Mayotte Hebdo n°916

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LA SOMAPRESSE VOUS SOUHAITE UNE BELLE & HEUREUSE ANNÉE


LE MOT DE LA RÉDACTION

UNE HISTOIRE DE FAMILLE Parfois, on se dit que Mayotte est une grande famille. C'est pas faux : tout le monde ou presque se connait, les liens y sont serrés, et on partage tous les mêmes galères et les mêmes espoirs pour cette île. Et puis, à Mayotte, la notion de famille est particulièrement importante. Les enfants, les parents, mais aussi les grands parents, les oncles et tantes, les ma, les ba. La famille chez nous, c'est vraiment toute une histoire. Et aussi, tout un pan de l'histoire. Car depuis 20 ans, la famille change. Elle évolue. La définition même de famille change, les rôles de la femme, de l'homme, du père et de la mère se modifient, non sans provoquer quelques frictions, voire crises. C'est ce que nous essayons de comprendre dans notre dossier de la semaine. Dans notre rubrique Mayotte et moi, nous retrouverons le musicien et chanteur Démo qui chante les îles, l'archipel, Mayotte, et qui, a sa manière, décrit lui aussi tous ces grands changements. Enfin, nous partirons à la découverte des mangroves, ou plutôt d'une Mayotte qui n'aurait plus de mangrove. Un avenir que l'on espère faire mentir, car sans elles, notre île ne serait pas du tout la même. Bonne lecture à tous.

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COUP D’ŒIL DANS CE QUE J'EN PENSE

Laurent Canavate

Mayotte Hebdo n°492, vendredi 8 octobre 2010.

LE GROS ŒUVRE ET LES FINITIONS Il y a le gros oeuvre et les finitions. Tous les artisans, tous les entrepreneurs du BTP le savent bien. Tous ceux qui ont construit un jour s'en rappellent bien. Ça commence un jour, le terrain est choisi, dégagé, mis à nu. Pour faire l'omelette il faut parfois couper quelques arbres… Les fondations sont alors creusées, bien profondes, assurant au bâtiment sa stabilité pour les décennies à venir. Puis les murs montent, vite, bien droit - normalement - avec les emplacements pour les portes et les fenêtres. On commence à imaginer, on se met à rêver… C'est important, ça maintient la motivation intacte ! À l'image de la départementalisation, on voit bien les grandes lignes, à quoi ressemblera l'édifice. Il faut déjà là beaucoup d'énergie, de travail, d'acharnement parfois, malgré la pluie, les difficultés. Il faut des bâtisseurs pour avoir l'idée générale, puis les plans en tête, avant de les mettre sur la table, de les distribuer aux différents corps de métiers. C'est le gros oeuvre. Il faut du gravier, du ciment, de l'eau. Et beaucoup de travail. C'est du lourd, du structurel. A l'image des fondations du département mises en place ces dernières décennies. On arrive alors jusqu'à la dalle, le toit. Une fois posé, on peut souffler un peu, reconstituer les économies, se préparer pour la suite, à défaut de l'avoir préparée avant… Elle sera effectuée par d'autres, avec d'autres compétences, une énergie renouvelée. Certains peuvent aussi vouloir s'arrêter là, mettre des tôles pour fermer la porte et les fenêtres, et dormir définitivement dans cette maison à moitié finie. Si l'on n'a pas les moyens d'aller plus loin, si on estime que les compétences ne sont pas là. Mais ce serait condamner les enfants à dormir aux quatre vents, sans salle de bains, sans électricité… Alors que pour la départementalisation, les compétences sont là. Les expériences vécues ailleurs peuvent être consultées, les formations sont disponibles, il suffit de demander et de payer… Il suffit de s'intéresser et de s'investir sérieusement, concrètement. Avec l'objectif d'avancer. Aujourd'hui, à Mayotte, avec les élections prévues les dimanches 20 et 27 mars 2011, dans moins de

TOLERIE - PREPAR ATION - PEINTURE

6 mois, on s'apprête à poser la dalle. Une étape importante de la départementalisation sera franchie avec la création formelle du département-région – et oui, en cours de route les institutions de la France ont évolué, et cette fois on aura un train – une charrue – d'avance à Mayotte. Il faudra alors passer à l'étape suivante, aux finitions. Ceux qui connaissent le BTP ou qui ont construit leur maison savent que ça prend parfois autant de temps, et coûte au moins aussi cher. Il ne faut pas croire que le chantier est fini. C'est faux. Au contraire. Mais ce ne sont pas les mêmes compétences qui sont nécessaires. Il faut de la finesse, de la précision. Il faut de plus nombreux corps de métiers, c'est plus complexe. Il faut crépir, lisser les murs, ne pas oublier la plomberie, l'assainissement, encastrer ou pas l'électricité… C'est long, technique. Il y a des étapes à effectuer dans le bon ordre, sinon on est obligé de détruire le travail déjà réalisé et recommencer ensuite. Il faut être rigoureux, attentif aux détails, il n'est plus question de gros oeuvre, avec des erreurs rattrapables ensuite. Le stress arrive parfois, les finances sont chancelantes, l'inquiétude peut gagner les esprits, la lassitude, la longueur du chantier peut donner envie de baisser les bras… Pourtant il faut trouver l'équilibre, continuer à avancer sans mettre en péril le reste. Il faut redonner de l'espoir, du rêve. La départementalisation, la maison sera bientôt finie, habitable, elle est là, à portée de main. Et surtout ça avance. Demain on sera bien dans cette maison… Il y a des moments de plaisir. Il faut choisir le style des portes et des fenêtres, la couleur du carrelage… Et puis demain nos enfants choisiront les meubles, achèteront le salon, la télé, équiperont la chambre des enfants. Les écoles, collèges et lycées seront en nombre suffisants, les routes seront en bon état, l'université sera là. Il faudra aussi s'occuper d'aménager l'extérieur, du jardin. Et un jour peut-être même imaginer une piscine… ailleurs que sur la rue principale de la zone industrielle de Kawéni.

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S LE RÉTRO

Pour tous vos communiqués et informations

Une seule adresse : rédaction@mayottehebdo.com

Sarkozy à Mayotte Le "père de la départementalisation", comme l'ont baptisé ses militants, est en visite à Mayotte. L'accueil est plus que chaleureux. "Jamais Mayotte n’aura connu un rassemblement d’une telle envergure. Du parvis du comité du tourisme rempli de monde, jusque sur les hauteurs du Conseil général, des milliers de mahorais se sont amassés pour suivre le discours du président. 19 000 personnes annoncent la police qui a comptabilisé aux entrées de la zone (…) Au final, c’est une foule monstrueuse, très impressionnante qui se lève pour acclamer l’arrivée du président. Peu au courant des traditions locales, ce dernier est arrivé avec près d’une heure d’avance. "Heureusement", nous confie un responsable de la sécurité, parce que les conditions d’attente sont de plus en plus difficiles pour le public", écrivions-nous. Mayotte Hebdo n°459, mardi 19 janvier 2010.

24h avec les soldats du feu Reportage durant une journée avec les pompiers de Mayotte pour comprendre le quotidien est l'importance des soldats du feu. Extrait : "La journée des sapeurs-pompiers commence à 7h du matin, heure de la relève : la garde montante remplace la garde descendante. Dès leur prise de poste, il faut se mettre à la vérification du matériel. C’est le chef d’agrès, autrement dit le chef du véhicule, qui est responsable de l’équipement, de l’équipage et des victimes lors d’une intervention. Les instruments utilisés la veille sont remplacés. Assignées à chaque véhicule, les équipes font la commande du matériel nécessaire auprès du chef de centre." Mayotte Hebdo n°688, vendredi 23 janvier 2015.

LA PHOTO D'ARCHIVE La MJC de Barakani sort de terre Septembre 2008 : la MJC de Barakani sort de terre. Une bonne chose car cela fait longtemps que les jeunes attendent d'avoir cet équipement. La MJC se situe dans le quartier de Boboka et se veut alors être un équipement moderne. La surface totale de l'édifice avoisine les 400 mètres carrés au sol. Au rez-de-chaussée se situe la grande salle polyvalente d'une capacité de 600 à 700 personnes comportant une scène de 93 m2.

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IL Y A 5 ANS

IL Y A 10 ANS

C'ÉTAIT DANS MH


TCHAKS

LE CHIFFRE

LA PHRASE

L'ACTION Le sud inaugure un conseil de développement Initiative démocratique du côté de la communauté de communes du Sud. L'intercommunalité a en effet installé vendredi dernier un conseil de développement composé de membres de la société civile. Le but est d’apporter de la transparence, mais aussi de la démocratie afin que les différents projets portés par l’intercommunalité soient mieux assimilés par la population. Une démarche à souligner.

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"Nous allons travailler avec les pays limitrophes. [Les] quitter pour l’éducation ne doit plus être une motivation." À l’occasion de sa cérémonie des vœux, le recteur de Mayotte, Gilles Halbout, a dévoilé le nouveau projet académique pour les trois années à venir. Celui-ci se décline en trois axes : sécuriser les apprentissages, accompagner vers la réussite et rayonner avec son territoire. La coopération régionale est aussi au programme, afin de contribuer à fixer les populations de la région sur leur territoire.

C'est le nombre de logements prévus dans la future zone d'activité concertée de Mramadoudou, initiée par la Communauté de communes du sud. D'une superficie de 13 ha, elle sera située dans la partie la plus urbanisée de Chirongui. De "nombreux équipements publics et privés" sont par ailleurs prévus : une gendarmerie, une caserne des pompiers, un pôle administratif, une maison de vie, une crèche, une résidence autonomie, un pôle santé, des aires de loisirs multi sports, et des commerces et services de proximité dont un supermarché. Budget prévisionnel : 47 millions d'euros.

