LA SOMAPRESSE VOUS SOUHAITE UNE BELLE & HEUREUSE ANNÉE
LE MOT DE LA RÉDACTION
NON MAIS ALLÔ QUOI ! L'allophonie, vous connaissez ? Non, et pourtant vous la côtoyez tous les jours. Une personne allophone est une personne dont la langue maternelle est une langue étrangère. Et à Mayotte, on nage en plein dedans. Bien que département français, le shimaoré demeure, et de très loin, la langue maternelle. Cela ne va pas sans poser de problèmes en termes d'apprentissage puisque celui-ci se fait, bien évidemment, en français. Ce constat, nombre de professeurs le font au quotidien et c'est naturellement ce qui ressort de la dizaine de témoignages que nous avons recueillis dans notre dossier de la semaine, Paroles de profs. Au premier rang de l'éducation de nos enfants – au front diront certains – nous leur avons en effet demandé ce qu'ils trouvaient inadapté au territoire dans les programmes et la manière de les appliquer chez nous. De quoi comprendre les choses plus clairement. Heureusement, les choses semblent en train de changer avec en particulier la prise en compte nouvelle de la barrière linguistique à Mayotte par l'Éducation nationale. C'est ce que nous explique le recteur de l'académie, Gilles Halbout pour clôturer ce dossier consacré à la scolarité de nos jeunes. Dans notre rubrique À la rencontre de, nous mettons en avant Lahadji Abdou, directeur de plusieurs structures dans le domaine du social. Fort de sa réussite, il fait partie de ceux qui inspirent aujourd'hui nos étudiants, pour les encourager à réussir. Enfin, nous irons à la rencontre des tortues de Saziley. Nous y découvrirons leurs secrets, mais aussi les menaces qui planent sur elles. Bonne lecture à tous.
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COUP D’ŒIL DANS CE QUE J'EN PENSE
Laurent Canavate
Mayotte Hebdo n°190, vendredi 16 avril 2004
DANS QUEL SENS ALLER ?
Faut-il encourager la population à trouver un travail ou se battre pour obtenir l'instauration à Mayotte du RMI, de l'allocation chômage et autres prestations sociales ? Faut-il inciter l'installation d'industries, et lesquelles, pour tenter de résorber le chômage qui touche déjà près de 12.000 personnes ? Doit-on favoriser la création d'entreprises comblant les besoins des clients mahorais ou viser l'exportation ? Peuton importer des productions agricoles de nos voisins et les transformer sur l'île ? Mayotte peutelle se lancer dans les nouvelles technologies (sans le haut-débit), la production textile (avec une main d'oeuvre plus chère qu'à Maurice et Madagascar) ou doit-elle trouver des secteurs où elle saura mettre en avant ses atouts par rapport à la région ? L'agriculture doit-elle se focaliser sur la production vivrière ? Doit-on mettre le paquet pour faire renaître les filières des productions de rente que sont l'ylang et la vanille en privilégiant la qualité ou un label biologique ? Faut-il développer le tourisme, oui ou non ? Et avec des grandes structures ou plutôt des petites ? N'est-ce pas le meilleur moyen pour faire rentrer de l'argent dans l'économie une fois que les transferts d'argent public des grands travaux seront terminés ? Ne faut-il pas préparer ce moment dès à présent avec des formations, des encouragements, des soutiens ? Pour faire face à la raréfaction des terrains et la forte pression démographique va-t-on vers des immeubles de 2, 3, 5 ou 10 étages ?
TOLERIE - PREPAR ATION - PEINTURE
La politique culturelle doit-elle veiller à sauvegarder les traditions, à permettre aux jeunes de s'exprimer par des concerts de rap, à faire venir Johnny Halliday, ou encourager la production musicale, théâtrale, littéraire et leur promotion à l'extérieur ? Il faut aujourd'hui que nos responsables politiques définissent, avec tous les partenaires économiques et sociaux de la société mahoraise, la direction que suivra l'île dans les prochaines années. Ces questions n'ont pratiquement jamais fait l'objet de débats. Les seuls programmes connus font état de terrains de foot éclairés et de plateaux polyvalents. Les seuls débats économiques portent sur la hausse du salaire minimum. C'est dramatique et inquiétant. Une clarification des objectifs à atteindre permettrait à chacun de se positionner, que ce soit pour des études universitaires ou des formations dans lesquelles se lancer, des projets à mener, à préparer, des entreprises à encourager, des structures à créer. Faute de lignes directrices, le flou, l'inquiétude s'installent. Et le chômage continue de croître, la colère gronde, les salaires stagnent. Un projet de société est nécessaire, indispensable. L'argent public ne doit pas être gaspillé mais au contraire servir au développement, avec un respect du bien public : il ne s'agit pas de se servir, mais de servir. Et la recherche de l'intérêt général doit être la seule ligne de conduite de nos élus. C'est à ce prix et par une implication efficace de chacun que Mayotte continuera à avancer avec le soutien des forces vives.
MAYOTTE
SANS Z RENDE S U O V
PARE-BRISE
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S LE RÉTRO
Pour tous vos communiqués et informations
Une seule adresse : rédaction@mayottehebdo.com
Ramassage des ordures, électricité, etc. : grèves, jusqu'où ?
Barrages sur les routes, fermetures de mairies, coupures électriques, etc. : "à Mayotte, les moyens de contestation ne manquent pas et certains manifestants en usent et en abusent selon les périodes. Les mouvements de protestations ont jusqu'ici été plutôt pacifiques, mais les récents évènements survenus en Petite Terre et l'usage de cocktails molotov laissent planer une inquiétude. Comment gérer les violences liées à une incompréhension des lois ?", nous demandions-nous fin janvier 2010. Pour un syndicaliste, "Il y a une mutation qui se fait à Mayotte et on voit bien qu’il y a certaines choses qu’on n’a pas encore acquis, certaines informations sur les lois. Et la manière dont nos élus et nos politiciens traitent les conflits dans les communes ou au conseil général n’arrangent pas les choses. À un moment, la population finit par être excédée et va bloquer les voies. Elle se livre ainsi à des actions en pensant qu’elles sont autorisées alors qu’elle est dans l’illégalité. C’est toute une éducation qu’on doit tous faire. Mais ici, sanctionner n’arrange rien du tout. Ça ne fait qu’envenimer les choses et créer des haines entre les populations." Mayotte Hebdo n°460, vendredi 29 janvier 2010.
Boulangerie : un business croustillant
Succès pour le secteur de la boulange à Mayotte. Leur apparition est pourtant relativement récente. Les raisons de cette croissance sont diverses. Nous détaillions alors : "Avec une moyenne d'âge de 22 ans, les Mahorais sont très nombreux et friands de sandwichs. L'augmentation du nombre de snacks a donc suivi. À noter aussi l'amélioration de la qualité du pain. "Les recettes se rapprochent des standards métropolitains", explique Alexis Ruffet, patron de l'entreprise Panima. La mie fraîche, disponible toute la journée, est devenue une habitude dans l'île. "Aujourd'hui, on produit le matin et l'après-midi, ça n'a plus rien à voir avec l'image du boulanger qui ne travaille qu'une partie de la journée", explique Sailane Taenlabi, boulanger. De plus, le prix du pain est 30% moins cher que dans l'hexagone. 70 centimes la baguette en moyenne contre 1 € en métropole. Des tarifs à faire pâlir d'envie les métropolitains. Seule ombre au tableau, la filière manque de représentativité, notamment à cause de l'absence de fédération ou de syndicat des boulangers. "Il y avait un corps représentatif il y a quelques années, mais il a été dissout à la suite de plusieurs désaccords, notamment concernant le prix du pain", répond Alexis Ruffet." Mayotte Hebdo n°689, vendredi 30 janvier 2014.
LA PHOTO D'ARCHIVE Roselyne Bachelot fait une halte à Mayotte Novembre 2007 : la ministre de la Santé, de la jeunesse et des sports d'alors, Roselyne Bachelot, fait une rapide halte à Mayotte. Tout juste temps de constater les efforts menés pour améliorer le dispositif sanitaire de l'île. L'occasion de le dire : "J'ai conscience que cet établissement est devenu la référence sanitaire dans la région et, son activité en témoigne, de l'attraction qu'il représente pour la population des îles voisines."
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IL Y A 5 ANS
IL Y A 10 ANS
C'ÉTAIT DANS MH
TCHAKS
LA PHRASE
L'ACTION
"Ce n’est pas une spécificité mahoraise. Le Département le deviendra à terme, sans heurt ni chaos !"
LE CHIFFRE
Les classes défense renouvelées
83 000
Le rectorat, le ministère de la Défense et l’Institut des hautes études de défense nationale ont renouvelé, vendredi matin, leur partenariat dans le cadre des classes Défense, un dispositif qui propose aux collégiens de mieux découvrir les valeurs de la République et ses enjeux dans l’optique de susciter des vocations dans les différents corps de métier de l’armée. "L’éducation à la défense est une priorité de notre ministère. Elle permet d’apprendre le respect d’autrui et des valeurs de la République, et j’attache beaucoup d’importance à ces termes", a ainsi déclaré le recteur, Gilles Halbout.
C'est le nombre d'électeurs inscrits sur le territoire. Un fort engouement en vue des prochaines élections municipales, malgré la mise en place du répertoire électoral unique en janvier 2019, qui demande beaucoup plus de démarches aux administrés. "Le taux d’inscription est à Mayotte plus fort qu’en métropole", a souligné la cheffe du bureau des élections à la préfecture à l'occasion d'une journée d'information sur le scrutin.
Lors d'une conférence sur les fonds européen, le préfet Jean-François Colombet revient sur le refus par l'État de confier la gestion des crédits européens au Conseil départemental, malgré les demandes de ce dernier en ce sens. Au-delà, le haut-fonctionnaire qualifie la consommation des quelque 300 millions d'euros disponibles de "satisfaisante", malgré les disparités qui existent entre les différents fonds : 69,20% du Feder sont planifiés, 74,65% du FEA et 74% du Feader. Le Feamp, en revanche, peine à décoller avec seulement 37%.
LA PHOTO DE LA SEMAINE Dengue : le niveau 3 du dispositif Orsec est déclenché Mardi 28, face à la recrudescence du nombre de cas de dengue de sérotype 1, le préfet active le niveau 3 du dispositif ORSEC de lutte contre les arboviroses : "épidémie de faible intensité". Ce plan prévoit une lutte antivectorielle, un réquisitionnement de l’ancienne décharge de Dzoumogné pour stocker les déchets et une campagne de communication pour sensibiliser la population.
SALAIRE MINIMUM
TOURISME
Comme chaque année, le Smic est réévalué. Ainsi, son montant horaire brut est de 7,66€ depuis le 1er janvier, soit une augmentation de 1,20% par rapport à l'an dernier, le faisant passer à 1 161,77€ brut le salaire mensuel sur la base de la durée légale de travail de 35h hebdomadaires.
Suite à la réalisation de plusieurs actions, notamment la création de son identité visuelle, de guides et cartes touristiques, et à son lancement sur les réseaux sociaux, mais également dans le cadre d’une de ses missions principales qui est l’information des visiteurs, l’Office de Tourisme de PetiteTerre vient de lancer son site web. Il répertorie toute l’offre touristique naturelle et culturelle du territoire de Petite-Terre, mais aussi les prestataires touristiques, hébergements, restaurants, activités, artisans et association, etc.
Le Smic réévalué
Un site web pour l'OT de Petite-Terre
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LE FLOP LE TOP La société d'histoire et d'archéologie de Mayotte fête ses 30 ans
Trentième anniversaire de la société d'histoire et d'archéologie de Mayotte (SHAM) ! Fondée en 1990 par Claude Allibert et Henri- Daniel Liszkowski, elle poursuit depuis toutes ces années des recherches afin d’éclairer l’histoire de l’île aux parfums et de constituer son patrimoine. Parmi les évènements marquants, la structure se réjouit de la découverte des sites de M’tsamboro, de Dembéni et d’Acoua et se tourne aujourd’hui vers l’archéologie sous-marine. Une nouveauté indispensable : "Les premières populations de Mayotte et des Comores sont venues d’Afrique et/ou d’Indonésie… donc par la mer ! Il est donc indispensable de tenter de mieux connaître ces peuples de marins, leurs origines et fonctionnements", explique-t-on du côté de la SHAM. Pour mener à bien cette mission, l’association étudie les pièges à poissons construits depuis des siècles et s’intéresse également aux échanges pratiqués entre les Mahorais et les navigateurs, qui ont constamment longé les côtes pour commercer.
