LA SOMAPRESSE VOUS SOUHAITE UNE BELLE & HEUREUSE ANNÉE
LE MOT DE LA RÉDACTION
FAIRE AVEC ET GRÂCE À SES RACINES Si vous vivez à Mayotte, alors vous avez forcément entendu parler de chicoa. Et si ce n'est pas le cas, alors vous l'avez au moins vu. Si, si, on vous l'assure, le chicoa est présent partout. Ne vous-êtes vous jamais demandés pourquoi des maisons restaient inachevées de longs mois, avant de voir leur construction reprendre soudainement, puis s'arrêter à nouveau pour reprendre encore un peu plus tard ? Et bien la raison, c'est souvent le chicoa. Ce dernier, c'est une pratique de tontine locale : dans un groupe donné, chacun verse une somme d'argent, chaque semaine ou chaque mois, et chaque participant encaisse tour à tour la totalité de la somme récoltée. Une sorte de banque solidaire à taux 0, permettant, au choix, de parer à l'imprévu ou de financer des projets. Vous en saurez plus en lisant notre dossier de la semaine, consacré à cette pratique. Dans Mayotte et moi, nous retrouverons aussi un passionné de l'histoire de notre île, et plus largement de celle de l'archipel en général. Instituteur et écrivain, Hervé Éveillard revient sur sa passion : écrire pour faire connaître l'histoire. Passionnant. Enfin, et comme à notre habitude, nous n'oublions pas de regarder vers demain. Et demain, lui, sera biodégradable. Une loi interdit en effet depuis le 1er janvier l'utilisation de vaisselle en plastique pour les fast-food et snack. De quoi se plonger vers l'avenir, mais aussi générer une économie nouvelle. Bonne lecture à tous
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COUP D’ŒIL DANS CE QUE J'EN PENSE
Laurent Canavate
Mayotte Hebdo n°637, vendredi 29 novembre 2013
MAMOUDZOU, 5ème VILLE LA PLUS CAMBRIOLÉE DE FRANCE
Avec 15,79 cambriolages pour 1.000 habitants en 2012, la zone de Mamoudzou est la 5e ville la plus cambriolée de France. Pour ce qui concerne les violences aux personnes, elle est dans les 50 pires villes de France, tout comme pour les violences physiques crapuleuses ! Seul point positif de l’enquête de l’hebdomadaire national L’Express sorti cette semaine, qui dresse le bilan de l’insécurité sur l’ensemble des 37.000 communes de France, autant en zones police que gendarmerie, nous avons assez peu à subir les vols de véhicules. Mais la situation est dramatique, la tension est palpable au quotidien et outre les cambriolages déclarés, beaucoup de chapardages quotidiens sur les terrasses, dans les véhicules, dans les cours des maisons ne sont même pas déclarés aux forces de l’ordre, qui avouent aisément qu’ils sont fatigués de courir après des gamins qu’ils relâchent avant même que les victimes aient terminé leur déclaration de vol. Les plages ne sont plus sûres, ni les campagnes ou les bords des routes, les agressions s’y multiplient, les rues sont devenues dangereuses le soir venu pour les femmes et les enfants, et certaines sont mêmes « barrées » comme il y a peu à Vahibé. Certains quartiers sont devenus inquiétants. La peur s’est invitée à Mayotte et c’est dramatique. Le constat est là, sec, terrible pour toutes les souffrances et les peurs que ces agressions génèrent, avec des chiffres qui ne sont pas remis en cause. Il convient dès lors de se pencher sur les causes pour essayer d’en extraire des solutions, plutôt que d’essayer de colmater les brèches en ne faisant que multiplier les forces de l’ordre sur le terrain, même si cela sera nécessaire. La délinquance est devenue progressivement critique à Mayotte avec la hausse du niveau de vie, l’amélioration du système de santé et de l’éducation. Un facteur qu’il ne faut pas cacher, ni taire, concerne l’immigration clandestine, attirée par ces avantages de Mayotte. Pendant près de deux décennies, près de 70 % des naissances à la maternité de Mamoudzou ont été le fait de femmes en situation irrégulière. Ces enfants, aujourd’hui étrangers ou ayant bénéficié de la nationalité française par des reconnaissances de paternité de complaisance ou par la loi, se retrouvent malgré tout livrés en grande partie à eux-mêmes, avec ou sans la tutelle de leurs parents. Une partie s’est ainsi retrouvée complètement abandonnée, une autre vivant dans des situations pour le moins indignes. Peu de moyens pour vivre décemment, ces jeunes ont, pour une part, basculé dans la délinquance, pour se nourrir, pour disposer de biens de consommation : nourriture, vêtements, mais aussi matériels informatiques, téléviseurs, appareils photo, téléphones... Les Mzungus d’abord, puis les entreprises, les administrations et les Mahorais ont été la cible de ces voleurs, jeunes d’abord qui chapardaient de la nourriture, mais de plus en plus organisés, de plus en plus violents, et de plus en plus âgés et armés. L’évolution est inquiétante et ne s’arrêtera pas seule. Face à cette jeunesse abandonnée, les forces de l’ordre et la société se sont trouvées fort démunies. Les forces de l’ordre ne bénéficiant pas de centres adéquats ou de familles d’accueil en nombre suffisant. La société, les responsables politiques, les forces vives ne réalisant pas souvent la bombe à retardement que cela représentait pour l’île.
TOLERIE - PREPAR ATION - PEINTURE
La situation économique de Mayotte constitue aussi à mon avis une cause sérieuse de cette montée de la délinquance. Avec 4 à 5.000 jeunes entrant sur le marché du travail chaque année et 2 à 3.000 postes créés, beaucoup de monde s’est retrouvé sur le bord de la route, à regarder passer le train du développement. Avec 50 % de chômage, la situation devient chaque jour plus explosive. Faute de décisions fermes, d’actions sérieuses, d’implication active des pouvoirs politiques et administratifs notamment, il n’y a pas eu les projets économiques espérés. Les nombreux hôtels imaginés ne sortent pas de terre, l’aquaculture reste un espoir, l’agriculture importe des fruits et légumes de l’extérieur, l'ylang et la vanille ne sont presque plus présents que dans les livres pour les touristes, comme le ponton de N'gouja. Les plages aménagées, avec de l’activité, des bars et restaurants, des animations le week-end, sont encore sur les plans des bureaux d’études. Les zones d’activités économiques, les zones artisanales dans les villes et villages sont encore des parcelles de broussailles sur les plans d’aménagement. Et la liste est bien trop longue des projets, parfois pleins d’espoirs, qui ont failli se réaliser comme l’Ifremer, le centre de recherches de LVMH sur les cosmétiques, l’usine de mise en boite du thon, le chantier naval... mais qui finalement n’ont pas vu le jour. Il y a aussi la jeunesse, livrée souvent à elle-même, abandonnée dès les élections passées. Les ligues de sport à la dérive, comme l’athlétisme, malgré les potentiels énormes, les MJC vides, la culture à l’abandon. Des activités pour les jeunes, des animations pourraient les occuper, les mobiliser, les intéresser, mais les communes et le conseil général ont embauché à tour de bras des agents qui ne font pas assez leur travail, à quelques exceptions près. Les bibliothèques se meurent. Ces agents doivent être mobilisés, dynamisés, encadrés, sanctionnés si nécessaire, car ils sont payés chaque mois. Quel avenir proposer à cette jeunesse, que faire en dehors des cours, où réviser ? Quand on connaît l’état de l’habitat insalubre à Mayotte, des jeunes se retrouvent à traîner, et finissent par sombrer dans l’alcool, la délinquance, par facilité, faute d’autre chose. Les rues sombres, non éclairées la nuit, leur offrent un cadre de « jeu » dramatique. Les parents sont absents, ou dépassés. Les cadres villageois ont éclaté. Les pouvoirs publics s’en désintéressent et les bâtiments deviennent des bunkers. Il y a enfin la faible attractivité du territoire, liée à tous ces éléments, qui fait fuir des compétences, des investisseurs, des gens pourtant motivés. Et le cycle s’emballe... dans le mauvais sens. Les solutions me semblent nombreuses, les acteurs concernés multiples. Il s’agit pour Mayotte d’engager un véritable sursaut. La montée de la délinquance est un indicateur de la situation dramatique dans laquelle s’enfonce Mayotte. Elle met en lumière le laisseraller de ces dernières années. Il est temps de réagir fermement, efficacement. Un geste symbolique comme la mise en place d’une Zone de sécurité prioritaire pourrait apporter des moyens supplémentaires en aval, mais cela ne résoudra pas le problème, en amont, plus général, auquel il faut sérieusement s’attaquer.
