LE MOT DE LA RÉDACTION
TU SERAS UNE MÈRE, MA FILLE Nul à Mayotte n’ignore l’importance de la tradition. Parmi ses lois séculaires, les schémas familiaux suivent une logique particulière. Après le mariage vient l’enfant, et avec lui, le nom, la réputation se perpétuent. Un feu que sont tenus d’entretenir tous les membres de la lignée. Alors, le sujet de la sexualité ou de la contraception est passé sous silence : évoquer le préservatif, la pilule ou l’avortement est assurément, pour certains parents, une façon d’encourager son enfant à débuter sa sexualité prématurément – soit avant le manzaraka. Mais plus Mayotte s’ouvre au monde, plus ses enfants découvrent une société occidentalisée, où le poids des traditions ne l’emportent pas sur celui des libertés. Jeunesse se fait, dans l’omerta domestique qui entoure la sexualité. Alors parfois, jeunesse se trompe, par ignorance. Et celles qui n’étaient que des enfants découvrent un beau jour qu’elles en portent un. Puis, lorsque les breuvages du fundi du village s’avèrent inefficaces pour interrompre la grossesse, elles n’ont plus d’autres choix que d’affronter le regard de leurs proches. Ceux-là même qui, souvent, ne les ont pas mises en garde à temps. Comme avant eux, l’avaient fait leurs parents.
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Solène Peillard
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TCHAKS L'ACTION
Un groupe LGBTQ+A créé au CUFR C’est un grand pas pour l’inclusion. Le pôle réussite du centre universitaire de formation et de recherche de Dembéni vient de créer un groupe LGBTQ+A, un sigle représentant les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queers ainsi que les hétérosexuels dits alliés. Ce groupe aura pour mission de permettre aux étudiants d’assumer librement leur orientation sexuelle dans un espace de discussion et de soutien dédié, et de lutter ainsi contre l’isolement et la discrimination afin que chacun se sente libre, quelle que soit son orientation. Les personnes intéressées peuvent contacter le numéro What’sApp suivant : 0639 28 71 01.
LE CHIFFRE 82
C’est le nombre d’hospitalisations liées au Covid-19 enregistrées dans la semaine du 24 au 30 janvier, un record depuis le début de l’épidémie à Mayotte. Dans le détail, 71 personnes ont été admises en médecine générale et 11 en réanimation. Dans le même temps, tous les autres voyants, eux aussi à la hausse, confirment que le territoire est en train de faire face à sa deuxième vague : avec 404 cas positifs pour 100 000 habitants, le taux de positivité atteint 16,9%. Des chiffres toutefois à lier avec une campagne de dépistage d’une ampleur inédite, puisque 6 932 tests ont été réalisés sur la semaine, là encore, du jamais vu. Depuis le début de la crise sanitaire, Mayotte a connu 9 003 contaminations au 30 janvier, pour 61 décès. Mardi, le président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani, s’est fait vacciner sous le feu des projecteurs, espérant que les personnes âgées de plus de 65 ans ou à haut risque suivent son exemple.
LA PHRASE
“Ce n’est pas un problème de laxisme ou de loi, c’est un problème de manque structurel de moyens” Dans les colonnes du Journal de Mayotte, le sénateur Thani Mohamed Soilihi (LREM) est revenu sur le projet de réforme de la justice pénale des mineurs. Pour le parlementaire mahorais, le texte qui devrait entrer en vigueur en septembre prochain permettra de rendre la justice pénale des mineurs plus efficace et plus rapide, en accélérant notamment les délais de convocation par le juge, tout en conservant un équilibre entre l’éducatif et le répressif. Le sénateur Thani a également profité de l’occasion pour réitérer son appel à la création d’un centre éducatif fermé, “indispensable pour le territoire”. Et d’ajouter : “S’il n’y a pas plus de juges des enfants, s’il n’y a pas plus d’éducateurs ou de structures d’accueil, cette réforme ne fera pas changer les choses [à Mayotte]”.
ELLE FAIT L’ACTU Rozette Yssouf signe un ouvrage autour des violences conjugales Comment se servir d’un vécu difficile pour en faire une force ? C’est la question que se pose la psychologue Rozette Yssouf dans son ouvrage “Femmes victimes de violences conjugales : quel cadre thérapeutique pour favoriser le processus de résilience”. En effet la résilience, terme propre à la psychologie, consiste justement à sublimer les traumatismes du passé pour reconstruire sa vie sur de nouvelles bases, plus saines. Pour ses recherches, Rozette Yssouf s’est basée sur les témoignages de femmes victimes de violences conjugales venues trouver refuge au sein de l’association Femmes Solid’Air, dont les principales missions sont l’accueil, l’écoute et l’accompagnement des femmes victimes de ces violences, qu’elles soient physiques, psychologiques, verbales ou économiques. Des témoignages à retrouver aux éditions Edilivre.
