LE MOT DE LA RÉDACTION
L’AUTRE C’EST MOI “ Ca n’arrive qu’aux autres ”, pourrait-t-on croire. Qu’aux drogués, qu’aux prostitués, qu’aux homosexuels, qu’aux étrangers. Pourtant, en 2019, le monde comptait 38 millions de personnes vivant avec le VIH, selon le Sidaction. Parmi elles, 1,8 millions d’enfants et 1,7 millions de personnes nouvellement infectées. Bien loin devant l’objectif de 500 000 nouveaux cas fixé pour 2020 par le programme commun des Nations unies, l’ONUSIDA. Mais derrière les chiffres, demeurent les hommes. D’un côté, ceux qui se battent contre un virus qu’aujourd’hui encore, la médecine ne sait pas éradiquer. De l’autre, ceux qui œuvrent pour une démocratisation du dépistage pour tous. Entre les deux, des hommes, des femmes qui, sans le savoir, portent en eux le VIH. Mais parmi nous, combien préféreront ne jamais l’apprendre plutôt sentir leur vie leur échapper ? Après tout, ça n’arrive qu’aux autres. À l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre dernier, ces “ autres ” racontent. Bonne lecture à toutes et à tous !
TOUTE L’ACTUALITÉ DE MAYOTTE AU QUOTIDIEN
Lu par près de 20.000 personnes chaque semaine (enquête Ipsos juillet 2009), ce quotidien vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre également un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.
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FI n°3839 Lundi 7 mars 2016 St Félicie
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FI n°3822 Jeudi 11 février 2016 Ste Héloïse
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FI n°3818 Vendredi 5 février 2016 Ste Agathe
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Port de Longoni
ConSeil départeMental
Quel accueil se prépare pour la présiDente Du Fn ?
Le Lagon au patrimoine mondiaL de L'unesCo ?
la dsP sur la sEllEttE
pas de changement sUr l’octroi de mer
© Jonny CHADULI
Grève à Panima
TéléThon 2016
Des propositions mais toujours pas D'issue
DemanDez le programme
première parution : juillet 1999 - siret 02406197000018 - édition somapresse - n° Cppap : 0921 y 93207 - dir. publication : Laurent Canavate - red. chef : Gauthier dupraz - http://flash-infos.somapresse.com
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FI n°3997 mercredi 30 novembre 2016 St André
© CR: Gauthier Bouchet
Diffusé du lundi au vendredi, Flash Infos a été créé en 1999 et s’est depuis hissé au rang de 1er quotidien de l’île.
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Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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Edmond BéBé nous a quitté
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MCG VS SMart
ViCe-reCtorat
UltimatUm oU véritable main tendUe ?
l’institUtion répond aUx critiqUes
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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TCHAKS LA PHRASE LE CHIFFRE 10 millions d’€ L’enveloppe est lourde, tant le projet est ambitieux. Feyçoil Mouhoussone, à la tête d’Etic Services, a annoncé avoir rassemblé 10 millions d’euros pour la construction du premier data center de l’île. Le ITH Datacentre, dont les contrats de financement ont été signés fin novembre, devrait permettre aux porteurs de projet d’héberger leurs données en toute sécurité, des datas dont l’acheminement et le stockage dépendant aujourd'hui en grande partie des trois câbles sous-marins, souvent déployés à des kilomètres de l’île. Un projet inédit, novateur et structurant, dans un département où le Covid-19 a rappelé l’étendue de la fracture numérique. Date de mise en service prévue : début 2022.
“Nous ne faisons pas le métier de magistrat pour être aimé ” C’est officiel. Le 1er décembre, Yann Le Bris a pris ses fonctions de nouveau procureur de la République, au tribunal judiciaire à Kawéni, en présence des représentants des institutions de Mayotte, et du préfet Jean-François Colombet. À cette occasion, le nouveau “Monsieur Justice” du département a tenu à couper court aux critiques, dont son prédécesseur Camille Miansioni, a fait les frais quelques mois plus tôt, une partie de la population jugeant la réponse pénale insuffisante face à l'insécurité : “Nous ne faisons pas le métier de magistrat pour être aimé mais pour donner une réponse à une situation de non-respect de la loi”, a rectifié Yann Le Bris. “Si la population est satisfaite de mon action, j’en serais ravi mais l’important reste de faire fonctionner au mieux cette juridiction. Je pense qu’il faut surtout que je fasse preuve d’humilité et que je rencontre ceux qui travaillent et tâchent d’apporter des réponses au quotidien. Tout ce que je peux dire aujourd’hui, c’est que je suis là pour apporter ma pierre à l’édifice.”
