Mayotte Hebdo n°927

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TOUTE L’ACTUALITÉ DE MAYOTTE AU QUOTIDIEN

Lu par près de 20.000 personnes chaque semaine (enquête Ipsos juillet 2009), ce quotidien vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre également un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.

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FI n°3839 Lundi 7 mars 2016 St Félicie

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FI n°3822 Jeudi 11 février 2016 Ste Héloïse

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RENSEIGNEMENTS Tél : 0639 67 04 07 | Mail : contact@mayotte-e-velos.yt

FI n°3818 Vendredi 5 février 2016 Ste Agathe

marine le Pen

environnement

Port de Longoni

ConSeil départeMental

Quel accueil se prépare pour la présiDente Du Fn ?

Le Lagon au patrimoine mondiaL de L'unesCo ?

la dsP sur la sEllEttE

pas de changement sUr l’octroi de mer

© Jonny CHADULI

Grève à Panima

TéléThon 2016

Des propositions mais toujours pas D'issue

DemanDez le programme

première parution : juillet 1999 - siret 02406197000018 - édition somapresse - n° Cppap : 0921 y 93207 - dir. publication : Laurent Canavate - red. chef : Gauthier dupraz - http://flash-infos.somapresse.com

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Économie

SÉcuritÉ

Les appeLs à projets de L'europe

Couvre-feu pour Les mineurs

Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com

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FI n°3997 mercredi 30 novembre 2016 St André

© CR: Gauthier Bouchet

Diffusé du lundi au vendredi, Flash Infos a été créé en 1999 et s’est depuis hissé au rang de 1er quotidien de l’île.

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Musique

Faits divers

Edmond BéBé nous a quitté

ViolEncE En cascadE

Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com

MCG VS SMart

ViCe-reCtorat

UltimatUm oU véritable main tendUe ?

l’institUtion répond aUx critiqUes

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Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com

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LE MOT DE LA RÉDACTION

À FEU ET À SEC À trop jouer avec le feu, on finit par manquer d’eau. Voilà qui pourrait former la morale de la triste histoire de la ressource la plus vitale qui soit. « Pendant des décennies, nous n’avons rien fait », confesse le précédent président du Syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte. Alors, comme dans tant d’autres domaines sur l’île aux parfums, quand se forme l’orage – de la sécheresse cette-fois ci – on réagit. En urgence. C’était l’objet du plan eau, signé en grande pompe à Paris. C’était en 2017, après une pénurie qui a nourri le feu d’une crise sociale. Que s’est-il passé depuis ? Il y a bien eu des travaux, des dizaines de millions d’euros consommés. Mais presque tout est soit mal fait, soit en retard, soit toujours dans les cartons. En conséquence de quoi nous manquons à nouveau d’eau. Et la colère, partout gronde, plus vive que jamais diront certains. Pourra-t-on, sans eau encore une fois, en éteindre le feu alors que les premiers brasiers font déjà sentir leur fumée ? Certainement pas, en tout cas, avec un énième plan d’urgence. La soif de justice sociale, d’égalité dans la République, de considération de la part des responsables est bien trop grande. Il faudra pour une fois l’entendre pour espérer l’étancher. Grégoire Mérot

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VENDREDI 4 SEPTEMBRE

FLASHBACK

Retour sur les sujets de Une des Flashs Infos de la semaine

AGRICULTURE – GARE À LA PEAU DE BANANE

Flash Infos revient sur la présentation faite, deux jours plus tôt au Département, des orientations stratégiques pour l’agriculture de la collectivité d’ici 2030. Si les acteurs, au premier rang desquels les agriculteurs, ont pu se satisfaire qu’enfin, une stratégie s’élabore, les voilà restant sur leurs gardes. Méfiants, ils montrent comment le Département a dénié jusqu’à présent leur fournir un interlocuteur dédié et doutent de la mise en place concrète du document qui devrait tendre au si nécessaire développement de l’agriculture.

LUNDI 7 SEPTEMBRE

ÉCONOMIE INFORMELLE LE MAIRE PASSE UN COUP DE BALAI

Vendredi, le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla, a annoncé son grand plan pour lutter contre l’économie informelle et l’insécurité. Renforcement de la présence des forces de l’ordre, signature d’un pacte de sécurité avec la préfecture et création d’espaces dédiés à des activités de vente au détail sont les trois grands axes de travail. L'objectif ? “ Préserver la tranquillité, la salubrité et l'emploi ”, selon les mots du premier magistrat. Tout un programme !

Pour tous vos communiqués et informations

Une seule adresse : rédaction@mayottehebdo.com

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FLASHBACK

MARDI 8 SEPTEMBRE

LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION CLANDESTINE, LES AMBITIONS DE NATHALIE GIMONET

Dans un entretien accordé à Flash Infos, la nouvelle sous-préfète en charge de la lutte contre l’immigration clandestine revient sur les enjeux de sa mission à court et moyen terme. Elle confirme notamment l’arrivée d’un nouvel intercepteur qui doit permettre une surveillance maritime opérée par trois bateaux en continu. Et souhaiterait les voir assistés par un avion. La sous-préfète rappelle également la mobilisation diplomatique en cours “ au plus haut niveau ” pour permettre la reprise des éloignements vers les Comores car “ avant mars cette année pour un mois complet, nous tournions à 2.600 éloignements, et là nous sommes tombés à 900 pour un peu plus d’un mois. ”

MERCREDI 9 SEPTEMBRE

ÉCONOMIE INFORMELLE EAN-FRANÇOIS COLOMBET RÉCITE SA LEÇON

La préfecture organisait ce mardi le premier séminaire des maires de Mayotte au centre culturel de Chirongui. L’occasion pour le préfet JeanFrançois Colombet de dresser l’inventaire des différents services de l’État et leurs actions respectives. Une façon de promouvoir le travail partenarial qui pourrait être mis en place avec les édiles. En ligne de mire de cette collaboration ; la lutte contre l’habitat informel et l’économie toute aussi informelle.

JEUDI 10 SEPTEMBRE

FONDS EUROPÉENS UN “ SPRINT ” À CONDUIRE D’ICI 2021

Flash Infos revient dans cette édition sur les programmes soutenus par les fonds européens. Si, à la Case rocher, on se félicite que 75% du programme 2014-2020 soit sur les rails, reste que pour atteindre les 100% et espérer décrocher les fonds associés sous trois ans, les partenaires vont devoir mettre les bouchées doubles. Trois projets, identifiés avec le Département pourraient permettre ce succès : des déchetteries communales, des travaux portuaires et de l’achat de deux nouveaux amphidromes.

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TCHAKS L'ACTION Des masques gratuits pour les plus démunis

L ' o rg a n i s a t i o n d e s o l i d a r i t é internationale pour les personnes handicapées, ou OSIPH, a organisé vendredi dernier une distribution de 2.000 masques en tissu, offerts aux écoles de Majicavo Koropa 2 et Cavani Sud 1. À l'origine de cette bonne action ? Un constat : la crise sanitaire a rendu le port du masque obligatoire dans les écoles dès 11 ans. Mais, particulièrement à Mayotte, toutes les familles n'ont pas les moyens d'équiper leurs enfants, pourtant de retour sur les bancs de l'école. Des écoles, d'ailleurs, qui n'ont pas été choisies au hasard, celles-ci accueillant nombre d'enfants en situation précaire. Depuis le début de la crise sanitaire, l'OSIPH a ainsi confectionné et distribué plus de 20.000 masques gratuitement.

LA PHRASE

LE CHIFFRE -7%

C'est la baisse d'activité à Mayotte enregistrée en juin par rapport à une situation normale. Un déficit porté à 18% au cœur du confinement, précise l'Insee. Si l'activité semble repartir peu à peu dans l'industrie et le commerce, la reprise serait plus lente dans la construction et les transports, qui stagnent respectivement à 31 et 27% de baisse d'activité. Le tourisme, lui, reste "quasiment à l'arrêt" (- 60%), du fait du gel des liaisons aériennes. Côté consommateur, les transactions bancaires enregistrent une perte de 40%, contre 30% pour les versements de billets. En avril, 9.600 salariés mahorais étaient concernés par le chômage partiel. Bonnes nouvelles cependant dans un tout autre registre, la consommation d'électricité a réduit de 12% en plein confinement et 15%. Enfin, l'air mahorais a perdu 40% de particules fines.

