Mayotte Hebdo n°911

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LE MOT DE LA RÉDACTION

OUF !

Cette fois il est passé près, le cyclone ! Et nous, on est passés près aussi… de la catastrophe. Car ce que l'on redoutait tout en y croyant qu'à moitié a fini par arriver. En s'engouffrant dans le canal du Mozambique, Belna a fait peser une sévère menace sur Mayotte. De mémoire de Mahorais, cela faisait un bail que l'île n'avait pas côtoyé d'aussi près ce phénomène ravageur. Depuis Kamissi, en 1984, quelques-uns avaient pu nous inquiéter ponctuellement, mais avant de rapidement s'éloigner. Ce n'était pas le cas cette fois, et nous devons notre soulagement qu'à quelques kilomètres seulement. Dernier avertissement ? En tout cas, il aura eu le mérite de mobiliser sérieusement les différentes institutions, leur permettant ainsi de mesurer l'efficacité de leur plan d'urgence, mais aussi ses failles pour pouvoir l'améliorer. Une nécessité car, sur ce territoire si particulier qu'est Mayotte, un cyclone serait dévastateur. C'est ce que nous avons choisi d'illustrer cette semaine à travers notre dossier, qui présente les risques cycloniques à venir, et qui imagine avec une fiction ce qu'il pourrait se passer si, un jour prochain, nous n'étions pas épargnés. Mais, puisque malgré les retards que nous accusons, Mayotte se développe tout de même, nous avons aussi interviewé Josiane Henry, qui a contribué à mettre en place le premier système de santé de l'île. D'hier à aujourd'hui, les progrès ont été énormes. Et puis, plus légèrement, Paul Tibère, nouveau propriétaire du restaurant Saveurs Tropicales – renommé Le Voulé – nous explique comment il compte, avec ce nouvel établissement, participer à l'évolution du 101ème département.

PROJET

Bonne lecture à tous

Création de la ZAC

RÉUNION PUBLIQUE La Ville de Bandrélé, la Communauté de Communes du Sud et l’Établissement Public Foncier et d’Aménagement de Mayotte vous donnent rendez-vous

de MJINI à BANDRÉLÉ

Lundi 16 décembre 2019

Venez donner votre avis sur le projet d’aménagement du quartier de Mjini à Bandrélé.

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COUP D’ŒIL DANS CE QUE J'EN PENSE

Laurent Canavate

Mayotte Hebdo n°735, 5 février 2016

LA VIE, L'AMOUR, L'AMITIÉ…

"Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien", disait Socrate, repris par Platon puis Montaigne. C’est faire preuve de grande humilité, mais c’est surtout le plus puissant moteur pour apprendre, pour mieux comprendre le monde qui nous entoure et y vivre mieux. Avoir conscience de son ignorance est par ailleurs une forme d’intelligence. Il est parfois plus facile de comprendre, que de comprendre que l’on n’a pas compris… de croire que l’on a compris, que de demander et d’apprendre… Car peut s’ouvrir alors une première étape dans la recherche du savoir, de la connaissance et de la compréhension. Il faut demander, il faut oser demander. Demander c’est faire preuve de beaucoup d’intelligence : l’intelligence dans la connaissance de ses limites (ou les limites de sa connaissance…), mais aussi le courage d’avouer son ignorance, pour apprendre. Celui qui ne demande pas, ne saura jamais. Je le répète tellement souvent aux collégiens ou lycéens qui viennent visiter la rédaction, ou que je rencontre : "Demandez, osez demander et vous apprendrez. Lisez et vous saurez". La connaissance peut passer par une demande à quelqu’un qui sait, que ce soit un professeur, un technicien, un spécialiste ou un professionnel. Cela peut passer par la demande de conseils, d’avis sur un problème, sur un point de blocage, à un ami, à un collègue, et le problème disparait. Apprendre permet de mieux vivre, mieux appréhender le monde qui nous entoure, mieux vivre avec ses congénères. Cela permet d’éviter de commettre des erreurs graves, de générer des problèmes, des incompréhensions. Savoir, bénéficier de la connaissance, des expériences d’autres peut éviter des accidents, des maladies, des guerres. Cela passe notamment par l’éducation, mais aussi la discussion avec d’autres. L’ignorance est la mère de toutes les barbaries, de tous les racismes, de tous les extrémismes. Ne pas savoir, vivre dans l’inconnu génère naturellement de la crainte, de l’appréhension. Un peuple maintenu dans l’ignorance permet à des dictatures de se maintenir au pouvoir. Un peuple éduqué, éclairé, saura agir au mieux de ses intérêts. D’où l’importance à donner à l’éducation. Car savoir plus doit ensuite servir à agir mieux. Savoir ce qui se fait ou qui ne se fait pas, savoir ce qui marche ou ce qui a raté, permet de mieux choisir sa voie, savoir

ce qui a conduit à des désastres peut permettre de les éviter. Savoir soigner permet de sauver des vies. Savoir gérer des équipes permet de mener à bien de grands projets, ambitieux. Savoir construire un pont permet d’éviter des kilomètres de détour. Mettre en place une adduction d’eau potable, l’assainissement collectif des eaux usées, une gestion des déchets, permet à la population de vivre dans de meilleures conditions d’hygiène, en meilleure santé. Connaître son passé permet de transmettre des valeurs, des traditions. Cela permet de mieux affirmer sa différence, sa richesse culturelle. Connaître ses voisins permet d’éviter de croire n’importe quoi, de dire n’importe quoi. Avoir connaissance des conditions de vie difficiles d’un enfant permet de mieux comprendre ses difficultés en classe. L’éducation, mais aussi les médias devraient servir à diffuser ces connaissances, à tisser des liens sociaux au sein d’un territoire donné, pour que chacun y vive mieux. Disposer de ces connaissances devrait permettre de s’adapter aux évolutions, de les anticiper, de les préparer. Sachant, il convient en effet d’agir pour améliorer la situation, car chacun doit apporter sa pierre. Avoir la volonté d’apprendre, de mieux comprendre, pour ensuite mettre ces connaissances au service de la société dans laquelle on vit. Voilà ce qui devrait guider nos dirigeants et chacun de nous. Apprendre, connaître, découvrir, oser, mais aussi s’entourer des compétences nécessaires permet d’avancer plus sereinement, plus sûrement. L’humanité a progressé depuis la nuit des temps, grâce à des individus qui ont osé, qui ont appris de nouvelles choses, mené des expériences, qui ont découvert et diffusé leurs savoirs. "Je sais, je sais, je sais…" chantait Jean Gabin évoquant sa jeunesse et croyant déjà tout savoir à 18 ans. Puis, à l’automne de sa vie, ayant rencontré, appris, encore appris, et, nous rappelant le philosophe Socrate, il concluait sa chanson si justement : "je sais qu’on ne sait jamais. (…) C’est tout ce que je sais, et ça je le sais…" Mais, au-delà de tout ce qu’il avait appris, et de tout ce qu’il ne savait pas encore, au-delà de tout ce qu’il avait fait, il nous en livrait tout de même l’essentiel : la vie, l’amour, l’amitié…

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S LE RÉTRO Manifestions contre la vie chère : appel au calme Une série d'interventions plutôt musclées des forces de l'ordre à Labattoir, pour retrouver les auteurs des violences survenues lors des manifestations contre la vie chère, en Petite-Terre : une trentaine de gendarmes avaient alors été blessés. "Je n’étais pas là, j’étais au travail quand mes voisins m’ont prévenu. Ils ont cassé ma porte d’entrée et sont rentrés chez moi. Lorsque je suis rentrée, je n’ai pu que constater les dégâts. Je ne sais même pas ce qu’ils cherchaient", témoignait Mounika. Pour calmer les esprits, le porte-parole du Collectif des citoyens perdus a ainsi tenu à s'adresser à la population : "on est prêt à lancer un appel au calme pour stopper les tensions causées par les arrestations dans les deux communes. Il est maintenant important de ramener le calme sur le terrain. Ces arrestations doivent aussi cesser pour ne pas envenimer les choses." Mayotte Hebdo n°455, vendredi 11 décembre 2009.

384€ pour vivre L'Insee publie le résultat de son enquête sur le budget des familles en 2011. Il révèle deux tendances majeures à Mayotte : une hausse générale des revenus et des disparités croissantes entre les plus aisés et les plus modestes. Celles-ci se creusent entre les ménages les plus aisés dont le niveau de vie est supérieur à 1230 euros par mois et les plus modestes qui déclarent disposer de moins de 87 euros. "84% de la population vit sous le seuil des bas revenus, fixé en métropole à 959 euros", expliquait Jamel Mekkaoui, chef du service régional de l’Insee. En termes de consommation, les inégalités sont d’autant plus criantes que les ménages les plus aisés dépensent sept fois plus que les plus modestes, qui représentent plus des trois quarts de la population totale. Mayotte Hebdo n°684, vendredi 12 décembre 2014.

LA PHOTO D'ARCHIVE Sensibilisation aux dugongs et tortues à Kani-Kéli Mars 2010 : une vaste opération de sensibilisation sur la protection des tortues et des dugongs, organisée par l'association des Naturalistes, est lancée. Celle-ci a mis en place un concours auprès des élèves de primaire et de sixième. Les classes candidates ont droit à une conférence sur ces deux animaux rares.

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IL Y A 5 ANS

IL Y A 10 ANS

C'ÉTAIT DANS MH


TCHAKS

LA PHRASE

LE CHIFFRE

"Aujourd’hui on nous annonce qu’un fonds de pension pourrait entre au capital d’EDM ? C’est inadmissible".

L'ACTION

5 000

Remise de 17 médailles de la famille

C'est le nombre de petites et moyennes entreprises invitées à se créer un compte dans les prochaines semaines sur la plateforme gratuite Chorus Pro, par laquelle le règlement des factures avec les établissements publics se fera à partir du 1er janvier prochain. Une dématérialisation qui permet un gain de temps et un gain financier. Les entrepreneurs concernés par cette transition digitale peuvent d'ores et déjà se rendre à la Maison de l'entreprise, à Mamoudzou.

Samedi 14 décembre au RSMA, 17 familles – une par commune – recevront la médaille de la famille des mains du préfet, Jean-François Colombet. Toutes ont en commun le fait d’avoir élevé des enfants de façon digne et exemplaire, malgré des conditions de vie parfois difficiles. Certaines s’illustrent également par un engagement fort en faveur de l’accompagnement du handicap, de la vie associative ou de la collectivité.

Le secrétaire départemental de la CGT, Salim Nahouda, réagit à la possible vente des parts de Saur International, actionnaire d'EDM, au profit d'un fonds de pension. La nouvelle, annoncée par le syndicat, fait grincer des dents les salariés et le responsable syndical : "On veut qu’EDF se saisisse d’EDM, comme elle intervient dans tous les autres DOM, un point c’est tout", appui-t-il, bien décidé à stopper le projet. Et d'ajouter : "On a un préavis de grève relatif à la réforme des retraites qui est encore valable donc il peut y avoir un débrayage à tout moment."

LA PHOTO DE LA SEMAINE Des étudiants en lutte contre les déchets Dans le cadre de la Semaine européenne de réduction des déchets, les étudiants du BTS économie sociale et familiale ont tenu des actions éducatives de lutte contre les déchets au sein de la cité scolaire de Bandrélé. Ainsi, 500 collégiens et lycéens ont été sensibilisés à l’impact des déchets sur l’environnement et la santé, mais aussi aux solutions envisagées pour y remédier. Les élèves ont également participé à une session de ramassage aux abords de leur établissement pour comprendre l’importance du tri, et ont pu découvrir l’utilisation du compostage ainsi l’intérêt d’offrir une seconde vie aux déchets.