MAYOTTE
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La mangrove, une richesse pour l'avenir Les mangroves à l'honneur de ce Mayotte Hebdo. Et pour cause : une expérimentation sur le rôle épuratoire de la mangrove se tient alors. Ce projet pilote fait même l’objet d’une thèse de recherche en écologie. "Si les premiers résultats constatés après un an et demi de rejets semblent être positifs, des compléments d’expérimentations sont encore nécessaires avant de conclure à une totale efficacité du système proposé. Ce mode original de traitement des eaux usées, unique au monde, pourrait alors venir en complément des futures stations d'épuration de Mayotte, et même servir d'exemple pour le reste de l'outre-mer", écrivions-nous. Mayotte Hebdo n°458, vendredi 15 janvier 2010.
Quelle pêche pour Mayotte ?
Un grand chantier en cours de mise en place, mais il y a cinq ans, la pêche restait encore manne inexploitée pour le territoire. L'occasion de faire un grand dossier sur le secteur car peu de gens savent vraiment ce dont il s'agit. Un des acteurs témoignait alors : "De nos jours, c’est toujours la pêche traditionnelle qui prévaut, mais nous n’avons plus seulement que 900 pirogues. Si nous avons 240 barques motorisées, nous n’avons que cinq palangriers de petite taille pour la pêche pélagique du thon et espadon. Les bateaux aux normes coûtent 10 fois plus cher, ce qui freine la modernisation. Il y a inadéquation entre les standards attendus et ce que peuvent proposer les pêcheurs en retour. À une logique économique s’oppose la logique administrative des Affaires maritimes qui nous empêche finalement de créer des emplois. L’Europe arrive depuis une dizaine d’années avec des thoniers espagnols et français (staff français et pêcheurs sénégalais) et, si on affiche une pêche “durable”, il n’est pas certain que la ressource en poissons soit protégée." Mayotte Hebdo n°687, vendredi 16 janvier 2015.
LA PHOTO D'ARCHIVE Christian Estrosi à Mayotte Juillet 2007 : Christian Estrosi en visite à Mayotte pour appréhender les nombreuses difficultés que rencontre le territoire, pour mieux orienter son action et aider les Mahorais à surmonter ces problèmes. "Oui, la France se mérite, mais Mayotte aussi se mérite pour la France", estime-t-il, avant d'appeler de ses vœux l'instauration d'un dialogue franc et constructif avec les élus locaux.
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IL Y A 5 ANS
IL Y A 10 ANS
C'ÉTAIT DANS MH
TCHAKS LE CHIFFRE 29 C'est le taux de familles nombreuses à Mayotte, contre 4% en métropole. Le chiffre provient de la dernière étude de l'Insee sur la structure familiale du 101ème département. Les critères de définition sont de trois enfants par famille pour une famille nombreuse, et de quatre pour une famille très nombreuse. De plus, contrairement à ce que l’on pourrait penser, la tendance ne s’inverse pas même si de plus en plus de femmes travaillent. "Le modèle familial mahorais est similaire à celui d’un pays en voie de développement", selon le chef du service régional Insee Mayotte.
LA PHRASE
L'ACTION
"Nous sommes là face à une petite difficulté qui peut nous faire perdre un peu de temps"
Une appli contre les risques électriques Le 20 décembre dernier, à Kawéni, un homme de 27 ans est mort électrocuté alors qu’il manipulait son installation électrique par temps d’orage. Un incident tragique qui n'est pas une fatalité pour EDM, qui a décidé de développer une application, Ousalama, pour smartphone permettant de signaler, photo à l'appui, les comportements dangereux. Utilisable par tous, elle permet également de lutter contre les cas de rétrocession d'électricité, représentant un risque majeur pour les personnes. L'application dispose également d’une géolocalisation permettant de situer rapidement le lieu de l’évènement ; et est téléchargeable gratuitement via Google Play et l'App Store.
Invité mardi 14 du Conseil économique, social et environnemental de Mayotte (Cesem), le préfet Jean-François Colombet s'exprime sur le Plan de convergence et sur le rythme de la consommation de ses fonds, qui doit être "très élevé." Or, a souligné le haut-fonctionnaire, "en 2020 Mayotte (…) va entrer en campagne électorale pour renouveler ou conforter les équipes municipales. Les communes comptent parmi les maîtres d’ouvrage du contrat de convergence (…) Entre le moment où il y a les élections, le moment où les équipes sont constituées, le maire qui s’installe, on risque d’avoir trois ou quatre mois de perte de temps."
ENVIRONNEMENT
Le Département désormais membre de la FNCOFOR Le conseil départemental a adhéré officiellement à la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR), une association qui rassemble tous les niveaux de collectivités propriétaires de forêts et concernées par la valorisation de ces territoires. Elle intègre ainsi la gestion durable et multifonctionnelle des forêts publiques, le rôle central des élus dans la politique forestière territoriale et la vision de l'espace forestier comme un atout du développement local.
LOISIRS Un cirque à Mayotte La troupe du cirque Achille Zavatta pose ses valises à Mayotte du 17 janvier au 1er mars. Le spectacle aura lieu au terre-plein de Mtsapéré tous les vendredis à 18h et les samedis et dimanches à 15h et 18h. Le cirque mettra en scène des voitures qui se transforment, l’homme laser, et surtout les rois de la jungle. Il y aura notamment un lion blanc et des tigres du Bengale. Des artistes venus du monde entier se joindront aussi à la fête.
PROVERBE Bahati ya mwenye mali. On ne prête qu'aux riches.
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LE FLOP LE TOP Un référentiel illustré sur la faune protégée
Les dépôts sauvages inquiètent
Le Muséum national d'Histoire naturel vient de dévoiler un référentiel illustré de la faune terrestre protégée de Mayotte, portant sur quelque 226 espèces, définie par la liste révisée en 2018 par arrêté préfectoral. Cette opération vise à faire mieux connaitre du grand public les animaux et insectes inscrits dans ce nouveau texte, qui n'y figuraient jusqu'alors que sous leur dénomination scientifique, difficilement appréhendable par le grand public. "Le présent référentiel illustré se donne donc pour objectif de favoriser l'opérationnalité du nouvel arrêté. Il est notamment destiné aux services de l’État, établissements publics, collectivités, porteurs de projets, bureau d’études ainsi qu’à l'ensemble des habitants et visiteurs de Mayotte", développe le Muséum. "Il donne ainsi pour chaque espèce des informations relatives à son identification, à sa biologie et à son statut sur le territoire. Il propose enfin la méthodologie à suivre permettant d’assurer la fiabilité d’une expertise en matière d'espèces protégées, sous couvert d'une autorisation". Les 252 pages du document sont librement consultables sur le site de l'inventaire national du patrimoine naturel (INPN), rubrique actualités.
ILS FONT L'ACTU Valérie Andrieu-Maillot L'agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom) a une nouvelle directrice. Valérie Andrieu-Maillot connait bien le territoire pour avoir été, à son poste précédent, cheffe de la division des examens et des concours du vice-rectorat de Mayotte. Sa mission première consistera désormais à piloter et déployer l'offre de service mobilité sur le 101ème département. Son objectif : "Continuer à participer à l’évolution de notre territoire à travers la professionnalisation des jeunes. Mayotte est un territoire qui me tient à coeur et je souhaite vraiment contribuer à son développement. Je veux également accompagner le changement. Tout commence à être dématérialisé et nous devons être au sommet pour qu’on puisse répondre aux besoins de la population", a-t-elle notamment déclaré à nos confrères et collègues de Flash Infos.
L’agence mahoraise de l’Office national des forêts a organisé, mercredi 15, une visite de terrain avec différents acteurs de la collecte des déchets. Objectif : les sensibiliser à la question des dépôts sauvages, en particulier des carcasses de voitures abandonnées, qui prolifèrent, même dans les forêts protégées comme celle de Combani, lieu de la tournée. Si la question relève d’un véritable casse-tête, différents acteurs comme le Sidevam ou les intercommunalités affichent de la bonne volonté, que seules les mairies pourraient toutefois véritablement transformer en actions durables. Or, malgré quelques initiatives de ci de là, cette préoccupation ne semble pas encore une priorité, et ce malgré les élections municipales à venir. Dommage et triste.
Hamada Saanda Mahamoudou Après plus d'une année d'attente, Mayotte a un nouveau Grand cadi. Hamada Saanda Mahamoudou, cadi de Passamaïnty qui occupait également la fonction de Grand cadi par intérim depuis le départ à la retraite de son prédécesseur, officiera désormais officiellement à ce poste particulièrement important pour les Mahorais. Bien que mal embarquée, selon l'aveu même du principal concerné, sa candidature a finalement été retenue, ce qui semble logique à ses collègues : "C’est la personne la plus apte à occuper ce poste. Au niveau des études, cela concorde puisqu’il a fait quatre ans de Droit. Cela correspond bien à ce qui est demandé pour cette fonction. Par ailleurs il a été le premier adjoint du Grand Cadi, il l’a bien côtoyé et a occupé le poste par intérim depuis. Il connaît donc bien les dossiers", estime ainsi le cadi de Sada, Abdallah Mohamed.