"La reconquête de la sécurité ne doit pas reposer sur la seule responsabilité de l’État" Voici ce qu'à déclaré le préfet lors de la présentation de sa nouvelle équipe à la case Rocher, sous les yeux du nouveau colonel chef de la gendarmerie, Olivier Capelle, et du nouveau directeur de la sécurité publique de la police nationale, Sébastien Halm. JeanFrançois Colombet a ainsi annoncé vouloir proposer d'ici la fin du mois un "pacte de sécurité " pour chaque commune, afin que "les maires s'engagent aussi à obtenir concrètement des résultats". L'objectif : discuter des moyens et de la répartition des tâches des forces de l'ordre pour assurer une présence préventive en amont des émeutes ; remettre en place les groupes de médiation citoyens ; renforcer la vidéosurveillance via une enveloppe de 800.000 euros et impliquer davantage les associations de quartier. En plus des 430 hommes supplémentaires déployés depuis 2015, « du jamais vu depuis la seconde guerre mondiale sur un département français », s’est enorgueilli le préfet. Rassurant ?

LA PHOTO DE LA SEMAINE Combani sous les flammes

Mercredi matin, les habitants de Miréréni et Combani ont érigé un barrage entre les deux villages pour protester contre les violences dont ils sont victimes depuis plusieurs semaines. Mais ils ont rapidement été imités par des bandes de jeunes rivales, armés de machettes. Malgré la présence de près de 80 gendarmes au plus fort de la journée, nombre de magasins ont été pillés, des véhicules incendiés, pendant que les pompiers ont dû abandonner leurs engins pour trouver refuge dans une habitation. En réaction, le maire a décidé de fermer toutes les écoles de la commune au moins jusqu'à la fin de la semaine. Une annonce rapidement suivie d'une coupure d'eau généralisée à Combani et Mroalé, la Mahoraise des eaux craignant que les incidents aient fragilisé les installations électriques, susceptibles de disjoncter voire de provoquer un nouveau départ de feu.

CONFLIT SOCIAL Grève des pompiers : le Département pris d’assaut Entamée le 24 août, la grève des pompiers ne faiblit pas. La semaine dernière, plusieurs de leurs engins bloquaient l'accès au conseil départemental, espérant ainsi interpeller le préfet et les élus, restés jusqu'alors particulièrement silencieux. Une action qui n'a semble-t-il pas obtenu l'effet escompté, puisque les grévistes du Sdis ont remis ça trois jours plus tard, allant même jusqu'à dégainer leur lance à incendie pour arroser tout ceux qui se trouvaient là, policiers et agents du Département en tête. Finalement, les pompiers étaient reçus le jour-même par les élus face auxquels ils ont rappelé leurs revendications, à savoir le départ de leur directeur et l'amélioration sanitaire et sécuritaire des conditions de vie dans leurs casernes. Une rencontre qui n’aura toutefois pas fait avancer le dossier, ont fait savoir par la suite les syndicats de pompiers.

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LE TOP Le Repair Café rouvre ses portes Le mouvement pour une alternative non-violente de l'océan Indien rouvre les portes de son local à Kawéni, fermé pour cause de confinement. Il est donc à nouveau possible de donner une seconde vie aux appareils en panne, afin d'éviter que ceux-ci ne prolifèrent dans la rue. Cordonnerie, menuiserie, informatique, tout y passe ! Le Repair Café est même équipé d'une machine à coudre, qui a permis de confectionner des masques pendant le confinement. Pour venir réparer vos ustensiles, un coup de fil et une consommation suffiront pour les plus démunis, contre cinq à dix euros selon l'objet à retaper pour les plus aisés. Une belle initiative pour lutter contre la surconsommation, et pourquoi pas, se découvrir des talents de bricoleur, le tout sous le regard des bénévoles, toujours prêts à donner un coup de main ou… de tournevis.

LE FLOP En pleine crise sanitaire, des dizaines d'écoles sans eau Les coupures d'eau n'épargnent évidemment pas les écoles, rouvertes depuis plus de deux semaines. Et si le rectorat assure procéder à l'évacuation des élèves "dans l'heure" en cas de coupure intempestive et imprévue, les interruptions hebdomadaires devraient, dans les établissements du 1er degré, se faire en week-end. Du moins, dans 85% des cas. Mais pour les 15% restants, le recteur explique travailler au cas par cas, tout en assurant accueillir les enfants lors des coupures annoncées à l'avance par le Smae. Une décision décriée par les syndicats, puisqu'une directive nationale préconise la fermeture pure et dure des écoles qui n'auraient pas d'eau, le lavage des mains et la désinfection des locaux ne pouvant plus y être assurés. Alors, certains représentants syndicaux ont appelé leurs collègues à exercer leur droit de retrait. Au total, sur les 188 écoles primaires du territoire, 25 risquent de connaître des désagréments liés à la distribution d'eau.

IL FAIT L'ACTU Jamel Mekkaoui a dit au revoir à Mayotte À la tête de l'Insee Mayotte depuis sept ans, Jamel Mekkaoui a fait ses adieux au territoire le week-end dernier. Désormais responsable de la division étude de l'institut à La Réunion, il continuera toutefois ponctuellement à contribuer à la réalisation de statistiques à Mayotte, où il a permis l'acquisition de données démographiques capitales, bien que parfois décriées. Avant lui, nul ne savait combien de Mahorais décédaient localement chaque année. Désormais, plus personne n'ignore ces chiffres devenus emblématiques et centraux dans l'orientation des politiques publiques : 77% de la population insulaire vit sous le seuil de pauvreté, 40% de logements en tôle, 30% sans eau… Autant d'indices qui continueront d'être étudiés de près jusqu'au prochain recensement, en 2026. En attendant, belle continuation à Jamel Mekkaoui, et merci.

POLITIQUE

PROVERBE “ Kali kali kaihanga, neka ihanga ihanga nayi. ” Feu trop violent ne grille pas, si ce n'est qu'il fait cramer.

Les syndicats menacent de dévoiler les "secrets" des élus départementaux

Les propos de Hadj Mhoko Issoufi ont fait mouche. Invité sur les ondes de La 1ère, le deuxième vice-président du conseil départemental a expliqué que les élus de la majorité ne peuvent voter contre l'avis de leur président, Soibahadine Ibrahim Ramadani, après lui avoir juré fidélité "sur le Coran". Une déclaration qui n'a pas tardé à faire réagir les organisations syndicales représentatives au conseil départemental, dont "les majorités successives" auraient pour habitude de "faire porter leurs échecs et leurs dérives sur les agents". Alors, l'intersyndicale a tenu à apporter son point de vue : "Cette majorité s'est engagée dans un processus de réorganisation des services qui reste à ce jour inachevée. L'autorité territoriale a toujours refusé de prendre en compte l'avis des représentants du personnel, dénonçant une organisation affinitaire." Les organisations dénoncent aussi "l'irresponsabilité de certains élus" qui "outrepassent les règles et procédures régissant le fonctionnement normal d'une administration". En conséquence, "les projets structurants ne voient pas le jour et les politiques publiques sociales sont détournées de leur finalité". Alors, l'intersyndicale a dénoncé nombre d'abus des élus, parmi lesquels corruption, emplois fictifs, détournements de subventions. Des accusations qui n'ont à ce stade pas encore été prouvées, et aucune action en justice n'a encore été intentée.

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GESTION DE L'EAU

ALERTE Il y a ceux qui vont à la rivière remplir leurs seaux d’eau trouble et ceux qui enragent de ne plus rien voir couler à leur robinet. Au-dessus d’eux, loin, bien loin semble-t-il, il y a ceux qui décident, qui gèrent l’alimentation en eau de l’île. Parmi ces derniers, du syndicat des eaux au services de l’État, on se renvoie la balle, s’accuse mutuellement des différentes aberrations ayant conduit à la situation de pénurie qui se profile. Pourtant, les solutions étaient là, les financements aussi. Au-dessus encore de tout ce petit monde bien seul dans l’océan, il y a le ciel. On le scrute, espérant le voir rapidement gorgé d’eau pour sauver la soif des uns, la face des autres. Mais il faudra encore attendre, nous disent les spécialistes. Car l’on paye aussi le prix d’un changement climatique dont la prise de conscience semble se limiter aux discours. « Make Mayotte great again ».