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LU DANS LA PRESSE
Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale
MAYOTTE, UNE SOUVERAINETÉ FORMELLE ? L’ÉDITO DE LUC LAVENTURE Publié dans Outremers 360, par Jean-Tenahe Faatau
Ouf ! L’hexagone a échappé pour le moment à un confinement redouté. En Outre-mer, des mesures drastiques ont été mises en place pour tenter d’éviter toute propagation des variants du Covid. Du coup, les territoires des Outre-mer se retrouvent dans une situation compliquée voire dramatique : au moment où une reprise de l’activité touristique commençait à s’amorcer, la mise en place de “ septaine ” ajoutée à une obligation de déplacement aux “ motifs impérieux ” a provoqué une avalanche d’annulations. Même la Polynésie qui faisait exception avec le tourisme dans les motifs impérieux, doit désormais faire face à cette règle. La situation la plus angoissante est Mayotte où sur le plan sanitaire les flux sont tendus. La crise sanitaire touche toute la région. Aussi, malgré la suspension des vols internationaux et le renforcement du contrôle des frontières par la préfecture de Mayotte, rien ne semble arrêter les candidats à l’immigration irrégulière, qui sont toujours plus nombreux et qui veulent gagner Mayotte, par tous les moyens. À la crise s’ajoute une autre crise : un climat de violence de plus en plus meurtrier, qui semble échapper à tout contrôle. Depuis plus d’une semaine, des jeunes créent la panique sur un territoire qui semble déserté par les forces de l’ordre. La semaine dernière, stupéfaction, effarement, effroi général : 3 morts en 3 jours en Petite Terre…un territoire de 11 km2 !!! Surtout quand on connaît le nombre de fonctionnaires de police et de militaires se trouvant sur le territoire en question (Centre d’écoute militaire des Badamiers, composante du réseau Frenchelon, détachement de la Légion étrangère, Gendarmie, Gendarmerie maritime, PAF, base navale) ! L’adoption du statut de départementalisation dont on devrait fêter les 10 ans cette année et l’arrivée d’Emmanuel Macron à la présidence de la République avaient suscité quelques espoirs. Espoirs fondés sur le côté transgressif d’un jeune président qui semble vouloir affirmer la totalité de l’Histoire de France. Une Histoire qu’il semble vouloir écrire avec tous ceux qui l’ont construite. Il avait affirmé cette logique lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie, en traçant et surlignant l’axe Indo-Pacifique. À Mayotte, la classe politique trépigne : les appels au secours répétés et angoissés des élus mahorais illustrent
cruellement ce sentiment de détresse. Attention également à ne pas frustrer ces jeunes qui, au cours des dernières années, sont partis faire des études dans l’Hexagone, mais aussi dans les pays anglo-saxons où ils se sont familiarisés avec l’économie. Ces jeunes sont revenus à Mayotte avec l’espoir et surtout la volonté de casser les vieux codes : “ l’économie aux Mzungus (blancs, ndlr), la politique aux Mahorais ”. Toute cette jeunesse veut, exige d’occuper la totalité de l’espace politique, mais également économique sans chasse réservée. Toute cette génération, il faut y faire attention ! Elle a faim et a soif de participer à toute la vie de l’ensemble de leur territoire. Problème sanitaire aigu et problème sécuritaire extrême qui masquent en réalité une vraie guerre souterraine de territoires. La République doit y mettre le holà ! Comme il l’a fait pour la Nouvelle-Calédonie en allant discuter avec les acteurs du Territoire, comme il l’a fait à la Martinique notamment dans le Nord Caraïbe, le Ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu sera attentif à l’opportunité qui sera offerte cette semaine avec la réunion bipartite Comores-France entre le ministre JeanYves Le Drian et son homologue. Dans cet esprit, il a prévu d’associer les élus mahorais en amont de cette réunion pour tenir compte de leur proposition et pour porter leurs revendications dans ce dossier. Cette réunion dite, Conférence de Haut Niveau se tiendra le 8 février entre le Ministre des Affaires Étrangères Jean Yves Le Drian et son homologue comorien. Espérons que les sujets régaliens ne seront pas esquivés et que le Ministère des Affaires Étrangères aura à cœur de défendre vraiment la souveraineté de la France à Mayotte, tous les droits de Mayotte, autrement dit la souveraineté française. D’autant que l’on assiste maintenant à une véritable unanimité des responsables politiques sur le fait qu’il faille assumer le statut de Mayotte française dans la région. Une évolution d’autant plus remarquée qu’il y a quelques années certains fonctionnaires caressaient l’idée d’un projet d’une communauté d’archipels qui visaient à réintroduire Mayotte au sein des Comores. C’est pourquoi le 8 février les choses doivent être dites et que, de part et d’autre du côté comorien comme du côté français, on accepte enfin une vraie coopération bilatérale dans ce “ package ”, l’acceptation sincère d’une coopération à la lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte.
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DOSSIER
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FILLES MÈRE FILLES-MÈRES
D’ENFANTS À PARENTS
Aux caisses du supermarché, ou riant à gorge déployée dans la rue, bras dessus, bras dessous avec sa bande de copines. Qui à Mayotte n’a jamais rencontré, ne serait-ce qu’une fois, une jeune fille enceinte et pensé : “ elle semble si jeune ”. En 2019, 430 enfants sont nés de mères mineures sur l’île. Dix ans plus tôt, Mayotte Hebdo réalisait un dossier consacré aux parcours de ces “ filles-mères ”. C’était en 2009 et pourtant, les mots d’hier semblent dépeindre une situation encore bien actuelle.
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DOSSIER
Rawnat Mohamed Chaher - Dossier paru dans le Mayotte hebdo n° 442 , du vendredi 11 septembre 2009
FILLES MÈRE
UN ACCIDENT, DES SUITES BOULEVERSANTES ELLES ONT L’AIR SI JEUNE, ELLES SEMBLENT VENIR D’OUVRIR LEURS YEUX SOUS LE MONDE. MAIS SOUS LEURS TRAITS ENFANTINS, UNE BOSSE SE DEVINE, MALADROITEMENT CACHÉE SOUS UN T-SHIRT INHABITUELLEMENT AMPLES. ELLES NE SONT QUE DES ENFANTS, ET POURTANT, ELLES EN PORTENT DÉJÀ UN. QUE DES ENFANTS ET POURTANT, NOMBRE D’ENTRE ELLES AFFRONTENT DÉJÀ LES REGARDS ACCUSATEURS DE LEURS VOISINS, PARFOIS MÊME DE LEUR PROPRE FAMILLE. ELLES NE SONT QUE DES ENFANTS ET POURTANT, NOMBRE D’ENTRE ELLES SONT VENUES FEMMES AVANT L’HEURE. Un sentiment de trahison plane déjà dans l'esprit d'une jeune mahoraise dépucelée avant le mariage. Les étapes du passage à l'acte, pour l'honneur de la famille et le respect de la religion sont toutes subitement grillées. "Lorsque je l'ai fait pour la première fois, je me suis sentie très mal dans ma peau", ne cache pas Zaria*, 18 ans. "Les mises en garde de ma mère me revenaient sans cesse dans la tête. C'est après que j'ai réalisé combien cela lui tenait à cœur et je venais de trahir sa confiance", poursuit la jeune nordiste qui n'a pu jusqu'à ce jour se confier qu'à sa petite sœur. Comme ce cas de figure, la vérité peut rester secrète, longtemps, parfois toute la vie. Mais généralement, la première fois, "dans l'euphorie de l'action", la protection est négligée. Il arrive donc que ces jeunes filles découvrent, parfois trop tard, qu'elles attendent un enfant et décident de le garder plutôt que de procéder à un avortement. Dramatique pour l'entourage. En 2019,
430 enfants sont nés à Mayotte de mère mineures, sur un total de 9 770 naissances. Pas plus tard qu'en fin de semaine dernière dans un des villages du sud, un parent renvoyait promptement sa bellefille, pourtant collégienne, chez son vrai père : un billet aller simple direction la Grande île. Une affaire répandue dans le village entier en l'espace de quelques petites heures, mais extrêmement tabou. Cette toute fraîche anecdote parmi tant d'autres n'est qu'une illustration de la condamnation, du bannissement imminent des responsables de famille vis-à-vis de l'ado. "C'est inacceptable. Surtout pour nous qui sommes musulmans. Agir de telle sorte, c'est insulter la notoriété de la famille, c'est insulter sa religion", estime Dhoulkamal, employé à la mairie de Dembéni. Assumer. Voilà ce à quoi sont destinées ces adolescentes, délaissées généralement
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par leurs parents, la plupart du temps abandonnées par leurs partenaires qu'elles percevaient jusqu'alors comme étant l'amour éternel. Sous les préjugés des uns et des autres, les filles-mères contemplent chaque jour, dans un mélange de joie et de regret, la vie d'une progéniture trop souvent accidentellement conçue. En 2019, 430 enfants sont nés à Mayotte de mère mineures, sur un total de 9 770 naissances. L’année passée, ils étaient 40 de plus, selon l’Insee.