AÉRIEN
Air Austral anticipe l'immobilisation de son deuxième 787 Une mesure d'anticipation destinée à éviter le désordre inhérent à l'imprévu : c'est ce que met en avant la compagnie aérienne Air Austral, qui procédera à l'immobilisation de son Boeing 787 siglé du Piton de la Fournaise entre le 10 février et le 10 juin prochain. En cause : le remplacement des ailettes des moteurs. Une opération similaire à celle qu'a connu l'autre Dreamliner de la compagnie – celui aux couleurs du lagon – en juin dernier. Mais peu de modifications majeures sont à prévoir : l'avion, qui opère les liaisons La Réunion-Mayotte et La Réunion-Bangkok, sera remplacé par des Boeing 737 pour la première, et par un Boeing 777 pour la seconde. Concrètement, pour Mayotte, cela signifie des jours de voyage identiques mais avec des horaires parfois différents – les 737 étant de plus petites capacités et des liaisons supplémentaires étant prévues si besoin.
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MAYOTTE ET MOI
Geoffroy Vauthier
HERVÉ ÉVEILLARD
DES MOTS POUR DES MAUX L'HOMME TIENT À NE PAS ÊTRE RECONNU. ET POUR CAUSE : POUR DÉCRIRE MAYOTTE ET L'ARCHIPEL DES COMORES, IL EN ÉCOUTE LES HISTOIRES ET LES DESSINE À TRAVERS SES LIVRES. SON DEUXIÈME OUVRAGE, NAWAL, VIENT DE PARAÎTRE ET AMÈNE LE LECTEUR DANS LA DIFFICILE PÉRIODE OPPOSANT SORODAS ET SERRÉS-LA-MAIN. RENCONTRE AVEC L'ÉCRIVAIN HERVÉ ÉVEILLARD. De l'importance d'écouter pour comprendre, pour recueillir et pour retranscrire. Est-ce pour ça qu'Hervé Éveillard tient tant à ne pas être reconnu, au point de ne pas vouloir sa photo dans un journal ? "C'est quelque chose qui me pose un problème", concède bien volontiers l'homme, car "je ne voudrais pas que les gens arrêtent de me confier leurs histoires ou se méfient de moi en sachant que j'écris des livres", rigole-t-il. Il est vrai que les rencontres, les discussions, les ressentis, sont à la base de son travail d'auteur. Hervé Éveillard est en effet de ceux qui écoutent pour écrire. Et il écoute en particulier la parole de cette zone du monde qui l'attire depuis son enfance. Car c'est d'une façon bien impromptue que l'homme a découvert l'archipel : "Tout petit, je collectionnais les timbres, et c'est grâce à eux que j'ai découvert les Comores, que je prononçais "Comorès" d'ailleurs", se souvient-il, amusé. Il lui faudra toutefois patienter quelques années avant d'y poser les pieds. Il est alors étudiant. En 1996, âgé de 27 ans et chargé d'études dans un laboratoire universitaire de sciences sociales, il touche une petite somme d'argent qui lui permet de partir à la découverte de Moroni. Mayotte, il la découvrira bien plus en détail dès l'année suivante, en 1997, pour rédiger le premier guide du Petit Futé. Il y reste un mois. Il le confie : "Mon sentiment avait alors été assez mitigé. Par rapport à La Réunion, qui est une île très métissée, j'avais trouvé Mayotte très cloisonnée avec les wazungus d'un côté, et les Mahorais de l'autre. J'étais hébergé chez des instituteurs qui ne se mêlaient pas du
tout à la population et je ne voyais pas du tout de couple mixte dans les rues. En revanche, lors de mon retour 10 ans plus tard, ce métissage s'était mis en route." Car cette première venue n'est que le préalable d'une installation future. En 2006 en effet, le baroudeur qui pige pour des guides touristiques décide de s'installer à Mayotte. Son objectif, puisqu'il est entre temps devenu mari et père : se stabiliser en passant le concours d'instituteur à Mayotte. Ça, mais aussi "une sensation de frustration. Je voyageais beaucoup, mais pour des périodes de trois semaines, alors que des endroits méritent qu'on y reste des mois et des mois. J'ai donc voulu me fixer dans un de ces endroits. C'est Mayotte qui s'est imposée. Je n'aurais jamais passé un concours en Martinique, en métropole ou ailleurs. Soit j'étais instituteur à Mayotte, soit je ne le devenais pas."
ÉCRIRE MAYOTTE Là, il peut laisser s'exprimer une seconde casquette, l'écriture. "Quand on est instituteur, on a beaucoup de vacances !", s'amuse-t-il en poursuivant : "Mais avant que nos salaires soient indexés, nous ne gagnions pas assez pour partir en voyage à chaque fois. Je me suis donc intéressé à l'histoire de Mayotte et de l'archipel, j'ai beaucoup lu sur ce sujet, et je me suis rendu compte qu'elle était très riche. Il y avait des pirates, les Hollandais, Vasco de Gama est passé par là aussi, Andriantsouly, Bob Denard, etc. Énormément d'épisodes." Or, il n'existe pas encore de livre regroupant toute cette histoire,
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seulement plusieurs ouvrages traitant tour à tour de Nosy Be, de Mayotte, de Zanzibar, de Madagascar, des Comores, etc. Son projet d'ouvrage naît. "J'avais déjà écrit des romans qui n'étaient pas parus. Là, je me suis mis à écrire naturellement et un éditeur l'a accepté." Ce livre – L'histoire des îles des Comores – a aussi vocation, selon l'auteur, à "casser l'histoire officiel. Mayotte est un endroit stratégique pour la France et la françafrique, et ces choses n'étaient pas toujours dites." C'est un succès. Un autre exemple ? "Le portrait d'Andriantsouly, qui n'est pas dressé de manière très favorable. En tant qu'homme, il était peut-être alcoolique, mais il était aussi un grand guerrier ! Et le seul portrait qu'on a de lui n'est pas du tout valorisant : même sa chemise n'est pas boutonnée. C'est une volonté de le décrédibiliser." À sa sortie, les retours sont positifs. Le livre dresse un inventaire objectif de l'histoire de la zone, de Mayotte, ses sorodas et des serrésla-main, etc., mais fait œuvre d'utilité historique. "Beaucoup de lecteurs m'ont dit merci, certains m'ont dit qu'ils l'attendaient, ce livre. Il met Mayotte en avant
car si Anjouan a dominé les quatre îles longtemps, c'est désormais Mayotte qui est en avance. Il fallait le dire." Son second ouvrage, Nawal, qui vient de paraître (voir encadré), traite toujours de l'île, avec un fait divers réel s'étant déroulé en pleine période de rivalités entre les sorodas et les serrés-la-main. "J'ai eu envie de le décrire, et de le faire en pièce de théâtre car chaque mot est pesé. Pour le raconter, c'était le plus adapté." Quant au troisième livre ? Déjà en route, toujours basé sur des évènements locaux, mais plus contemporains cette fois puisqu'il couvre la période de 2006 à 2017 : "L'affaire Roukia, celle de la tête de cochon jetée devant une mosquée, etc." Son objectif désormais ? Faire connaître ses écrits au niveau national, "ne plus seulement être un auteur local." Mais il le rappelle, même s'il a désormais quitté l'île : "La source de bonheur, cela reste Mayotte. C'est pour ça que je n'écris que sur cette île, cela me parait naturel. Les personnages sont là, les enjeux aussi, le contexte international également, etc. Il y a beaucoup plus de choses intéressantes à raconter ici qu'à La Réunion, par exemple. Ici, ce que l'on écrit vient des tripes." n
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MAYOTTE ET MOI
HERVÉ ÉVEILLARD
MON ENDROIT FAVORI
Sazilé et ses patates de coraux, dont une patate avec un tunnel sous-marin. J'y ai fait de nombreux bivouacs, et en vivant à Moutsamoudou, j'ai pu y aller plusieurs fois en aller-retour dans la journée, quand il y avait encore la case et la petite mosquée. C'est un endroit magique.
