Mayotte Hebdo n°912

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LE MOT DE LA RÉDACTION

J'AIME DONC JE MONTRE Si la période des manzarakas est réputée se dérouler essentiellement aux mois d'août et septembre, le mois de décembre porte lui aussi son lot d'unions sacrées. Union sacrées, oui, mais pas forcément unions traditionnelles puisque le manzaraka à Mayotte succède en réalité – et même se substitue – au walima, la vraie pratique mahoraise du mariage. Point question de jugement ici, mais un simple constat : la pratique évolue et, avec l'arrivée de la société dite moderne, s'enrichit. C'est le cas de le dire : si le grand mariage est – a priori – une manière de sceller une union amoureuse, c'est aussi une manière de démontrer sa puissance. Argent, nombre d'invités, vivres en quantité folle : il s'agit d'afficher ses moyens avant tout. En somme : "J'aime donc je montre." Le manzaraka, c'est le sujet de notre dossier de la semaine. Dans notre rubrique À la rencontre de, nous avons rencontré, une fois de plus, une belle réussite Mahoraise : Asskani Moussa, désormais docteur en droit. Il nous explique son parcours et sa détermination. Inspirant. Enfin, nous regarderons en arrière pour se rappeler à quel point Mayotte a évolué. De simples images d'hier qui en disent long sur le développement que connait Mayotte. Bonne lecture à tous.

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COUP D’ŒIL DANS CE QUE J'EN PENSE

Laurent Canavate

Mayotte Hebdo n°704, vendredi 15 mai 2015

LE BON CÔTÉ DES CHOSES

Dans un pays en guerre, quand on tue, quand on viole, quand on donne des armes à des enfants pour aller assassiner des “ennemis”, il est parfois difficile de voir le bon côté des choses. Quand des fillettes sont enlevées à leurs parents et forcées d’épouser des hommes, l’Humanité souffre. Quand des attentats secouent quotidiennement la ville et tuent aveuglément des pères et des mères de famille, la vie est suspendue au hasard, par un fil bien fragile… Heureusement, à Mayotte la situation n’en est pas là, et il n’y a pas de raison que l’île sombre dans la guerre civile. Il y a toutefois des problèmes, certains assez graves, qui mériteraient toute l’intelligence et les compétences de chacun, et des responsables en particulier. Les constats sont bien identifiés, les schémas directeurs déjà réalisés, les solutions connues, il convient d’agir. Il y aura toujours des irresponsables pour jeter de l’huile sur le feu, pour allumer l’étincelle qu’attendait un baril de poudre pour exploser… C’est facile, c’est spectaculaire, ça offre des scoops, ça fait du direct, ça passe à la télé… Ce qui se passe après, on s’en fout. Ce qui compte, c’est de faire le buzz, chaque jour, de tenir en haleine des lecteurs, des spectateurs. Ça fait frémir, même si l’info n’est pas vérifiée, ce n’est pas grave, chaque jour amène son lot… Mais il doit y avoir surtout des hommes et des femmes pour défendre leur territoire, le valoriser, faire tout ce qu’ils peuvent pour qu'eux et leurs enfants y vivent en paix. Il doit y avoir des individus conscients des enjeux, de la situation, qui doivent travailler à déminer, à désamorcer le baril de poudre. C’est souvent plus dangereux, plus difficile, plus lent, plus discret… Ça prend du temps en effet d’éduquer, d’expliquer, de répéter, de sensibiliser pour ne pas jeter ses ordures dans la rue, mais le résultat est tellement plus agréable à vivre. Ça prend du temps de (re)mettre en activité les MJC, de (re)mettre au travail les équipes démobilisées, de former des enseignants de qualité, titulaires du Capes, capables de transmettre des connaissances, des valeurs, des principes, capables de former des citoyens, comme le sport y participe. Les enfants ne demandent que ça, mais ça ne fait pas d’images sanglantes à la Une. Ça prend du temps, mais la vie est ensuite tellement plus agréable pour chacun, les rues plus sûres, les enfants plus heureux. Certains n’en parlent pas et se complaisent à chercher chaque goutte de sang, chaque agression et le cercle vicieux est enclenché, salissant chaque jour un peu plus l’image de Mayotte, provoquant de l’inquiétude, de la peur, et le départ de parents inquiets. Il n’est pas là question de chercher des solutions, mais juste les problèmes, de les étaler à la face de chacun comme une lancinante rengaine mortifère, anxiogène.

TOLERIE - PREPAR ATION - PEINTURE

Ça prend du temps de former des médecins, des spécialistes, d’en attirer sur Mayotte. Il y a aujourd’hui quelques avocats, quelques cadres supérieurs, des chefs d’entreprises compétents, motivés, qui se battent pour faire leur travail de leur mieux. Qui font avancer des dossiers, des chantiers, qui font avancer Mayotte. Il n’y en a pas assez, il faut être clair là-dessus, sinon tout fonctionnerait bien. Mais ils souffrent de cette situation qui raréfie les compétences, les rend plus chères. Pour que la situation s’arrange, ça prendra du temps, il faut que le système éducatif soit bien meilleur, bien plus efficace. Quand on apprend que 10% des enfants en métropole maitrisent mal le français, mais que ce taux monte à 30% pour les Dom… et 75% à Mayotte ! Il y a un vrai problème, très grave, qu’il convient de prendre à bras le corps. Il y a là un vrai “combat” à mener, pour faire avancer cette île, la remettre sur les rails. C’est la base ! Il y a là une vraie responsabilité de l’État, des collectivités locales, des parents, de tous les citoyens. Faute de réaction, nous creusons en effet notre tombe par notre laisser-aller. Mais plutôt que de ressasser les problèmes, pourquoi ne pas solliciter nos interlocuteurs sur les solutions, les moyens à mettre en oeuvre, les mobilisations à mener, les élus à rassembler sur ces dossiers. Et en attendant que la relève arrive, il faut préparer le terrain, ne pas laisser pourrir la situation, ou ne pas participer à ce que la situation s’envenime. Il ne faut pas laisser l’île sombrer, emportée dans une spirale infernale, sous des coups de butoirs répétés. Il faut relever la tête, voir le bon côté des choses, le faire savoir, le valoriser, pour qu’il puisse servir de modèle, d’exemple. Il faut à mon avis surtout relever les manches et (re)construire Mayotte de demain, dès aujourd’hui, proprement, sereinement. Il faut des bases saines, avec l’éducation. Il faut des citoyens intelligents, capables de comprendre le mal qui est fait à cette île, capables de trouver des solutions et de les mettre en oeuvre. Il faut bien comprendre les enjeux, ne pas gaspiller son énergie, son temps, ses compétences sur des enjeux de personnes, sur de la jalousie, de l’hypocrisie, mais sur des dossiers de fonds qui nécessitent toutes ces intelligences. Il y a suffisamment de problèmes sur l’île pour ne pas en rajouter et s’y complaire, ne pas perdre son temps sur des détails, des querelles de personnes qui n’arrangent pas la situation, et se concentrer sur les vrais enjeux de l’île qui ne manquent pas. Mayotte a besoin de sérénité et d’actions positives, concrètes. Il serait temps de relever la tête et de voir le bon côté des choses, pour qu’elles prennent racine et se développent.

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Terre-plein de Mtsapéré : des projets à gogo "Que faire du terre-plein de Mtsapéré", se demande-t-on il y a 10 ans. Normal : "Depuis plus de 10 ans avec la création de la rocade, le terre-plein de M'tsapéré fait office de "no man's land" entre le village et le lagon, où trône seul le bâtiment de la Direction de l'équipement, récemment rejoint par la halle des pêcheurs." Or, ça y est, plusieurs projets émergent dans la tête des décideurs : un centre culturel, une aire de stationnements, un skate park, un espace public, un plateau sportif, etc. Malheureusement, aucun ne verra le jour sous cette forme, et il nous aura fallu attendre l'année dernière seulement pour voir débuter les premiers aménagements sportifs de cette vaste zone. Plus de détails en pages suivantes. Mayotte Hebdo n°456, vendredi 18 décembre 2009.