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DOSSIER

Raïnat Aliloiffa

REPORTAGE

LES COUPURES D’EAU, UN PROBLÈME DE RICHES ?

LES COUPURES D’EAU SONT BIEN INSTALLÉES CHEZ NOUS ET ELLES VONT DURER UN BON MOMENT. LES PLUS CHANCEUX S’Y PRÉPARENT EN FAISANT DES RÉSERVES ALORS QUE CERTAINS SONT PRIS AU DÉPOURVU ET SE DÉBROUILLENT COMME ILS PEUVENT. MAIS IL EXISTE SUR NOTRE TERRITOIRE DES PERSONNES QUI N’ONT PAS À SE SOUCIER DE COUPURES D’EAU CAR ELLES N’ONT TOUT SIMPLEMENT PAS ACCÈS À L’EAU COURANTE CHEZ ELLES. LES RIVIÈRES ET LES BORNES D’EAU SONT LEURS UNIQUES SOURCES. NOUS SOMMES PARTIS À LA RENCONTRE DE CES PERSONNES QUI SE BATTENT POUR AVOIR UN PEU D’EAU POTABLE DANS LE 101ÈME DÉPARTEMENT DE FRANCE.

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Du haut de ses 10 ans, Faina* est une petite fille presque comme les autres. Elle aime regarder la télé, jouer avec ses amis, et va à l’école. Cependant, un aspect de sa vie la différencie de la plupart des enfants de son âge : Faina n’a pas accès à l’eau courante chez elle. Ce détail non négligeable régit son quotidien puisqu’elle doit tous les jours aller à la rivière de M’tsapéré après l’école. C’est là que nous rencontrons la jeune fille accompagnée de sa mère. Assise sur un rocher, l’enfant est entourée d’assiettes sales qu’elle s’apprête à nettoyer avec l’eau de la rivière qui est toute aussi sale, même à l’œil nu. Pendant ce temps, sa mère se charge de remplir des seaux avec la même eau. Les petits bras fins de la fillette s’affairent à la tâche rapidement. “ Si je finis tôt, je pourrai aller regarder la télé ”, indique-t-elle en attrapant la première assiette. Sa mère confirme en hochant la tête comme pour l’encourager. Cette dernière, au départ gênée par notre présence, accepte finalement de mettre des mots sur son mode de vie. “ J’habite dans une case en taule seule avec trois enfants. Nous n’avons pas d’eau à la maison alors je viens ici tous les jours pour faire la vaisselle et prendre de l’eau pour nos besoins du quotidien. ” La mère nous fait découvrir un système ingénieux lui permettant d’avoir de l’eau plus claire qu’elle utilise pour la cuisine. Un tuyau est installé au fond de ce qui semble être un puits. Il suffit de relever le tuyau pour que l’eau en découle. “ Je m’en sers pour boire et faire à manger. La pression de l’eau est plus importante vers 21h. Quand j’ai la force, je viens à cette heure-là pour remplir mes sceaux. ” Cette mère est loin d’être la seule dans cette situation. Un peu plus loin, une femme s’active rapidement à laver le paquet de linge posé à côté d’elle. Cela fait 12 ans qu’elle habite dans son quartier à M’tsapéré Bonovo et durant tout ce temps, elle n’a jamais pu se permettre de partager le robinet qui se trouve près de sa case, dans la cour commune. “ Je suis mère célibataire, sans travail et avec quatre enfants. Je n’ai pas les moyens de payer les factures, la rivière est donc ma seule option. ” Sa situation particulière ne lui permet pas de travailler. La quarantenaire a un fils de 17 ans entièrement tétraplégique depuis sa naissance. Il dépend complètement de sa mère et cette dernière dit ne recevoir aucune aide. La situation de son fils la fait venir à la rivière plus que les autres. “ Quand il salit son lit et ses habits je suis obligée de venir les laver immédiatement ici. Et c’est compliqué à gérer pour moi parce qu’il faut que je trouve toujours quelqu’un pour rester avec lui ”, raconte-elle. Ce jour-là, elle n’a pas eu d’autre choix que de l’enfermer seul dans leur habitat de fortune pendant qu’il dormait, pour laver les draps de son fils malade. L’eau de la rivière sert aussi pour tous les autres besoins du quotidien, mais elle est parfaitement consciente que cette eau est néfaste.

“ Quand je lave mon fils handicapé avec l’eau de la rivière, des boutons ressurgissent de sa peau. Je sais que ce n’est pas bon pour lui, mais que voulez-vous que je fasse ? Je n’ai pas d’autre choix. ”

LES BORNES FONTAINES MONÉTIQUES, LA SOLUTION ALTERNATIVE À quelques mètres de la rivière où se trouvent ces dames, à Cavani Sud, tout un quartier vit quasiment dans les mêmes conditions. Les habitants n’ont pas accès à l’eau courante dans leurs domiciles mais une borne fontaine monétique est installée dans leur quartier. Encore faut-il avoir les moyens de pouvoir payer la recharge de la carte qui permet d’ouvrir le robinet. Ce qui n’est pas le cas d’Ali Ahmed. Assis sur son banc dans la cour de sa maison en tôle, cet homme âgé d’une soixantaine d’années refait le bilan de sa vie. “ À mon âge je devrais vivre dans un endroit propre et convenable. Mais comment est-ce possible sans eau à la maison ? ” Autour de lui les vêtements sales s’empilent, et les jerricanes d’eau non fermés, posés dans un recoin de la cour ne laissent aucun doute sur ses conditions de vie. Ali habite ce banga d’une pièce avec sa femme depuis plus de 20 ans. Il n’a jamais songé à déménager car “ rien ne garantit qu’ailleurs l’herbe est plus verte. ” Trop âgés et fatigués, Ali et sa femme n’ont plus la force d’aller à la rivière. Ils ne peuvent pas non plus se permettre de payer la carte de recharge SMAE, alors la bonté de leurs voisins est souvent leur unique solution. “ On va aux bornes et on demande aux personnes présentes de remplir nos jerricanes et seaux. Mais nous sommes en train de réfléchir à acheter notre propre carte. ” Le vieux couple espère surtout que leurs enfants seront assez cléments pour payer la carte. Parce qu’Ali n’a plus confiance dans les autorités. “ Elles nous ont oubliés, elles se fichent qu’on ait de l’eau ou pas. Mais Dieu pensera à nous, inshallah ”, souffle-t-il en levant les yeux au ciel. Ses voisins d’en face vivent le même fléau. Ils ont cependant “ la chance ” d’avoir la fameuse carte. Houmadi Abdallah, 39 ans, et sa femme ont six enfants âgés de 9 ans à 6 mois. La petite dernière joue sur les genoux de son père pendant que sa mère prépare le repas du soir. Comme tous les jours, elle s’installe dans ce qu’elle appelle son coin cuisine. Il s’agit en réalité d’un petit bout de cour cerclé de contre-plaqués et de tôles en lambeaux. “ Faire à manger à cet endroit précis est plus simple pour moi car les réserves d’eau sont juste à côté, je n’ai pas à faire des allers-retours ”, explique-t-elle. En effet, plusieurs poubelles s’alignent dans la pièce d’à côté, toutes sont remplies d’eau qui a été récupérée dans la borne fontaine du quartier. Au sein de ce foyer, chacun a un rôle bien défini. Houmadi doit aller chercher de l’eau à la borne, avec l’aîné de ses enfants, et sa femme se charge des tâches ménagères. “ Le jour où je dois prendre

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de l’eau, j’y vais très tôt à 5h du matin, et je fais plusieurs allers-retours. C’est fatigant mais nécessaire parce qu’on veut que nos enfants soient toujours propres ”, souligne le père de famille. Le patriarche n’est pas le seul à penser de cette manière. Malgré le manque d’eau courante chez les personnes qui nous ont parlées, toutes mettent un point d’honneur à toujours être propres et présentables. À l’image de Sania, mère de trois enfants que nous rencontrons à la borne fontaine monétique du quartier Cavani Massimoni.