MON MEILLEUR SOUVENIR À MAYOTTE De voir mes deux filles descendre à -10m en apnée à Sakouli. En partant de la plage en canoé, j'avais fait un nœud tous les mètres, sur la corde qui attachait l'ancre, il y avait donc 10 nœuds. La veille on avait regardé le film Le Grand Bleu, et j'ai vu mes enfants se préparer comme Enzo dans le film pour plonger jusqu'à l'ancre, c'est un souvenir extraordinaire de voir ses enfants descendre en apnée, de faire le signe "ok, tout va bien" et de remonter en faisant des bulles. C'est mon meilleur souvenir de papa, et comme c'est dans l'eau transparente du lagon avec le soleil de l'océan Indien, c'est encore une fois magique. L’ascension du mont Choungui de nuit pour arriver aux levers des couleurs au sommet, là aussi c'est quelque chose de très fort émotionnellement et la beauté de l'île et de sa nature sont éclatantes. On reste humble en tant qu'humain face la nature.
MA PHOTO MARQUANTE Le seul portrait qui existe d'Andriantsouly. Il résume la nécessité d'écrire l'histoire de Mayotte car le portrait dressé n'est pas vraiment favorable au sultan, alors que malgré ses travers d'homme, il demeurerait quand même un grand guerrier. Regardez, même sa chemise est mal boutonnée.
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MON ŒUVRE PRÉFÉRÉE : Si on exclut la musique et que l'on reste sur le pôle littéraire, actuellement l’œuvre qui m'inspire le plus, en dehors des tragédies grecques, est l’œuvre de Wajdi Mouawad. J'aime beaucoup sa façon de raconter des histoires, de plus l'homme est metteur en scène et directeur de théâtre, d’où mon respect pour son travail. Nawal est aussi le prénom de son héroïne dans Incendies, et ce film est à l'origine de mon envie d'écrire Nawal.
MA BONNE IDÉE POUR MAYOTTE Continuer à avancer pour construire un pôle d'excellence et d'accueil dans cette partie de l'océan Indien. Mayotte est une place stratégique, c'est une chance à saisir actuellement, il faut du courage. C'est l'objet de la dernière partie de mon premier livre, j'y ai mis toutes mes convictions sur l'avenir de Mayotte dans cette zone du canal du Mozambique. J'y crois encore, il suffit qu'une femme ou un homme honnête et compétent(e) s'y attèle pour faire de Mayotte une île intéressante pour les générations futures.
Nawal, son dernier livre Pièce de théâtre, Nawal se définit comme "valeur documentaire". L'histoire amène le lecteur dans la quête de Nawal, avocate et mère de famille qui, pour honorer la volonté de sa défunte mère, se lance à la recherche de l'homme qui l'a violé quelques années plus tôt, dans un contexte marqué par la scission houleuse entre les Comores et Mayotte. Nawal, Hervé Éveillard, édition L'Harmattan, 2019, 12€.
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LE DOSSIER
Chicoa
UN POUR TOUS, ET TOUS POUR UN ! 12•
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Si vous vivez à Mayotte, alors vous avez forcément entendu parler de chicoa. Et sans doute même l'avezvous pratiqué. Et si ce n'est pas le cas, alors vous l'avez au moins vu. Si, si, on vous l'assure, le chicoa est présent partout. Ne vous-êtes-vous jamais demandés, par exemple, pourquoi des maisons restaient inachevées de longs mois, avant de voir leur construction reprendre soudainement, puis s'arrêter à nous pour reprendre encore plus tard ? Et bien la raison, c'est souvent le chicoa. Ce dernier, c'est une pratique de tontine locale : dans un groupe donné, chacun verse une somme d'argent, chaque semaine ou chaque mois, et chaque participant encaisse tour à tour la totalité de la somme récoltée. Une sorte de banque solidaire à taux 0, permettant, au choix, de parer à l'imprévu ou de financer des projets. Le chicoa, une des bases de la vie mahoraise. Dossier.
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LE DOSSIER
Raïnat Aliloiffa
ECONOMIE
LE CHICOA N’AURA PLUS AUCUN SECRET POUR VOUS
ON A TOUS ENTENDU PARLER DU CHICOA. CE SYSTÈME D’ÉCONOMIE EST TRÈS PRATIQUÉ À MAYOTTE ET DANS L’ARCHIPEL DES COMORES. CEPENDANT, SA RÉGLEMENTATION RESTE FLOUE PUISQU’IL N’EST RÉGI PAR AUCUN TEXTE ÉCRIT. IL EST MALGRÉ TOUT TRÈS PRÉSENT DANS NOS COUTUMES ET SEMBLE PORTER SES FRUITS. MAIS ALORS QU’ESTCE QUE RÉELLEMENT LE CHICOA ? POURQUOI A-T-IL SA PLACE DANS NOTRE SOCIÉTÉ ? RÉPONSES.
Le chicoa. Si vous connaissez ne serait-ce qu’un peu Mayotte, vous avez sûrement entendu parler de ce système financier particulier à Mayotte et aux Comores, même s’il s’apparente à la tontine africaine. Le
chicoa est un contrat verbal entre plusieurs personnes, basé sur l’argent. Le nombre de participants n’est pas défini puisqu’il n’existe pas de règles écrites ni de lois stipulant les conditions de ce système. Le minimum est de
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deux, mais le groupe de participants peut être composé de dix personnes et même parfois plus. Ce système économique permet à chaque contractant de recevoir une certaine somme en une seule fois. Alors, comment cela fonctionne-t-il ? Très simplement. Les transactions se font exclusivement en espèces. Un pot commun est crée. Chaque membre du chicoa doit verser une somme fixée à l’avance par tous les concernés, à un rythme décidé également au préalable. À tour de rôle, chacun récupère tout l’argent récolté en une seule fois. Dès le départ les participants s’accordent pour établir un ordre de passage. Une fois que tous les membres du groupe ont reçu leur part, le tour est fini. Le chicoa peut alors recommencer ou prendre fin définitivement. Généralement la dernière personne à voir pris l’argent devient première sur la liste au prochain tour. "C’est le seul avantage d’être dernier sur la liste", atteste Sitti, une adepte des chicoa : "On reçoit deux grosses sommes d’argent à la suite. Mais c’est un risque à prendre puisqu’on n’a aucune garantie que tous ceux qui ont déjà pris leur part continueront à payer."
UN SYSTÈME BASÉ SUR LA CONFIANCE La particularité du chicoa est qu’il est uniquement basé sur la confiance. Pour entrer dans un groupe, il faut connaître au moins une personne déjà membre et avoir entièrement sa confiance. C’est la seule garantie. La personne est censée tout de même connaître, plus ou moins, la situation économique de celui ou celle qu’elle fait entrer dans le groupe. Si cette personne travaille, si elle a un salaire qui lui permettra de payer, ou s’il s’agit d’une personne honnête. Tous ceux qui font un chicoa ne travaillent pas forcément. Mais ils doivent prouver qu’ils sont en capacité de cotiser d’une manière ou d’une autre. "À Mayotte nous vivons dans une société où de nombreux accords se font verbalement. Le contrat écrit est assez récent dans nos coutumes. Et si on l’imposait dans les chicoa beaucoup se sentiraient offensés j’en suis sûre", pense Sitti. Pour être celui ou celle à l’origine du chicoa, il est nécessaire d’avoir une situation financière irréprochable aux yeux de tous. Une personne ayant des difficultés économiques aura beaucoup de mal à convaincre les autres d’intégrer son groupe. D’où la nécessité d’être adulte et indépendant financièrement. Les enfants ne sont pas autorisés à faire des chicoa, même s’il arrive que certains le fassent (souvent en cachette) en utilisant l’argent dédié à leur goûter. Quant au rythme auxquels se font les chicoa, il est très différent selon le groupe et ses besoins. Les personnes membre peuvent cotiser tous les jours, toutes les semaines ou tous les mois. Tout dépend de l’utilité de l’argent. Les chicoa par jour ou par semaine sont généralement utilisés pour les petits besoins du quotidien comme les courses, une sortie, un dépannage etc. Les
sommes versées sont également moins conséquentes. Les participants peuvent verser 5 ou 10€ jusqu’à, en moyenne, 50€. Les chicoa mensuels concernent très souvent de plus grosses sommes. L’objectif est d’atteindre quelques milliers d’euros pour financer un gros projet comme un mariage, un voyage, l’achat d’une voiture ou même investir dans sa propre entreprise.