LA PHOTO DE LA SEMAINE Marche contre la délinquance à Passamaïnty Une marche contre la délinquance réunissant une centaine de personnes, s’est tenue dans les rues de Passamaïnty samedi 18. Les manifestants espéraient interpeller les pouvoirs publics en réclamant plus de sécurité dans le village. Les marcheurs ont également voulu interpeller l’ensemble des parents et leur rappeler leur rôle de premier plan dans l’éducation des enfants afin d’endiguer la violence des jeunes.

AÉRIEN

Air Austral tente de poser son 777 à Mayotte

Est-ce pour palier les nombreuses déconvenues que connaissent ses Boeing 787 Dreamliner ? Sans doute. Ce jeudi 23, Air Austral prévoyait en effet un vol de "calibration" de son Boeing 777-300ER entre Mayotte et La Réunion. L'appareil gros porteur est exposé à deux problématiques à Mayotte : "la piste, courte et étroite, ne lui permet pas de faire demi-tour de manière autonome une fois arrivé en bout de piste" et "la poussée et la soufflerie des moteurs au moment du décollage représentaient un risque pour la Mosquée installée à proximité de la piste de Dzaoudzi." Toutefois, la compagnie a "relancé de nouvelles études après la mise en place de ses vols directs Mayotte-Paris, dans le but d’améliorer la robustesse de son exploitation, et de faciliter le traitement des irrégularités exceptionnelles, et ce dans l’intérêt de ses passagers. (…)" En somme, ce vol sans passager permettra de vérifier la faisabilité d'utiliser l'avion pour "effectuer certains vols moyen-courrier de/vers Mayotte. La complexité de l’opération ne permettra toutefois de le faire que de façon exceptionnelle, en cas de panne d'un autre appareil par exemple. Les conditions à réunir resteront strictes."

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LE FLOP LE TOP Le pôle culturel de Chirongui inauguré

Après cinq ans de travaux, le pôle culturel Abaine Madi Dzoudzou de Chirongui a enfin été inauguré, samedi 18. Quelques menus travaux sont encore attendus, tels que l’enrobé du parking et des aménagements extérieurs avant que le public puisse y être accueilli. Ils devraient être finalisés dans le mois pour parfaire ce projet d’un montant de 4, 5 millions d’euros, en partie subventionné (10%) par le Conseil départemental. L’inauguration s’est déroulée en présence de nombreuses personnalités de l’île à l’instar de plusieurs conseillers départementaux, du recteur Gilles Halbout, du secrétaire général de la préfecture, Edgar Pérez ou encore des élus locaux. Le tout, évidement, sous l’égide de la maire de Chirongui, Hanima Ibrahima Jouawou.

Des pétitions qui divisent

L’arrivée pour près d’un mois du cirque Achille Zavatta sur le terre-plein de M’Tsapéré suscite des émotions divergentes sur l’île aux parfums. La présence d’animaux "sauvages" provoque tant l’émerveillement de certains que l’indignation des autres. Deux pétitions en ligne ont ainsi été lancées contre l'utilisation des animaux sauvages par le cirque. À elles deux, elles regroupent 2 000 signatures. Un engagement certes honorable mais qui se heurte, pour beaucoup, aux conditions de vie sur l'île, notamment celle de nombreux enfants et adolescents qui n'auront peut-être pas d'autres occasions de voir de si près des animaux comme ceux-ci. "Il y a les riches blancs avec ce genre de considérations et il y a tous les autres que l’on n’entend pas, qui sont émerveillés de voir pour de vrai ces animaux sûrement pour la première et dernière fois de leur vie. Y a qu’à voir les centaines de gosses qui viennent autour toute la journée, c’est beau !", a ainsi lancé Franck Zavatta, le patron du cirque.

DÉCÈS Le docteur Noël nous a quitté Émotion à Mayotte et dans le monde médical à l'annonce du décès du docteur Noël. Arrivé à Mayotte en 1997, le praticien avait fait de Mayotte son île d’adoption. Très ouvert et amateur de soirées festives, l'homme restera dans la tête de ses nombreux patients et amis comme étant disponible 24/24h. Après avoir lutté durant plusieurs années contre une maladie qui l’avait particulièrement affaibli et contraint de cesser son activité, le médecin généraliste Michel Noël a décidé de revenir sur son île d’adoption "pousser son dernier souffle auprès de siens". Mahorais jusqu’au bout, Michel Noël a été inhumé ai cimetière de la pointe Mahabou.

PROVERBE Bwe waliona mutsana uku kutsolikwala. La pierre que tu as vue dans la journée, tu ne buteras pas dessus le soir.

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MAYOTTE ET MOI

Geoffroy Vauthier

DÉMO

MUSICIEN À CONTRE-COURANT

IL FAIT PARTIE DES CHANTEURS ET MUSICIENS QUI FONT BOUGER MAYOTTE. UN SUCCÈS QUI NE L'EMPÊCHE PAS POUR AUTANT DE DIRE CE QU'IL A À DIRE, MÊME SI C'EST À CONTRE-COURANT DE L'ESPRIT GÉNÉRAL. Son regard sur l'évolution de l'île est dur diront certains. Mais Djounaid Abdourraquib, plus connu sous son nom de scène de Démo, est un artiste. Est-ce ce regard qui inspire sa musique ? Difficile à dire, mais en revanche, on y trouve de "'l'amour et de l'espoir", affirme-t-il. Né à Mtsapéré en 1961, celui qui est encore un jeune homme achève sa scolarité sur son île, au lycée Younoussa Bamana, alors collège, en 1976, "car il n'était pas possible à l'époque d'aller plus loin ici." Puis vient le départ vers Moroni, "comme beaucoup d'autres de ma génération", puis La Réunion pour poursuivre son cursus. Il joue alors déjà de la musique. Une musique à laquelle il est initié "par mon grand frère et mes cousins." Toute une époque, "celle de Papa Jo ! Et puis quand j'ai rencontré Abou Chihabi en 1977, il m'a montré comment faire sonner des notes et des accords. C'est ainsi que j'ai commencé." Son style ? Du folk, mais "du folk de l'océan Indien, inspirée de tous les rythmes du monde. Je fais de la World Music. Et j'ai d'ailleurs commencé avec des rythmes traditionnels d'ici, en tapant sur des tambours. Cela a été le cas jusqu'à ce que je maîtrise la guitare pour créer des mélodies." Deux albums, et quatre participations à des compilations plus tard, sans compter des concerts à Mayotte, aux Seychelles à La Réunion, en métropole, à Anjouan ou encore en Grande Comore, et Démo s'est confortablement installé comme un des artistes qui font connaître Mayotte.

D'accord ou pas, il sera difficile de reprocher à Démo de ne pas assumer ses dires sur une île qui, à l'inverse, a fait du rattachement de Mayotte à la France un combat historique et un but à atteindre. Et d'enfoncer le clou : "Dire que Mayotte est un département français, c'est faux. Regardez, les infrastructures n'y sont pas, le mode de fonctionnement est semblable à celui du système colonial. Tout est décidé depuis Paris. Mayotte est restée une colonie. La législation française n'est pas celle d'un département, même pas celle d'un autre département d'Outre-mer." Autre reproche ? "Le plus grave est que Mayotte dit qu'elle est peuplée de 260 000 personnes. Je pense personnellement qu'il y en a plus. L'île n'est pas prête à être surpeuplée. Les naissances ne sont pas anticipées. La preuve : on a des gamins coupeurs de route, des orphelins, des ados seuls. Les encadrer et les scolariser, ça reste le plus gros boulot à faire sur cette île, car la violence règne actuellement." Mais alors, quelle piste d'espoir ? "L'avenir ? Il faut tout casser et tout recommencer. Il faut faire Mayotte autrement. Je ne suis pas un spécialiste, mais récupérer les milliers de gamins dans les rues et leur donner un toit et une éducation est une priorité." Rancœur ou constat ? Chacun décidera. Mais dès lors, ces "engagements forts", comme il les qualifie, sont-ils portés par sa musique ? Est-elle le vecteur de ses convictions ?

DES ENGAGEMENTS À CONTRE-COURANT

"J'ai la chance de pouvoir chanter en français, en shimaoré, en swahili. Je peux donc partager avec le public mes idées et ma sensibilité", se réjouit Démo, qui ne cherche toutefois pas à convaincre son public. Il le dit d'ailleurs : "La musique passe en premier. Elle s'apprécie comme elle sort, avec ses harmonies et sa mélodie. Les paroles, le texte, eux, sont secondaires, mais c'est une part de moi. Alors si les gens veulent les écouter, y accorder de l'importance, ils y trouveront cette part." n

Mayotte, l'île ou il est né, mais sans pour autant s'en revendiquer. "Je suis Comorien", n'hésite-t-il pas, ainsi, à affirmer : "Personnellement, je ne peux pas le nier. Le Mahorais qui nie cela, c'est purement pour des raisons politiques. Il est peut-être français politiquement, mais il demeure comorien de naissance. On parle la même langue, on a la même religion, la même culture. On vit ensemble."

LA MUSIQUE AVANT TOUT

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MAYOTTE ET MOI

DÉMO

MON ENDROIT FAVORI

"Musicale Plage, pour le lieu et tout ce qui va avec : faire de la musique entre potes, boire l'apéro, chanter, passer le temps."

MON MEILLEUR SOUVENIR À MAYOTTE "Le 28 mai 2004, jour où j'ai rencontré ma femme, Marie, à un concert de Mikidache. Elle est toujours ma femme."

MA PHOTO MARQUANTE "C'est une photo de moi, partageant un moment de musique avec mon mentor, Abou Chihabi. Je l'ai rencontré pour la première fois en 1977. C'est lui qui qui m'a montré comment faire sonner des notes et des accords."