PAMANDZI Un pôle culturel dans les anciens locaux de La 1

ère

La ville de Pamandzi a signé, mardi 10, l’acte de rachat pour devenir propriétaire de l’ancien bâtiment de Mayotte la 1ère. Montant de la transaction : 1.75 million d’euros. Lorsqu’elle prendra possession des locaux au mois de mars, la commune compte réaliser quelques travaux de réaménagement intérieur avant d’ouvrir officiellement son pôle culturel deux mois plus tard. Ce futur lieu sera dédié à l’art, à la musique, aux métiers des médias et accueillera également un café littéraire et une salle de projection. La ville espère à terme obtenir le label de conservatoire à rayonnement régional pour la partie musique.

PROVERBE Hasira mwananyahe de hasara. La colère a pour sœur la perte.

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LE FLOP LE TOP Un centre de formation des sportifs de haut niveau ?

En 2025, un centre de formation des sportifs de haut niveau pourrait être inauguré à Miréréni. Une structure jamais vue à Mayotte et dont travaux devraient commencer d'ici deux ans, qui permettrait d’accueillir à l’année 100 à 150 étudiants, tous internes, dès leurs 15 ans, à la façon d’un pôle espoir, en football, handball, natation. En somme, toutes les disciplines obligatoires et au choix qui figurent au programme des Jeux des îles. Car le projet est lié à l'organisation de ceux-ci. Cinq hectares accueilleront les équipements : un stade d’athlétisme avec une piste de huit couloirs et des tribunes de 500 places ; un dojo avec deux aires de pratiques minimum ; un gymnase en plein air d’une capacité de 500 personnes pour les sports de plage ; un second gymnase, couvert cette fois, de 1 500 places ; un terrain mixte pour la pratique du football et du rugby ; mais aussi un centre de santé pour le suivi des élèves ; divers bâtiments pour la maintenance et le stockage, la restauration, l’internat et la formation, évidemment.

Nouveaux déboires pour Air Austral

Les Boeing 787 d'Air Austral sont-ils maudits ? En tout cas, c'est une nouvelle mauvaise semaine qui s'est déroulée pour la compagnie aérienne. En plus d'être contrainte de décaler ses vols du dimanche 8 à cause du passage du cyclone Belna, la compagnie a dû faire face, le mardi 10, à une nouvelle immobilisation de son Boeing 787 au sceau du Piton de la Fournaise. Grosse pagaille et esprits échauffé à l'aéroport, de la part de passagers qui, déjà la veille, avait dû rentrer chez eux, leur vol étant annulé. Résultat : un nouveau report de vol au mercredi, et un nouvel affrêtement d'un avion de la compagnie Wamos pour assurer les liaisons prévues. Dans un communiqué de presse, la compagnie explique avoir "déclenché une mission d'assistance et d'expertise de haut niveau auprès du constructeur pour accompagner Air Austral pour l'analyse et la résolution pérennes du problème." Il faut dire que si ces appareils sont les seuls à pouvoir assurer une liaison directe de Dzaoudzi vers Paris, compte tenu de la longeur de la piste, ils sont aussi victimes de pannes récurrentes. Des pannes qui, si elles ne mettent a priori pas en cause la sécurité des passagers, ne leur assurent pas un départ en temps et en heure. Pourtant le minimum attendu compte tenu des tarifs appliqués.

ILS FONT L'ACTU Thani Mohamed Soilihi et Abdallah Hassani Les deux sénateurs de Mayotte ont participé, mardi 10, à un petit déjeuner de travail au ministère des Outre-mer. Au cours de ce rendez-vous mensuel, un groupe de travail sur la continuité territoriale a été mis en place et devrait rapidement émettre des propositions. D’autres sujets ont été traités et vont émailler le calendrier à venir : loi à venir sur les risques majeurs, livre blanc sur la sécurité intérieure, congés bonifiés, lettre de mission des ministres Girardin et Darmanin pour analyser les raisons de la sous-consommation des crédits budgétaires Outre-mer.

CRA S'estimant menacé à Mayotte, un Burundais demande à partir en Tanzanie Jusqu'au samedi 7, un homme de nationalité burundaise dormait depuis trois semaines devant le Centre de rétention administrative (CRA) de Pamandzi. Se présentant comme un réfugié reconnu par l’OFPRA, il s’estime "menacé de mort" à Mayotte et explique s’être fait voler l’ensemble de ses effets personnels ainsi que ses documents administratifs. "Ma femme me réclame. Elle m’a dit qu’elle faisait son possible pour envoyer une copie de mes pièces justificatives d’identité aux services concernés afin que la police aux frontières puisse m’exfiltrer en Tanzanie", confie-t-il. Le visage épuisé, les traits tirés, l’homme ne présente à priori aucun signe de troubles mentaux. Il martèle son intention de rester sur les lieux jusqu’à son transfert. "Ici, on veut me marier de force avec une Comorienne", insiste-t-il. Les pompiers ont été prévenus de sa situation et ont affirmé prévenir la gendarmerie pour le mettre à l’abri du cyclone qui s'annonçait alors.

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MAYOTTE ET MOI

Solène Peillard

PAUL TIBÈRE

VOULÉ LÉ LA ! IL VEUT NOURRIR LES CORPS ET LES ESPRITS. DEUX ANS APRÈS AVOIR REPRIS LA GÉRANCE DU RESTAURANT SAVEURS TROPICALES – DEVENU DEPUIS LE VOULÉ –, PAUL TIBÈRE VEUT PROPOSER DES RENDEZ-VOUS DESTINÉS TANTÔT AUX MÉLOMANES, TANTÔT AUX JEUNES ISOLÉS DU QUARTIER DE CAVANI. UN SEUL OBJECTIF : FÉDÉRER ET CONSCIENTISER LES POPULATIONS D'UNE ÎLE EN PLEINE MUTATION. RENCONTRE. À travers son restaurant, c'est toute la culture de la région qu'il veut faire rayonner. À l'été 2017, Paul Tibère quittait sa Réunion natale pour reprendre à Mayotte la succession de son père au restaurant Saveurs Tropicales, avec une envie de "mieux faire". Et surtout, celle de contribuer au développement socioculturel de l'île aux parfums. Ainsi depuis une poignée de mois, l'enseigne fait peau neuve. Sous un nouveau nom, celui du Voulé, l'établissement propose désormais un menu à l'ardoise, pour en changer régulièrement. Mais surtout, son nouveau patron entend faire du restaurant un lieu de rencontres autour de la musique, où il souhaite porter un message d'ouverture et de résilience dans un quartier "qui souffre beaucoup", celui de Cavani. "J'ai voulu transformer le lieu pour en faire quelque chose qui me ressemble un peu plus", sourit Paul. Un sacré défi pour le vingtenaire informaticien qui s'est retrouvé à la tête du restaurant "sans mode d'emploi", mais avec une idée fixe en tête : "Le mot d'ordre, c'est d'essayer d'installer un rendez-vous des musiciens, des mélomanes", décrit encore le gérant du Voulé, également bassiste depuis des années. "Ici, on a des musiciens de différentes communautés : des Africains, des Mahorais, des Malgaches, des Occidentaux, etc. qui jouent souvent dans leur coin. Mon rêve, ça serait d'essayer de les faire jouer ensemble, créer des rencontres artistiques pour monter des projets". À l'image des concerts accueillis le mois dernier sur la scène du Voulé, dans le cadre du Maoré Jazz Festival. Dans cette même logique, le restaurant devrait bientôt proposer des scènes ouvertes régulières. Des chengué où tous les styles et tous les publics seront les bienvenus. "L'idée, c'est de ne pas savoir ce qu'on va jouer, mais de le jouer bien. C'est aussi une façon de dire qu'à Mayotte, il y a beaucoup de variables inconnues, on ne sait pas comment l'équation

va tourner mais on est obligé de composer", décrit Paul Tibère, en surveillant du coin de l'œil la mise en place de la salle.

POUR L'INCLUSION DES JEUNES S'il est lui-même passionné de musique, le Maoréunionnais veut également construire des projets avec la jeunesse de Cavani. "Je ne sens pas vraiment d'appui des institutions ou des politiques en place. Alors je me suis dit que je pouvais le faire moimême, tout seul". C'est ainsi que Paul a préparé une première soirée avec les "grands" du quartier, en leur proposant d'organiser une soirée par eux et pour eux. "Ils ont été partants à fond, ils se sont bien organisés en montant un mini collectif qui réunissait une dizaine de danseurs et de rappeurs", se réjouit le restaurateur. Deux mois plus tard, l'évènement prenait place au Voulé. Depuis, "les jeunes veulent même monter une association !" De quoi inciter Paul Tibère à réitérer ce rendez-vous, notamment pour interpeller les autorités quant à la nécessité de proposer des animations fédératrices à ces jeunes souvent livrés à eux-mêmes. "C'est très compliqué d'être proche de ses valeurs tout en étant dans une logique d'entreprise et de rentabilité", assume Paul. Mais bien loin de se décourager, il projette de proposer dès l'année prochaine des conférences, des débats, des projections où les populations de différents horizons sociaux et culturels pourraient se rencontrer. "En tant que Réunionnais, j'ai 70 ans de recul sur la départementalisation, on a une expérience sur la transformation socioculturelle de notre île : on a perdu une partie de notre identité, alors on peut apporter un bon retour d'expérience". Lé bel ! n

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MAYOTTE ET MOI

PAUL TIBÈRE

MON ENDROIT FAVORI

En ce moment je ne bouge pas beaucoup, mais s'il y a bien un endroit que j'aime bien, c'est Combani, ou Kahani. Ce sont des coins de nature, de calme. Par exemple, j'aime beaucoup aller piquer une tête à la retenue collinaire de Combani. Bon, je sais que je n'ai pas le droit…

MON MEILLEUR SOUVENIR À MAYOTTE C'est un souvenir fort avec mon père. Avant de m'installer ici, j'étais venu à Mayotte en vacances. On avait fait le mont Choungui ensemble et avec toute l'équipe du restaurant. Il y a aussi un autre souvenir que je n'oublierai jamais, c'est un gros signe de la vie en fait : mon père me demandait souvent de venir l'aider, mais on n'arrivait pas à travailler ensemble. Finalement, j'avais pris un billet pour le 7 février 2017, et mon père nous a quittés le 6. C'était très marquant, c'était un peu comme une passation de pouvoir. Ça été très dur, mais ça a aussi révélé des choses en moi et ça m'a montré ce dont j'étais capable

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MA PHOTO MARQUANTE Je ne prends pas le temps de faire suffisamment de photo. Mais celles qui me marquent à Mayotte c'est celles qui illustrent la tradition et la modernité, comme une belle voiture de luxe garée devant des bangas, ou le bacoco assis sur le bord de la route avec les bâtiments derrière lui. Ça met en avant la question du développement. En tant que Réunionnais, on a 70 ans de recul sur la départementalisation. Et cette transformation socio-culturelle efface parfois les traditions. À La Réunion, on voit les bâtiments, les belles routes, mais on a pris cher : notre langue, notre cuisine, notre identité. À Mayotte, il y a d'autres enjeux mais il y a quand même des parallèles à faire et il faut faire en sorte qu'il y ait des choses qui ne disparaissent pas comme ça. Surtout que ça va vite à Mayotte, ça me fascine !

MON ŒUVRE PRÉFÉRÉE : En tant que musicien, j'affectionne beaucoup les musiques traditionnelles, afro, parce qu'elles racontent l'Histoire d'un peuple, elles aident à comprendre les cultures, un peu comme la cuisine. C'est pour ça que j'aime beaucoup le jazz : il peut accueillir les musiques traditionnelles, parce que les deux sont des musiques d'expression. Et c'est aussi pour ça qu'on a travaillé avec le Maoré Jazz Festival et qu'on a des projets ensemble. Je vais essayer de défendre ici la musique vivante, parce qu'on se fait un peu bouffer par la musique électronique, les boîtes à rythmes. Dans tout, on tend vers la simplification vers des formats millimétrés. Alors qu'au restaurant, on essaie de promouvoir la variété et la diversité.