Environnement : des espèces en danger Zoom sur le Gepomay, groupe d'étude et de protection des oiseaux de Mayotte. créé en février 2010, cette association loi 1901 est devenue en quelques années l'un des acteurs principaux de la protection de l'avifaune mahoraise en organisant de multiples campagnes de sensibilisation auprès du public. Parmi les objectifs de la structure : préserver le crabier blanc, "en danger d'extinction dans le monde et en danger critique d'extinction à Mayotte", ou encore lutter contre le braconnage, "également en cause dans la diminution des populations de crabiers blancs car, jusqu'à il y a peu ; les habitants de Mayotte venaient régulièrement chercher des oeufs dans les vasières, perturbant ainsi les cycles de reproduction de cette espèce.". Mayotte Hebdo n°685, vendredi 19 décembre 2014.

LA PHOTO D'ARCHIVE Réunion de l'Observatoire des mineurs isolés Mars 2012 : l'Observatoire des mineurs isolés, créé en 2010, se réunit pour prendre connaissance d'un rapport établi par le sociologue David Guyot. La préfecture, le vice-rectorat, la police, le procureur, des élus et associations ont pris place autour d'une table de la Case Rocher. Après analyse, ils le jugent "fidèle à la réalité" de cette situation dramatique : les mineurs isolés sont estimés à 2 922 à Mayotte.

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IL Y A 5 ANS

IL Y A 10 ANS

C'ÉTAIT DANS MH


COUP D’ŒIL DANS Mayotte Hebdo n°704, vendredi 15 mai 2015

AMÉNAGEMENT

ET VOICI L'EX FUTUR TERRE-PLEIN DE MTSAPÉRÉ ! C'ÉTAIT IL Y A 10 ANS : LE TERRE-PLEIN DE MTSAPÉRÉ ANNONÇAIT SON RENOUVEAU AVEC UNE MYRIADE DE PROJETS POUR SON AMÉNAGEMENT. PÊLE-MÊLE, ON Y TROUVAIT UN PARVIS DE 700M2, UN CENTRE CULTUREL, UN PARKING, UN SKATE-PARK, UN PORT, UNE PLACE PANORAMIQUE, DES ÉQUIPEMENTS CULTURELS ET UN PLATEAU SPORTIF, DES JARDINS, DES COMMERCES ET HÉBERGEMENTS, UN LYCÉE HÔTELIER OU ENCORE UN GROUPE SCOLAIRE. RIEN DE TOUT CELA NE SERA SORTI DE TERRE, ET IL AURA FALLU ATTENDRE L'ANNÉE DERNIÈRE POUR QUE LA MAIRIE COMMENCE SON AMÉNAGEMENT AVEC QUELQUES INSTALLATIONS SPORTIVES, ENCORE NON-INAUGURÉES.

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TCHAKS

LA PHRASE

LE CHIFFRE 120 C'est le nombre d'habitats "modulaires, adaptés, anti-sismiques et cycloniques, branchés à l'assainissement, réalisés avec des matériaux mahorais" qui seront construits en 2020. D'un coût extrêmement modéré, ils sont destinés à lutter contre l'habitat précaire et à "Sortir les Mahorais et les étrangers en situation régulière des bangas et éradiquer les bidonvilles sous 10 ans", a expliqué le préfet Jean-François Colombet, lors d'une conférence de presse, mardi 17, détaillant les réalisations en cours du Plan Mayotte.

"La PAF se sent trahie". Jean-Marie Cavier, visiblement ému par l’affaire qui ébranle la police aux frontières qu'il dirigea avant de devenir préfigurateur de la direction territoriale de la police nationale, fusion de la PAF et de la sécurité publique. Et concernant l'implication éventuelle d'autres agents de la PAF dans ce réseau, il n’y a "aucun doute sur le fait qu’il s’agisse d’un élément isolé" a-t-il rajouté en expliquant : "On sait bien qu’à Mayotte il peut y avoir des tentations et des personnes qui croient être en impunité, mais nous avons mené des mois d’enquêtes avec des milliers d’écoutes et cette personne a bien agi seule".

L'ACTION Bilan positif pour la police environnementale Jean-Pierre Cadière, brigadier-chef de la police environnementale mis en place il y a deux mois par l'intercommunalité du sud, se satisfait des premiers résultats obtenus par le dispositif. "Certaines [affaires] dont je n’ai pas le droit de parler impliquent de grosses entreprises qui ne sont pas en règle avec la gestion de leurs déchets", déclare-t-il. En cas d’infractions ou de délits constatés, les agents donnent trois avertissements à l’auteur des faits avant de le verbaliser. Ensuite, l’équipe, dotée de pouvoirs de police administrative et judiciaire, peut procéder à l’interpellation du mis en cause, le menotter et l’amener jusqu’à un officier de police judiciaire, qui sera, lui, chargé de procéder aux auditions et au placement en garde à vue.

LA PHOTO DE LA SEMAINE Une convention entre Tsingoni et les cadis Le Conseil départemental et la commune de Tsingoni ont signé, mercredi 11, une convention pour lutter contre la délinquance et promouvoir l’insertion sociale des jeunes. Comme dans plusieurs communes, cette ambition se traduit par une collaboration étroite entre les conseils cadial et municipal.

AGRICULTURE 2,7 millions d’euros pour 1 550 agriculteurs Dans le cadre de politique agricole commune de l’année 2019, plus de 2,7 millions d’euros auront été versés sur le compte de près de 1 550 agriculteurs mahorais qui ont effectué une déclaration au titre de l’aide à la production (une aide de base et majorations pour la vanille, l’ylang-ylang ou l’appartenance à une structure collective agréée) ou de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). Un prochain versement sera effectué ce mercredi 18 décembre, puis d’autres interviendront début 2020. Ils concerneront les dossiers au fur et à mesure de l’achèvement des contrôles administratifs et sur place.

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LE FLOP LE TOP Un comité de suivi pour les annonces présidentielles ?

C'était la volonté de beaucoup. Elle devient concrète. Lors de sa visite à Paris pour diverses réunions de travail, le vice-président en charge des affaires sociales au Conseil départemental, Issa Issa Abdou, a pu aborder la question de la mise en place d'un comité de suivi, consécutif aux annonces présidentielles, avec le conseiller Outre-mer de l'Élysée, Stanislas Cazelles. "Le préfet va prendre des initiatives dans les semaines et les mois à venir pour le mettre en place", a détaillé l'élu. Il a par ailleurs rencontré également la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, au sujet de l'accompagnement de l'État pour l'Aide social à l'enfance et la Protection maternelle et infantile. Conclusion : "[Cela] a été acté. On peut donc sereinement préparer le prochain schéma médicosocial, puisque celui de 2015 à 2021 touche à sa fin. Concrètement, cela veut dire que les Lieux de vie et d’accueil (LVA), les Maison d’enfance à caractère social (MECS), et tout ce qui a pu être mis en place dans les PMI va pouvoir être pérennisé avec certitude : on peut désormais voir sur le long terme."

ILS FONT L'ACTU Eva Labourdère Miss France 2020 ne sera pas, cette année encore, Mahoraise. La candidate du 101ème département n'a pas, en effet, été élue lors du concours de beauté national, le 14 décembre. Éliminée dès le premier tour, la jeune femme aura toutefois représenté Mayotte avec fierté. Toutes nos félicitations à elle, donc, malgré tout. C'est Miss Guadeloupe, Clémence Botino, qui remporte la couronne et qui représentera la France durant une année à travers le monde.

Fauteuil vacant à la direction de la MDPH

Voilà trois semaines que les employés de la Maison départementale des personnes handicapées attendent désespérément un retour de la part de la Comex (Commission exécutive), et du président du groupement d’intérêt public- MDPH, Ali Debré Combo, quant à l’avenir de leur institution. La raison ? Depuis presque un mois, la structure fonctionne quasiment en autogestion. En cause : l’absence de son directeur, fraîchement débarqué début octobre. "[Il] est resté environ un mois avant de partir en arrêt maladie. Depuis, nous ne l’avons plus jamais revu. Son arrêt a été prolongé et il est actuellement en formation en métropole. Nous sommes sans nouvelle. Nous ne savons pas s’il va revenir, et quand”, explique une des salariés. Une situation qui, selon les employés, impacte la situation des personnes en situation de handicap du territoire : "Nous avions déjà des retards dans le traitement des dossiers avant l’arrivée [du directeur]. Désormais, il nous faut un pilote dans l’avion pour rattraper ce temps perdu."