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MON ŒUVRE PRÉFÉRÉE :

"J'aime la peinture et la musique. Picasso et Napalo Mroivili. Je les apprécie pour leur main et leur façon de faire, pour la profondeur de leurs tableaux. Et puis en musique Bob Marley, Bob Dylan, Francis Cabrel."

MA BONNE IDÉE POUR MAYOTTE

"Que le Mahorais se transforme en un Mahorais qui a une vision pour son île. Nous avons des jeunes diplômés, des intellectuels, qui n'arrivent pas à se mettre d'accord. Le Mahorais a le devoir d'avoir une vision commune pour la destinée de Mayotte."

Yatru, réédité Le second album de Démo, Tatru, vient d'être réédité par le musicien. Album autoproduit et autodistribué, il est disponible pour 10€ en appelant au 06 39 60 73 25 ou via Facebook : Djounaid Abdourraquib. Démo se produit par ailleurs tous les mois en concert au restaurant Le Voulé, à Cavani-Mamoudzou, et dans d'autres endroits de Mayotte. Il sera également présent, au moins de juillet, au festival Lamastrock, en Ardèche.

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LE DOSSIER

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famille

LE GRAND CHAMBOULEMENT La famille, quelle institution ! Oui, mais la famille à Mayotte est à l'image du territoire : elle évolue. La notion, en effet, change peu à peu. De la famille traditionnelle, famille élargie, on passe de plus en plus à la famille mononucléaire de type occidental. Un changement qui implique des perturbations plus ou moins bien vécues par ses membres. Ainsi, si la femme tend à gagner en liberté et en égalité, l'homme, lui, sent son espace se réduire. Un nouveau rôle se dessine pour lui, mais en a-t-il envie ? Et puis les enfants, porteurs d'une nouvelle vision de la famille. Cette nouvelle génération, adultes de demain, sera-t-elle celle qui reléguera la famille traditionnelle au rang d'antiquité ? Les grands-parents, enfin, ces anciens que la société affirme bien volontiers chérir et respecter, se retrouvent les grands-perdants de tous ces changements.

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LE DOSSIER

Solène Peillard

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LES NOUVELLES RÈGLES

SISI LA FAMILLE ?

ON L'IMAGINE TRADITIONNELLE, COMMUNAUTAIRE, NOMBREUSE, SOUDÉE. POURTANT, LOIN EST LE TEMPS OÙ LES ENFANTS SUIVAIENT LES ANCÊTRES DANS LES CHAMPS, OÙ LES HOMMES ADOLESCENTS S'INSTALLAIENT DANS LEUR BANGA ET OÙ L'ÉDUCATION DES PLUS JEUNES ÉTAIENT ASSURÉS PAR TOUS LES MEMBRES DU MÊME CLAN. EN MÊME TEMPS QUE LA SOCIÉTÉ TOUTE ENTIÈRE, LES LIENS FAMILIAUX ET INTERGÉNÉRATIONNELS CONNAISSENT DE NOMBREUX CHAMBOULEMENTS. À L'HEURE OÙ MAYOTTE S'ENGAGE DANS LE CHEMIN DE LA MONDIALISATION, L'INDIVIDUALITÉ SEMBLE PARFOIS PRENDRE LE PAS SUR LA COMMUNAUTÉ QUI RÉGISSAIT JUSQU'ALORS L'ORGANISATION FAMILIALE.

De très loin, Mayotte est le territoire français qui abrite le plus de familles nombreuses. En 2017, trois ménages sur dix comptaient au moins quatre enfants, a révélé l'Insee ce mois-ci, faisant de cette configuration familiale, aujourd'hui encore, la plus répandue sur le territoire. Localement, une femme donne naissance, en moyenne, à cinq enfants au cours de sa vie, contre 1,9 en métropole. Le modèle traditionnel semble, dès lors, avoir de beaux jours devant lui. Mais évidemment, il y a un "mais". Déjà dans les esprits, la conception de la famille évolue. Dans les foyers et dans les utérus aussi. Alors que les femmes de la génération 1940 à 1949 étaient 38 % à avoir sept enfants ou plus, elles n'étaient plus que 20 % pour celles nées dans les années 70. Une baisse de la fécondité que les statisticiens attribuent "à l'élévation du niveau d'éducation", selon une autre enquête de l'Insee. Le sociologue Abdallah Combo partage lui aussi ce constat. "D'une manière générale, l'approche de la famille en termes de fécondité est primordiale, confirme-t-il. Pour contextualiser, la société mahoraise a d'abord été une société agraire, jusqu'aux années 1980. Dans les familles rurales, ce qui comptait, c'était l'agriculture vivrière, et l'enfant y avait une place centrale dans la survie économique : pour

pouvoir vivre, il fallait aller pêcher et aller aux champs, et l'enfant avait son rôle là-dedans, il participait à cette survie dès son plus jeune âge. (…) Il y avait aussi le rôle social de l'enfant : une fois qu'un couple était marié, [il fallait qu'il ait des enfants]. Si ce n'était pas le cas, il y avait intrusion de la famille dans le couple. C'était tellement prégnant que si un couple n'arrivait pas à avoir d'enfant, sa famille faisait pression sur l'homme pour qu'il pratique soit la polygamie, soit qu'il trouve une autre épouse. Quant à la femme, on lui confiait un enfant de la famille, voire un enfant sans parents." Mais ce système-là change à partir des années 1980 : "La massification scolaire qui a eu lieu dans les années 1980 a fait évoluer tout cela (…) et a limité les naissances, même si on n'est pas au niveau de la métropole. (…) Les Mahorais ayant eu accès à une scolarisation et travaillant maintenant, avec les contraintes financières qui se posent, font moins d'enfants. La génération actuelle fait moins d'enfants que celle de ses parents. Ce qui serait intéressant à creuser désormais, c'est comment la représentation du père et de la mère a évolué ?" (lire nos articles en pages suivantes). Et d'autres nouveaux petits bouleversements alimentent ce constat. Déjà, au début des années 2000, les contours du mariage étaient redessinés.

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LE DOSSIER

36 000

familles vivant à Mayotte ont au moins un enfant mineur à charge.

51 % 1/3 des familles mahoraises ont trois enfants ou plus. Un chiffre trois fois plus élevé qu'en France hexagonale.

des familles mahoraises sont monoparentales (majoritairement constituées par des étrangers).

11 %

d'entre elles ont un homme à leur tête. Une famille monoparentale sur quatre est une famille nombreuse (trois enfant ou plus).

Une première fois en 2003, lorsque la loi de programme pour l'outre-mer interdit la polygamie et la répudiation. Exception faite toutefois pour les hommes nés avant 1987. Trois ans plus tard, le député Mansour Kamardine propose un amendement, adopté à l'unanimité, qui attribue au seul officier civil le droit de célébrer un mariage avant un effet juridique sur l'état civil des conjoints. Désormais, pour être reconnue, l'union ne peut plus être entérinée par un cadi, bien que dans les faits, les mariages religieux sont aujourd'hui encore, et de très loin, les plus célébrés à Mayotte. Enfin en 2010, l'interdiction de la polygamie et de la répudiation est étendue à tous les hommes sans distinction d'âge. L'âge, justement, légal du mariage est porté à 18 ans, alors qu'auparavant, les jeunes filles pouvaient se faire passer la bague au doigt dès leurs 15 ans. Petit à petit, la famille mahoraise apprend à vivre avec son temps, celui du droit commun

LA FAMILLE 2.0 Si la législation a lentement amené les premières normes métropolitaines sur

le territoire, elle a rapidement été suivie d'un phénomène de mondialisation, porté en première ligne par les nouvelles technologies. Jusque dans les années 80, la société mahoraise dépendait essentiellement de son agriculture vivrière, vertébrée par la musada. Une entraide centrale dans la vie communautaire et familiale qui assurait la survie des récoltes, donc la survie de tous, comme l'expliquait précédemment Abdallah Combo. De quoi maintenir par la même un lien social entre les générations. Mais plus ou moins progressivement, la société s'est transformée, développée, modernisée. Le lien social s'étiole, particulièrement dans les zones urbanisées. Pendant ce temps, de nouveaux membres rejoignent les foyers : pendant que la télévision et les chaînes câblées de la TNT veillent dans le salon, les smartphones et leurs réseaux sociaux se glissent jusque dans les plus petites mains. Alors que la parole des anciens prévalait jusqu'à alors, Internet peu à peu, se met à dicter les nouvelles règles sociales. "Les enfants ont commencé à voir d'autres choses, et à vouloir les imiter", regrette Djamael Djalalaine,

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27 %

des mineurs vivant dans une famille habitent avec un seul parent. Un enfant mineur sur deux vits dans une famille où aucun parent ne travaille.

4 000 C'est le nombre approximatif de mineurs vivent sans leurs parents. Un quart d'entre eux ont moins de six ans.

Données issues du recensement de la population de 2012, portant sur 36 000 familles mahoraises.

directeur général de l'Acfav, association de défense de la condition des femmes, également dotée d'un point info famille qui assure une mission de médiation. "Les parents aussi, s'occupent à autre chose. Combien de mamans font des live Facebook toute la journée ? La modernité a dominé notre tradition !" Déjà en 2013, une étude réalisée sur le territoire par la sociologue Françoise Guillemaut dressait le même constat : "Les transformations technologiques ont fait entrer Mayotte de plain-pied dans la globalisation culturelle", concluait l'épais rapport. Et si Internet est arrivé tardivement sur l'île, les Mahorais auront rapidement rattrapé leur retard : ils consommaient en 2012 "le double d'un internaute métropolitain", dévoile encore l'enquête de Françoise Guillemaut. "Les valeurs véhiculées par les médias vont sans nul doute contribuer à accélérer les mutations des valeurs".