MA BONNE IDÉE POUR MAYOTTE À travers l'entreprise, j'ai un projet de plus m'insérer dans l'économie sociale et solidaire, pour éventuellement transformer le Voulé en restaurant d'insertion pour les jeunes et les personnes en demande de formation. Il y en a vraiment besoin dans le travail de l'accueil et de l'hôtellerie-restauration à Mayotte. J'ai vu plein de gens passer et le gros problème c'est la compétence.

Le Voulé vous acceuille : Du lundi au samedi, de 11h à 15h et de 18h à 22h (jusqu'à minuit et plus le vendredi et le samedi / Fermé le mardi soir) Réservations au 0269 61 46 08. Rendez-vous sur la page Facebook Le Voulé - Resto Bar Musical pour ne rater aucun évènement.

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LE DOSSIER

cyclone(s)

VENT DE PANIQUE 12•

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De mémoire de Mahorais, on n'avait pas autant tremblé depuis longtemps, 35 ans précisément : en 1984 lors du cyclone Kamissi. Cette fois, heureusement, Mayotte a échappé aux affres de Belna, qui a décidé de modifier suffisamment sa trajectoire pour nous épargner. Cette fois, ça passe, mais demain ? La vigilance doit rester de mise et la préparation plus que jamais remise en avant. Car Météo France nous le dit : les cyclones pourraient dès cette saison être plus nombreux qu'à l'accoutumée. Nous vous proposons cette semaine de revenir sur le phénomène qui nous a frôlé, mais aussi de vous projeter à demain grâce à l'interview du délégué départemental de Météo France à Mayotte. Enfin, nous avons décidé de refaire l'histoire, en vous proposant une fiction imaginant ce qu'il pourrait se passer si, un jour prochain, la nature n'était pas aussi clémente avec nous.

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LE DOSSIER

Geoffroy Vauthier

CYCLONES

VERS UNE AUGMENTATION DU PHÉNOMÈNE DANS LA RÉGION ? JUSQU'À PRÉSENT, MAYOTTE A SOUVENT ÉTÉ ÉPARGNÉE PAR LE PASSAGE D'UN CYCLONE. SI ON LA DIT PROTÉGÉE PAR SA GRANDE VOISINE, MADAGASCAR, BELNA A MONTRÉ QUE CE N'ÉTAIT PAS UNE VÉRITÉ ABSOLUE. D'AUTANT QUE LE NOMBRE DE CYCLONES DANS LA ZONE OUEST DE L'OCÉAN INDIEN POURRAIT BIEN AUGMENTER. LE DÉLÉGUÉ DÉPARTEMENTAL DE MÉTÉO FRANCE À MAYOTTE, LAURENT FLOCH, NOUS EN DIT PLUS.

Mayotte Hebdo : Belna nous a frôlé de peu le week-end dernier et a démontré que Mayotte était, elle aussi, exposée de manière sérieuse au risque cyclonique. Il se dit d'ailleurs que le phénomène pourrait être de plus en plus présent…

Laurent Floch : Ce n'est ni tout à fait faux, ni tout à fait vrai non plus. Ce qu'on sait, c'est que la partie ouest de l'océan Indien est plus chaude que la partie est. C'est ce qu'on appelle le dipôle de l'océan Indien. C'est le même principe que El Nino dans le pacifique, au niveau de l'ouest du souscontinent sud-américain. Les alizés poussent de l'eau chaude vers l'ouest. En le faisant, cela crée un déséquilibre entre les deux zones, est et ouest. Il existe des prévisions saisonnières cycloniques, publiées sur le Centre météorologique régional spécialisé (CMRS) cyclones (voir encadré), qui prévoient que l'on soit cette année dans la moyenne : entre 8 et 11 systèmes tropicaux dans la zone ouest de l'océan Indien. Mais les conditions, cette année, pourraient être réunies pour que beaucoup d'entre eux deviennent en effet des cyclones, entre 6 et 8. Donc, oui : il n'est pas tout à fait faux que l'on puisse en avoir plus cette année dans le canal du Mozambique, car il est dans l'ouest de l'océan Indien, et que parmi les systèmes tropicaux susceptibles de se créer, beaucoup d'entre eux pourraient devenir cyclone. C'est un peu réducteur de dire qu'il y aura plus de cyclones dans le canal du Mozambique, mais la probabilité pour qu'il y en est plus forte cette année.

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Mayotte Hebdo : Quelle est la cause de ce dipôle ? Le réchauffement climatique ? LF : Le fait que les alizés poussent l'eau chaude vers l'ouest est un phénomène cyclique, avec une période de retour d'environ de cinq ans. Si on reprend l'exemple de El Nino, il succède à La Nina. Donc potentiellement, on peut se retrouver avec l'inverse ici aussi : des eaux plus chaudes à l'est de l'océan Indien qu'à l'ouest dans quelques années. Néanmoins, le phénomène est effectivement accentué par le fait que, d'une manière générale, les océans se réchauffent. Cela s'additionne : l'ensemble des océans se réchauffe et le dipôle de l'océan Indien s'ajoute à ce réchauffement. Mayotte Hebdo : En quoi cela nous rend plus sujet aux cyclones ? LF : Pour comprendre, il faut en venir à la cyclogenèse, la naissance des cyclones. Pour naitre, un cyclone a besoin de se trouver dans une zone où les pressions atmosphériques sont plus basses que celles de l'environnement autour. Il faut aussi qu'il soit constitué par des orages, des amas convectifs. Il prend naissance à l'endroit où les eaux sont les plus chaudes et où l'atmosphère est suffisamment instable pour permettre de gros orages. C'est ainsi qu'il débute : zone dépressionnaire, eaux chaudes et orages. Ensuite, emporté par les alizés, cet amas convectif va commencer à se déplacer et à se transformer en perturbations tropicales au fur et à mesure qu'il se déplace dans l'océan Indien sud, vers l'ouest. Au fur et à mesure, il prend aussi une composante sud, qui va l'écarter de l'équateur. Ce faisant, il est soumis à la force de Coriolis. Là, il peut donc commencer à tourner autour de son centre dépressionnaire, doucement dans un premier temps. À partir du moment où le système commence à avoir un mouvement circulaire – ce qu'on appelle une isobare fermée –, on le nomme dépression tropicale : les vents sont alors inférieurs à 63 km/h. Par la suite, pour devenir tempête tropicale, la dépression a besoin de se déplacer sans "tomber", d'une certaine manière. Si le vent souffle plus fort en altitude qu'au niveau de la mer, la dépression va "tomber" vers l'avant. Il faut donc qu'il n'y ait pas de contrainte – ou cisaillement – verticale : les vents doivent être sensiblement les mêmes en surface et en altitude. Si c'est le cas, on peut avoir une intensification du phénomène et une transformation en tempête tropicale. Là, il y a un dernier ingrédient qui doit rentrer en jeu. L'évacuation de l'énergie doit pouvoir se faire par le haut, ce qu'on appelle une divergence d'altitude. Une fois que l'énergie des nuages d'orage arrive jusqu'au plus niveau de l'atmosphère, la tropopause, si elle n'a pas des vents qui lui permettent de s'évacuer sous la forme de gros nuages humides et plutôt chaud – les dépressions à cœur

"PARMI LES SYSTÈMES TROPICAUX SUSCEPTIBLES DE SE CRÉER CETTE ANNÉE, BEAUCOUP D'ENTRE EUX POURRAIENT DEVENIR DES CYCLONES" chaud – la tempête tropicale ne se développera jamais en cyclone. Mais si c'est le cas, alors cela peut être le cas. Ce cyclone va être piloté par tous les centres d'action qui l'entourent : des dépressions standards, des anticyclones standards, des dorsales, des talwegs, etc., et c'est cette circulation générale qui va piloter sa trajectoire. Si tous les ingrédients ne sont pas réunis, il se désintégrera. En revanche, s'ils le sont, il peut potentiellement se renforcer. Ce sont tous ces paramètres que l'on rentre dans nos modèles mathématiques pour prévoir à la fois la trajectoire et l'intensité. Néanmoins, la science a encore des limites. Comme on a pu le constater avec Belna, la trajectoire d'un cyclone est empreinte d'incertitudes, sa transformation également. Mais nous essayons de la réduire au fur et à mesure des années. Depuis 10 ans par exemple, on a fait d'énormes progrès sur la trajectoire. On faisait des erreurs à trois jours de l'ordre de 400 km, et aujourd'hui elles sont de l'ordre de 200 km. En 10 ans, la précision a trois jours a été améliorée d'un facteur 2. n

LE CMRS CYCLONE Le centre météorologique régional spécialisé (CMRS) cyclone, de La Réunion, structure de Météo France, a pour objectif premier la surveillance permanente de l'activité cyclonique tropicale sur son domaine de responsabilité du sud-ouest de l'océan Indien. Cette zone s'étend de l'équateur à 40 degrés sud et des côtes australes africaines à 90° Est.

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LE DOSSIER

Geoffroy Vauthier

FICTION

JOUR DE CYCLONE ET SI CELA DEVAIT ARRIVER UN JOUR ? ET SI, AU LIEU DE PASSER AU LARGE DE MAYOTTE COMME L'A FAIT BELNA, UN CYCLONE LA SURVOLAIT ? SUR LA BASE DE CE QUI A PU SE PASSER IL Y A DEUX ANS À SAINT-MARTIN, AUX ANTILLES, ET SUR LES RISQUES IDENTIFIÉS PAR LES AUTORITÉS, NOTAMMENT LORS D'UN EXERCICE MENÉ EN JANVIER 2018, NOUS VOUS PROPOSONS DE PLONGER AU COEUR D'UN JOUR DE CYCLONE AVEC FAIÇOIL, UN HABITANT DE L'ÎLE PARMI TANT D'AUTRES.

MARDI 16

Voilà longtemps qu'aucune tempête n'avait menacé Mayotte aussi directement. Il y a bien, chaque année, plusieurs phénomènes qui attirent l'attention des autorités, mais jusqu'à présent, aucun d'entre eux n'avaient atteint l'île. Ils mourraient généralement sur les côtes est ou nord de Madagascar, ou se contentaient de poursuivre leur trajectoire vers l'ouest, restant soigneusement au nord de Mayotte. Tout au plus en ressentait-on les effets, largement atténués : des vents forts mais pas destructeurs, et de fortes pluies inondant provisoirement quelques zones du littoral. De quoi demeurer vigilant, c'est vrai, mais pas de quoi paniquer, les conséquences restant bien loin de celles dévastatrices d'un cyclone. La dernière grosse inquiétude en date avait été celle de Belna, il y a deux ans. Mais il s'était éloigné au dernier moment, épargnant une fois de plus l'île. Pourtant, aujourd'hui, la préfecture a de nouveau placé Mayotte en pré-alerte cyclonique. En somme : un cyclone pourrait frapper l'île sous 72h. Il s'agissait d'un système appelé Henda, en formation depuis la veille au nord de Madagascar. Pour le moment, il ne s'agit encore que d'une dépression tropicale à 800 km de là, mais la rapidité de sa cyclogenèse et ses vents de plus en plus rapides rendent apparemment réelle la probabilité d'un danger. C'est en sortant d'un supermarché,

à Kawéni, que Faiçoil entend la nouvelle à la radio. Curieux, le technicien de réseau, employé d'une grosse entreprise de BTP, décide d'en savoir un peu plus. Pour se rencarder, il sait qu'il peut compter sur son beau-frère, Ahmed, qui travaille à Météo France Mayotte :

Faiçoil Ahmed C'est sérieux cette histoire d'alerte ? Plus que je ne le craignais. Henda devrait être classée en tempête tropicale demain dans la matinée et, selon toute vraisemblance, devenir un cyclone dans la nuit Merde alors ! Et il ne peut pas nous éviter ? Pour le moment, rien n'indique qu'il aura une raison de le faire.

