TOUTE L’ACTUALITÉ DE MAYOTTE AU QUOTIDIEN
Lu par près de 20.000 personnes chaque semaine (enquête Ipsos juillet 2009), ce quotidien vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre également un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.
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FI n°3839 Lundi 7 mars 2016 St Félicie
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FI n°3822 Jeudi 11 février 2016 Ste Héloïse
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RENSEIGNEMENTS Tél : 0639 67 04 07 | Mail : contact@mayotte-e-velos.yt
FI n°3818 Vendredi 5 février 2016 Ste Agathe
marine le Pen
environnement
Port de Longoni
ConSeil départeMental
Quel accueil se prépare pour la présiDente Du Fn ?
Le Lagon au patrimoine mondiaL de L'unesCo ?
la dsP sur la sEllEttE
pas de changement sUr l’octroi de mer
© Jonny CHADULI
Grève à Panima
TéléThon 2016
Des propositions mais toujours pas D'issue
DemanDez le programme
première parution : juillet 1999 - siret 02406197000018 - édition somapresse - n° Cppap : 0921 y 93207 - dir. publication : Laurent Canavate - red. chef : Gauthier dupraz - http://flash-infos.somapresse.com
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FI n°3997 mercredi 30 novembre 2016 St André
© CR: Gauthier Bouchet
Diffusé du lundi au vendredi, Flash Infos a été créé en 1999 et s’est depuis hissé au rang de 1er quotidien de l’île.
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Économie
SÉcuritÉ
Les appeLs à projets de L'europe
Couvre-feu pour Les mineurs
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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Musique
Faits divers
Edmond BéBé nous a quitté
ViolEncE En cascadE
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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MCG VS SMart
ViCe-reCtorat
UltimatUm oU véritable main tendUe ?
l’institUtion répond aUx critiqUes
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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LE MOT DE LA RÉDACTION
MARCHE OU GRÈVE “ L’accent mis sur la lutte contre l’immigration irrégulière détourne les regards et invisibilise la responsabilité qui incombe à l’Etat de garantir aux habitants de Mayotte une égalité de droits réelle avec ceux de la métropole. ” Intervenant en introduction de son rapport sur Mayotte datant du début de l’année, la phrase du Défenseur des droits – que l’on a tant accusé d’être “ hors sol ” sur le territoire – trouve dans les récentes déclarations préfectorales un écho des plus retentissant. L’engagement pris l’année dernière par la ministre des Outre-mer d’alors, consistant à établir un calendrier fixe de rattrapage social reste quant à lui lettre morte. Dans un silence assourdissant. Alors, que l’on remette en cause ou non les positions des uns et des autres au sujet de l’immigration, comment ne pas comprendre l’exaspération qui s’empare de nombreux travailleurs quant aux promesses d’égalité toujours repoussées ? Il faut croire, aussi que certains ont baissé les bras, las d’être aveuglés par le miroir aux alouettes. C’est ce que semble montrer la faible réponse qu’a récolté l’appel à une grève générale ce 17 septembre. Et là encore, le Défenseur des droits avait vu juste. “ Il s’installe ainsi à Mayotte, à tous les niveaux de la société, une forme d’inertie qui maintient l’île dans un modus vivendi extrêmement fragile, indexé sur un infradroit insuffisamment remis en cause, et régulièrement ébranlé par des crises sociales ”, écrivait-il ainsi dans son rapport. Alors, entre l’inertie et la crise, peut-être serait-il bon de prendre rapidement le chemin de l’égalité que promet la République. En marche ! Grégoire Mérot
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FLASHBACK
Retour sur les sujets de Une des Flashs Infos de la semaine
VENDREDI 11 SEPTEMBRE
MOUVEMENT SOCIAL LE DÉPARTEMENT SOUS L’EAU
Opération coup de poing ou coup de sang, les pompiers auront quoi qu’il en soit réalisé un coup d’éclat, ce jeudi, en faisant usage de leurs lances à incendie tant sur la façade du conseil départemental – quitte à bien viser les fenêtres ouvertes – que sur les agents de la collectivité et les policiers tentant de contenir les pompiers en colère. Arès des semaines de grève le geste aura conduit à une réouverture rapide des négociations sous l’égide de la préfecture.
LUNDI 14 SEPTEMBRE
GRÈVE DES POMPIERS SORTIE DE CRISE INESPÉRÉE
Et voilà la suite ! Après les évènements de la veille, les différents acteurs ayant voix au chapitre dans la grève qui paralysait le Sdis depuis le 24 juillet se sont réunis vendredi pour signer un accord de sortie de crise. Département, préfecture, direction, représentants du personnel mais aussi deux gradés de la Direction générale de la sécurité civile appelés de Paris pour éteindre le feu se sont ainsi satisfaits d’un accord “ qui pose l’avenir du Sdis ”, à entendre le préfet. Si les grévistes n’auront pas – du moins officiellement, cf Tchaks – obtenu le départ tant réclamé de leur directeur, tous leurs autres points de revendication (conditions de travail, formation ou encore évolution de la gouvernance) ont été approuvés par les parties.
Pour tous vos communiqués et informations
Une seule adresse : rédaction@mayottehebdo.com
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FLASHBACK
MARDI 15 SEPTEMBRE
PÉNURIE D’EAU, VIOLENCES, COVID… GILLES HALBOUT FAIT SA RENTRÉE
Dans une interview à Flash Infos, le recteur de Mayotte, Gilles Halbout, revient sur les nombreuses embûches essaimant sur le chemin de l’école depuis la rentrée. Le numéro un de l’académie détaille ainsi les ajustements nécessaires face aux coupures d’eau dans les écoles et envisage même la possibilité de changement d’école pour les élèves d’établissements en rotation et éventuellement privés d’eau. Autre sujet, les clusters covid identifiés chez les enseignants. Avec un mot d’ordre : la réactivité. Car si les enseignants positifs sont isolés, la découverte de plusieurs cas de professeurs porteurs du virus et ne se fréquentant pas en dehors de l’établissement pourrait impliquer la fermeture de ce dernier.
MERCREDI 16 SEPTEMBRE
ÉCONOMIE LA GRÈVE JUMBO S’ENLISE
Après l’escalade du week-end, qui a conduit des grévistes à incendier des pneus de voiture devant le supermarché, le mouvement de contestation des salariés contre Bourbon Distribution Mayotte – le groupe de distribution racheté par le géant ultramarin GBH (Groupe Bernard Hayot) - semble dans l’impasse. Un moment de flottement qui se ressentait dans les allées comme sur les piquets de grève, ce mardi. “Il y a quelque chose de cassé entre les patrons, la Dieccte et nous”. Un reportage à retrouver dans cette édition de Mayotte Hebdo.
JEUDI 17 SEPTEMBRE
COVID-19 LEVÉE D’URGENCE AVANT L’HEURE
Prévue initialement le 31 octobre à Mayotte et en Guyane, la levée de l’état d’urgence sanitaire a finalement été décidée ce mercredi en conseil des ministres, soit un peu plus tôt que prévu. Une bonne nouvelle qui ne signifie pas la fin de toutes les restrictions, à l’heure où le 101ème département est toujours classé orange. À l’image du reste du pays, le préfet devrait ainsi toujours disposer d’un large arsenal pour reprendre des mesures si la situation sanitaire l’exige : limitation de la circulation des personnes, fermeture d’établissements, parcs, centres nautiques, plages, ou encore port du masque obligatoire. Les rassemblements et réunions de plus de dix personnes devront quant à eux toujours faire l’objet d’une déclaration à la préfecture, qui pourra les interdire ou les restreindre.
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TCHAKS
LA PHRASE
LE CHIFFRE
L'ACTION Deux groupes de médiation citoyenne à Tsingoni
Jeudi, le préfet et le président du conseil départemental se sont réunis à la Maison France Services de Combani pour la signature d'une convention installant deux nouveaux groupes de médiation citoyenne à Tsingoni, à la suite des violences entre bandes rivales de la semaine précédente. L'objectif : faire de la prévention et remonter les incidents aux autorités compétentes. D'ici la fin du mois, un pacte de sécurité avec la commune – et qui devrait progressivement s'étendre à toutes les autres – devrait être déployé pour apporter plusieurs garantis comme l'installation d'une commission sur les demandes de titres de séjour. D'ici là, le tissu associatif est déjà à pied d'œuvre depuis plusieurs semaines, à l'image d'Action pour la sécurité de Mroalé et la Régie de territoire qui viennent grossir les rangs du dispositif préfectoral et départemental, à travers 56 bénévoles qui s'engagent à se relayer jour et nuit pour créer un climat de sécurité, notamment aux abords du collège. Un travail qui devrait se tenir sur au moins un an, comme encadré par la convention dont elles sont signataires. En échange de remontées régulières du terrain, chaque bénévole recevra tous les mois un bon d'achat alimentaire d'une valeur de 100 euros.