La coupure de courant provoque l'agacement
Grosse coupure de courant mardi 28. Mais, alors que le fait semblait acquis pour tous – EDM parlant de "sabotage" et la préfecture évoquant une intrusion au poste source de Longoni, la CGT est venue nier son implication dans l'évènement. "Il ne faut pas croire à l’enfumage !", a ainsi martèle Salim Nahouda. Pour le fer de lance de la contestation qui gronde chez EDM et secrétaire départemental de la CGT, les agents grévistes n'y seraient pour rien. Pour le justifier, le responsable syndical invoque un rapport interne recensant les différents incidents survenus au cours de la journée susceptibles d'être à l'origine de la panne générale. Alors, qui croire dans ce contexte ? Seule une enquête indépendante sur le réseau permettrait de faire la lumière sur ce duel. Ce qui ne semble pas dans les cartons de la préfecture qui a reçu mercredi les représentants des agents grévistes d’EDM. "La réunion s’est très bien passée, de manière très cordiale et il n’y a pas de commentaire supplémentaire à faire", a-t-elle indiquée. En attendant, nombre de particuliers et d'entreprises ont pâti de cette coupure.
ILS FONT L'ACTU Moussa Mouhamadi Bavi Le président du Syndicat mixte d'eau et d'assainissement de Mayotte (Smeam) – nouveau nom du Sieam – présente ses vœux de nouvelle année pour la dernière fois, un mois et demi avant les élections municipales. "Je voulais vous dire solennellement et sincèrement mes remerciements et ma reconnaissance pour votre soutien pendant ces deux années de renégociation de la DSP [délégation de service public] eau potable et tout au long de la périlleuse démarche de l’externalisation de la régie de l’assainissement, non encore achevée à ce jour", a-t-il déclaré, en soulignant que les deux dernières années ont été marquées par "une situation financière très difficile et une crise sociale compliquée."
Christelle Dubos La secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé est en visite à Mayotte du samedi 1er au mardi 4 février. Plusieurs séquences rythmeront son séjour : visite d'une partie de Kawéni, rencontre à la Croix- Rouge de Passamaïnty, échanges lors d’une distribution d’aides alimentaires, visite auprès de l'association Mlezi Maoré pour découvrir les dispositifs maison d’adolescents, ateliers de jeunes, point accueil, écoute jeunes et publics invisibles, participation à la deuxième conférence régionale des acteurs de la lutte contre la pauvreté, petit déjeuner à l’école de Vahibé, rencontre de l’équipe anti-vectorielle de l’Agence régionale de santé ou encore présentation du prototype de maison en kit pour l’hébergement adapté à Doujani.
PROVERBE Kana "sho" adjali ya mwendza "sho". Celui qui n'en a pas est un danger pour celui qui en a.
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À LA RENCONTRE DE...
Geoffroy Vauthier
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LAHADJI ABDOU
DIRECTEUR DE TIFAKI HAZI ET MSANDA MAYOTTE À 37 ANS, LAHADJI ABDOU EST DIRECTEUR DE LA PRINCIPALE STRUCTURE D'INSERTION PAR LE TRAVAIL DE MAYOTTE, TIFAKI HAZI, MAIS AUSSI DE MSANDA MAYOTTE, QUI APPORTE UNE AIDE AU MAINTIEN À DOMICILE DES PERSONNES ÂGÉES DU TERRITOIRE. DEUX SECTEURS D'IMPORTANCE POUR LE 101ÈME DÉPARTEMENT QUE LE RESPONSABLE GÈRE GRÂCE À UNE VOLONTÉ SANS FAILLE. "Professionnellement parlant, il n'est pas toujours aisé de trouver des personnes inspirantes à Mayotte. Cela me manque.", regrette-t-il, expliquant que les compétences en métropole sont plus élevées qu'ici et qu'il est donc plus simple de progresser encore et encore. Mais au fond, il faut bien commencer par quelque part. Il faut toujours des premiers et sans doute que Lahadji Hadji est de ceux-là. Directeur de Tifaki Hazi, structure d'insertion par le travail ; mais aussi de Msanda Mayotte, qui aide au maintien à domicile des personnes âgées, l'homme œuvre dans deux secteurs déterminants pour le territoire. Une responsabilité qu'il a du prendre dès son retour sur le territoire en 2009. Mais revenons un peu en arrière pour mieux connaître le parcours de celui qui est originaire de Barakani et qui, en 2002, une fois son bac ES en poche, s'est envolé en métropole poursuivre ses études, "comme nombre d'autres Mahorais à cette époque." "J'ai commencé par un DUT gestion, à Chambéry. Et puis une fois qu'il a été validé, j'ai enchaîné sur une licence pro gestion et création des entreprises à Lyon, avant
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CE QU'ILS EN DISENT Mazzon Bounou Madi, ami de Lahadji abdou "Je le connais depuis le lycée, et c'est quelqu'un de très déterminé et travailleur. Quand il veut quelque chose, il s'y met à fond. S'il commence, il faut absolument qui aille jusqu'à la fin. Parmi tous les gens que je connais, c'est le plus travailleur, indéniablement."
de retourner à Chambéry pour une deuxième licence et re repartir à ClermontFerrand pour mon Master 2 gestion et management des entreprises. Vous voyez, j'ai pas mal voyagé en métropole pour mes études", rigole-t-il. Un cursus très économique et entrepreneurial qu'il tient de son entourage : "Mon beaufrère était chef d'entreprise. Plus jeune, cela m'a donné envie alors je me suis dit que je serai chef d'entreprise également.
À partir de là, j'ai orienté toutes mes études et tous mes stages dans ce sens. C'était important de le faire." À l'issue de son parcours, en 2008, l'envie de rentrer à Mayotte n'est pas au rendez-vous. Il l'explique : "Là-bas, il y a plus de compétences qu'ici, plus de gens qui savent. Il y a aussi beaucoup de concurrence, ce qui élève le niveau technique. C'est important de s'y confronter pour devenir meilleur car ici,
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la conscience professionnelle n'était pas toujours au rendez-vous. Je voulais avoir le maximum d'expérience, me former le plus possible." Il reste donc dans l'Hexagone où il est à la fois courtier en assurance et salarié. "Le métier de courtier est un domaine compliqué car on est commissionnaire, justifie-t-il. Il faut donc se constituer un portefeuille de clients avant tout. Cela demande beaucoup de temps et d'investissement pour se créer un réseau et pouvoir en vivre. Donc j'avais également un travail salarié en parallèle pour stabiliser mon quotidien." Le retour sur son île natale se fera finalement en 2012.
DÉVELOPPER TIFAKI HAZI "J'avais deux opportunités : une chez Total, l'autre chez Tifaki Hazi, que je ne connaissais pas du tout. Mais ce sont eux qui m'ont rappelé en premier. Cela a été rapide. Dans la semaine j'ai fait l'entretien, je suis rentré à Mayotte et j'ai commencé ma mission." Laquelle ? "C'était une petite structure avec toutes les problématiques qui les caractérisent et des problèmes sociaux et économiques. En tant que directeur, il fallait rapidement poser un diagnostic, structurer l'interne et continuer le développement. Il y a eu beaucoup de difficultés, notamment parce que ce n'est pas simple d'être un jeune qui se retrouve avec des gens ici depuis plus longtemps. Être accepté n'est pas une évidence. On se fait petit au début car on a beau avoir la technique et le savoir-faire, on reste le dernier arrivé. Il faut maîtriser l'environnement, bien connaître la structure avant de montrer les muscles d'une certaine manière." D'autant que Lahadji a déjà un objectif clair, "Faire de Tifaki un acteur majeur de l'insertion par l'activité économique et développer des filiales." Une gageure : "Quand vous expliquez ça à un conseil d'administration qui n'a pas toujours une vision, c'est compliqué. Cela leur paraît être de la théorie mais rien de plus." Malgré tout, le responsable s'accroche et atteint le but qu'il s'est fixé. "On s'est affirmé comme la structure référente du secteur, se réjouit-il. Et maintenant on
est en train de se transformer en groupe économique et solidaire." Preuve s'il en fallait qu'une fois qualifié, Mayotte sait offrir de belles opportunités à qui aime relever les défis.
DES COMPÉTENCES RARES Des compétentes qui manquent malheureusement toujours cruellement sur le territoire. Il le déplore : "Il n'y en a toujours pas beaucoup. Plus qu'il y a 10 ans, c'est vrai, mais elles manquent toujours. Si vous voulez trouver un jardinier qualifié, par exemple, vous n'en trouverez pas. Vous trouverez un jardinier qui sait faire, oui, mais selon les secteurs, on demande des qualifications. C'est un préalable." Un problème pour le territoire, mais une chance pour ceux qui veulent le faire bouger ? Oui, mais "les gens que je côtoie ont du mal à montrer leur volonté d'apprendre, de prouver leur envie d'aller plus loin. Ils ont plutôt peur de mal faire, alors qu'il faut essayer. Monter, cela veut aussi dire commettre parfois des erreurs. Je leur dis que c'est ainsi qu'on avance. Il faut s'interroger sur son métier, son environnement, pour évoluer. C'est une façon de voir les choses, mais tout le monde ne l'applique pas." Elle est pourtant payante : voilà 11 ans que Lahadji Abdou est à la tête de Tifaki. Un accomplissement pile dans ses cordes : "Quand on est créateurs de structures, on est chef d'entreprise, même si nous avons des valeurs sociales. Et quand on est chef d'entreprise, on fait travailler des gens, ce qui développe le territoire. Je suis plutôt satisfait de ce que j'ai fait, de participer à l'économie mahoraise et d'inspirer d'autres personnes. " Et de finir sur un conseil aux étudiants d'aujourd'hui : "Même si on ne sait pas ce qu'on va faire, il faut identifier ses points forts et ses points faibles. Si on est mauvais en math, alors on ne va pas en économie gestion, par exemple. Il faut privilégier les domaines où l'on est à l'aise, où l'on sent qu'on a des compétences de base à optimiser. Il faut se connaître un minimum."
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LE DOSSIER
Geoffroy Vauthier Solène Peillard Raïnat Aliloiffa Sanna Ray
DES RYTHMES PEU ADAPTÉS
LA IÈRE T I R R R BAE L'ÉC D
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LA DÉLICATE QUESTION E U G N A L A L E D E R IÈ R R DE LA BA éducation
PAROLES DE PROFS Ils sont les tout premiers maillons du système éducatif à Mayotte. Les instituteurs et professeurs du départements sont donc aussi les premiers à constater les difficultés rencontrées par les élèves. Les difficultés, oui, mais pas seulement. N'y aurait-il pas également quelques incohérences dans le système national tel qu'il est calqué sur un département aux particularismes si forts, comme on le dit pudiquement ? Alors, qu'ont-ils à dire, ces professeurs ? Quelles sont ces difficultés ? Et qu'est ce qui pourrait être amélioré pour que nos jeunes exploitent enfin toutes leurs capacités ?