"IL N'Y A PLUS DE TRANSMISSION" De la tradition des banga pour les jeunes hommes pubères, du travail aux champs avec les aînés, des réunions intergénérationnelles autour des halé halélé ou des représentations théâtrales dans les villages, il ne reste plus que des "cendres" et des photos d'archives partagées sur Twitter. "Les anciens sont devenus dépassés. Il n'y a plus de discussion entre les générations", soupire encore le directeur de l'Acfav. "Avant, tous les adultes

avaient la responsabilité de s'occuper des enfants (les leurs ou non, ndlr) mais avec le développement de Mayotte, la société de consommation nous a fait entrer dans des comportements individualistes", constate Djamael Djalalaine, à l'instar de plusieurs sociologues avant lui. "Il n'y a plus de dynamique communautaire", concède à son tour Faïssoil Maliki, imam et guide à La Mecque. "On bascule vers le soi, il y a moins d'entraide, de cohésion". Y compris entre les membres d'un même clan. En atteste la encore la rupture avec les oncles, les tantes, qui tentent de plus en plus à s'éloigner du noyau familial formé par le ou les parents, et le ou les enfants. "Avant, on comptait les uns sur les autres pour surveiller les enfants ou se rendre des services", recontextualises Faïssoil Maliki. "Mais je pense qu'avec les impôts et l'aide sociale, les gens se sont sentis moins obligés d'aller voir leurs aînés, leurs tantes", en assumant par de nouveau biais leur devoir de solidarité envers eux."C'est une tragédie mahoraise car il n'y a plus de transmission". Notamment entre anciennes générations dont certaines ne parlent quasiment que le shimaoré, et les plus jeunes qui elles, le maîtrisent de moins en moins. "Avec cette différence de langage, certains petits-enfants sont incapables de communiquer avec leurs grands-parents !", assure Fassoïl Maliki. De quoi entériner un peu plus la perte des rites et traditions et leurs lots de réunion autrefois perpétrés par la famille au sens large. Le modèle mononucléaire, originellement étranger à la culture mahoraise, se repend un peu plus. La famille s'occidentalise. Mais elle reste un noyau. n

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LE DOSSIER

Raïnat Aliloiffa

FEMMES

UNE LENTE MAIS SÛRE ASCENSION À MAYOTTE LA FAMILLE EST UNE INSTITUTION VALORISÉE DEPUIS LA NUIT DES TEMPS. AU CŒUR DE CETTE FAMILLE MAHORAISE SE TROUVE LA FEMME QUI EST ÉPOUSE, MÈRE, FEMME D’INTÉRIEUR. SON RÔLE A LONGTEMPS ÉTÉ CRUCIAL PUISQUE TOUT REPOSE SUR ELLE. IL L’EST TOUJOURS AUJOURD’HUI, MAIS AVEC QUELQUES NUANCES. ELLE CONTINUE EN EFFET À S’OCCUPER DE SA FAMILLE, TOUT EN TRAVAILLANT ET EN AYANT UNE VIE SOCIALE. UN DÉFI RELEVÉ PAR LES FEMMES MAHORAISES MODERNES. "L’honneur de la famille est dans la vertu des femmes", écrivait Sophie Blanchy en 1996, ethnologue spécialisée dans les populations de l’archipel des Comores et de Madagascar. Cette affirmation était vraie il y a plusieurs décennies à Mayotte, et elle l’est encore aujourd’hui. Depuis toujours, la femme mahoraise est le noyau de la famille. À la maison, elle s’occupe de l’éducation des enfants, de la bonne tenue de sa maison, et de son mari. Au temps des anciennes générations, ce dernier

n’avait qu’une seule mission : subvenir aux besoins de sa famille. "La seule activité que les hommes et les femmes faisaient ensemble était d’aller au champs", précise Djamael Djalalaine, président de l’association Acfav qui défend la condition féminine. De cette manière, elles contribuaient également à l’économie domestique dont elle était responsable. Et ce dès le plus jeune âge. Depuis la naissance on éduquait les filles dans le seul objectif de devenir de bonnes épouses et de bonnes mères. "Je me suis mariée à 16 ans, et j’ai eu mon premier enfant à 17 ans. À cet âge là je savais déjà

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m’occuper seule d’une maison, d’un mari et d’un bébé. Pas comme les jeunes de maintenant qui sont immatures même après 20 ans", raconte Hamida, qui a aujourd’hui 80 ans. Même si elle aurait préféré attendre avant de se marier, elle affirme ne pas regretter sa jeunesse. Hamida n’a fait qu’exécuter la volonté de ses parents qui l’ont mariée jeune avec un homme qu’elle ne connaissait pas. Une situation tout à fait normale à l’époque. La jeune fille qu’elle était a eu la chance, non pas d’aller à l’école, mais plutôt d’avoir un professeur à domicile qui lui enseignait les mathématiques et le français. Ce qui était très rare à son époque. "La femme mahoraise d’il y a 50 ans a une éducation coutumière, coranique et traditionnelle", explique Moinaecha Noera Mohamed, déléguée régionale aux droits des femmes à la préfecture de Mayotte. Mais elle ne va pas à l’école de la République car on pensait que les filles allaient mal tourner en y allant. Cela mène à des situations où les femmes mahoraises dépendent financièrement de leurs maris. Elles ont un rôle bien défini au sein du couple et de la famille en général. Elles doivent être "des femmes d'intérieur, de bonnes épouses et de bonnes mères à la charge du foyer. Elles éduquent les enfants, elles font le ménage et la cuisine. Elles gèrent la maison, la décoration, les courses etc.", explique pour sa part Rozette Yssouf, psychologue.

ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ Si l’histoire d'Hamida ressemble à celle de nombreuses femmes de son époque, aujourd’hui il serait très difficile (mais pas impossible) d’inciter une adolescente à se marier si jeune. On les motive plutôt à faire des études et avoir un travail. "Je pense que la scolarisation de masse apparu à la fin des années 1980 a permis ce changement", selon Moinaecha Noera Mohamed. C’est un fait, les femmes travaillent de plus en plus en dehors de leurs maisons. Elles occupent aussi des postes à hautes responsabilités et font entendre leurs voix. Cela les rend autonomes financièrement et les relations de couple sont plus authentiques. Selon Djamael Djalalaine, "Comme les femmes n’ont plus besoin de l’argent d’un homme pour vivre, ces derniers doivent redoubler d’efforts pour les conquérir. Ils sont plus romantiques et plus prévenants avec leurs femmes." La situation s’est inversée et la femme choisit l’homme avec qui elle souhaite fonder une famille. Dans l’avenir, ce phénomène est amené à s’amplifier. "Nous pouvons nous attendre à un renforcement de la place de la femme dans la société. Elles vont lutter contre les discriminations et les injustices", annonce Moinaecha Noera Mohamed. Et à Djamael Djalalaine d’ajouter : "À Mayotte, la femme aura une place dominante et ça va très vite arriver. Et je ne suis pas sûre que les hommes arrivent à suivre."

Les femmes modernes mahoraises étudient, travaillent, ont une vie sociale plus épanouie. Cependant, toutes ces nouvelles responsabilités n’éclipsent pas les tâches qu’effectuaient les femmes d’antan. Aujourd’hui elles doivent combiner leurs vies professionnelles et leurs vies de famille. "Nous travaillons comme les hommes, mais l’organisation de la vie familiale ne change pas puisque les hommes estiment qu’il n’y a rien à changer. Les mères de familles d’aujourd’hui n’ont pas le choix que de continuer à fonctionner comme leurs ainées. Nous devons nous occuper de nos maris, prendre en charge notre foyer et continuer à éduquer nos enfants", dénonce Mme H, 26 ans, formatrice et mère d’un enfant. Et il faut croire que c’est une situation qui n’effraie pas les femmes mahoraises modernes. "Quand on interroge les jeunes filles ou femmes, elles continuent à dire qu’elles veulent se marier et avoir des enfants. Et souvent elles en veulent au moins trois", précise Jamel Mekkaoui directeur régional de l’Insee Mayotte. Les femmes continuent à prendre les décisions concernant la maison. Quant à l’éducation des enfants, c’est plus nuancé, à condition que le père soit présent.

FEMMES, CHEFS DE FAMILLES MONOPARENTALES L’une des principales conséquences de l’émancipation des femmes est l’augmentation des familles monoparentales. Elles sont nombreuses à Mayotte et c’est souvent la femme qui a la garde des enfants. "Il y a 50 ans il n’y avait pas beaucoup de familles monoparentales parce que les femmes avaient peur de perdre leurs maris mais aussi parce que les hommes ne savaient pas rester seuls, ils ne savaient pas comment faire", explique le président de l’Acfav, Djamael Djalalaine. De nos jours les femmes osent non seulement s’affirmer et si elles ne sont pas heureuses, elles quittent leurs conjoints sans craintes puisqu’elles travaillent aussi et peuvent subvenir à leurs besoins. Les derniers chiffres de l’Insee vont dans ce sens et confirment l’augmentation des familles monoparentales. Cependant, cela n’empêche pas les remariages. Car même si la société mahoraise s’occidentalise, une femme célibataire est toujours pointée du doigt à Mayotte selon son âge. "La femme mahoraise peut se remarier plusieurs fois et ce n’est pas mal vu. Ce qui est très rare dans une société aussi traditionnelle comme Mayotte. Généralement, au bout du deuxième mari les gens commencent à parler sur elle, mais pas à Mayotte" constate Jamel Mekkaoui. Il est vrai qu’à Mayotte les femmes s’émancipent de plus en plus et s’octroient une place importante dans la société, mais cette même société leur rappelle aussi constamment leurs coutumes et traditions. Alors chacune à sa façon essaye de trouver la bonne combinaison. n

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Geoffroy Vauthier

HOMMES

DE MÂLE EN PIS LA SOCIÉTÉ CHANGE, LA FAMILLE AUSSI. ET UN DE SES COMPOSANTS PRINCIPAUX DOIT, LUI AUSSI, ÉVOLUER. L'HOMME, LE PÈRE, EST EN PLEINE MUTATION. LE VIT-IL BIEN ? LE VIT-IL, D'AILLEURS, TOUT COURT ? ÉLÉMENTS DE RÉPONSE.