"JE VEUX MONTRER À MA MÈRE QUE JE N'AI PAS GÂCHÉ MA VIE" Seulement âgée de 16 ans, Rouzouna* est déjà la mère d'une petite fille de 10 mois. Quand elle apprend qu'elle est enceinte, elle décide tout d'abord de le cacher aux yeux des gens, même à sa famille. Ceux qui s'en rendent compte lui posent des questions, mais elle nie constamment. Jusqu'au jour où sa mère, qu'elle n'arrive plus à éviter, comprend ce qui se passe. "C'est à cause des yeux. Quand une femme est enceinte, ça se voit dans ses yeux", explique la jeune fille. Sa mère l'a réprimandée, lui rappelant qu'elle l'avait prévenue de bien faire attention. Elle lui avait même parlée de contraception pour éviter tout accident. Malheureusement, Rouzouna avait également entendu dire que les pilules empêchent la fécondité pour la vie, que les capotes détériorent l'appareil génital féminin et que l'implant contraceptif peut se perdre dans le corps. Toutes ces rumeurs lui ont fait peur et elle a préféré avoir des rapports sexuels non protégés plutôt que de risquer d'éventuelles complications. "C'est beaucoup plus tard que l'infirmière du collège m'a dit que c'était faux tout ça. Mes croyances ont alors changé, mais c'était déjà trop tard". Son père a réagi beaucoup plus violemment. Très énervé d'apprendre la nouvelle, il a menacé d'expulser Rouzouna de la maison familiale. Pour lui, elle ne méritait pas de rester vivre avec eux. Il ne voulait surtout pas qu'elle donne un mauvais exemple à sa petite sœur et que cette dernière fasse les mêmes erreurs. A force de discussions, le voisinage, alerté par les cris, a réussi à calmer le chef de famille qui a accepté à contre cœur de garder sous son toit la nouvelle maman et son bébé. Depuis la venue au monde de sa petite fille, Rouzouna tente tant bien que mal de vivre une vie normale. Comme ses camarades de classe, elle va tous les jours au collège où elle est en 4ème. Pendant ce temps, sa
mère garde le bébé jusqu'à ce qu'elle vienne s'en occuper elle-même. Financièrement, tout est pris en charge par les deux familles, celle de Rouzouna et celle de son petit ami. Ce dernier vit également chez ses parents, dans un autre village de l'île. En apprenant la grossesse de sa copine, il n'a pas paniqué et a déclaré qu'ils assumeraient tout cela ensemble. Rouzouna n'a pas v o u l u a v o r t e r. Pourtant elle aurait pu le faire comme le lui avait proposé l'infirmière qui l'a auscultée à l'hôpital. Elle aurait
pu également écouter les conseils des parents de son petit ami qui s'évertuaient à dire que c'était mieux pour tous les deux, pour leur avenir. Mais Rouzouna a catégoriquement refusé de tuer un être humain. C'est aller à l'encontre de sa religion, et elle ne tenait vraiment pas à commettre un péché aussi grave. Aujourd'hui elle assume donc ses actes et ses décisions, même si elle sait pertinemment que certaines personnes parlent derrière son dos et chuchotent sur son passage. Cela ne la blesse pas vraiment. Ce qui lui est arrivée est fréquent dans le quartier, elle ne doute pas que celles qui la critiquent se retrouveront bientôt dans la même situation. L'opinion d'une seule personne lui tient réellement à coeur, celle de sa mère. "Je sais qu'elle n'oubliera jamais
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ce que je lui ai fait car elle a tout fait pour éviter que ça arrive. Mon plus grand rêve serait de faire des études, de gagner de l'argent et de pouvoir l'aider afin qu'elle me pardonne un jour. Je veux aussi lui montrer que je n'ai pas gâché ma vie." Pour sa fille, Rouzouna prévoit une éducation différente de celle qu'elle a reçue. Elle instaurera un dialogue permanent et sans tabou entre sa fille et elle, "comme chez les m’zungus", rajoute-t-elle. "Nous, les Mahorais, on n'ose pas parler de ce genre de chose, on a honte et c'est bien dommage." Elle cite même la série télévisée diffusée sur RFO Mayotte : "Le roman de la vie". Gisèle, qui en est l'héroïne, discute ouvertement de ces choses là avec sa mère qui la met en garde des dangers de la vie d'adulte. Une attitude que tous les parents de l'île devraient adopter car "ils ne doivent pas se voiler la face, conclut Rouzouna. Ils aimeront toujours leurs enfants, quoi qu'ils fassent. Ils doivent donc les garder près d'eux car si un malheur arrive un jour, ils regretteront toujours de les avoir chassés de la maison pour un accident qui peut arriver à tout le monde".