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C'est le nombre de mètres cubes d'eau économisés -en date du 15 septembre - depuis le début des coupures hebdomadaires, selon l'ARS, soit l'équivalent de 97 400 bidons de 10 litres. Contre une consommation journalière de 36 000 mètres cubes en temps "normal", le département est passé à 34 281, encore bien loin de l'objectif de 28 500 à atteindre pour attendre la saison des pluies plus sereinement. En une semaine, la consommation a été réduite de 139 mètres cubes par jour. Actuellement, le taux de remplissage total des deux retenues collinaires s'élève à 47%, contre 68% l'année dernière à la même période. Ainsi, l'ARS recommande à toute la population de veiller aux fuites domestiques, qui entraînent une perte conséquente de la ressource. À titre d'exemple, une fuite de WC consomme autant que 30 personnes en une seule journée. Depuis le 1er septembre, 15 fuites ont été colmatées sur le réseau de distribution, celles-ci étant à travers toute l'île responsable de la perte de 26% de l'eau distribuée. Une eau, d'ailleurs, régulièrement coupée en dehors du planning établi par la Smae. En tous points de l'île, nombreux sont les usagers à déplorer des interruptions de la distribution bien au-delà des heures prévues, s'étendent parfois même sur plusieurs jours. La Smae - Mahoraise des eaux n'a pas encore réagi à ce sujet.
"Il faut permettre une circulation des titres de séjour à l'extérieur de l'île" C'est ce qu'a déclaré Issa Issa Abdou lundi dans les colonnes du Journal de Mayotte. Un clin d'œil aux déclarations de Jean-François Colombet, qui annonçait, suite aux évènements de Combani la semaine précédente, envisager de déchoir de leurs titres de séjour les parents d'enfants impliqués dans des faits de violence. Un positionnement applaudi par le 4ème vice-président du conseil départemental en charges des affaires sociales. "Mais il faut aller plus loin sur le plan politique. La question du séjour "Made in Mayotte", avec impossibilité de quitter le territoire, n'est pas supportable", a-t-il toutefois commenté, à l'heure où, rappelons-le, les détenteurs d'un titre de séjour obtenu à Mayotte ont la ferme interdiction de quitter l'île pour un autre département français quel qu'il soit. "Le sénateur Thani a raison en reliant délinquance et immigration, sans pouvoir satisfaire leurs besoins, les personnes concernées vont utiliser tous les moyens nécessaires." S'agissant de la question de la parentalité, le code civil stipule que si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur sont menacées, ou "si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnés par justice". Problème, selon Issa Issa Abdou : "Si nous devions faire une application stricte de ce texte, on devrait placer les trois-quarts des enfants de Mayotte. Cela n’étant pas possible eu égard aux moyens, on est obligé de traiter les cas les plus pressants." Alors, si la menace d'expulser les parents apparaît comme la solution de facilité, la commission du titre de séjour, capable de valider ou non de telles décisions, n'existe pas à ce jour à Mayotte. Autrement dit, la promesse de Jean-François Colombet sera difficile à tenir, et les personnes déchues pourront saisir le tribunal administratif.
LA PHOTO DE LA SEMAINE L'action coup de poing du collectif Bassi Ivo contre la violence
Un homme attaché à un arbre, avec de lourdes chaînes, symbole de la situation d'une île immobile, paralysée par la montée de violences et d'insécurité, enfermée dans l'indifférence de l'État, loin du regard et de l'attention du gouvernement. Autour de lui, des hommes grimés veillent, empêchant toute possibilité de se défaire de cette emprise. Cette mise en scène, orchestrée par le collectif Bassi Ivo, s'est jouée le week-end dernier sur le rondpoint situé en face de la jetée de Mamoudzou, et s'est soldée par l'intervention des forces de l'ordre qui ont sommé les acteurs de quitter les lieux. Triste ironie du sort ?
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LE TOP Une première classe créée au sein du service pédiatrique Grande première ! Vendredi dernier, le rectorat et le centre hospitalier de Mayotte ont signé une convention pour la création de la première classe du service pédiatrique à destination des enfants hospitalisés sur une longue durée. Aux manettes : une enseignante spécialement formée pour ce milieu, qui devra à la fois recréer un climat de classe pour la socialisation et l'apprentissage commun ; faire du tutorat et de l'accompagnement personnalisé auprès d'enfants atteints de pathologies lourdes ; faire le lien avec l'établissement d'origine et les élèves eux-mêmes, ainsi qu'avec l'équipe pédagogique pour le programme de chacun ; mettre en place un point fixe pour que les jeunes patients aient des repères et des activités récurrentes et enfin, travailler avec l'élève sur le suivi de sa maladie, à l'instar des gestes à adopter une fois sorti du service.
LE FLOP Polémique autour de la sélection mahoraise pour l'évènement "L'outre-mer fait son Olympia" Événement musical phare pour la représentation des territoires ultramarins, "L'outre-mer fait son Olympia" se tiendra le 26 septembre dans la mythique salle de Paris. Le week-end dernier, le nom des artistes sélectionnés a été dévoilé, et à surtout fait jaser, le 101ème département devant être représenté par Goulam, chanteur aux origines comoriennes. Il n'en fallait pas plus pour que la polémique enfle sur les réseaux sociaux, poussant l'artiste à se retirer : "Cette nouvelle fut la cause de plusieurs débats quant à ma légitimité à pouvoir représenter Mayotte par rapport à mes origines de base. C’est pourquoi par respect pour ce peuple et pour ne pas être la cause de divisions et querelles grandissantes, j’ai pris la décision de me retirer de la liste des invités et de laisser la place à un artiste qui correspondra davantage aux attentes du public mahorais", a-t-il écrit sur ses réseaux sociaux. Finalement, l'île aux parfums devrait être représentée par M'toro Chamou, chanteur de m'godro… qui ne manque jamais une occasion de souligner que les Mahorais sont les frères des Comoriens, dont ils partagent la culture. Une nouvelle toutefois mieux digérée par l'opinion publique.
IL FAIT L'ACTU
Thomas M'Saidié brigue la direction du centre universitaire
Maître de conférences au CUFR, Thomas M’saidié sera le premier mahorais à briguer le poste de directeur du centre universitaire de formation et de recherche de Dembéni. Un choix qui a eu le soutien de plusieurs associations dont le collectif des citoyens, de Maître Elhad Chakrina, ancien candidat aux élections législatives de 2017, et qui vient de lancer sur les réseaux sociaux une pétition adressée à Emmanuel Macron. "Monsieur le Président, nous sollicitons votre soutien à la candidature de Monsieur Thomas M’Saidié au poste de directeur du CUFR de Mayotte. Nous avons la chance d’avoir un Mahorais maître de conférences, qui ne demande qu’à faire ses preuves. Il s’agit bien là d’un volontarisme et d’une ingénierie locale souvent citée. Votre soutien à sa candidature serait un signal fort envoyé à la jeunesse mahoraise sur la méritocratie, avec comme corollaire que le travail et la compétence sont récompensés". L’ancien président du conseil départemental Daniel Zaïdani s’est lui aussi félicité de l’initiative de l’universitaire mahorais. "Très bonne candidature que je soutiens. J’espère que le Conseil d’administration CUFR de Mayotte en fera autant, en particulier le président du conseil départemental et le maire de Dembeni".
BRÈVES
PROVERBE “ Dalili ya vua maingu.” Il n'y a pas de fumée sans feu.
Mayotte et la Guyane sortent de l'état d'urgence sanitaire
Le gouvernement l'a annoncé mercredi : l'état d'urgence sanitaire est levé sans délai à Mayotte et en Guyane, seuls territoires où il était en vigueur, ce depuis la fin août et initialement jusqu'au 31 octobre. Ce régime exceptionnel permettait jusqu'alors de décréter des mesures restrictives concernant la liberté de circulation, d'entreprendre et de réunion, ainsi que des mesures de réquisition de tous biens et services nécessaires pour mettre fin à la catastrophe sanitaire et des mesures temporaires de contrôle des prix. Si la région sud-américaine est encore considérée comme zone de vulnérabilité élevée par Santé Publique France, le 101ème département se maintient, lui, à un stade modéré depuis plusieurs semaines. Toutefois la circulation y demeure active, a rappelé plus tôt dans la semaine la directrice de l'ARS, en dévoilant l'apparition de deux nouveaux clusters, l'un chez "plusieurs dizaines" de professeurs d'éducation physique et sportive qui avaient passé une soirée ensemble, et le second parmi les forces de gendarmerie. Pour autant, “ il n’y a aucune raison d’être alarmistes ”, tempère Dominique Voynet, puisque le taux d’incidence s’établit à 31,8 cas pour 100.000 habitants entre le 5 et le 11 septembre. Bien en deçà des 50 nécessaires au passage d’un territoire en zone rouge. Si la circulation du virus reste donc active, seuls 5% des 1.788 tests réalisés la semaine dernière étaient positifs. Quatre patients sont actuellement hospitalisés, mais aucun en réanimation.