UNE PRATIQUE INDISPENSABLE Les femmes excellent dans l’art de faire des chicoa. Beaucoup de commerçantes financent d'ailleurs leurs voyages à Dubaï ou en Chine de cette manière. "Quand je pars à Dubaï pour faire mes achats, j’utilise l’argent du chicoa. Cela me permet de payer les billets d’avion, l’hôtel etc. Si je me suis inscrite dans un chicoa c’est d’ailleurs uniquement pour cela. Autrement ça aurait été plus compliqué", témoigne Echat, commerçante. Les mères qui marient leurs enfants s’engagent également dans des chicoa à l’avance, afin de recevoir à leur tour la somme qui leur est due au moment du mariage. Ironie du sort, le chicoa demande une certaine stabilité financière, pourtant il est devenu quasiment indispensable pour certaines femmes qui ne travaillent pas ou qui n’ont pas de travail régulier. Si le chicoa est informel, il s’agit d’un système économique solidaire très important à Mayotte et dans l’archipel des Comores. Sa place dans notre société est liée à la religion musulmane. L’islam interdit strictement à ses croyants de faire usage des intérêts obtenus grâce à de l’argent placé, ou d’en tirer profit. Autrement dit, les intérêts bancaires sont considérés comme "haram" (illicites). Les musulmans ne sont donc pas censés épargner dans les banques. L’avantage du chicoa est qu’il ne génère pas d’intérêts. Les membres récoltent exactement la somme qu’ils ont cotisée pendant la période donnée.
ET QUAND ÇA TOURNE MAL ? Les bons comptes font les bons amis. Cet adage est encore plus vrai dans ce système d’économie solidaire particulier. Il est courant d’entendre parler de chicoa qui tournent mal. Des amitiés se brisent, des membres d’une même famille se disputent à cause de cela. Il est récurrent qu’en cours de route, un membre du groupe ne paye pas pour diverses raisons, et il s’agit souvent de ceux qui ont pris leur part. "Malheureusement quand ça arrive on ne peut même pas aller porter plainte parce qu’il n’y aucune preuve qu’on avait passé un accord avec telle personne. Alors soit on lui fait la guerre, soit en s’en remet à Dieu", indique Sitti, la grande adepte du chicoa. Il est également recommandé de faire un chicoa avec peu de personnes, car plus il y a de monde, plus les risques de non-paiement et de problèmes est grand. L’argent n’a pas d’odeur, dit-on. Pour le chicoa c’est encore plus vrai. n
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LE DOSSIER
Ichirac Mahafidhou
CHICOA
UNE QUESTION DE CONFIANCE, DE RÉPUTATION… ET DE CROYANCE LE CHICOWA, CE PRÊT À TAUX ZÉRO PRATIQUÉ ENTRE PARTICULIERS S’ORGANISE EN MAJEURE PARTIE ENTRE PERSONNES D’UN MÊME ENTOURAGE. UNE FAÇON DE S’ASSURER QUE L’ARGENT REVIENDRA À SON BÉNÉFICIAIRE. MAIS DANS CE SYSTÈME ENTIÈREMENT BASÉ SUR LA CONFIANCE, TOUT NE SE PASSE PAS TOUJOURS COMME PRÉVU… LE NONRESPECT DE CERTAINS ENGAGEMENTS FAIT DES VICTIMES COLLATÉRALES QUI, BIEN SOUVENT, S’EN REMETTENT AU CIEL - Il y a un chicoa de 500 euros qui commence ce mois-ci avec les collègues. Nous sommes 8 pour le moment. Nous comptons nous arrêter à 10. Ça te dit ? - 5 000 euros : c’est une belle somme. J’en suis ! Zéro rendez-vous, zéro attente dans les bureaux de banque, zéro paperasse à lire et à signer… une simple phrase peut suffire pour boucler le dossier. "Intégrer un chicoa n’a jamais été aussi facile pour ceux qui le font", assure Fatima, fonctionnaire et grande adepte de cette pratique. "Parce que généralement, les personnes d’un même groupe de chicoa se connaissent et se côtoient. Quand une personne entre, elle ne sort jamais de nulle part. Qui est assez fou pour donner des sous à un inconnu en espérant le récupérer ?" Il est effectivement plus simple de confier son argent à un proche ou une bonne connaissance, qui plus est, dont la situation professionnelle et la capacité d’honorer l’engagement sont connues. Dans la plupart des cas, le chicoa est organisé entre membres d’une même famille, entre commerçants ou entre collègues de travail. De cette manière, le responsable du groupe chargé de réunir la somme et de la transmettre au bénéficiaire
a plus aisément accès aux contributions financières des uns et des autres. "J’ai été responsable d’un groupe pour avoir été à l’initiative d’un chicoa au boulot. Comme nous recevions tous notre salaire au même moment, je n’avais aucune difficulté à regrouper l’argent. Le bénéficiaire du mois avait son chicoa complet dans les deux jours qui suivaient la paye. C’était très intéressant", se souvient Bacar, chef de rayon dans une enseigne de grande distribution.
"QUAND UNE PERSONNE ENTRE DANS UN CHICOA, ELLE NE SORT JAMAIS DE NULLE PART" Elle aussi cheffe d’un groupe de chicoa, Chafia, vendeuse de prêt-à-porter au marché de Mamoudzou dévoile un raisonnement encore plus infaillible de la part de ses homologues commerçants. "Dans notre groupe, chacun consacrait ses premiers bénéfices au chicoa. Il s’assurait ainsi de pouvoir donner sa part en temps et en heure." Les différents groupes de chicoa, d’où qu’ils viennent semblent partager un point commun : le souci de faire du remboursement une priorité dans la gestion de son budget.
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UN MODÈLE ÉCONOMIQUE POSSIBLE ? Dans un entretien accordé à Mayotte Hebdo (n°862) deux ans après la mise en place de la Chambre régionale d'économie sociale est solidaire (Cress), son directeur, Ben Amar Zeghadi, faisait le constat que le territoire rentrait pleinement dans ce modèle économique. Il citait ainsi, notamment, la pratique du chicoa : "De manière séculaire et par nécessité, les Mahorais ont développé ici des modes d'échanges très liés à l'économie sociale et solidaire (ESS). Dès lors qu'on est sur une île, on est obligés d'être dans des logiques de partage, de co-construction et de codécision, si on veut tous se nourrir et vivre en société. La musada ou le chicoa, comme ce que l'on appelait "sosoti" dans les années 1950 – par exemple des gens de Sada qui mettent en commun des moyens financiers pour acheter des terrains à Tsararano, les exploitent et en partagent les bénéfices de manière équitable – en sont des résidus. Le terreau est donc propice à l'ESS, car on a un contexte géographique insulaire, une tradition développée autour de cette insularité, et la nécessité de passer par ce développement, car on ne pourra pas construire des ponts physiques entre nous et le continent européen. Nous sommes donc obligés de travailler sur la manière de co-construire les choses, de les gouverner démocratiquement, et sur leur partage équitable." Dès lors, on peut se le demander : le chicoa peut-il être un support de l'économie, en particulier lorsqu'il s'agit de créer un projet et de fournir un apport ? Alexandre Moreau est responsable de Fanya Lab, accélérateur de l'ESS et de l'innovation sociale. Le rôle du dispositif ? Accompagner les porteurs de projet dans leur création ou consolidation d'entreprise. Difficile de dire si le chicoa permet de réunir des fonds de financement pour eux – "On ne l'a pas constaté car notre rôle n'est pas celui de financeur, mais il doit y en avoir dans le lot qui y ont eu recours, oui" –, mais la pratique revient et souvent. "Le chicoa, on le connait bien et on parle beaucoup", reconnaît-il en citant un exemple : "En novembre dernier, nous avons organisé une matinale pour les porteurs de projets que l'on suit. Et ce système est venu sur la table de la part des porteurs. Ils ont lancé l'idée d'essayer de structurer le chicoa pour que les entrepreneurs puissent en bénéficier. Ce n'est pour le moment qu'une idée qu'ils ont proposée, mais elle montre bien que c'est un élément qui peut être important pour eux dans leurs projets."
Il en va de sa réputation, selon Bacar. "Si tu veux être digne de confiance, il faut le prouver, sinon tu ne t’engages pas. Dans un chicoa, les gens partent de ce principe et le respectent. J’ai entendu l’histoire d’une personne qui a pris son chicoa et qui n’a pas donné sa part au dernier du tour. Il s’est fait allumer dans le village et dans son entourage. Même s’il a fini par rembourser, son image a été salie." Il n’existe donc aucune certitude, lorsqu’on s’engage dans un chicoa, d’obtenir en retour de son investissement l’intégralité de la somme due. Toutefois, globalement, les Mahorais semblent suffisamment tenir à leur honneur
ALI, 26 ANS, COMMERCIAL
Après un accident de voiture, je me suis retrouvé comme pris au piège, car mon prêt en cours ne me permettait pas d’en acheter une autre. Mais comme il m’est indispensable d’avoir un moyen de déplacement, j’ai décidé d’entrer dans un chicoa. J’ai été chanceux d’être le deuxième du tour, car ça m’a permis de rétablir ma situation très rapidement.
