Mayotte Hebdo n°925

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LE MOT DE LA RÉDACTION

MAYOTTE BRÛLE-T-ELLE ? “ La bombe à retardement est prête à exploser ”, “ Mayotte va s’embraser à nouveau ”, partout, sur toutes les lèvres et tous les gros titres, les mêmes mots depuis des mois. Les mêmes maux, aussi. Et alors que cette rentrée rime avec plusieurs conflits sociaux, sur fond d’une insécurité ressentie comme grandissante, les voilà trouvant un souffle nouveau. Sur les braises. Le mépris et l’injustice sociale sont en tête de gondole chez les grévistes de l’hypermarché Jumbo Score. En haut de l’échelle de la colère, chez les pompiers à qui nous consacrons ce numéro. “ Ils ne nous écoutent pas, ils sont complétement en décalage avec ce que nous vivons ”, lance un sergent à l’attention des “ élus, de la préfecture ”. Un de ses collègues d’embrayer : “ c’est insupportable, le préfet fait un communiqué de presse pour dénoncer les dégradations qu’il y a eu au centre Kinga nous faisant passer pour des voyous mais quand on se fait agresser, il n’y a aucune réaction bien-sûr. ” Rappelons que ces deux hommes dorment à même le sol dans leur caserne. Qu’ils doivent s’en lever en trois minutes pour sauver des vies. Malgré tout, la passion du métier, le sens du devoir, tout cela brûle encore chez eux. Pour combien de temps encore, face aux regards froids et comptables qu’on leur oppose ? Combien de temps, encore, les Mahorais auront-ils l’impression d’être des citoyens de seconde zone ? Que leur maison brûle “ et que tout le monde regarde ailleurs ” ? Heureusement, les pompiers sont là. Las, peut-être, mais là pour nous rappeler quelques valeurs embrassées avec l’uniforme : l’humilité, le don de soi, la solidarité. Peut-être serait-il donc bon, parfois, de se mettre dans leurs peaux. Grégoire Mérot

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FLASHBACK

Retour sur les sujets de Une des Flashs Infos de la semaine

INSÉCURITÉ LE MAIRE DURCIT LE TON

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FI n° 4818 Vendredi 21 août 2020 St Christophe

inséCurité à MaMoudzou

le maire dUrcit le ton

Dans un entretien accordé à Flash Infos, le maire de Mamoudzou Ambdilwahedou Soumaïla revient sur les affrontements qui ont secoué le chef-lieu une semaine plus tôt. Et promet une réponse avec des assises de la sécurité prévues le 22 septembre, la réactivation du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) ou encore l’éclairage des rues. Il fait par ailleurs part de son souhait de voir le système judiciaire renforcé afin de permettre plus d’incarcérations de mineurs.

environneMent

Challenge Mayotte tour

à la reconqUête des zones hUmides

Une 4ème étape en hommage à mansoib

première parution : juillet 1999 — siret 02406197000018 — édition somapresse — n° Cppap : 0921 y 93207 — dir. publication : Laurent Canavate — red. chef : romain Guille — http://flash-infos.somapresse.com

LUNDI 24 AOÛT

RENTRÉE SCOLAIRE FEU VERT MAIS À QUEL PRIX ?

Alors que ce lundi signait le retour des enfants à l’école, “beaucoup [restait] à faire” pour accueillir les élèves dans le respect des normes qu’implique le protocole sanitaire. Si le rectorat se voulait rassurant, force est de constater qu’une vingtaine d’établissements n’étaient pas en mesure d’ouvrir leurs portes. La sécurité des bambins était également au coeur des préoccupations sans que d’incidents majeurs n’aient été à déplorer. On notera également que cette rentrée s’est faite sans ramassage scolaire du fait du conflit social qui oppose encore les transporteurs au Département.

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FI n°4819 Lundi 24 août 2020 St Barthélémy

RenTRée ScolaiRe

Feu vert mais à queL prix ?

TRanSpoRT ScolaiRe

SMUR

Les éLèves iront à L'écoLe à pied

Le témoignage gLaçant de nourddine mkadara

première parution : juillet 1999 — siret 02406197000018 — édition somapresse — n° Cppap : 0921 y 93207 — dir. publication : Laurent Canavate — red. chef : romain Guille — http://flash-infos.somapresse.com

Pour tous vos communiqués et informations

Une seule adresse : rédaction@mayottehebdo.com

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FI n°4820 Mardi 25 août 2020 St Louis

Éducation

MARDI 25 AOÛT

ÉDUCATION UNE RENTRÉE “SEREINE”

Dans son édition de mardi, Flash Infos revient sur la rentrée scolaire de la veille à travers la visite effectuée par le maire de Mamoudzou, le recteur et le préfet à l’école Foundi Adé de Tsoundzou. Un choix d’école pas tout à fait anodin comme l’écrit le quotidien, tant l’établissement fait figure de bon élève dans la commune cheffe-lieu. Alors, forcément, la satisfaction est au rendez-vous. Comme le souligne le préfet, arrivé la veille sur le territoire. “C'est vrai qu’on m’en avait parlé, de cette rentrée sous tensions. Mais finalement elle a été parfaitement préparée. Très belle journée, très sereine”...

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Une rentrée "sereine"

aSSociatif

SapeurS-pompierS

passage de témoin à Yes We can nette

Une grève poUr évincer le directeUr

première parution : juillet 1999 — siret 02406197000018 — édition somapresse — n° Cppap : 0921 y 93207 — dir. publication : Laurent Canavate — red. chef : romain Guille — http://flash-infos.somapresse.com

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FI n°4821 Mercredi 26 août 2020 St Monique

naissancEs

2019, L’année de tous Les records

MERCREDI 26 AOÛT

NAISSANCES 2019, L’ANNÉE DE TOUS LES RECORDS

Après une baisse en 2018, le nombre de naissances en 2019 a rattrapé le niveau record de 2017. Si les mères étrangères représentent encore deux tiers des naissances, le nombre de mères mineurs est en baisse, rapporte Flash Infos à la suite de la publication d’une étude de l’Insee sur la maternité à Mayotte. Autre élément dévoilé par cette étude, la mortalité infantile, qui reste élevée et l’est d’ailleurs bien plus qu’en France hexagonale. En 2019, sur 1.000 enfants nés vivants, 8,5 n’atteignent pas l’âge d’un an, soit un taux de mortalité infantile bien plus important qu’en métropole (3,6 pour 1.000 habitants).