Elle y vient tous les jours car “ avec des enfants en bas âge je ne peux pas faire autrement ”, affirme-t-elle. Sania recharge 14€ tous les mois. L’eau de la borne ne sert qu’aux besoins alimentaires et la toilettes de ses enfants. Ce jour-là, elle est venue avec son fils de 6 ans qui l’aide à transporter l’eau. Elle l’utilisera pour laver son petit garçon avant d’aller à l’école. “ Ce n’est pas parce que nous vivons dans ces conditions que mes enfants doivent être sales. Je veux qu’ils soient comme leurs camarades ”, dit-elle en serrant le petit garçon contre elle,

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comme pour le protéger de la triste réalité. Sania est mère célibataire, elle vient donc prendre elle-même son eau “ sans l’aide de personne ”, précise-t-elle. Et c’est avec une certaine fierté qu’elle soulève le seau rempli d’eau, qu’elle pose sur la tête avant de s’en aller. Son fils toujours collé à elle, récupère le jerricane d’eau et la suit sans se plaindre. Ses petites mains d’enfant et ses bras fins semblent être habitués à porter des litres d’eau quotidiennement.

À LA DÉCOUVERTE DU MANQUE D’EAU Si les coupures n’ont pas réellement d’impact sur les 29% de la population de Mayotte qui n’ont pas accès à l’eau courante à domicile, le reste des habitants vit difficilement cette crise. Habituée à avoir de l’eau qui coule quand elle ouvre son robinet, Anabelle a dû complètement réadapter le fonctionnement de son foyer. “ Je fais mes réserves partout où on peut stocker de l’eau. J’ai des bassines mais elles ne suffisent pas. Nous sommes quatre à la maison, quand on prend notre douche il ne reste plus rien après. Je vais donc investir dans des grandes poubelles pour stocker encore plus. ” En attendant, toute la famille est mise à contribution pour économiser le maximum d’eau. “ Pendant les coupures nous n’allons pas aux toilettes. L’eau qui reste dans la chasse des WC est dédiée qu’à ma fille de 9 ans quand elle ne peut vraiment pas se retenir et qu’elle veut faire la grosse commission. Mais nous parents, on se retient ”, explique-t-elle. Il n’est pas non plus question de cuisiner quand il n’y a pas d’eau chez Anabelle. Elle préfère commander à manger afin de ne pas avoir de vaisselle sale. Elle comprend que toute la population doive faire des efforts pour surmonter cette crise de l’eau, mais cette mère de famille dénonce le non-respect du planning des coupures. “ Ils disent que c’est de 16h à 8h du matin mais ils coupent depuis 13h dans ma

rue et à 8h le lendemain on n’a toujours rien. C’est pénible parce que j’ai un bébé d’un an, elle joue dans le jardin et elle se salit. Comment je fais pour la laver à chaque fois ? ” Ce fut particulièrement difficile à vivre pour elle lorsqu’il y a peu de semaines, ils n’avaient accès à l’eau qu’un jour sur deux. “ Je fais tout le temps des réserves parce que je ne sais jamais quand ils vont couper ”, raconte-t-elle. Même son de cloche pour Soibahati, habitante de Moinatrindri également mère de deux enfants âgés de 2 ans et 6 mois. Dans sa voix, le désarroi est palpable. “ Les coupures d’eau aggravent notre quotidien. Je trouve que les heures ne sont pas adaptées aux personnes actives ”, constate-t-elle. Elle doit se précipiter après le travail pour remplir les bassines d’eau. Et redoute également le non respect du planning officiel. Car Soibahati a déjà vécu une coupure d’eau non planifiée qui a duré plusieurs jours. Elle s’en souvient encore. “ Il n’y a pas eu de communiqué, pas d’infos. J’avais déjà quelques petites réserves mais ça ne m’a même pas permis de tenir la première journée, encore moins deux jours. Je suis donc allée à la rivière de Kani-Kéli pour remplir des bouteilles. Nous avons utilisé cette eau pour les toilettes et la vaisselle, mais pour manger et boire c’était compliqué. Et nous n’avons pas non plus pris de douche. ” Malgré tout, Soibahati dit ne pas être très inquiète. Elle en veut cependant aux autorités compétentes qui auraient pu trouver une solution depuis longtemps. “ On est délaissés par nos élus, délaissés par le gouvernement. Nous sommes en 2020 et on assiste quand-même à des coupures d’eau dans un département français. C’est hallucinant ! ” S’indigne-t-elle. Soibahati a finalement décrit en quelques mots ce que tous les Mahorais pensent. Et qui partagent, pour un temps, un peu du quotidien des plus précaires. n *Le prénom a été changé

ASTUCES ET RECOMMANDATIONS POUR L’UTILISATION DE L’EAU Avoir recours à l’eau de la rivière n’est pas sans risque. Les personnes qui l’utilisent quotidiennement ou même occasionnellement s’exposent à des maladies qui peuvent être plus ou moins graves selon l’âge de la personne et sa forme physique. « L’eau de rivière peut être contaminée et entrainer des maladies dites hydriques. Ça peut être de la simple diarrhée ou la gastroentérite à l’hépatite A, la fièvre typhoïde », explique Léa Lemay, responsable de la cellule eaux de loisirs, hygiène et sécurité sanitaire à l’ARS de Mayotte. Les personnes âgées sont les plus vulnérables, et la pénurie d’eau actuelle accroit le nombre de malades. « En ce moment nous avons des signalements de fièvre typhoïde et hépatite A. Les malades sont des populations qui ont tendance à s’alimenter à la rivière. Il est nécessaire d’utiliser de l’eau potable pour tout usage d’alimentation et d’hygiène afin de limiter les maladies hydriques », rappelle Léa Lemay. L’utilisation de la rivière et des puits a pendant longtemps été la norme à Mayotte, il est donc difficile de faire comprendre à certaines personnes que cette eau est polluée. Les conséquences sur l’environnement ne sont pas non plus négligeables. Certains continuent à faire leur lessive, leur vaisselle et à se laver dans ces sources d’eau et par conséquent les polluent. Ceux qui stockent l’eau du robinet ne sont pas non plus à l’abri des maladies. « L’eau qui sort du robinet peut être conservée pendant trois jours au maximum dans un récipient propre et fermé pour qu’il n’y ait pas de contamination extérieure, et à l’abri du soleil. Dans le cas contraire, elle ne sera plus potable », informe Léa Lemay. Il ne faut cependant pas la jeter. Cette eau peut être utilisée pour laver le linge, faire le ménage, ou mettre dans les toilettes.

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DOSSIER

Propos recueillis par Grégoire Mérot

ENTRETIEN

LAURENT FLOCH : “ ON NE PARLERA BIENTÔT PLUS DE SAISON DES PLUIES COMME AVANT ” ON L’APPELLE MONSIEUR MÉTÉO ET SI, COMME IL LE RÉPÈTE, “ LA PEUR N’EXPLIQUE PAS LE DANGER ”, LES ANNONCES DU DIRECTEUR RÉGIONAL DE MÉTÉO FRANCE NE SONT POUR LE MOINS PAS RASSURANTES. ENTRE INVERSION D’UN PHÉNOMÈNE MÉTÉOROLOGIQUE PROPRE À L’OCÉAN INDIEN ET CHANGEMENT CLIMATIQUE, MAYOTTE SEMBLE S’EMBARQUER DANS UNE PÉRIODE DE LONGUE ATTENTE AVANT QUE LES PLUIES SAISONNIÈRES NE VIENNENT LA SAUVER DU MANQUE D’EAU. EXPLICATIONS. Mayotte Hebdo : Que disent vos modèles prévisionnels quant à une arrivée tardive des pluies saisonnières ? Laurent Floch : Nous effectuons des prévisions saisonnières avec une visibilité de trois mois. Actuellement nous couvrons donc la période de septembre à novembre. Ce que l’on peut dire de ces prévisions, pour l’heure, c’est qu’un premier signal nous indique des précipitations inférieures à la moyenne sur cette période. M. H : Comment l’expliquer ? L. F : Pour bien comprendre ce qu’il se passe, il faut d’abord comprendre ce qu’est le dipôle de l’océan Indien [IOD, pour