L'ACTION Le Collectif des citoyens menace de poursuivre le Smeam en justice Ils dénoncent “le braquage du siècle”. Le Collectif des citoyens de Mayotte vient de dévoiler son intention de porter plainte contre le syndicat mixte de l’eau et de l’assainissement, le Smeam, “pour que l’on respecte notre droit fondamental à l’eau”, selon les mots d’Estelle Youssouffa, porte-parole du collectif. En cause : les dizaines de millions d’euros de trésorerie manquante pour régler les factures du syndicat, sa baisse de productivité en dépit d’une hausse de la masse salariale et des dépenses jugées excessives, à l’image des 63 000 euros déboursés en une seule année pour 117 abonnements téléphoniques, comme pointé du doigt par la chambre régionale des comptes sous l’ancienne présidence. Ainsi, le collectif a dores et déjà embauché un cabinet d’avocats afin de “demander les justificatifs administratifs et légaux des opérations et dépenses du Smeam comme la loi nous y autorise”. Parmi les documents mentionnés, le contrat de progrès signé deux ans plus tôt avec l’État, les délibérations relatives aux voitures de fonction et aux déplacements hors Mayotte notamment.
IL FAIT L’ACTU Valéry Giscard d’Estaing s’est éteint Son mandat a été marqué, entre 1974 et 1981, par la dépénalisation de l’avortement, l’abaissement de la majorité à 18 ans, et, notamment, le référendum sur l’indépendance de celles qui formaient alors les quatre îles des Comores. Valéry Giscard d’Estaing, 20ème président de la République, est décédé mardi dernier, à l’âge de 94 ans, des suites du Covid-19, dans sa propriété du Loir-etCher et “entouré des siens”, a annoncé sa famille. Depuis la mi-novembre, “VGE” était hospitalisé à Tours pour “une insuffisance cardiaque”, deux mois après avoir contracté “une légère infection” pulmonaire. “Je m’incline devant son parcours hors du commun, devant le symbole qu’il incarna, d’une modernité assumée, parfois qualifiée de triomphante”, a salué le président du conseil départemental. Pour mémoire, le 22 décembre 1974, les habitants de l'archipel étaient consultés pour déterminer si oui ou non, ils souhaitaient s’émanciper de la France. Mayotte avait alors été la seule à voter contre l’indépendance. Mais grâce à un amendement adopté un mois plus tôt, le décompte des résultats s’était opéré île par île, coûtant à Valéry Giscard d’Estaing les foudres de certaines figures politiques locales.
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LU DANS LA PRESSE
Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale
UN RÉSEAU DE PÉDOPHILES FRANÇAIS DÉMANTELÉ À MADAGASCAR Par Laurent Decloitre, correspondant à La Réunion, pour Libération
Seize ressortissants étrangers, la plupart de nationalité française, sont recherchés par la police de Tuléar, dans le sud-ouest du pays. Ils sont soupçonnés d’avoir abusé de filles de 8 à 14 ans. Derrière les baobabs majestueux et sous le sable doré des plages du village de Mangily à Madagascar, ou dans le centre-ville encombré de Tuléar, 20 km plus au sud, sévissent des sexagénaires pervers. Plusieurs sont des retraités venus s’installer dans l’ancien protectorat français, où une partie de la population parle encore la langue de Voltaire. Certains se marient avec des Malgaches de trente ans plus jeunes et «vivent comme des rois» avec 1 000 euros de retraite dans ce pays parmi les plus pauvres au monde. Une partie d’entre eux traque les très jeunes filles, «de préférence vierges», pour les déflorer. Ravaka (1) en a fait la triste expérience. La fillette de 10 ans mendiait dans la rue avec deux copines lorsqu’un vazaha («un blanc») leur a donné des biscuits et promis de l’argent si elles le suivaient dans un hôtel. «A minuit, il est revenu de boîte de nuit et nous a forcées les unes après les autres. J’avais mal, je gémissais, il m’a donné de la pommade», raconte Ravaka, le regard éteint. Le prédateur leur a donné l’équivalent de 7 euros. Elle vivait dans la rue, abandonnée par ses parents, elle n’a eu d’autre choix que de recommencer : «A chaque fois, avec des vazahas, pour m’acheter à manger et des sandales.» «Des blocages» à tous les niveaux institutionnels Madagascar est un spot international de tourisme sexuel, fréquenté par des Français, dont des Réunionnais (à une heure et demie de vol), et des Européens. Depuis la pandémie de Covid, la pauvreté s’est encore accentuée dans le sud de la Grande Ile et la prostitution enfantine a explosé. Des associations humanitaires, lassées de constater «des blocages» à tous les niveaux institutionnels, ont décidé d’unir leurs efforts au sein d’une plateforme civile de protection de l’enfance, créée en mai. «Depuis, nous avons reçu les témoignages de 237 cas», comptabilise Haingo Randrianasolo, présidente de la plateforme et salariée de l’ONG Bel Avenir, très impliquée dans ce combat et qui scolarise, héberge ou nourrit près de 5 000 enfants par an. Nivo (1), une ancienne prostituée dont les trois sœurs et la mère sont décédées, a été recrutée pour dépister les pédocriminels et aider à les surprendre en flagrant