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LE DOSSIER
CAROLINE*, INSTITUTRICE
LE PLUS GROS PROBLÈME RÉSIDE DANS LA SURPOPULATION SCOLAIRE UNE ENSEIGNANTE DANS UNE ÉCOLE PRIMAIRE DE LA CIRCONSCRIPTION DE DEMBENI, POINTE DU DOIGT L’ORGANISATION DU SYSTÈME SCOLAIRE À MAYOTTE QUI VA À L’ENCONTRE DU BIEN-ÊTRE DES ENFANTS ET DE L’APPRENTISSAGE. UNE SITUATION FRUSTRANTE POUR LES PROFESSEURS ET POUR LES ÉLÈVES. Le plus gros problème est la surpopulation scolaire. Cela contraint à mettre en place des systèmes de rotations en école primaire, qui nuisent fortement aux élèves. La rotation est contre le rythme biologique de l’enfant parce qu’il a cours pendant cinq heures sans véritable pause comme la pause méridienne. Les 15 minutes de récréation ne sont pas suffisantes. L’enfant est contraint de rester concentré durant cinq heures. Je constate qu’au bout de deux à trois heures, l’attention des élèves diminue énormément, notamment les après-midis parce qu’ils arrivent à l’école déjà fatigués. Ces enfants se lèvent très tôt pour aller à l’école coranique et ils contribuent aux activités nécessaires à la vie quotidienne des familles malgré leur jeune âge. Il y a aussi des matières qui sont délaissées par les instituteurs à cause de la surpopulation scolaire et du manque de moyens, à l’exemple de la peinture, du sport, etc. Alors que les
enfants ont besoin de ces activités pour les stimuler. Si l’école pour eux ne se rattache qu’au français et aux mathématiques la motivation n’est plus là.
UNE PRISE EN CHARGE DES ÉLÈVES "PARTICULIERS" INEXISTANTE Il y a beaucoup d’élèves qui ont des besoins particuliers. J’en ai dans ma classe. Mais les démarches administratives pour les prendre en charge sont tellement longues, ça peut prendre des années, que ces enfants continuent à être scolarisés dans des écoles normales. Nous sommes obligés de composer avec. Ce sont des enfants en situation de handicap, parfois très lourd, qui ne sont pas capables d’entrer dans l’apprentissage normal comme les autres. Ils demandent énormément d’attention et pour le professeur qui doit gérer toute une classe, cela devient très difficile. La prise en charge arrive
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généralement très tardivement au collège, quand l’enfant a déjà complètement décroché et n’aime pas l’école. À cela s’ajoute les élèves qui arrivent alors que l’année scolaire est déjà bien entamée. Ce sont des enfants qui ne sont jamais allés à l’école, qui ont tout à apprendre bien après la rentrée. Ils n’ont pas toutes les bases de maternelle et ils n’ont pas appris à être élève. Ils n’ont pas d’autonomie, il faut leur consacrer beaucoup de temps. Certains sont incapables de faire une phrase correctement. Et c’est un énorme handicap parce que le langage est la base de l’apprentissage. S’ils ne comprennent pas ce que je leur dis, ils ne peuvent rien faire. On a des professeurs UPE2A (Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants) qui viennent nous aider mais seulement une fois toutes les deux semaines et ils restent trois quarts d’heure. Vous comprendrez que c’est complètement inefficace. En métropole il y a des classes UPE2A où les enseignants ont entre 12 et 15 élèves et ils apprennent aux enfants les bases de l’école et ensuite on les intègre dans des classes normales. (…) En plus je suis dans une circonscription où les parents ne savent généralement pas lire ni écrire le français donc ils ne suivent pas la scolarité de leurs enfants. Et c’est difficile pour moi, par exemple, de communiquer avec eux alors que la communication parents-professeurs est importante pour la progression de l’élève.
ne connaissent pas comme la neige, le bonhomme de neige, etc. C’est loin de leur univers. Si on rajoute à cela leur niveau qui est très bas, on a l’impression de leur faire passer l’épreuve de leur vie. On les met en échec et ce n’est pas agréable ni pour eux ni pour nous. Cela serait plus judicieux de les évaluer
DES RYTHMES PEU ADAPTÉS
UNE RÉADAPTATION INDISPENSABLE POUR REMONTER LE NIVEAU En CP et CE1 on nous demande de faire passer des évaluations nationales trois fois par an. Sauf qu’elles sont complètement inadaptées au quotidien d’un enfant à Mayotte parce qu’il y a du vocabulaire qu’ils
différemment, par exemple en élaborant une évaluation spéciale pour des enfants en difficultés qui sont dans les REP. J’ai une classe de CP mais je ne peux pas m’attendre à un niveau normal. L’année scolaire est divisée en cinq périodes et les élèves doivent être capables de faire telle ou telle chose au bout de chaque période. Mais les élèves ici sont très en retard. Les miens sont encore dans les prémices du CP, alors qu’on est au milieu de l’année scolaire. Mais je suis obligée, parce qu’ils sont arrivés avec très peu de bases. Et les enseignants devraient tous s’adapter à la situation locale. Il ne faut pas vouloir à tout prix finir le programme. Si un enfant arrive en CP et qu’il n’a pas les bases de maternelle alors travaillons les bases de maternelle, ce n’est pas grave si on prend du retard sur le programme. Il faut peut-être revoir à la baisse les objectifs pour arriver à les atteindre. Mais les élèves ne sont pas responsables de tout cela. Il y a énormément de paramètres qui entrent en jeu, notamment le manque considérable de moyens humains et matériels dans les écoles. J’ai des collègues démissionnaires parce que c’est très compliqué et on a du mal à voir la lumière au bout du tunnel. On n’arrive pas à positiver. n *Le prénom a été changé.
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LE DOSSIER
GAUTHIER, PROFESSEUR DE TECHNOLOGIE EN COLLÈGE
"LES NIVEAUX SONT BEAUCOUP TROP DIFFÉRENTS DANS UNE SEULE CLASSE ET C’EST DIFFICILE À GÉRER" GAUTHIER, PROFESSEUR DE TECHNOLOGIE AU COLLÈGE DE OUANGANI S’EST CONFIÉ SUR LES DIFFICULTÉS QU’IL RENCONTRE AU QUOTIDIEN AVEC SES ÉLÈVES QUI ONT DES NIVEAUX TRÈS DIFFÉRENTS. UN HANDICAP POUR FAIRE AVANCER LE PROGRAMME, QU'IL JUGE PAR AILLEURS PEU ADAPTÉ À MAYOTTE. J’ai des classes de 6ème, 4ème et 3ème et dans chacune d’elles il y a des non-lecteurs. J’ai en moyenne 28 élèves par classe. C’est un chiffre raisonnable. Mais le problème ne réside pas dans le nombre d’élèves par classe mais surtout dans leur niveau. Ce sont des
élèves qui ne savent ni lire ni écrire. Ou bien ils savent lire mais ils ne comprennent pas le sens. J’ai enseigné au collège de Dembeni, et maintenant au collège de Ouangani et c’est la même chose. C’est pareil sur tout Mayotte.
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LA BARRIÈRE DE L'ÉCRIT C’est très compliqué de travailler avec eux. Mais je ne suis pas le plus à plaindre parce que je suis prof de techno et avec les ordinateurs je peux faire des activités interactives et ludiques. Je fais aussi beaucoup de captures vidéo c'est-à-dire que j’explique les consignes dans une vidéo. Comme ils ne savent pas lire je lis pour eux. Cela permet à certains d’avancer pendant que je m’occupe des élèves qui ont vraiment des difficultés. Pour mes collègues qui n’ont pas d’ordinateur c’est beaucoup plus compliqué. En général les élèves qui ont des grosses lacunes sont laissés à l’écart parce qu’il n’y a pas vraiment de dispositifs pour les prendre en charge. Avant en France il y avait les classes de niveau mais maintenant elles sont interdites parce que ça stigmatisait les élèves. Ils se moquaient des uns et des autres. Les classes sont donc homogènes mais à l’intérieur des classes le niveau des élèves est vraiment hétérogène. On a des bons élèves et d’autres qui ont de grosses difficultés. Les niveaux sont beaucoup trop différents pour pouvoir gérer tout ça. Je pense qu’il faudrait autoriser à nouveau les classes de niveau et axer l’enseignement sur le français, la lecture et l’écriture et les mathématiques parce que c’est vraiment la base. Les élèves ont des difficultés depuis l’école primaire. En plus certains collègues ne sont pas très assidus, particulièrement en primaire. Ils délaissent les élèves
et ensuite on les récupère au collège avec des grosses lacunes. Sans parler du problème de la discipline. Ces enfants n’ont pas l’habitude d’être encadrés et il faut tout leur apprendre. On a aussi beaucoup de jeunes qui ont des soucis cognitifs. Ce sont un peu des "légumes" en classe et on ne fait rien avec eux. À cela s’ajoute les parents qui ne se soucient pas de la scolarité de leurs enfants. Mais j’ai l’impression que cela dépend des établissements. Quand j’étais au collège de Dembeni il n’y avait pas de suivi de parents. Donc c’était compliqué parce que les élèves ne savaient pas trop pourquoi ils venaient à l’école. Ils venaient juste pour manger la collation. À Dembeni c’est plutôt des immigrés anjouanais et ils ont généralement une situation familiale compliquée. Cette année à Ouangani c’est différent parce qu’il y a beaucoup plus de Mahorais ou Malgaches et les parents sont beaucoup plus derrière. Mais le niveau reste très faible.
UNE FORMATION NON ADÉQUATE Entre la métropole et Mayotte le profil d’élève est complètement différent. Nous avons un système basé sur la métropole qui n’est pas du tout adapté au territoire. Les professeurs ici ne savent pas trop comment s’occuper des élèves qui ne comprennent pas le français. Ça ne fait pas partie de notre formation. J’ai été formé pour les élèves de métropole et pas ceux de Mayotte. Il faudrait donc donner plus de moyens aux professeurs d’ici pour qu’ils puissent faire leur travail correctement. Les professeurs passent beaucoup de temps à la préparation des cours et on voit finalement que les élèves n’accrochent pas parce qu’ils n’ont pas du tout le niveau de la métropole. Alors on essaye de faire autre chose avec eux. Mais même quand je fais des activités très simples ils n'arrivent pas à suivre. Alors maintenant je me demande même si je ne vais pas partager mon temps en deux et passer plus de temps à faire du français même si je suis prof de techno. Parce que je sais qu’ils ne sont pas bêtes. Quand je prends le temps d’expliquer à l’oral ils comprennent les consignes. C’est vraiment la barrière de l’écrit qui les empêche d’avancer. Avant d’arriver à Mayotte il y a deux ans je connaissais un peu la situation à Mayotte parce que toute ma famille est dans l’enseignement sur l’île et ils m’ont raconté. Mais je connais beaucoup de professeurs qui disent qu’ils sont choqués et désespérés. Et certains partent parce qu’ils se sentent inutiles. Mais malgré tout cela, les élèves ici sont plus gentils qu’en métropole. Et ils sont motivés, ils ont envie d’apprendre malgré leurs lacunes.
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LE DOSSIER
LAURA, PROFESSEURE DE LANGUES AU COLLÈGE
LA GRANDE BARRIÈRE DE L'ALLOPHONIE PROFESSEURE DE LANGUES À MAYOTTE DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, LAURA* MET EN AVANT UNE DIFFICULTÉ MAJEURE : UN ENSEIGNEMENT BASÉ SUR LE FRANÇAIS – LANGUE ÉCRITE RÉPUTÉE DIFFICILE ET PLEINE DE NUANCES – POUR DES ÉLÈVES NON FRANCOPHONES ET CULTURELLEMENT DE TRADITION ORALE. UNE BARRIÈRE FORTE À UNE BONNE ACQUISITION DES SAVOIRS.