Indian ocean dipole en anglais]. Cet IOD est la différence entre des anomalies (des écarts à la normale) qui ont lieu à l’ouest de l’Australie sur la température de l’eau de mer et des anomalies symétriques dans une zone légèrement au sud de l’équateur, juste au nord des Seychelles et qui comprend notre bassin. Cette différence d’anomalies entre ces deux zones, l’IOD donc, nous donne un indicateur très pertinent quant aux précipitations d’un côté ou de l’autre de l’océan Indien. En ce moment, cet IOD est en train de prendre une phase négative, à l’inverse de ces trois dernières années. Il fait notamment plus froid dans notre zone par rap-

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port à la normale. On est sur des valeurs qui peuvent paraître minimes, on parle de moins d’un degré, mais ce petit degré peut avoir de forts effets. La dernière année où nous avons repéré un IOD potentiellement aussi négatif, c’était en 2016… M. H : Est-ce à dire que le scénario de 2016 va se répéter ? L. F : Avec nos prévisions saisonnières à trois mois, il est trop tôt pour le dire. Cependant, lorsque nous voulons aller plus loin dans le temps, nous fonctionnons par analogie avec les données des années précédentes. Dans nos archives, nous nous retrouvons ainsi avec un IOD similaire à celui que nous observons actuel-

lement, à savoir des saisons des pluies très tardives. Voire extrêmement tardives car en 2016/2017 il avait fallu attendre presque le mois de février pour avoir des pluies vraiment significatives. Nous n’en sommes pas à établir cela comme un fait, il faudra attendre l’avancée des prévisions saisonnières pour ce faire. M. H : Vous évoquez des pluies “ vraiment significatives ”. Pourrait-on tout de même espérer voir des précipitations réalimenter l’île en eau d’ici là ? L. F : Effectivement, cela ne veut pas dire que l’on n’aura pas de précipitations, on parle avant tout d’écarts à la normale. En 2016, par exemple, lorsque

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l’IOD était similaire à celui que nous observons actuellement, il a plu en novembre. Mais 40% de moins que les 120 mm de la normale pour ce mois. Seulement, le fait de ne pas avoir le taux normal, c’est ce qui fait toute la différence car les premières pluies ne sont pas là pour remplir les retenues. Elles sont là pour donner aux végétaux et de manière générale à tout le couvert floral son humidité de départ. En d’autres termes, ces premières pluies sont quasi-complètement absorbées par la végétation. Plus largement, sur cette période transitoire des trois mois (septembre, octobre, novembre) entre la saison sèche et la saison des pluies, on perçoit un signal inférieur à la normale. Et si l’on a moins que

la normale, cela peut avoir une influence sur les végétaux dans un premier temps, qui ne pourront pas absorber suffisamment d’eau pour pouvoir la laisser passer ensuite. Tout cela a un effet boule de neige : plus on attend pour voir la pluie tomber, moins elle sera efficace pour remplir les réserves. M. H : L’entrée en phase négative de l’IOD est-elle le seul facteur à influer sur les précipitations à Mayotte ? L. F : Non, il y a évidemment un autre phénomène qui vient s’ajouter aux effets de l’IOD, c’est le changement climatique. Depuis 60 ans maintenant, on observe qu’il est à l’origine d’un resserrement de la saison des pluies. On voit ainsi aujourd’hui

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l’eau. Lorsque l’eau ruisselle en conséquence du fait d’un fort orage, on peut se retrouver avec de l’eau turbide (troublée) pendant très longtemps dans les retenues, ce qui complexifie largement le travail de traitement de l’eau. M. H : C’est donc la combinaison de ces deux facteurs qui, comme cela s’est produit en 2016, risque de sérieusement retarder l’arrivée des pluies et leur efficacité ? L. F : Tout à fait. IOD et réchauffement climatique sont deux phénomènes distincts qui ne sont pas en lien direct mais qui risquent bien de se cumuler cette année. On observe cela avec beaucoup d’attention car sur les trois dernières années, nous étions sur des records d’IOD positifs. Là, on parle d’inversion et l’on risque bien de se retrouver avec un retard dans les précipitations qui serait encore plus important cette année. Le dipôle de l’océan Indien évolue de manière cyclique, sur des périodes de quelques années qui alternent entre indice positif et négatif. Lorsque l’on parle d’IOD positif, comme l’année dernière, on peut avoir un indice très positif et une fin d’année pas forcément arrosée. À l’inverse, on constate de manière beaucoup plus évidente qu’un IOD négatif a un impact sur les premières pluies. En revanche, le changement climatique a quant à lui une trajectoire plus certaine : lorsque l’on met en parallèle nos modèles locaux avec l’ensemble des scénarios du Giec (le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), on observe qu’à l’horizon 2030/2040/2050, on peut s’attendre sur le dernier trimestre (octobre, novembre, décembre) à des diminutions de la quantité de précipitations de l’ordre de 30% à 40%. que le premier trimestre de l’année (janvier, février et mars) est plus arrosé qu’il y a 60 ans, de l’ordre de 77mm supplémentaires. En revanche, tous les autres trimestres sont moins arrosés, de l’ordre de 10 à 20% de moins. On pourrait se dire qu’en moyenne annuelle cela se compense, mais à y regarder de plus près on voit clairement un resserrement de la saison de recharge. C’est-à-dire un rétrécissement de cette saison où il pleut suffisamment pour que les végétaux, une fois leur quantité nécessaire d’eau absorbée, la laisse passer afin qu’elle puisse venir alimenter à la fois les nappes phréatiques, les rivières et les retenues d’eau. Ce trimestre est donc plus arrosé, mais de manière brutale, ce qui est moins efficace car les végétaux n’ont pas le temps de faire leur travail. On observe donc un fort ruissellement qui peut par ailleurs avoir des conséquences sur la qualité de

M. H : Donc, même en l’absence d’IOD négatif, il faudra s’attendre à des situations similaires dans les années à venir ? L. F : Oui ça s’accélère, on voit bien les chiffres et l’on voit que ce phénomène est en train de se pérenniser, on ne parlera sans doute plus de saison des pluies dans l’avenir comme on le faisait auparavant. On parlera de saison de recharge ou de transition et non plus de saison des pluies qui est censée s’étaler de novembre à avril. Les signaux sont tellement forts que l’on va nécessairement les ressentir dès les années à venir. Je me souviens toujours de la phrase d’un de mes professeurs il y a maintenant longtemps : “ la peur n’explique pas le danger ”. Être inquiet ne changera rien, en revanche il faut prendre le taureau par les cornes et c’est ce que nous faisons à notre échelle en livrant les données dès qu’on les a pour que tous les acteurs les aient en main pour pouvoir trouver des solutions. n

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DOSSIER

Grégoire Mérot et Solène Peillard

L'ENQUÊTE À BULLES

GESTION DE L’EAU, UNE NAGE À CONTRE-COURANT IL Y A QUATRE ANS, MAYOTTE MANQUAIT D'EAU. DANS LE CENTRE ET LE SUD, LES HABITANTS SE SOUVIENNENT ENCORE DES RATIONNEMENTS UN JOUR SUR DEUX ET DE LA SOIF QUI, DES SEMAINES DURANT, ONT MARQUÉ LEUR QUOTIDIEN. LONGTEMPS AUSSI, ILS SE RAPPELLERONT D'UN PRÉFET, IMPUISSANT, FAUTE DE MOYENS. DE L'INTERVENTION DE L'ÉTAT ET DES DIZAINES DE MILLIONS D'EUROS DÉBLOQUÉS EN URGENCE POUR METTRE À NIVEAU LES INSTALLATIONS, CRÉER DE NOUVELLES STRUCTURES CAPABLES DE PRODUIRE L'EAU DONT LE DÉPARTEMENT A TANT BESOIN. C'ÉTAIT IL Y A QUATRE ANS ET POURTANT, DEPUIS MAINTENANT UN MOIS, MAYOTTE SENT LE SOUVENIR DE LA SOIF SE RAVIVER ; NOUS VOILÀ AUX PRÉMICES D'UNE NOUVELLE PÉNURIE. ET SI TOUTES LES PROMESSES DU PLAN D'URGENCE N'ONT PAS ÉTÉ TENUES, D'AUTRES PISTES DEMEURENT ENCORE À EXPLORER. EXPLICATIONS.