Patrick Millan Notre confrère et directeur du groupe Kwézi, a été violemment agressé lors d'un séjour familial à Majunga, à Madagascar après avoir surpris des cambrioleurs dans la maison où il résidait. Des cambrioleurs particulièrement violents puisqu'ils lui ont tiré dessus avec un pistolet artisanal, le blessant à la main et au thorax. Sur sa page Facebook, Patrick Millan a expliqué avoir subi "une opération de plusieurs heures et l'objectif maintenant est de retrouver l'usage normal de ma main et de mes doigts" en assurant toutefois être "de retour sur les antennes en janvier." Nous lui souhaitons un prompt rétablissement.

PROVERBE Hairi ya uona taãmbu raha na ufa. Mieux vaut souffrir que mourir.

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À LA RENCONTRE DE...

Zaïdou Bamana

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ASSKANI MOUSSA

UN DOCTEUR EN DROIT OPINIÂTRE MAYOTTE COMPTE UN NOUVEAU DOCTEUR EN DROIT : ASSKANI MOUSSA. DÉSORMAIS AVOCAT, IL AVAIT AUPARAVANT OCCUPÉ DURANT SIX ANS LE POSTE D’ATTACHÉ PARLEMENTAIRE DANS LE CADRE D’UN MANDAT POLITIQUE AU SÉNAT, DE 2011 À 2017. Après un parcours universitaire exemplaire et une expérience professionnelle gratifiante, Asskani Moussa devient officiellement docteur en droit et avocat au barreau de Paris. L’intervalle 2009 à 2011 traduit la mise en place du statut de département après la consultation du 29 mars 2009 suivie de l’entrée en vigueur effective du statut le 31 mars 2011. À cette période de l’histoire institutionnelle de Mayotte, Asskani Moussa, alors simple juriste détenteur d’un DESS droit des collectivités territoriales, occupe sa toute première expérience professionnelle au Conseil général en tant que collaborateur des élus de la majorité. Le poste l’affectionne en ce qu’il lui offrait la possibilité de conseiller ou seconder les élus, en servant d’intermédiaire entre ces derniers et les services administratifs de la collectivité qui s’occupent du travail en amont. En 2012, le juriste a franchi un palier plus important. Il est appelé à occuper la fonction d’attaché parlementaire auprès du sénateur de Mayotte au sénat, ancien Maire de Mamoudzou, la deuxième chambre du Parlement. Il participe, ainsi, à la confection des lois qui nous gouvernent et assiste son patron dans l’exercice de son mandat. L’expérience lui sert de tremplin parce qu’elle allie travail et études. Asskani prépare alors une thèse de doctorat en droit public à l’Université d’Auvergne à Clermont-Ferrand où il a passé ses études universitaires. Son directeur de thèse, Claude Devès, est spécialiste reconnu des universitaires du droit des collectivités territoriales et de la gestion locale. Il soutient sa thèse le 9 juin 2015 et continue d’assister le sénateur.

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Maître Asskani MOUSSA Avocat à la Cour 6 ter Avenue Mac Mahon 75017 PARIS E-Mail : as.moussa@ laposte.net

En septembre 2017, son aventure au Sénat s’arrête, Asskani Moussa n’a pas souhaité prêter son concours à un autre parlementaire, estimant qu’il est beaucoup plus important pour lui de se consacrer pleinement à la formation du barreau pour devenir avocat. C’est désormais chose faite, il vient de prêter serment à la Cour d’appel de Paris le 28 novembre 2019 après une formation à l’EFB. Mayotte compte donc un nouveau Docteur en droit et Chercheur associé au Centre Michel de l’Hospital CMH–Université Clermont Auvergne. Avec un tel choix de spécialisation en droit des collectivités des collectivités locales, de leurs groupements et satellites, Asskani Moussa était en train d’opérer une décision pertinente calquée sur l’évolution de l’histoire institutionnelle de Mayotte. Son titre de thèse en témoigne. Celui-ci porte sur une analyse juridique précise : départementalisation, décentralisation et perspectives d’évolution institutionnelle de Mayotte. Ce choix de juriste publiciste s’explique par le manque criant de professionnels de droit sur le territoire et plus particulièrement au sein des administrations locales.

UNE FORME DE DÉPARTEMENTALISATION AU RABAIS "Il faut qu’une nouvelle ère de professionnalisation en matière de droit dans les services administratifs", indique le juriste. C’est pour cela que Maître Moussa souhaite conseiller nos élus afin de mettre à leur disposition des expertises juri-

diques efficaces dans tous les domaines qui touchent aux politiques publiques conduites par ces derniers. L’ambition est plus importante et s’annonce très prenante au regard des enjeux et perspectives de développement de notre département scotché dans "une forme de départementalisation au rabais", précise-t-il. Selon lui, le mythe d’une "décentralisation boiteuse" doit enfin être cassé. "Derrière chaque problème, il y a un risque de contentieux qui masque souvent une difficulté d’accès au droit pour un nombre important de personnes qui ne maîtrisent point les rouages de la justice à Mayotte", explique l’avocat. Il veut assister les élus mais souhaite dans le même temps "participer à l’œuvre de la justice en défendant les plus faibles, souvent laissés pour compte". En effet, tous les aspects qui engendrent des mutations juridiques profondes sur le territoire nécessitent un accompagnement sérieux des élus locaux par un professionnel de droit. Ainsi, devant l’acuité des besoins des collectivités de l’île pour répondre aux préoccupations, il faut considérer que les réformes législatives en cours dans le département placent aujourd’hui, en quelque sorte, l’avocat "conseil en prestations juridiques", au cœur du processus législatif dans l’organisation institutionnelle. "Globalement, les élus de Mayotte ont besoin de s’appuyer sur des expertises efficaces pour conduire leurs actions en développant des politiques publiques tournées prioritairement vers les travaux de construction et d’aménagement du territoire", analyse l’ancien attaché parlementaire. Et à l’instar des actions déjà entreprises, de récentes réformes touchent également le domaine de l’inter-

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communalité dont la carte reste en cours d’achèvement. "En tout état de cause, l’on voit clairement que l’impact de la départementalisation a fini par mettre en lumière le besoin d’un développement territorial harmonieux", note Me Asskani.

ACCOMPAGNEMENT DES COLLECTIVITÉS LOCALES Et si les deux échelons existants, à savoir départemental d’un côté et communal de l’autre, n’ont pas encore démontré leur efficacité sur le terrain, l’avocat estime que des outils juridiques sont à inventer pour permettre aux décideurs et aux habitants de gérer le quotidien et préparer l’avenir. Il cite à cet égard plusieurs priorités : - Lutter contre les inégalités et les fractures économiques, numériques et autre ; - Accompagner les acteurs institutionnels à instaurer un modèle de gouvernance mieux adaptée aux réalités locales comme dans toutes les collectivités de droit commun régies par l’article 73 de la Constitution ; - Agir pour le développement économique en favorisant la création d’entreprises et l’accès à l’emploi notamment en valorisant les filières et les ressources internes ; - Contribuer à l’amélioration de la mobilité suscitée par les besoins et par la conduite d’actions partenariales avec l’extérieur ; - Promouvoir le développement durable et la transition énergétique ; - Agir pour l’amélioration de l’habitat dans le but d’enrayer le fléau de l’habitat indigne face à la montée des bidonvilles dans certains quartiers de Mayotte ; - Valoriser les paysages, patrimoines et savoir-faire locaux comme atouts de développement des territoires et inciter les élus de l’Île à proposer des offres touristiques de haute qualité ; - Assister les pouvoirs publics au développement des moyens d’accès aux soins, de l’égalité d’accès à l’éducation et à la culture, aux services publics de proximité et équipements publics qui manquent de manière criante à Mayotte, etc. Par cette énumération non exhaustive, les élus sont invités à cibler les objectifs susceptibles de les aider à raisonner en termes de priorité avec lucidité afin de faire face aux exigences de plus en plus grandissantes de leurs administrés. "Ceux qui ont cru bon et utile de lutter pour "La départementalisation" sont des hommes et femmes de conviction, qui la souhaitaient facteur de liberté, de stabilité, de justice, d’égalité et d’équité entre tous les citoyens français de l’île de Mayotte. Ils la voulaient surtout facteur de développement économique et social, profitable à tous, jeunes et moins jeunes. Pourtant, la réalité est tout autre malheureusement. Il est donc temps qu’une nouvelle page s’ouvre permettant à chacun d’occuper la place qu’il mérite", écrit l’expert en droit public. Asskani souhaite que ces compatriotes changent de mentalités en devenant par exemple :