ANTUYA, 36 ANS, ENSEIGNANTE
Le chicoa m’a bien aidé dans mon projet de construction. Dans notre groupe nous avons fait deux tours, avec 8 000 euros pour chaque membre. Et comme j’étais la dernière à prendre, la coutume veut que le dernier devienne le premier lorsqu’on lance un nouveau tour. Alors j’ai bénéficié de 16 000 euros en deux mois. Le premier mois, l’argent m’a permis de poser les carreaux et de peindre la maison. Le mois suivant, il m’a servi à faire les travaux de finition : des petites retouches, de la plomberie et l’achat de mobiliers complémentaires. Sans le chicoa, j’aurais quand même fini mes travaux, mais ça aurait pris beaucoup plus de temps.
MADI, 45 ANS, JARDINIER
C’est dur de cotiser 600 euros par mois en attendant son tour… mais c’est un soulagement quand il arrive. Quand vous êtes neuf dans le groupe, ça fait une grosse somme à l’arrivée. Maintenant, j’ai une moto pour aller travailler, alors qu’avant, je dépendais de la volonté des collègues, qui me voyaient ou faisaient semblant de ne pas me voir sur la route quand je faisais du stop. Nous avons également pu mettre de l’argent de côté en prévision de quelques travaux dans notre maison. Enfin, nous avons fait plaisir aux enfants en leur achetant un vélo. Ils sont tout le temps dessus, mais dommage qu’ils ne peuvent pas s’en servir pour aller à l’école.
pour respecter cet engagement. Souvent, la religion se mêle également aux intentions des membres d’un chicoa. Musulmans croyants et pratiquants, ils peuvent craindre que la situation se retourne contre eux. "Certaines personnes, lorsqu’elles se sentent trompées ou trahies, font des prières pour demander justice", indique le foundi Nordine, maitre coranique. "Les Mahorais croient en ce retour de bâton divin et s’épargneraient bien d’un malheur pour ne pas avoir rempli leur obligation". n
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LE DOSSIER
SP
CHICOA
L'HISTOIRE MÉCONNUE IL EST INTERGÉNÉRATIONNEL. IL FÉDÈRE LES MEMBRES D'UNE COMMUNAUTÉ OU D'UN QUARTIER. ET PUIS SURTOUT, IL SE PRATIQUE À MAYOTTE DEPUIS TOUJOURS, DU MOINS C'EST L'IMPRESSION QUE DONNE PARFOIS LE CHICOA. MAIS D'OÙ VIENT-IL ? QUAND LA PRATIQUE A-T-ELLE GAGNÉ LE TERRITOIRE ? POUR QUOI ET POUR QUI ? FINALEMENT, DIFFICILE À DIRE. Au 17ème siècle, le code civil français autorise ce qu'il appelle le "pacte tontinier". Pour finalement devenir une clause figurant, aujourd'hui encore, dans l’acte d’achat d'un bien immobilier par plusieurs acquéreurs. En cas de décès de l'un des propriétaires, elle permet ainsi au survivant de devenir de plein droit le seul propriétaire du bien, qui ne figure donc pas dans la succession du défunt. Un système hérité de la tontine, du nom de Lorenzo Tonti, banquier napolitain qui proposa un premier dispositif du genre – assimilable à une rente viagère à l'échelle de l'État – au cardinal Mazarin. Si cette histoire est ancienne, elle est, surtout, bien étrangère à Mayotte et aux autres îles de l'archipel, "où la solidarité est au fondement même de la société", selon les mots du chercheur et linguiste mahorais Mlaïli Condro, et où le chicoa, forme de tontine locale, est monnaie courante. Pourtant, de mémoires des spécialistes interrogés, son origine sur le territoire est impossible à retracer et pour cause : les écrits manquent, les témoignages aussi, bien plus en tous cas que dans certaines régions d'Afrique, où la naissance de la tontine est estimée aux années 50 et dont le fonctionnement se rapproche bien davantage du système mahorais. Pour Mlaïli Condro, particulièrement passionné par les rites et traditions de son île, les premiers chicoa seraient, quoi qu'il en soit, postérieurs à la pratique du choungou, sorte de dette sociale entre les membres d'une même génération. Haladi Madi, employé à la direction culturel du conseil départemental et lui-même membre d'un chicoa, estime à son tour que la pratique serait née "à l'époque où les Mahorais vivaient de l'agriculture" afin de financer, notamment, les manzaraka ou la célébration des circoncisions. Des points d'étape dans la
vie sociale et communautaire, subventionnés par la communauté elle-même. Un point de vue partagé par Mlaïli Condro qui rappelle qu'à l'heure des récoltes, il n'était pas rare de voir des paysans s'entraider mutuellement puis s'offrir tour à tour les denrées cultivées en gage de reconnaissance. "Est-ce que cela ne prédisposait pas déjà les gens à l'entraide ?", interroge le linguiste. "Jamais personne ne s'est posé la question de l'origine du chicoa, et ceux qui auraient pu le savoir nous ont quitté il y a bien longtemps", regrette Haladi Madi, qui mène régulièrement des travaux d'études sur la toponymie mahoraise. Justement, "Nous ne savons même pas si ce mot a des origines bantoues !" Mais pour Mlaïli Condro, le rite serait logiquement lié "à la structuration du système monétaire et des échanges financiers", afin de palier au prêt bancaire et à son inaccessibilité pour une grande partie de la population. De nos jours, et ce depuis une poignée de décennies, ce système servirait davantage à financer les travaux de constructions d'un nouveau foyer familial, jugent les deux spécialistes. "J'ai pris conscience de l'ampleur de ce phénomène dans les années 80 ou 90", sourit doucement Mlaïli Condro. "Il y a eu une période où beaucoup de femmes se déclaraient mère célibataire et partaient vivre en métropole ou à La Réunion pour prétendre à la solidarité nationale. Puis elles renvoyaient l'argent au pays pour se payer des projets de construction". Finalement, la solidarité communautaire aurait pris le pas sur celle due par l'État. "Il faut dire que c'est beaucoup plus rapide !", s'amuse encore le chercheur mahorais, qui insiste toutefois sur le fait que le chicoa demeure un contrat de confiance, voué plus à financer des projets déterminés qui profitent souvent à toute une famille, plutôt qu'à améliorer sa condition personnelle. n
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Selon le chercheur mahorais Mlaïli Condro, les premiers chicoa servaient notamment à financer les manzaraka.
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Sunnita Oumar
ENVIRONNEMENT
QUAND LE BIODÉGRADABLE DÉBARQUE À MAYOTTE DEPUIS LE 1ER JANVIER 2020 LE PLASTIQUE À USAGE UNIQUE COMME LA VAISSELLE OU ENCORE LES COTONS-TIGES EST INTERDIT À LA VENTE, COMME LE MENTIONNE L’ARTICLE L541-10-5 DU CODE DE L’ENVIRONNEMENT. CE QUI POUSSE LES RESTAURATEURS À CHANGER LEURS HABITUDES. MAIS QUELLES SOLUTIONS S’OFFRENT AUX PROFESSIONNELS DE LA RESTAURATION À MAYOTTE ? QUELLES SONT LES ALTERNATIVES QUI SE PRÉSENTENT À EUX ? ET QUELLES SERONT LES IMPACTS DE CETTE LOI SUR L'ENVIRONNEMENT MAHORAIS ?
Certains restaurateurs ont pris les devants. Les devants de quoi ? De l’article L541-105 du code de l’environnement, interdisant l'usage du plastique à usage unique. Parmi eux, le snack le Bon Coin, en avance sur son temps et qui propose des emballages et de la vaisselle biodégradables : "le biodégradable fut avant tout un engagement profond pour le développement durable", explique Marine Randriancsalama, co-gérante- et co-
fondatrice de l'établissement. Un choix qui a fait leur signature auprès des clients. "Nous sommes de jeunes entrepreneuses âgées de 23 à 25 ans. Avec ma petite sœur, Yolande, il nous a donc semblé important de changer les mentalités et de montrer qu’il y avait une véritable alternative, plus durable que le plastique", reprend-elle. Leur engagement est tel que les portes de leur restaurant restent fermées lorsque le stock d’emballages recyclables atteint ses limites :
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"Nous préférons fermer plutôt que de servir les clients dans des emballages en plastique." C'est ce qu'on appelle avoir des convictions, non ? Et ce n'est pas tout : les deux sœurs ont envie de profiter de leur notoriété pour sensibiliser : "Nous sommes énormément suivies sur les réseaux sociaux". Objectif : sensibiliser les autres restaurateurs aux bienfaits des matériaux biodégradables et éco-responsables. "Nous avons déjà commencé à sensibiliser les lycéens. Ce sont eux le futur de Mayotte, on leurs demande de réutiliser leurs sacs en plastique", poursuit Marine. Si certains restaurateurs se prêtent au jeu, d'autres en revanche ne comptent pas délaisser le plastique aussi vite, car ce dernier est jugé plus rentable. "C’est moins cher et plus adapté à certains produits. Je ne vais quand même pas mettre de la sauce dans du carton", se défend par exemple un restaurateur de Sada.