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ALIGNEMENT DES DROITS
RÊVE GÉNÉRAL? Le grand soir attendra. C’est peut-être ce qu’il faut retenir de la faible mobilisation qu’a connue la journée du 17 septembre, pour laquelle l’intersyndicale appelait pourtant à une grève générale. Peut-être, car dans le même temps, une partie des salariés de GBH continue de faire front depuis deux mois, à leur manière, pour réclamer “ l’égalité, tout simplement ”, comme l’exprime Salim Nahouda. Et c’est bien de cela dont il s’agit, réclamer la fin d’un régime dérogatoire maintenu malgré les multiples promesses de “ rattrapage ”. “ Je ne comprends plus rien à cette île, on est capable de bloquer tout le monde pour réclamer un dos d’âne à l’entrée d’un village, mais quand il s’agit de lutter pour nos droits, d’exiger de l’État qu’il respecte ses engagements, il n’y a plus personne… ”, se désolait ainsi un des rares manifestant de ce 17 septembre. Tous ne perdent cependant pas espoir. “ On ne lâchera rien, on le fait pour nos anciens et leurs retraites ridicules mais aussi pour nos enfants, pour qu’ils ne grandissent pas comme nous dans le sentiment d’être des citoyens de seconde zone ”, martelait un autre gréviste. Bien conscient, toutefois, que le rapport de force ne joue pas en sa faveur. Pour l’heure.
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Constance Daire et Grégoire Mérot
REPORTAGE
GRÈVE CHEZ BDM : “ IL Y A QUELQUE CHOSE DE CASSÉ ENTRE LES PATRONS ET NOUS ” APRÈS DEUX MOIS DE GRÈVE ET L’ESCALADE DU WEEK-END, QUI A CONDUIT DES GRÉVISTES À INCENDIER DES PNEUS DE VOITURE DEVANT LE SUPERMARCHÉ, LE MOUVEMENT DE CONTESTATION DES SALARIÉS CONTRE BOURBON DISTRIBUTION MAYOTTE - LE GROUPE DE DISTRIBUTION RACHETÉ PAR LE GÉANT ULTRAMARIN GBH (GROUPE BERNARD HAYOT) - SEMBLE DANS L’IMPASSE. UN MOMENT DE FLOTTEMENT QUI SE RESSENTAIT DANS LES ALLÉES COMME SUR LES PIQUETS DE GRÈVE, CE MARDI. C’est calme. Trop calme ? À Jumbo Score ce mardi, on pourrait presque entendre les mouches voler. Et croire que les grévistes ont levé le camp… Seul signe que leur mouvement social contre la direction de Bourbon Distribution Mayotte se poursuit, leur bannière, qui flotte au vent à côté des lettres de l’enseigne rouge et bleue. “Non à la discrimination dans le groupe GBH. Salaire mini net à Mayotte 1.069 euros contre 1.218 euros à La Réunion. Partageons les richesses et non la misère”, signent les syndicalistes, toujours remontés comme des coucous. Et comme pour rappeler qu’ils étaient encore là, un employé a d’ailleurs prévenu le groupe de distribution dans un post Facebook ce mardi matin de “respecter le droit de grève des salariés (...) et de ne pas enlever notre banderole jusqu’à la fin de notre mouvement social”. “À bon entendeur”, croit-il bon de préciser. Du coup, dans les allées du supermarché, on ne peut pas dire qu’il y ait foule. Les em-
ployés, occupés au réassort, sont presque plus nombreux que les clients… Alors même qu’on “tourne en effectif réduit”, assure une responsable du magasin. “Il y a surtout des grévistes ici à Jumbo, beaucoup moins dans les Doukas. Et je dirais que 60% sont des employés des entrepôts, contre 40% dans les rayons”, décrit-elle. En tout, ils sont encore 120 salariés à faire grève, dont seulement six dans les petites épiceries rouges, sur les 540 employés que compte BDM à Mayotte. Et vu que les entrepôts sont bloqués, les réapprovisionnements prennent du retard, car les chauffeurs livreurs doivent amener et dépoter les conteneurs directement derrière les enseignes. Ce qui ne permet pas de traiter les mêmes volumes.
APPEL AU SOUTIEN ET PNEUS CRAMÉS Conséquence, étagères et caddies se vident, et seuls quelques rares clients font au-
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jourd’hui leurs emplettes à Jumbo. “D’habitude, il y a plus de monde les midis, là c’est vrai que c’est plus tranquille. Et il y a peut-être un peu moins de produits mais ce n’est pas plus mal, ça évite de tomber sur du périmé”, constate une femme en réajustant son foulard léopard sur son nez, avant de faire son choix parmi les boites de conserve. Certes, la CGT-Ma avait aussi appelé, il y a quelques jours, la population mahoraise à les soutenir dans leur lutte, en boycottant l’enseigne. Mais difficile de savoir si c’est par solidarité ou par crainte des ennuis, que les clients ne se pressent pas dans les allées ce midi. Il faut dire que le mouvement a déjà connu quelques coups d’éclats. Jusqu’à l’escalade du week-end, qui a conduit une école voisine à fermer ses portes à cause des fumées provoquées par l’incendie de pneus devant le supermarché. Loin de faire évoluer les négociations, cet épisode a plutôt grippé la machine. Les salariés réclament toujours une revalorisation des salaires de 150 euros, des chèques déjeuners d’une valeur de neuf euros, la majoration des jours fériés à 200%, des réductions de 10% pour leurs achats chez leur employeur ou encore un 14ème mois et une prime transport. “ Oui ça fait beaucoup, mais on s’est dit que c’est en demandant beaucoup que l’on
pourrait peut-être obtenir un peu, ne serait-ce que la revalorisation des salaires. On était prêts à faire des concessions, même sur ce montant, mais il n’y a eu en face que du mépris ”, déplore de son côté Anissa Hadhurami, représentante du personnel et figure de proue du mouvement.
UNE MÉDIATION ENTRAVÉE Pourtant, une médiation avait bien été lancée avec la Dieccte, qui avait conduit les uns et les autres à se réunir le 21 août dernier pour poser les bases d’un dialogue. Mais les négociations ont été stoppées net quand les syndicalistes de la CGT-Ma ont repris leur poste devant les trois entrepôts du groupe. La levée de ces “entraves” était la condition sine qua non pour que la direction accepte d’entendre leurs doléances. Si certaines demandes ont été acceptées, comme le 13ème mois à 100%, d’autres crispent les débats. “Au début, on était prêt à baisser nos exigences de revalorisation à 70 euros pour sortir du conflit, mais la direction ne nous a proposé que 23 euros, et pas pour tout le monde”, peste ainsi Attoumani Bora, délégué membre du CSE qui porte la voix des grévistes à l’entrepôt de la zone Nel.
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En guise d’entrave, lui et sa bande font en effet le piquet, d’ailleurs plutôt allongés sur leurs nattes que debout, devant les rideaux métalliques résolument fermés du bâtiment de stockage. Là, ils sont encore une dizaine à papoter à l’ombre à côté des drapeaux rouges. Et derrière l’apparente bonne humeur et le calme qui règne, on sent toujours pointer l’exaspération face à une direction qui refuse le dialogue et “nous envoie les forces de l’ordre tous les jours”, soupire celui
qui tranche en temps normal ses pièces de boucher derrière le comptoir de Jumbo. “Hier encore, ils tentaient d’ouvrir la porte.” Une réaction pas vraiment à même d’apaiser les esprits, surtout après les heurts de vendredi et samedi derniers devant le Jumbo. “C’était juste un geste car on nous a envoyé la police pour nous gazer”, marmonne un employé d’entrepôt. “Il y a quelque chose de cassé entre les patrons, la Dieccte et nous. ” n
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PAROLES DE GRÉVISTES : “ CÉDER VOUDRAIT DIRE À TOUS LES SALARIÉS DE MAYOTTE QUE SE BATTRE POUR SES DROITS EST INUTILE ”
“ C’est vrai que c’est difficile, que beaucoup ont eu peur pour leur emploi et sont retourné travailler mais nous on est déterminés, on va rien lâcher ! ”, promet Nafissa*, venue avec quelques collègues déployer une banderole devant le Jumbo des Hauts-Vallons. “ Je suis officiellement employée polyvalente mais en réalité je fais tout dans le magasin, c’est même moi qui gère les stocks, j’ouvre le matin, je ferme le soir… Franchement je fais tout, je n’en peux plus et tout ça pour un salaire de misère ”, se désole la mère de famille travaillant dans un Douka Bé - une des supérettes de village du groupe GBH - du nord de l’île. “ Je ne peux pas supporter qu’après avoir tout accepté, quand la coupe devient pleine et qu’on décide de s’exprimer, on se trouve méprisé de cette manière. C’est presque ça qui me motive le plus finalement ! ”. À ses côtés, un grand gaillard acquiesce. “ Le mot d’ordre, c’est l’égalité. Salariale avec les employés de La Réunion mais aussi humaine. Car finalement c’est aussi ça que l’on demande, que la direction nous traite avec respect. Aujourd’hui on se croirait revenu des siècles en arrière… ”, souffle Mohamed qui, lui, opère dans la branche logistique du groupe. “ Non seulement on nous méprise, mais en plus de cela on bafoue notre droit de grève ”, assure-t-il également. Avant de procéder à l’inventaire. “ Déjà il y a eu beaucoup de chantage pour que les employés reviennent travailler. Je peux vous dire que ceux qui ont cédé regrettent beaucoup parce qu’on leur met la misère maintenant, on leur fait payer. Et puis la direction a eu recours à des sociétés privées pour nous remplacer dans les livraisons, c’est scandaleux. En plus ils font ça n’importe quoi, ils ont même dépoté un camion de surgelés en plein soleil ! ”, accuse le gréviste, qui lui aussi, s’ancre dans cette longue lutte avec détermination. Et vision. “ On n’a pas le choix, on ne peut plus céder face à la pression parce que sinon ça voudrait dire à tous les salariés de Mayotte que ça ne sert à rien de se battre, et à tous les patrons qu’ils peuvent continuer leurs affaires tranquillement, sans aucune avancée sociale ”.