EnvironnEmEnt

BourBon DistriBution

sensibiLiser Les jeunes, Le Leitmotiv de mne

La médiation ne porte pas ses fruits

première parution : juillet 1999 — siret 02406197000018 — édition somapresse — n° Cppap : 0921 y 93207 — dir. publication : Laurent Canavate — red. chef : romain Guille — http://flash-infos.somapresse.com

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JEUDI 27 AOÛT

CRISE DE L’EAU – M. KAMARDINE ATTAQUE L’ÉTAT

Dans une interview à couteaux tirés, le député (LR) Mansour Kamardine dénonce avec virulence ce qu’il considère comme étant des manquements de la part de l’État dans la gestion de la ressource en eau. Il rappelle notamment que les engagements pris à travers le “ plan eau ”, doté d’investissements colossaux ont, pour l’heure, plus profité aux entreprises désignées sans appel d’offre qu’aux Mahorais qui redoutent cette année de nouvelles pénuries.

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TCHAKS

LE CHIFFRE

L'ACTION

LA PHRASE “La peur règne ! Tout le territoire représentant un risque, nous prenons notre courage à deux mains et nous lançons les gyrophares”. Dans un témoignage glaçant recueilli par Flash Infos, Nourddine Mkadara, ambulancier au SMUR raconte l’ambiance de terreur dans laquelle oeuvrent les services de secours, régulièrement pris à partie par des bandes de délinquants. L’ambulancier dénonce par ailleurs de sérieux manques dans les moyens alloués au SMUR.

Un projet immobilier et social contre l'insalubrité à Koungou La commune de Koungou expérimente une opération de résorption de l’habitat insalubre. Après la démolition, en 2019, de 46 constructions, dont 39 déclarées irrémédiablement insalubres, des logements simplifiés vont être reconstruits afin de permettre le retour des populations d'origine, en préservant les liens sociaux et en réemployant le foncier. Le présent appel à projets porte sur la mise en gestion locative adaptée pour les 30 premiers logements issus de cette opération.

9 770 C’est le nombre de naissances enregistré sur le territoire en 2019 d’après L’Insee. Mayotte retrouve ainsi le niveau record établi en 2017. “ La fécondité reste élevée. Elle est portée par les mères de nationalité étrangère, comorienne pour la plupart, qui donnent naissance aux trois quarts des bébés nés en 2019, comme les trois années précédentes ”, note l’institut. Les naissances d’enfants de mamans mineures sont quant à elles en légère baisse. On en dénombre ainsi 430 cette année-là, soit 40 de moins que l’année précédente.

LA PHOTO DE LA SEMAINE Une rentrée pas si "sereine"

Derrière les opérations de communication, la rentrée ne s’est pas déroulée aussi sereinement que vanté. Là, des parents d’élèves décidant de fermer l’établissement de leurs enfants pour exiger le respect du protocole sanitaire. Là, des écoles toujours fermées car les travaux n’ont pas été réalisés, d’autres qui ont ouvert, avant de fermer à nouveau. Là encore, l’absence de savon le jour de la rentrée, des points d’eau défectueux… Tout au long de la semaine, un gouffre s’est creusé entre les retours de terrain et les discours vantant une rentrée “ parfaitement préparée, très sereine ”.

BRÈVES

BRÈVES

France Ô s'est éteinte

Grève en mode pause au laboratoire privé d’analyses

La diffusion s'est définitivement arrêtée dimanche, à minuit. Comme décidé par le gou- vernement en 2018, la chaîne du groupe France Télévision dédiée aux Outre-mer, France Ô, a rendu l'antenne. Un choix justifié par les faibles audiences du canal, et dont l'annonce avait provoqué un tollé, particulièrement auprès des Ultramarins. En juillet dernier, le ministère de la Culture avait annoncé que France 4, chaîne de programmes pour enfants, bénéficierait d'un sursis jusqu'à l'été 2021 avant de décider si elle serait à son tour fermée, là encore, faute d'audience. Beaucoup de personnes avaient alors estimé que le divertissement l'emportait sur la culture des territoires ultramarins et leur diversité, encore sous-représentés dans le paysage audiovisuel français. Une pétition pour le maintien de la diffusion de France Ô avait ainsi recueilli plus de 100.000 signatures, après que 25 personnalités avaient lancé un appel dans Libération contre la fermeture de la chaîne. Dimanche, 200 personnes avaient manifesté devant le ministère de la culture en réponse à l'appel lancé par le collectif Sauvons France Ô.

Après quelques 41 jours de grève au laboratoire privé d’analyses médicales Mayo Bio, le syndicat Sud Santé sociaux a annoncé une suspension du mouvement, ce lundi 24 août. L’assemblée générale des salariés grévistes a ainsi décidé à l’unanimité de reprendre le travail le mardi suivant, justifiant ce choix par “les difficultés occasionnées par le mouvement social pour la prise en charge des patients ”. Pause donc, “pour le bien-être des patients”, sans qu’aucun protocole de fin de conflit n’ait été signé. Et qu’aucune des demandes relatives à une amélioration des conditions de travail n’ait donc été entendue par la direction

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LE TOP Des chantiers d'insertion pour restaurer les zones humides

Gepomay, le groupe d'études et de protection des oiseaux de Mayotte, se lance dans les chantiers d'insertion à vocation environnementale. Après un premier travail sur la prairie humide d'Ambato, à M'tsangamouji, dont la restauration a permis un agrandissement du site de 150 mètres carrés pour le pâturage des zébus, une nouvelle opération a été menée lundi 24 août, cette fois derrière le Sodicash de Malamani, à Chirongui. Le but ? Arracher les plantes exotiques invasives et faciliter ainsi le développement d'autres espèces végétales. Un équilibre essentiel à la préservation des zones humides, qui permettent d'apporter de l'eau et de limiter les risques d'inondations. Pour mener à bien son action, le Gepomay s’entoure d’un collectif constitué par l’association Jardin de M’Tsangamouji, qui mène des actions sur la lagune depuis plusieurs années, le Conservatoire Botanique, qui apporte son expertise sur la végétation, et l’association Mlezi Maore, qui travaille dans la gestion des espaces verts.

LE FLOP Une rentrée des classes sans transport scolaire

Chose promise, chose due. Comme annoncé le mois dernier par le syndicat FO Transport, les chauffeurs de bus de l'entreprise Matis, en grève, n'ont pas roulé pour la rentrée, lundi 24 août, faute d'un accord trouvé à temps avec le Département. Au cœur du problème : la reprise des employés de Matis, qui n'est pas rendue obligatoire dans le cahier des charges de l'appel d'offre de marché public à saisir pour l'année prochaine. À quatre jours de la rentrée, les élus avaient rencontré les représentants syndicaux des conducteurs, en vain. Finalement, le 25 août, le tribunal administratif, saisi en référé par la direction de Matis afin de faire invalider la procédure de passation du marché, déboutait la société de transport, jugeant que la question de la reprise du personnel ne l'impacterait pas directement. En clair, la juridiction n'a pas été saisie par le bon requérant, et la petite phrase relative à la reprise des 80 chauffeurs de Matis n'a pas à être réécrite. Alors, la grève se poursuit, puisque les chauffeurs, craignant pour la pérennité de leurs emplois, refusent de reprendre route et travail tant que le Département n'aura pas changé les termes de son appel d'offre.