PRÉSERVER L'ENVIRONNEMENT À MAYOTTE : UN DÉFI Cette réforme, Manuella Grimault, coordinatrice de Mayotte Nature Environnement l'estime en tout cas particulièrement importante. Elle l'explique : "les plastiques à usage unique sont un fléau à Mayotte. La gestion des déchets étant aléatoire sur l’île, ils se retrouvent sur les routes." Et en période de fortes pluies, ils sont ensuite acheminés directement sur les plages et dans le lagon mahorais.
"Ces déchets sont malheureusement responsables de la mort de nombreux poissons et de reptiles marins", déplore la responsable. Mais cette interdiction changera-t-elle la donne ? Pour la coordinatrice du réseau EEDD (Education à l’Environnement vers un Développement Durable), une autre problématique va demeurer : malgré l’interdiction des sacs en plastique à usage unique dans les commerces et hors-caisse, déjà entrée en vigueur en 2017, ceux-ci demeurent présents au bord de nos routes. "Il y a de grande chance que cela soit pareil pour les emballages concernés par cette loi. C’est donc à la douane de prendre la responsabilité d’interdire cela, puisque les sacs plastiques à usage unique qui circulent illégalement sur les routes de Mayotte ne transitent que par-là."
UN BUSINESS EN EXPANSION Dans tous les cas, la loi EGalim pousse les établissements de restauration rapide à changer leurs habitudes, les grandes chaînes de magasins disposent d'un délai de six mois pour écouler les stocks de produits frappés par l’interdiction. De quoi encourager certains à se lancer sur ce nouveau marché. Ainsi, "cela va certainement propulser ma petite entreprise vers son ascension, d’ailleurs je suis en plein dedans en ce moment même", jubile Nasser Moussa, fondateur de Maestro, une entreprise qui
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propose des produits éco-responsables. Papier, bois, aluminium, carton, papier kraft sont les principaux composants d’emballages alimentaires proposé par l’entreprise. "Et plus tard je proposerai des emballages à base de bagasse de canne à sucre, de palmier de cocotier, de bambou mais aussi le des emballages fait à partir d’un dérivé de maïs", assure-t-il. Chaque produit répond à une utilisation spécifique : "l’idée est d’avoir le bon emballage pour la bonne utilisation. Une boîte utilisée pour les repas chauds ne sera pas la même que celle utilisée pour les repas froids", illustre-t-il. Ancien chargé de projet dans une entreprise de communication pour le développement du tri sélectif sur le territoire, sa mission était de "sensibiliser les personnes afin d’accroitre la quantité de tri dans chaque commune." Le trentenaire se lance donc dans un pari fou : une année seulement pour mettre sur pied son projet : "j’ai pris un an pour me former, préparer le projet, et puis j’ai lancé Maestro fin 2018. Moi qui ai beaucoup voyagé, surtout en Asie, j’ai pu y voir d’autres démarches éco-responsables. Personne d’autre ne propose cette alternative à Mayotte." Pour l'heure, Maestro accompagne
les entreprises de restauration qui souhaitent se lancer dans un projet tout en véhiculant une bonne image, axée sur le développement durable. "Le mahorais commence à se rendre compte de l’importance de préserver son environnement", estime le jeune entrepreneur de 30 ans, tout en étant conscient que cela n’est pas une évidence pour tous : "il est clair que c’est un peu plus cher que le plastique, mais avec l’inévitable démocratisation de ce genre de produit le prix ne cessera de diminuer." D'ailleurs, de nombreuses entreprises commencent à anticiper et à mettre en place des projets plus biodégradables pour accroitre leur notoriété. "Plusieurs entrepreneurs m’ont contacté pour leurs proposer des produits adéquats pour leur futur projet, comme le bar à salade qui prévoit d’ouvrir à Cavani prochainement et plusieurs snacks dans différentes villes", se réjouit Nasser Moussa. Et c'est sans compter sur les produits et emballages dits biodégradables qui sont de plus en plus présents sur les rayons de grandes surfaces. Mais cet ambitieux jeune entrepreneur ne s'arrête pas là. Il prévoit également, par la suite, de s'attaquer à un autre type de
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l'avenir : "je pourrais penser à mettre en place une unité de production pour pouvoir produire des emballages précis à Mayotte si j’arrive à bien me développer." Enfin, reste la question du recyclage de ces nouveaux produits qui devraient bientôt occuper nos quotidiens. Pour l'association Mayotte Nature Environnement, il ne devrait y avoir de problème sur ce point-là : "le centre de Longoni a été construit afin de répondre au mieux aux besoins de Mayotte". Voilà de quoi convaincre Mayotte que cette nouvelle loi n'est pas à jeter à la poubelle. n
CE QUE DIT LA LOI EGALIM : EXTRAITS - Au plus tard le 1er janvier 2020, il est mis fin à la mise à disposition des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table, pailles, couverts, piques à steak, couvercles à verre jetables, plateaux-repas, pots à glace, saladiers, boîtes et bâtonnets mélangeurs pour boissons en matière plastique, sauf ceux compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées. (…)
clientèle. Il détaille : "J’ai dans l’idée de proposer une offre spéciale pour des manzarakas plus éco-responsable". Une offre qui sera saisonnière et qui proposera de la vaisselle et des emballages biodégradables. "Cela serait une erreur de ne pas s’intéresser au business du manzaraka à Mayotte, ça c’est clair", analyse-t-il. Quant à une éventuelle concurrence avec la grande distribution, il ne se sent pas menacé, la jugeant "indirecte" car ne visant pas sa clientèle de professionnelle directement, mais plutôt les particuliers. Maestro propose aux professionnels, selon lui, des offres plus adaptées et plus lucratives, contrairement à celles proposées dans les grandes surfaces : "mes produits sont ciblés pour un public qui sait exactement ce qu’il veut, contrairement à la grande distribution je peux me permettre une gamme plus large car je veux que mon entreprise soit innovante." À titre d'exemple : la paille. Le chef d'entreprise en propose "en inox, en plastique recyclé, en papier, en bois et en carton", et même comestibles avec… des pailles en bonbon. Si une plage au sable fin dépourvu de tout déchet plastique est une image qui devrait contribuer à booster le tourisme à Mayotte, cette alternative est donc aussi potentiellement génératrice d'économie et créatrice d’emploi : "j’importe mes produits essentiellement d’Europe et d’Asie" confie-t-il, expliquant qu'il ne peut plus se "permettre d’être seul, la demande est beaucoup trop forte depuis quelques mois, embaucher est inévitable." Sans oublier de se projeter dans
- À compter du 1er janvier 2020, la mise sur le marché des bâtonnets ouatés à usage domestique dont la tige est en plastique est interdite. Cette interdiction ne s'applique pas aux dispositifs définis aux articles L. 5211-1 et L. 5221-1 du code de la santé publique. (…) - Au plus tard le 1er janvier 2020, il est mis fin à l'utilisation de bouteilles d'eau plate en plastique dans le cadre des services de restauration collective scolaire. Le présent alinéa n'est pas applicable aux services situés sur des territoires non desservis par un réseau d'eau potable ou lorsqu'une restriction de l'eau destinée à la consommation humaine pour les usages alimentaires est prononcée par le représentant de l'Etat dans le département. Et ce n'est pas finit, puisque la loi en question prévoit une dernière étape en 2025 : - Au plus tard le 1er janvier 2025, il est mis fin à l'utilisation de contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique dans les services de restauration collective des établissements scolaires et universitaires ainsi que des établissements d'accueil des enfants de moins de six ans. Dans les collectivités territoriales de moins de 2 000 habitants, le présent alinéa est applicable au plus tard le 1er janvier 2028.
LITTÉRATURE
Christophe Cosker, "L’Invention de Mayotte", Pamandzi éd. La Route des Indes, 2019.
LISEZ MAYOTTE Chaque semaine, Christophe Cosker, auteur de L'invention de Mayotte, vous propose la quintessence de chacune des trente-six inventions de Mayotte relevées dans l’ouvrage éponyme.