"Elles parlent beaucoup des hommes, mais ce sont elles qui nous dominent", rigole Houssen, suscitant l'approbation de ses camarades. Le discours est classique et égayé d'une pointe d'ironie, mais devient plus sérieux

passées quelques blagues typiquement masculines. "En vrai, ça n'a jamais été simple d'être un homme, et ça l'est encore moins aujourd'hui", reprend notre intervenant. En cause, selon lui : une place et un rôle

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"qu'on veut [lui] imposer mais qui n'est pas dans sa nature. Les hommes doivent tout changer de leur personnalité pour s'adapter. On peut le faire un peu, mais il faut comprendre qu'on a aussi envie de rester des hommes." Une opinion complétée par son collègue, qui estime que "faire

changer un Mahorais, ce n'est pas possible." Pas possible ou difficile ? La psychologue Rozette Yssouf est particulièrement sensible à ces évolutions qu'elle étudie par ailleurs. Elle aussi constate des difficultés, malgré un changement

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de paradigme. Elle l'explique : "L'homme mahorais est passé de l'homme chef de la famille qui délègue tout ce qui concerne l'éducation des enfants et la gestion de la maison – les courses et les tâches ménagères, mais aussi parfois l'administratif quand leur femme s'y connaissent – ; à l'homme toujours chef de foyer, mais qui a perdu son autorité et sa place dans sa famille, puisque la femme moderne travaille et peut subvenir aux besoins de sa famille. Certains sont ainsi les partenaires d'une ou plusieurs femmes et se contentent d'être l'homme dont les femmes ont besoin." Mais pour autant, "ils gardent leur place importante dans la société. Ce sont des hommes de l'extérieur. Ils sont toujours plus mis en avant que les femmes." Dans les faits donc, rien n'aurait changé, si ce n'est le discours général sur une société que l'on voudrait plus égalitaire. "La parité et l'égalité des sexes à Mayotte ou dans les couples semble être une illusion", déplore Rozette Yssouf en estimant que ce discours égalitariste est "ce que la culture occidentale veut nous faire croire. Dans la réalité, j'entends des témoignages qui me laissent penser que rien n'a changé et qu'au contraire, tout semble empirer. L'homme reste le même homme malgré l'évolution de la société mahoraise. Il garde son privilège et le modèle traditionnel d'organisation sociale est maintenu." Et de citer l'anthropologue Sophie Daurel-Blanchy, auteur de La vie quotidienne à Mayotte pour définir ce rapport ancestral : "Un ordre hiérarchique assigne à chacun sa place et détermine l’accès aux rôles. (…) La vie familiale favorise cet équilibre aux dépens d’une expression personnelle." Alors, selon la psychologue, "quand quelques minorités essaient d'évoluer avec d'autres façons de faire et d'autres façons d'organiser la société", ce n'est pas si simple car "ils veulent peut-être plus d'égalité réelle entre hommes et femmes mais sans être marginalisés ou traités de "Bonjour madame" au prétexte qu'ils aident leur femme dans les tâches ménagères et s'occupent des enfants." "L'homme mahorais", malgré une certaine ouverture au changement, demeurerait donc soumis à la définition que le groupe, la communauté, lui a assigné. Une étude citée par la thérapeute permet de mieux connaître ce sujet. "Trois termes ressortent dans les réponses des hommes", détaille-t-elle : "la polygamie, le fait d'être protecteur, et celui d'être le chef de famille. Il faut noter que les hommes, toujours d’après leurs

réponses, ne remettent pas en cause l’éducation qu’ils ont eu." Le sociologue, Abdallah Combo, également formateur à l'Institut régional du travail social partage ce constat d'un homme encore ancré dans un modèle traditionnel. Il l'explique : "Les hommes se disent parfois "Ma femme je l'ai épousé pour des raisons traditionnelles, pour faire plaisir aux parents, j'ai fait un manzaraka, etc. La femme mahoraise actuelle, elle dans ses revendications égalitaires, exige l'égalité des sexes et des tâches. Mais moi, on m'a dit de jouer mon rôle d'homme dans la division sexuelle du travail, de donner une dot, d'être celui qui doit amener l'argent. Mais qu'on ne me demande pas de partager les tâches au sein du couple nucléaire, d'être dans une forme de complémentarité, de tout faire ensemble." On devrait aller dans un idéal de couple à l'européenne, mais les gens restent encore dans les codes traditionnels. Toute la subtilité, c'est de savoir si on veut se baser sur le modèle occidental ou sur le modèle mahorais ? C'est un va et vient permanent", remarque-t-il.

UN ENTRE-DEUX NOCIF ? En termes de famille justement et selon cette même étude, les hommes se définissent volontiers comme ceux qui "prennent les responsabilités et font du mieux pour aider leurs enfants", comme "protecteurs, conseillers, éducateurs et amis des enfants", comme "autoritaires si besoin" ; mais aussi comme devant "être proche des enfants", comme devant "leur transmettre leurs qualités", "les éduquer", etc. Or, selon Rozette Yssouf, il leur semble bien difficile de trouver un entre-deux acceptable entre hier et aujourd'hui. "Ils doivent être des partenaires éducatifs et non des hommes qui veulent dominer la femme et imposer leur vision sans tenir compte des besoins de leurs enfants ou des souffrances maternelles", affirme-t-elle. Et de poursuivre : "Les femmes fragilisées et vulnérables sont impuissantes et ne savent plus quelle place de père donner aux hommes, entre absence ou surinvestissement au point d’effacer la mère. La loi du "tout ou rien" fait partie des nombreuses contradictions qu’il serait bon de réfléchir et d'ajuster afin d'éviter des souffrances psychologiques encore banalisées et ignorées dans la société mahoraise."

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Moralité, en substance : oui, l'homme se donne un nouveau rôle, au moins en façade, mais il s'ajoute à celui qu'il avait hier, monopolisant encore plus les pouvoirs au sein de la famille. "Autrefois, les places de chacun étaient claires. L'homme, de l'extérieur, était celui qui travaillait et subvenait aux besoins de toute sa famille. La femme, d'intérieur, devait être une bonne épouse et une bonne mère à la charge du foyer. Elle éduquait les enfants, faisait le ménage et la cuisine. Elle gérait la maison, la décoration, les courses etc., mais elle avait également une place privilégiée dans les grands événements traditionnels, comme les manzaraka et certains rituels comme la naissance, les décès, etc. C'était vrai aussi dans les événements politiques, où elles étaient en première ligne dans les combats, avant de se retirer et de laisser la place aux hommes pour l'exposition extérieure." Finalement, "l'homme mahorais a une place privilégiée au sein de sa famille et de la société en général. Il lui semble donc difficile de changer réellement, car tout changement est aussi un renoncement à quelque chose. Et il lui semble difficile de changer radicalement. Pourtant, il serait possible de trouver un terrain d'entente pour équilibrer au mieux la société mahoraise."

UN PÈRE RÉFÉRENT QUI RESTE À INVENTER "Les hommes sont plus des géniteurs que des papas. Ils n'ont pas la fibre paternelle", estime une mère de famille. La psychologue complète : "Beaucoup de jeunes me parlent de l'absence du père, dès leur naissance, sans aide financière ou matérielle, et avec seulement des nouvelles ponctuelles." Même sur la forme, le constat n'est pas plus glorieux. "J'ai beaucoup de témoignages [d'hommes] expliquant que le père s'occupait des enfants comme il le pouvait, et sur la base de l'éducation traditionnelle, en leur donnant des coups physiques, détaille-t-elle. C'est perçu comme normal car destiné à les corriger. (…) Il n'y avait pas de communication réelle entre eux, et il ne fallait surtout pas parler de sentiments, d'émotions au sujet du manque paternel. Il ne fallait pas se plaindre de leur absence ni de leur polygamie. Pour eux, un père c'est celui à qui on doit obéir, et c'est tout." Autre raison mise en avant par Abdallah Combo et qui pourrait tenir un rôle – avec toutes les précautions de rigueur –, est celle de la matrilinéarité. "Lorsqu'un homme se mari, explique-t-il, il rejoint traditionnellement le village et la maison de sa femme. Mais quand il divorce, il doit logiquement en partir et a du mal à assumer son rôle de père. Pourquoi ? Parce que sa stratégie est alors de trouver une autre femme pour trouver une maison. On pourrait dire que les hommes seuls à Mayotte sont des "sans domicile conjugal". Dans leur représentation d'homme, lorsqu'ils se séparent de leur femme, c'est à elle de se débrouiller. Parce qu'il est parti, il est exempt de la responsabilité de père." Et de citer un exemple d'une avancée pour les femmes