IL FAIT L’ACTU Jack Passe s'en est allé

Le fondateur de la course de pneus et du festival de l’image sous-marine s’est éteint dimanche 23 août à Marseille. Cet ancien professeur de sport se battait depuis plusieurs mois contre une longue maladie. Arrivé à Mayotte dans les années 1980, Jack Passe était un amoureux de l’île au lagon, qu’il n’a dès lors plus quittée et dont il a tâché de mettre en lumière les richesses. C’est ainsi qu’il a créé en 1983 la course de pneus, après avoir vu des enfants courir en poussant des pneus avec des bouts de bois. Aujourd’hui, cet événement reste toujours l’un des plus populaires à Mayotte. Passionné de chasse sous-marine et toujours désireux d’éduquer les jeunes générations et de transmettre son amour de Mayotte, Jack Passe avait aussi créé le festival de l’image sous-marine, qui fêtait l’année dernière sa 25ème édition. Sa dernière volonté était de reposer auprès de ses proches à Mayotte, mais la crise sanitaire actuelle complique les démarches pour rapatrier son corps sur le 101ème département. Toute l’île adresse ses sincères condoléances à ses enfants et sa famille et pleure la perte d’une de ses plus belles figures.

SANTÉ

PROVERBE “Neka mutru kapahua kahoyo uvura kasi” Tant qu'on n'a pas accosté on n'arrête pas de pagayer

Covid-19 : un renforcement des contrôles demandé entre La Réunion et Mayotte

Depuis plusieurs semaines, La Réunion, bien moins touchée par l'épidémie de Covid-19 que Mayotte quelques mois plus tôt, fait désormais face à une flambée du nombre de porteurs du virus. Au 25 août, l'île comptait quelque 13 clusters actifs. En une seule semaine, 400 nouveaux cas ont ainsi été détectés. Face à ce bilan, Daniel Zaïdani, conseiller départemental, a demandé au préfet de Mayotte de renforcer les contrôles à l'entrée sur le 101ème département et "d'étendre aux passagers en provenance de La Réunion de présenter à l'enregistrement un test Covid-19 négatif effectué 72h avant le décollage pour Mayotte", fait état une lettre signée le 21 août par l'ancien président du conseil général. Un dispositif déjà de rigueur pour les voyageurs venus de métropole. Daniel Zaïdani estime également qu'il serait "utile" d'imposer un dépistage à l'ensemble des voyageurs arriver sur notre département afin d'y éviter une deuxième vague et de détecter par la même de potentiels cas asymptomatiques.

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SOCIAL

AU FEU LES POMPIERS Qui pour éteindre l’incendie ? Depuis que la grève illimitée des sapeurs-pompiers de Mayotte s’est, une nouvelle fois, déclenchée ce lundi 24 août, personne ne semble plus en mesure de contenir leurs ardeurs. À tel point que dès le lendemain, quelques-uns d’entre eux ont fait irruption dans les locaux de la direction pour y déverser détritus et œufs pourris. Inadmissible diront certains. Pour les pompiers rencontrés, l’inadmissible, ce sont surtout le souseffectif chronique, l’absence de bornes d’incendie ou encore les agressions à répétition dont ils sont victimes. Sans que, pour ces dernières, personne ne sourcille. On l’aura compris, rétablir le dialogue prendra du temps et il faudra pour ce faire que les regards changent, prennent de la hauteur. On espère que ce dossier les y aidera. Bonne lecture.

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Grégoire Mérot

REPORTAGE

PASSION ET COLÈRE, LES POMPIERS PRIS ENTRE DEUX FEUX

LA CASERNE DE KAWÉNI, QUI CONCENTRE À ELLE SEULE 70% DES INTERVENTIONS OPÉRÉES PAR LE SERVICE DÉPARTEMENTAL D’INCENDIE ET DE SECOURS EST BEL ET BIEN EN GRÈVE. CE QUI NE L’EMPÊCHE PAS DE POURSUIVRE SES MISSIONS. CAR ICI, LE SENS DU DEVOIR NE FAIBLIT PAS FACE AU SENTIMENT D’ABANDON DES AUTORITÉS.

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Un pompier qui entretient la braise, voilà qui n’est pas commun. Depuis le début de la grève illimitée qui s’est déclenchée le 24 août, c’est pourtant le genre de scène que l’on peut aisément retrouver dans les différentes casernes de l’île. “ On est en mode autogestion ”, sourit le cuistot du jour devant son barbecue de fortune. Autour de lui, la bonne humeur règne et l’on s’esclaffe entre deux mabawas. On danse sur la musique hurlante entre deux bouchées de fruit à pain. Grillades et maoulida shengé, la caserne respire la bonne humeur. Voilà pour les apparences. Car le bastion des pompiers de Kawéni est à l’image de leur situation. Le grand portail principal est cadenassé, bardé de messages de lutte sociale. Celui de derrière est grand ouvert et vit au rythme des camions rouges. “ On est en grève mais on reste avant tout des pompiers, si on a besoin de nous on est là. Après, c’est vrai qu’on essaye

de faire un peu moins pour marquer le mouvement ”, livre le sergent Madi Moussy-Junior à l’ombre d’un véhicule. Un peu moins ? “ En fait, on essaye de ne plus faire tout ce qui devrait être géré par le Smur, comme les accouchements à domicile ”, détaille le gradé. Ici, tout est question d’apparences mais le mal est profond. Du haut de ses huit ans de service dans le centre de secours principal de Kawéni, Madi Moussy-Junior a le regard sombre. “ J’ai l’impression que ça fait huit ans qu’on dit les mêmes choses et que rien ne se passe. Au contraire, tout empire et personne ne bouge ”, déplore l’homme en bleu. Pour attester des conditions de travail difficile de ses collègues, le voilà se faisant guide dans le centre de secours. On le retrouve au premier étage, au milieu d’une salle rongée par l’humidité, parsemée de quelques instruments de musculation. Le moisi se fait sentir. “ Voilà, c’est là que l’on dormait avant mais franchement, ça de-

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“ LE PROBLÈME, C’EST QU’ON DEVRAIT ÊTRE 21 DANS CETTE CASERNE ET ON EST QUE 16, DU COUP SI CE VÉHICULE SORT, ON NE PEUT PLUS SORTIR QUE DEUX AMBULANCES ”

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venait irrespirable surtout que la climatisation ne fonctionne plus depuis longtemps. Maintenant, on l’utilise comme salle d’entraînement et vestiaires mais c’est compliqué, tout pourri ici ”, indique le sergent. C’est en face que dorment désormais les pompiers. L’endroit, censé être plus confortable illustre à lui seul le sentiment de déconsidération dont se plaignent les soldats du feu.