Grâce à plusieurs années d'expérience à Mayotte, Laura*, professeure de langues, dresse un constat dur mais objectif des problématiques auxquelles sont confrontés les professeurs de l'île. Les professeurs, mais aussi les élèves pour qui le système éducatif français n'est pas vraiment adapté aux réalités du terrain. En tête de liste : l'allophonie locale, jusqu'ici peu prise en compte par les institutions. Elle l'explique : "Quasiment tous les élèves sont allophones, c'est-à-dire que le français n'est pas leur langue maternelle. Il y a des lois qui reconnaissent que ces élèves ont droit à un traitement particulier. Sur le continent, cela ne concerne que les étrangers arrivant sur le territoire, et c'est bien le principe car en métropole, le français est la langue maternelle de base. À Mayotte, les étrangers qui arrivent en bénéficient aussi – quand ils ont la chance d'être scolarisés – et cela leur permet d'accéder aux différentes disciplines. Celles-ci sont, dès lors, enseignées avec cet outil de "français langue de scolarisation", pour leur permettre de comprendre. Or, ici comme dans les autres DOM, il n'y a pas que les étrangers qui sont
allophones, les Mahorais aussi. Cette allophonie des populations locales françaises, pourtant très forte, est complètement niée alors qu'on constate tous, tous les jours, que Mayotte a beau être française depuis 180 ans, la population et la jeunesse ne maîtrise toujours pas le français, en tout cas pas à l'écrit. En d'autres termes, on part du principe que les Mahorais sont français et que leur langue maternelle est donc le français. De fait, ils ne peuvent pas bénéficier de ce dispositif destiné à apprendre le français à des non francophones." Toutefois, "l'idée n'est pas de dire que les étrangers ont plus de droits, ce n'est pas le cas, loin de là, mais on peut regretter que les Mahorais, parce supposés maîtriser parfaitement la langue, ne puissent pas entrer dans ce dispositif aussi. On peut très bien être français et être allophones : la preuve avec Mayotte. Il ne faut pas tout confondre ! (…)" En ce sens, remettre en avant les langues régionales et maternelles parait être une évidence, "c'est même une nécessité car il faut que les élèves arrivent à comprendre ce qu'ils apprennent. (…) Il faudrait revoir l'ensemble des disciplines sur une base d'allophonie, mais c'est très compliqué à mettre en place car cela
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LA DÉLICATE QUESTION E U G N A L A L E D E R IÈ R R A B A L DE veut dire dériver de ce qui doit être fait dans un cadre franco-français. Et puis on manque de tout. Si on faisait ça, il faudrait aussi des formateurs. Or, si on manque déjà de profs, c'est aussi qu'on manque de formateurs." En découle une autre problématique : "On est aussi confronté au problème de l'écrit : des enfants savent parler français – et encore pas du tout au niveau qu'il faudrait – mais produire un écrit, lire, et analyser, c'est en revanche très compliqué, tout comme le fait d'argumenter. Il n'y a rien d'anormal là-dedans car le shimaoré est une langue très fonctionnelle. L'argumentation n'y existe pas et on ne les a jamais entraînés à l'acquisition d'autres concepts. On en arrive donc à des situations ubuesques : arrivés au bac, à l'épreuve de philosophie par exemple, on les fait réfléchir à des concepts alors qu'il n'y a pas de concret dans leur langue maternelle. C'est une barrière forte : nous, nos programmes et nos apprentissages sont basés sur une culture de l'écrit, alors qu'eux sont dans celle de l'oralité. Déjà, à la base, le fossé est énorme." Mais alors, comment limiter la casse ? "En fonction des époques, des recteurs, des établissements et des bonnes volontés, on met en place des dispositifs permettant d'identifier les enfants qui ne savent pas lire, écrire, parler, comprendre et, sur la base du volontariat, on essaye de leur apprendre avec une méthode qu'on a développé. (…) Nous, les profs, sommes devant les élèves toute la journée, alors on s'adapte, on fait ce qu'on peut pour se mettre au niveau de l'élève et le faire progresser, mais ça demande des capacités d'organisation. (…) Chaque collège fait comme il peut, à l'image de la notion "d'homogénéité contrôlée" : des classes de niveaux. Ce n'est pas très politiquement correct, mais ce n'est pas idiot car cela permet d'éviter ce qu'on appelle le tiers morbide, avec un tiers complètement largué, un tiers qui pourrait suivre un programme classique mais qui est empêché par le tiers du bas, et un tiers ventre-mou au milieu qui n'est pas non plus tiré vers le haut." D'autres contraintes existent, comme le fort turn-over et donc un manque de suivi sur la durée : "Les gens vont et viennent, que ce soient les professeurs, les directeurs, les recteurs. Le turn-over est très fort. Quand bien même on aurait un bon dispositif sur une année, il n'est donc pas certain qu'il perdure." Autant de disfonctionnements qui se dresse contre la réussite des jeunes de l'île. "Tout cela est vraiment
dommage, car les gamins d'ici sont comme tous les autres, ils veulent être profs, infirmiers, flics, etc., mais en l'état actuel des choses, ils ne le pourront jamais parce qu'on va les envoyer dans des filières trop difficiles pour eux, afin de laisser la place dans des filières plus faciles à des gamins qui, de toute façon, n'y arriveront pas non plus. C'est une vraie spirale de l'échec." Quant aux meilleurs des meilleurs, "on va les envoyer en métropole, mais ça va être compliqué pour eux. C'est normal : ils ont été habitués à avoir 15 de moyenne ici, mais ce 15 ne veut rien dire. Pourquoi ? Parce qu'on nous dit "débrouillez-vous comme vous voulez mais mettez la moyenne aux gamins. Débrouillezvous mais il faut que 70% aient le bac, etc.", même si beaucoup de profs s'y refusent (…) J'ai corrigé le bac une fois et je ne le referai plus : on s'est retrouvé avec des moyennes entre 2 et 4, et c'est avec des comités d'harmonisation des notes que tout cela a été remonté, parce qu'il faut tel taux de bacheliers. Les bons gamins sont sacrifiés, les autres aussi… on marche sur la tête."
DE LA NÉCESSITÉ D'AGIR AUSSI SUR LE VOLET SOCIAL D'un point de vue purement pédagogique, Laura juge positivement le nouveau patron de l'Éducation nationale à Mayotte, Gilles Halbout – "le recteur actuel est quelqu'un de très bien, alors je pense qu'on a pouvoir faire des choses tous ensemble", espère-t-elle –, mais elle sait que cet aspect-là ne saurait être suffisant. Elle développe : "le plus important, c'est le volet social. Même si pédagogiquement c'était la folie, que tout aille bien dans le meilleur des mondes, si l'élève a faim, s'il ne sait pas qui il va trouver chez lui le soir en rentrant, s'il dort par terre entouré de sept frères et sœurs, qu'il n'a pas de quoi manger, cela ne changera pas. Ce sont des conditions clairement défavorables pour les enfants. Tant qu'on n'aura pas clairement avancé sur ces problématiques-là, qui ne concernent pas que des étrangers comme on le pense parfois, mais aussi des Mahorais, on n'ira pas très loin." *Le prénom a été changé.
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LE DOSSIER
SARAH*, PROFESSEURE DE FRANÇAIS
"LES CHOSES NE SONT PAS ABORDÉES DE LA BONNE MANIÈRE" PROFESSEURE DE FRANÇAIS EN COLLÈGE DEPUIS TROIS ANS, SARAH* CONSTATE ELLE AUSSI DE FORTES DIFFICULTÉS DUES À LA BARRIÈRE DE LA LANGUE. L'argumentation est difficile pour les élèves. Et c'est normal : dans leur quotidien, on ne leur demande pas de se justifier, on ne leur demande pas forcément de réfléchir à pourquoi ils aiment ça ou ça, pourquoi ils pensent ceci ou cela. Ils sont plutôt dans une démarche de "Il faut penser ça", "C'est comme ça." Du coup, cela se ressent énormément dans tout ce qu'ils disent. Un exemple : j'ai fait de l'aide personnalisée l'an dernier et je leur ai demandé ce qu'ils avaient besoin de travailler. Ils ne savaient pas me répondre car ils ne connaissent par leurs difficultés. Pour eux, c'est même compliqué de dire ce qui va ou qui ne va pas. J'ai aussi fait un cours en commun avec une enseignante d'Histoire et Géographie, qui s'appelait Littérature et société et qui mêlait, comme le nom l'indique, les deux matières. On avait créé des débats sur les thèmes de leur choix – avec entre autres l'homosexualité, la place de la femme dans la société, ou encore les violences entre jeunes à Mayotte –, justement pour créer de l'argumentation et leur faire comprendre que les écrits et les paroles peuvent servir à faire changer l'opinion publique, ou tout au moins à informer. Et bien cela a été très compliqué. Ils avaient l'air très emballés, ils ont été attentifs et actifs, car on leur demandait leur avis, ce qu'ils pensaient, mais ils avaient énormément de mal à justifier leurs pensées, ils n'arrivaient pas à formuler et à expliquer le pourquoi du comment. Ce n'était pas qu'ils n'avaient pas d'opinions, mais on voyait très clairement qu'ils étaient confrontés à leurs limites. Alors évidemment, il y a tout un tas de problématiques qui expliquent cela, mais je pense que leur langue natale prend tellement d'espace, avec des parents qui ne parlent pas français, que c'est compliqué pour eux. Ils n'entendent parfois parler français qu'à l'école car pour la plupart, le français est la langue secondaire et on le constate dans les établissements scolaires : quand ils discutent entre eux, c'est en shimaoré. Ils ne sont
donc pas habitués à réfléchir en français, qui est la langue d'apprentissage. Cela crée forcément un fossé car ils doivent traduire. De fait, appliquer la même manière qu'en métropole est impossible. C'est pour ça que les notes sont pitoyables et que le niveau l'est aussi. Il y a plein de choses intéressantes et qu'ils doivent savoir, mais il faudrait pouvoir le transmettre différemment. Pour autant, il me semble important de continuer à enseigner en français car les deux langues n'ont pas du tout la même structure. On ne peut pas traduire de l'une à l'autre. Il vaut mieux que de temps en temps un camarade leur explique en shimaoré parce qu'il a compris, mais que cela reste ponctuel sinon le français ne rentrera jamais et c'est la clé. À mon avis, la seule solution est de partir de très loin, de reprendre toutes les bases, dès le primaire, car c'est là que tout se joue. Ils n'ont aucune base en conjugaison et en orthographe. Pour s'exprimer, ils traduisent juste leurs idées du shimaoré vers le français, mais aussi les phrases par les sons. C'est hyper problématique car certains sons sont proches, et ils ne parviennent donc pas à faire la différence : ils écrivent en phonétique d'une certaine manière. Tout ça, cela s'apprend dès le primaire, alors si la plupart n'a pas ces bases, c'est bien qu'il y a un problème de ce côté-là. Il faut aussi le dire très clairement : on envoie ces gamins au casse-pipe en leur laissant penser qu'ils ont le niveau. On ne nous demande pas clairement de les surnoter, mais on doit appliquer un mot d'ordre : "la bienveillance." Cela veut dire quoi ? Que si on arrive à percevoir l'idée, qu'elle est bonne, même si c'est mal écrit, on doit mettre le point. D'une certaine façon, il est vrai que si on n'applique pas ça, on met 0 à tout le monde, mais est-ce vraiment les aider ? Je ne crois pas car du coup ils s'imaginent qu'ils ont le niveau et ont l'impression que même sans travailler ça sera facile. *Le prénom a été changé
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KÉVIN*, PROFESSEUR EN LYCÉE, TITULAIRE DE SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES DEPUIS 3 ANS
"AVEC LES MOYENS ACTUELS, LES ENSEIGNANTS NE PEUVENT PAS FAIRE GRAND-CHOSE" SI LE NIVEAU SCOLAIRE EST INDÉNIABLEMENT PLUS FAIBLE À MAYOTTE QU'EN MÉTROPOLE, KÉVIN, PROFESSEUR EN LYCÉE, PRIVILÉGIE L'IMPLICATION DES PARENTS PLUTÔT QUE L'ADAPTATION DES PROGRAMMES. MAIS DANS UNE "LOGIQUE LOGISTICIENNE" OÙ LES ÉLÈVES REDOUBLENT PEU FAUTE DE PLACES, IL CONCÈDE LUI-MÊME GONFLER PARFOIS LES NOTES. Le niveau scolaire est faible à Mayotte, surtout en mathématiques et en français, à l'oral comme à l'écrit. Ceci dit, on a aussi de belles surprises en métropole concernant l'orthographe. Mais ici, les élèves n'ont pas la culture de l'écrit, puisque le shimaoré est une langue orale. Et s'ils ne parlent pas français dans leur famille, c'est normal qu'ils maîtrisent moins bien la langue. Je crois que me souvenir que 70 % des plus de 30 ans à Mayotte ne sont jamais allés à l'école, alors il faudrait investir davantage les parents dans la scolarité de leurs enfants, par des rencontres parents/profs ou des écoles des parents (des associations scolaires de soutien aux familles dans les domaines de la parentalité et de l'éducation, ndlr), ce qui existe à Mayotte. Il faudrait aussi davantage de moyens financiers pour mettre en place des cours de soutien de français intensifs supplémentaires sur la base du volontariat, qu'on laisse aux élèves la possibilité de se mettre à niveau, mais avec les moyens actuels, les enseignants ne peuvent pas faire grand-chose. Aujourd'hui, un élève mahorais coûte moins cher à l'État qu'un élève métropolitain en termes de dépenses. C'est un choix politique et diplomatique. Je pense aussi qu'il y a un problème concernant l'éducation primaire et la formation des professeurs des écoles. Il y a beaucoup de contractuels et dans les années 90 il me semble, il y a eu une vague de titularisation d'individus non formés… Pourtant, il n'y a pas plus épanouissant que d'enseigner ici, on a le sentiment d'apporter quelque chose aux élèves, ce qu'ils ne trouvent pas dans leur famille. En vérité, seul le temps fera l'affaire. Quand mes élèves auront des enfants, je pense que ça ira mieux. Concernant les programmes, je suis pour qu'ils restent nationaux au nom de l'égalité républicaine. Si les Mahorais doivent savoir des choses sur leur île, l'ensemble des Français aussi. Mayotte est française, c'est une région ultrapériphérique de l'Union européenne, alors ce n'est pas parce qu'ils sont Mahorais que l'Histoire de l'Europe ne les concerne pas. Pourquoi est-ce qu'ils devraient plus étudier l'archipel des
Comores plus que la Normandie ? Ce sont des Français comme les autres, on ne va pas leur apprendre à couper des régimes de bananes. Est-ce qu'on fait étudier la pâte à crêpes aux Bretons ? À titre personnel, je ne me sens pas concerné par le Moyen-Âge, la guerre froide, mais je l'ai appris quand même. C'est une culture commune et c'est l'objectif de l'éducation. Si un Parisien ne se sens pas concerné par l'Histoire de Mayotte, il se fourvoie, puisque c'est aussi l'Histoire de la France et c'est valable partout. On n'est pas tous des "Gaulois", l'Histoire de la colonisation doit être connue de tous les départements d'outre-mer, pas seulement ceux que ça concerne. En tant que professeur de sciences économique et sociale, je ne vais pas mettre que des exemples d'entreprises mahoraises dans mes cours. Tu es Mahorais, mais tu dois quand même savoir ce que c'est Facebook ou Peugeot, pas seulement Sodifram ou Douka Bé, même si Mayotte est en plein changement social et que je trouve ici une multitude d'exemples et d'illustrations des concepts que j'enseigne. On n'a pas de directives particulières de l'Éducation nationale ou du rectorat. Mais la surnotation se pratique quand même, de manière inconsciente. Je ne pense pas qu'un 18 dans un lycée mahorais soit comparable à un 18 dans les lycées parisiens intra-muros. Personne ne doit être dupe. Mais on ne peut pas faire redoubler, car il n'y a pas assez de place. Donc s'ils n'ont pas le diplôme, c'est double peine. C'est une logique logisticienne. J'avoue avoir moi-même remonté les notes du bac que je corrigeais l'année dernière. Car ceux qui peuvent espérer un diplôme sont plus investis, alors que certains lâchent devant la difficulté… *Le prénom a été changé.