DANS LES DOUKA BÉ, DU MAL-ÊTRE PLEIN LES RAYONS
“ Je ne sais pas trop si j’ai le droit de parler… ” Dans un Douka Bé du grand Mamoudzou, Sandati* est craintive. “ Je ne peux pas me permettre de faire grève, j’ai trop peur de perdre mon travail et si je le perds, ça va devenir très compliqué pour toute la famille, on n’a qu’un salaire pour sept bouches à nourrir chez moi… Mais ce mouvement, je le soutiens à fond ”, s’explique l’employée sur son siège de caisse. “ Le problème, c’est qu’ici je suis presque toute seule alors je ne peux pas dire non. Je sais que je travaille plus que sur le papier et franchement j’ai eu très peur pendant la crise sanitaire, j’étais là tous les jours et on ne fournissait rien comme protection alors qu’il y a des personnes âgées et des bébés à la maison ”. Sandati se débarasse de sa timidité pour sortir l’artillerie lourde. “ C’est dégueulasse ce qu’ils font, la manière dont ils nous traitent ! Franchement, j’ai eu l’impression de me sacrifier et en réponse je n’ai eu qu’une petite part de la prime Covid qu’ils avaient promis. Et puis ils savent très bien qu’une grande partie des employés sont des gens comme moi, qui ont trop peur de se retrouver sans travail alors ils en profitent. J’espère que ceux qui font grève vont gagner, ils le font pour nous tous ! ”
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Solène Peillard
POUR ALLER PLUS LOIN…
GRÈVE, GÊNE ET RÂLE
DEPUIS LE MOIS DE JUILLET, UNE CENTAINE DE GRÉVISTES OCCUPENT LES ENTREPÔTS DE BOURBON DISTRIBUTION MAYOTTE ET L’ENTRÉE DU JUMBO SCORE. MAIS MALGRÉ LA LONGUE MOBILISATION, LES NÉGOCIATIONS SONT AU POINT MORT, PUISQUE TOTALEMENT SUSPENDUES À L’INITIATIVE DE LA DIRECTION. DE TOUS BORDS, LA TENSION MONTE. ET ALORS QUE LES SALARIÉS EN GRÈVE ONT REVU À LA BAISSE LEURS REVENDICATIONS, LES EXACTIONS SE MULTIPLIENT. À première vue, la scène pourrait presque prêter à sourire. Il est midi, sur le parking du Jumbo Score de Kawéni. Sous un soleil de plomb, quelques femmes dorment sur des nattes posées à même l’asphalte. Près d'elles, un panneau prévient les usagers : "Attention zone de travail". Et surtout, zone de grève. Depuis désormais dix semaines, 120 des 550 employés du groupe Bourbon Distribution Mayotte – fraîchement racheté par le géant Groupe Bernard Hayot – occupent nuit et jour, sans discontinuer, la vaste étendue de béton, où les voitures en stationnement sont devenues rares. D'où le repos que certains piquets de grève de la CGT s'accordent au beau milieu de la journée. "On dort par terre, on dort dehors, on ne voit plus nos enfants, nos maris…", souffle Anissa Hadhurami, leur porte-parole, avant de se raviser : "Mais on attend, on ne lâchera rien tant qu'on n'aura pas trouvé de solution avec la direction." À l'entrée du centre-commercial, le vent fait danser une banderole rouge et noir : "Non à la discrimination dans le groupe GBH Salaire mini net à Mayotte : 1 069 euros contre 1 218 à La Réunion. Partageons les richesses et non la misère".
Depuis maintenant deux mois, la revalorisation des salaires, afin de s’aligner sur la rémunération des salariés GBH de l’île Bourbon, est au cœur des revendications. Contre 150 euros au début du mouvement, les grévistes n’en demandent aujourd’hui plus que 70. “ Et encore, c’est à négocier ! ”, répète Anissa. “ On est prêts à faire des efforts. On aime notre boîte, on aime nos emplois ! ” D’où l’assouplissement d’une seconde requête : en juillet, les grévistes demandaient que le budget des œuvres sociales passe à 3% de la masse salariale. Aujourd’hui, ils n’en espèrent plus que la moitié. “ On est tous perdants : nous, on perd nos salaires. Et la direction perd son chiffre d’affaires, c’est pour ça qu’on essaie de trouver un terrain d’entente ”, développe encore la porte-parole du mouvement, qui demande également la mise en place de chèques déjeuners d’une valeur de neuf euros, la majoration des jours fériés à 200%, 10% de réduction dans les points de vente de GBH, une prise de transport et la mise en place d’un 14ème mois. Mais la direction de BDM, elle, campe sur ses positions. Sur l’épineuse question des salaires, celle-ci propose une revalorisation de 23
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euros, qui ne s’appliquerait pas à tous les salariés, en arguant que l’écart entre Mayotte et La Réunion concerne les chiffres bruts. Dans le 101ème département, où les charges sociales sont moindres, “ le net n’est pas inférieur à ce qui se fait en métropole, si l’on tient compte des primes d’ancienneté ”. Point mort donc.
UN INCENDIE, DES BLOCAGES, DES DÉGRADATIONS ET DES VIOLENCES Fin août, la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Dieccte) proposait une médiation entre les employés et leur patron, Marc Berlioz. Ce dernier accepte, à une condition : aucune entrave ne doit être commise du côté des grévistes, qu’il accuse alors de bloquer les entrepôts, d’insulter collègues non-grévistes et forces de l’ordre, de dégrader volontairement du matériel, entre autres. Mais quelques jours avant la rencontre, les trois entrepôts du groupe sont de nouveau bloqués. Les négociations sont suspendues. Depuis, la situation piétine et de tous bords, les accusations enflent. Le week-end dernier, la tension est montée d’un nouveau cran. Excédés, les grévistes ont incendié des pneus à l’entrée du Jumbo Score, poussant l’enseigne à fermer ses portes face à l’émanation des fumées. “ Ce n’est plus une grève à ce stade, ce n’est pas dans ces conditions que BDM pourra discuter ”, chuchote la direction. “ Des millions d’euros auraient pu partir en fumée s’il n’y avait pas eu de gardiens sur place. Finalement, les forces de l’ordre ont pu les attraper en flagrance. ” Car depuis des semaines, les interventions de police sont devenues presque légion. Sur Internet, les vidéos pleuvent : face aux grévistes, des gardiens de la paix refusent de porter leur masque, avant de gazer au visage les salariés récalcitrants. Des “ exactions ” dénoncées depuis le début du mouvement par la CGT à Paris, où une manifestation de soutien aux collègues mahorais est même envisagée devant le ministère du Travail. “ C’est la troisième fois qu’on écrit au ministre pour l’alerter sur ce qu’il se passe à Mayotte ”, retrace Amar Lagha, secrétaire général de la CGT commerce et services au niveau national. “ Nous n’avons pas peur de le dire : si ce conflit avait éclaté en métropole ou sur une autre île, on n'en serait pas là aujourd'hui et ça aurait été réglé depuis bien longtemps. Nous, ce que l’on attend, c’est que ce gouvernement traite Mayotte comme n’importe quel autre département français, et pas comme une zone de non-droit où la police entrave le droit de grève. ” Alors que les salariés accusent leur direction d’être à l’origine de l’intervention récurrente des forces de l’ordre, celle-ci explique que la moitié
“ NOUS, CE QUE L’ON ATTEND, C’EST QUE CE GOUVERNEMENT TRAITE MAYOTTE COMME N’IMPORTE QUEL AUTRE DÉPARTEMENT FRANÇAIS, ET PAS COMME UNE ZONE DE NON-DROIT OÙ LA POLICE ENTRAVE LE DROIT DE GRÈVE ” des camions de BDM ont été saccagés, à l’instar “ d’une vingtaine de magasins ”, des petits Douka Bé pour la plupart. Ce qui, du côté adverse, est nié en bloc. “ Il y a eu des tentatives d’intimidation des grévistes, notamment parce que celles-ci sont des femmes ”, poursuit encore la CGT depuis la capitale hexagonale. “ Les maris, les cousins, les frères de ces grévistes ont subi des pressions pour contraindre leurs femmes à cesser le mouvement. Ce sont des méthodes du XVème siècle ! ” Depuis Kawéni, Anissa Hadhurami acquiesce, et va plus loin : “ Il y a quelques jours, le responsable de l’un des entrepôts occupés a déversé du lait périmé là où nous dormons. Des heures après, l’odeur était toujours là ! ” La colère non plus, ne passe pas. “ Vous savez, on est très fatigués. Mais on ne peut plus s’arrêter maintenant ”, concède la mère de famille. “ Si notre directeur vient nous chercher à minuit pour discuter, nous serons là. ” n
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Propos recueillis par Grégoire Mérot
ENTRETIEN SALIM NAHOUDA
“NOUS RÉCLAMONS L’ÉGALITÉ, TOUT SIMPLEMENT !”