délit. «Je sors le soir et la nuit, je connais tous les coins. Je me cache, je regarde les hommes discuter avec les filles et quand ils montent dans la chambre, j’appelle la direction», raconte timidement Nivo qui a commencé à vendre son corps à l’âge de 12 ans. La plateforme aide même la police, complètement démunie, en guidant les forces de l’ordre sur les lieux et en participant aux filatures… La méthode a porté ses fruits. Le 19 novembre, seize ressortissants étrangers, dont une majorité de nationalité française, ont fait l’objet d’un mandat d’amener délivré par le juge d’instruction. Quatre personnes ont été interpellées et incarcérées. Les autres pédocriminels supposés sont activement recherchés, l’un d’entre eux serait actuellement à la Réunion. «Notre action met à mal une microéconomie» L’affaire fait grand bruit à Madagascar. La première dame du pays, l’épouse du président Andry Rajoelina, va recevoir la semaine prochaine les représentants de la plateforme. Le vice-président de l’Assemblée nationale a évoqué une nouvelle loi pour durcir les peines encourues. En attendant, à Tuléar, les associations font face à la pression des femmes malgaches des suspects, qui leur reprochent d’avoir porté plainte. «Notre action met à mal une microéconomie», soupire Stéphane Hamouis, membre de la direction exécutive de Bel Avenir. La plupart des parents n’empêchent pas leur fillette de se prostituer, «car elle leur rapporte un peu d’argent», renchérit Haingo Randrianasolo. Sans oublier les revenus des hôtels, des boîtes de nuit, et parfois des autorités à qui des pédophiles auraient pu proposer des dessous-de-table. En août, un ressortissant suisse a été pris en flagrant délit, mais remis en liberté dès le lendemain. Il a fallu des menaces de médiatisation pour interpeller à nouveau l’individu. Un pédocriminel français, condamné lui à cinq ans de prison ferme, a pu obtenir en appel sa remise en liberté «pour raisons médicales». Mais cette fois, prévient la plateforme, qui s’est adjoint les services d’un avocat, «nous irons au bout des procédures». Mercredi matin, le juge d’instruction a reçu le témoignage de six mineures, sur les dix-neuf concernées par les derniers cas de pédophilie. Les jeunes filles sont désormais prises en charge par Bel Avenir, où elles apprennent la couture. Même si elle se dit «détruite», Ravaka se sent «enfin en sécurité» et espère démarrer une nouvelle vie. (1) Les prénoms ont été modifiés.
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DOSSIER
Solène Peillard
VIH
UNE GOUTTE SUFFIT Tout le monde connaît son nom, mais personne ne veut vraiment en entendre parler. La semaine dernière, le 1er décembre célébrait comme chaque année la journée mondiale de lutte contre le VIH. À Mayotte et ailleurs, l'évènement a d'abord rappelé l'importance du dépistage, qui peine encore à s'imposer comme un réflexe pour tous. Pourtant, sans lui, impossible d'enrayer une épidémie qui sévit dans le monde depuis le début des années 80. Sans lui, impossible d'accompagner les patients vers les traitements adéquats. Sans lui, impossible de rendre la charge virale indétectable, qui permet à un séropositif de ne plus être contaminant, même en cas de rapport sexuel non protégé. Car si le VIH est une affaire intime, personnelle, il est surtout l'affaire de tous.
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DOSSIER
ENTRETIEN : MONCEF MOUHOUDOIRE, DIRECTEUR DE L’ASSOCIATION NARIKE M’SADA
“IL Y A UN SOUS DÉPISTAGE DU VIH À MAYOTTE”
À CHAQUE 1ER DÉCEMBRE, JOURNÉE MONDIALE DE LUTTE CONTRE LE SIDA, IL TIRE LA SONNETTE D’ALARME À MAYOTTE. SELON MONCEF MOUHOUDOIRE, DIRECTEUR DE L’ASSOCIATION DE PRÉVENTION NARIKÉ M’SADA, LE DÉPISTAGE DU VIH N’EST PAS ENCORE UN RÉFLEXE SUR LÎLE. POURTANT, IL EST À CE JOUR LE SEUL MOYEN D’ENRAYER L’ÉPIDÉMIE ET D’ENGAGER UNE PRISE EN CHARGE MÉDICALE, QUI PEUT PERMETTRE DE RENDRE UN SÉROPOSITIF NON CONTAMINANT. MAIS PLUSIEURS FREINS SUBSISTENT.
Mayotte Hebdo : Comment avez-vous vu évoluer la lutte contre le Sida à Mayotte et où en sommes-nous aujourd’hui ? Moncef Mouhoudoire : Ce que l’on peut dire, c’est qu’en 2020, 340 personnes séropositives étaient suivies dans la file active du CHM, dont 47 nouveaux cas depuis le début de l’année. C’est un peu moins que l’année passée, puisqu’on avait enregistré 52 nouveaux cas, mais
DES DÉPISTAGES RAPIDES, GRATUITS ET ANONYMES Des dépistages de toutes les infections sexuellement transmissibles gratuits et anonymes – donc ouverts à tous les publics – sont proposés au CHM. Nariké M’Sada propose également des dépistages rapides, également gratuits et anonymes, du VIH uniquement, dans ses locaux à Cavani. Ils peuvent être réalisés sans rendez-vous les lundis et mercredis (de 14h à 17h) et les samedis de 9h à 12h. Il est également possible de prendre rendez-vous en dehors de ces créneaux au 0269 62 69 73. Enfin, il est toujours possible de se faire dépister au laboratoire privé, avec une ordonnance.