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LE DOSSIER
HACHIM*, PROFESSEUR D’ANGLAIS AU COLLÈGE
“ IL FAUT METTRE DES DISPOSITIFS SIMILAIRES À CEUX EXISTANT DANS LES CAMPS DE RÉFUGIÉS ” HACHIM*, EST PROFESSEUR DEPUIS LA RENTRÉE 2019 À MAYOTTE. APRÈS QUELQUES MOIS ICI, CE PROFESSEUR D’ANGLAIS DÉNONCE UNE SITUATION CHAOTIQUE DANS LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES. J’ai deux types d’élèves. Ceux qui sont suivis par leurs parents, et ceux qui sont complètement délaissés. Cela joue énormément sur les résultats scolaires et on voit tout de suite la différence. Malheureusement ceux qui sont suivis sont peu nombreux. Certains parents ne savent même pas dans quelle classe sont leurs enfants, et d’autres sont analphabètes. Tous ces facteurs mettent en échec les élèves. Les 6ème par exemple sont appelés des “ petits lecteurs ”, il y a des ateliers de lecture pour eux. Mais je pense qu’ont doit mettre à leur disposition des dispositifs similaires à ceux qui sont dans les camps de réfugiés où on leur apprendrait l’alphabet latin, à lire et à écrire, comme les enfants réfugiés qui découvrent notre langue. Ensuite ils pourront intégrer petit à petit des classes normales. Cela peut paraître choquant mais croyez-moi c’est indispensable. J’enseigne au collège et pourtant beaucoup de mes élèves ne savent même pas déchiffrer les syllabes simples. Vous vous rendez compte ? Et je pense être gentil parce que les enfants réfugiés connaissent le scripte et l’alphabet arabe, ils ont une notion de ce qu’est l’apprentissage. Mais à Mayotte, beaucoup d’enfants ne vont même plus à l’école coranique donc ils sont complètement perdus. Les primoarrivant sont aussi un problème dans le sens où ils n’ont jamais été à l’école mais on les met dans des classes qui correspondent à leur âge. Entre ce type d’élèves, les parents analphabètes et les parents démissionnaires on a une situation chaotique dans les établissements et 70% des élèves sont en situation d’échec.
“ LA CLÉ C’EST LA PÉDAGOGIE DIFFÉRENCIÉE ” La différence de niveau dans les classes est un réel problème. C’est un frein pour les quelques élèves qui ont le niveau. Pour enseigner à Mayotte il faut vraiment maîtriser la pédagogie différenciée et être capable de s’adapter à tous les niveaux dans une seule classe. Sur 22 élèves par exemple, au moins 15 n’ont pas le niveau. La clé, c’est vraiment la pédagogie différenciée. Tous les professeurs doivent s’y mettre, autrement c’est impossible d’avancer. Avant pour entrer au collège il y avait un examen, et il filtrait plus ou moins les élèves. Seuls ceux qui avaient le niveau passaient. Maintenant cette épreuve n’existe plus et les enfants passent en classe supérieure sans avoir le niveau. Les parents qui n’ont jamais été à l’école sont contents alors qu’en réalité c’est juste pour libérer de la place. À un moment donné ça bloque. On finit par avoir des élèves qui ne sont pas intéressés par l’école. Je ne savais pas où je mettais les pieds avant de me confronter à la réalité de Mayotte. Je ne pensais pas que c’était aussi catastrophique. Tous les établissements scolaires de Mayotte sont en REP ou REP +. Cela n’existe dans aucun autre département français. Cependant, le plus important est de penser à l’avenir de ces enfants. Alors je fais en sorte de les aider autant que je peux. *Le prénom a été changé
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MATHILDE, PROFESSEURE DE MATHÉMATIQUES
"LE PROBLÈME RENCONTRÉ N’EST PAS DANS LE PROGRAMME PROPOSÉ, IL EST DANS LES LACUNES QU'ONT LES ÉLÈVES"
ENSEIGNANTE EN MATHÉMATIQUES AU COLLÈGE, MATHILDE* EST DÉSESPÉRÉE FACE AUX GROSSES DIFFICULTÉS DES ÉLÈVES
À Mayotte, l’Éducation nationale doit être améliorée au plus vite pour le bon fonctionnement et la réussite de nos enfants. J'ai eu l'opportunité de travailler à temps partiel dans diverses associations de tout niveau en plus de mon statut d’enseignante en maths en dehors de l’île, et je n’ai jamais rencontré autant de lacunes de la part des élèves que depuis que je travaille ici. J’ai relevé qu’il y a beaucoup de choses à améliorer parce que ce n’est plus possible. Pour la majorité le niveau est trop faible. Étant prof de mathématiques en 6eme, 5eme et 4eme, j’ai encore des élèves qui ne savent pas faire ni poser des opérations alors qu’ils sont censés l’avoir vu et acquis depuis le premier degré. Parfois, je passe quasiment la moitié de l’heure à expliquer la même chose. C’est scandaleux et en même temps triste pour les petits qui, pour la plupart du temps, ne font rien pour y remédier. Ce n’est pas pour cracher sur nos enfants, mais il faut se rendre à l’évidence : ils ont besoin d’être assistés et aidés davantage pour relever leur niveau. Le problème rencontré n'est pas tant le programme, donc, mais plutôt dans les lacunes des élèves. Mais je trouve aussi
que les parents ont des lourdes responsabilités concernant l’éducation de leurs enfants. Ils doivent toujours être derrière eux, s’y intéresser et voir ce qu’ils ont fait comme activités en classe ou tout simplement les pousser à réviser. Une fois, en rentrant à la maison, j’ai vu une de mes élèves en train de vendre au bord de la route, j’ai été un peu sceptique. Je comprends qu’ils veulent aider leurs parents, mais est-ce que les parents pensent aussi à l’avenir de leurs enfants ? À chaque fin de cours, je repars désespérée parce que je sais que la majorité n’a rien assimilé et que le lendemain il va falloir revoir la même chose. Des élèves qui ont du mal à suivre, c’est une chose, mais des élèves qui ont du mal à suivre et en plus ne veulent faire aucun effort, ça en est une autre. Cela dit, cela n'exclut pas les professeurs d'une part de responsabilité face à l’apprentissage de leurs élèves respectifs. Pour garantir une amélioration il faudrait créer des classes en fonction des niveaux des élèves et faire des suivis individuels pour chaque élève. Particulièrement ceux de primaire avant d’accéder au second degré. *Le prénom a été changé.
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LE DOSSIER
GRÉGOIRE
"MONSIEUR JE N’AI PAS ENVIE DE TRAVAILLER, JE SUIS FATIGUÉ"
GRÉGOIRE* EST PROFESSEUR DANS UN LYCÉE PROFESSIONNEL. IL DÉPLORE LE NIVEAU ACTUEL DES ÉLÈVES À MAYOTTE.
Le système éducatif à Mayotte n’est pas satisfaisant et nécessite d’être parfois critiqué. Les autorités prennent des décisions inadéquates qui conduisent souvent au désintéressement et à l'échec des élèves. Un exemple ? Les redoublements ne sont plus possibles, sauf cas exceptionnel, même si l’élève rencontre une énorme lacune. Cette décision peut handicaper l’élève en question, mais aussi la classe entière puisque l’enseignant va essayer de mettre la classe au même niveau. Parfois nous n’arrivons pas à terminer les programmes préalablement préparés. Parmi tous les départements français, les élèves de Mayotte sont ceux qui ont le plus bas niveau scolaire. Depuis que j’enseigne, je n’arrête pas d’être surpris et choqué par la plupart de mes élèves. Actuellement, j’enseigne à des classes de première professionnelle au lycée, et j’ai l’impression d’être face à des collégiens, voire des élèves de primaire. Ils ne savent ni parler français, ni écrire, ni compter, ils sont même incapables d’écrire leur prénom ou de recopier correctement ce qui est écrit sur le tableau sans faire de fautes. La plupart des cas sont des élèves dits "primo-arrivants", qui sont âgés. On leur fait intégrer des classes qui correspondent à leur âge sans même se soucier de leur niveau. Quant
aux programmes, ils sont bien structurés dans l’ensemble, mais malheureusement on n’arrive jamais à aller jusqu’au bout par manque de temps. Pour ma part, je ne peux pas y arriver si la classe n’est pas au même niveau. On avance à un rythme trop lent et mes collègues partagent malheureusement cet avis. J’estime faire correctement mon travail, et mes collègues également, mais certains élèves ne veulent faire aucun effort. Ils ne montrent aucun intérêt pour leur formation. Tu as beau les pousser, leur faire des remontrances pour les booster, ils ne changent pas. Dans ces cas-là, qu’est-ce qu’on peut faire pour eux ? Certains te disent carrément : "Monsieur je n’ai pas envie de travailler, je suis fatigué" et quelques minutes plus tard, tu les vois dormir sur leur table. Cela montre à quel point ils n’ont rien à faire de ce qu’on peut raconter. Je pense que les classes de passerelle sont nécessaire pour améliorer le niveau. Cela permettra de mieux préparer les élèves et ils pourront rattraper le niveau de leurs camarades. Cependant, ce n’est pas possible : ça serait une manière de discriminer et stigmatiser les élèves et les pousser à abandonner les études. *Le prénom a été changé.