DES MATELAS À MÊME LE SOL En fait de dortoir, d’anciens bureaux à l’évidence vétustes accueillent des matelas à même le sol. “ Ce sont les anciens locaux

de la direction, on les a investis quand le centre de commandement a déménagé à Kinga. On s’est mis là car ici au moins, on a la clim’ ”, explique Madi MoussyJunior. Lui ne se plaint pas des sommiers sans latte obligeant à dormir par terre dans des bureaux décrépis. Un mot, tout de même, pour ses collègues femmes qui doivent souvent dormir avec les hommes faute de place. “ C’est compliqué pour elles, forcément… ” “ On fait avec, c’est comme ça. C’est pas ça le problème principal ”, souffle le pompier après un tour du coin sanitaires et de la cuisine, pas plus accueillant l’un que l’autre. Pour

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“ ON EST EN GRÈVE MAIS ON RESTE AVANT TOUT DES POMPIERS, SI ON A BESOIN DE NOUS ON EST LÀ. ” le gradé mahorais le “ problème principal ” est en fait un triptyque à ranger sous le sceau de l’entrave au bon fonctionnement du service. Sous-effectif, contraintes de terrain et insécurité. Combo. Trois éléments “ qu’on ne verrait jamais en métropole ”, assure celui qui parle en connaissance de cause pour avoir servi en Hexagone. Le long des camions dont il fait avec une certaine fierté l’inventaire dans le vacarme de la cour, il explique : “ Au niveau du matériel de secours, on est à peu près équipés correctement. Le problème, c’est qu’on devrait être 21 dans cette caserne et on est que 16, du coup si ce véhicule sort, on ne peut plus sortir que deux ambulances. On est obligés d’en laisser une, pas le choix. Et dans toutes les casernes c’est comme ça. À Acoua, par exemple, s’il y a un véhicule incendie qui sort, aucune ambulance ne peut sortir. En gros ils sont tellement peu qu’ils ne peuvent sortir qu’un véhicule à la fois. S’il y a un incendie, il n’y a plus de secours à personne et vice-versa. ”

SOUS-EFFECTIFS, TERRAIN DIFFICILE, INSÉCURITÉ 16 pompiers, 24h/24, pour 25 à 35 missions par jour, soit 70% de l’activité du Sdis dans tout le département. Les secouristes ont de quoi être sur les rotules. Ce qui ne

les empêche pas, fraichement revenus d’intervention, d’enchainer quelques pas de danse auprès de leur camarade. “ Scooter contre voiture, classique ”, lâche un membre de l’équipage, un mabawa déjà en main. “ De toute façon à Mayotte, tout est compliqué ”, reprend à l’écart Madi Moussy-Junior. “ Presque 90% de nos interventions, on les fait dans les bidonvilles ”, indique le sergent, introduisant de fait le deuxième sujet qui fâche. “ Forcément on est obligés de beaucoup marcher dans des terrains très compliqués, c’est très difficile. À chaque intervention c’est une expédition, on est obligés de marcher plusieurs kilomètres pour revenir avec une personne sur un brancard ”, détaille-t-il, anecdotes à l’appui. “ Une fois on est parti à 9h pour revenir à 17h, tout ça pour une personne qui était coincée dans un cocotier, mais il y avait plusieurs heures de marche ”. L’histoire pourrait prêter à sourire si le sergent n’avait d’abord indiqué que, sous-effectif oblige, d’autres interventions n’ont pas pu être effectuées durant ce laps de temps. Ce qui, nécessairement, conduit à de l’incompréhension pour ceux qui sont dans l’attente des pompiers. “ Ils disent qu’on met toujours trop de temps à venir, je comprends que ça les mette en colère mais ils ne se rendent pas compte de nos difficultés pour intervenir ”. Bras croisés et sourcils froncés, le pompier plaide pour ses collègues. “ Quant on reçoit une alerte, on a deux minutes pour partir, trois si c’est

POUR UNE MEILLEURE COORDINATION DES SECOURS Pour les pompiers de Kawéni, du ménage reste à faire, aussi, dans le type d’interventions qui leur est demandé. “ Il faut que le Samu fasse des efforts, prenne sa part de responsabilités ”, pointe notamment l’un des leurs. “ Dès qu’il y a un accouchement à domicile dans les bidonvilles, ils envoient les pompiers car ils se disent qu’on est plus costauds. Du coup on perd un temps fou sur ce genre d’interventions au détriment de missions qui rentrent directement dans nos compétences. On peut donner un coup de main, mais ça ne doit pas être automatique, normalement, c’est directement leur boulot ça ”, poursuit-il, plaidant pour une meilleure coordination des différents services de secours sur l’île.

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la nuit mais les problèmes commencent dès que l’on sort de la caserne. Il n’y a pas de voie dédiée, les automobilistes n’ont souvent pas la place de nous laisser passer, il y a souvent beaucoup de marche et jamais de bornes d'incendie. C’est insupportable car tout est une question de temps… ”

“ EN DEUX MINUTES, ON N’A PLUS D’EAU ” Les bornes d'incendie, justement, parlons-en. “ En métropole, les pompiers ont un poteau tous les deux kilomètres, ils n’ont qu’à se brancher.

À Mayotte on n’a rien et il faut savoir que dans nos camions on a 3500 litres d’eau seulement. En deux minutes c’est fini. On est obligés de repartir se réapprovisionner. Donc une intervention qui devrait durer trente minutes prend ici trois heures, tout a le temps de partir en fumée ”, se désole le soldat du feu, désarmé. Voilà donc ce qu’il s’est passé, la semaine dernière, lors de l’intervention dans un bidonville de Cavani. Le camion ne pouvant pas accéder aux bangas en proie aux flammes, les pompiers ont dû tirer 500 mètres de tuyau sur un terrain des