divorcées : la pension alimentaire. "Cette immersion du moderne a été très mal vécue par les hommes au moment où elle est arrivée à Mayotte. Les délégués au droit des femmes faisaient partie des personnes les plus détestées de Mayotte", se souvient-il. Quant à l'homme qui serait géniteur plutôt que père, Abdallah Combo le constate aussi. Il le dit, "Un travail de sensibilisation est clairement à mener. J'ai étudié des familles mahoraises en métropole et à La Réunion, et les travailleurs sociaux là-bas, me disaient souvent qu'ils avaient l'impression que l'homme mahorais était un géniteur plus qu'un père. (…). Nous devons creuser là-dessus, faire le lien entre le géniteur et le père, celui qui donne l'identité à l'enfant, qui le protège, qui assure des besoins." Conséquence, "être père dans la société mahoraise semble flou pour certains, poursuit Rozette Yssouf. L'homme mahorais est complètement perdu et totalement désorienté. Il ne sait plus quelle est sa véritable place. Aujourd'hui, les pères sont donc des pères à leur façon", mais "l'image du père occidental aimant, complice, faisant des activités et des sorties avec leurs enfants reste un idéal à atteindre." Une avancée ? Pas forcément, pas en l'état des choses. "L'homme mahorais est paradoxal, estime la psychologue. Il veut garder sa place d'avant et en même temps, il veut prendre les privilèges des deux côtés, dans les deux cultures, afin de toujours garder sa place de dominant et demeurer dans la toute-puissance. Il veut être l'homme de son foyer, le seul patron, et être le père qu'il veut être à sa manière, c'est à dire présent et absent sans qu'on le juge et qu'on lui reproche quoi que ce soit. Il ne veut pas être un homme occidental avec le partage des tâches et l'égalité des sexes dans tout (…) Le paradoxe, dit-on, rend fou. Est-ce ce que le fait de ne pas avoir une vision claire de qui on est et de la place que nous souhaitons prendre, ne développerait-il pas une société "folle" ? Où chacun se perdrait ? Les enfants, les jeunes, les adultes, les personnes âgées : comment s'organise la société mahoraise aujourd'hui et comment clarifier les besoins et les rôles de chacun, homme, femme, enfant, parents ? Si nous arrivons à traiter ces questions, les choses seront plus claires, et nous réduirons les problèmes de communication entre hommes et femmes, et les problèmes même de violences au sein de cette société mahoraise et des Mahorais en général. Car nous observons des incohérences, des paradoxes culturels, des situations floues qui n'aident pas à y voir clair et à apporter des solutions adéquates aux problématiques de la société mahoraise." n

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LE DOSSIER

Raïnat Aliloiffa

JEUNESSE

LE RENOUVEAU DE LA FAMILLE MAHORAISE LES ENFANTS ET ADOLESCENTS DE MAYOTTE SONT SOUVENT PARTAGÉS ENTRE LES RÈGLES IMPOSÉES PAR LA CULTURE MAHORAISE ET LEURS PROPRES CONVICTIONS. ILS SONT LE FRUIT DE L’OCCIDENTALISATION DE LA SOCIÉTÉ MAHORAISE. JUSQU’À PRÉSENT, LA JEUNE GÉNÉRATION ARRIVE À FAIRE COHABITER TRADITION ET MODERNISATION. MAIS CETTE SITUATION VA-T-ELLE DURER ? LES ENFANTS D’AUJOURD’HUI SONT-ILS AMENÉS À DÉLAISSER LE SCHÉMA TYPIQUE DE LA FAMILLE MAHORAISE ? Il ne fait plus aucun doute, la famille mahoraise est constamment en évolution. Les jeunes adultes ont été élevés de manière traditionnelle : ils sont allés à l’école coranique, on leur a appris à valoriser leurs aînés, à vivre en communauté. Cependant, avec la scolarisation, ils ont découvert un monde différent de ce qu’ils connaissaient. Beaucoup d’entre eux partent étudier à l’extérieur de Mayotte. Ils évoluent dans un univers où les codes ne sont pas les mêmes, où les gens sont plus individualistes. Ces enfants des années 1990 qui sont aujourd’hui des adultes, rentrent alors à Mayotte (pas toujours) avec de nouvelles habitudes, une nouvelle façon de voir les choses, et doivent réussir à trouver un juste milieu entre ce que leur a été inculqué et leurs propres convictions. « L’éducation mahoraise est basée sur le fait qu’il faut satisfaire ses parents. Mais j’essaye toujours d’évoluer et de m’émanciper même si au début j’avais peur du rejet de mes parents », témoigne Dela, 24 ans. Une situation que vit une grande partie des jeunes mahorais. Lorsqu’ils deviennent à leur tour parents, le combat continue. « Aujourd’hui les enfants mahorais vivent dans l’entre deux. Ils ont un pied dans la société traditionnelle mahoraise, et un autre dans la société moderne occidentale », explique le sociologue Abdallah Combo. Les parents d’aujourd’hui ont changé leurs modèles d’éducation alors les comportements des enfants ne sont plus les mêmes.

DEUX CULTURES QUI S’AFFRONTENT Certains parents essayent tout de même de faire une place à la tradition et à la religion musulmane. Par exemple, il y a encore beaucoup d’enfants qui vont à l’école coranique, mais seulement le week-end. Alors qu’avant ils y allaient tous les jours très tôt le matin. « Quand j’ai scolarisé mon enfant, ma mère m’a demandé si je l’avais aussi mis à l’école coranique. C’était une évidence pour elle. Et c’est ce que j’ai fait », confie Abdallah Combo. Ces enfants restent musulmans, même si beaucoup d’entre eux n'en connaissent pas la réelle signification. L’enseignement de l’Islam est en quelque sorte le dernier lien qu’ont ces jeunes avec la culture mahoraise. Quand ils sont tout petits, ils n’ont pas vraiment le choix. Mais à l’adolescence, ils ont tendance à délaisser tout ce qu’on leur a enseigné. « Quand j’étais petite, oui, j’allais à l’école coranique. Mais maintenant je n’y vais plus parce que mes horaires de cours ne le permettent pas », explique Fayrouz, 14 ans. Une conséquence directe des deux modèles qui s’épousent dans notre société mahoraise actuelle. Et les enfants doivent trouver une manière de s’y accommoder. Mais Fayrouz semble tout de même donner de l’importance à sa religion. « Je veux que mes enfants aillent à l’école coranique, très tôt. C’est ce qu’il y aura de mieux pour eux. » Et lorsqu’on leur parle de famille, ces jeunes ont une vision bien précise de ce qu’ils veulent. « Ma grand-mère

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CE QU'ILS EN DISENT Par Fayadhui Fayrouz-Anya & Houssen Soilihy Roussna

FAROUZ-ANYA, 14 ANS « Je pense que la famille idéale est une famille où les parents sont encore ensemble. C’est une famille dans laquelle il n’y a pas de conflits entre les différents membres. Dans laquelle les parents laissent une certaine liberté aux enfants, mais avec certaines limites pour qu’ils ne sombrent pas dans la délinquance. Les parents doivent aussi se préoccuper de leurs enfants, tout en leur faisant confiance pour les laisser voler de leurs propres ailes. »

ROUKIA, 16 ANS « Ma famille idéale est d’avoir un père et une mère. C’est une famille où on peut se parler, où il n’y a pas de sujet tabou, où on est libre de s’exprimer, bien sûr avec certaines limites. Qu’il y ait beaucoup d’affinités et des moments d’amour, de partage, et pas de conflits. Mais c’est surtout une famille où les parents protègent leurs enfants. »

MAISSARÉHÉMA, 13 ANS

NOURA, 13 ANS « Une vraie famille c'est simplement quand il y a de l'amour. Une famille ce sont des gens qui sont toujours là pour vous, qui ne vous jugent pas, qui savent vous entourer quand il le faut. La famille c’est une chance que tout le monde n'a malheureusement pas. »

« Pour moi la famille idéale a deux enfants. Elle a les moyens de se faire plaisir et vit dans de bonnes conditions. Les parents ne se disputent jamais et ils font beaucoup de sorties en famille. La famille idéale doit communiquer et doit toujours être unie face aux bon et mauvais moments de la vie. »

NAOUMANE, 14 ANS

SANA, 24 ANS

JADE-ELYANE, 13 ANS

« La famille idéale est une famille normale où tout se passe bien et où tout le monde se comprend. Lorsqu’il y a des problèmes la famille doit se serrer les coudes afin de surmonter les épreuves de la vie. »

« La famille idéale c’est une femme avec un mari et deux enfants. Elle vit dans le confort avec une belle maison et une voiture. Une vie simple remplie de bonheur et d’amour. »

« Pour moi c’est une famille dans laquelle tout le monde s’entend bien, une famille dans laquelle les parents sont toujours présents pour leurs enfants. Il ne doit pas avoir de malaise ou de malentendu. »

vit avec nous. Je l’adore mais quand j’aurai ma propre famille il est hors de question que je vive avec mes parents. Je veux juste être avec mon mari et mes enfants. Mais pour être honnête, je ne suis même pas sûre de vouloir fonder une famille », avoue Roussna 16 ans. L’adolescente sait ce qu’elle veut, et campe sur ses positions malgré la pression familiale.

« Mon père veut que je marie avec un homme pieux de notre village. Mais je n’accepterai jamais. Si je me marie, je veux choisir mon conjoint et je peux vous assurer qu’il ne sera pas de Mayotte parce que je veux découvrir d’autres cultures », raconte-t-elle. Une vision partagée par un bon nombre d’adolescents mahorais. n

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LE DOSSIER

G.V.