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IMPOSSIBLE DE FAIRE REDOUBLER
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LE DOSSIER
Geoffroy Vauthier
GILLES HALBOUT, RECTEUR
"NOUS ALLONS CONSTATER DES VRAIES AMÉLIORATIONS"
LES TÉMOIGNAGES QUE NOUS AVONS RECUEILLIS SONT CLAIRS : LA BARRIÈRE DE LA LANGUE EST UN HANDICAP MAJEUR POUR LA PROGRESSION DES ÉLÈVES À MAYOTTE. COMMENT Y REMÉDIER ? QUELS DISPOSITIFS DOIVENT PERMETTRE DE PARVENIR À INVERSER LA TENDANCE ? LES RECTEUR DE L'ACADÉMIE, GILLES HALBOUT, NOUS RÉPOND.
Mayotte Hebdo : Une problématique revient régulièrement dans les témoignages que nous avons recueilli dans ce dossier, celle de l'allophonie puisque que le français n'est pas la langue maternelle des élèves. Beaucoup de professeurs jugent ainsi que les méthodes d'enseignement classiques, basées sur une bonne maîtrise du français, ne sont pas adaptées au territoire. Comment agir sur ce point ? Gilles Halbout : Effectivement, les anciens programmes, les anciennes mesures, etc., sans traitement à la base, pouvaient laisser des élèves allophones – ou tout au moins en difficulté avec l'apprentissage du français – en détresse. Mais il y a plusieurs mesures nationales que l'on met en place actuellement et qui vont permettre d'avancer sur ce sujet. Une des manières de s'en sortir est d'attaquer le problème à la racine et de travailler en profondeur dès le premier degré. Ce que les professeurs constatent en effet, c'est que des élèves arrivent en collège ou lycée et ne savent pas toujours s'exprimer en français. La première réponse, c'est donc le travail en amont
et, de ce point de vue-là, je défends la politique de notre ministre, qui résonne parfaitement sur le territoire. Elle observe en effet qu'il y a un rattrapage à faire sur le primaire en termes de taux d'encadrement et sur la scolarisation. Il y a donc deux réponses nationales que l'on peut déjà mettre en avant et qui vont contribuer à résoudre les difficultés. La première est la scolarisation de tous les jeunes entre 3 et 6 ans. Il faut se rappeler qu'il y a quelques dizaines d'années encore, les écoles maternelles n'existaient pas ici. En métropole, cette mesure annoncée par le ministre est presque appliquée à 100% : presque tous les enfants de cette tranche d'âge sont scolarisées dans des structures publiques ou privées. À Mayotte, sur la tranche des 3-4 ans, on dépasse à peine les 50% et, globalement, si on croise nos chiffres avec ceux de l'Insee, ce sont 8 000 jeunes entre 3 et 6 ans qui ne sont pas scolarisées. Or, plus tôt on scolarise les jeunes, plus tôt on les familiarise avec l'apprentissage du français en seconde langue et on sait très bien que c'est très tôt que l'on doit se familiariser avec une autre langue. C'est notre priorité à Mayotte et c'est la
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raison pour laquelle nous avons eu une cinquantaine de postes supplémentaires à la rentrée : ils permettent d'augmenter la scolarisation des 3-6 ans. La deuxième mesure à mettre en avant est dans la continuité. On sait que l'apprentissage du français se joue entre le CP et CE1. C'est là, notamment, que se joue le pas de l'oral à l'écrit, c'est très important, surtout pour une langue que l'on ne parle pas à la maison. Cette mesure amène le dédoublement de toutes les classes de CP et de CE1 dans tous les territoires concernés par l'éducation prioritaire, et donc aussi à Mayotte, qui est entièrement classée en zone d'éducation prioritaire. C'est vrai, ici, on a dû adapter ce dispositif faute de places, mais partout où on a pu dédoubler des classes, on l'a fait. Quand cela n'a pas été possible, on a mis deux enseignants dans la même classe. Cela permet de séparer les élèves en petits groupes à certains moments, ou d'avoir un professeur qui fait la classe et un autre qui, pendant ce temps, suit plus spécifiquement les élèves en difficulté. Rien que sur Mayotte, cette mesure de dédoublement représente 500 postes que l'État a injecté à Mayotte. Ces deux mesures, on en verra les bénéfices dans 4 ou 5 ans, quand ils arriveront en 6ème, et on constatera de vraies améliorations.
MH : Comment expliquer que ces difficultés liées à la maîtrise de la langue n'aient pas été prises en compte plus tôt par l'État, avec la mise en place de ce type de mesures ? GH : C'est tout le problème d'une départementalisation très rapide et du rattrapage à faire. On ne peut pas se le cacher : à Mayotte, aujourd'hui, on doit rattraper en quelques années beaucoup de retard. C'est vrai dans l'éducation, mais aussi dans tous les autres domaines. MH : Quelles autres mesures sont susceptibles d'inverser la tendance ? GH : À Mayotte, on n'a pas assez de salles de classe. C'est inadmissible. Cela conduit à avoir 750 classes en rotation. Sur l'enseignement primaire, les bons rythmes d'apprentissage reposent sur des temps de pause entre les séquences et sur une scolarisation sur la journée. Or, dans ce système de rotation, on a des élèves qui viennent 5h, soit le matin soit l'après-midi, avec des temps de pause réduits et un retour chez eux, en milieu allophone, une grosse partie de la journée. Pour s'acculturer à la langue française, ce n'est évidemment pas l'idéal. Retrouver
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LE DOSSIER
des rythmes scolaires de huit demi-journées sur la semaine, on le fait désormais sur la majorité des classes – on a passé ce cap – mais on a encore trop d'écoles en rotation. Toutefois, nous réduisons chaque année ce chiffre, puisque nous construisons chaque année de nouvelles classes et que nous nous sommes engagés à en faire 800 nouvelles d'ici 2025 et à en rénover ou construitre 800 d'ici la fin de la mandature. C'est un point important. Il faut aussi mentionner la formation des instituteurs et des professeurs des écoles. Par le passé, on a dû faire face à l'urgence, et on a donc un certain nombre de professeurs des écoles formés et recrutés à Mayotte avant la création du centre universitaire de Dembéni et des écoles supérieures pour le professorat et l'éducation, qui n'ont pas bénéficié des formations dont leurs collègues bénéficient aujourd'hui. On avait donc forcément des enseignants qui n'avaient pas les outils. Aujourd'hui et depuis quelques années, nous formons sur Mayotte des professeurs des écoles à bac+5 sur les mêmes critères et avec le même statut que ceux de métropole. On a eu une première promotion pour cette rentrée 2019. Quoi de mieux pour stabiliser des enseignants que de les former sur place ? Actuellement, une petite majorité est composée de jeunes mahorais, il faut s'en réjouir. Et on attire aussi des jeunes qui réussissent le concours en venant de métropole ou d'ailleurs. Ce qui a été fait auparavant n'était pas mauvais, loin de là, mais ce n'était pas forcément adapté. Aujourd'hui, les critères de formation ont évolué, et nous avons désormais les outils pour y répondre, avec le CUFR entre autres. C'est très positif et ce n'est que le début. Pour cette rentrée, nous avons eu 100 professeurs formés à Mayotte sur 120 recrutés ; pour la rentrée prochaine, nous avons 150 recrutés et donc, en comptant les quelques échecs, il y aura à peu près 120 ou 130 professeurs ; et la troisième promotion comptera 180 recrutés, donc environ 150 ou 160 profs formés à Mayotte. Là encore, les bienfaits se verront dans les années à venir. MH : Qui de ceux qui sont déjà sur le terrain ? GH : Nous accentuons le travail de formation continue : former ceux qui ne l'ont pas été et continuer à former ceux qui l'ont été. Et puis on a des professeurs qui ont commencé à travailler très jeunes, avec un statut de fonctionnaire territorial et qui auraient donc le droit de partir à la retraite depuis quelques années à taux plein, car on
connait la question de la prise en compte de l'ancienneté g é n é ra l e des services. Sur ce point, on a entendu les annonces du président de la République en faveur de la convergence des droits. Pour ces professeurs, il est évidemment plus difficile de se remettre dans une démarche de formation, c'est évident. Certains sont forcément usés, et il faut le prendre en compte.
"CE QUI N'ÉTAIT
MH : Le paquet est mis sur le premier degré, d'accord. Mais les résultats se verront dans quelques années. Alors qu'est-il possible de faire immédiatement ? Une de nos intervenantes regrettent par exemple que le dispositif UPE2A ne soit réservé qu'aux élève néo-arrivants… GH : C'est vrai, il faut aussi mettre en place des choses tout de suite, notamment en collège puisqu'on y accueille des élèves qui sont – comme on dit pudiquement – "petits scripteurs, petits-lecteurs" ou carrément "non-scripteurs et nonlecteurs". Effectivement, pour les néo-arrivants il y a le dispositifs UPE2A. Et justement, c'est quelque chose qui est déjà mené à titre expérimental et que nous allons généraliser à la rentrée 2020. L'UPE2A a fait ses preuves (…) en permettant à des élèves d'être remis à niveau en français. Cela sera le même type de dispositif pour tous les élèves qui ont ces difficultés. Il sera peut-être un peu moins dense parce qu'on peut imaginer que ces élèves, qui ne sont pas des néo-arrivants, ont déjà suivi une scolarisation dans le primaire et ont donc, malgré les difficultés, un peu moins de retard ou une première familiarisation avec l'institution, mais cela sera le même principe que l'UPE2A. Je finis en ce moment le dialogue avec les établissements en ce sens. On ne peut pas laisser dans la même classe des élèves qui ne peuvent pas comprendre avec des élèves qui veulent juste suivre une scolarité classique et ont envie d'avancer au rythme des programmes. Ce type de dispositifs est également mis en place dans certains lycées, car si cette problématique y est moins présente, elle y existe malgré tout aussi.
