les plus élevés sont stériles ; on n’y voit que quelques arbres rabougris et clairsemés ; il n’en est pas de même des versants, qui présentent une végétation d’autant plus belle qu’on se rapproche davantage des bas-fonds où serpentent les cours d’eau. C’est surtout dans ces portions de terrain 1 2
que les naturels avaient établi leurs cultures. Ils y ont pratiqué des défrichements souvent regrettables, à cause du moyen employé par eux et qui consiste à incendier les bois. À l’arrivée des Français à Mayotte, il n’y existait qu’un seul village, nommé Choa, situé à l’Est de l’île, près de son extrémité nord, sur un promontoire assez élevé. Depuis notre occupation, les naturels ont rebâti leur ancienne capitale et un très grand nombre de villages. La chaleur est moins accablante à Mayotte qu’à Nossi-Bé. Il y règne pendant le jour une brise de sud-est et, le soir, une brise de sud-ouest qui produisent un abaissement sensible de la température. La hauteur moyenne du thermomètre est de vingt-sept degrés centigrades. Dans la partie SudEst de l’île, les pluies sont moins abondantes pendant l’hivernage que dans l’Est. C’est le contraire pendant la belle saison. Le climat est loin d’être sain. Les Européens ne peuvent s’y livrer à aucun travail de culture ; ils y sont exposés aux principales maladies des contrées tropicales. Le sol est très fertile et particulièrement propre à la culture de la canne à sucre. Cette plante y atteint son maximum de développement en neuf ou dix mois. Le riz est la culture indigène la plus développée de l’île. La superficie totale des concessions2 cultivées s’élevait, en 1863, à 1 572 hectares. Le nombre des concessions était de cinquante-trois. Pierre Larousse, Le Grand Larousse universel, Paris, Larousse, 1873, p. 1385.
Il s’agit du nom lié au verbe « hiverner », aujourd’hui « hiberner » et qui renvoie à une saison. Exploitations coloniales.
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PUBLI REPORTAGE
PISTE COURTE, LONGUE DISTANCE
dreamliner 787-8 :
le meilleur choix pour mayotte DERNIER-NÉ DU CONSTRUCTEUR BOEING, LE DREAMLINER 787-8 EST UN AVION PERFORMANT ET CONFORTABLE. IL EST LE SEUL À POUVOIR DÉCOLLER DE DZAOUDZI, À PLEINE CHARGE ET PAR TOUS LES TEMPS, 365 JOURS SUR 365. DEPUIS SA MISE EN SERVICE EN JUIN 2016, L’APPAREIL QUI A PERMIS LE LANCEMENT TANT ATTENDU DE LA LIGNE MAYOTTE-PARIS, A MALENCONTREUSEMENT ÉTÉ DE LONGUES SEMAINES IMMOBILISÉ SANS POUVOIR DÉMONTRER TOUTE SA PUISSANCE. EXPLICATIONS.
L’achat d’un avion n’est pas si différent de celui... d’un véhicule utilitaire. Le client a le choix entre plusieurs constructeurs, un modèle neuf ou d’occasion ou encore différentes options comme la motorisation. La même question se pose dans les deux cas : ce véhicule, est-il celui qui correspond le mieux à mes besoins ? Cette question, Air Austral se l’est posée avant d’opter pour l’achat de deux Dreamliners 787. La réponse a été positive, car c’est le seul modèle à ce jour capable de décoller à pleine charge d’une piste courte, vers des destinations longs-courriers. Il offrait, pour la compagnie historique de l’archipel, le double avantage de pouvoir desservir Mayotte, quel que soit le sens du vent, et d’ouvrir - enfin ! - la première liaison directe vers Paris.