POUR SALIM NAHOUDA, LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA CGT MAYOTTE, IL NE FAIT AUCUN DOUTE QUE LES SALARIÉS MAHORAIS SONT MAINTENUS VOLONTAIREMENT DANS UN RÉGIME DÉROGATOIRE. DISCRIMINATOIRE MÊME, SELON LES MOTS DU SYNDICALISTE POUR QUI LE CONFLIT CHEZ GBH ILLUSTRE BIEN CE MAL. FACE À CELA, SALIM NAHOUDA N’HÉSITE PAS À AGITER LE CHIFFON ROUGE D’UN MOUVEMENT SOCIAL D’AMPLEUR COMME L’ÎLE A PU EN CONNAÎTRE CES DERNIÈRES ANNÉES.
Mayotte Hebdo : Quelle lecture faites-vous du conflit social qui s’enlise chez GBH (ex Bourbon Distribution Mayotte) ? Est-il révélateur d’un malaise dans le secteur privé mahorais ? Salim Nahouda : La lecture est simple, les salariés réclament l’égalité, tout simplement. Il faut savoir que depuis l’arrivée du directeur actuel dans l'entreprise, il y a eu très peu d’avancées sociales. C’est la quatrième grève depuis qu’il est là et à chaque fois revient
l’histoire des salaires et de l'alignement des droits. Le contexte a beau être différent, depuis le rachat par GBH des enseignes de Casino – représenté par Vindemia – rien n’a changé. Il y a depuis tout ce temps une disparité dans les droits appliqués aux salariés du même groupe entre La Réunion et Mayotte. Et voilà donc ce que demandent encore les salariés aujourd’hui : un alignement des droits. Notamment à travers l’application de la convention collective Commerces applicable à la grande distribution. Et oui, ce conflit est révélateur d’un malaise ou plutôt de pratiques inacceptables. Avec l’arrivée du code du Travail en 2018, on est passé d’un Smig de plus de 1 150 euros net mensuel à un Smic dérogatoire, tronqué de 170 euros par rapport au précédent salaire minimum. Tout de suite il y a eu alerte, notamment chez BDM (dorénavant GBH) car on ne peut pas avancer en régressant. On a donc demandé l’évolution vers le droit commun puisque Mayotte est très en retard dans ce cadre-là. Dans beaucoup d’entreprises du département il y a eu des négociations en interne qui ont permis de
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conserver le minimum garanti auparavant. Mais chez BDM, la direction a refusé et s’est calquée sur le seul Smic imposé par les pouvoirs publics. Lequel correspond en métropole à plus de 10 euros de l’heure et à Mayotte à 7,66 euros. Résultat, s’il est vrai que les cotisations sont moins élevées à Mayotte, nous avons tout de même une différence de 400 euros sur le brut à fonction égale entre ici et La Réunion. Ce qui est également incompréhensible, c’est que dans le même temps, la direction locale se vante de faire plus de chiffre que les magasins réunionnais. Comment peuton accepter que les bénéfices soient supérieurs et que lorsqu’il s’agit de les redistribuer en partie aux salariés qui les ont produits, ces derniers se voient méprisés dans leur demande ? Lors de la vente du groupe en 2020, les salariés ont transmis leurs demandes au repreneur pour que, lors de la cession, ces revendications soient prises en compte. Cela n’a pas du tout été entendu. Et dans le même temps, la direction s’est vantée dans la presse que le salaire moyen
de son personnel était de 1 300 euros, ça les a forcément révoltés. Car à BDM, la majorité des caissières et des agents techniques sont bien en dessous de cette moyenne affichée, même avec la prime d’ancienneté qu’on cherche à leur enlever. S’il y a des cadres très bien payés qui faussent le calcul, il y a d’autant plus de question à se poser sur les inégalités. La demande est simple : que le salaire net de Mayotte soit le même qu’à La Réunion. Dans ce dossier, tout n’est que question d’inégalité, de discrimination des travailleurs mahorais sans aucune justification. Et cela s’illustre sur tous les points, du salaire bien-sûr, aux chèques déjeuners, jusqu'à la prime Covid sur laquelle on a tout bonnement menti aux salariés qui sont venus travailler alors que l’entreprise ne leur fournissait pas de protections. Pendant la crise sanitaire, les employés mahorais ont travaillé plus, plus longuement et dans des conditions plus difficiles puisqu’à La Réunion, les salariés ont tout de suite bénéficié de protections sanitaires alors qu’ici ils n’avaient rien. En fin de compte, les salariés de Mayotte ont perçu
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des primes de façon très aléatoire et toujours moins élevées que celles de La Réunion alors même que promesse avait été faite par l’employeur de verser la même somme sur les deux îles. C’est tout simplement du mépris. Lequel est malheureusement assez généralisé dans le secteur privé à Mayotte, sans que les pouvoirs publics ne s’en émeuvent. Mayotte Hebdo : Comment expliquer qu’en deux mois de conflit, les lignes ne bougent toujours pas ? Et que les pouvoirs publics ne jouent pas les médiateurs ? Salim Nahouda : Je pense que c’est une politique, appliquée de manière générale à Mayotte, pour démotiver les syndicats et les salariés dans leurs demandes d’évolution. Je ne peux que constater qu’avant, il était plus facile d’ouvrir des négociations et d’obtenir des avancées sociales que depuis ces cinq ou six dernières années. Nous avons mené des négociations jusqu’en 2012 pour faire appliquer le SMIC net national à Mayotte et depuis, blocage total. Même la grille salariale interprofessionnelle qui servait de base chaque année jusqu’alors pour éviter de trop grands écarts, ne fait plus l’objet de négociations depuis 2012 ! Ce n’est pourtant pas faute de relance de la part des syndicats.
Nous avons alerté, relancé le patronat, le préfet, mais rien ne s’est passé. Nous n’avons aucune réponse depuis 2012, alors que les employeurs en général s’attaquent dans le même temps à la prime d’ancienneté de manière totalement arbitraire. Je m’explique : le contrat était qu’une fois les différentes conventions collectives transposées pour tout ou partie sur le sol mahorais, on pourrait revoir les primes d’ancienneté. Encore une fois, il n’y a eu aucune avancée, seulement des régressions. C’est une volonté manifeste de beaucoup d’employeurs – pas tous car il y en a qui suivent les évolutions – de maintenir les salariés mahorais dans la précarité. Le blocage auquel on arrive aujourd’hui est aussi de la responsabilité des pouvoirs publics. Et principalement de la Dieccte, qui ne joue plus son rôle depuis un certain temps et qui a complètement démissionné sur le plan du dialogue social. Le peu de médiation qu’elle fait semblant d’organiser n’est que du vent. Nous leur avons par exemple demandé que nos demandes d’application des conventions collectives soient transmises au niveau national mais force est de constater que rien n’a été transmis. La demande était pourtant simple : il s’agissait qu’à chaque négociation annuelle à laquelle participe un représentant du ministère du Travail, la question desdites conventions soit à l’ordre du jour. Cela aurait pu permettre de négocier localement sur ces sujets mais aucune information n’a été transmise. Et ça, on le sait de source sûre, de l’intérieur même de l’administration. Concernant d’éventuels médiateurs sur un dossier comme celui de GBH, ils ne pourront de toute façon pas aller au-delà des instructions de la direction de leur administration. Et si cette dernière ne veut pas que les choses avancent, on reste bloqué. Il y en a eu, des directeurs qui allaient dans le bon sens, qui donnaient les bonnes informations et éclairaient notamment le préfet sur la situation sociale dans le secteur privé. Mais aujourd’hui ce n’est plus le cas et forcément, les pouvoirs publics se retrouvent bloqués. Il y a une véritable carence sur le dialogue social, imputable à la Dieccte, et il faut le reconnaître pour réparer cela sinon nous n’avancerons pas. Mayotte Hebdo : Il y aurait, selon-vous, une véritable volonté de freiner le mouvement vers l’égalité des droits sur le territoire ?