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Faiçoil hésite : et si, cette fois, Mayotte y avait droit ? En cinq ans, il y avait eu une sécheresse, des séismes, l'apparition d'un volcan sous-marin et même la chute d'une météorite ! Deux ans plus tôt, c'était le passage de Belna, qui nous avait finalement évité de peu, provoquant bien plus de peur que de mal. Une alerte de plus, mais est-ce vraiment sérieux ? On nous parle beaucoup du risque cyclonique, mais bien peu en ont vu un passer ici ! Décidément, on ne sera jamais plus

tranquille sur cette île. Allez, autant profiter d'être encore sur le parking pour re-rentrer dans le magasin prendre quelques packs d'eau et des bougies. Au cas où… Le communiqué de presse des autorités qui circule partout sur les réseaux sociaux est précis sur les démarches à suivre. Il prend aussi des piles – elles lui serviront de toute façon toujours à quelque chose –, un sac de riz, des pâtes, quelques conserves et puis, tant qu'à faire, des bonbons pour les gosses.

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LE DOSSIER

MERCREDI 6H

Smartphone en main, Faiçoil jette un œil sur Facebook en buvant son thé. Si ce n'est quelques publications reprenant le bulletin de pré-alerte de la veille au soir et quelques commentaires d'internautes inquiets, il ne semble pas y avoir de nouveau. Des hauteurs de Cavani où il vit, on entend le bruit des véhicules amenant leurs conducteurs au travail. Dans sa rue, des enfants passent en criant et en chahutant. Les bacs poubelles débordent. Le caniveau qui longe le mur de sa maison est plein de terre et de déchets, et la voiture du voisin en panne depuis quatre mois au même endroit continue sa lente agonie. Faiçoil remarque d'ailleurs que dans la nuit, une vitre a été cassée. La semaine dernière, c'étaient les pneus qui avaient été crevés. Pour le moment, les portières sont toujours là, mais pour combien de temps ? Bref, tout est normal. Le ciel est nuageux, mais franchement, sans l'annonce du phénomène en cours, il ne retiendrait pas l'attention. Un ciel chargé pendant le kashkazi, quoi de plus normal ? Au moment de se doucher, le père de famille remplit tout de même une grosse bassine d'eau qui restera dans la salle de bain. Si vraiment les choses devaient dégénérer, elle pourra servir à se laver ou à cuisiner comme durant les coupures d'eau d'il y a quelques mois. S'il le faut il remplira aussi le tonneau en plastique qui traîne dans la cour. Lorsqu'il monte dans sa voiture à 6h50, l'émission radio est consacrée à Henda. Le directeur de cabinet de la préfecture, invité pour l'occasion, y annonce que la dépression en cours a toutes les chances de devenir une tempête tropicale dans quelques heures et que les autorités suivent bien évidemment le phénomène avec "la plus grande vigilance", prêtes à déclencher l'alerte orange si nécessaire. Pour le moment, le beau-frère de Faiçoil a apparemment raison. Trente-cinq minutes pour rallier Cavani à la zone Nel, c'est long. Infernal même. Chaque matin lorsqu'il est dans les embouteillages, Faiçoil se fait la même réflexion. Depuis des années, elle ne change rien, mais il se la fait quand même. À 7h30, tout le monde est normalement arrivé au boulot. Là il manque quelques-uns de ses collègues. Il envoie alors un texto de l'un d'eux :

Nassem T’es où ? J'arrive très vite chef, je me suis juste arrêté acheter quelques packs d'eau au cas où… Ok, à tout de suite Tu sais où est Saïd ? Je l'ai croisé à la caisse. Pareil que moi.

Traîne pas en route

À 8h, l'équipe est au complet. La matinée peut débuter, un peu en retard, mais il faut être compréhensif. Elle se passe normalement jusqu'à 11h. Ça y est, Henda vient de devenir tempête tropicale. Elle se trouve désormais à 600 km de Mayotte. Et sa trajectoire ne semble pas vouloir changer. Si rien ne vient la perturber, elle atteindra Mayotte vendredi matin, dans deux jours. La pré-alerte est maintenue. Le directeur de cabinet de la préfecture l'a expliqué le matin à la radio : une alerte orange n'intervient que 24h avant, si les doutes se confirment. Pour le moment, pas beaucoup plus, donc, si ce n'est que de plus en plus d'habitants se rendent dans les commerces faire des provisions. La panique n'est pas encore là, mais les gens sont prévoyants. À midi, les caisses des magasins tournent beaucoup plus vite qu'à l'accoutumée à cette heure-ci de la journée. En milieu d'aprèsmidi, plusieurs internautes annoncent qu'il n'y a plus de bouteilles d'eau ou de bougies dans tel ou tel supermarchés. "J'ai bien fait de m'en occuper hier pour m'éviter la galère", se félicite Faiçoil. Ce soir, il pourra rentrer directement chez lui. Une pensée agréable, d'autant que le beau temps est revenu.

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JEUDI 11H

Le Centre météorologique régional spécialisé cyclones de La Réunion (CMRS), placé sous la responsabilité de Météo France, vient de classer Henda en cyclone tropical. Il n'est désormais plus qu'à 400 km de l'île et sa vitesse s'accélère. Il n'aura finalement pas buté sur la pointe nord de Madagascar, préférant la contourner et s'engouffrer dans le canal du Mozambique, en commençant à longer la côte nord-ouest de la Grande-Île qui, déjà, ressent les effets du phénomène. Les images du Cap d'Ambre, au nord de Diego Suarez le montrent : la mer déchainée se jette sur le littoral. Et même si ce ne sont là que les effets secondaires du passage d'Henda au large, des pêcheurs de Lotsohina témoignent de la violence du cyclone. "C'est terminé, mon bateau s'est brisé sur les rochers. Je ne pourrai plus travailler", témoigne l'un d'eux, accablé. Le scénario initié par Belna se reproduit. Son dénouement sera-t-il le même ? En tout cas, comme pour son prédécesseur, les autorités lancent un plan d'hébergements d'urgence. En accord avec les communes, les établissements scolaires mais aussi cette fois les mairies et MJC serviront à héberger les personnes les plus vulnérables. Petite différence : les polices municipales et nationales sont mobilisées depuis le début de la matinée, ainsi que des médiateurs et les cadis, pour informer les gens du danger qu'ils

courent et leur demander de rejoindre les lieux sécurisés. Ici, l'Insee estime à 100 000 le nombre de personnes vivant dans un logement précaire. Cela fait du monde. Beaucoup de monde. Les zones littorales les plus exposées à la houle seront, elles, évacuées en fin de journée. "Demain matin, il ne doit rester que des tournées d'inspection à faire, pour s'assurer que le maximum de personnes est à l'abri", détaille le préfet, en direct au journal TV. Les choses deviennent sérieuses. Plusieurs collègues de Faiçoil demandent à partir plus tôt, pour éviter la cohue qui s'annonce dans les grandes surfaces et récupérer leurs enfants à l'école, puisque celles-ci vont désormais être mise à disposition des populations dès cet après-midi. Le directeur de l'entreprise devance sa réponse et autorise les salariés à rentrer chez eux dès que le matériel des chantiers sera rangé et arrimé si nécessaire. L'activité économique de Mayotte s'endort peu à peu. Encore une fois, Faiçoil se satisfait d'avoir pris les devants deux jours plus tôt. Il n'aura qu'à récupérer ses enfants au collège, et attendre le verdict des éléments. Une centaine de pompiers de Métropole et de La Réunion arrivent en renforts. Devant les hébergements d'urgence, la Croix-Rouge, des agents municipaux et des bénévoles d'associations s'activent à décharger les camionnettes chargées de vivres et de bouteilles d'eau. Les familles mises à l'abri sont encore dans la rue, cherchant une occupation dans ces lieux qu'elles ne connaissent pas. On discute, on donne un coup de main, on s'occupe

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des enfants. Un petit groupe d'hébergés improvisent un doua collectif, espérant que leurs prières arrivent au ciel avant d'être bloquées par la masse nuageuse qu'Henda commence à générer. Ainsi va la dernière journée de calme avant le déchaînement. En fin de journée, le cyclone a gagné en vigueur et sa taille de 250 km de diamètre impressionne, contrairement à Belna qui était extrêmement compact et avait permis à Mayotte d'être épargnée des vents violents malgré son passage proche des côtes. C'est d'ailleurs ce que s'échine à répéter les institutions, constatant que la population prend la menace moins au sérieux. "Le profil d'Henda n'est en rien comparable à celui de Belna. Ce n'est plus d'une menace dont il s'agit, mais de limiter les dégâts", confirme régulièrement l'antenne locale de Météo France dans les médias, espérant "qu'il dévie brusquement de sa trajectoire dans la nuit afin de l'éloigner le plus possible de Mayotte." Et même avec cela, "Il faut se préparer à de fortes pluies et de grosses rafales. Cette fois, on peut juste espérer que les conséquences soient les moins lourdes possibles."

VENDREDI 8H

Depuis qu'il s'est réveillé, à 6h, Faiçoil suit les informations. Les médias de l'île diffusent les dernières nouvelles d'Henda au fur et à mesure qu'elles paraissent. Elles sont inquiétantes. Non seulement il a été classé cyclone tropical intense dans la nuit, mais en plus il n'a pas suffisamment modifié sa trajectoire pour sortir Mayotte de la zone dangereuse. "Cette fois on y a droit", se dit Faiçoil. "Nous venons de passer en alerte rouge", annonce le présentateur du journal, une édition spéciale qui suivra toute la journée, ou en tout cas autant que possible, le déroulé des évènements. "Alerte rouge" : tout le monde chez soi, plus personne dans les rues, déplacements interdits, coupure du réseau d'eau dans l'heure et dernière préparation de la maison. Le ciel est désormais noir et le vent se lève peu à peu. Les papiers qui jonchent la rue commencent à être portés au ras du sol par le vent. Les canettes et bout de ferrailles pas encore, mais cela ne saurait tarder. Alors,

après avoir rangé les quelques plantes et meubles qui égayent sa terrasse, Faiçoil descend les deux marches qui le surélèvent de la rue pour ramasser ce qu'il trouve. Il en remplit un sac poubelle qu'il met à l'abri dans sa remise. C'est dérisoire, mais c'est déjà ça qui ne finira pas dans le lagon ou pire, projeté par une rafale sur une gamin imprudent. En parlant d'imprudence, il en reste quelques-uns, des inconscients, tel ce riverain, plus bas dans rue, qui s'acharne encore à continuer sa case en tôle, construite sur le toit d'une maison. Heureusement, la police sillonnant les rues lui demandera de descendre immédiatement se mettre à l'abri. L'homme s'y pliera, bien qu'agacé : Faiçoil le comprend aux gestes dépités qu'il fait en rangeant ses outils. "Voilà au moins un réflexe censé", se dit-il. En se retournant, il aperçoit un chat, bien caché sous une palette. Il parait que les animaux sentent ce genre de phénomène avant leur arrivée. C'est sans doute vrai : les poules du voisin, habituellement si prompts à se quereller bruyamment, se taisent et s'abritent dans leur poulailler, lui aussi en tôles. La rue est de plus en plus vide et silencieuse. Quelques gouttes de pluie commencent à tomber avant de se transformer soudainement en déluge, masquant complètement le chant lointain du muezzin. "Henda se rapproche et s'apprête à passer à 30 km à l'est de Petite-Terre, merci de rester désormais à l'abri chez vous et de vous montrer solidaire s'il le faut", répète le poste de télévision, rappelant au passage les numéros des services de secours. Le vent se fait de plus en plus bruyant. La pluie également. Du salon, la famille de Faiçoil entend des bruits métalliques : les bourrasques sont désormais assez fortes pour emporter les déchets de la rue. Certains frappent le mur, d'autres les grilles en fer qui protègent habituellement les logements des cambriolages. "En tout cas, les nacos sont à peu près protégés grâce à elles", fait remarquer sa femme. Il est 11h15. Mayotte s'apprête à en baver.