UN BOND TECHNOLOGIQUE Si l’argument des performances du Dreamliner 787-8 sur piste courte, a été décisif, ce n’est pas le seul qui a plaidé en sa faveur. Cet avion de dernière génération, conçu par Boeing, est un condensé de technologie et d’aérodynamisme. Il ne compte pas moins de trois cents logiciels à bord capables de détecter la moindre anomalie. Il est fabriqué majoritairement avec des matériaux composites. Ses moteurs, signés Rolls Royce, diminuent l’empreinte sonore de 60 % et abaissent de 20 à
25 % la consommation de carburant et les émissions de CO2. Les passagers bénéficient de cabines plus spacieuses que sur d’autres avions moins récents. Et leur confort est optimal : l’air est moins sec, car l’hydrométrie est maîtrisée ; l’éclairage, fourni par des diodes LED, est plus apaisant et réglable ; la vision du ciel est élargie grâce à des hublots triple XL : ce sont les plus grands au monde.
UNE PORTÉE DE 13 000 KILOMÈTRES Les Dreamliners sont des appareils qui se vendent bien. D’après un article d’Air Journal, paru en avril 2018 : « Boeing a vendu 1318 modèles de son Dreamliner, dont près de 700 volent ». Singapore Airlines, British Airways, Air New Zealand, Ana ou encore Virgin Atlantic font partie des clients. Lors de la commande, Air Austral, désirant proposer rapidement de meilleures conditions de vol aux Mahorais, a opté pour des modèles déjà disponibles. Boeing avait en stock les premiers Dreamliners à être sortis des usines. Ces avions, pionniers d’une longue série, ont hérité du surnom de « terrible teens » parce qu’après les avoir testés, Boeing a décidé de remédier à un problème de surpoids qui réduisait leur rayon d’action d’environ 2 000 kilomètres tout en augmentant leur consommation de carburant. Un
Ci-dessus : Grâce aux Dreamliners, Air Austral a pu ouvrir la première liaison directe Mayotte-Paris en juin 2016. Page de gauche : Le Dreamliner 787-8 est un avion confortable et aérodynamique : c'est le seul Boeing capable de décoller à pleine charge d'une piste courte.
inconvénient à la vente pour le constructeur qui n’en a jamais été un pour Air Austral. Dès le départ, la compagnie avait décidé que ses Dreamliners seraient destinés à des trajets inférieurs à leur rayon d’action - qui est de 13 000 kilomètres - et qu’ils viendraient en complément d’une flotte aérienne déjà composée de longs-courriers.
UN VOL HISTORIQUE La venue des Dreamliners a été soigneusement préparée chez Air Austral avec la création d’infrastructures et de plateformes technologiques spécifiques à l’aéroport de Roland-Garros à Saint-Denis et l›acquisition et l’apprentissage de compétences nouvelles pour les équipes de la compagnie : les pilotes, mais aussi les mécaniciens, les informaticiens, les hôtesses et stewards, etc. Dès leur premier vol commercial, au printemps 2016, les Dreamliners ont tenu leurs promesses technologiques et Air Austral ses promesses à la clientèle. La première liaison directe Mayotte-Paris, soit 9 500 kilomètres parcourus en 10 heures, a eu lieu le 11 juin 2016.
LES PROBLÈMES MOTEURS ROLLS ROYCE Moins d’un an plus tard, Rolls Royce annonçait un vieillissement prématuré de deux types d’ailettes sur les moteurs Trent 1000 qui équipent les 787-8. Par mesure de précaution, et dans l’attente de pouvoir fournir un nouveau design de ces pièces, toutes les compagnies possédant des Dreamliners ainsi motorisés, ont dû effectuer des contrôles préventifs mensuels, nécessitant une immobilisation de plusieurs semaines à terre de leurs appareils. La conséquence a été immédiate pour Air Austral et les Mahorais : de fortes perturbations sur la ligne Mayotte-Paris, entre mars et novembre 2018. Le 3 juin 2019, le contrôle d’un des deux Dreamliners d’Air Austral (le F-OLRC) a mis en évidence la dé-
© Mathieu ROSSE photographies
térioration précoce et inattendue des mêmes ailettes. L’appareil a alors été immédiatement arrêté jusqu’à réparation définitive, et le manque de disponibilités d’appareils entraînant de nouvelles perturbations des vols. Comme le motoriste Rolls Royce ne possède que trois ateliers dans le monde et qu’il doit intervenir sur tous les Dreamliners vendus à ce jour, les travaux ont duré plus de deux mois pour le F-OLRC.