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Salim Nahouda : Je ne peux plus lire cela que comme une véritable volonté de freiner. Car si la Dieccte était dans le bon mouvement, on aurait eu des communications de sa part pour nous indiquer la marche à suivre qu’elle prône, des invitations de la directrice ou des recommandations du préfet illustrant que les informations lui avaient bien été transmises et qui permettraient d’engager sereinement des négociations. J’ai vu par le passé le préfet lui-même convoquer les deux parties en cas de blocage. Il y avait à cette époque une vraie médiation. Et un affichage des évolutions auxquelles la grande majorité des acteurs souscrivait. On arrivait à des sorties de conflit. Et je peux vous dire qu’on en a connu des conflits durs ! Depuis 2001 et mon arrivée à la tête de la CGT, j’en ai vus… En 2007 nous avions signé un accord pour l’évolution du salaire minimum sous l’égide de Michel Taillefer [ancien président du Medef Mayotte, ndlr] à qui je rends hommage et qui faisait du bon boulot pour l’évolution sociale à Mayotte. Depuis 2012 et son départ, les choses ont commencé à dégringoler. Il y a des blocages systématiques que l’administration ne fait pas l’effort de lever. Mayotte Hebdo : On a pourtant récemment vu le préfet jouer les conciliateurs sur des dossiers brûlants ; celui du Sdis et celui des transporteurs scolaires. Sur ce dernier, on est même allé jusqu’à l’application d’une convention collective nationale… Salim Nahouda : Attention sur ce dossier à ne pas se faire leurrer ! Il s’agissait juste d’un élément de la convention collective mais certainement pas la convention en tant que telle et tous les droits sociaux qu’elle implique. Il s’agit principalement du transfert des salariés, c’est une bonne nouvelle pour eux mais cela ne signifie pas qu’une convention collective est appliquée à Mayotte. Cela veut cependant dire une chose : si le préfet et les services de la Dieccte ont pu organiser la transposition d’un élément d’une convention collective nationale, cela montre qu’ils ont la possibilité, quand ils le veulent, de faire appliquer ces conventions et donc de faire évoluer les droits sociaux. Rappelons que dans ce dossier, le Medef était du côté des salariés... Il faut pour bien comprendre et regarder de près certains sujets. Prenons l’exemple de l'activité partielle. Un décret est paru, couvrant tout le territoire national, sans prévoir de spécificité et fixant le minimum horaire d’un salarié au chômage partiel à 8,03 euros. Pourtant, on se retrouve ici avec un taux de 7,05 € prévu nulle part. Que la Dieccte de Mayotte fasse une demande de dérogation pour que le taux soit rabaissé à Mayotte, c’est une volonté franche de maintenir la discrimination. Discrimination à laquelle la Dieccte a accédé sous la pression de certains employeurs. Nous ne pouvons pas accepter cela !
Mayotte Hebdo : Selon vous il y a donc une discrimination, qui plus est volontairement maintenue, à l’échelle du département ? Que faire alors des promesses de rattrapage social souvent énoncées par le gouvernement ? Salim Nahouda : C’est une évidence ! Il n’y a qu’à Mayotte, par exemple, que l’on peut trouver un Smic dérogatoire. D’ailleurs, nous réfléchissons actuellement au niveau du syndicat à saisir le Conseil d’État là-dessus. Pourquoi continuellement discriminer Mayotte ? À cela s’ajoutent des dizaines de conventions collectives qui s’appliquent uniformément, même dans les Outre-mer, sauf à Mayotte. Concernant l’argument du rattrapage au fur et à mesure ? C’est une chanson pour nous endormir puisque l’on voit bien qu’il n’y a pas d’évolution depuis des années. Rien n’évolue plus. Au contraire, les pressions des employeurs montent et le pouvoir d’achat ne fait que baisser alors même que l’objectif de l’application du code du Travail était d’aller vers le droit commun et gommer les inégalités. Pendant ce temps, tout reste dérogatoire. Au détriment des salariés. Mayotte Hebdo : Le sujet semble souvent relégué au second plan des préoccupations des pouvoirs publics mais aussi de la population, quand l’insécurité et l’immigration cristallisent toutes les attentions. Y a-til toutefois une certaine prise de conscience que la mobilisation du 17 était censée illustrer ? Salim Nahouda : La mobilisation de ce jeudi est révélatrice de la capacité à mobiliser au niveau des avancées sociales. Mais il y a aussi un véritable problème sociétal, on ne peut l’exclure. On est très inquiet par rapport à cette insécurité, insupportable et toujours grandissante. Et l’on prend position là-dessus, car c’est aussi notre rôle : nous devons défendre les salariés, tout le temps, jusqu’à la retraite. La sécurité c’est aussi le droit des travailleurs. Il est donc de notre devoir d’interpeller. En revanche, cela n’implique pas de reléguer au second plan le volet social. À aucun moment nous ne pouvons nous permettre de faire cela, même si certains ne veulent pas l’entendre. Car demander l’égalité sociale doit aussi être une de nos priorités. Il faut que l’égalité républicaine s’applique à Mayotte. Chaque mois nous organisons des réunions avec les représentants des salariés et l’on voit bien qu’il y a une prise de conscience concernant les différents blocages et discriminations. Concernant la mobilisation du 17, il s’agissait d’une alerte. Si on nous prend au sérieux et que l’on engage des négociations en respectant les travailleurs, nous nous engagerons bien évidemment là-dedans. S’il n’y a en revanche pas de réaction, nous n’excluons pas d’aller vers un conflit dur qui pourrait durer comme on a déjà pu en connaître sur l’île. Et cela sera de la seule responsabilité des organisations patronales et de l’État qui auraient maintenu le blocage. n
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Propos recueillis par Solène Peillard
ENTRETIEN ANTOINE TAVA
"LES GRÉVISTES AVANCENT SANS STRATÉGIE" DEPUIS DÉSORMAIS DIX SEMAINES, LA CGT EST SUR TOUS LES FRONTS. MAIS QUID DES AUTRES ORGANISATIONS SYNDICALES ? DÉLÉGUÉ CFDT ET CADRE CHEZ GBH (EX-BDM) ANTOINE TAVA ESTIME QUE LA SIENNE A ÉTÉ ÉCARTÉE DU MOUVEMENT QU'IL JUGE AVOIR ÉTÉ ORGANISÉ TROP TÔT APRÈS LE RACHAT DE BDM PAR GBH. SE FAISANT DÉFENSEUR DE LA DIRECTION, IL ESTIME QUE LA SITUATION FINANCIÈRE ACTUELLE DES ENSEIGNES EST ENCORE TROP INCERTAINE POUR QUE LES GRÉVISTES OBTIENNENT GAIN DE CAUSE. TOUT EN RAPPELANT QUE LE NOUVEAU PROPRIÉTAIRE RÉALISE UN CHIFFRE D’AFFAIRES DE TROIS MILLIARDS D’EUROS PAR AN… Mayotte Hebdo : La mobilisation lancée par la CGT a commencé il y a dix semaines. Pourquoi la CFDT n'y a encore jamais pris part ? Antoine Tava : La CGT ne nous a simplement pas mis au courant, ils ont voulu faire cavalier seul. Donc je n'ai pas demandé à mes militants de faire quoi que ce soit, cela dit, je ne leur ai pas demandé pour autant de ne pas participer à cette grève. Mais même s'ils nous avaient sollicités, je ne sais pas si on aurait répondu favorablement car pour moi le contexte n'était pas du tout bon pour mener une grève. Je m'explique : on a un nouveau repreneur, GBH, à qui BDM n'a encore rien rapporté à ce jour. Donc il est difficile de demander de l'argent supplémentaire aussi tôt… Je pense qu'il aurait fallu faire un audit au préalable pour vérifier la situation financière. Il aurait fallu que l'on discute avec le repreneur des choses qui nous manquent, de celles à mettre en place tout de suite ou plus tard [cette demande aurait été faite et serait restée lettre morte
selon la CGT, ndlr] et n'engager un rapport de force qu’à ce moment-là, que s'il y avait eu un blocage. Là, on n'a pas laissé le dialogue s'installer et la CGT a préféré partir directement à l'affront. Il faut faire des demandes réalistes, chiffrées et connaître le contexte avant. Par exemple, à La Réunion, l'achat par GBH a été conditionné par la vente de quatre magasins. Finalement, GBH en a cédé deux de plus apprès audit et vérification des inventaires, parce qu'ils se sont aperçus qu'ils étaient dans une situation financière catastrophique. À Mayotte, ça n'a pas encore été fait. Alors il ne s'agit pas de faire rêver les salariés mais de demander ce qui est possible, et moi je n'ai jamais vu aucune entreprise privée accorder 150 euros d'augmentation à 550 salariés… Stratégiquement parlant, je crois que la CGT a fait une grosse erreur. Nous comprenons toutes leurs revendications, leur combat, mais en dix semaines, rien n'a évolué. Il y a plus d'espace pour régler un conflit dans le dialogue que dans la confrontation.