VENDREDI 13H

Voilà deux heures qu'Henda se déchaine. À l'intérieur de la maison, les choses se passent plutôt bien. Hormis de l'eau qui passe à travers

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les nacos pour s'écouler le long du mur, pas d'inquiétudes à avoir. Dehors en revanche, c'est une autre affaire. Des chocs violents se font entendre. En se risquant à entrouvrir un nacos, Faiçoil remarque une antenne satellite encastré dans les grilles de la terrasse, et devine que la rue est jonchée de branches. Combien ? Difficile à dire tant la pluie est dense. On y voit à trois mètres, maximum. Depuis l'étage, c'est la même chose. Entre deux rafales, le père de famille voit les grands palmiers qui occupent la colline de derrière se courber dangereusement. Et toujours ces bruits violents. Un grand crissement se fait entendre de l'autre côté puis un choc contre la maison. Il redescend. Ce qu'il vient de se passer témoigne de la violence du phénomène. La carcasse de voiture qui trônait en haut de la rue vient de heurter le mur. Le vent, mais surtout la rivière qui s'est formé dans cette rue en pente ont réussi à la déplacer. Elle obstrue désormais le passage, mais qui songerait à être dehors dans ces conditions ? Assis sur le canapé, la femme de Faiçoil est inquiète mais tente de rassurer leur petit dernier. Leur adolescent, lui, est plus serein. Il est sur son smartphone. "Ça y est, il n'y a plus internet", dit-il. Le père allume alors la TV, qu'il avait éteinte par précaution. Rien ne s'affiche en effet à l'écran. À défaut de radio, la famille est isolée. Il va falloir attendre la fin du phénomène. À 14h, l'intensité de la pluie diminue un peu. De quoi convaincre l'homme de faire un pas sur la terrasse l'espace de quelques minutes. La scène est ahurissante. La rue ressemble à une coulée de boue, et la carcasse de voiture en est quasiment recouverte sur son côté en amont. En penchant la tête, Faiçoil se rend compte qu'une profonde entaille a creusé la colline. Un glissement de terrain a emporté des tonnes de terre dans sa rue. On y voit les plaques en tôle qui, quelques heures plus tôt, constituaient les logements des familles les plus déshéritées. Il se rappelle le passage de la police le matin même : sans doute avaient-elles étaient évacuées, tente-t-il de se rassurer. Le spectacle est moralement violent. Si c'est comme ça ici, dans un quartier plutôt résidentiel, alors comment est-ce ailleurs ? De nouveau la pluie se met à tomber en masse, les rafales de vent reprennent plus fortes encore. Retour à l'intérieur après qu'un "clac" se soit fait entendre. Il n'y a plus d'électricité. Le compteur a réagi en se mettant en sécurité. Mais même en le réactivant, aucune lumière ne réapparait. Panne généralisée ou simplement locale ? Qu'importe pour le moment. Une chose est sûre : le temps va être long jusqu'à 18h, heure à laquelle il est annoncé qu'Henda aura fini son triste office. À la lueur des bougies, la famille s'essaye sans grande conviction à une partie de cartes, ponctuée de rasade de thé ou de café chauffé grâce à la bouteille de gaz.

VENDREDI 19H

Voilà un petit quart d'heure que les conditions météorologiques semblent s'être calmées. Encore du vent, encore de la pluie. Mais bien moins violent que cet après-midi. Il fait désormais nuit. Plus que jamais : aucun réverbère ne fonctionne. Les seules lueurs sont celles des lampes de poches s'échappant par les fenêtres des maisons voisines. Les wazungus de la maison d'en face sortent fixer des planches en bois aux grilles de la fenêtre de leur cuisine. Une branche s'est encastrée dedans, brisant les nacos. Ils profitent de l'accalmie pour isoler au mieux cette entrée d'eau, qui a déjà créé une mare à l'intérieur. "Tout va bien pour vous ?", leur demande Faiçoil. Un pouce levé lui signifie que oui. Il traverse la rue pour les aider. "On a de la chance", lui dit un d'entre eux en détaillant : "Plus bas, une grue est tombée sur des logements, heureusement en construction." Peu à peu, les intempéries se calment encore. Il pleuvra encore fortement toute la nuit, mais de manière plus habituelle. La traîne du cyclone n'est pas encore passée, mais ce ne sont plus que des restes. Le pire est derrière

SAMEDI 5H

Le jour se lève, mais plus personne ne dort. D'ailleurs, quelqu'un a-t-il réussi à trouver le sommeil cette nuit ? De jour, la vision est encore plus catastrophique. Faiçoil retourne voir ses voisins d'en face. De leur jardin, ils ont une vue sur une bonne partie de la cuvette ouverte sur la mer que forme le quartier de Cavani. Et en effet, une grue s'est effondrée. On la voit reposer en diagonale, arrêté à mi-course par les murs de béton qu'elle a en partie déchiré. Par chance elle est tombée du bon côté : de l'autre se trouvait une école primaire servant d'hébergement d'urgence. Aurait-elle résisté à son poids, elle qui date des années 1990 ? En face de lui, d'autres collines. Et au moins un deuxième glissement de terrain. Il n'a pas souvenir d'avoir remarqué des habitations à cet endroit. Tant mieux, mais pour ceux qui étaient au pied de la pente ? Partout, des déchets, des tôles. Une carcasse de machine à laver est posée sur le toit en contrebas, au milieu de ce qui semble être les restes d'une cuvette de toilettes en céramique explosée. Un gros bidon en métal a trouvé refuge au sommet d'un manguier. Là, un panneau publicitaire qui trône normalement au rond-point du Baobab a atterri contre un bus. De là où il est, il devine au moins une dizaine de maisons avec le toit arraché. Le lagon semble avoir changé de couleurs. Il est marron sur une large bande longeant la côte. Lui aussi, plus que

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jamais, a eu à encaisser des tonnes de terre déferlant violemment jusqu'à lui. Le stade ressemble à une vaste mare. Le vert éclatant de la pelouse synthétique est enterré sous la terre boueuse et les déchets. En descendant dans le quartier pour s'enquérir de la situation, Faiçoil remarque que les secours sont déjà à l'œuvre. Ici, il s'agit de couper un arbre arraché. Là, les agents mettent en sécurité la rue dans laquelle gisent des poteaux électriques renversés et leurs câbles serpentant sur le bitume. Des pompiers passent, enjambant les débris et portant deux civières qui seront entreposées sous une tente de la Croix-Rouge. La Plateforme d'intervention régionale de l'océan Indien (Piroi), qui intervient en cas de catastrophes dans la région, a mis à disposition, depuis deux jours, ses bénévoles et son matériel, stocké en Petite-Terre. Le dispositif est un appui indispensable dans ce genre de

situation et ses équipes sont désormais en pleine mobilisation à travers une île ravagée. Au premier rang du drame, elles sont parties prenantes dans la gestion de la crise. C'est devant des médecins consultant là, sous une tente, afin de réorienter les blessés, que Faiçoil croise son cousin, une main abîmée durant la nuit par une tôle volante. "Il y a eu au moins deux morts au pied de la colline, une partie s'est effondrée sur les maisons", lui raconte-t-il. Combien d'autres ? Une radio FM est posée sous un porche. Un groupe de personne est réuni autour pour l'écouter. Les premiers dégâts annoncés sont considérables : les routes sont impraticables et la circulation est, de fait, interdite aux véhicules de particuliers. Seuls ceux des secours, des forces de l'ordre, et les camions d'entreprises privées réquisitionnés peuvent prendre la route. La bande littorale a été submergée par une houle de deux à trois mètres. Ces zones étaient heureusement

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désertes depuis la veille au matin. Si le réseau GSM fonctionne toujours dans certaines zones de l'île, il est demandé de ne pas passer d'appel pour ne pas encombrer le réseau, et ainsi compliquer la tâche des secours. Le réseau électrique, lui, a été en partie épargné. Les pannes sont localisées dans certains quartiers et villages de la côte Est. Le CHM fonctionne, et ses dispensaires – en grande partie fermés lors du passage en alerte orange – sont d'ores et déjà réouverts pour gérer l'urgence. En Petite-Terre, l'aéroport a été largement inondé mais la piste est la tour de contrôle, hormis deux vitres cassées, sont intactes et sont déjà en cours de nettoyage pour permettre l'arrivée de vivres et matériels de secours supplémentaires. Les Forces armées de la zone sudouest de l'océan Indien (Fazsoi) s'apprêtent à rejoindre les légionnaires du Dlem, déjà en action. Une partie des 1 700 militaires déployés dans les bases françaises de la région vont venir épauler les secours déjà sur place. Sécurité, santé, logistique, ravitaillement en carburant, citernes d'eau, etc. : leur présence est indispensable pour la sécurisation des lieux et la remise en route du département, durement touché par Henda. Car les risques sont encore bien présents. Nombre d'infrastructures sont fragilisées et menacent de s'effondrer ; les rivières n'ont pas fini de recracher

TROIS JOURS PLUS TARD

Tout reste encore à faire, mais une bonne coordination des secours a permis d'amorcer un début d'espoir. Faiçoil met son savoir-faire de chef d'équipe au service de l'effort collectif. Sa mission ? Coordonner la remise à l'eau ou le découpage des épaves de navires qui s'y sont fracassées. Notamment celle de la Salama Djema, arraché à son corps mort et qui s'est échouée là, sur son ancienne jetée. Il faut rétablir au plus vite un trafic régulier des barges entre Petite et GrandeTerre. Si le nord de l'île est encore difficilement accessible, la plupart des routes ont pu être réouvertes pour permettre aux secours et aux forces de l'ordre de s'y rendre à peu près facilement. Le réseau téléphonique devrait être remis en service entièrement d'ici demain. Pour internet, il faudra encore attendre quelques jours, mais c'est en bonne voie. L'heure du premier bilan a sonné. Le préfet l'a détaillé le matin même, publiquement : "47morts, essentiellement victimes de leurs conditions d'hébergements précaires ou de débris volant par milliers dans les airs et fauchant les moins abrités, mais aussi un maire et un responsable associatif, partis ensemble pour aller convaincre une famille de venir se mettre à l'abri, au moment

les précipitations de cette nuit d'enfer ; de nouveaux glissements de terrain peuvent se produire ; et une forte houle agitera encore le lagon pour les trois prochains jours. À cela s'ajoute le risque sanitaire, réel : eaux stagnantes et potentiels corps non encore découverts font peser des risques d'hygiène sur les populations épargnées ; et si des réserves d'eau sont constituées pour quelques jours, il faut prévoir d'en disposer jusqu'à la remise en état du réseau qui, même coupé, a souffert du cyclone. Et puis, il y a l'insécurité. Déjà, dit-on, des cambriolages ont lieu dans les domiciles désertés. Le fait de quelques bandes minoritaires, isolées et depuis longtemps perdues, certes, mais après ? Que se passe-t-il si l'ordre n'est plus assuré, et que la population venait à manquer ou à devoir se défendre par elle-même ? "Des renforts sont en route. Très vite, nous allons nettoyer le territoire, mais la situation demeure critique et nous devons tous, encore, rester vigilants. J'en appelle à la solidarité et au sens des responsabilités de chacun", demande le préfet sur les ondes. Et de tâcher tout de même de rassurer sur le long terme : "Nous reconstruirons Mayotte. Cela prendra plusieurs années, mais nous la reconstruirons. Mieux encore car soudés par cette dure épreuve."