- un citoyen responsable, résolument engagé dans le développement de l’île ; - un porteur de projets économique ou social viable et innovant ; - un partenaire sérieux pour les pays voisins, à travers une coopération régionale décentralisée, mieux cadrée, dans un esprit "gagnant – gagnant", permettant de faire face aux enjeux actuels de la mondialisation. "Chacun sait que le modèle de départementalisation reste à repenser pour qu’il soit synonyme d’égalité de chances pour tous, car depuis le début, la départementalisation se réalise dans des conditions hyper-difficiles. Dans cette optique, le rôle de l’avocat va donc consister à proposer d’accompagner les collectivités mahoraises dans cette phase importante de notre évolution institutionnelle, qui sera marquée, nous le savons bien, par de moments douloureux et difficiles mais incontournables dans cette voie de l’Émancipation que nous nous sommes collectivement tracés", écrit le juriste. Pour ce faire, le cabinet de Maître Asskani Moussa tentera de développer une gamme d’expertises très élargie et plus approfondie dans de nombreux domaines pour assurer au mieux la défense des droits et libertés fondamentaux que chaque Mahorais est en droit d’attendre.

LES DOMAINES D’ACTIVITÉ DE SON CABINET Le nouvel entrant au barreau intervient, tant au contentieux qu’en conseil, dans tous les domaines du droit public notamment en droit des collectivités territoriales, l’intercommunalité, les montages contractuels complexes tels que les DSP, concessions, SEM, SPL, SEMOP, droit de la fonction publique, droit d’urbanisme, droit de la construction, droit de l’environnement, droit des contrats publics, droit de la domanialité publique, droit de la commande publique, droit immobilier et actions foncières. L’activité du Cabinet est particulièrement diversifiée et couvre de nombreux aspects du droit privé et intervient aussi dans le domaine de droit privé. Le contentieux civil, droit de la famille avec une part non négligeable de l’activité portant également sur des problématiques de droit pénal comme en matière correctionnelle, criminelle ou TPE (Tribunal pour enfant), le droit du commerce et celui des entreprises font partie des matières que traite le cabinet. L’une de ses missions principales est d’accompagner aussi les entreprises dans l’élaboration de leurs plans de restructuration, sans pour autant écarter les autres pans de droit tels que : droit des sociétés, droit des affaires, contrats commerciaux, droit des associations, droit du sport, droit du travail, contentieux locatif, droit maritime, droit électoral, etc. Dans cette configuration, le champ d’activités que couvre son cabinet apparaît d’une importance capitale dans cette zone géographique de l’océan indien où la présence française garde toute son importance. n

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Crédits photos : Banque d'images de Mayotte

LE DOSSIER

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AMOUR, GLOIRE ET MONNAIE 14•

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Le mariage est supposé être une union entre deux êtres qui s’aiment. Deux personnes qui s’engagent dans un contrat social à se chérir, se soutenir jusqu’à ce que la mort les sépare. Généralement seuls la famille et les amis proches sont témoins de la célébration de cette union. Mais à Mayotte les choses sont différentes. Un mariage se résume trop souvent au manzaraka qui coûte cher et qui endette les familles. Un endettement qui fait des heureux puisqu’il profite aux entreprises qui se créent et s’enrichissent grâce au manzaraka. Découvrez l’envers du décor de cette cérémonie qui en met plein la vue mais qui est souvent source de conflit.

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LE DOSSIER

Raïnat Aliloiffa

ÉCONOMIE

LES LIENS SACRÉS DU BUSINESS AVEC L’AMPLEUR QUE PREND LE MANZARAKA À MAYOTTE, DE NOMBREUSES ENTREPRISES ONT SU TIRER PROFIT DU PHÉNOMÈNE. DES EMPLOIS SE CRÉENT SUR LE TERRITOIRE GRÂCE À CELA ET CERTAINES SOCIÉTÉS RÉALISENT LEURS PLUS GROS CHIFFRES D’AFFAIRE EN PÉRIODE DE MARIAGES. ON VOIT MÊME APPARAÎTRE DE NOUVEAUX MÉTIERS QUI JUSQU’ALORS N’EXISTAIENT PAS SUR L’ÎLE.

Derrière les chants, les danses, la nourriture en abondance et les chapiteaux décorés comme dans un mariage à Bollywood se

cachent des entreprises qui ont flairé la bonne affaire et se sont emparées du marché du manzaraka. Traiteurs, maquilleuses,

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couturières, photographes, décorateurs, etc. : tous les domaines sont concernés. Et de nouveaux métiers ont même vu le jour alors qu’ils n’existaient pas à Mayotte comme celui de Wedding Planner qui sort tout droit des États-Unis. Ou encore les confectionneuses de colliers de jasmin. Et même des laveuses de vaisselles. L’affaire est juteuse pour les auto-entrepreneurs qui ont fait du manzaraka un vrai business. Durant l’été et au mois de décembre, les unions se suivent quotidiennement et chaque famille veut avoir la palme du meilleur mariage. Alors abondance et démesure sont les maitres mots. Et les entrepreneurs répondent présents pour réaliser toutes leurs exigences. À l’exemple d’Ayssatou, à la tête de l'entreprise Les Jasminades d’Ayssatou. Elle confectionne des colliers et autres décorations à base de fleurs de jasmin. Elle raconte : "Les gens sont prêts à débourser des sommes exorbitantes pour les colliers de jasmin. Des fois je suis obligée de les refreiner. Il y a une personne qui m’avait par exemple demandé 5 000€ de jasmin." Ayssatou ne faisait des colliers que pour son entourage. Mais ayant constaté une forte demande venant de l’extérieur, elle décide de se lancer pleinement dans son affaire il y a un an. Depuis, son entreprise est florissante. Les commandes s’enchaînent tout au long de l’année, et celles correspondant aux mariages représentent 80 à 85% de son chiffre d’affaire. Ayssatou doit donc passer au niveau supérieur. Elle est en train d’installer son atelier. La femme d’affaire déclare même engager des apprentis qui l’aident à fabriquer les colliers de jasmin. En ce moment ils sont trois, "mais pour l’été prochain je vais devoir faire appel à quinze personnes parce que j’ai beaucoup de demandes", annonce-t-elle. Elle affirme avoir déjà des commandes pour 2021. Ayssatou vend l’épingle de jasmin entre 1 à 3 €. Chaque invité ayant droit à une épingle de jasmin, le montant atteint facilement plusieurs centaines d’euros. À cela s’ajoutent les colliers spéciaux pour la mère du marié (50€ par collier), ceux des sœurs du marié (30€ par collier), et ceux des invités spéciaux (20€ par collier). Les professionnels en jasmin ne sont pas les seuls à avoir saisi l’opportunité. Les maquilleurs et couturiers se sont multipliés ces dernières années comme l’affirme Soilha, coiffeuse et maquilleuse de So Make up & Hair. "Avant on avait beaucoup de mal à trouver un professionnel pour coiffer et maquiller la mariée. Quand je me suis lancée il y a sept ans, on était que deux sur l’île à le faire. Maintenant on est une bonne dizaine." La professionnelle a dû créer un forfait spécial manzaraka à 250€ pour s’adapter aux demandes. Elle s’occupe de deux mariées par jour et affirme que tous ses week-ends sont complets pendant l’été. "Depuis l’expansion des manzarakas, mon entreprise s’est nettement fructifiée ça c’est sûr", sourit-elle. Cette fête est également bénéfique pour ceux qui se trouvent en dehors du territoire, notamment les couturiers et les bijoutiers. Les bijoux qui sont emmenés