je pense que cela s’explique surtout par une baisse du nombre de dépistages du fait du confinement. Pour les autres années, Nariké M’Sada a réalisé près de 300 dépistages rapides en 2019, contre 200 en 2018, année où nous avons commencé à le pratiquer. La population est de plus en plus sensible à ces messages-là, notamment sur l’utilisation du préservatif. Avant, lorsqu’on faisait des distributions gratuites, les gens ne voulaient pas en prendre, en nous disant qu’ils n’en avaient pas besoin, ou alors, “Inchallah”. Aujourd’hui on remarque que de plus en plus de personnes acceptent les préservatifs qu’on leur tend, et cela nous montre que les choses bougent. Mais ça ne veut pas dire pour autant que tout va bien à Mayotte. Mayotte Hebdo : Quels sont le plus gros freins que vous rencontrez en matière de prévention ? Moncef Mouhoudoire : Il y a véritablement un sous-dépistage à Mayotte et c’est ça, pour nous le plus gros frein. Ici comme
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partout, il y a des gens qui sont encore dans le déni, qui préfèrent ne pas savoir parce qu’ils ont peur de découvrir qu’ils sont malades. Mais il y aussi une particularité qui fait que la prévention et le dépistage ne sont pas au premier rang des préoccupations d’une partie de la population. Certaines personnes se lèvent tous les jours en se demandant comment elles vont nourrir leur famille ou gagner leur vie, alors elles ont évidemment autre chose à penser que le dépistage… Puis il y a la contrainte des transports. Tout le monde ne peut pas payer un taxi pour traverser l’île pour aller se faire dépister. Donc je pense que tout ça cumulé peut freiner certaines personnes, et c’est pour cela que nous sous seront bientôt dotés d’un bus de dépistages qui fera le tour de l’île, et qui ne proposera pas que des tests du VIH, pour que les personnes qui y entrent n’aient pas peur d’être vues par leurs voisins. Il y a surtout beaucoup d’hommes qui sont en attente de tests. Le dépistage est systématiquement proposé à une femme enceinte au cours de sa grossesse et du coup, le partenaire estime souvent qu’il n’a pas besoin de le faire de son côté. C’est un vrai réflexe à prendre, car se faire dépister est le seul moyen de savoir si on a besoin d’une prise en charge médicale, et d’un traitement. Or, une personne sous traitement peut voir sa charge virale devenir indétectable, et donc ne plus être contaminante. On ne devrait donc pas avoir peur du dépistage, des résultats, mais des rapports sexuels à risque. Il faut faire changer la peur de camp ! Avant, le VIH faisait peur parce qu’on ne savait pas ce que c’était, ni comment le traiter. Maintenant, on sait le contrôler, on sait comment faire pour qu’une personne séropositive ne soit plus contaminante. Dans un couple, ce n’est pas parce que l’un est séropositif que l’autre est condamné à l’avoir ou que le couple n’a plus d’avenir. Il existe des couples séroconcordants (où les deux partenaires sont porteurs du VIH, ndlr) et qui vivent leur sexualité tout à fait normalement, et qui ont des enfants, à Mayotte y compris. Donc il n’y a plus aucune raison d’avoir peur et il faut aller se faire dépister après chaque prise de risque. Sans dépistage, même le meilleur infectiologue ou scientifique du monde ne peut pas diagnostiquer la présence du VIH : lorsqu’il atteint le stade de Sida, il détruit le système immunitaire, et le corps ne se défend plus face à aucune maladie, et d’autres virus viennent se greffer. Il n’y a donc pas de symptômes du Sida à proprement parlé, mais une multitude de symptômes liés à toutes ces maladies que le corps ne combat plus. D’où l’importance du dépistage. Mayotte Hebdo : Le dépistage est l’une des priorités d’un dispositif international, rejoint par Mayotte,
pour mettre un terme à l’épidémie de Sida au cours des prochaines années. Une stratégie qui vise notamment à ce que 90% des personnes dépistées aient accès à un traitement. Où en est la prise en charge médicale sur le territoire ? Moncef Mouhoudoire : Là dessus, on est au même niveau que le territoire national et sur ce point, je dis un immense bravo au CHM ! Il y a une bonne prise en charge aujourd’hui, il y a des infectiologues et une petite équipe dédiés à la prise en charge des séropositifs et c’est une très bonne chose. Dans le contexte de turn-over que connaît Mayotte, de désert médical, cette équipe existe depuis plusieurs années et cela permet de stabiliser la prise en charge, ce qui n’était pas le cas avant... Il y a quelque temps, personne n’était spécifiquement dédié à cette tâche. Là aussi, ça montre que l’on avance. Les personnes vivant avec le VIH à Mayotte ont accès aux meilleurs traitements qui soient, ce sont les mêmes qu’à Paris. Ils sont remboursés par la Sécurité sociale, quel que soit le statut administratif et d’assuré social des patients. À partir du moment où quelqu’un est dépisté séropositif et pris en charge par le CHM, il n’y a rien à payer, et c’est quelque chose de très
UN BUS DE DÉPISTAGES BIENTÔT SUR LES ROUTES “Un programme de santé publique au service de la population de Mayotte”. D’ici avril 2021, Nariké M’Sada et ses partenaires, dont les laboratoires et le CHM, devraient mettre en service le “Bus prévention santé”. Ce centre de dépistage mobile tout équipé sillonnera toute l’île et permettra ainsi de faire reculer les inégalités liées aux déplacements et à l’éloignement des structures compétentes, le plus souvent situées à Mamoudzou. Le personnel médical à bord mènera ainsi des opérations de prévention et sensibilisation auprès d’un public le plus large possible. “Les dépistages proposés seront gratuits, anonymes et ouverts à tous, il n’y aura aucun profil prioritaire”, commente Moncef Mouhoudoire, directeur de Nariké M’Sada. Par soucis de discrétion et de lutte contre la stigmatisation, le bus ne sera pas floqué aux couleurs de la lutte contre le Sida. Il sera possible d’y réaliser d’autres dépistages, comme celui du diabète ou du cancer infantile.