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“ LES HABITANTS PENSENT QU’ON MET TOUJOURS TROP DE TEMPS À VENIR, JE COMPRENDS QUE ÇA LES METTE EN COLÈRE MAIS ILS NE SE RENDENT PAS COMPTE DE NOS DIFFICULTÉS POUR INTERVENIR. ” plus escarpés. Pour deux minutes d’eau. Chez les habitants, la colère est montée, les pompiers ont été pris à parti. Plusieurs d’entre eux ont reçu des pierres. Voilà de quoi expliquer, en partie, la troisième plaie des pompiers : l’insécurité. Mais pas seulement “ Il y a aussi

régulièrement des agressions totalement gratuites dont on ne comprend pas l’origine. C’est de pire en pire et ça devient insupportable, là on dit “ stop, y en a marre ” ”. Un coup de gueule qui, malgré la musique, n’aura pas échappé à un de ses collègues venu prêter l’oreille. Madi Moussy-Junior poursuit : “ il faut que le préfet prenne ses responsabilités, la sécurité c’est l’une des principales missions de l’État, il faut donc qu’il fasse son boulot. Que chacun prenne ses responsabilités, à lui de mettre les moyens pour nous sécuriser sinon il y a certains endroits où on n’ira plus, tout simplement. ”

“ SE BATTRE POUR QUE LES CHOSES CHANGENT ” Alors que le sergent salue une équipe rentrant d’intervention, son collègue embraye. “ C’est dégueulasse ce qu’on nous fait, le préfet a fait un communiqué pour nous faire passer pour des voyous parce qu’on s’est emportés dans les locaux de la direction alors qu’il ne dit jamais rien quand on se fait agresser. Et ça, c’est tout le temps, c’est insupportable, il est jamais là pour nous défendre ”, rugit le pompier. Le malaise est palpable. Le sentiment d’abandon, d’incompréhension de la part des responsables est total. “ Ils sont en décalage total avec ce que l’on vit ”, reprend le sergent, tentant par un ton plus calme de tempérer son collègue furibond. “ C’est partout pareil à Mayotte, les élus, les décideurs ne vivent pas dans le même monde que nous, jamais ils nous consultent pour comprendre ce qui ne vas pas ”, lance-t-il tout de même. Et derrière les mots d’ordre des syndicats, le sujet ne se résume pas seulement au directeur du Sdis. “ C’est vrai qu’il a un peu de mal à communiquer, c’est dommage, mais tout ne repose pas sur lui non plus, il faut voir plus loin si on veut que les choses avancent. Élus, État, tous doivent prendre leurs responsabilités parce que ça ne peut plus continuer comme ça ”, conclut Madi Moussy-Junior. Chez qui, malgré tout, la passion reste chevillée au corps. Aussi solidement que ses rangers bien serrées. “ J’adore ce métier, c’était mon rêve et je vis encore pour ça, j’ai l’impression que c’est ma manière à moi d’aider les autres, d’apporter ma pierre à l’édifice. Je pense que c’est pour ça qu’on veut se battre, pour que les choses changent ”. Et que la flamme ne s’éteigne pas. n

AU CSP DE KAWÉNI, LA VIE AU RYTHME DES INTERVENTIONS “ Le matin on prend la garde à 7h et on commence par l’inventaire ”, explique le sergent Madi Moussy-Junior, détaillant le programme des journées dans sa caserne. À partir de huit heures, comme il leur faut bien garder la forme, direction le sport, pendant deux heures. “ Ensuite, de 10h à midi, on a des formations théoriques, tous les jours ”. À 14h, place à la pratique. “ En fait on fait pour de vrai ce que l’on a vu le matin ”, explique le sergent. S’ensuit le lavage du matériel puis le “ quartier libre ”. En fait de liberté, il s’agit plutôt d’attendre un départ en intervention. Ce qui ne tarde jamais à en croire le pompier. “ On a en moyenne entre 25 et 35 interventions par jour, et c’est forcément la priorité, du coup il n’y a jamais de formation sans départ ”, détaille-t-il.

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DOSSIER

Raïnat Aliloiffa

POINT DE VUE

LE FEU S’EMBRASE ENTRE LES SAPEURS POMPIERS ET LEUR DIRECTION

RIEN NE VA PLUS ENTRE LES SAPEURS POMPIERS ET LE SDIS DE MAYOTTE. LA SITUATION EST ARRIVÉE AU POINT DE NON RETOUR, ET CHAQUE PARTIE CAMPE SUR SES POSITIONS. À QUEL MOMENT LES CHOSES SE SONT-ELLES ENVENIMÉES ? POURQUOI AUCUNE SOLUTION N’EST-ELLE ENVISAGÉE ? RETOUR SUR UN CONFLIT QUI PARALYSE LE SDIS 976 DEPUIS DES SEMAINES.

La relation entre les sapeurs pompiers de Mayotte et le SDIS (Service départemental d’incendie et de secours) n’a pas toujours été aussi électrique et chaotique. À son arrivée il y a presque deux ans, le colonel Fabien Terrien, directeur du SDIS Mayotte avait de bonnes relations avec les syndicats et les représentants du personnel, selon lui. Raison pour laquelle il ne comprend pas ce soudain revirement de situation. La date fatidique serait celle du 10 mai 2020, lorsque des individus se sont introduits dans la caserne de Kahani et ont vandalisé le matériel. Les pompiers étaient alors montés au créneau et avaient dénoncé leurs conditions de vie et de travail au sein de la caserne. Celle-ci a un réel problème de sécurité. Le portail ne fermait pas à l’époque, le plancher est encore désuet, le mobilier vétuste, des odeurs de rats morts empeste dans les locaux, en bref, presque tout était à refaire. Le syndicat SNSPP-PATS 976 avait

établi une liste des travaux à effectuer au sein de la caserne de Kahani, et l’installation d’un portail électrique était le souhait principal. Il est devenu par la suite le portail de la discorde. La direction du SDIS a en premier lieu refusé la pose d’un portail électrique et a préféré un qui se ferme manuellement et qui est “ anti-escalade ”. “ L’électrisation du portail fait tripler son prix. Dans la mesure où on mettra de l’électricité sur ce projet plus tard, on reste sur une fermeture manuelle pour l’instant ”, déclare le colonel Fabrice Terrien. Mais les sapeurs-pompiers n’en démordent pas. La direction essaye d’installer le portail à la caserne de Kahani à deux reprises et les soldats du feu s’y opposent systématiquement. La direction exaspérée tente alors une nouvelle stratégie et propose de lancer tous les travaux de la caserne en même temps mais rien n’y fait, les syndicats campent sur leurs positions. “ De mon point de vue ils avaient déjà décidé

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800 000€ C’EST LE MONTANT DÉPENSÉ PAR LE SDIS DE MAYOTTE POUR RENOUVELER LE MATÉRIEL.