le jour de la cérémonie par la famille du marié sont très souvent achetés en métropole, à Dubaï ou en Chine. Et les tenues que porte la mariée sont parfois achetées, elles aussi, à l’extérieur. Asma, la fondatrice de Mayline Créa, basée à Toulouse le confirme. "Je crée principalement pour les Mahorais qui partent se marier à Mayotte. Les tenues de mariage représentent 50% de la totalité de mes commandes. Et une création de mariage coûte entre 200 et 350€." La petite entreprise d’Asma se porte si bien qu’elle souhaite créer une boutique en ligne. "Les tenues pour le manzaraka c’est ce qui marche le mieux il n’y a aucun doute", selon elle. Parmi toutes ces dépenses, il ne faut pas oublier le chapiteau qui accueille les invités. La location coute généralement 5 000 €. Le prix peut rapidement augmenter si le chapiteau est climatisé. Ceci-dit, la nourriture représente le plus gros budget de la fête. De nombreux zébus sont sacrifiés à l’occasion. Pour un mariage à petite échelle, en moyenne trois zébus sont égorgés. Un animal coute plus ou moins 3 000 €. Viennent ensuite les centaines de packs de boissons, les sacs de riz, les confiseries, les gâteaux etc. Le groupe Sodifram informe qu’il note "une augmentation des ventes en quantité des produits nécessaires au déroulement des manzarakas." Les boissons et la viande de bœuf représentent la plus grosse progression. Les ventes augmentent de 50% durant la période de juillet/août. Suivi de près par la crème de coco (+ 40%) indispensable pour cuisiner les brèdes. Viennent ensuite le riz parfumé (+25%), les tomates pelées (+20%), l’huile végétale (+10%). Les clients sont de plus en plus organisés. Sodifram explique "qu’ils préparent la liste des produits nécessaires avec les quantités deux à trois mois en avance. Ils demandent des devis et nos magasins leur préparent la totalité de la marchandise." Un système donc bien rodé qui fait également tourner l’économie de la grande distribution. n

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LE DOSSIER

Raïnat Aliloiffa

FAMILLE

L'ARGENT NE FAIT PAS LE BONHEUR (MAIS EST FORTEMENT APPRÉCIÉ) LE MANZARAKA N’EST PAS QU’UNE SIMPLE CÉRÉMONIE DE MARIAGE. L’ENVERS DU DÉCOR EST TEINTÉ DE BEAUCOUP D’ARGENT QUI CIRCULE ENTRE LES MEMBRES D’UNE MÊME FAMILLE. LA FÊTE COÛTE RELATIVEMENT CHER ET L’ARGENT EST MÊME LE CENTRE D’ATTENTION DEPUIS LES PRÉPARATIFS JUSQU’AU JOUR J, RELÉGUANT LES MARIÉS EN ARRIÈRE-PLAN. LE COÛT D’UN MANZARAKA EST EXORBITANT CERTES, MAIS LA SOMME QUE REÇOIT LA MARIÉE LE JOUR DE LA CÉRÉMONIE EST TOUT AUSSI ÉTOURDISSANTE. Lors d’un mariage, et particulièrement pour le manzaraka, toute la famille est fortement invitée à soutenir financièrement les dépenses. Rien ne les y oblige, mais il s’agit d’une règle tacite. Cette coutume est respectée et c’est ce qui permet d’organiser des cérémonies qui atteignent plusieurs dizaines de milliers d’euros. La sociologue Maria Mroivili estime que "pour une famille réputée, qui a un nom connu, le manzaraka peut coûter jusqu’à 100 000 €." Un chiffre facilement atteint lorsqu’on cumule tous les frais générés. Zouhouda, une mère qui vient de marier sa fille, dit s'être contentée de peu : "Pour le mariage de ma

fille, j’ai dépensé 25 000 € que j’ai emprunté parce que je n’avais pas tout cet argent. Il faut ajouter à cette somme les contributions de la famille ainsi que des associations de femmes dans lesquelles je suis." Il s’agit d’un réel investissement pour les personnes qui cotisent, puisqu’elles espèrent qu’on leur rende la pareille lorsqu’à leur tour elles marieront leurs enfants.

ON A VOLÉ LA VEDETTE À LA MARIÉE La question de l’argent ne s’arrête pas là. Le jour de la cérémonie il est également la star. Au fil du temps, le système du "djavi" (nattes

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installées par terre pour que les femmes s’asseyent) s’est imposé. Il s’agit d’attribuer un emplacement à une femme qui se chargera de faire venir des invités et participer à la fête. En contrepartie, les convives doivent donner de l’argent. S’il y a quelques années les petites sommes étaient acceptées, aujourd’hui il est très mal vu de donner moins de 50 €. "Avant on amenait 10 ou 20 € et c’était suffisant. Aujourd’hui si tu sors 50 € on te demande c’est tout ce que tu donnes ? Nous nous sommes mises dans le pétrin toutes seules. Chaque année on veut surenchérir", se plaint Mari Fatima, couturière et grande habituée des manzarakas. De plus, pour voir la mariée, les invités doivent une nouvelle fois mettre la main à la poche. À commencer par la belle-mère qui doit donner une grosse somme d’argent pour soulever le voile de sa belle-fille. Et lorsque celle-ci arrive sur le lieu de réception, une pluie de billets d’argent s’abat une nouvelle fois sur elle. Des sommes conséquentes circulent donc pendant le manzaraka, mais où va tout cet argent récolté ? En théorie, il revient à la mariée qui peut en faire ce qu’elle veut. En pratique la réalité est tout autre

puisque c’est sa famille qui le récupère pour se rembourser. Zouhouda le confirme : "Je trouve ça normal que les parents prennent cet argent. C’est nous qui finançons le mariage. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait pour rembourser mes dettes. Ma fille n’a gardé qu’une toute petite somme."

L’ARGENT EST SOURCE DE PROBLÈME La fortune récoltée est souvent source de conflit puisque chaque membre de la famille qui a cotisé veut obtenir une partie à hauteur de ce qu’il a donné. "C’est devenu un investissement. Les gens font des manzarakas pour gagner de l’argent", indique Maria Mroivili, sociologue. Un investissement à risque puisqu’il n’est pas certain que la famille perçoive autant d’argent venant des invités et de la belle-famille. Les plus chanceux arrivent à se rembourser et même à faire des bénéfices, les autres investissent à perte, à l’exemple de Zouhouda : "Le manzaraka de ma fille n’a pas du tout été rentable, se plaint-elle. Nous n’avons clairement pas gagné assez pour rembourser les dettes." n