FUNDI, ASPIRINE... DES TENTATIVES D’AVORTEMENT STÉRILES Rafida* a 15 ans. Cela fait bientôt un an qu'elle habite seule avec son fils et son petit ami. Chassée du domicile familial quand ses parents ont appris sa grossesse, elle doit maintenant se débrouiller pour gérer un enfant, un foyer et une vie d'adolescente. A l'âge de 14 ans, elle se rend compte qu'elle est enceinte. Elle décide de ne rien dire à personne, excepté son petit ami qui va tout assumer avec elle. Leur première réaction a été de chercher à faire avorter la jeune fille par leurs propres moyens, toujours sans prévenir personne. Ils essayent donc des méthodes diverses et variées : ingurgitation d'aspirine mélangée à du soda, une mixture composée de gingembre et de boisson gazeuse ou encore des herbes spécifiques à boire en infusion. "C'est mon petit ami qui a eu toutes ces idées. Un foundi l'a aussi conseillé, surtout pour les herbes à prendre". Mais tous leurs efforts sont vains, rien ne se passe.
Cinq mois plus tard, Rafida est toujours enceinte et les gens s'en rendent compte. Alertée par les rumeurs, sa mère la questionne et apprend la vérité. Furieuse, elle l'emmène à l'hôpital mais il est déjà trop tard pour avorter par intervention médicale. C'en est trop pour la mère de l'adolescente. Malgré les excuses que lui fait sa fille, elle décide de la chasser de la maison à cause de ce qu'elle a fait. Le père n'étant pas d'accord avec cette décision tente de raisonner sa femme mais n'a rien pu faire face à sa colère. Et c'est comme ça que Rafida finit par s'installer dans le banga de son petit ami, à côté de la famille de ce dernier. "Il faut se protéger ou bien assumer" Une nouvelle vie commence avec la naissance du bébé. Le matin, elle le laisse chez sa mère où sa soeur le garde pendant qu'elle est au collège. "Ma mère sait que mon fils reste chez elle la journée, explique Rafida, mais elle ne dit rien, même si elle ne fait pas attention à lui. Elle veut que je puisse finir mes études". De retour du collège, elle endosse son rôle de mère et s'occupe de son fils comme le ferait n'importe quelle maman. C'est son petit ami qui se charge de trouver de l'argent pour le bébé : "il se débrouille", déclare-t-elle vaguement. Interrogée sur ce qui lui est arrivée, elle parle de Dieu, c'est lui qui a choisi et c'est comme ça, elle ne pouvait rien y faire. En ce qui concerne la contraception, elle n'en a jamais entendu parler. Sa mère lui avait juste demandé de ne pas trop sortir, de faire attention à ce qu'elle faisait, sans jamais lui parler réellement du danger qui la guettait. De toute façon, elle pense que même si elle avait fait attention, s'était protégée comme il se doit, ça serait quand même arrivé, "c'était écrit". A cause de sa situation familiale, elle fait les frais des ragots et se fait désigner du doigt par tout le monde. Devenue persona non grata, les mères interdisent même à leurs filles de fréquenter la jeune maman et son copain. Certains membres de sa famille aussi ont mal réagi au départ, insistant sur le fait qu'elle ait déshonoré toute la famille. Avec le temps les choses se passent mieux, mais il reste toujours une certaine gêne entre Rafida et son entourage. "Plein de filles tombent enceintes à M'tsapéré et elles avortent à chaque fois. Aujourd'hui, elles sont mariées et tentent d'avoir des enfants, mais n'y arrivent pas. C'est
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pour ça que j'ai bien fait de ne pas le faire finalement, je l'aurai regretté. Il faut se protéger ou bien assumer, c'est ce que je conseille. Je ne sais pas ce qu'il faudrait faire d'autre pour stopper tout ça." Rafida attend aujourd'hui une deuxième chance de la vie. Pouvoir poursuivre normalement son cursus scolaire, vivre avec son fils et son petit ami sans se soucier des regards malveillants et accusateurs la comblerait de bonheur.
"JE REMERCIE MA MÈRE QUI M'A COMPRISE ET AIDÉE" Nassilat*, étudiante en deuxième année de BTS assistante de direction, a 24 ans. Mère de Nayim, neuf ans, elle fait partie des nombreuses Mahoraises à avoir eu un enfant lors de leur adolescence, voire leur jeunesse. Elle était âgée de 15 ans lorsqu'elle s'est rendue compte qu'elle était enceinte. "J'étais malade donc ma mère m'a emmenée à l'hôpital où on a appris toutes les deux en même temps que je portais un bébé depuis 6 mois". Elle se rappelle ne s'être doutée de rien au début. Son cycle menstruel a toujours été déréglé, un fait qui explique qu'elle ne se soit pas alarmée de ne pas voir arriver ses règles. De plus, elle n'avait remarqué aucune modification physique sur elle-même. Comme aujourd'hui, Nassilat vivait alors chez ses parents. Très proche de sa mère, elle pouvait tout lui dire et n'a jamais pensé à lui cacher la vérité sur ses agissements, quels qu'ils soient. Les relations avec son père étaient différentes, elle le craignait. Elle ne l'a d'ailleurs mis au courant de sa grossesse que deux ou trois semaines après avoir elle-même appris la nouvelle. "Il a très mal réagi, comme je le prévoyais. On s'est disputé et pendant un an il ne m'a pas adressé la parole". Un climat de tension qui ne l'a pas empêchée de vivre sa grossesse normalement, de l'assumer pleinement devant les gens. "C'est vrai que j'ai beaucoup pleuré quand j'ai su que j'étais enceinte. Mais après m'être remise du choc, je l'ai dit à tout le monde, je n'ai pas cherché à le cacher. J'ai tout fait comme d'habitude, j'ai même continué à jouer au basket".