qu’il y aurait un blocage ”, affirme le directeur du SDIS Mayotte. Les professionnels de Kahani se mettent officiellement en grève le 3 août. Pendant ce temps, la colère grogne dans toutes les casernes du territoire. Les agressions à répétitions des sapeurs-pompiers dans leurs locaux ou en intervention enveniment la situation. Afin de la calmer, des membres de la direction font une tournée des centres pour recueillir toutes les revendications. Pour les sapeurs-pompiers en colère il est trop tard. Ces derniers déposent un préavis de grève illimitée qui débutera le 24 août. Quelques jours avant, la présidente du SDIS Mayotte, Moinécha Soumaila programme deux séances de négociations pour le 19 et 20 août. Dès le premier jour, elle est confrontée à des syndicats qui font front et qui refusent de négocier si leur première revendication n’est pas immédiatement acceptée. “ On ne discute même pas des autres points si le premier [le départ du directeur du SDIS 976,ndlr] qui n’est pas négociable n’a pas de réponse positive. On ne veut plus travailler avec le colonel Fabrice Terrien. On ne lui fait plus confiance, et c’est réciproque alors il vaut mieux qu’il parte travailler ailleurs avec des gens qui veulent de lui ”, nous indique Ahmed Allaoui Abdoul Karim, président du SNSPP-PATS 976. Moinécha Soumaila refuse de céder, les représentants des sapeurs-pompiers alors présents lors de la réunion partent sans aborder leurs 22 autres revendications. Selon le colonel Terrien, “ ils ont provoqué le bras de fer dans lequel on est aujourd’hui. Mais on ne peut pas paralyser tout le système pour obtenir 100% des demandes. ” En effet, tout le système est paralysé puisque la grève

mobilise l’ensemble du personnel du SDIS (hors cadres hauts placés). “ Nous sommes arrivés à un point de non retour où la seule solution est le départ du directeur ”, annonce Ahmed Allaoui Abdoul Karim.

UN DIALOGUE DE SOURDS ? Les sapeurs-pompiers reprochent à leur directeur de travailler seul, sans les consulter. “ Quand il n’était pas là tout n’était pas rose mais on pouvait discuter, il y avait des améliorations. C’est lui qui a laissé la situation à Kahani se dégrader. L’ancien directeur avait planifié des rénovations et quand le nouveau est arrivé il a tout mis au placard ”, affirme le président du SNSPP-PATS 976. De son côté Fabrice Terrien présente un plan de rénovations et constructions dans la caserne de Kahani et ses alentours. Il est prévu de rénover complètement les anciens locaux et de construire un centre de formation de sapeurs-pompiers à côté. Et alors que les soldats du feu dénoncent des conditions de travail déplorables, la direction, qui s’en dit consciente, affirme tout faire pour y remédier. “ C’est une réalité que les casernes sont en mauvais état, et il y a tout un tas de demandes sociales qui sont en suspend depuis longtemps. On le regrette, mais on dépense 800 000€ pour renouveler le matériel et on va proposer de rajouter sur 5 ans quasiment 6 millions d’euros. ” La crise sanitaire n’aurait pas arrangé le climat, bien au contraire. La prime covid annoncée par le gouvernement est également devenue source de conflit. “ Ils veulent que tout le monde y ait droit alors que ce n’est pas possible parce qu’il y a des critères. Il faut un surcroit significatif de travail pendant une période déterminée, et la réalité c’est que pour la plupart d’entre eux il n’y a pas eu de surcroit significatif de travail ”, précise le colonel

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MILLIONS D’EUROS LE SDIS VA PROPOSER UN PLAN D’AMÉLIORATION DU MATÉRIEL. IL SOUHAITE INJECTER 6 MILLIONS D’EUROS EN L’ESPACE DE 5 ANS. 19

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283

LE SDIS COMPTE 283 SALARIÉS DONT 223 SAPEURS POMPIERS. CE CHIFFRE RESTE CEPENDANT EN DEÇÀ DES NÉCESSITÉS DU TERRITOIRE.

tout autre discours. “ Il est vrai que partout en France les casernes manquent de pompiers, mais au moment où les autres recrutent, nous on diminue le personnel. ” Dans l’ensemble, la direction du SDIS de Mayotte assure être force de propositions et privilégier le dialogue social, mais elle se heurterait à chaque fois à un mur venant des sapeurs-pompiers. Ces derniers ne se présenteraient pas aux réunions, et ne feraient pas remonter les récits de leurs agressions. “ 20 réunions sont programmées en 12 mois avec les représentants du personnel. Et c’est sans compter les 10 réunions avec les représentants des instances politiques. Il y a aussi eu 12 groupes de travail dont 6 encore ouverts ”, informe le directeur du SDIS pour faire preuve de sa bonne foi.

UN CONFLIT HORS DE CONTRÔLE La colère des pompiers et l’exaspération de leur direction ne font pas bon ménage.

Terrien. Enfin, le manque d’effectifs exaspère également tout le monde. La direction serait prête à faire des propositions chiffrées alors que les syndicats ont un

La relation entre les deux partis est plus que tumultueuse. Mardi 25 août pendant leur deuxième jour de manifestation dans la rue, les grévistes pénètrent dans les

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locaux du siège du SDIS au centre Kinga à Kawéni. Lors de notre entretien avec le colonel Terrien ce jour-là, en milieu d’après-midi, nous sommes accueillis par une odeur nauséabonde, et des détritus qui jonchent à l’entrée, le long de la cage d’escalier, jusqu’à l’étage. C’est le résultat de quelques minutes d’intense animosité de la part des grévistes. Plus tôt, ils avaient déversé des poubelles du rez-de-

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C’EST LE NOMBRE DE RÉUNIONS PROGRAMMÉES EN 12 MOIS ENTRE LA DIRECTION ET LES REPRÉSENTANTS DU PERSONNEL. IL FAUT AJOUTER À CELA 10 RÉUNIONS AVEC LES INSTANCES POLITIQUES ET 12 GROUPES DE TRAVAIL. chaussée jusqu’au dernier étage là où se trouvent les bureaux de la présidente du SDIS et du directeur. Ils font également éclater des œufs pourris dans le bureau de ce dernier, écrivent “ Terrien dehors ” sur un tableau. Le directeur du SDIS nous reçoit gêné et quelque peu dépassé par la situation. Il répond à nos questions en faisant abstraction des mouches qui narguent et de l’odeur puante qui ne s’évapore pas. “ Ils préparent surement leur coup depuis un moment ”, murmure-t-il entre deux réponses. Cet acte n’est pas le seul qu’il déplore. Il condamne également les “ propos diffamatoires ” des grévistes qui le traitent de tous les noms. : Dictateur, harceleur, menteur. “ Ce sont des mots très forts repris par un nombre très important de personnes mais ça n’en fait pas une réalité. Quand vous voulez vous débarrasser de quelqu’un vous finissez par construire des arguments ou des défauts inacceptables et vous les lui reprochez. Mais ça ne suffit pas de reprocher, ils doivent démontrer, porter plainte et la justice se chargera de moi. Je suis prêt à collaborer s’il le faut ”, déclare-t-il. Il estime qu’il y a beaucoup

d’injustices dans les slogans véhiculés et que les sapeurs-pompiers sont en train de construire “ le portrait d’un type à éliminer sans aucune preuve ”. Le directeur du SDIS 976 a l’intention de porter plainte pour tous ces propos, mais aussi pour le matériel qui a été dégradé. Deux pneus d’un véhicule de fonction ont été crevés de façon volontaire, deux serrures ont été bloquées au siège du SDIS, la serrure de la porte d’entrée de l’école départementale a été mise hors d’état de fonctionner. Le président du SNSPP-PATS 976 réfute tous ces accusations. “ C’est sûrement lui qui l’a fait pour nous faire porter le chapeau. ” Vous l’aurez compris, le feu n’est pas prêt de s’éteindre au sein du SDIS de Mayotte. n