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LE VERRE À MOITIÉ VIDE POURQUOI

MANQUE-T-ON D'EAU ?

Le préfet n'a pas manqué de le marteler : chaque année, la consommation en eau du territoire augmente de 260 000 à 320 000 mètres cubes (soit plus que ce que les travaux de réhausse de la retenue de Combani ont permis de gagner), sous l'effet de la croissance démographique. Si 1 000 à 1 400 abonnés supplémentaires sont enregistrés tous les ans, et que les saisons des pluies sont effectivement de plus en plus tardives, la pénurie qui s'annonce est "le résultat de décennies d'inaction", admet Moussa Mouhamadi Bavi, président du Smeam jusqu'en juillet dernier, et signataire du plan eau 2017. "Pendant 30 ans, il n'y a eu aucun investissement, et jusqu'en 2017, personne ne se posait de question. Tout a été fait au jour le jour". Et pour ne rien arranger, les chantiers majeurs que sont la troisième retenue à Ourovéni et l'extension de l'usine de Petite-Terre ont, dans le premier cas, pris un retard considérable, et dans le second, été bâclés, pendant que la population continue d'augmenter. Un essor démographique pourtant pris en compte dans le schéma directeur du réseau d'alimentation du Smeam, mais qui n'a jamais été révisé depuis 2015, alors que dès l'année suivante, celui-ci dévoilait ses lacunes. "Si tous les forages prévus et l'usine de production de Petite-terre avaient pu être mis en service dès le début de l'année, on serait forcément plus à l'aise aujourd'hui", reconnaît-on à la Deal. Difficile donc, de faire porter le chapeau à la soixantaine de rampes d'eau installés pendant le confinement pour les populations les plus précaires, qui ne représentent que 0,8% de la consommation totale de l'île.

POURQUOI

LA TROISIÈME RETENUE N'EST TOUJOURS PAS LÀ ?

Le dossier n'est pas seulement brûlant, il est ancien. Entre la fin des années 80 et le début des 90's, le site d'Ourovéni, à Tsingoni, est une première fois évoqué pour accueillir une retenue collinaire supplémentaire. Mais rien n'est fait. En 2009, le bureau d'étude géologique et minière (BRGM), dépoussière le dossier, estimant le chantier capital pour sécuriser l'approvisionnement en eau. Problème, le terrain appartient à la famille de feu Younoussa Bamana. "C'est le grand patron du pays, tout le monde le respecte alors personne n'a vraiment osé aller au-delà de tout ça", concède Moussa Mouhamadi Bavi, alors président du Smeam. Pour tenter de régler la problématique du foncier, des négociations sont initiées par le syndicat avec les différents propriétaires. Un terrain d'échange est trouvé, difficilement, puisque couvrant plusieurs dizaines d'hectares. Mais une partie de celui-ci s'avère être domaniale. Retour à la case départ ; le dossier piétine. La préfecture suggère alors de recourir à une déclaration d'utilité publique, qui permet l'expropriation des terres en cas de blocage. Le Smeam initie le dossier, et les services de l'État le reçoive incomplet : "Il fallait le réétudier afin de mieux prouver l'utilité publique du projet, notamment au niveau des études hydrologiques, avec de vraies données perspectives", développe la Deal. Et rien n'a changé depuis, alors que le chantier d'Ourovéni était le plus conséquent du plan de 2017. "Il y a maintenant une nouvelle équipe au Smeam, on va voir comment cela se passe mais il faudra de toutes façons constituer ce dossier qui mènera par la suite à une éventuelle expropriation suivie d’études, notamment sur la création d’une usine de potabilisation", complète encore la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement. "C’est un gros projet qui, même s’il avait été porté à bras le corps en 2017, ne serait pas aujourd’hui abouti. On est sur une mise en service dans les 7/8 ans à partir du montage du dossier". Après tout, le sujet ne dort dans les cartons que depuis… Dix ans.

POURQUOI

L'USINE DE PETITE-TERRE PRODUIT DEUX FOIS MOINS D'EAU QUE PRÉVU ?

Elle devait permettre d'assurer l'autonomie de PetiteTerre. Mais aujourd'hui encore, l'usine de dessalement ne produit que 2 300 mètres cubes d'eau par jour, contre les 5 300 prévus initialement, et le déficit est comblé par les ressources de sa grande voisine. Pourtant en 2018, année où un incendie abîmera deux des quatre lignes de traitement, 8 millions d'euros sont mobilisés pour enfin, mener les travaux d'extension de l'installation, vieille de 20 ans, et dont les pompes peinaient à acheminer l'eau à marée basse. Pressés par le plan eau dans lequel il figure, le chantier est lancé dans l'urgence. L'État, chargé de suivre l'exécution, confie la délégation de maîtrise d'ouvrage à Vinci, sans appel d'offre. Le site est trouvé, les travaux sont lancés. Mais par manque d'ingénierie, de compétence ou de temps, aucun réservoir de stockage n'est prévu. Pis, le point de captage est installé au mauvais endroit. À tel point que si l'usine fonctionne à pleine capacité, les filtres se détérioreraient précipitamment en raison de la turbidité de l'eau, et toute l'installation flancherait. Résultat : Vinci est condamné à payer une indemnité pour défaut de production, pendant que rien n'avance. Mais le préfet, lui, se veut rassurant : "Il y aura un projet qui sera conduit au premier semestre 2021 afin de changer le mode de prélèvement de l'eau, puisque nous installerons des drains pour la capter. Et là on atteindra l'objectif initial." Un objectif qui, rappelons-le, ne vise qu'à couvrir les besoins de Petite-Terre, à l'heure où Mayotte toute entière est touchée par le manque de ressources.

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DOSSIER

SMEAM,

MANQUE D’INGÉNIERIE OU DE VOLONTÉ ?

Dans ce dossier, le Syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte est au premier plan. Forcément, puisque c’est bien cet organisme placé sous la houlette des élus communaux qui détient la compétence de la gestion de l’eau sur le territoire. Compétence ? Le mot fait parfois bondir les différentes sources que nous avons pu interroger tant la catatonie semble y avoir régné jusqu’à présent. « Il y a un manque de volonté politique, clairement. Et ici quand on s’affilie à une majorité, on devient muet et aveugle. On ne parle que quand c’est l’adversaire qui est au pouvoir. Je pense que les élus manquaient de compétence et il y a un manque d’ingénierie pour pousser derrière. Je ne parle pas forcément de diplôme mais d’activité… Ou ils partent ou ils se planquent », lance Mohamed Djanfar, l’élu de Chirongui qui siégeait au Smeam jusqu’en 2020 et pour qui le bureau du syndicat « faisait ses salades en internes plutôt que de se préoccuper des investissements ». « Oui les choses ont du mal à avancer, bien sûr qu’il y a une partie des agents qui ne fait rien, mais ceux qui sont motivés ne peuvent pas beaucoup plus avancer, on ne fait rien pour les garder ou les faire monter en compétence. Aujourd’hui, on compte les ingénieurs sur les doigts d’une main. On a eu des spécialistes, comme Monsieur Eau mais on les empêche de travailler. Ou ils n’avaient pas l’impression d’avancer ou en tant qu’agents ils ont mis leur nez là où il ne fallait pas. Au Smeam, on marche sur des œufs, il y a du passif un peu partout. » Ambiance. Ce qui, sur certains sujets essentiels comme la troisième retenue collinaire peut se révéler critique. Du côté de la Deal, on indique ainsi qu’un dossier de demande de déclaration d’utilité publique leur a bien été transmis en 2018. Mais qu’il se trouvait incomplet. Il avait alors été demandé au syndicat de revoir sa copie en l’abondant d’études. Depuis ? « On attend toujours », se désole notre source dans ce service de l’État. « Le dossier est entre les mains de la Deal », rétorque-t-on au Smeam…

L’ÉTAT

RESTE-T-IL À SA PLACE ?