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important puisqu’il faut parfois compter entre 500 et 1 000 euros pour un seul mois de traitement. Et pour les non assurés sociaux, c’est le CHM qui paye la facture. Mayotte Hebdo : Avec la crise sanitaire, le Covid-19 est passé au premier plan en matière de santé publique. Comment cela a-t-il impacté la lutte contre le VIH ? Moncef Mouhoudoire : La prise en charge reste perfectible et nous l’avons bien vu pendant le confinement. Une personne séropositive est obligée de faire des consultations et des analyses régulièrement, surtout pour les nouveaux séropositifs sur qui l’efficacité du traitement doit être testée tous les mois, car une combinaison n’a pas toujours les mêmes effets d’une personne à l’autre. Mais ces prises de sanglà doivent être envoyées à La Réunion car le CHM n’est pas encore équipé du compteur nécessaire, bien que cela soit en projet. Or, pendant le confinement, le pont aérien a été suspendu, donc on ne pouvait plus envoyer ces analyses à La Réunion... Heureusement, les premiers vols ont été mis en place rapidement, et rapidement, l’ARS a affrété un avion pour ça. Mais si
ça n’avait pas été possible, des personnes qui auraient galéré à trouver un moyen de venir, à payer le taxi jusqu’au CHM, auraient dû attendre d’avoir les résultats pour pouvoir prendre rendez-vous avec leur médecin. Il y a des gens qui galèrent suffisamment, on a pas besoin de leur faire faire des trajets inutiles. Le Covid a aussi accentué les problèmes liés à la prise en charge sociale, à la qualité de vie de ces personnes, particulièrement de celles en proie au chômage, à la précarité. Il y a des gens qui dorment régulièrement avec le ventre vide, et ça dans le cadre du VIH, ça a un impact médical. Les traitements sont lourds, là, on ne parle pas de Dafalgan. Alors les médecins doivent parfois les interrompre chez certains patients pour cause de ventre vide, car sinon ils sont susceptibles de provoquer d’autres complications. Mais si on arrête le traitement, la charge virale redevient détectable, donc la personne redevient contaminante… Avec le Covid, ces situations là se sont aggravées parce que toutes les personnes qui se débrouillaient à
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droite à gauche pour se nourrir n’avaient plus le droit de sortir… Ça a été une mise à l’épreuve. Mayotte Hebdo : À la peur du dépistage, s’ajoute aussi celle d’être stigmatisé. D’autant plus sur un territoire où la sexualité est entourée de tabous et que souvent, le Sida est associé, dans l’imaginaire collectif, à des mœurs légères...