SEPT ANS SANS VOIR LE PÈRE Nassilat n'a jamais pensé à avorter ni à abandonner l'enfant à la naissance. Sa mère précise qu'elle ne lui aurait jamais proposé de le faire : "C'est la volonté de Dieu qui a fait qu'elle est tombée enceinte. Il ne faut pas aller à l'encontre des décisions de Dieu. Peut-être que si elle avait avorté, il ne lui aurait plus offert la chance d'avoir à nouveau des enfants. En plus, je ne voulais pas qu'un jour elle me reproche de l'avoir forcée à faire quoi que ce soit". Le reste de sa famille, à l'exception de son père, a bien réagi et
accepté la situation. Bien qu'il y ait eu quelques rumeurs malfaisantes du côté des voisins et parfois des amis, ça n'a jamais gêné Nassilat. "C'est tout le temps comme ça, les gens parlent, critiquent et insultent. Ça sera toujours la même chose, sauf que maintenant ça arrive tellement souvent que c'est moins choquant de voir une jeune fille enceinte." En ce qui concerne le père du bébé, il s'agissait de son petit ami. Malheureusement il ne vivait pas à Mayotte, mais faisait ses études à La Réunion. Ce n'est qu'après l'accouchement qu'elle lui a annoncé qu'il avait un fils. Dès lors, le jeune homme s'est débrouillé pour lui envoyer de l'argent de temps en temps. A cause de l'éloignement géographique, c'était la seule façon pour lui de participer aux frais relatifs au bébé. Parti en métropole peu de temps après la naissance de son fils, il n'a pu le voir qu'au bout de sept ans, quand Nayim est parti lui rendre visite en France. La principale crainte de la jeune maman était de ne pouvoir continuer normalement ses études à cause du bébé. Une peur finalement non fondée puisqu'elle a réussi à joindre les deux bouts. "Ma mère gardait le petit pendant que j'étais en cours. Le seul souci c'est que j'ai dû redoubler ma cinquième parce que j'avais raté pas mal de cours pendant ma grossesse et après l'accouchement. En ce qui concerne mon avenir proche, je prévois de partir l'année prochaine faire une licence en France où j'emmènerai mon fils pour m'en occuper, seule cette fois". En ce qui concerne la prévention, elle déplore le manque de communication entre les mères mahoraises et leurs filles. A son époque, raconte-t-elle, elle ne savait rien des différents moyens de contraception, personne ne lui en avait parlé. Si le sujet de la sexualité n'était pas aussi tabou, des accidents de ce type arriveraient moins souvent selon elle. Comprenant la chance qu'elle a eu, elle veut remercier sa mère qui l'a comprise, suivie et aidée tout au long de cette épreuve. Ce n'est pas toujours le cas dans ce genre de situation. De plus, son père a finalement accepté son petit-fils et vit maintenant une bonne relation avec lui. "Qu'ils me pardonnent de leur avoir imposé tout ça". Pour les futures jeunes filles qui tomberont accidentellement enceintes, elle leur conseille d'en parler avec leur parent, c'est primordial. "Il faut leur expliquer la situation, les calmer et peut-être même les rassurer. Surtout ne pas avorter, c'est une très mauvaise chose. Pour celles qui ne sont pas encore enceintes, je leur recommande de bien faire attention et de se protéger, que ce soit en prenant la pilule ou par un autre moyen. Enfin, les parents, eux, ne devraient pas mettre leurs filles dehors, ce n'est pas une solution. Il faut accepter et discuter avec la jeune maman pour que tout cela n'arrive plus". n * Les prénoms ont été modifiés.
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DOSSIER
Propos recueillis par Hélène Ferkatadji
ENTRETIEN, NAFISSATA BINT MOUHOUDHOIR
“ LORSQU'UNE FILLE TOMBE ENCEINTE, ON ESTIME QUE C'EST UNIQUEMENT DE SA FAUTE ”
ANCIENNE DÉLÉGUÉE AU DROIT DES FEMMES, NAFISSATA BINT MOUHOUDHOIR A OBSERVÉ ET DÉFENDU LA CONDITION FÉMININE PENDANT DE NOMBREUSES ANNÉES À MAYOTTE. ELLE LIVRE SON ANALYSE SUR LE PHÉNOMÈNE DES FILLES-MÈRES.
“ Le principal problème est qu'il n'y a pas de discussion sur la sexualité dans la famille. ” “ Les filles refusent de prendre la pilule par peur que les parents les découvrent. ” “ Si on cherche à conscientiser les filles, il faut faire de même avec les garçons. ”
Mayotte Hebdo : Comment expliquez-vous ce nombre important de filles-mères ? Nafissata Bint Mouhoudhoir : Le principal problème est qu'il n'y a pas de discussion sur la sexualité dans la famille. Le tabou est trop fort. Au collège, les enfants ont des cours sur la grossesse, la contraception, etc., mais l'éducation ne se fait pas qu'à l'école. Il faudrait qu'il y ait un relais à la maison, dans la famille. Aujourd'hui Mayotte s'est ouverte, les gens voyagent, des gens extérieurs s'installent. Il y a la télévision, on assiste à une véritable américanisation et les jeunes regardent tout cela mais sans recul, sans l'éducation
nécessaire à la compréhension des images. Et quand ils découvrent la sexualité, c'est de façon très brutale : on fait comme on peut, comme les autres ont dit. Il y a un choc de deux cultures ici : la culture dite "occidentale", face à la tradition, la coutume, la religion. Les jeunes ont une méconnaissance totale des choses, par exemple souvent les garçons disent "ce n'est pas moi, je ne peux pas être le père parce que je n'ai fait qu'un gourwa". Ils ne comprennent pas que ce n'est pas la pénétration qui engrosse les filles mais le sperme, et que c'est donc possible avec un gourwa. A côté de ça, les filles refusent de prendre la pilule par peur que les parents les découvrent. Je leur dit toujours que ce que les parents n'aiment pas, ce n'est pas la pilule mais le fait qu'elles aient des relations sexuelles. A partir du moment où elles décident d'en avoir, elles sont déjà dans
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la transgression, donc il faut assumer ce choix et prendre ses précautions contre la grossesse et les maladies. MH : Quel est le regard de la société mahoraise sur ce phénomène ? N.B.M. : La société a tendance à rendre les garçons irresponsables, c'est une chose qu'il faut revoir. Si on cherche à conscientiser les filles, il faut faire de même avec les garçons. Ils doivent comprendre qu'être père à 15 ans est très difficile. Les conséquences sont très graves pour les jeunes filles qui deviennent mères. Psychologiquement, c'est très dur d'avoir une grossesse non désirée et elles n'ont pas le réflexe de chercher un soutien. Certains garçons en souffrent également, ils ont peur de la paternité. Ensuite, la société vous juge, vous colle une étiquette, et il y a également des conséquences sur la scolarité des filles. Même si elles arrivent jusqu'au bac, ce qui est difficile, elles ne pourront pas faire d'études, elles n'auront pas droit à cet accomplissement personnel. En général, les jeunes filles tombent dans un engrenage terrible car peu de familles soutiennent les filles dans cette situation. Les parents attendent de leur fille qu'elle arrive vierge au mariage, qu'elle soit une bonne épouse, une bonne mère. La grossesse d'une jeune fille casse les rapports familiaux, parfois la famille arrange les choses par un mariage... En général, les parents pensent que s'ils soutiennent leur fille qui a eu un enfant, c'est un signe qu'ils acceptent son geste, et ainsi ses sœurs feront de même. S'ils aident leur fille, ils montrent aux autres que ce n'est pas grave.