ANCIENS

DES GRANDS-PARENTS AUX GRANDS-PERDANTS ILS ÉTAIENT LES PILIERS DE LA SOCIÉTÉ. RESPECTÉS, ENTOURÉS ET ÉCOUTÉS, LES ANCIENS – COMME ON LES APPELLE – ÉTAIENT DES MEMBRES DE LA FAMILLE À PART ENTIÈRE. UNE SITUATION QUI CHANGE PEU À PEU AVEC UN LIEN INTERGÉNÉRATIONNEL QUI SE DISTANT, CONDAMNANT DE PLUS EN PLUS NOS COCOS ET BACOCOS À L'ISOLEMENT. Assise sur son palier surélevé d'un mètre par rapport au niveau de la rue, Ma Zaanfi patiente sur sa natte. Un salam par ci, un regard par là. Un enfant passe. Elle l'interpelle, lui confiant un peu de monnaie pour qu'il aille lui acheter du lait au douka de l'autre côté de la rue. Scène du quotidien pour le riverain qui observe la coco de 74 ans. Ses journées, elle les passe ici, devant l'entrée de sa maison, à attendre. "Qu'est-ce que je pourrais faire de plus qu'attendre ?", regrettet-elle dans un shimaoré traduit par son voisin. Une question en forme d'évidence. Une évidence empreinte d'agacement. Ou plutôt de déception. "Mes enfants ont bien réussi", explique-t-elle en poursuivant : "Mais c'est aussi à cause de ça que je les vois peu. Les deux garçons vivent en métropole, quant à mes deux filles, elles vivent avec leurs maris et elles sont occupées toute la semaine. Elles passent régulièrement, mais pas longtemps." On l'aura compris : les journées sont longues pour Ma Zaanfi qui peut heureusement compter sur ses connaissances dans le quartier, "pour une course, un peu d'aide dans la maison et passer le temps en discutant." Et son voisin, d'une cinquantaine d'année, d'agréer : "Ça va être de plus en plus ainsi maintenant. Mayotte change. Avec le travail, les loisirs, les vacances, on a moins de temps pour nos anciens. C'est dommage." Et la coco de répondre, sous le regard compréhensif de son traducteur improvisé : "Les enfants nous oublient aujourd'hui, mais nous, nous nous en

sommes occupés, on les a élevés, on les a nourris. Je ne leur en veux pas à eux particulièrement, mais ce n'est pas bien cette façon dont les choses évoluent. Nous, on ne laissait pas nos parents."

UNE SITUATION LOIN D'ÊTRE UNIQUE Le sort de Ma Zaanfi est loin d'être unique. Il y a quelques mois, Mayotte Hebdo avait rencontré Mkaya, dans le cadre d'un dossier sur le sort des personnes âgées dans un département en plein développement*. À 80 ans, elle expliquait sa situation, semblable à celle de Ma Zaanfi : des enfants qui travaillent, des difficultés à se déplacer et, finalement, un isolement difficile à supporter moralement. "C'est dur de ne pas être accompagnée", témoignaitelle ainsi, soulignant "à plusieurs, on trouve des solutions aux problèmes qui se posent [au quotidien], mais seule, comment faire ?" Pour l'aider, Mkaya bénéficiait de l'aide de deux animatrices de la mairie de Pamandzi, où elle vit, mises à la disposition d'une association – Maison familles et services – oeuvrant en faveur des seniors. À propos des anciens, Faharidhine et Anima, les animatrices en question, confirmaient : "La solitude leur pèse. Ils aimeraient être accompagnés en permanence. Le fait d'être en groupe leur manque, les échanges avec d'autres leurs manquent aussi." Dans ce même dossier, Inoussa El Fat faisait le même constat. Directeur de 976 Allo Saad, qui était alors une toute récente structure

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spécialisée dans les prestations à domicile à Bandrélé, l'homme observait que "Les gens ont désormais moins le temps de s'occuper de leurs parents et de leurs grandsparents. Il y a tout d'abord le travail, mais parfois aussi des départs de l'île. Des familles s'en vont à la recherche d'un meilleur confort de vie ailleurs, et leurs anciens, eux, restent ici. Parfois, ils n'ont plus personne à part des voisins." Un phénomène en route depuis longtemps, mais jusqu’à ces dernières années resté "moins visible" dans la masse des changements structurels que connait la société mahoraise. La bienveillance vis-à-vis des anciens en était pourtant un des piliers les plus fondamentaux. Car traditionnellement parlant, dans une société où le groupe est prééminent sur l'individu et où la notion de transmission est particulièrement importante, la famille inclut naturellement en son sein les grands-parents. Des doyens qui, dès lors, font office de "chefs" de famille, ou tout au moins de référents de prime-importance. Un rôle qui tend à s'effacer, tout comme celui, d'ailleurs, du reste de la famille, ressemblant de plus à la famille mononucléaire occidentale.

UNE SOLIDARITÉ CHANGEANTE Pour autant, il ne faut pas voir dans ce constat un abandon total des seniors au sein de notre société.

Dans son enquête de mars 2017 – Migrations, natalité et solidarités familiales : la société de Mayotte en pleine mutation –, l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) notait que près des deux tiers des séniors de 60 ans ou plus "sont régulièrement et gratuitement aidés dans leur vie quotidienne par leurs proches." Un aide qui concerne le plus souvent "des formalités administratives (51 %), telles que le remplissage de formulaires ou des démarches juridiques", mais aussi "les tâches ménagères de la vie quotidienne (36 %)" et "plus rarement [les] soins quotidiens ou médicaux (14 %)." Une solidarité intergénérationnelle qui "apparaît plus intense à Mayotte que dans les autres DOM", note par ailleurs l'Institut national des études démographiques (Ined). Encore présente, certes, mais en pleine mutation. Et c'est là que le bât blesse. "Encore heureux qu'ils nous aident un peu", s'étonne Ma Zaanfi à ce sujet. Mais elle le rappelle : "Nous, ma génération, n'avons pas grandi ainsi, avec ces nouvelles habitudes. Ma mère à moi habitait juste à côté. Presque toutes mes sœurs aussi. Les villages étaient des familles. Chacun veillait sur l'autre. Ce n'est plus le cas maintenant." n

*Isolement : le désarroi des anciens, Mayotte Hebdo n°865, décembre 2018.

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MAGAZINE

Solène Peillard

ENVIRONNEMENT

UNE ÎLE SANS MANGROVE

ELLE NOUS ENTOURE, NOUS PROTÈGE, NOUS NOURRIT. POURTANT, LES COMPORTEMENTS HUMAINS SONT AUJOURD'HUI LA PLUS GROSSE MENACE QUI PLANE AU DESSUS DES MANGROVES. À MAYOTTE COMME AILLEURS. MAIS À QUOI RESSEMBLERAIT L'ÎLE SANS SES FORÊTS DE PALÉTUVIERS ET TOUTES LES ESPÈCES QUI EN DÉPENDENT ? CE N'EST PAS DEMAIN QUE NOUS LE SAURONS, MAIS EN ATTENDANT, NOUS L'AVONS IMAGINÉ. BIENVENUE DANS UN FUTUR OÙ L'HOMME N'AURA PAS SU RÉPARER SES ERREURS À TEMPS.

12 février 2056. Sur la route nationale, le car de la ligne 2 du Caribus s'apprête doucement à quitter Kawéni. Son petit nez écrasé contre la vitre moite, Ibrahim suit du regard l'ancien Sodicash, remplacé quelques années plus tôt par un magasin Leclerc. Tout à coup, le marmot, yeux ronds, se redresse sur son siège en tendant net un doigt sur le paysage qui s'étend derrière le plexiglas. "Mama, il y a des arbres qui poussent dans la mer !" "Oui mon chéri, se sont des palétuviers. Il y en avait partout ici avant."

JOURNÉE MONDIALE DES ZONES HUMIDES

À l'occasion de la cinquième journée mondiale des zones humides le 2 février prochain, les mangroves de Mayotte seront à l'honneur du 1er au 29 février. Des dizaines d'évènements grand public sont organisés partout à travers l'île. L'intégralité du programme est à retrouver à l'adresse web : https://bit.ly/2TS4JHt.

Avant. Avant que les successives opérations d'urbanisme ne viennent grignoter la côte pour y construire de nouvelles routes, plus larges. Avant que la végétation ne soit rasée pour céder la place aux barres d'immeubles et autres hôtels flambant neufs avec vue sur le lagon. Avant que l'érosion n'empêche à n'importe quelle mangrove de survivre, sur un confetti de terre où elle régnait pourtant comme l'une des plus riches et plus anciennes de la région. De ce temps-là,

le petit Ibrahim ne connaitra rien d'autres que les histoires de pêche au crabe que lui déclament parfois son grand-père, et les rares palétuviers, éparses et fragiles, qui arrivent encore à sortir péniblement du sol. Difficile pour lui d'imaginer la forêt luxuriante sous le vol léger des crabiers blancs que tentent de peindre les souvenirs des anciens. "Mais Bacoco, on pourrait en replanter des arbres !", s'était une fois innocemment amusé le bambin. Une idée qu'évidemment, beaucoup avait eue avant lui. À la fin des années 2010, différentes structures s'étaient associées afin de réintroduire de jeunes palétuviers dans les mangroves existantes, comme à Longoni, où les travaux d'aménagement du port ont transformé le paysage et pillé ses richesses naturelles. Mais ces petits arbres – qui sont parmi les plus efficaces au monde en terme de fixation de carbone – ont grandi bien moins vite que ne l'a fait Ibrahim. Il peut leur falloir jusqu'à 25 ans pour atteindre l'âge adulte, et ce même dans un environnement favorable. Deux décennies au cours desquelles le milieu ne doit pas être perturbé, sans quoi le taux de réussite peut dangereusement chuter. Un défi qui relève de l'utopie, et qui, un temps, a rappelé à Mayotte l'intérêt de d'abord préserver les mangroves existantes. Et avec elles, les quelque 120 espèces de poissons,

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crabes, oiseaux, mollusques et végétaux qui y vivaient encore une trentaine d'années plus tôt. En ce temps-là, plus précisément en 2019, l'Office National des Forêts estimait déjà que sur les 735 hectares de mangroves mahoraises, 490 présentaient des signes d'érosion marine. Soit 67 % de leur surface totale. Premier responsable : l'Homme, à travers l'urbanisation, certaines pratiques agricoles, ainsi qu'un phénomène de "poubellisation" des mangroves, dernier point d'étape des déchets jetés dans les rues et les rivières avant qu'ils ne rejoignent le lagon, comme le décrivait déjà dans les années 90 le géologue JeanMichel Lebigre, le premier à avoir entrepris une étude sur cette thématique à Mayotte, où il observait "une tendance sensible" à l'érosion plus marquée que sur les îles voisines. Cette même érosion qui empêche la prolifération de la mangrove et augmente ainsi la salinité de l'eau. Or, plus l'eau est salée, moins la mangrove y pousse. Un cercle vicieux.