ET LES POMPIERS DE L’AÉROPORT DANS TOUT CELA ? Les sapeurs-pompiers de l’aéroport de Mayotte soutiennent le mouvement de leurs collègues. Ils ont cependant des revendications bien particulières qui ne datent pas d’aujourd’hui. On se souvient qu’à l’arrivée du président de la République en octobre dernier, ils avaient exercé leur droit de retrait pour dénoncer le traitement des sapeurs-pompiers de toute la France. Ceux de Mayotte souhaitent aussi de nouveaux véhicules. “ On en a 3 qui sont opérationnels et on aimerait passer à 4 parce qu’il faut toujours un véhicule de remplacement si l’autre tombe en panne ”, indique Abdallah Bamana, responsable syndical des sapeurs-pompiers de l’aéroport de Mayotte. Ce véhicule permettrait à l’aéroport de l’île de passer à un niveau supérieur et d’accueillir de plus gros avions. “ Mais ce combat est loin d’être gagné parce que La Réunion est toujours en concurrence avec Mayotte. Et la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) qui nous gère est réunionnaise et elle nous montre qu’on doit toujours être inférieurs à La Réunion. La DGAC doit avoir une politique de mère porteuse et donner la même chose aux deux îles ”, dénonce Abdallah Bamana. Le statut des pompiers de l’aéroport pose également problème. Ils font partie du SDIS de Mayotte, une institution publique, mais sont mis à disposition à une entreprise privée, (EDEIS) et sont sous son autorité. Le contrat entre EDEIS et le SDIS de Mayotte prend fin le 31 août mais a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2020. Au-delà de cette date, l’entreprise souhaite seulement garder 4 sapeurs-pompiers (ils sont actuellement 12). Proposition refusée par le SDIS. “ Il n’y a pas d’accord équilibré, la présidente a donc décidé de reprendre ses salariés et les intégrer dans des casernes ”, annonce le directeur du SDIS de Mayotte. Si aucun accord n’est trouvé d’ici là, les sapeurs-pompiers qui seront à l’aéroport de Mayotte à partir de 2021 relèveront du droit privé. “ On ne laissera pas faire car il y a des jeunes qui ont passé le concours professionnel, qui sont sur liste d’attente et qui veulent intégrer le SDIS. Si les sapeurs-pompiers de l’aéroport passent dans le domaine du privé ces jeunes vont rester au chômage et n’auront jamais de contrat en tant que professionnel à Mayotte”, redoute Abdallah Bamana.

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DOSSIER

Solène Peillard

TÉMOIGNAGES

DES POMPIERS POUR NOUS SAUVER, MAIS QUI POUR SAUVER LES POMPIERS ?

À M'TSAPÉRÉ, À COMBANI, ET RÉGULIÈREMENT À KAHANI… DEPUIS PEU, LES ATTAQUES VISANT DÉLIBÉRÉMENT LES SAPEURS-POMPIERS, EN INTERVENTION OU AU SEIN MÊME DE LEUR CASERNE, SE RÉPANDENT À TRAVERS TOUTE L'ÎLE. POUR L'HEURE, CES AGRESSIONS N'ONT ENCORE FAIT AUCUN BLESSÉ GRAVE. MAIS POUR COMBIEN DE TEMPS ?

Leur maison brûle. Ou plutôt leurs casernes, leurs véhicules, leurs collègues. Depuis le mois de mai, les agressions de sapeurs-pompiers se multiplient à une vitesse inédite à travers toute l'île. Encore le week-end dernier, les soldats du feu de Kawéni ont été attaqués à M’barazi-M’tsapéré, où des cases en tôle avaient pris feu. Une fois arrivés sur place, les secouristes ont été encerclés par une bande, avant qu'une pluie de pierre ne s'abatte sur eux. La raison ? Le délai d'intervention. 12 minutes. Trop long au goût des assaillants. La réalité ? Les soldats du feu ont dû tirer 500 mètres de tuyau sur un terrain escarpé et inaccessible, sinon à pied. Ce soir-là, trois pompiers seront légèrement blessés. Mais le traumatisme qui les ronge, lui, s'alourdit semaine après semaine. "C'est de pire en pire. À chaque nouvelle journée, on se demande comment ça va se passer." Koutoubou Abdou Madi

s'interrompt, le temps de se racler la gorge. "Excusez-moi, c'est encore très difficile d'en parler. Vous savez, je n'arrête pas de faire des cauchemars depuis la dernière fois…" La dernière fois, c'est cette nuit entre le 10 et le 11 mai. Celle où une cinquantaine d'individus ont fait irruption dans la caserne de Kahani, en empruntant le portail qui ne se fermait plus depuis alors des mois. "Ils étaient armés, ils avaient des machettes avec eux. C'était clair, ils auraient pu nous tuer", souffle douloureusement le doyen des lieux. Ici, tout le monde le surnomme "Le père". Dans le métier depuis presque 30 ans, il est celui qui écoute, qui conseille, qui rassure. Mais difficile de remonter le moral des troupes depuis que celles-ci sont attaquées au sein même de leur lieu de vie. "Quand ils sont arrivés dans la caserne, tout le monde s'est mis à courir pour se mettre à l'abri en allant s'enfermer dans plusieurs pièces, tout au fond", retrace Le père, la voix

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encore tremblante. Pendant ce temps, les intrus se déchaînent : une ambulance et un fourgon d'incendie sont sévèrement endommagés, du matériel de secours et une tronçonneuse sont dérobés. Et évidemment, des pierres sont jetées à vue, dans tous les sens. Aux origines de ce déferlement de violence, un accident de la route survenu à Kahani la veille, dans lequel un enfant de cinq ans avait été sérieusement blessé et qui a fait éclater de vifs affrontements dans la commune. "Quelques jours plus tard, j'ai entendu des mamans parler dans le village." Les mots de Koutoubou Abdou Madi semblent coincés dans sa gorge. "Elles disaient qu'on n'avait pas été attaqués, que c'était nous, les pompiers, qui avions cassé notre matériel." Silence.