est ce qu'il y a de plus important. Le sexe et le fait de mettre une fille enceinte est une preuve qu'ils sont des hommes. De toute façon, lorsqu'une fille tombe enceinte, on estime que c'est uniquement de sa faute. Il est temps de revoir les choses, d'atteindre les garçons, de leur faire comprendre qu'un enfant est un projet réfléchi. La société ne leur offre pas vraiment une image correcte de ce qu'est la paternité, il faut leur expliquer le rôle d'un père. MH : Plusieurs sages-femmes sont surprises et choquées de voir des jeunes filles terrorisées lors de leur accouchement, car elles ne savent même pas comment cela doit se passer, par où va sortir le bébé. Même pendant la grossesse, il n'y a aucune communication ?
MH : Comment se fait-il que les filles n'aient pas appris à être plus prudentes, qu'elles arrivent à la maternité quand il est trop tard pour avorter ? Ne discutent-elles pas entre elles de ce qui leur arrive ?
N.B.M. : Non. Lorsqu'une fille est enceinte, sa mère ne lui parle pas de ce qui va se passer, car elle pense que ce serait lui faire un trop grand cadeau, lui montrer qu'elle lui pardonne. L'idée c'est qu'elle verra bien ellemême ce qui lui arrivera. Il y a ici une tendance des mères à se dire : "j'ai été élevée comme ça et aujourd'hui j'en suis là. Ma fille doit s'en sortir de la même façon, avec la même éducation". Elles ne se rendent pas compte que le contexte a changé. Lorsque j'étais une jeune fille, on ne savait même pas ce qu'étaient les règles, ça nous tombait dessus un jour et nous étions catastrophées. On ne nous disait jamais ce que c'était et surtout pourquoi cela arrivait. Simplement que cela arriverait tous les mois, et que désormais on pouvait tomber enceinte, donc interdiction d'approcher les garçons. Aujourd'hui, grâce à l'école, les filles sont préparées, savent ce que sont les règles et pourquoi on les a. Mais le discours des mères n'a pas changé, les filles doivent leur montrer tous les mois qu'elles ont leurs règles, pour prouver qu'elles ne sont pas enceintes.
N.B.M. : Je pense qu'il y a une vraie peur de prendre la pilule. La peur d'être vue est très forte à Mayotte. Tout le monde se connaît, si une fille est vue à l'infirmerie ou au dispensaire alors qu'elle n'est pas malade, elle va tout de suite être interrogée et soupçonnée. Ensuite, il y a le refus d'être enceinte, le déni. C'est pour cela qu'elles attendent le dernier moment pour aller à la maternité, elles hésitent, espèrent avoir leurs règles... Cela montre aussi le manque de dialogue. Elles n'ont pas conscience que si elles ne veulent pas de l'enfant il faut réagir vite. Même entre filles les confidences ont des limites, encore une fois à cause de la peur des racontars. Après, les garçons ne se protègent pas non plus, pourtant ce n'est pas compliqué pour eux de se procurer des préservatifs, mais ils ne sont pas responsabilisés. Au contraire, ils sont élevés dans l'idée que leur masculinité
Il y a de la sensibilisation auprès des jeunes, il faudrait maintenant en faire auprès des parents qui ont une méconnaissance totale de ces choses. Peu de mères peuvent expliquer pourquoi et comment on tombe enceinte, ce qui se passe dans notre corps. Parallèlement les enfants apprennent des choses que les parents ne savent pas et ils se sentent dépassés. Il y a des actions sporadiques qui sont menées par des associations ou des établissements qui réunissent les parents, il faut que ce soit structuré. J'ai fait ce genre d'actions, souvent les femmes étaient très gênées quand on projetait des vidéos sur le sujet. Elles se cachaient le visage, rigolaient comme des ados, n'osaient pas prendre la parole... Le sujet est vraiment tabou. Cela montre encore une fois l'importance de ce genre d'initiative, pour qu'elles osent aborder le sujet avec leurs enfants. n
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Propos recueillis par Hélène Ferkatadji
ENTRETIEN AVEC FAOUZIA CORDJEE
“ MA GÉNÉRATION NE PARLAIT JAMAIS DE SEXE AVEC SES PARENTS, ET JE N'AI JAMAIS PARLÉ DE ÇA À MA FILLE ” “ Aucun parent n'est démissionnaire, ils sont juste dépassés par les événements. ” “ Lui parler de contraception, c'est comme l'offrir à un homme ”
FONDATRICE ET PRÉSIDENTE DE L'ASSOCIATION POUR LA CONDITION FÉMININE ET L'AIDE AUX VICTIMES (ACFAV), FAOUZIA CORDJI ATTRIBUE LE PROBLÈME DES GROSSESSES DES JEUNES FILLES MOINS À UN MANQUE DE COMMUNICATION QU'À UNE TROP GRANDE LIBERTÉ. Mayotte Hebdo : Comment analysez-vous le phénomène des filles-mères dans le temps ? Faouzia Cordji : Le regard a changé, aujourd'hui il y a une certaine tolérance. Il y a 10/15 ans, ce phénomène n'existait pas, en tout cas c'était très rare car c'était une honte, le déshonneur pour la famille. Aujourd'hui c'est devenu
classique. Certains pensent qu'évoluer veut dire devenir comme les Métropolitains. Je ne suis pas d'accord avec cela, pour moi évoluer signifie dépasser certaines limites. A Mayotte on assiste à une mauvaise évolution. Avant, les filles étaient éduquées par la famille, l'entourage et le village. Aujourd'hui cela n'existe plus, on est dans la non-éducation. L'Education nationale a contribué à ce fléau : elle a donné beaucoup de pouvoir aux enfants sur leurs parents. Aucun parent n'est démissionnaire, ils sont juste dépassés par les événements.