monde dès qu’il y a un risque, sans regarder ni le statut social, ni l’orientation sexuelle. Et la file active de Mayotte le prouve bien : on y retrouve toutes les nationalités, toutes les religions. 62% des personnes positives sont des femmes dépistées à l’occasion de leur grossesse, donc on est loin des clichés que l’on pourrait imaginer. n
Moncef Mouhoudoire : Je crois en effet que l’un des plus grands dangers à Mayotte, c’est la stigmatisation, surtout sur un petit territoire comme le nôtre. Aujourd’hui, parler de séropositivité, c’est délicat. Il n’y a qu’à voir avec le Covid, certaines personnes ont été mises à la porte de chez elles parce qu’elles allaient se faire dépister, pendant qu’on entendait une partie de la population dire qu’il fallait isoler les malades sur des îlots... Mayotte n’est aujourd’hui pas calibrée pour prendre en charge socialement quelqu’un qui vient d’être mis à la porte de chez lui parce qu’il a le Sida, alors que ce sont des situations qui peuvent exister. Chez Nariké M’Sada, nous rencontrons des gens qui ont envie de parler de leur séropositivité à leur entourage, et nous sommes parfois obligés de les mettre en garde sur les répercussions que ça peut avoir sur leur vie sociale. Une personne qui a un boulot par exemple risquerait de perdre son emploi si sa maladie venait à se savoir... Le Sida n’est pas une question de mœurs légères, c’est même, malheureusement, le virus le plus démocratique qui soit. Il peut s’inviter chez tout le
UNE STRATÉGIE INTERNATIONALE POUR METTRE FIN À L’ÉPIDÉMIE La pandémie de Covid-19 aura aussi marqué la lutte contre le VIH. À tel point que les trois objectifs internationaux à atteindre d’ici fin 2020, comme fixés par l’Onu, ne seront pas atteints. Ceux-ci reposaient sur une stratégie simple, la formule 90-90-90 : que 90% des personnes contaminées connaissent leur statut sérologique ; que 90% d’entre elles soient sous traitement et que parmi celles-ci, 90% aient une charge virale indétectable, et ne soient donc plus contaminantes. Des objectifs qu’avaient réussi à dépasser certains pays d’Afrique subsaharienne notamment, comme le Botswana ou le Swaziland. De nouveaux objectifs ont été établis pour 2025 par l’Onusida, qui estime entre 123 000 et 293 000 le nombre de nouvelles infections entre 2020 et 2022 et de 69 000 à 148 000 décès à travers le monde sur la même période. La priorité devrait ainsi être donnée aux personnes les plus à risque et les plus marginalisées. Le 30 novembre 2018, sous l'impulsion de Nariké M’Sada, les 17 communes et trois communautés de communes de de l'île signaient la déclaration de Mayotte, inspirée de celle de Paris, afin d’améliorer les politiques publiques de prévention et la prise en charge médicale des personnes séropositives. Moins d’un an plus tard, le vice-président du conseil départemental, Issa Issa Abdou, signait la déclaration de Paris, faisant de Mayotte le seul département d’outre-mer où toutes les municipalités ont décidé d’adopter la stratégie internationale 90-90-90. Mamoudzou et Dembéni avaient été les plus réactives en organisant de vastes campagnes d’affichage pour sensibiliser la population au dépistage. Une initiative que Nariké M’Sada appelle les autres maires à imiter : “Si chaque commune ne faisait ne serait-ce qu’une seule affiche, on pourrait couvrir tout le territoire et à moindre coût”, souligne Moncef Mouhoudoire.
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PORTRAIT
“LE SIDA, ÇA NE POUVAIT PAS TOMBER SUR MOI”
AUJOURD’HUI ÂGÉE D’UNE CINQUANTAINE D’ANNÉES, ASMA*, MÈRE DE TROIS ENFANTS, A DÉCOUVERT SA SÉROPOSITIVITÉ ALORS QU’ELLE N’AVAIT PAS 25 ANS. ELLE EST DEVENUE, DE FAIT, L’UN DES PREMIERS PATIENTS ATTEINTS DU VIH À MAYOTTE. POUR ELLE, LA MALADIE ÉTAIT RÉSERVÉE AUX PERSONNES AUX MŒURS QUE NOMBREUX DÉSIGNERAIENT COMME LÉGÈRES. MAIS SA PREMIÈRE PRISE DE RISQUE A ÉTÉ CELLE DE TROP. ELLE RACONTE.
De son histoire, Asma* n’en livrera que les grandes lignes. Cette mère de famille a été dépistée séropositive 25 ans plus tôt et pourtant, aujourd’hui encore, elle tait sa maladie à la plupart de ses proches. “Pour moi, le VIH, ça n’arrivait qu’aux gens qui faisaient des bêtises”, souffle-t-elle. “J’étais vierge avant de rencontrer mon mari et je ne me suis jamais droguée. Ça ne pouvait pas tomber sur moi, je n’avais même pas eu le temps de goûter tout ce que la vie avait à me donner…” À l’aube de sa vingtaine et au lendemain de son mariage et de son premier accouchement, un médecin conseille vivement à Asma de se faire dépister du VIH. En cause : son mari, malade, et évacué à La Réunion pour y suivre une batterie de tests sérologiques, vient de découvrir sa séropositivité. Pourtant, l’examen de la jeune mère, lui, s’avère être négatif. “On m’a conseillé de me refaire dépister quelques mois plus tard”, se souvient-elle. Finalement, la réponse tombe comme un couperet : elle n’a pas 25 ans, et Asma découvre qu’elle est porteuse du VIH.