où Henda laissait exploser toute sa force, qu'hommage leur soit rendu ; quelque 1 200 blessés, et encore une zone difficile d'accès à vérifier. Mais malgré tous ces drames, Le dispositif d'hébergements d'urgence aura permis à 32 000 personnes de se trouver en lieu sûr. L'expérience de Belna, il y a deux ans, nous aura permis de sensibiliser la population à un risque cyclonique longtemps oublié des mémoires, mais aussi de doubler le nombre de personnes accueillies et d'augmenter significativement le nombre de places disponibles. J'aimerais aussi souligner l'extraordinaire élan de solidarité qui s'est exprimé au cours de l'évènement. Une solidarité qui a joué pour plusieurs milliers d'entre nous, fortement exposés aux risques, mais qui ont pu trouver refuge chez un voisin, un ami, et même parfois auprès d'inconnus leur ouvrant la porte. Après cela, qui pourrait encore dire qu'à Mayotte, la solidarité est devenue un mot vain ?" Assis sur une souche d'arbre déraciné, Faiçoil pense à ses enfants qui vont bien. Il s'estime chanceux : autant qu'il le sache, aucun ami ou membre de sa famille n'est à déplorer dans les victimes. Un peu de casse matériel ici, une voiture à changer là, un toit à réparer… Qu'est-ce donc par rapport à ce qui aurait pu être ? Face à lui, de l'autre côté du bras de mer séparant Grande de Petite-Terre, des avions civils ou de l'armée se posent et redécollent sur la piste de l'aéroport. Il n'y en aura jamais eu autant. Étonnant balai aérien. Demain, cela sera celui de la ministre des Outre-mer, en visite à Mayotte une fois de plus pour y annoncer un grand plan de reconstruction. Saurons-nous faire, alors, différemment ? "Inch'Allah."

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LE DOSSIER

G.V avec Flash Infos

ET AUSSI

DANS L'ŒIL DU CYCLONE : UN TOURBILLON D'INFOS

AVANT, PENDANT OU APRÈS, LE CYCLONE BELNA A ÉTÉ L'OCCASION D'UNE FOULE D'INFORMATIONS. EN VOICI QUELQUES-UNES RÉUNIES Post-Belna

LE PRÉFET SOULAGÉ ET SATISFAIT Au lendemain du passage de Belna, l'heure était déjà au premier bilan. Et le préfet confiait à nos collègues et confrères de Flash Infos, être largement soulagé : "Le sentiment qui m'habite est le soulagement ! Parce que je crois que nous sommes passés très près de quelque chose de majeur. Si la prévision météo avait été confirmée et que le cyclone n’avait pas changé de trajectoire dans l’aprèsmidi, nous aurions eu probablement un épisode très difficile à vivre et à surmonter. (…) Les maires ont réalisé un travail très important, en partenariat avec [les services de l’État]. Malgré cette préparation, ces décisions prises et cette bonne réaction des Mahorais, je suis soulagé que le cyclone soit passé à côté !" L'occasion aussi de se satisfaire de certains points, tout en ayant conscience que d'autres devront être améliorés. Le hautfonctionnaire le détaillait : "Nous allons faire un retour d’expérience pour regarder ce qui a fonctionné, ce qui n’a pas fonctionné, mais aussi ce qui aurait pu mieux fonctionner. (…) Dans les points à travailler davantage, il faudra

réfléchir à armer durablement les points de repli, en eau notamment, mais ce n’est pas toujours simple, et en denrées alimentaires. Il faudra que nous soyons un peu plus systémiques sur ce sujet-là. Ce n’est pas très compliqué à réaliser, mais encore faut-il l’organiser pour la prochaine expérience. Pour cela, il faut que tout le monde soit autour de la table et que chacun puisse s’exprimer, dans le but d’avancer." Et puis, le nombre de personnes s'étant rendus dans les centres d'hébergement d'urgence est lui aussi à améliorer : "C’est le plus compliqué à acquérir. Nous appelons cela la culture du risque ! Il se trouve que nous avons entre 15 et 20 000 personnes à l’abri [le dimanche 8 décembre]. Ce chiffre est à mes yeux plutôt remarquables, compte tenu du fait que d’une part la population n’a pas tellement cette culture du risque puisque le dernier cyclone sérieux remonte à 35 ans. Peu de jeunes sur Mayotte savent ce qu’est un cyclone, dans la mesure où ils n’en ont jamais connu. D’autres parts, et cela fera partie de notre réflexion, il y avait probablement des gens qui étaient en situation irrégulière et qui ont craint, à un moment ou à un autre, de se mettre entre les mains de l’autorité, malgré les expressions publiques que j’ai pu adresser."

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Madagascar

LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL SOLIDAIRE Après avoir salué, dès le lendemain du passage de Belna "la mobilisation de l’ensemble des acteurs et services publics de l’île, au premier rang desquels le Préfet qui a joué son rôle de pivot de la sécurité civile, tant en termes d’anticipation que de suivi de cet évènement" ; mais aussi "Les mairies (…) pour avoir proposé des lieux d’hébergement" ; et mis en avant "le Département [qui] a fait le nécessaire pour jouer tout son rôle, aux côtés des acteurs de proximité et dans la limite de ses prérogatives" pour se "féliciter de cet élan de solidarité et de l’attitude très responsable de la population, laquelle a sans aucun doute limité les conséquences qu’aurait pu avoir cet épisode climatique d’ampleur", le président du Conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani, a dit envisager l'envoi d'une aide humanitaire à notre grande voisine, Madagascar, durement éprouvé par l'arrivée sur ses côtes du phénomène qui nous a épargné. "Nous sommes naturellement au côté de nos voisins malgaches, dont les habitants de la ville de Soalala qui, semble-t-il, a été la plus touchée même si nous attendons encore davantage d’information. Dès lors que nous en saurons davantage, il n’est pas exclu que nous puissions manifester cette solidarité sur le plan matériel", a-t-il ainsi déclaré.

Il y a deux ans

UN EXERCICE POUR SE PRÉPARER AU RISQUE CYCLONIQUE Il y a presque deux ans, en janvier 2018, un exercice cyclonique – "le plus vaste exercice de sécurité civile depuis cinq ans à Mayotte", comme l'avait alors qualifié le préfet alors en poste, Frédéric Veau – avait été organisé par les autorités. Organisé sur trois jours, il avait vocation à améliorer la coordination et la réactivité des services de l'État et d'autres acteurs clés tels les mairies, EDM, la SMAE, etc., en cas d'alerte cyclonique. L'hypothèse d'alors : "Un cyclone de force 4." Conclusion ? À l'issue de l'exercice, le haut-fonctionnaire expliquait qu'il était nécessaire de poursuivre l'équipement en téléphones satellitaires, de progresser sur la liaison entre les deux îles, de travailler avec les communes sur la question des mises à l'abri, de réfléchir à un déclenchement de l'alerte rouge plus souple et, en termes de communication à la population enfin, de mieux ajuster les messages de début de crise (à visée pédagogique et comprenant les mesures de sécurité) et les messages en situation opérationnelle (qui doivent davantage être directifs et insister sur la mise à l'abri). En revanche, "Nous n'avons pas intégré la dimension des sinistrés et des victimes, (…) car un tel chiffrage relève du postulat." Celui-ci était estimé "arbitraire". Cependant, le Préfet admettait que des "données tangibles de mesure des risques" existaient, notamment grâce à l'Insee qui chiffre à 20 000 le nombre de foyers en tôle à Mayotte, ce qui impliquait déjà "que la moitié de la population est exposée." À n'en pas douter, la bonne coordination des institutions lors du passage de Belna doit quelque chose à cet exercice.

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LE DOSSIER

Submersion marine

UN EXERCICE LE VENDREDI PRÉCÉDENT LE CYCLONE Hasard du calendrier, le vendredi précédent l'arrivée de Belna à proximité de Mayotte, un exercice de submersion mariné était organisé en Petite-Terre, une zone particulièrement exposée à ce risque. À 10h tapante, les 600 élèves de l’école maternelle du Four à chaux se rangeaient en file indienne. Direction 50 mètres plus haut, sur un plateau spécialement aménagé pour l’occasion. "On a débarrassé la zone et enlevé les voitures pour que les élèves puissent se réfugier en cas de submersion marine", expliquait le maire de Dzaoudzi-Labattoir, Saïd Omar Oili. La CroixRouge, quelques gendarmes et des policiers municipaux étaient aussi présents pour encadrer l’exercice. En première ligne : les enseignants, au plus près des enfants pour les rassurer et indiquer la route à prendre. Quatre "observateurs" de la préfecture et de la mairie étaient enfin présents pour "observer le déroulé de l’opération et faire remonter d’éventuels dysfonctionnements". Moins de 30 minutes plus tard, l’ensemble des enfants est rassemblé sur le point fixé dans la bonne humeur, avant de retourner dans leurs établissements dans la foulée. Le préfet, Jean-François Colombet, s'est estimé "très satisfait du concours du maire de Dzaoudzi, de la Croix-Rouge et de la gendarmerie. Tous les acteurs ont été bien articulés. Les enfants ont quitté l’établissement dans un délai qui leur aurait probablement permis de sauver leur vie. Donc oui je suis satisfait". Néanmoins : "On va faire un débriefing. Nous avons chronométré les évacuations et nous verrons comment se projeter face à ces problématiques de submersions marines."

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PIROI

UN DISPOSITIF AU CŒUR DU PHÉNOMÈNE Il est au cœur de l'urgence : le comité départemental de la Croix-Rouge a notamment mis à contribution sa Plateforme d'Intervention régionale de l'océan Indien (Piroi). "L’ensemble du matériel dont nous disposons sur place dans [son]cadre a été réquisitionné par le préfet", expliquait Michel Henry, directeur territorial de la structure, qui a par ailleurs mis en place une unité de traitement de l’eau en Grande-Terre lorsque le préfet a décidé de couper les robinets de la SMAE pour éviter des dommages conséquents. C’est également dans ce cadre que quelque 45 bénévoles et 5 salariés ont été mobilisés. "On va considérer que la réponse a été dans l’ensemble très satisfaisante dans la mesure où le risque était extrêmement élevé", a analysé le responsable en concluant : "Les choses ont été bien préparées du côté de la préfecture avec notamment un pré positionnement des pompiers et du SMUR. Par ailleurs, nous avons trouvé que les communes s’étaient bien mobilisées pour mettre les personnes à l’abri et leur fournir de quoi boire et manger."

Facebook

LA SOLIDARITÉ S'EXPRIME AUSSI EN LIGNE Lors du passage du cyclone Belna, le réseau social, fort utilisé à Mayotte, avait activé sa fonction Safety Check, permettant à chacun de faire savoir à ses proches qu'il était à l'abri. Par ailleurs, on se réjouit que de nombreuses propositions d'accueil aient été partagées entre utilisateurs. La preuve que dans les situations les plus difficiles, les habitants de l'île savent se montrer solidaires, malgré les tensions qui agitent parfois le territoire.