"VOUS ÊTES LES ENFANTS DE MACRON, ON VA VOUS TUER" Trois mois plus tard, l'historie se répète. Ils n'étaient que quatre restés à la caserne de Kahani, le soir du

12 août, quand un incendie se déclare à côté des locaux. Lorsque les pompiers sortent, nombre de pierres s'abattent sur eux. Dans le même temps, une dizaine de personnes s'introduisent dans le centre de secours en détruisant le grillage qui le cercle. En quelques instants, l'un des camions est incendié. "Ces gens nous scrutent minutieusement pour savoir combien on est dans la caserne avant de nous attaquer", s'était alors inquiété Ahmed Allaoui Abdoul Karim, président du syndicat des sapeurs-pompiers SNSPPPATS Mayotte. Si Kahani est effectivement le site le plus touché par ces attaques, celles-ci se répandent à travers l'île comme une trainée de poudre. De quoi mieux allumer le feu. Dix jours plus tôt, plusieurs pompiers, gendarmes et secouristes avaient dû se réfugier en pleine nuit dans un restaurant de Combani et sous le toit du RSMA, une vingtaine de jeunes aux trousses. Sous le coup des pierres, entre autres, certains véhiculent de secours avaient alors été tellement endommagés qu'ils ne pouvaient plus fonctionner.

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Du matériel médical avait également été dérobé. Pourtant, le plus gros préjudice demeure celui subit par les effectifs déployés, tous sains et saufs. Mais un profond traumatisme teinte encore leur souvenir de cette nuit : "Quand les jeunes sont arrivés sur nous, ils nous ont dit "Les pompiers, les médecins, les gendarmes, vous êtes tous les enfants de Macron, on va tous vous tuer", se souvient l'un d'entre eux. "Dès qu'on s'est mis à l'abri, ils ont essayé de forcer la porte pendant 15 minutes… On a vraiment cru mourir."

"ON SE DEMANDE SI LES CHOSES CHANGERONT AVANT QU'IL Y AIT UN MORT" "Aujourd'hui, on est en danger en permanence. Chaque jour, on doit éviter le pire. Mais demain, comment on s'en sortira ?", interroge, inquiet,

Colo Bouchrani, président du syndicat autonome des sapeurs-pompiers et du personnel administratif et technique au Sdis de Mayotte. "Il y a même des jours, on se demande s'il faut y aller ou pas, parce qu'on sait que certains secteurs sont plus agressifs que d'autres." En ligne de mire, Kahani évidemment, mais désormais Combani et Tsararano également. "Maintenant, dans certains endroits, on est obligés d'attendre que les gendarmes et la police arrivent sur place pour qu'on puisse intervenir sans danger." Le syndicaliste marque une pause. "Mais l'autre fois à Combani, on a bien vu que ça ne suffisait pas toujours." Autre problème, "Ça fait qu'on met plus de temps à intervenir. Et si on est là pour arrêt cardiaque par exemple…" Colo Bouchrani n'a pas besoin de finir sa phrase tant le sous-entendu est explicite. En réponse, les forces de l'ordre essayent, tant que possible, d'escorter les véhicules

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pour ça qu'on quitte femme et enfants chaque jour. Mais parfois, on se demande si les choses changeront avant qu'il y ait un mort." Sauver ou périr ? n

QUAND LA POPULATION, AUSSI, FAIT OBSTACLE AUX POMPIERS

de secours dans les coins les plus sensibles, aux heures les plus sombres. "Mais on sait bien qu'ils ne peuvent pas nous suivre en permanence, ils ont aussi d'autres interventions à assurer." Et puis, il y a cet autre scénario, comme celui qui s'est joué à la mi-août entre Majicavo et Kawéni. Appelés pour évacuer des blessés, dont certains dans un état grave, ou pour éteindre des habitations en flammes, les soldats du feu avaient finalement dû rebrousser chemin sur ordre des forces de police et de gendarmerie, leur itinéraire étant jugé trop dangereux. D'autant plus à bord de véhicules floqués sapeurs-pompiers. "Je crois que si on est pris pour cible de façon volontaire, c'est parce qu'agresser des pompiers, c'est un acte qui a plus de visibilité, dont on entendra plus parler et qui choquera beaucoup plus. C'est une façon de lever son drapeau le plus haut possible", analyse Colo Bouchrani. "Arrêter ou changer de métier ? Jamais. C'est notre mission et c'est

9 juin. À M'tsahara, une cinquantaine de villageois entourent une ambulance en intervention. Tous veulent empêcher les sapeurs-pompiers d'évacuer un blessé, plâtré à la jambe, déposé sur la plage en kwassa quelques instants plus tôt. Une entrave au secours, en somme. Face aux soldats du feu, les habitants, furieux, expliquent qu'en favorisant l'accès aux soins des clandestins, ce sont les droits des Mahorais qui en pâtissent. Finalement, après des négociations houleuses, l'homme est enfin transporté vers le dispensaire de Dzoumogné, puis au CHM. La semaine précédente, un incident du même genre s'était joué à Kani Bé, où d'autres personnes ont tenté d'empêcher le passage d'un véhicule de secours, venu récupérer un homme, victime cette fois d'un traumatisme crânien des suites d'un accident de la route, aux Comores. Des actes fermement condamnés par l'ARS, qui avait alors rappelé que "la France ne tolère aucune discrimination dans l'accès aux soins. Chaque malade, quelle que soit sa situation sociale, a le droit d'être soigné. C'est la mission confiée à l'hôpital public en France."

LA SÉCURITÉ DE LA CASERNE DE KAHANI INQUIÈTE Portail inadapté, grillage endommagé, manque d'éclairage… Depuis des mois, l'état de la caserne de Kahani est au centre des revendications des pompiers en grève, ceux-ci estimant que les conditions de sécurité n'y sont pas optimales, alors que la commune, son centre de secours, son lycée et son dispensaire, sont régulièrement le théâtre de violents affrontements. Alors que les soldats du feu accusent la direction du Sdis de les mettre gravement en danger, celle-ci affirme avoir cédé à "99 % de leurs demandes". Parmi lesquelles également des préoccupations sanitaires, de l'installation d'un chauffe-eau jusqu'à celle de nouvelles toilettes. La caserne de Kahani, construire en kit préfabriqué devenu vétuste voire insalubre, devrait être totalement reconstruite l'année prochaine. En attendant, grévistes et direction du Sdis peinent à trouver un accord et un terrain d'entente. Le torchon brûle.

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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayottehebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Grégoire Mérot

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Couverture :

Caserne en feu

Journalistes Romain Guille Solène Peillard Raïnat Aliloiffa Constance Daire Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mohamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com


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