Alexis-Marie Gochet (1835-1910) est un géographe et pédagogue belge qui publie, en 1888, La France coloniale illustrée, titre rallongé à la mode ancienne, de la façon suivante : Tonkin et autres colonies françaises : considérées au point de vue historique. C’est peut-être la situation francophone qui explique l’ouverture du géographe. En effet, le nom français de l’île est presqu’immédiatement complété par deux variantes endogènes de ce mot : Maore (Mahoré et Mouété). Conjuguant histoire et géographie, conformément à la tradition scolaire, Alexis-Marie Gochet considère portugaise la première invention européenne de Mayotte et l’attribue à Diogo Ribero, navigateur sur la vie duquel les renseignements sont incomplets. C’est surtout le mouvement du texte qui retient l’attention du lecteur entre bonne et mauvaise réputation. L’auteur indique la situation initiale de l’île « délaissée » en dépit de sa beauté : « la magnifique rade de Dzaoudzi ». Cette beauté est liée à l’esthétique de l’époque : elle est irrégulière et montagneuse ; elle a également quelque chose de dangereux qui confine au sublime, les « brisants redoutables ». Mais le style géographique empêche l’envolée lyrique et l’émotion laisse place aux faits. Ainsi le texte se termine-t-il sur une invitation au voyage qui réside dans une allusion aux messageries maritimes.
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Christophe Cosker
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LA FRANCE COLONIALE ILLUSTRÉE MAYOTTE, de son nom indigène Mahoré ou Mouété, est l’île la plus orientale du groupe des Comores, que découvrit en 1527 le Portugais Ribero. Longtemps délaissée comme inutile et presque inhabitée, le commandant d’un navire français1 y reconnut, en 1840, la magnifique rade de Dzaoudzi et traita pour l’acquisition de l’île avec le chef sakalave Andrian Souli, expulsé de Madagascar par les Hovas. Louis-Philippe accorda à ce chef une pension de 3 000 francs et fit prendre possession de l’île en 1843. Mayotte a trois cent cinquante kilomètres carrés de superficie ; elle est montueuse, haute de six cent soixante mètres, d’origine volcanique, fertile et très boisée ; elle est entourée d’une ceinture de récifs de corail et de brisants redoutables, et de plusieurs îlots, dont le principal est Pamanzi. La rade de Dzaoudzi, résidence du personnel administratif, est formée par une partie de Pamanzi. L’eau potable y fait défaut. Ces îles sont peuplées de 8 000 habitants, la plupart Arabes africains, ou Sakalaves émigrés de Madagascar, avec deux cents blancs négociants, Arabes ou fonctionnaires européens ; ceux-ci redoutent le climat chaud et malsain de la région. Le commerce s’est élevé de 100 000 francs en 1852, à 2 500 000 francs en 1883. Il se fait surtout avec la France, la Réunion, Nossi-Bé et Madagascar. Il consiste dans l’exportation du sucre, du rhum, de la vanille, et dans l’importation de produits manufacturés. Le transport et le service postal de Mayotte et de Nossi-Bé se font régulièrement, chaque mois par un paquebot de la Réunion. Alexis-Marie Gochet, La France coloniale illustrée : Algérie, Tunisie, Congo, Madagascar, Tonkin et autres colonies françaises : considérées au point de vue historique, Tours, Mame, 1888, p. 253-255. 1
Il s’agit de Pierre Passot à bord de La Prévoyante.
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OFFRES D'EMPLOI OFFRES DE FORMATIONS FICHES MÉTIERS TÉMOIGNAGES CONSEILS
LE CAHIER EMPLOI & FORMATION
LE MÉTIER DE LA SEMAINE PSYCHOMOTRICIEN LE PSYCHOMOTRICIEN MET EN PLACE DES THÉRAPIES À MÉDIATION CORPORELLE VISANT LE RÉTABLISSEMENT DE L'ÉQUILIBRE ET L'HARMONIE AVEC LE CORPS. IL INTERVIENT AUPRÈS DE PERSONNES ATTEINTES DE TROUBLES PSYCHOMOTEURS OU NEUROMOTEURS (PERTURBATIONS DU SCHÉMA CORPOREL, TICS, INHIBITIONS, ETC.) SELON LA PRESCRIPTION MÉDICALE OU LA DEMANDE INDIVIDUELLE. IL PEUT AUSSI RECOURIR À DES MÉDIATIONS THÉRAPEUTIQUES PARTICULIÈRES (MUSICOTHÉRAPIE, ÉQUITHÉRAPIE, ETC.) ET DIRIGER UN CABINET. ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL
- Association - Cabinet médical - Centre de Protection Maternelle et Infantile - Centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelle - Centre médico-psychologique - Établissement médical (hôpital, clinique, etc.) - Établissement pénitentiaire - Établissement scolaire - Résidence de personnes âgées - Société de service d'aide à domicile - Structure d'accueil petite enfance
COMPÉTENCES
- Cerner l'environnement du patient (psychologique, familial), répertorier ses difficultés (état des acquisitions, troubles cognitifs, attention) et l'informer sur la démarche psychomotrice - Procéder aux tests psychomoteurs et analyser les informations recueillies lors de l'évaluation (manifestations cliniques, motivation, etc.) - Concevoir le projet thérapeutique et arrêter les conditions d'intervention, les communiquer au patient ainsi qu'au médecin - Réaliser le bilan de fin de rééducation avec la personne et échanger des informations avec le médecin, l'enseignant, etc. - Renseigner des documents médico-administratifs
ACCÈS AU MÉTIER
Cet emploi/métier est accessible avec le Diplôme d'Etat – DE – de psychomotricien. Des formations complémentaires (personnes physiquement dépendantes, retour et maintien à domicile, perfectionnement clinique et recherche en psychomotricité, etc.) peuvent être requises. Des vaccinations prévues par le Code de Santé Publique sont exigées.
OFFRES D'EMPLOI CHEF DE RAYON DÉCORATION (H/F)
COMMERCIAL/E CHR (H/F)
CHAUFFEUR / CHAUFFEUSE DE BUS
INGÉNIEUR ÉTUDES RÉSEAUX ÉLECTRIQUE F/H (H/F)
CHEF DE SECTEUR BOIS CENTRE BÂTIMENT H/F
SOCIETE CANANGA - 976 - MAMOUDZOU Placé(e) sous la responsabilité du Chef de secteur, vous contribuerez à la satisfaction des clients par votre esprit de service, vos connaissances techniques et vos initiatives
SOCIETE CANANGA - 976 - MAMOUDZOU
Placé(e) sous la responsabilité du Directeur Commercial, vous assurerez le développement des ventes et du portefeuille clients pour atteindre les objectifs fixés
976 - MAYOTTE
Vous transportez des élèves et autres types de clients sur un itinéraire bien déterminé par votre hiérarchie. Vous vous assurez du bon état du véhicule avant et après le service
976 - MAMOUDZOU
VINCI Construction Dom-Tom recherche pour sa filiale SOGEA Mayotte, un Ingénieur Etudes réseaux électrique HTA/BT. Montrer vos capacités à conceptualiser un projet dans son ensemble
976 - MAYOTTE
Vous gérez le secteur bois rattaché au pôle bâtiment de Colas à Mayotte. - Vous managez 2 conducteurs de travaux
* voir site Pôle emploi
PROPOSENT UNE FORMATION AU TITRE D’AGENT DE SURETE ET DE SECURITE PRIVEE A DIEPPE en MÉTROPOLE La formation d’une durée de 3 mois permet de se présenter au Titre d’Agent de sûreté et de sécurité privée (TA2SP). Aucune condition de diplôme n’est requise pour s’inscrire. Il faut néanmoins réussir les épreuves de sélection (évaluation en français et entretien), avoir une bonne forme physique (station debout fréquente), une bonne élocution et la capacité à représenter et faire respecter les lois. Début de la formation : 24 mars 2020 Inscription sur le site Internet de l’IFCASS www.ifcass.fr jusqu’au 17 janvier 2020.
Renseignement : Auprès de l’IFCASS au 02.35.82.67.18 et sur son site Internet www.ifcass.fr Auprès de LADOM au 02.69.61.51.28 et sur son site Internet www.ladom.fr
www.facebook.fr/ifcass
Conditions d’entrée : Être inscrit au Pôle Emploi / Etre âgé au minimum de 18 ans / Avoir un foyer fiscal à Mayotte dont le quotient familial est inférieur à un montant qui vous sera communiqué par LADOM / Ne pas avoir bénéficié d’une autre aide à la mobilité dans l’année / Satisfaire aux épreuves de sélection (évaluation en français et entretien).
MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayotte.hebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Geoffroy Vauthier
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Couverture :
Chicoa : solidarité
Journalistes Romain Guille Solène Peillard Grégoire Mérot Cyril Castelliti Raïnat Aliloiffa Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mouhamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com