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MH : Ne pensez-vous pas que le problème des grossesses chez les jeunes filles vient d'un manque de communication entre les parents et les enfants sur la sexualité, la contraception, etc.? F.C. : Certainement pas. Ma génération ne parlait jamais de sexe avec ses parents, et je n'ai jamais parlé de ça à ma fille. Je lui parle de la vie de femme, mais je ne lui parle pas de la pilule. Une mère ne va pas faire la promotion de la pilule à sa fille de 14 ans, car elle ne veut pas que sa fille ait des rapports sexuels à 14 ans ! Elle sera prête quand elle sera adulte, qu'elle aura une situation, qu'elle sera réfléchie, c'est de ça que je parle à ma fille. Lui parler de contraception, c'est comme l'offrir à un homme, c'est dire qu'on est d'accord alors qu'on ne l'est pas. Il faut arrêter de donner aux enfants des droits que leurs parents n'ont pas. Aujourd'hui, on a supprimé les tabous, la notion d'honneur. Je ne dis pas qu'une femme doit se marier vierge – je me fiche de ça –, mais elle doit s'offrir à celui qu'elle aime, car c'est important, or on n'est pas amoureux à 14 ans et on n'est pas prêt à l'être. Si une fille a un enfant très jeune, l'enfant sera mal dans sa peau et sa mère ne sera jamais une femme émancipée. Je dis la même chose aux garçons : de ne pas faire un enfant car ils sont trop jeunes pour assumer cela, il faut attendre d'être indépendant et il faut respecter les filles. C'est cela l'éducation. La contraception doit s'apprendre dans un contexte différent : à l'école quand on vous apprend la fécondation, les cycles, la grossesse, ce que moi j'ai appris aussi au lycée. Aujourd'hui les filles ont beaucoup plus de libertés et se donnent à n'importe qui, sans amour, sans plaisir même. Juste parce que ça se fait. MH : Que dites-vous à une jeune fille enceinte qui vient vous trouver ? Lui parlez-vous d'avortement ? F.C. : Je ne suis pas contre l'avortement, mais c'est quand même un déchirement terrible. Avoir un enfant très jeune, c'est bousiller ses chances, infliger du malheur à ses parents... Il n'y a pas de bonne solution lorsqu'on est enceinte jeune, car l'erreur est déjà faite. Tout ce que j'ai à dire à ces filles c'est qu'elles doivent assumer leur erreur et choisir elles-mêmes leur solution. La seule bonne solution aurait été d'attendre. Des jeunes filles enceintes sont déjà venues me voir pour se confier. Le plus souvent, elles voulaient que je persuade le père de l'enfant de revenir, de les épouser, de s'occuper de leur enfant, mais elles n'avaient pas l'air de se rendre réellement compte de la gravité de la situation. n
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LE POINT DE VUE DES SAGES-FEMMES
“ ELLES NE SAVENT PAS OÙ SE MET LE BÉBÉ, CE QUI SE PASSE À L'INTÉRIEUR." ” IL Y A CELLES QUI ACCOUCHENT, ET CELLES ET CEUX QUI FONT NAÎTRE. PEUR, PUDEUR, MANQUE DE COMMUNICATION OU DE CONNAISSANCES, NOMBREUX SONT LES PROBLÈMES POINTÉS DU DOIGTS PAR LES SAGES-FEMMES.
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“ En 2005, alors que je travaillais en PMI, nous avions beaucoup de très jeunes filles enceintes, de 11 ou 12 ans. On nous a demandé d'intervenir dans les classes de CM2, de PPF et de collège pour sensibiliser les enfants et leurs parents qui étaient conviés. Ils ont tous refusé, ils considéraient cela comme une incitation. Il y a eu un gros travail avec les parents d'élèves pour leur expliquer que de toute façon les jeunes filles ont des rapports sexuels, et puisqu'ils ne veulent pas en parler chez eux, il faut le faire à l'école." Pour Stéphanie, sage-femme à la maternité de Kahani, il y a avant tout un gros problème de non communication sur la sexualité, même de méconnaissance. "Elles savent ce qu'est le sexe, mais c'est tout. Certaines filles ne savent même pas que le fait d'avoir ses règles signifie qu'on est féconde, leurs mères ne leur disent rien." "Elles ne connaissant pas leur corps", renchérit Marie, sage-femme à M'ramadoudou, "elles ne savent pas où se met le bébé, ce qui se passe à l'intérieur." Alors à Mayotte depuis un an, la jeune femme se souvient d'un accouchement d'une très jeune fille, terrorisée par ce qui lui arrivait. "Elle hurlait comme personne, et nous avons compris après qu'elle ne comprenait pas ce qui se passait : elle ne savait même pas que le bébé devait sortir par là ! Il y avait deux coco qui l'accompagnaient, elles ne lui ont rien dit de tout l'accouchement." Une anecdote qui n'est pas unique et qui n'étonne aucune des professionnelles de la naissance, qui ont toute constaté qu'il n'y avait aucune transmission de ces choses entre la mère et la fille. "Elles savent s'occuper d'un bébé, une fois à la maison, mais pour tout ce qui se passe avant, elles n'ont aucune connaissance", confirme Sophie, elle aussi sage-femme à Kahani.