Du côté du Smeam, la critique est quasi-systématique « comment peut-on rejeter la faute sur le Smeam alors que c’est l’État qui a la maîtrise de tous les investissements ? ». « L’État veut profiter de la faiblesse de cette institution pour se l’accaparer mais les élus ont dit non du coup tout est bloqué. Et ça bloquera toujours si ça ne change pas », considère encore Mohamed Djanfar en référence à la proposition d’appui technique de la Deal en 2019. « L’année dernière, le préfet a proposé au Smeam un appui en ingénierie pour l’assister dans le portage de ses investissements. Il n’y a pas eu de suite de donnée. Là on est dans le concret de ce qui freine car pour réaliser tous ces investissements, à un moment donné, il faut de l’opérationnel », livre de son côté une source du côté des services de l’État, tout en rappelant que déjà, la Deal était chargée de valider techniquement les dossiers du Smeam. La défiance règne entre le syndicat et la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal). En principe, le travail se doit d’être partenarial entre le Smeam, autorité de gestion, les services de l’État ainsi que les cofinanceurs tels que l’Agence française de développement et la Caisse des dépôts. Résultat, « Il faut que les travaux soient menés dans certaines conditions etc. Donc effectivement c’est peut-être vu comme de la contrainte mais nous nous sommes engagés dans cette démarche à travers le contrat de progrès (2018) qui nous lie tous et sur lequel nous nous sommes mis d’accord sur les travaux à réaliser », concède-t-on à la Deal. Et force est de constater, d’un côté comme de l’autre, que le partenariat n’a pas fonctionné, « faute de confiance », le Smeam craignant la prise de contrôle, l’autre partie considérant que la partie technique ne suivait pas. « Si l’Etat ne faisait pas confiance au bureau c’est aussi parce qu’il y avait beaucoup de manœuvres auxquelles personne ne comprenait rien sauf un tout petit cercle », livre également un ancien élu du syndicat. Qui déplore cette situation menant à ce que le syndicat soit complètement vidé de son caractère démocratique. « L’année dernière au même moment, il y avait tous les vendredis réunion à la préfecture entre le président, le préfet et la Deal. Tous les vendredis. Et nous, élus, on n’a jamais su ce qu’il s’y disait. On demandait des comptes rendus, rien. »

LE VERRE À MOITIÉ PLEIN LES

FINANCEMENTS SONT-ILS PRÉSENTS ?

Si, sur cette question, nombre d’acteurs du côté du Smeam regrettent de ne pas avoir la pleine gestion des ressources financières dédiées à l’eau, les financements n’ont jamais vraiment été ce qui pêchait dans cette affaire. À titre d’exemple, le plan urgence eau de 2017 était doté d’une enveloppe de 68 millions d’euros. Le contrat de progrès (2018-2020), signé entre le Smeam, les services de l’État et les cofinanceurs prévoit quant à lui 40 millions d’investissement par an, répartis équitablement entre la branche eau et la branche assainissement. Par ailleurs, les recettes d’exploitation perçues par le syndicat en 2019 s’élevaient à près de 11, 5 millions d’euros. Si tous ces postes ne se cumulent pas, ils illustrent toutefois la capacité de financement présente sur le territoire. En revanche tous les crédits alloués, en dehors de la maigre capacité d’autofinancement du Smeam, sont soumis à des réalisations dans des délais et des conditions relativement strictes.

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QUELLES

SOLUTIONS À COURT TERME ? QUELS

TRAVAUX RÉALISÉS DEPUIS 2017 ?

Fort heureusement, malgré le retard, certains travaux sont aujourd’hui terminés. On peut ainsi citer à titre d’exemple l’interconnexion entre les deux retenues collinaires, qui permet ainsi de compenser leur niveau et s’assurer que le sud de l’île ne soit pas le seul à subir une éventuelle pénurie d’eau. La voilà, malgré les déboires, opérationnelle depuis la fin de l’année 2019. Concernant le rehaussement de la retenue collinaire de censée permettre le stockage de 250 000 m3 d’eau supplémentaire, la catastrophe a été évitée de peu. D’abord du fait d’un léger conflit entre le maître d’œuvre et l’entreprise portant sur la qualité du socle béton qui a retardé le chantier de plusieurs mois. Puis, « en janvier, quand il a beaucoup plu, la Smae à la demande du Smeam et de l’entreprise a été obligée d’ouvrir les vannes pour que le niveau de l’eau ne vienne pas dépasser et gêner le chantier. Courant février il a finalement été décidé d’arrêter le chantier pour pouvoir fermer les vannes et remplir le plus possible la retenue. À la fin de la saison des pluies, la retenue était remplie à près de 92% », indique la Deal. La crise sanitaire est ensuite venue stopper le chantier pendant de longues semaines. Et le voilà, finalement, touchant à son terme. Toujours est-il qu’il faudra attendre la prochaine saison des pluies pour la voir se remplir, et la prochaine saison sèche pour que la réhausse vienne soulager la demande en eau. Enfin, si quelques sites sont encore en chantier, la majeure partie des travaux de forages initiés par le plan urgence eau est aujourd’hui terminée. « Tous les forages prévus dans le plan devraient être terminés courant janvier », indique ainsi le Smeam. Au total, ceux-ci doivent produire 1 700 m3 d’eau par jour, soit près de la moitié des nouveaux besoins de l’île, estimés à 3 600 m/jour. Côté plus institutionnel mais pas moins important, au contraire, l’élaboration du Schéma directeur du réseau d’alimentation en eau potable, qui doit prévoir jusqu’en 2040 les nouveaux besoins et investissements idoines, « arrive à son terme », assure encore le Smeam. « Cela n’empêche pas que les investissements intégrés au schéma soient déjà en cours d’étude. L’une, concernant l’usine de dessalement de Grande-Terre, a été lancée il y a plus d’un an, on en est au stade faisabilité, repérage des sites et du foncier disponible, des réseaux d’eau et d’électricité, etc. », rassure de son côté la Deal.

Le préfet l'a reconnu : "Si nous ne prenons aucune décision, nous n'aurons probablement plus aucune ressource en eau dès le début du mois de décembre". D'où la programmation, le mois dernier, des premières coupures ponctuelles qui touchent désormais chaque secteur une nuit par semaine. Car en privant les habitants d'eau, quelques heures par jour, ce sont aussi les fuites du réseau qui sont, un temps, stoppées net. Et celles-ci représentent, sur l'ensemble du territoire, plus d'un quart de l'eau distribuée. " Sur toute une nuit, ça fait beaucoup de pertes", résume Jean-François Colombet, qui envisage également des coupures de 24 heures consécutives à compter de fin septembre, si la situation se dégrade davantage. Mais si tel est le cas, il faudra voir plus loin. En ce sens, la piste d'une usine mobile de dessalement est déjà à l'étude. "Il y a un bateau français très performant, capable de capter, de filtrer, d'embouteiller à bord et de livrer un million à un million et demi de bouteilles en prélevant l'eau sur place", a dévoilé le préfet. Entièrement autonome, le navire est en effet capable de produire jusqu'à cinq millions de litre d'eau potable par mois. Mais si l'Odeep One pourrait rejoindre l'île en seulement quelques semaines, cette solution "coûte cher", selon le délégué du gouvernement, qui n'a encore "rien signé pour l'instant". Autre alternative, déjà suggérée – puis abandonnée – par le plan d'urgence en 2017, la rotation de tankers depuis La Réunion, qui devait, à l'époque, permettre d'apporter 500 000 mètres cubes supplémentaires. Un tiers du volume total de la retenue de Combani. Mais pour qu'un tel appareil puisse amarrer à Mayotte, plusieurs semaines de travaux demeurent nécessaires…

QUELLES

SOLUTIONS À LONG TERME ?