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Mayotte Hebdo : Difficile d'instaurer un dialogue alors que la direction refuse de négocier avec les grévistes, qu'elle accuse de violences et de dégradations… Antoine Tava : Le dialogue n'a jamais été fermé ! Et cet été, les négociations annuelles obligatoires s'étaient très bien passées. La direction a répondu à quasiment 100% de nos revendications au cours des négociations. La CGT a demandé qu'on accorde un tout dernier point, à savoir l'attribution de trois jours fériés supplémentaires qui n'étaient pas chômés. Si la direction répondait favorablement, l'accord était signé. On nous a demandé un délai de réflexion. C'était le mercredi 15 juillet, le lendemain, des rumeurs courraient déjà à propos d'un mouvement qui allait débuter dès le lundi suivant, et ce sans même laisser à la direction le temps de répondre… J'ai d'abord cru à une blague, mais ensuite il y a eu une tournée des magasins pour appeler les collègues à la grève. Le directeur de Jumbo et moi-même n'avons pas compris. D'autant plus que la direction envisageait de proposer un jour de congé supplémentaire si un accord était trouvé. Et je tiens aussi à rappeler qu'au cours des dernières années, nous avons obtenue une mutuelle, la réévaluation des bons d'achats du Ramadan à hauteur de 210 euros, des augmentations de salaires, des primes, etc. Dernièrement, il était question de rattraper le salaire des femmes et finalement, dix d'entre elles ont récemment vu leurs carrières évoluer vers de plus hautes responsabilités. Mayotte Hebdo : Dans ce cas, pourquoi l'augmentation des salaires est-elle devenue une revendication centrale ? Antoine Tava : Ils estiment avoir perdu 148 euros sur leurs salaires lorsque nous avons basculé sous le régime des 35 heures, ce qui est archi faux, du moins chez BDM ! En 2018, lorsque le code du Travail a été étendu à Mayotte, on est passés de 39h à 36h sans aucun changement sur les salaires, ce qui constitue une augmentation. Il est aussi dit que la grille salariale a été refaite sur la base des 36h pour que les nouveaux arrivants dans l'entreprise débutent à partir du Smic. Mais on oublie de dire que quasiment personne ne touche ce salaire chez nous, et le salaire le plus bas est déjà au-dessus du Smic, à l'exception des CDD de remplacement d'une semaine à un mois. Sur la grille qui circule sur Internet, on veut nous faire croire que leurs homologues réunionnais touchent 1 539 euros chaque mois. Là encore, c'est archi faux puisque c'est du brut. Quand on convertit en net, on arrive quasiment à la même chose à Mayotte où les charges sociales sont plus faibles. Le problème, c'est qu'en voulant défendre les employés et les salaires, on est en train de mettre l'entreprise en péril alors qu'elle est déjà suffisamment fragilisée parce que nous avons vécu pendant le confinement. Je vois les chiffres tous
les jours, et à l'heure actuelle, la direction ne peut tout simplement pas accorder aux grévistes tout ce qu'ils demandent. Mayotte Hebdo : Que peut-elle alors leur accorder en l'état ? Antoine Tava : Honnêtement, on est très mal et BDM pourrait même fermer, c'est une décision qui risque sérieusement d'arriver. Nous sommes restés ouverts pendant le confinement mais les rayons étaient quasiment vides puisque Mayotte dépend à presque 100% de l'importation, et il n'y avait plus de fret à ce moment-là. On n'a pas fait de chiffres d'affaire pendant cette période contrairement à ce que certains prétendent. On n'avait quasiment pas de conteneurs, pas de marchandises. C'est faux de croire qu'on s'est goinfrés pendant la crise sanitaire ! Ça peut être vrai pour les territoires auto-suffisants, mais là les produits dits dates courtes, qui arrivent par voie aérienne, n'ont pas pu être acheminés puisque les vols étaient dans un premier temps exclusivement réservés au fret médical. Alors malheureusement, non, nous n'avons pas eu de bons résultats durant cette période. Désormais, nos entrepôts sont bloqués, on a des containeurs qui arrivent tous les jours au port mais qu'on ne peut pas sortir, donc on paye des frais puisqu'ils sont gardés à Longoni. C'est 80 à 150 euros par containeurs et par jour. On a déjà une dette colossale au niveau du port, pendant que les magasins sont vides et qu'on ne vend rien. Alors, est-ce qu'on doit mettre les salariés au chômage technique, est-ce qu'on doit fermer le magasin ? Ces questions, je sais que la direction se les pose. Si on ferme, GBH s'en remettra, Mayotte peut-être pas. Pour eux, fermer leurs enseignes à Mayotte, c'est pas grand-chose au vu de tout ce qu'ils ont racheté, à Anjouan, à Madagascar, à Maurice, à La Réunion. GBH, avant l'achat de Vindémia, faisait trois milliards de chiffre d'affaires dans le monde, donc acheter tout Vindémia pour 219 millions, ça ne coute presque rien pour eux. Par contre à Mayotte, une fermeture pourrait nous coûter très cher, puisque BDM est un gros client de beaucoup d'entreprises, comme Mayco dont nous réalisons la moitié du chiffre d'affaires. Si on ferme, est-ce que Mayco va garder ses salariés, ses camions ? On est le plus gros client de Tilt aussi. Finalement, c'est pas 550 salariés qui risquent de se retrouver à la rue, mais beaucoup plus. Concernant la convention collective, les syndicats ne suffiront jamais à eux seuls à faire plier une entreprise. Ça fait un an que nous sommes en discussion avec la Dieccte pour voir comment on peut mettre en place les conventions à Mayotte. Pourquoi, alors, la CGT s'entête à mener ce combat au sein de l'entreprise, et qui aujourd'hui est susceptible de mener au licenciement de certaines personnes qui ont commis des entraves, des dégradations de matériel ? Cette grève n'a pas été préparée, et les grévistes avancent aujourd'hui sans stratégie. C'est pour ça que la situation est bloquée. n
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DOSSIER
Raïnat Aliloiffa
ANALYSE
LE STATUT TRÈS PARTICULIER DES TRAVAILLEURS DU SECTEUR PRIVÉ À MAYOTTE ON ENTEND SOUVENT DIRE QUE LES TRAVAILLEURS DU SECTEUR PRIVÉ À MAYOTTE SONT DÉFAVORISÉS SI ON LES COMPARE À CEUX DU RESTE DU TERRITOIRE NATIONAL. EN EFFET, PLUSIEURS AVANTAGES SOCIAUX ET SALARIAUX NE LEUR SONT PAS ATTRIBUÉS, ET CELA ENGENDRE DES GRÈVES INCESSANTES. PRESQU’AUCUN SECTEUR DU PRIVÉ N’EST PAS ÉPARGNÉ PAR UNE GROGNE DÉNONÇANT LE CARACTÈRE DISCRIMINATOIRE DU RÉGIME MAHORAIS, ALORS, CONCRÈTEMENT, DE QUELLES MANIÈRES SE CARACTÉRISENT CES INÉGALITÉS ? EXPLICATIONS. Pour les syndicats de Mayotte le combat est toujours le même depuis des dizaines d’années. Ils veulent que les salariés de l’île bénéficient des mêmes droits que ceux de l’hexagone et des autres territoires de l’Outre-mer. Et le chemin est encore long. “ Le Medef et la Dieccte voudraient qu’on ait des accords locaux mais nous nous sommes rendus compte qu’en faisant cela nous sommes écartés lors des mises à jour nationales. Maintenant on veut éviter d’avoir des spécificités ”, explique Antoine Tava secrétaire général adjoint de la CFDT Mayotte. “ Cette différenciation est avantageuse pour les entreprises. Elles ne veulent pas s’aligner sur les modèles natio-
naux parce qu’elles se font beaucoup de marges avec le système actuel ”, ajoute, El Anzize Hamidou, secrétaire général d’UD-FO. Code de la sécurité sociale, conventions collectives nationales, code du travail, SMIC, retraite, tous ces aspects qui régulent le monde du travail posent problème chez nous. Certaines garanties sociales sont tout bonnement inexistantes quand presque toutes les autres ont des spécificités. “ En 2012, les agents de la Caisse de sécurité sociale ont réussi à avoir les mêmes droits que leurs collègues du territoire national en obtenant l’application de la convention collective nationale mais ils se sont battus pendant 20 ans pour y
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arriver ”, rappelle El Anzize Hamidou. Le groupe Total a également été contraint d’appliquer la convention collective nationale, car il n’a pas de concurrents sur l’île. Récemment, les transporteurs scolaires ont obtenu gain de cause en signant l’application de la convention collective nationale, même si elle n’est effective qu’en partie. Les autres domaines se battent encore mais selon les différents syndicats, le Medef serait opposé à cette uniformisation. Sa présidente, Carla Baltus s’en défend en expliquant que le patronat comprend ces revendications, mais qu’il ne faut pas précipiter les choses. “ On échange souvent avec les partenaires sociaux parce qu’on a aussi cette volonté d’aller vers une convergence. Mais ils souhaitent que ça soit plus rapide, alors que nous prônons la progressivité parce que
nous pensons à la santé financière des entreprises. Si on applique immédiatement les conventions collectives nationales, combien d’entreprises vont supporter cette hausse de charge qui peut être de l’ordre de 50% ? On comprend les droits des salariés mais on leur demande aussi de comprendre les difficultés ”, a-t-elle indiqué sur les ondes de Mayotte la 1ère. De leur côté, les syndicats ne comprennent pas cette volonté, répétée depuis trop longtemps à leur goût, d’aller progressivement. Et demandent au gouvernement de prendre la main afin d’obliger tous les secteurs à s’aligner sur les modèles nationaux. “ Sinon à quoi bon avoir départementalisé Mayotte si ensuite on lui refuse les mêmes droits que les autres ? Nous voulons une République une et indivisible. Nous ne voulons plus être écartés ”, clame le secrétaire général d’UD-FO. n
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DOSSIER
LES CONVENTIONS COLLECTIVES NATIONALES
L’application des conventions collectives nationales est une revendication qui revient régulièrement lors des conflits entre une entreprise et ses salariés. Pourtant, à en croire Antoine Tava, demander leur mise en vigueur n’est pas une bonne stratégie. “ L’application des conventions peut apaiser les tensions mais ce n’est pas le plus important. Le plus important reste le code de la sécurité sociale qui va gérer tout cela. La plupart des garanties des conventions collectives sont régies par le code de la sécurité sociale. ” Or, si ce dernier n’existe pas sur l’île, ces conventions seraient comme des coquilles vides. De plus, aucune entreprise n’est prête à se porter volontaire pour être la seule à appliquer une convention alors que ses concurrents du même secteur ne le font pas. “ Par exemple le groupe Bourbon distribution Mayotte ne va pas le faire alors que Sodifram ou Somaco ne le font pas. Ce n’est que le code de la sécurité sociale qui peut obliger toutes les entreprises à s’aligner ”, précise Antoine Tava.