ENTRETIEN

Solène Peillard

JOSIANE HENRY

"ON N'AVAIT MÊME PAS DE QUOI STÉRILISER LE MATÉRIEL MÉDICAL !" ELLE A CONTRIBUÉ À CONSTRUIRE LE PREMIER SYSTÈME DE SANTÉ DU TERRITOIRE. AUJOURD'HUI, JOSIANE HENRY DIRIGE L'INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS DE MAYOTTE. QUARANTE ANS PLUS TÔT, À SON ARRIVÉE, LE CENTRE HOSPITALIER N'EXISTAIT PAS, PAS PLUS QUE LES DIPLÔMES D'ÉTAT, ET LES CONDITIONS D'HYGIÈNE ÉTAIENT EXCEPTIONNELLEMENT RUDIMENTAIRES. ELLE RACONTE UN TEMPS DONT BIENTÔT, SEULS LES ANCIENS SE SOUVIENDRONT. Mayotte Hebdo : Comment êtes-vous arrivée à Mayotte, en 1980 ? Josiane Henry : J'ai épousé un gars de Mayotte. Il faisait ses études à Orléans, c'était l'un des camarades de classe de ma sœur et c'est comme ça que je l'ai rencontré. Après ses études de droit, il a voulu rentrer pour reprendre la Smart, à la suite de son père. J'étais venue une première fois en vacances ici et il n'y avait rien ! Alors je l'ai suivi en me disant que je pouvais apporter ma contribution pour quelques années, participer au développement de l'île. Je me suis dépêchée de passer l'école de cadres de santé, parce que j'étais infirmière à l'Hôtel-Dieu de Paris. Je suis devenue cadre très jeune, à 26 ans, j'ai pris une disponibilité et puis je suis venue ici. En arrivant, j'ai trouvé un endroit presque désolé. Mais j'ai vu le progrès arriver extrêmement rapidement. On voyait mois par mois, semaine par semaine, les infrastructures se créer. Les écoles, les routes, l'électricité, des dispensaires partout ! C'est une sacrée aventure, quand même. MH : Quelles ont été vos premières missions ? JH : Le diplôme de cadres m'a permis d'avoir la compétence pour enseigner et diriger. Ici, on m'a confié deux missions : celle de reprendre une promotion d'infirmiers de la collectivité, qui avait déjà été formés par une cadre de santé, et j'ai dû leur faire passer le diplôme en deux ans. C'était alors un diplôme local, et non

d'État, basé sur les besoins de la collectivité. On m'a aussi demandé d'encadrer les équipes. À l'époque, l'hôpital principal était à Dzaoudzi, c'était très rudimentaire. Quand je suis arrivé ici, c'était encore un grand dispensaire, il n'y avait pas d'infirmiers d'État, seulement un médecin militaire. Ce n'était que des box, avec quelques dizaines de lit. MH : Comment se passait votre travail quotidien dans ces conditions ? JH : J'organisais des soins avec des infirmiers qui n'étaient pas encore diplômés. On n'avait même pas de quoi stériliser le matériel, on utilisait des grandes casseroles, même pour les seringues en plastique, qui sont censées êtres à usage unique. Il y a eu pas mal de réajustements à faire au début pour que les soins soient donnés dans une qualité minimum. Par exemple, je faisais désinfecter les compresses au fer à repasser parce qu'encore une fois, on n'avait pas de quoi les stériliser. J'ai fait venir des manuels de l'école de soins de Dakar pour faire les premiers enseignements à Mayotte, car je ne trouvais rien d'adapté dans ce qu'on avait en métropole. Je me suis pris de passion pour tout ce qu'il y avait à faire, à monter, à créer. Et finalement, je n'ai pas vu les années passer et je suis restée. MH : Ensuite, comment s'est organisée la formation en soins infirmiers ?

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JH : Après avoir diplômé ces premiers infirmiers locaux en 1979, on les a dispatchés. Avant d'être formés, les étudiants avaient un niveau troisième car à l'époque, il fallait partir de Mayotte pour aller au lycée. Au début, on faisait des petites promotions : une petite dizaine d'élèves, tous Mahorais, chaque année. Ils étaient 17 pour la première promotion, 13 pour la deuxième, puis 11 et 9. Alors en 1992, voyant que les élèves préféraient opter pour des diplômes nationaux, et non plus seulement territoriaux, et qu'on avait de moins en moins de candidats, on a ouvert une école nationale d'aides soignants et une école nationale d'auxiliaires en puériculture afin de fournir du personnel à l'hôpital. Nous avons également ouvert un concours préparatoire à sept instituts de formation en soins infirmiers en métropole (Ifsi). On faisait passer les épreuves ici. En 1992, j'ai ouvert une cellule de formation continue. On a formé les deux extrêmes, puisqu'on a formé les agents hospitaliers et on a implanté les méthodes de nettoyage humide des locaux conformes aux normes et avec un matériel adapté. En même temps, j'ai mis en place une formation des cadres à l'ancienneté pour nos premiers diplômés d'État. Nous avons mis en place un partenariat avec l'école supérieure de Lyon et une des formatrices a accepté de venir nous accompagner pour mettre ça en place à Mayotte. Une de leur formatrice a accepté de venir nous aider pendant trois ans, sur le terrain et en salle de cours. Ce qui a permis aux étudiants d'être formés avec le programme de l'époque de l'école de cadres de santé ! Il a fallu construire le premier service de santé, c'est un peu ce à quoi j'ai contribué et vous comprenez pourquoi je suis restée. C'était très actif, avec les concours préparatoires, on avait beaucoup de monde. MH : Pourtant, vous avez choisi de repartir vous former en métropole… JH : J'ai fait un break en 1996, après avoir préparé le dossier de création de l'Ifsi de Mayotte. Pourquoi n'avions nous pas créé cette école tout de suite ? Parce qu'il fallait que les stages puissent être agréés. On ne met pas des étudiants en soins infirmiers dans n'importe quel stage. Il fallait construire avant. Quand je suis partie en 1996, pour préparer l'école de Rennes et devenir directrice des soins, parce que l'hôpital commençait à se développer, il est d'ailleurs devenu hôpital public en 1997. Comme il fallait devenir performant, il fallait que j'aille voir comment ça se passe dans un hôpital public "normal". Après Rennes, j'ai été nommée directrice générale des soins à Bellepierre, à La Réunion, où je suis restée cinq ans. Puis j'ai demandé à avoir un poste de coordinatrice des soins à Mayotte, que j'ai eu en 2003. Il y en avait déjà une autre, donc on était deux, mais ça n'était pas de trop. On est resté ensemble toutes les deux pendant sept ans, jusqu'en 2010. Madame Durand s'occupait plutôt du stratégique et moi de l'opérationnel, tout ce qui était gestion des cadres de terrain, des services, etc. Je ne suis pas retournée tout de suite à la formation. Mais petit à petit, l'hôpital est devenu un vrai hôpital ! Ça va tellement vite le progrès ici : j'ai vu la partie

construction et quand je suis revenue, sept ans plus tard, j'ai eu l'impression de voir une île totalement différente. MH : Alors, comment avez-vous pris la tête de l'Ifsi ? JH : De 2010 à 2013 j'ai gardé la coordination générale des soins de l'hôpital. Là, mon collègue qui s'occupait de l'institut en santé et qui était sur le départ m'a proposé de reprendre son poste. J'ai eu envie de retourner à mes premières amours. Entre temps, en 2001, on avait créé l'Ifsi. Il aura fallu cinq ans pour instruire le dossier et obtenir l'agrément, grâce notamment à une forte collaboration avec La Réunion puisque certaines typologies de stage, et c'est encore le cas aujourd'hui, n'existent pas à Mayotte. Avant de partir à Rennes, j'avais déjà instauré un premier partenariat avec La Réunion, pour des stages en psychiatrie par exemple, qu'on n'avait pas encore ici. Donc on envoyait nos étudiants mahorais à La Réunion. En 2013 j'ai donc repris l'IFSI, l'école de puériculture, l'école d'aides soignants, et j'ai mis en place l'école de puéricultrice d'État, qui a vu le jour en 2016, c'est la dernière née. Mais il y a toujours ici un grand besoin en ce qui concerne les maladies chroniques comme le diabète, l'hypertension, la cancérologie, etc. Donc on va peut-être ouvrir ça, c'est le prochain chantier. MH : Finalement, comment se porte l'Ifsi aujourd'hui ? JH : Il y a aujourd'hui 30 élèves en première année, 35 en deuxième année et 38 en troisième. Au niveau de l'équipe, nous sommes 15 dans cet institut. J'ai réussi à embaucher une documentaliste, depuis cinq ans, qui est une Mahoraise. Parmi les assistants de direction, il y en a une qui est là depuis 18 ans. C'est un socle. À Mayotte, il faut que la compétence reste, c'est vraiment le secret de la réussite. Le seul hic, c'est les cadres formateurs : pour l'être, il faut avoir été infirmier, avoir fait l'école de cadres, avoir eu une expérience en institut, et malheureusement la compétence n'existe pas sur l'île. Il y a actuellement neuf postes de formateurs et même s'il y a un très grand turn over ici, on maintient la même qualité au sein de l'école. Elle est universitarisée depuis 2009 au niveau des diplômes de santé. Cela signifie qu'on dépend de la faculté de médecine la plus proche, celle de La Réunion. Mais nous travaillons quand même avec le centre de formation et de recherche de Dembéni parce qu'il y a des maîtres de conférences en biologie par exemple. On a aussi fait un groupement universitaire avec les deux autres Ifsi de La Réunion, tous nous enseignements universitaires sont ainsi donnés en commun. On co-construit les unités d'enseignement et tous nos étudiants passent les mêmes évaluations au même moment. Ça donne encore plus de crédibilité à notre diplôme. Enfin en 2018, à la demande du Conseil départemental, j'ai mis en place un partenariat avec deux Ifsi en Occitanie, pour ouvrir 15 nouvelles places et former nos étudiants mahorais en délocalisé. Ils passent le concours ici, j'en recrute 45 et j'en délocalise 15 à Nîmes et Toulouse, et c'est totalement financé par le Conseil départemental. En contrepartie, les étudiants signent un contrat pour servir Mayotte dès qu'ils ont leur diplôme d'État, pendant trois fois la durée de la formation.n

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LITTÉRATURE

Christophe Cosker, "L’Invention de Mayotte", Pamandzi éd. La Route des Indes, 2019.

LISEZ MAYOTTE Chaque semaine, Christophe Cosker, auteur de L'invention de Mayotte, vous propose la quintessence de chacune des trente-six inventions de Mayotte relevées dans l’ouvrage éponyme.

C. Mathieu publie, en 1884, une Petite géographie de l’Afrique en général et des possessions françaises en particulier. Il renoue ainsi avec la vision de Mayotte comme île africaine, vision héritée d’Armand d’Avezac. Ce texte est caractéristique de l’invention française de Mayotte, d’autant plus qu’il opère un glissement de l’invention maritime vers l’invention coloniale. En effet, les trois premiers paragraphes coïncident avec une prise de contact extérieure avec l’île de Mayotte. On retrouve des informations sur la situation géographique de l’île, puis la mer qui la borde ainsi que la façon dont la côte est découpée. Ce n’est donc pas un hasard si la deuxième partie du texte commence par : « l’intérieur ». On y trouve les catégories coloniales promises à un grand avenir : population, production, chef-lieu et administration. La fièvre coloniale commence à se faire sentir dans l’énumération des produits exotiques, notamment les fruits : « Les cocotiers, les bananiers, les orangers, les citronniers, les tamariniers et les goyaviers ». Sous la froideur apparente des données géographiques, on sent poindre une forme d’enthousiasme colonial.