Répondre à l'urgence, c'est bien. L'éviter, c'est mieux. Et si déjà le plan d'urgence évoquait l'importance capitale d'une troisième retenue collinaire – principale source de l'apport en eau à Mayotte –, celleci demandera une petite dizaine d'années avant d'être pleinement effective. Alors en attendant, l'une des priorités est aux forages, d'autant plus que leur production n'est pas au niveau prévu par le plan de 2017, l'entreprise mandatée n'ayant pas été payée selon les dires du préfet. Mais une nouvelle campagne devrait être lancée d'ici octobre et permettre de produire, en théorie, environ 3.700 mètres cubes supplémentaires par jour. Ce qui sera tout de même bien insuffisant pour pallier la fin de l'ensemble des forages prévu par le plan eau, d'ici janvier prochain. Alors, c'est peut-être autour de nous que se trouve la réponse la plus adaptée, car en terre ultramarine, l'océan constitue le seul réservoir illimité. Raison, d'ailleurs, pour laquelle la construction d'une nouvelle usine de dessalement figurait au programme trois ans plus tôt. Deux sites étaient alors à l'étude, à Longoni et à Bandrélé, avant que le projet ne soit progressivement oublié… Jusqu'au début du mois. Jean-François Colombet ayant assuré considérer sérieusement cette piste, toutefois aussi coûteuse qu'énergivore. "La nouvelle usine devra donc être couplée avec une connexion énergétique solaire notamment", commentait le préfet. Nettement moins onéreuse et même vertueuse pour l'environnement, reste encore la solution d'un reboisement massif de l'île. Selon l'ONF, 100 hectares de forêt augmenteraient à eux-seuls de 400 000 mètres cubes la disponibilité d'eau dans les rivières en saison sèche. Mais dans le département français le plus touché par la déforestation – 300 hectares y étant détruits chaque année –, l'ampleur de la tâche est grande, puisque les Naturalistes estiment qu'il faudrait replanter localement 2 000 hectares sur la prochaine décennie. Pour rattraper le retard, la Deal et le Département disent travailler conjointement sur un projet de reboisement.

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DOSSIER

Raïnat Aliloiffa

FOCUS

DOMINIQUE VOYNET : “ IL N’EST PAS VRAI QUE L’ON GASPILLE DE L’EAU DANS LES RAMPES ” D’UNE MANIÈRE OU D’UNE AUTRE, L’AGENCE RÉGIONALE DE SANTÉ DE MAYOTTE A LES PIEDS DANS LA CRISE DE L’EAU QUI TRAVERSE L’ÎLE. L’ARS EST MÊME ACCUSÉE PAR CERTAINS D’AVOIR PRÉCIPITÉ LES COUPURES AVEC L’INSTALLATION DES RAMPE D’EAU GRATUITE LORS DE LA CRISE SANITAIRE. SA DIRECTRICE DOMINIQUE VOYNET, RÉFUTE CETTE ACCUSATION ET APPELLE PLUTÔT LES MAHORAIS À RÉFLÉCHIR SUR LEUR MODE DE CONSOMMATION D’EAU ET À ÊTRE SOLIDAIRES. Près d’un tiers des habitants de notre île au parfum n’ont pas accès à l’eau courante dans leurs foyers selon une étude de l’INSEE intitulée “ Évolution des conditions de logement à Mayotte ” publié en août 2019. Parmi eux, 12% partagent un robinet avec leurs voisons habitant dans la même cour, 6% vont chez un parent ou un tiers, 5% vont à la borne fontaine monétique, 3% aux puits et 3% à la rivière. Ces chiffres sont encore bien trop élevés dans un département français, et les autorités tentent d’y remédier tant bien que mal. L’ARS a fait installer des bornes fontaines monétiques, appelées BFM, mais cette mesure n’est que partiellement efficace puisque toute l’île

n’en dispose pas. Actuellement, 66 BFM sont implantées dans 10 communes du territoire. Les habitants qui n’ont pas d’eau chez eux et qui vivent dans les communes démunies de bornes fontaines monétiques sont donc obligés de recourir à d’autres moyens. La crise sanitaire a néanmoins donné un coup d’accélérateur et l’ARS a dû revoir ses priorités. L’agence devait faciliter l’accès à l’eau. Elle a de ce fait installé 60 rampes d’eau. Celles-ci sont différentes des bornes fontaines monétiques dans le sens où la première catégorie est gratuite pour le public et la deuxième est payante. Les rampes d’eau sont également ouvertes uniquement du lundi au vendredi de

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" ON A VOULU QUE LES EFFORTS SOIENT ÉQUITABLEMENT PARTAGÉS PAR TOUT LE TERRITOIRE " 7h à 16h. Leur gratuité pose cependant problème à une partie de la population qui estime que les utilisateurs des rampes gaspillent l’eau et par conséquent favorisent l’assèchement des retenues collinaires. “ Je suis consciente que la crise de l’eau va provoquer les inévitables débats sur l’immigration clandestine à Mayotte. Mais il n’est pas vrai que l’on gaspille de l’eau dans les rampes. C’est l’ARS qui paye ces factures et je sais parfaitement combien nous déboursons. Les sommes sont ridicules car les rampes d’eau ne représentent qu’un pourcent de l’utilisation globale de l’eau par toute la population de l’île ”, explique Dominique Voynet, directrice de l’ARS Mayotte. Chaque rampe possède son compteur et tous sont relevés chaque semaine par les agents de l’ARS accompagnés par ceux de la SMAE, Mahoraise des Eaux. “ Certains disent que ce sont les impôts des Mahorais qui payent ces factures mais les Mahorais payent peu d’impôts sur le revenu et peu d’impôts locaux. Les ressources financières de l’ARS viennent de la solidarité nationale ”, martèle Dominique Voynet. Selon elle, il serait plus judicieux de remettre en question la manière dont les Mahorais utilisent l’eau. “ Ce que je constate c’est que malgré l’interdiction, certains continuent à laver leurs voitures, à remplir leurs piscines, à arroser leurs jardins etc. Tout n’est pas de la faute des étrangers. ” Quelles solutions sur le long terme ? Tous les habitants de l’île l’ont bien compris, la crise de l’eau sera inévitable cette année. Et l’agence régionale de santé

de Mayotte semble l’avoir deviné bien plus tôt. “ Dès le début de l’année 2020 quand on a compris que les travaux de rehaussement de la retenue collinaire de Combani risquaient de ne pas être terminés, on a alerté le préfet sur la nécessité de mettre en place des mesures d’économie et de gestion de l’eau le plus tôt possible dans la saison ”, déclare Dominique Voynet. Ces dernières n’interviendront que neuf mois plus tard, en septembre. Entre-temps, l’ARS installe donc les rampes d’eau qui serviront finalement à la crise sanitaire. L’agence reste persuadée qu’elles seront efficaces sur le long terme. “ Lorsqu’on installe une rampe d’eau, on crée un système de canalisation pour l’adduction de l’eau. Ce système peut rester en place tout le temps, même si on enlève la rampe d’eau pour l’installer ailleurs si besoin. C’est un investissement pour l’avenir ”, explique Dominique Voynet. Dans le futur, lorsque la crise de l’eau ne sera qu’un lointain souvenir, l’ARS transformera 30 rampes sur les 60 existantes en bornes fontaines monétiques. Le fait d’importer de l’eau dans des bateaux depuis l’île de La Réunion avait été évoqué dans le débat social, mais la directrice de l’ARS balaye cette idée du revers de la main. “ Ça serait une bêtise car il faudrait des investissements assez lourds pour aménager le port et décharger l’eau. Il faudrait 30 millions d’euros d’investissement pour un système qui apporterait une très faible quantité d’eau. ” Alors pour l’heure, on ne peut compter que sur la générosité de mère nature et les coupures d’eau censées économiser cette ressource. Si celles-ci commencent plus tôt cette année ça n’est pas parce que la situation est plus critique, assurent les autorités, mais parce qu’elles veulent anticiper et rendre la crise plus supportable. Et cette fois-ci, il est hors de question qu’une partie de la population porte tout le fardeau. Tous les habitants de Mayotte seront mis à contribution. “ On a voulu que les efforts soient équitablement partagés par tout le territoire. On a tous en mémoire ce qui s’est passé en 2017 et la violence que ça a représenté pour les habitants du sud qui n’avaient de l’eau qu’un jour sur trois ”, rappelle Dominique Voynet. Cette solution sera-t-elle suffisante ? Nous le saurons très rapidement. n

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" IL N’EST PAS VRAI QUE L’ON GASPILLE DE L’EAU DANS LES RAMPES. C’EST L’ARS QUI PAYE CES FACTURES ET JE SAIS PARFAITEMENT COMBIEN NOUS DÉBOURSONS. " 2 5 • M ay o t t e H e b d o • N ° 9 2 7 • 1 1 / 0 9 / 2 0 2 0


MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayottehebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Grégoire Mérot

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Couverture :

Alerte sur la gestion de l'eau

Journalistes Romain Guille Solène Peillard Raïnat Aliloiffa Constance Daire Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mohamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com


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