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A ÉTÉ FAIT PAR LE PASSÉ PAS TOUJOURS ADAPTÉ " MH : Cela va demander des moyens considérables, car ils sont nombreux à être concernés… GH : Effectivement, il faut des moyens et les établissements les demandent. Dans l'allocation des moyens que l'on définit, on attribue à chaque établissement les heures nécessaires à la réalisation du programme, mais aussi des heures de marge pour soit faire du renforcement, soit mettre en place ce type de dispositif. Or, il faut les deux, je l'ai demandé. [Il faut également] réserver une partie des heures à des parcours d'excellence car, à Mayotte comme en métropole, un jeune qui a envie de se dépasser doit pouvoir le faire. Quand on a envie de se dépasser dans une discipline, on a envie de se dépasser partout. En ce sens et à titre d'exemple, nous allons certainement doubler le nombre de sections sportives. Il y en a 7 et nous allons essayer de passer à 13 ou 14, en étendant le dispositif à d'autres disciplines sportives que celles qui existent déjà. On va aussi continuer à travailler sur d'autres choses : des classes à horaires aménagés musique, des partenariats avec l'école Normale Sup, des classes défenses, etc. Dès le collège, chaque établissement doit afficher des parcours talent. Plutôt que de se disperser, on s'est donc concentré sur ces deux leviers : apprentissage du français et classes talents. On a eu des moyens supplémentaires. Alors oui, on voudra toujours des moyens en plus, mais sur les 440 postes redéployés vers le 1er degré, Mayotte en a eu une bonne partie ; et alors qu'au niveau national il y a 790 postes en moins provisoirement sur le second degré, Mayotte en a 81 en plus. La politique de rattrapage est donc déjà bien lancée. Elle pourrait certes être encore amplifiée mais il faut être dans une démarche de raison, car un des enjeux à Mayotte est l'attractivité du territoire et la possibilité de recruter. Or, ce n'est pas parce qu'on ouvre un poste qu'on aura un candidat. Le rattrapage doit se faire de manière progressive et étalée. J'en profite pour sortir un peu du sujet afin de préciser qu'une grosse partie de ces postes vont être fléchés pour résorber le décrochage scolaire. (…) Jusqu'à présent, beaucoup
d'élèves sortaient du système scolaire sans qualification, sans formation, sans métier. Notre objectif est donc de créer 2 000 places en plus au lycée. Elles permettront le redoublement dans de bonnes conditions, l'anticipation de l'augmentation démographique, etc. Ces 2 000 élèves, on ne va évidemment pas tous les mettre en parcours général car s'ils sont décrocheurs, la filière pro est plus adaptée. Cela n'a pas toujours été le cas et, sans critiquer le passé, parce qu'il n'y avait plus de places dans la voie professionnelle, on les envoyait en filière générale. Vous imaginez que ça ne pouvait pas bien se passer. On a donc travaillé là-dessus et nous devrions ouvrir 500 nouvelles places avec de nouvelles formations, dès la seconde. On ne peut évidemment pas tout faire en quelques mois, mais cela avance et on se donne les moyens pour y arriver. MH : Pour finir, beaucoup de professeurs regrettent ce qu'on appelle la "surnotation", estimant que les élèves sont trompés sur leur niveau réel... GH : Vous savez, la question de la "surnotation" est un débat présent de tout temps et de partout. Elle traverse les époques et la géographie. Il y a une première partie de la réponse dans la réforme des lycées, qui met en place de vrais marqueurs avec les évaluations continues. Elles sont basées sur des barèmes nationaux et des sujets tirés de banques d'épreuves nationales. Il ne sera donc pas question de sous-notation ou de surnotation. Ce discours sur la notation est semblable à celui sur le niveau général, qui serait en chute permanente. Ce que je constate, c'est que quand on prend les meilleurs, le niveau est au contraire en hausse. C'est la massification qui donne cette sensation. Il faut donc avoir une double lecture. Par exemple à Mayotte plus qu'ailleurs, on fait de la massification parce qu'on scolarise tout le monde, et ce sont des enfants avec des difficultés comme nous l'avons vu, donc forcément, leurs notes seront plus basses. Ce qu'il faut regarder, donc, ce sont aussi la compétence et le talent. On peut avoir 5 en math pour différentes raisons : parce qu'on a travaillé un sujet à fond en le maîtrisant parfaitement, mais en ayant délaissé les autres ; ou parce qu'on n'a rien compris mais qu'on a réussi à grapiller un point par ci et un point par là ; ou parce qu'on a bien compris mais qu'on a fait des erreurs d'étourderie, etc. Au-delà de la note et de la question de la notation donc, l'école doit être bienveillante et les notes doivent avant tout permettre à l'élève de progresser, pas de se décourager. Évidemment, il faut rester honnête car la note qui va tromper l'élève n'est pas constructive, ne serait-ce que parce qu'il ne faut pas que dans la poursuite de ses études, l'élève de Mayotte ne soit pas pris au sérieux. Mais là-dessus, l'histoire nous conforte : des élèves mahorais sont pris à Science Po, en classes préparatoires, en université prestigieuses, etc. Le bac de Mayotte vaut quelque chose. Il faut continuer à être juste mais bienveillant.
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Solène Peillard
ENVIRONNEMENT
DANS LES TRACES DES TORTUES DE SAZILEY
L'ASSOCIATION DES NATURALISTES ORGANISAIT CE WEEK-END UN BIVOUAC DE FORMATION À L'OBSERVATION ET AU SUIVI DES TORTUES MARINES À SAZILEY. UNE DIZAINE DE BÉNÉVOLES ONT AINSI VEILLÉ SAMEDI ET DIMANCHE POUR SURVEILLER L'UNE DES PLAGES QUI ACCUEILLENT LE PLUS DE PONTES, ET PAR CONSÉQUENT, LE PLUS DE BRACONNIERS.
3 heures du matin. Alors que la marée a déjà bien monté, une large tortue verte sort lentement de l'eau, laissant derrière elle un sillage linéaire dans le sable de la grande plage de Saziley, une aire marine protégée. Sa course s'arrête devant les racines d'un baobab qui dépassent du sol, à une dizaine de mètres du rivage. Puis, ses pattes s'agitent d'avant en arrière, inlassablement, projetant de la terre tout autour d'elle. Le long rituel de la ponte commence. Après avoir creusé une première cavité corporelle plus grande qu'elle, la tortue s'attèle au trou de ponte, petits puits vertical qui recueillera ses 80 à 150 œufs. Mais cette nuit-là, elle, comme beaucoup d'autres, retournera finalement à l'eau sans avoir expulsé les petites coquilles blanches hors de son lourd corps. Lorsque le besoin de pondre n'est pas encore trop pressant, les tortues préfèrent prendre le temps de choisir le terrain le plus sécurisé pour leurs progénitures. Ni trop loin, ni trop près de l'eau. Sans être trop à vue des prédateurs, le nid doit tout de même permettre aux petits de rejoindre l'océan le plus facilement possible. Un savant calcul qui nécessite souvent plusieurs tentatives avant que la ponte n'ait lieu, plus d'un essai sur deux se soldant par un échec. À quelques mètres de là, alors que règne silence et obscurité – la lumière faisant
fuir les tortues –, dix personnes tout juste réveillées attendent, immobiles, assises dans le sable. Samedi, après plusieurs heures de marche, le petit groupe de bénévoles des Naturalistes a installé son campement à une poignée de pas de la plage de la presque île, à côté de l'ancienne maison des gardiens du littoral, aujourd'hui abandonnée. Ils en repartiront le lendemain, en milieu de journée. Mais d'ici là, pas le temps pour le farniente. Retraité, médecin, enseignant, psychologue ou notaire, tous sont venus apprendre à observer la ponte des tortues et les bonnes pratiques à adopter lorsque la nature offre à voir l'un des plus somptueux spectacles de l'île au lagon. En la matière, la plage de Saziley est l'un des points les plus actifs de Mayotte. Et de fait, l'un des plus exposés au braconnage.
SEULE UNE TORTUE SUR 1 000 ATTEINT L'ÂGE ADULTE Arrivé sur la plage en plein jour, le groupe de bénévoles a d'abord dû relever les traces de la nuit précédente sur les quelque 870 mètres de sable de Saziley. Entre les longues trainées synonymes de sortie d'eau, les trous de pontes rebouchés pour protéger les œufs, ceux de leurre censés tromper les prédateurs, des empreintes de chiens,
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crabes et oiseaux laissent toutefois supposer que certains nids ont bel et bien été pillés. "Seule une tortue sur 1 000 atteint l'âge adulte", apprendra plus tard à ses bénévoles en formation Michel Charpentier, le président des Naturalistes. Et si atteindre cet âge relève du parcours du combattant, il en va de même pour la ponte. Après une nuit passée à ratisser la plage en quête d'un bruit ou d'un
mouvement suspect, les bénévoles ont eu droit à une autre découverte dimanche, cette fois en plein jour. Sur les coups de 9 heures, en pleine patrouille matinale, une nouvelle trace de montée se dévoile à leurs yeux sur la plage. Mais il n'y a là aucune marque de redescente. En s'approchant, le petit groupe aperçoit, gisant dans la boue, une petite tortue imbriquée qui patauge difficilement après avoir escaladé une barrière noire de
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UNE SEXUALITÉ PAS SI TRANQUILLE La ponte est un chemin tortueux, et la reproduction l'est au moins tout autant. Avec une espérance de vie moyenne de 80 ans, la tortue marine n'atteint sa maturité sexuelle qu'à l'âge de 20 ans environ, selon les Naturalistes de Mayotte. Pour autant, une fois ce stade atteint, les femelles ne s'accouplent que tous les trois ans. De quoi leur laisser le temps de se remettre de leurs ébats particulièrement longs et violents. Alors qu'elles ne peuvent rester que deux à trois heures en apnée sous l'eau, le coït des tortues dure près de cinq heures, contraignant la femelle a se défaire de brefs instants de l'étreinte des mâles, pourtant solidement maintenu au dessus d'elle grâce, notamment, à la forme concave de son plastron ventral, épousant la carapace de sa partenaire. Pour éviter que celle-ci ne fuie, les deux nageoires antérieures de ces mêmes males sont dotées de sorte de petites griffes qui permettent, là encore, de mieux rester accrocher pendant toute la durée de l'acte. Car les places sont chères sur le dos des femelles et si les rapports sont aussi longs, c'est surtout parce que plusieurs partenaires s'y succèdent. Et de tous la mère porteuse gardera la semence à l'intérieur de son appareil reproductif pendant plusieurs mois – au moins deux, soit le temps de la gestation –, voire même plusieurs années. Autrement dit, tous les œufs d'une même ponte ne viennent pas nécessairement du même géniteur. Des pontes justement qui tournent au rythme de trois jusqu'à cinq par saison, avec entre chaque épisode, une dizaine de jours d'intervalle. Auxquels s'ajoutent 30 à 40 jours d'incubation.
rochers. Une prouesse. Mais sur un sol fait de terre et non plus de sable, les cercles décrits frénétiquement par ses nageoires ne parviennent à creuser quoi que ce soit. La bête semble ainsi se débattre depuis p l u s i e u r s h e u r e s, et pose parfois ses joues jaunes à même le couvert végétal pour reprendre son souffle un instant. Là, les Naturalistes ne mettront pas plus d'une dizaine de secondes avant de
ramasser les bouteilles en plastique vomies par la marée, avant de courir à l'eau pour remplir leurs flacons. De quoi rafraichir la carapace et la tête de la mère en galère. Un geste parfois salvateur : comme tous les autres reptiles, la tortue ne peut pas réguler elle-même sa température corporelle. Une trop longue exposition au soleil ou à des chaleurs extrêmes peut lui être fatale. Raison pour laquelle les tortues préfèrent généralement s'aventurer sur la terre ferme à la nuit tombée. Mais finalement, entre une liane et des branches à hauteur de sol, celle-ci parviendra péniblement à rejoindre l'océan. Sans avoir pondu. Les deux prochains jours seront dès lors cruciaux à la survie de ses petits. Si les tentatives suivantes se soldent par un nouvel échec, elle sera contrainte de pondre dans l'urgence, sur la plage à
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une surveillance maximale pour l'espèce reconnue comme menacée. À Mayotte, plusieurs milliers de montée sont recensées chaque année. En forte période de pontes, les massacres y sont quasi quotidiens allant jusqu'à atteindre 400 braconnages annuels. À l'échelle mondiale, les populations déclinent depuis déjà plusieurs décennies. Après avoir battu le lièvre, voilà que la tortue doit se frotter à l'Homme. n
OBSERVER SANS DÉRANGER
hauteur de marée, voire directement dans l'eau. Dès lors, les chances de survie de ses bébés sont nulles. Dans tous les cas, c'est encore sur l'une des plages de Saziley qu'elle reviendra. Car la légende dit vraie : les tortues marines reviennent toujours pondre sur leur lieu de naissance, et ce peu importe l'aire de nourrissage qu'elles ont quitté pour assurer leur devoir biologique. Ainsi, celle-ci est peut-être partie du Kenya pour revenir jusqu'ici, se guidant à la seule force du champ magnétique terrestre. Mais les apprentis Naturalistes ne le sauront jamais et ne la reverront plus, puisqu'à la mi-journée l'heure est déjà venue de quitter le campement installé la veille, le chemin de retour jusqu'au village de Moustamadou est encore long. Et si cette nuit-là, aucun braconnier ne s'est manifesté sur la plage de Saziley – où ils sont moins nombreux depuis que l'association y maintient une bonne présence – la carapace vide d'une tortue verte, abandonnée sous un baobab d'une autre plage de la presque île, leur a rappelé la nécessité d'y maintenir
À Saziley, comme à N'gouja ou Moya, les pontes sont presque monnaie courante, mais le moindr dérangement fera renoncer la tortue à poursuivre son ouvrage. Quelques comportements sont alors de mise ou à proscrire pour ne pas perturber l'œuvre de la nature : - Ne jamais toucher les tortues ou leurs bébés, sous aucun prétexte. Si vous remarquez la présence d'un animal blessé ou échoué, contactez le REMMAT au 06 39 69 41 41 qui vous donnera si besoin la marche à suivre ; - Lors d'évènements nocturnes, éteignez toute source de lumière (flash, téléphone, lampe torche, etc.), qui serait susceptible de perturber et faire fuir les animaux ; - Si les tortues n'ont pas d'ouïe, elles demeurent toutefois sensibles aux vibrations. Garder le silence est donc la meilleure option ; - Les tortues étant particulièrement sensibles au stress, asseyezvous à une bonne distance d'elles lors des pontes et émergences, toujours face à leur dos, leur champ de vision s'étendant sur 180°
POUR DORMIR AVEC LES TORTUES L'association des Naturalistes de Mayotte organise fréquemment des bivouacs d'observation de sortie, ainsi que d'autres sorties autour de l'environnement insulaires. Pour découvrir les prochaines et réserver celle de votre choix, rendez-vous sur le site www.naturmay.axyomes.com ou par téléphone au 0269 63 04 81.