LE CODE DU TRAVAIL Jusqu’au 1er janvier 2018, le code du travail national n’était pas en vigueur dans le 101ème département de France. Depuis cette date, il existe un code du travail spécifique à Mayotte, mais il n’est pas encore parachevé. “ Il reste encore des instances à mettre en place comme la CPRI (commission paritaire régionale interprofessionnelle) qui n’a toujours pas vu le jour alors qu’elle permet d’arbitrer les TPE (Très petites entreprises) ”, explique Antoine Tava. Avant ce code du travail, le statut d’auto entrepreneur, notamment, n’existait pas à Mayotte jusqu’au mois de mai 2020, où il a été mis en place.
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LE SMIC Le Smic brut de Mayotte est différent du Smic brut de l’hexagone. Au 1er janvier 2020, sur l’île, il s’élève à 7,66€ brut par heure, contre 10,15€ à l’échelle nationale y compris dans les DOM et certaines collectivités d’Outre-mer. Une différence de presque 360€ mensuel sur la base de la durée légale de travail de 35 heures par semaine. Cet écart passe à 150€ par mois lorsque le SMIC est converti en net car le taux de charges salariales des travailleurs n’est que de 8% chez nous contre 22% partout en France. “ Tant qu’on n’aura pas le taux de cotisation égal à celui du national on aura toujours un SMIC différent ”, souligne le secrétaire général adjoint de la CFDT Mayotte. Il s’agit en réalité d’un cercle vicieux. Les salariés mahorais ont un Smic plus bas car le taux de cotisation est plus bas. Mais ce taux de cotisation est en dessous du national car le Smic de l’île est en dessous. Cette différence pose un autre problème puisque de nombreuses indemnisations s’appuient sur le Smic brut à l’image du chômage partiel. Les sommes perçues par les travailleurs de l’île sont par conséquent inférieures à celles des autres.
LA RETRAITE La retraite fait également partie des exceptions mahoraises. Le plafonnement du taux de cotisation à la caisse de retraite en serait la cause. Résultat, les pensions sont en moyenne de 500 euros sur l’île, contre 1472 euros bruts au niveau national. Pourtant, tous les syndicats s’accordent à dire que les salariés du privé sont prêts à débourser plus pour préparer leur avenir. “ Dans le privé, les employeurs prétendent que les agents vivront mal cette augmentation de cotisation car cela aura un impact sur leur pouvoir d’achat. Ce qui est faux car lorsque les agents du secteur public ont été alignés sur le système national de retraite, ils ont compris et accepté ”, rappelle Ousseni Balahachi, secrétaire général de la CFDT Mayotte. Les retraites très basses seraient le fruit d’une mauvaise volonté et d’une mauvaise stratégie de la part du patronat, selon Antoine Tava. “ Le Medef ne voit pas sur le long terme et c’est très dangereux parce que beaucoup d’agents qui sont en âge de partir à la retraite ne le font pas parce qu’ils vont recevoir une retraite qui ne leur permettra même pas de payer leurs loyers. ” Un employeur peut obliger un salarié à partir à la retraite uniquement à partir de 70 ans. Pendant ce temps, le chômage des jeunes ne cesse d’augmenter puisque les places ne se libèrent pas pour eux.
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DOSSIER
Constance Daire
REPORTAGE
MOBILISATION DU 17 SEPTEMBRE : LE GRAND SOIR ATTENDRA L’APPEL DES SYNDICATS À LA MOBILISATION MASSIVE A TROUVÉ UN ÉCHO RELATIVEMENT FAIBLE CHEZ LES SALARIÉS DU PUBLIC ET DU PRIVÉ. ALORS MÊME QUE LE MOUVEMENT NATIONAL ÉTAIT L’OCCASION DE PORTER DES REVENDICATIONS SPÉCIFIQUES ET JUSTIFIÉES QUANT AU DROIT DU TRAVAIL À MAYOTTE. Clac ! Au son du déclencheur, les visages réjouis se tournent vers la caméra. Ça prend la pause, ça tire sur son drapeau rouge ou orange, ça alpague les camarades. “Viens, une photo pour le patron !”, rigole une bande de syndicalistes, avant de reprendre tranquillement sa marche autour du rond-point de la barge. L’ambiance est plutôt bon enfant mais derrière les blagues et les tapes dans le dos, les revendications sont sérieuses. “Il faut qu’on montre qu’on est là, qu’on ne lâche rien”, poursuit plus calmement Moussa*, un chauffeur de poids lourd qui défile derrière les bannières de la CGT. Coïncidence cocasse, le petit cortège passe alors pour la troisième fois devant le panneau publicitaire Stop Insectes : “On leur en fait voir de toutes les couleurs !” En guise de couleurs, la manifestation du jour est certes plutôt servie, les bandeaux oranges de la CFDT flottant aux côtés des nuances rouges de la CGT et de Force Ouvrière. Une fois n’est pas coutume, les uns et les autres battaient
le pavé ensemble, à l’appel de l’intersyndicale départementale (UD-FO, UI-CFDT, CGTMa et CFE-CGC) qui avait invité ce jeudi 17 septembre “tous les travailleurs de Mayotte à une journée de grève pour revendiquer l’égalité républicaine”. Un mouvement national qui était en effet l’occasion à Mayotte de porter des revendications locales, notamment sur l’alignement du code du Travail. “Disons tous non à ce système discriminatoire en nous mobilisant massivement pour des manifestations et grève générale interprofessionnelle”, écrivait ainsi le communiqué de l’intersyndicale.
UN SMIC TOUJOURS TROP BAS Malheureusement, la mayonnaise n’aura pas pris. Du moins pas autant que les syndicats ne pouvaient l’espérer. Le “gros des troupes”, arrivé sur les coups de 9h place de la République, n’a pas excédé la centaine de personnes qui a d’abord écouté les discours des représentants syndicaux, avant d’entamer une marche vers le conseil dépar-
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temental puis la préfecture. Principale revendication du jour : la convergence du SMIC net sur celui de la métropole. En effet, malgré l’application du code national du travail à Mayotte depuis le 1er janvier 2018, qui prévoyait notamment le passage du SMIG au SMIC, et une durée de travail hebdomadaire de 39 à 35 heures, le niveau du salaire minimum de croissance à Mayotte reste très en deçà du reste de la population : augmenté d’1,2% en janvier dernier à l’image du reste du pays, il n’atteint toujours que 7,56 euros bruts de l’heure contre 10,15 euros au national. Soit un montant de 1.161,77 euros brut mensuels pour un contrat aux 35h, contre 1.539,42 euros en France métropolitaine. Et avec le passage aux 35 heures, l’intersyndicale dénonce en plus une perte de 148 euros pour les salariés de Mayotte qui “ont toujours travaillé 39h”.
LES MÊMES DROITS QUE TOUT LE MONDE Un constat que tous les salariés présents ce jour partagent. “Avant, je bossais à La Réunion. Je suis revenu ici et j’ai dû perdre presque 300 euros !”, grogne Ibrahim*, syndiqué à la CGT-Ma. “On travaille dans une société de distribution
qui est aussi implantée à La Réunion. Là-bas, ils gagnent 10 euros de l’heure et nous seulement 7,56 euros, ce n’est pas normal”, témoignent quant à eux Ahmed et Ali. Même son de cloche chez leur homologue de la CFDT, agente de vente dans une entreprise d’audiovisuel. “En tant que Française, je ne comprends pas pourquoi en métropole ils ont un certain salaire et ici nous avons autre chose. Nous devons avoir les mêmes droits que tout le monde”, abonde la jeune femme, qui espère aussi pouvoir progresser dans sa carrière. Une évolution difficile quand tout est “centralisé à La Réunion”. “Là où je suis, je peux rester agente de vente jusqu’à ma retraite…”, souffle-t-elle à l’ombre du marché couvert. C’est là que les plus vaillants attendent encore les représentants syndicaux, reçus à la préfecture dans la matinée pour faire entendre ces revendications. Il est bientôt midi, et ils ne sont déjà guère plus d’une cinquantaine. Mais ceux qui sont là ne se découragent pas. “Je suis la seule à être venue, je crois que mes collègues ont un peu peur. Mais moi je n’ai pas peur, c’est mon droit”, assure cette salariée du privé. Avant de lâcher, avec un petit haussement d’épaules : “Qui ne tente rien n’a rien ! ” n
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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayottehebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Grégoire Mérot
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Couverture :
Marche ou grève
Journalistes Romain Guille Solène Peillard Raïnat Aliloiffa Constance Daire Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mohamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com