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LE DOSSIER

Raïnat Aliloiffa

SOCIÉTÉ

JUSQU’À CE QUE LE MANZARAKA NOUS SÉPARE LA SOCIÉTÉ MAHORAISE ÉVOLUE ET AVEC ELLE SES COUTUMES. LA CÉLÉBRATION DU MARIAGE NE FAIT PAS EXCEPTION. UN MARIAGE EN 2019 NE RESSEMBLE EN RIEN À CELUI D’IL Y A VINGT ANS. CERTAINES ACTIVITÉS ONT DISPARU, LAISSANT PLACE AU FAMEUX MANZARAKA QUI EST TOUJOURS PLUS GRAND ET TOUJOURS PLUS BEAU QUE LES PRÉCÉDENTS. CETTE ÉVOLUTION EST LA CONSÉQUENCE DIRECTE DE LA PLACE QUE S’ATTRIBUE DÉSORMAIS LA FEMME MAHORAISE DANS LA SOCIÉTÉ. ll y a une dizaine d’années on ne parlait pas de manzaraka mais de walima : le moment où le marié est emmené au domicile de sa femme avec les parures d’or de celle-ci. Le manzaraka a vraiment pris de l’ampleur vers 2004-2005 à Sada, selon la sociologue Maria Mroivili. Il s’est ensuite généralisé sur toute l’île. "La cérémonie a complètement éclipsé le walima et les autres festivités en rapport avec la célébration du mariage. Aujourd’hui on dit qu’on va au manzaraka de quelqu’un au lieu de dire je vais au mariage de quelqu’un", constate Maria Mroivili. Avant on parlait de chigoma, de mbiwi, de biyaya, de mlélézi, de choungou etc. Mais ces évènements sont englobés par l’unique manzaraka. De ce fait, on dit souvent qu’un mariage réussi se mesure à l’ampleur et au bon déroulement du manzaraka. Ce constat enlève tout son sens à la cérémonie qui est supposée être un moment de partage et de convivialité entre les familles et les amis des mariés. "Aujourd’hui le manzaraka est un moment éphémère consommé et non partagé. Les deux familles qui l’organisent sont en compétition pour savoir qui aura dépensé le

plus", explique la sociologue. De là naissent les dérives du phénomène puisque chaque famille veut surenchérir pour être bien vu par l’autre. Tous les proches des mariés, principalement de la mariée, sont amenés à cotiser pour financer le mariage et des fortunes sont réunies. Une méthode pointée du doigt par Maria Mroivili : "Nous faisons preuve d’une grande capacité pour réunir autant de personnes et d’argent dans ce que j’appelle une bêtise sociale. Mais nous ne sommes pas en mesure de réunir autant pour créer une entreprise pour les jeunes mariés ou pour contribuer à des causes humanitaires." Rappelons que selon l’INSEE, 84% de la population mahoraise vit sous le seuil de pauvreté. Cependant, au moment de la célébration d’un mariage, le pouvoir d’achat des familles qui l’organisent explose, selon la sociologue. Il est nettement supérieur à celui des familles aisées, mais chute radicalement après la fête. Quand on compare le niveau de vie réel des familles qui marient leurs enfants avec les capacités financières qui sont déboursées pour le mariage, on se rend compte que l’écart

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est flagrant. Mayotte est donc un territoire pauvre, mais ses habitants sont capables de mobiliser des moyens considérables pour financer un mariage. En réalité, cette pratique reflète une nouvelle facette de la société. Le linguiste Mlaili Condro précise que "c’est le signe d’une société qui commence à s’enrichir et qui voit circuler de l’argent. Et cela crée une forme de compétition sociale."

revient pas puisqu’ils ne sont qu’un instrument dans la quête de réussite sociale des parents. Particulièrement de la mère qui paye sa dette sociale au moment du mariage. "Les jeunes mariés oublient que la célébration du manzaraka n’est pas faite uniquement pour eux. C’est surtout un moment où la maman se réalise socialement et paye sa dette sociale puisque chaque femme qui a des enfants en a une", raconte le linguiste.

SYNONYME D’ÉPANOUISSEMENT SOCIAL DES FEMMES

DES CONSÉQUENCES QUI TRAVERSENT LES GÉNÉRATIONS

Cependant le manzaraka ne serait pas uniquement une question d’argent. Le linguiste Mlaili Condro affirme que "c’est un moment où les femmes s’épanouissent. Elles se retrouvent, se célèbrent et s’amusent entre elles sans chercher le regard de l’homme. Elles n’en n’ont pas besoin." Effectivement, les chapiteaux, lieu où se réunissent les femmes, sont complètement fermés aux hommes. Ce moment entre femmes est aussi nécessaire que rare dans la culture mahoraise, qui laisse peu de place à l’épanouissement de la gente féminine. Raison pour laquelle le manzaraka n’est pas amené à disparaître, bien au contraire. "Les femmes vont de plus en plus vouloir s’épanouir. Et elles veulent le faire avec les autres et non chacune de son côté. Comme la société mahoraise n’offre pour le moment pas d’autres formes d’épanouissement, le manzaraka va perdurer", avertit Mlaili Condro. Cependant, beaucoup de jeunes critiquent le manzaraka et peu souhaitent en faire un. Un choix qui ne leur

L’endettement des familles a des conséquences qui vont au-delà de l’aspect économique. Il serait la cause des divorces précoces entre les jeunes mariés, selon la sociologue Maria Mroivili. "Les bases du mariage sont rompues. Les premières conversations du couple tournent autour de l’argent et on sait tous que l’argent est source de problèmes." Les conflits familiaux s’enchaînent par la suite. Cela peut aller encore plus loin et impacter les enfants du couple. "Les mariés et leurs enfants vont subir des séquelles puisqu’ils vont hériter des dettes morales. On va souvent leur rappeler combien chacun à contribuer pour le mariage", rajoute la professionnelle. Malgré tout cela, le manzaraka est devenu un rêve pour certaines jeunes femmes qui sont apprivoisées par le bling-bling et les paillettes. Le temps d’une journée, elles sont le centre de l’attention et sont traitées comme des princesses. De quoi faire oublier tout le reste.n

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LE DOSSIER

Raïnat Aliloiffa

MANZARAKA

OUI, JE LE VEUX (OU PAS) : UN DIVORCE ENTRE LES GÉNÉRATIONS LE MANZARAKA EST TRÈS CONTROVERSÉ. LA CÉRÉMONIE EST AUTANT AIMÉE PAR LES PARENTS QU’ELLE EST CRITIQUÉE PAR LES JEUNES. LA PREMIÈRE CATÉGORIE DÉFEND LE MAINTIEN DES TRADITIONS ALORS QUE LA DEUXIÈME POINTE DU DOIGT LES SOMMES CONSIDÉRABLES DÉPENSÉES POUR UNE SEULE JOURNÉE. AFFRONTEMENT DE DEUX VISIONS QUI S’OPPOSENT DE PLUS EN PLUS. "C’est notre mariage, leur cérémonie." C’est ce que se répètent tous les jeunes couples mahorais qui s’apprêtent à se marier. Très souvent, leurs manzarakas est l’aboutissement des semaines, voire des mois de tensions familiales. L’organisation d’un mariage lambda est stressante, mais celle d’un manzaraka l’est encore plus. Delayde, une mariée ayant vécu cela le confirme : "Je me suis beaucoup disputée avec

SOILHA, 28 ANS J’adhère au manzaraka. Les gens pensent que c’est dépenser de l’argent pour rien mais je ne le vois pas de cette façon. Pour moi c’est un moment de partage, de joie. C’est fait pour s’amuser. Et en plus ça fait partie de notre tradition. Il ne faut pas voir que le côté économique.

ma mère. Nous avons même fini par ne plus se parler pendant une semaine." Raison du conflit ? L’existence même de la cérémonie. La jeune femme, alors âgée de 22 ans au moment de son mariage, n’en voulait pas. Une vision que partagent la plupart des jeunes mariés. "Pour moi le manzaraka n’a pas vraiment de signification. Je n’arrive pas trop à saisir son sens. Initialement on ne voulait pas le faire mais mes parents ont lourdement insisté", raconte Delayde. Son mari, Elamine, rajoute : "Je ne voulais pas le faire parce que je trouvais ça trop cher. Et puis on ne se retrouvait pas dedans." Le couple a finalement cédé à la pression familiale à condition que cela soit les parents qui payent l’intégralité des frais du manzaraka. Si la jeune génération est très souvent réticente à l’idée de dépenser autant pour une seule festivité, celle de leurs parents voient les choses différemment.

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LE DOSSIER

MARI FATIMA, 39 ANS Je vais tout le temps aux manzarakas. Mais je trouve qu’il y a beaucoup trop de dépenses pour les familles. Et je déplore le gaspillage de nourriture. On n’arrive pas à trouver l’équilibre parce que les familles préfèrent jeter plutôt que d’avoir honte de ne pas avoir assez à manger. C’est dommage.