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Christophe Cosker

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PETITE GÉOGRAPHIE DE L'AFRIQUE EN GÉNÉRAL Comme nous l’avons vu dans la deuxième partie de cet ouvrage, parmi les îles Comores, la France en possède une du nom de Mayotte. Cette île qui nous fut cédée en 1843 se trouve au Sud-Est du groupe par 42° 59 longitude Est, 12° 50 latitude Sud, elle a une forme allongée du Nord au Sud. Sa surface est d’environ trente-deux mille hectares. Placée à trois cents lieues environ de la Réunion, on peut faire la route qui sépare ces deux îles en six ou sept jours pendant la mousson Sud-Est, le retour ne demandant pas moins de trente jours pendant cette même mousson. Elle est entourée de toutes parts d’une ceinture de récifs formée par plusieurs bancs de corail laissant cependant passage aux navires. L’espace compris entre cette ceinture de récifs et l’île renferme plusieurs îlots, tels que ceux de Pamanzi [Pamandzi], de Dzaoudzi, de Boutzi [Mbouzi] et de Zambourou [Mtsamboro] qui offrent d’excellents mouillages. Les côtes sont très découpées par une foule d’anses et de baies telles que : les baies d’Andrema [Handrema], de Longoni ; les anses Choa, Ironi, Debeney, Anjangua, Amoro, Bandeli, Bambo, Miambani ; les baies Cani, Boëni, Ioungoni, Chingouni et Soulou. L’intérieur est dominé par une chaîne de montagnes dont plusieurs sommets sont assez élevés. L’un d’eux, Manéguani, mesure quatre cent quarante mètres audessus du niveau de la mer.

POPULATION. La population de Mayotte est d’environ 12 000 habitants, composée de noirs de race arabe, de Sakalaves et de Français ; ils sont doux et faciles, mais paresseux. PRODUCTIONS – La plupart des montagnes sont couvertes de forêts dans lesquelles on trouve le badamier et le takamaka. Les cocotiers, les bananiers, les orangers, les citronniers, les tamariniers et les goyaviers abondent à l’état sauvage ; la canne à sucre, le coton, le café, le tabac croissent spontanément. Le riz, la patate, le maïs, l’igname, le melon d’eau viennent très bien. Cire, miel, oiseaux aquatiques et tortues de mer y abondent. Mayotte possède une vingtaine de sucreries. CHEF-LIEU. Le chef-lieu de Mayotte est le village de Dzaoudzi, situé sur l’île du même nom. L’île de Mayotte, avec un climat un peu plus salubre, réunirait toutes les conditions nécessaires pour devenir une colonie florissante. ADMINISTRATION. Cette île est administrée par un commandant relevant directement du ministère de la marine et des colonies. Il habite le chef-lieu Dzaoudzi qui est un port excellent et bien fortifié. C. Mathieu, Petite géographie de l’Afrique en général et des possessions françaises de la côte orientale en particulier, Paris, Challamel, 1884, p. 81-83.

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OFFRES D'EMPLOI OFFRES DE FORMATIONS FICHES MÉTIERS TÉMOIGNAGES CONSEILS


LE CAHIER EMPLOI & FORMATION

LE MÉTIER DE LA SEMAINE OPTICIEN

L'OPTICIEN ASSEMBLE ET DÉLIVRE DES ÉQUIPEMENTS DE CORRECTION OPTIQUE À DES PERSONNES ATTEINTES DE TROUBLES VISUELS SELON LA PRESCRIPTION MÉDICALE, LA DEMANDE INDIVIDUELLE. IL COMMERCIALISE DES ARTICLES (LUNETTES DE SOLEIL, ÉTUIS, INSTRUMENTS OPTIQUES, PRODUITS DE CONSERVATION ET DE NETTOYAGE, ETC.) ET PEUT MESURER L'ACUITÉ VISUELLE ET DÉTERMINER LA CORRECTION OPTIQUE NÉCESSAIRE À LA PERSONNE. IL PEUT AUSSI COORDONNER UNE ÉQUIPE (MONTEUR VENDEUR, OPTICIEN, PERSONNEL ADMINISTRATIF, ETC.), ET DIRIGER UN OU PLUSIEURS MAGASINS D'OPTIQUE. ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL - Centre de santé - Magasin d'optique

COMPÉTENCES

- Étudier une demande client - Conseiller un client - Renseigner le client sur les équipements optiques, les conditions de prise en charge par la Sécurité Sociale, les mutuelles, etc., et le conseiller dans son choix - Prendre les mesures pour la réalisation de l'équipement optique et établir la fiche d'exécution des travaux - Préparer les verres (centrage, axage, montage, etc.), procéder à l'essayage sur le client et effectuer les ajustements - Renseigner des documents médico-administratifs - Réaliser le suivi des règlements clients

ACCÈS AU MÉTIER

Cet emploi/métier est accessible avec le BTS Opticien Lunetier (BTSOL). L'emploi/métier de monteur vendeur optique est accessible avec le CAP monteur vendeur optique ou le BEP optique lunetterie. Des formations complémentaires (optométrie, contactologie, basse vision) peuvent être requises.

TOUTE L’ACTUALITÉ DE MAYOTTE AU QUOTIDIEN

Lu par près de 20.000 personnes chaque semaine (enquête Ipsos juillet 2009), ce quotidien vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre également un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.

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FI n°3839 Lundi 7 mars 2016 St Félicie

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Port de Longoni

ConSeil départeMental

Quel accueil se prépare pour la présiDente Du Fn ?

Le Lagon au patrimoine mondiaL de L'unesCo ?

la dsP sur la sEllEttE

pas de changement sUr l’octroi de mer

© Jonny CHADULI

Grève à Panima

TéléThon 2016

Des propositions mais toujours pas D'issue

DemanDez le programme

première parution : juillet 1999 - siret 02406197000018 - édition somapresse - n° Cppap : 0921 y 93207 - dir. publication : Laurent Canavate - red. chef : Gauthier dupraz - http://flash-infos.somapresse.com

4100% numérique

tiDiEn

Er quo ottEL E-MAi DE MAy SÉ PAr nt

LE 1

neMe

sur abon

FI n°3997 mercredi 30 novembre 2016 St André

© CR: Gauthier Bouchet

Diffusé du lundi au vendredi, Flash Infos a été créé en 1999 et s’est depuis hissé au rang de 1er quotidien de l’île.

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Économie

SÉcuritÉ

Les appeLs à projets de L'europe

Couvre-feu pour Les mineurs

Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com

OUI, je m’abonne

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Musique

Faits divers

Edmond BéBé nous a quitté

ViolEncE En cascadE

Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com

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MCG VS SMart

ViCe-reCtorat

UltimatUm oU véritable main tendUe ?

l’institUtion répond aUx critiqUes

Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com

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OFFRES D'EMPLOI CHEF DE RAYON DÉCORATION (H/F)

COMMERCIAL/E CHR (H/F)

CHAUFFEUR / CHAUFFEUSE DE BUS

INGÉNIEUR ÉTUDES RÉSEAUX ÉLECTRIQUE F/H (H/F)

CHEF DE SECTEUR BOIS CENTRE BÂTIMENT H/F

SOCIETE CANANGA - 976 - MAMOUDZOU Placé(e) sous la responsabilité du Chef de secteur, vous contribuerez à la satisfaction des clients par votre esprit de service, vos connaissances techniques et vos initiatives

SOCIETE CANANGA - 976 - MAMOUDZOU

Placé(e) sous la responsabilité du Directeur Commercial, vous assurerez le développement des ventes et du portefeuille clients pour atteindre les objectifs fixés

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Vous transportez des élèves et autres types de clients sur un itinéraire bien déterminé par votre hiérarchie. Vous vous assurez du bon état du véhicule avant et après le service

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VINCI Construction Dom-Tom recherche pour sa filiale SOGEA Mayotte, un Ingénieur Etudes réseaux électrique HTA/BT. Montrer vos capacités à conceptualiser un projet dans son ensemble

976 - MAYOTTE

Vous gérez le secteur bois rattaché au pôle bâtiment de Colas à Mayotte. - Vous managez 2 conducteurs de travaux

* voir site Pôle emploi

PROPOSENT UNE FORMATION AU TITRE D’AGENT DE SURETE ET DE SECURITE PRIVEE A DIEPPE en MÉTROPOLE La formation d’une durée de 3 mois permet de se présenter au Titre d’Agent de sûreté et de sécurité privée (TA2SP). Aucune condition de diplôme n’est requise pour s’inscrire. Il faut néanmoins réussir les épreuves de sélection (évaluation en français et entretien), avoir une bonne forme physique (station debout fréquente), une bonne élocution et la capacité à représenter et faire respecter les lois. Début de la formation : 24 mars 2020 Inscription sur le site Internet de l’IFCASS www.ifcass.fr jusqu’au 17 janvier 2020.

Renseignement : Auprès de l’IFCASS au 02.35.82.67.18 et sur son site Internet www.ifcass.fr Auprès de LADOM au 02.69.61.51.28 et sur son site Internet www.ladom.fr

www.facebook.fr/ifcass

Conditions d’entrée : Être inscrit au Pôle Emploi / Etre âgé au minimum de 18 ans / Avoir un foyer fiscal à Mayotte dont le quotient familial est inférieur à un montant qui vous sera communiqué par LADOM / Ne pas avoir bénéficié d’une autre aide à la mobilité dans l’année / Satisfaire aux épreuves de sélection (évaluation en français et entretien).


MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayotte.hebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Geoffroy Vauthier

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Couverture :

Retour & fiction sur Belna

Journalistes Romain Guille Solène Peillard Grégoire Mérot Cyril Castelliti Raïnat Aliloiffa Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mouhamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com


PROJET

AVIS ADMINISTRATIF D’OUVERTURE DE LA CONCERTATION

Création de la ZAC

de MJINI à BANDRÉLÉ

Le conseil d’administration de l’EPFAM et le conseil communautaire de la Communauté de communes du Sud ont approuvé, dans leurs délibérations respectives, n°2018-6 du 22 février 2018 et n°38/2018 du 11/03/2018, les objectifs de l’opération et les modalités de la concertation pour l’aménagement du quartier de Mjini à Bandrélé.

LES OBJECTIFS DE L’OPÉRATION D’AMÉNAGEMENT SONT DÉFINIS COMME SUIT : Créer un nouveau quartier ouvert sur la commune mais ayant sa propre identité Desserte, liaisons avec les quartiers avoisinants, maillage du réseau Renforcer la mixité sociale, fonctionnelle et des usages Equiper le quartier Prendre en compte l’eau dans l’aménagement Valoriser les zones non constructibles du fait du relief et des aléas Avoir un projet financièrement réalisable

LES MODALITÉS DE LA CONCERTATION SONT DÉFINIES COMME SUIT : Une première réunion publique en mairie de Bandrélé afin de présenter les orientations générales du projet et un échange avec la population Une seconde réunion publique pour présenter les lignes retenues et d’obtenir les observations de la population Mise à disposition d’un dossier de concertation Exposition publique sur une durée de 1 mois à la fin des études d’avant-projet

La concertation relative au projet sera ouverte à compter du

Lundi 16 décembre 2019. M. Yves-Michel DAUNAR

M. Ismaïla MDEREREMANE SAHEVA

Directeur général de l’EPFAM

Président CCSUD


– Action Logement Groupe – Siège social : 19/21 quai d’Austerlitz, 75013 Paris ASSOCIATION déclarée à la préfecture de Paris sous le n° W751236716 – SIRET : 824 581 623 00025

Notre action pour Mayotte : finaliser la construction des logements en cours et soutenir l’accession à la propriété

actionlogement.fr Action Logement engage un effort inédit en faveur des départements ultramarins pour une amélioration de l’accès au logement et des conditions d’habitat. En mobilisant 1,5 milliard d’euros dans le cadre de son Plan d’Investissement Volontaire, Action Logement apporte des solutions pour répondre aux urgences spécifiques de chacun des territoires ultramarins.


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