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LITTÉRATURE
Christophe Cosker, "L’Invention de Mayotte", Pamandzi éd. La Route des Indes, 2019.
LISEZ MAYOTTE Chaque semaine, Christophe Cosker, auteur de L'invention de Mayotte, vous propose la quintessence de chacune des trente-six inventions de Mayotte relevées dans l’ouvrage éponyme.
À l’extrême fin du XIXe siècle, Edmond Légeret, publie, un quart de siècle après Alfred, un essai sur l’archipel de la lune intitulé Étude sur les îles Comores. On remarquera que le titre fait hésiter le mot Comores entre deux natures : nom et adjectif. Après des considérations générales, Edmond Légeret consacre une partie à chacune des îles de l’archipel, terminant par Mayotte. Un des lieux communs du discours colonial est d’ordre ethnographique et consiste en une description des populations rencontrées. Dans la plupart des cas, le négatif l’emporte sur le positif. Ainsi, dans le premier paragraphe, la sobriété est-elle ruinée par la superstition. La suite du texte est rapportée de seconde main. Edmond Légeret a un informateur en la personne de Capitaine qui lui relate une fête religieuse appelée “ solennité ”. La description à venir interloque le lecteur, car elle est dénuée de tout charme et de tout mystère. En effet, le lieu est rustique ; les femmes sont laides ; la musique s’apparente à du bruit ; la danse est sans poésie : elle s’achève sur une douche froide et des convulsions. Il y a lieu de se demander dans quelle intention ce récit est fait.
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Christophe Cosker
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ÉTUDE SUR LES ÎLES COMORES La population de Mayotte est d’environ 15 000 habitants. Les indigènes ont un type qui se rapproche beaucoup de la race nègre ; ils fournissent peu de travailleurs aux industries de l’île, et c’est à peine si, pendant la saison des coupes, quelques centaines d’entre eux viennent demander à être employés. Vivant très sobrement, ils se contentent de ce qu’ils peuvent récolter sur les terres mises à leur disposition. Très religieux, ils poussent le culte jusqu’à la superstition et leurs fêtes empruntent à cet état d’esprit une note toute spéciale. Monsieur Capitaine, qui vécut longtemps au milieu de cette population, nous décrit d’une façon très intéressante une de ces solennités : “ Dans une cour intérieure, exposée à un soleil brûlant et entourée d’une véranda où se trouvent quelques bancs de bois grossièrement faits, étaient étendues sur un large divan plusieurs danseuses aussi laides que peu vêtues. Dans un coin, un orchestre composé d’un flageolet, de trois énormes tam-tams et d’un gigantesque gong, sur lequel un nègre vigoureux frappait à coups redoublés, modulait des airs discordants. Une de ces femmes commença une danse effrénée ayant quelque analogie avec celle des derviches tourneurs. Au bout d’un quart d’heure elle tomba épuisée, et on l’emporta après lui avoir versé un seau d’eau sur la tête. L’interprète arabe nous expliqua que ces femmes étaient possédées du démon qui ne lâchait sa proie que lorsqu’elles tombaient en convulsions. Toutes les autres femmes en firent autant. Edmont Légeret, Étude sur les îles Comores, Paris, Camproger, 1897, p. 99-100.
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ACTUALITES DU RESEAU : Puisque nous avons encore le temps ! Toute l’équipe du Réseau Rural de Mayotte, vous souhaite une très bonne année et beaucoup de réussites dans tous vos projets ! Promouvoir l’agriculture de Mayotte, faire émerger des solutions concrètes et facilement réalisables sur le terrain, telles sont les missions des Rencontres qu’organise l’équipe du Réseau Rural. Plus que jamais votre participation aux rencontres et séminaires du réseau, est nécessaire pour réfléchir ensemble au développement rural harmonieux de notre territoire.
PARLONS FEADER : Cette année 2020 sera également riche en actualités FEADER , une nouvelle version du PDR ( programme de développement rural ) la sixième sera validée au 1er trimestre, avec l’ajout de deux nouvelles mesures dédiées à l’agriculture biologique et à l’aménagement du foncier agricole. Une grande campagne de communication diffusée sur les médias locaux (TV , radios, et presse) , des émissions Tv consacrées à des porteurs de projets, une campagne d’affichage et une exposition photo mettront à l’honneur l’Agriculture de Mayotte et les bénéficiaires FEADER.
FOCUS PARTENAIRES DU RESEAU RURAL : LE POINT ACCUEIL INSTALLATION S’installer en agriculture, créer ou reprendre une exploitation agricole nécessite de bien réfléchir à son projet dans sa globalité, de A à Z, pour avoir une exploitation viable et vivable. Le Point Accueil Installation est la porte d’entrée pour toute personne qui souhaite s’installer ou reprendre une exploitation agricole à Mayotte. Fort d’un réseau de partenaires aux missions variées, il vous orientera vers les techniciens qui vous éclaireront sur les décisions que vous prendrez, pour que votre projet murisse et qu’il soit cohérent avec le territoire mahorais et ses spécificités. D’autre part, l’animatrice du PAI vous accompagnera dans votre professionnalisation vous conseillant des formations ou stages à suivre et vous accompagnera dans la définition de votre projet tant au niveau foncier, règlementaire, juridique que technique pour s’assurer que vous réussissiez votre installation. Vous êtes intéressé(e)s par le monde agricole, vous souhaitez vous installer ou juste vous renseigner pour savoir si vous allez vous lancer dans cette aventure ? Prenez rendez vous avec le Point Accueil Installation au 0639.63.33.39.
Qui sont les porteurs de projets qui sont venus au Point Accueil Installation de Mayotte ?
OFFRES D'EMPLOI OFFRES DE FORMATIONS FICHES MÉTIERS TÉMOIGNAGES CONSEILS
LE CAHIER EMPLOI & FORMATION
LE MÉTIER DE LA SEMAINE
INGÉNIEUR EN AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT NATUREL
L'INGÉNIER EN AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT NATUREL CONDUIT DES ÉTUDES OU DES PROJETS SCIENTIFIQUES ET TECHNICO-ÉCONOMIQUES (ÉTUDE DE FILIÈRE, AMÉNAGEMENT ET GESTION DE L'EAU, MISE EN VALEUR ET CONSERVATION DU PATRIMOINE, ETC.). SELON LES ORIENTATIONS INSTITUTIONNELLES ET PROJETS D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, D'IMPLANTATION D'EXPLOITATIONS ET LA RÉGLEMENTATION ENVIRONNEMENTALE. IL PEUT METTRE EN OEUVRE DES APPELS D'OFFRES ET PROCÉDER AU CONTRÔLE DES RÉALISATIONS. IL PEUT FORMER OU SENSIBILISER DIFFÉRENTS PUBLICS. ET COORDONNER UNE ÉQUIPE. ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL
- Association de protection de la nature - Bureau d'études et d'ingénierie - Collectivité territoriale - Établissement/organisme de recherche - Ferme expérimentale - Office National des Forêts - Parc naturel - Société de services
COMPÉTENCES
- Identifier les thèmes de projets de recherche en fonction des évolutions du secteur - Définir un avant-projet - Définir la faisabilité et la rentabilité d'un projet - Planifier les étapes d'un projet - Déterminer des protocoles d'expérimentation - Assister techniquement une collectivité, un industriel - Mener des études et expérimentations à des fins d'innovation - Communiquer un diagnostic sur des risques environnementaux ou sanitaires aux élus, institutionnels, organismes et leur apporter un appui technique - Suivre la mise en oeuvre d'actions de prévention des risques - Préconiser des mesures environnementales - Établir un rapport d'étude - Établir un rapport de recherche
ACCÈS AU MÉTIER
Cet emploi/métier est accessible avec un Master (diplôme d'ingénieur, Master recherche, etc.) en agriculture, agronomie, environnement, aménagement. Un Doctorat est requis pour les chercheurs en agronomie, génie rural, environnement, etc. Il est également accessible avec un BTS Agricole en production animale, technologies végétales, etc., complété par une expérience professionnelle de 5 à 10 ans. Son accès dans les collectivités territoriales et organismes publics s'effectue sur concours. La pratique d'une langue étrangère, en particulier l'anglais, peut être requise.
République Française Département de Mayotte
CCAS de Bandrélé Recrute Un Coordinateur de l’accueil du jour (H/F) CONDITIONS D’EMPLOIS : a Temps complet : 35 heures hebdomadaires a Cadre d’emplois de la catégorie A ou B a Statut : Titulaire ou contractuel ; a Prise de poste : 15 février 2020 ; a Rémunération statutaire et régime indemnitaire
Merci d’adresser les candidatures, CV et lettre de motivation, avant le 02 février 2020 au service des ressources humaines, Commune de Bandrélé : grh@bandrele.yt L’annonce est consultable sur le site internet de la mairie au www.bandrele.yt, rubrique "recrutement et marchés publics"
République Française Département de Mayotte
CCAS de Bandrélé Recrute Un Responsable de sa maison d’insertion (H/F) CONDITIONS D’EMPLOIS : a Temps complet : 35 heures hebdomadaires a Cadre d’emplois de la catégorie A ou B expérimenté-e a Statut : Titulaire ou contractuel ; a Prise de poste : 15 février 2020 ; a Rémunération statutaire et régime indemnitaire
Merci d’adresser les candidatures, CV et lettre de motivation, avant le 02 février 2020 au service des ressources humaines, Commune de Bandrélé : grh@bandrele.yt L’annonce est consultable sur le site internet de la mairie au www.bandrele.yt, rubrique "recrutement et marchés publics"
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CCAS de Bandrélé Recrute Un conseiller en économie sociale et familiale (H/F) CONDITIONS D’EMPLOIS : a Temps complet : 35 heures hebdomadaires a Cadre d’emplois de la catégorie A ou B a Statut : Titulaire ou contractuel ; a Prise de poste : 15 février 2020 ; a Rémunération statutaire et régime indemnitaire
Merci d’adresser les candidatures, CV et lettre de motivation, avant le 02 février 2020 au service des ressources humaines, Commune de Bandrélé : grh@bandrele.yt L’annonce est consultable sur le site internet de la mairie au www.bandrele.yt, rubrique "recrutement et marchés publics"
MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayotte.hebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Geoffroy Vauthier
# 915
Couverture :
Education : paroles de profs
Journalistes Romain Guille Solène Peillard Grégoire Mérot Cyril Castelliti Raïnat Aliloiffa Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mouhamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com