"ON NE PEUT PAS BOUDER CE BONHEUR" Zouhouda, une mère qui vient de célébrer le mariage de sa fille explique : "Il est important de faire le manzaraka pour que tout le monde sache que ta fille est mariée. Elle quitte le foyer la tête haute et c’est un honneur pour elle mais aussi pour ses parents." Pour beaucoup de parents, et particulièrement de mères, le manzaraka est synonyme de réussite et de prestige. Lorsqu’on en organise un, cela signifie qu’on est quelqu’un d’important. Plus la cérémonie est grandiose, plus on a de l’importance aux yeux de la société.

Alors que les principaux concernés ne voient pas la vie de cette façon. "J’estimais que je devais d’abord construire ma maison, avoir une belle voiture avant de faire un manzaraka. Pour moi c’est ça le signe de la réussite", soutient Delayde. La question de l’argent est souvent la raison pour laquelle parents et enfants se disputent. Ces derniers estiment que le manzaraka est trop coûteux alors que leurs aînés préfèrent prendre la situation sous un autre angle. "C’est vrai qu’on dépense beaucoup d’argent, on s’endette etc. Mais on oublie tout lorsqu’on voit son enfant se marier,

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ASMA, 25 ANS Le manzaraka est devenu trop moderne à mon goût. Ce n’est plus un mariage traditionnel comme on le dit. Beaucoup de choses ont changé et ça s’éloigne un peu de la tradition.

ZALIA, 46 ANS Je ne comprends pas pourquoi les gens critiquent le manzaraka. Un mariage c’est toujours une bénédiction. On se retrouve, on s’amuse, c’est que du bonheur. C’est vrai que ça coûte cher mais tout a un coût dans la vie.

ANLI, 33 ANS Le manzaraka ne reflète pas du tout la culture mahoraise lors des mariages. C’est un gros gaspillage qui n’a plus rien à voir avec les mariages de nos parents.

NAILATI, 28 ANS Le manzaraka est synonyme de dépenses inutiles pour moi. Les familles mettent beaucoup d’argent alors qu’on pourrait investir dans de projets plus concrets. entouré de ses amis et de sa famille. On ne peut pas bouder ce bonheur", s’émotionne Zouhouda. Elle reconnaît néanmoins qu’on pourrait diminuer les dépenses inutiles comme tout l’argent dépensé pour les boissons sucrées et gazeuses. Le couple que forment Delayde et Elamine n’est cependant pas totalement contre cette cérémonie tant controversée. "Si ça fait réellement tourner l’économie et que ça crée des emplois alors c’est une bonne chose et on devrait perpétuer ce rituel", estime Elamine. Et Delayde d’ajouter "Je n’ai rien contre le manzaraka. Si on a les moyens de le faire alors pourquoi pas. Ce qui me désole ce sont les familles qui s’endettent lourdement pour un jour. Mais chacun fait ce qu’il veut de son argent finalement."n

NOURDINE, 32 ANS Je vais faire un manzaraka parce que nous vivons dans une communauté où il est difficile de ne pas tenir compte de la volonté des familles. Le choix de faire ou pas un manzaraka n’appartient pas uniquement aux deux conjoints. Si ça ne tenait qu’à moi, je n’en ferais pas. J’utiliserais plutôt cet argent pour concrétiser des projets professionnels ou de construction.

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MAGAZINE

Solène Peillard G.V

SOUVENIR SOUVENIR

SCÈNES DE VIE D'HIER DANS MOINS DE DEUX SEMAINES, UNE NOUVELLE ANNÉE DÉBUTERA. DÉJÀ, LE 21ÈME SIÈCLE ENTAME SA TROISIÈME DÉCENNIE. L'AN 2 000 QUI NOUS PARAISSAIT AUTREFOIS SI LOIN DANS LE FUTUR L'EST DÉSORMAIS DANS LE PASSÉ. LE TEMPS FILE SI VITE QUE NOUS RESSENTONS PARFOIS LE BESOIN DE NOUS TOURNER UN PEU VERS HIER. C'EST CE NOUS AVONS CHOISI DE FAIRE CETTE SEMAINE, EN VOUS PROPOSANT SIMPLEMENT QUELQUES SCÈNES DE VIE QUOTIDIENNE, DANS LA MAYOTTE D'HIER.

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UN FRONT DE MER EN CONSTRUCTION Elle est difficilement reconnaissable, la rocade de Mamoudzou, n'est-ce pas ? Et pourtant, c'est bien d'elle dont il s'agit, et de sa construction, en 1990. Au fond, on devine la pointe Mahabou.

LE CHOUNGI COMME ARBITRE Une scène sportive lors d'une rencontre de football. Le mont Choungui au fond ainsi que la baie de Bouéni juste derrière le terrain, laissent penser qu'il s'agit d'un match s'étant déroulé soit à Poroani, soit à Miréréni.

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MAGAZINE

L'ART DU BARRAGE Petite pointe d'humour ici, puisque l'on peut constater que les célèbres barrages de bric et de broc existent déjà dans les années 1990 pour revendiquer. Un art toujours mis en pratique aujourd'hui lors des manifestations comme seule Mayotte peut en faire.

MAMOUDZOU ROAD On connaissait Abbey Road, des Beatles, voici Mamoudzou Road, sa version mahoraise. Trois bacocos et une coco passant simplement devant l'ancienne maison d'arrêt, sise à la place de l'actuelle caserne de gendarmerie, au tout début de la rue du Commerce, à Mamoudzou. Nous sommes là au début des années 1990.

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LE FRONT DE MER DE MAMOUDZOU : LE PORT D'ALORS Sans doute une des photos qui rend le mieux compte de l'évolution de Mayotte. En 1985, la partie nord du front de mer de Mamoudzou voyait des boutres permettant de débarquer la marchandise des cargos jusqu'au quai, oles bateaux étant trop gros pour s'y amarrer et le port de Longoni ne le permettant pas encore.

LA BARGE, VERSION RÉTRO Elle semble avoir toujours été là. La barge reliant Petite à Grande-Terre a toujours été un lieu de rencontres. On note que le quai sert aussi à stocker les containers. Sur la seconde et la troisième photo, une version encore plus ancienne de la barge : la Mahoraise III. Qui s'en rappelle ?

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MAGAZINE

UNE HISTOIRE DE FEMMES, TOUJOURS Parce que Mayotte a été, est toujours, et restera une histoire de femmes, deux clichés les mettant à l'honneur.

UN VILLAGE BIENTÔT GRAND Kawéni Village, dans les années 1990. Dans quelques années, il deviendra un des quartiers les plus peuplés de Mayotte.

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UN PORT EN CONSTRUCTION Début des années 1990 : le port de Longoni et son quai sont en construction. Bientôt, c'est ici que les cargos viendront décharger leur marchandise, dans de meilleures conditions qu'à Mamoudzou.

UN COMBAT D'ALORS 1987 : la départementalisation est encore loin d'être acquise. Toutefois, c'est déjà un combat depuis de nombreuses années. Il faudra encore attendre 22 ans pour qu'elle soit acquise, avec le référendum de 2009.

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LITTÉRATURE

Christophe Cosker, "L’Invention de Mayotte", Pamandzi éd. La Route des Indes, 2019.

LISEZ MAYOTTE Chaque semaine, Christophe Cosker, auteur de L'invention de Mayotte, vous propose la quintessence de chacune des trente-six inventions de Mayotte relevées dans l’ouvrage éponyme.

Arthur Bordier, médecin de profession, intitule son livre sérieux : La Colonisation scientifique et les colonies françaises (1884). Il est l’un des seuls du corpus à s’interroger sur ce qu’est la colonisation, phénomène qu’il ne limite pas à la conquête française de nouveaux territoires dans un but d’exploitation (colonisation agricole et économique). Il lui donne au contraire une dimension scientifique, c’est-à-dire qu’il la considère comme une manière d’accroître les connaissances de la France et de faire évoluer un modèle en fonction des lieux dans lesquels il s’implante. Ce n’est pas cette théorie de colonisation que l’on retrouve dans l’extrait à venir, mais une description des animaux. Le médecin se fait naturaliste et entoure le nom latin des représentants de la faune et de la flore à Mayotte, mis entre parenthèses, de mots français qui traduisent le spectacle de la nature et l’offrent au lecteur éloigné. Mais ce lecteur reste sur sa faim, car la description se résume davantage à une énumération qui autorise des comparaisons entre l’exotique et le familier, mais qui donne surtout des informations abstraites : caractères nocif et comestible en particulier. Dans le texte d’Arthur Bordier, l’animal reste un nom relativement énigmatique, il ne devient pas texte, et encore moins image, comme chez Jean-Jacques Audubon.l.