UN ENGAGEMENT : MAINTENIR LA LIAISON Air Austral, conscient d’être le seul opérateur à Mayotte, cherche avant tout à éviter l’annulation des vols. Plusieurs solutions alternatives sont mises en place, dans l’urgence. Air Austral passe notamment des accords avec d’autres compagnies, mais il faut que les pilotes soient formés aux conditions particulières de décollage et d’atterrissage à Dzaoudzi, avant de pouvoir opérer les vols. En juillet dernier, Wamos et Aigle Azur ont été les plans B, mais cette dernière compagnie a déposé le bilan, du jour au lendemain, contraignant Air Austral à passer au plan C pour assurer les derniers vols des mois de septembre et d’octobre en attendant le retour tant attendu de son Boeing 787-8 F-OLRC. C’est chose faite depuis le 4 novembre : le F-OLRC, l’appareil dédié à la ligne Mayotte-Paris, a rejoint de nouveau la flotte d’Air Austral. Les aménagements qui visent à assurer la continuité de la liaison avec Mayotte s’accompagnent de mesures envers les passagers impactés leur permettant la modification ou le remboursement du billet sans frais ou le changement possible de destination. Air Austral a acheté les Dreamliners pour apporter aux Mahorais, de manière continue et durable, un service performant à la hauteur de ces avions. Confrontée depuis plusieurs mois à une circonstance extraordinaire, elle a été contrainte de modifier certaines trajectoires, mais... elle n’a jamais dévié de son objectif.• Olivia Marquis
OFFRES D'EMPLOI OFFRES DE FORMATIONS FICHES MÉTIERS TÉMOIGNAGES CONSEILS
LE MÉTIER DE LA SEMAINE
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LE GUIDE ACCOMPAGNE DES PERSONNES LORS DE CIRCUITS TOURISTIQUES OU DE VISITES DE SITES AFIN DE LEUR FAIRE DÉCOUVRIR DES LIEUX SELON LES RÈGLES DE SÉCURITÉ DES BIENS ET DES PERSONNES. IL PEUT ANIMER DES CONFÉRENCES ET EFFECTUER UN ACCOMPAGNEMENT SPORTIF.
ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL
- Agence de voyages - Association - Association de protection de la nature - Office du tourisme - Organisme culturel, du patrimoine - Parc naturel - Voyagiste (tour opérateur)
COMPÉTENCES
- Recueillir les informations sur la durée, le nombre de participants, les spécificités de la prestation d'accompagnement touristique - Concevoir une visite guidée - Etablir une demande d'autorisation, de réservation - Organiser le déroulement d'une prestation - Informer les participants sur l'organisation de la prestation d'accompagnement - Accueillir une clientèle - Présenter les particularités géographiques, historiques et culturelles des lieux - Réaliser le bilan de la prestation d'accompagnement - Chercher de nouveaux projets
ACCÈS AU MÉTIER
Cet emploi/métier est accessible avec un Brevet ou un Diplôme d'Etat dans les secteurs de l'animation (Brevet d'Aptitude Professionnelle d'Assistant Animateur Technicien -BAPAAT-, Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l'Education Populaire et du Sport -BPJEPS-, Diplôme d'Etat de la Jeunesse, de l'Education Populaire et du Sport - DEJEPS,...) et du sport (Brevet d'Etat d'Educateur Sportif -BEES-, diplôme d'accompagnateur moyenne montagne, ...) ou avec un BTS dans le tourisme. Une licence professionnelle ainsi qu'une carte professionnelle sont requises pour les postes de guides conférenciers. La pratique d'une ou plusieurs langue(s) étrangère(s), en particulier l'anglais, peut être exigée.
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Couverture :
Enquête sur la lutte contre l'immigration clandestine
Journalistes Romain Guille Solène Peillard Grégoire Mérot Cyril Castelliti Raïnat Aliloiffa Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mouhamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com