S’HABITUER À VIVRE AVEC LE VIH “J’étais tellement choquée d’apprendre la nouvelle que les mois qui ont suivi, j’ai refait plusieurs tests en changeant mon prénom pour vérifier les résultats. Je n’arrivais pas à accepter la nouvelle.” Pourtant, sa prise en charge médicale s’organise immédiatement. “J’ai été suivie par un médecin du CHM de Mamoudzou dès le début, j’ai été bien accompagnée”, reconnaît la désormais quinquagénaire. Les premiers mois sont, pour elle, les plus difficiles à passer. Plusieurs traitements successifs lui sont prescrits, afin de déterminer celui qui se révèle être le plus efficace sur son organisme. “J’ai dû prendre beaucoup de comprimés par jour, parfois jusqu’à six ou huit avant de me coucher.” Asma perd le sommeil, l’appétit. Mais si elle ne s’alimente pas correctement, son médecin peut lui demander d’interrompre son traitement. Alors pas question d’abandonner. Et ses efforts payent. “Aujourd’hui, on a trouvé ce
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qui fonctionne sur moi, je n’ai plus de symptômes et j’ai même l’impression de vivre normalement.”, sourit-elle. Petit à petit, la vie d’Asma reprend son cours. Elle et son conjoint décident même d’avoir un deuxième enfant, puis un troisième. “Mes grossesses ont été très suivies, mes enfants ont été dépistés et nous savons qu’ils vont bien, ils n’ont pas le VIH.” Aujourd’hui, une prise en charge dès la grossesse permet de réduire considérablement le risque de transmission de la mère à l’enfant : en France, moins de 1% des enfants nés de parents séropositifs sont porteurs du virus. À condition que celui-ci soit dépisté à temps chez celui et celle qui lui donneront la vie. “Mais depuis, je n’ai pas eu d’autres enfants, parce que la peur est toujours là”, reprend Asma, dont la charge virale n’est, à ce jour, pas devenue indétectable. “J’ai espoir qu’un jour ça soit le cas, ça peut toujours arriver. Mais moi, je ne me sens plus malade.”
À quelques exceptions près. Les premières années qui ont suivies son dépistage, la jeune femme garde le silence. Parce que nombreux, encore, sont les clichés qui entourent le VIH et les personnes qui vivent avec. Au bout de dix ans, elle “craque”, lorsque son père, gravement malade, menace de mourir. “J’ai porté ce fardeau pendant trop longtemps, je n’arrivais plus à le porter.” Elle le met dans la confidence, puis en parle à sa sœur. Et les premières réactions ne se font pas attendre. “On m’a dit que je mentais, on m’a demandé de montrer des tests, des ordonnances à mon nom pour prouver que c’était vrai. Personne ne comprenait que ça puisse tomber sur moi.” Finalement, la nouvelle fait son chemin dans l’entourage d’Asma. Bien que nombre de ses amis et membres de sa famille ignorent encore qu’elle est l’un des premiers cas de séropositivité à travers l’île. n * Le prénom a été modifié.
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REPORTAGE
J’AI TESTÉ POUR VOUS LE “DÉPISTAGE MINUTE” DU VIH MOI NON PLUS, JE N’AIME PAS LES AIGUILLES, LES PIQÛRES, LES PRISES DE SANG. MOI AUSSI, JE TROUVE TOUJOURS MIEUX À FAIRE QU’UN DÉPISTAGE, PAR MANQUE DE TEMPS OU EXCÈS DE FLEMME. ET PUIS, UN DÉPISTAGE INDUIT LE RISQUE DE SE DÉCOUVRIR POSITIF. MAIS IL EST LE MOYEN LE PLUS EFFICACE DE SE PRÉMUNIR D’UNE MALADIE, QUELLE QU’ELLE SOIT. DANS LE CADRE DU VIH, LES TRAITEMENTS MÉDICAUX PEUVENT RÉDUIRE LA CHARGE VIRALE À UN SEUIL INDÉTECTABLE. DANS CE CAS, LA OU LE PORTEUR DU VIRUS NE PEUT PLUS LE TRANSMETTRE À UN TIERS, PAR AUCUN MOYEN. MAIS ENCORE FAUT-IL QUE LA MALADIE SOIT DÉCELÉE. ALORS IL Y A QUELQUES JOURS, J’AI DÉLAISSÉ LA TRADITIONNELLE PRISE DE SANG POUR ESSAYER LE TEST RAPIDE D’ORIENTATION DIAGNOSTIQUE, SORTE DE “DÉPISTAGE MINUTE”. ET JE N’AI MÊME PAS SENTI L’AIGUILLE. “Un moment désagréable à passer”, me suisje dit. Mardi après-midi, je suis allée me faire dépister. D’une part, pour honorer mon devoir journalistique, et de l’autre, “parce qu’on ne sait jamais”. Dans les locaux de l’association Nariké M’sada, à Cavani, pas de (trop) grands cotons-tiges destinés
à aller gratter des fonds de narines, pas plus que de (trop) longues seringues aux aiguilles interminables. Pour la première fois de ma vie, je teste le dépistage rapide du VIH. Avec la méthode classique - la prise de sang -, les résultats sont généralement communiqués au bout de plusieurs jours
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d’attente, voire des semaines. Aujourd’hui, l’entretien préalable, le prélèvement sanguin et la lecture de l’analyse ne prendront pas plus de dix minutes. En suivant vers une pièce isolée la jeune femme chargée de me “piquer”, je n’ai alors pas la moindre idée de ce qu’elle s’apprête à me faire. "Ça fait mal ?” “Pas vraiment”, me répond-elle dans un sourire rassurant. “Enfin ça dépend de la sensibilité de chacun, de votre peau et de la fluidité de votre sang.” Nous entrons dans la petite pièce, nous asseyons de part et d'autre du bureau. Elle sort quelques feuilles et m’explique que les résultats du test ne sont fiables que si celui-ci est effectué au moins trois mois après une éventuelle prise de risque, comme un rapport sexuel non protégé ou une consommation de stupéfiants en intraveineuse. “Maintenant, je vais devoir vous poser quelques questions… intimes. Vous avez tout à fait le droit de ne pas répondre si vous n’êtes pas à l’aise. Dans ce cas, dites-moi simplement que vous préférez passer.”