Retour en 2056. À Kawéni, aux Badamiers, à Bouéni et Soulou entre autres, de lourds blocs de bétons cerclent les littoraux sur plusieurs centaines de mètre, dressant un large mur froid et anthracite entre l'océan et la route. Et cette fois, ce ne sont pas les chantiers successifs qui les ont laissés là, mais plutôt la nécessité, toujours plus urgente, de se prémunir des potentiels tsunamis, la population vivant encore majoritairement sur les côtes. Ces digues ont remplacé les forêts de palétuviers depuis quelques années, bien qu'elles n'égalent pas leur capacité de protection. Pis, elles réduisent même à néant toute chance de régénération des dernières forêts. Mais à défaut de protéger la nature et ses écosystèmes, il faut au moins protéger les Hommes. Mais qu'en restera-t-il lorsque la plus grande aire de reproduction, de prédation ou de protection des animaux de l'île aura totalement disparue ? n

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LITTÉRATURE

Christophe Cosker, "L’Invention de Mayotte", Pamandzi éd. La Route des Indes, 2019.

LISEZ MAYOTTE Chaque semaine, Christophe Cosker, auteur de L'invention de Mayotte, vous propose la quintessence de chacune des trente-six inventions de Mayotte relevées dans l’ouvrage éponyme.

Alexandre de Faymoreau, dont la réputation est douteuse à Mayotte selon l’historien Jean Martin, compose, pour la Société des études coloniales et maritimes, la partie du catalogue de l’Exposition universelle de 1889 consacrée à Mayotte. L’ouvrage complet s’intitule Colonies françaises et pays de protectorat à l’Exposition universelle de 1889. C’est pour cette exposition, la dixième du nom, que la Tour Eiffel fut érigée à Paris. On rappellera le paradoxe qui fait que l’ombre coloniale de cette exposition est contrebalancée par la lumière du thème choisi : la Révolution française, moment de la proclamation universelle des droits de l’Homme et du Citoyen. Persuadé de la beauté de Mayotte, qu’il distille discrètement à trois endroits du texte, grâce aux adjectifs « excellent », « admirable » et « remarquables », il voit la raison de la présence française dans l’île d’abord au nom d’un intérêt stratégique, puis économique et agricole. En colon, il détaille et semble critiquer l’administration. Peut-être ne lui a-t-elle pas toujours été aussi favorable qu’il l’eût souhaité. Le texte se termine sur une énumération des produits exotiques issus de Mayotte et présentés à l’exposition. Ils apparaissent comme autant d’emblèmes exotiques de Mayotte, représentant l’île, la condensant, en offrant à la fois des morceaux et la quintessence.

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Christophe Cosker

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COLONIES FRANÇAISES ET PAYS DE PROTECTORAT À L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889 Mayotte. – Colonie française depuis 1841, Mayotte fut acquise par la France, après les événements de 1840, en vue de procurer à nos flottes un refuge dans ces régions lointaines. Le choix était excellent. Entourée par une ceinture de récifs qui n’est coupée que par quelques passes étroites et faciles à défendre, l’île de Mayotte, avec ses rades immenses, ses ports nombreux et bien abrités est une station maritime de premier ordre, un peu trop oubliée aujourd’hui. D’une superficie de 40 000 hectares environ, y compris les îles secondaires enfermées dans ses récifs, Mayotte a dû à l’admirable fertilité de son sol de devenir une colonie agricole d’une certaine importance ; elle est, en effet, la quatrième colonie française comme production sucrière et produit en outre des vanilles qui rivalisent avec celles de la Réunion. Enfin, des essais de culture de coton ont été tentés ces dernières années ; mieux appréciés aujourd’hui qu’au début, ces cotons sembleraient devoir offrir maintenant des prix rémunérateurs à l’agriculteur. Il serait utile d’encourager de nouveaux essais. Mayotte compte environ 12 000 habitants indigènes de toute race et trois cents Français. Le budget local, qui s’élève en ce moment à 250 000 francs, ne peut s’équilibrer qu’à l’aide d’une subvention de 33 000 francs de la métropole. Mayotte est une colonie régie par décrets et le régime organique y est des plus primitifs ; tous les pouvoirs

administratifs sont aux mains du gouverneur qui n’est assisté que de conseils purement consultatifs, en outre presque toutes les dépenses du budget local ayant été classées comme obligatoires par décret, il en résulte que la colonie, même pourvue de conseils ayant pouvoir délibérant, ne saurait établir en réalité son budget local. Les principaux articles exposés par la colonie consistent en : 1 - Sucres de toute espèce. 2 - Rhums et tafias. 3 - Vanilles en général très remarquables. 4 - Cotons de plusieurs variétés, produits de graines du pays (deuxième et troisième générations provenant de graines d’Amérique). 5 - Divers textiles, fibres d’aloès et d’ananas. 6 - Caoutchoucs produits par une liane indigène très répandue dans l’île. 7 - Minerais de fer (oxydes et titanates, très communs). 8 - Enfin divers objets, produits de l’industrie locale, ouvrages en paille, nattes, quelques bijoux. 9 - En dernier lieu, citons deux meubles, buffet et commode en bois du pays. . Société des études coloniales et maritimes, Colonies françaises et pays de protectorat à l’Exposition universelle de 1889, Paris, Léopold Cerf, 1889, p. 99-100.

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OFFRES D'EMPLOI OFFRES DE FORMATIONS FICHES MÉTIERS TÉMOIGNAGES CONSEILS


LE CAHIER EMPLOI & FORMATION

LE MÉTIER DE LA SEMAINE DÉCORATEUR D'INTÉRIEUR LE DÉCORATEUR D'INTÉRIEUR CONÇOIT L'AMÉNAGEMENT (DÉCORATION, SECOND OEUVRE, ETC.) D'ESPACES DE VIE PROFESSIONNELS, CULTURELS, PRIVÉS SELON LA RÉGLEMENTATION ET LES CONTRAINTES TECHNIQUES PARTICULIÈRES. EFFECTUE LE SUIVI DU CHANTIER (MENUISERIE, ÉLECTRICITÉ, ETC.) JUSQU'À LA RÉCEPTION DES TRAVAUX. IL PEUT INTERVENIR EN TANT QUE MAÎTRE D'OEUVRE DE PROJETS (DÉPÔT DE DÉCLARATION DE TRAVAUX, ETC.), ET PEUT CONCEVOIR DU MOBILIER À USAGE PRIVÉ OU PROFESSIONNEL, DES OBJETS DE DÉCORATION ET COORDONNER UNE ÉQUIPE, DIRIGER UN SERVICE OU UNE STRUCTURE. ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL

- Bureau d'études et d'ingénierie - Cabinet d'architectes - Collectivité territoriale - Administration et services de l'État - Bâtiment et second œuvre - Travail en indépendant

COMPÉTENCES

- Définir un avant-projet - Déterminer les conditions de réalisation d'un projet - Dessiner des aménagements et agencements intérieurs - Concevoir un dossier de présentation de projet - Consulter des entrepreneurs potentiels pour le compte d'un client - Identifier des intervenants pour le compte d'un client - Sélectionner des éléments de décorations en accord avec le client - Planifier des opérations de chantier - Coordonner les différentes phases d'intervention des corps de métiers du chantier - Contrôler la conformité des travaux jusqu'à réception - Assister le client dans la réception de chantier

ACCÈS AU MÉTIER

Cet emploi/métier est accessible avec un diplôme de niveau bac+2 (BTS, L2, etc.) à Master (Master professionnel, diplôme d'école d'architecture, etc.) en design d'espace, architecture intérieure, arts appliqués, métiers d'art. Un Master complété par une expérience professionnelle est requis pour l'obtention du titre d'Architecte d'Intérieur délivré par le Conseil Français des Architectes d'Intérieur (CFAI). La pratique d'une langue étrangère, en particulier l'anglais, est requise. La maîtrise de l'outil informatique (logiciels de Conception et Dessin Assisté par Ordinateur – CAO/DAO –, etc.) peut être requise.


OFFRES D'EMPLOI CHEF DE RAYON DÉCORATION (H/F)

COMMERCIAL/E CHR (H/F)

CHAUFFEUR / CHAUFFEUSE DE BUS

INGÉNIEUR ÉTUDES RÉSEAUX ÉLECTRIQUE F/H (H/F)

CHEF DE SECTEUR BOIS CENTRE BÂTIMENT H/F

SOCIETE CANANGA - 976 - MAMOUDZOU Placé(e) sous la responsabilité du Chef de secteur, vous contribuerez à la satisfaction des clients par votre esprit de service, vos connaissances techniques et vos initiatives

SOCIETE CANANGA - 976 - MAMOUDZOU

Placé(e) sous la responsabilité du Directeur Commercial, vous assurerez le développement des ventes et du portefeuille clients pour atteindre les objectifs fixés

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Vous transportez des élèves et autres types de clients sur un itinéraire bien déterminé par votre hiérarchie. Vous vous assurez du bon état du véhicule avant et après le service

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* voir site Pôle emploi

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Renseignement : Auprès de l’IFCASS au 02.35.82.67.18 et sur son site Internet www.ifcass.fr Auprès de LADOM au 02.69.61.51.28 et sur son site Internet www.ladom.fr

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Conditions d’entrée : Être inscrit au Pôle Emploi / Etre âgé au minimum de 18 ans / Avoir un foyer fiscal à Mayotte dont le quotient familial est inférieur à un montant qui vous sera communiqué par LADOM / Ne pas avoir bénéficié d’une autre aide à la mobilité dans l’année / Satisfaire aux épreuves de sélection (évaluation en français et entretien).


MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayotte.hebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Geoffroy Vauthier

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Couverture :

Famille : le grand chamboulement

Journalistes Romain Guille Solène Peillard Grégoire Mérot Cyril Castelliti Raïnat Aliloiffa Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mouhamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com


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