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Christophe Cosker

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LA COLONISATION SCIENTIFIQUE ET LES COLONIES FRANÇAISES La faune comprend le zébu, des chèvres dont un grand nombre sont sauvages, de rares moutons, des chats sauvages. Les animaux sauvages comprennent encore les lémuriens bruns de Madagascar (Lemur albifrons et Anjuanensis), une grosse roussette (Pteropus edwardis) considérée comme un gibier comparable au lapin, trois rats d’origine asiatique, dont notre rat noir et notre surmulot. Des dauphins et plusieurs balénoptères se prennent dans les détroits, où l’on harponnait encore, il y a trente ans, les cachalots disparus aujourd’hui. Les oiseaux sont représentés par notre chouette des clochers (Strix flammea) et par notre héron cendré ; on rencontre en outre un perroquet spécial aux Comores, le corbeau noir et blanc de Madagascar, la colombe australe, très joli pigeon vert et excellent gibier, la colombe de Madagascar ou ramier bleu, une caille, etc. Les Comores n’ont pas de serpent venimeux. On y recueille beaucoup de miel et de cire. La flore comprend la canne à sucre, le coton, le café, le tabac ; on recueille de la gomme, une résine blanche et parfumée ; on trouve de bons bois d’ébénisterie et de charpente. Le sol arable, absent dans un grand nombre de points, présente dans d’autres une épaisseur de quinze mètres, ce qui donne à ces régions privilégiées une extrême fertilité. Le Jatropha curcas, pignon d’Inde ou médicinier est abondant : il empoisonna à plusieurs reprises nos matelots notamment ceux du La Bourdonnais. L’eucalyptus, qui était indiqué pour tant de raisons, n’a pas réussi. Arthur Bordier, La Colonisation scientifique et les colonies françaises, Paris, Reinwald, 1884, p. 353.

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OFFRES D'EMPLOI OFFRES DE FORMATIONS FICHES MÉTIERS TÉMOIGNAGES CONSEILS


LE CAHIER EMPLOI & FORMATION

LE MÉTIER DE LA SEMAINE INSPECTEUR DU TRÉSOR PUBLIC

L'INSPECTEUR DU TRÉSOR PUBLIC VÉRIFIE ET CONTRÔLE LA GESTION FINANCIÈRE DES FONDS PUBLICS DE L'ÉTAT, DES COLLECTIVITÉS LOCALES ET DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS, SELON LES RÈGLES DE COMPTABILITÉ PUBLIQUE. IL RÉALISE LES OPÉRATIONS DE RECOUVREMENT DES RECETTES PUBLIQUES ET GÈRE LES FONDS DÉPOSÉS AUPRÈS DE L'ÉTAT, INTERVIENT EN EXPERT AUPRÈS DES DÉCIDEURS PUBLICS ET DES ENTREPRISES ET PEUT EFFECTUER LA GESTION DES FONDS DÉPOSÉS DANS LES CAISSES DU TRÉSOR. ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL

- Renseigner un public, des usagers - Accueillir les personnes - Piloter des opérations de recouvrement de créances - Réaliser des opérations de recouvrement de créances - Réaliser une gestion comptable - Contrôler les dépenses et les recettes publiques - Réaliser des prestations d'expertise et de conseil en gestion budgétaire, financière et fiscale d'une structure - Conseiller des entreprises en matière de finance et d'économie

Promouvoir les services

SECTEURS

- Organisme de formation - Ministère / Administration centrale - Recette des finances - Trésorerie

ACCÈS AU MÉTIER

Cet emploi/métier est accessible sur concours du Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie avec un diplôme de niveau licence (L3), Diplôme de comptabilité et de gestion (DCG). Un casier judiciaire exempt de toute mention contradictoire est obligatoire.(optométrie, contactologie, basse vision) peuvent être requises.


OFFRES D'EMPLOI CHEF DE RAYON DÉCORATION (H/F)

COMMERCIAL/E CHR (H/F)

CHAUFFEUR / CHAUFFEUSE DE BUS

INGÉNIEUR ÉTUDES RÉSEAUX ÉLECTRIQUE F/H (H/F)

CHEF DE SECTEUR BOIS CENTRE BÂTIMENT H/F

SOCIETE CANANGA - 976 - MAMOUDZOU Placé(e) sous la responsabilité du Chef de secteur, vous contribuerez à la satisfaction des clients par votre esprit de service, vos connaissances techniques et vos initiatives

SOCIETE CANANGA - 976 - MAMOUDZOU

Placé(e) sous la responsabilité du Directeur Commercial, vous assurerez le développement des ventes et du portefeuille clients pour atteindre les objectifs fixés

976 - MAYOTTE

Vous transportez des élèves et autres types de clients sur un itinéraire bien déterminé par votre hiérarchie. Vous vous assurez du bon état du véhicule avant et après le service

976 - MAMOUDZOU

VINCI Construction Dom-Tom recherche pour sa filiale SOGEA Mayotte, un Ingénieur Etudes réseaux électrique HTA/BT. Montrer vos capacités à conceptualiser un projet dans son ensemble

976 - MAYOTTE

Vous gérez le secteur bois rattaché au pôle bâtiment de Colas à Mayotte. - Vous managez 2 conducteurs de travaux

* voir site Pôle emploi

PROPOSENT UNE FORMATION AU TITRE D’AGENT DE SURETE ET DE SECURITE PRIVEE A DIEPPE en MÉTROPOLE La formation d’une durée de 3 mois permet de se présenter au Titre d’Agent de sûreté et de sécurité privée (TA2SP). Aucune condition de diplôme n’est requise pour s’inscrire. Il faut néanmoins réussir les épreuves de sélection (évaluation en français et entretien), avoir une bonne forme physique (station debout fréquente), une bonne élocution et la capacité à représenter et faire respecter les lois. Début de la formation : 24 mars 2020 Inscription sur le site Internet de l’IFCASS www.ifcass.fr jusqu’au 17 janvier 2020.

Renseignement : Auprès de l’IFCASS au 02.35.82.67.18 et sur son site Internet www.ifcass.fr Auprès de LADOM au 02.69.61.51.28 et sur son site Internet www.ladom.fr

www.facebook.fr/ifcass

Conditions d’entrée : Être inscrit au Pôle Emploi / Etre âgé au minimum de 18 ans / Avoir un foyer fiscal à Mayotte dont le quotient familial est inférieur à un montant qui vous sera communiqué par LADOM / Ne pas avoir bénéficié d’une autre aide à la mobilité dans l’année / Satisfaire aux épreuves de sélection (évaluation en français et entretien).


MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayotte.hebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Geoffroy Vauthier

# 912

Couverture :

tout sur le Manzaraka

Journalistes Romain Guille Solène Peillard Grégoire Mérot Cyril Castelliti Raïnat Aliloiffa Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mouhamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com


– Action Logement Groupe – Siège social : 19/21 quai d’Austerlitz, 75013 Paris ASSOCIATION déclarée à la préfecture de Paris sous le n° W751236716 – SIRET : 824 581 623 00025

Notre action pour Mayotte : finaliser la construction des logements en cours et soutenir l’accession à la propriété

actionlogement.fr Action Logement engage un effort inédit en faveur des départements ultramarins pour une amélioration de l’accès au logement et des conditions d’habitat. En mobilisant 1,5 milliard d’euros dans le cadre de son Plan d’Investissement Volontaire, Action Logement apporte des solutions pour répondre aux urgences spécifiques de chacun des territoires ultramarins.


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