PRÉVENTION ET BIENVEILLANCE Première étape : le consentement. “Je dois vous demander si vous venez de votre propre gré ou si quelqu’un ou quelque chose vous a contraint à réaliser ce test”. Dans mon cas, rien d’autre que l’envie d’en connaître le résultat. En quelques minutes, la personne en face de moi me demande mon lieu de naissance - et ne note que la mention “métropole”-, mon âge ; s’il s’agit de mon
premier dépistage ou à quand, approximativement, remonte le dernier ; si j’ai eu plus de deux partenaires sexuels au cours de l’année écoulée et si, dans la même temporalité, mes rapports étaient systématiquement protégés ; si j’ai déjà eu un rapport homosexuel ; si je me suis déjà injecté de la drogue en intraveineuse et si j’ai déjà eu des rapports sexuels en échange de “quelque chose”, comme de l’argent. L’objectif de ce bref interrogatoire ? Me conseiller et me sensibiliser en cas d'éventuelles conduites ou situations à risque. Car en plus d’être anonyme, la démarche est aussi bienveillante. Enfin, place à la pratique. Elle ouvre un tiroir et en sort plusieurs boîtes, avant d’enfiler une paire de gants stériles. “Je vais utiliser ce petit boîtier - sorte de petit cube en plastique de moins de dix centimètres de long, à usage unique évidemment - pour piquer votre doigt.” Elle me montre ensuite une encore plus petite pipette, elle aussi à usage unique : “Là, nous allons la remplir avec votre sang, et ça sera fini”. Je tourne la tête vers la fenêtre à ma gauche pour éviter d’avoir à regarder la jeune femme manipuler et désinfecter mon index posé sur le bureau, indiquant que la piqûre n’allait plus tarder. “Vous avez déjà eu à annoncer à quelqu’un qu’il était séropositif ?”, j’interroge pour tromper ma peur des aiguilles, avant de réaliser que j’aurais pu trouver meilleur sujet de discussion pour me rassurer. “C’est toujours très difficile, et les réactions sont toutes différentes. Certaines personnes restent muettes, d’autres se mettent
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à pleurer. Une fois, quelqu'un a même jeté des chaises contre le mur. La première pensée des gens dans ces cas-là, c’est que leur vie est foutue en l’air, qu’ils ne pourront jamais avoir d’enfant ou même de vie sexuelle, alors qu’une personne qui prend correctement son traitement peut ne jamais transmettre le virus. Et c’est ce que l’on explique aux personnes positives. On est aussi là pour les accompagner dans la prise en charge et l’accès aux soins.”
“BEAUCOUP DE PERSONNE PRÉFÈRENT NE PAS SE FAIRE TESTER PLUTÔT QUE DE DÉCOUVRIR QU’ELLES SONT SÉROPOSITIVES” Alors je me demande, moi, comment je réagirais, si dans quelques minutes, j’apprenais que j’avais le VIH. Je n’ai même pas le temps d’y penser que déjà j’entends : “Voilà, c’est fini !”. Je tourne la tête, surprise de ne pas avoir senti ne serait-ce que l’once d’un picotement, vers mon doigt, en haut duquel perle une goutte de sang. “Maintenant, on a juste à en faire couler un peu.” Quelques massages plus tard, pour fluidifier ma circulation, la pipette est déjà remplie. Elle la verse dans un petit récipient de plastique, y ajoute différents réactifs qui disparaissent dans un tamis. “Un premier point va apparaître pour indiquer
si le dispositif est bien fonctionnel. Puis, si ça ne bouge plus, c’est que le test est négatif. S’il y a un second point, par contre…” Je retiens mon souffle, et dix secondes plus tard, je suis fixée. “Il ne reste plus qu’à remplir cette fiche qui concerne les résultats du test, et je vous la remettrai.” Là, elle me demande ma date de naissance, et mon prénom “ou celui de quelqu’un d’autre”. Le but n'est pas d'en savoir davantage sur mon identité, “puisqu’on ne retrouve personne avec juste une date de naissance et un prénom”, me préciset-elle, “c’est simplement pour connaître votre genre et votre âge pour nos statistiques.” Je récupère le document, retire le bout de coton de mon doigt, dont le sang a cessé de couler. “Plus de personnes viendraient se faire dépisrter si elles savaient que c'était aussi simple", dis-je naïvement, et toujours surprise de n’avoir rien senti. En quittant la pièce, la jeune femme me répond :”Vous savez, l’une des raisons qui font que les gens ne se font pas dépister, c’est qu’ils ont peur du résultat. Beaucoup de personnes préfèrent ne pas se faire tester plutôt que de découvrir qu’elles sont séropositives.” n
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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayottehebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédactrice en chef Solène Peillard
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Couverture :
VIH Une goutte suffit
Journalistes Romain Guille Raïnat Aliloiffa Constance Daire Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mohamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com