"C'EST UNE ERREUR" "Ce qui se passe avant" est en effet un tabou puissant, qui se ressent dans le travail médical. "Les aides soignantes, qui font l'intermédiaire entre nous et les patientes qui ne parlent pas français, traduisent "vagin" par "en bas"", constate Marie. "Mêmes ces femmes qui travaillent dans le médical sont
gênées de prononcer les termes. Le résultat de ce tabou, c'est que les femmes qui ont un problème gynécologique attendent toujours le dernier moment, que ça devienne gênant, voire grave pour oser aller consulter." Les examens gynécologiques sont d'ailleurs la terreur des Mahoraises, elles le refusent pendant le ramadan. "C'est vrai avec toutes les femmes, quel que soit leur âge, mais avec les adolescentes c'est encore pire : elles sont totalement mutiques. Il est impossible d'obtenir des réponses à nos questions", se désole Sophie, qui se souvient d'une jeune fille qui ne répétait qu'une seule chose : "c'est une erreur". "Il n'y a pas d'anticipation", poursuit Stéphanie, "je vois des jeunes filles dans les collèges, habillées de façon très choquante. Elles aguichent les garçons, se retrouvent un jour acculées, et presque obligées au rapport sexuel, et finissent devant nous, sans père, rejetées par leur famille, c'est trop tard." Toutes celles qui refusent d'avoir l'enfant arrivent souvent trop tard pour avorter. "Elles prient et prient encore pour avoir leurs règles, attendent jusqu'à ce que ça soit trop voyant, et quand elles sont obligées de reconnaître leur état et demandent à avorter, elles sont à quatre mois de grossesse, c'est trop tard", raconte Marie qui précise qu'en général, les jeunes filles qui arrivent tôt à la maternité et réclament l'avortement sont plus au courant que les autres du fonctionnement et des solutions. "Ce sont souvent celles qui parlent bien français d'ailleurs."
"ELLES NE PRENNENT JAMAIS LA PILULE" Stéphanie estime que peu d'entre elles veulent avorter réellement, même si elles n'ont pas voulu être enceintes, elles veulent être mères. "Avoir un enfant leur confère un statut, un pouvoir." "On leur raconte que le mariage et les enfants vont les sauver", estime Sophie. "Dans nos contes de petites filles, à la fin ils sont heureux, se marient et ont beaucoup d'enfants, mais très vite on fait la différence avec la vie réelle. J'ai l'impression que ce n'est pas le cas pour ces jeunes filles, c'est comme si leur seul espoir d'avoir une bonne vie, une bonne place
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dans la société, c'est d'être mères. Donc elles ne se protègent pas sérieusement et finissent par accepter leur grossesse." Avoir des enfants très jeune pose d'ailleurs des problèmes médicaux : "si elles n'ont pas fini d'être formées, leur bassin est trop étroit et l'accouchement est difficile. Mais le plus gros danger est psychologique", estiment les trois sages-femmes. "Elles savent qu'elles risquent d'être rejetées par leur famille, de se retrouver seules avec leur enfant, c'est pour ça qu'elles sont dans le déni, qu'elles ne viennent pas aux consultations", explique Sophie. Après un accouchement, que la patiente soit mineure ou majeure, les sages-femmes lui proposent la pilule, qui est totalement gratuite. "Elles ne la prennent jamais, d'ailleurs quand elles reviennent à nouveau enceintes elles mentent, affirme qu'elles l'ont prise. D'autres avouent qu'elles n'arrivent pas à y penser", constate Stéphanie, qui voit une différence entre la ville et la brousse : "celles qui habitent en ville sont plus au courant et font plus attention". L'implant à d'ailleurs beaucoup de succès chez ces jeunes filles, il ne se voit pas, dure plusieurs années et n'oblige pas à y penser chaque jour à heures fixes.
"TOUT DÉPEND DE L'ATTITUDE DE LA FAMILLE" Cependant, les trois sages-femmes estiment que certaines de leurs consœurs poussent trop les jeunes femmes à accepter l'implant. "Ce sont des êtres humains, des femmes qui ont le droit de faire ce qu'elles veulent, nous n'avons pas à leur imposer notre vision des choses. Si elles refusent la contraception, alors il faut respecter ce choix. Nous insistons quand même sur les bienfaits médicaux d'espacer les grossesses." Certaines femmes voient la contraception comme un "truc de m'zungu", une sorte de pouvoir du médecin blanc sur la femme mahoraise. L'acceptation de la grossesse et son bon déroulement dépendent énormément de l'attitude de la famille. "Des filles qui sont au départ totalement mutiques, dans le déni, vont changer à partir du moment où la famille va accepter de les aider", observe Marie. "On voit un changement de son comportement alors, de petite fille, elle devient mère, se prépare à la naissance. Malheureusement il y a aussi des contextes dramatiques de jeunes filles totalement rejetées. Certaines sont enceintes d'un membre de la famille mais ont peur de parler, nous ne pouvons pas faire grand-chose." Quoi qu'il arrive, si la jeune fille enceinte a moins de 16 ans, la maternité le signale au procureur pour qu'il y ait enquête. Mais les jeunes mères refusent souvent de quitter leur famille, de se retrouver sans aide, même si la famille est en cause dans leur situation. n
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Propos recueillis par Nora Godeau
ENTRETIEN AVEC ABDEL SAKHI
“ LA PEUR DU GENDARME N’EXISTE PLUS CHEZ LES DÉLINQUANTS ” ABDEL SAKHI, GARDIEN DE LA PAIX AU SEIN DE LA POLICE AUX FRONTIÈRES (PAF) ET DÉLÉGUÉ DÉPARTEMENTAL ADJOINT DU SYNDICAT ALTERNATIVE POLICE, REVIENT SUR L’INSÉCURITÉ QUI RÈGNE À MAYOTTE ET LES CONDITIONS DE TRAVAIL PARTICULIÈREMENT DIFFICILES DES POLICIERS SUR LE TERRITOIRE. POUR LUI, L’UN DES PROBLÈMES VIENDRAIT DU MANQUE DE COOPÉRATION ENTRE LA POLICE ET LA JUSTICE QUI ENGENDRERAIT UN SENTIMENT D’IMPUNITÉ CHEZ LES DÉLINQUANTS SÉVISSANT SUR L’ÎLE. UNE ANALYSE QUE PARTAGE EN CE MOMENT UNE GRANDE PARTIE DE LA POPULATION MAHORAISE… Mayotte Hebdo : Vous êtes arrivés à Mayotte en 2018 juste après les grandes manifestations contre l’insécurité. Trouvez-vous que la situation se soit améliorée depuis cette année-là ?
Abdel Sakhi : Au contraire, la délinquance prend de l’ampleur d’année en année à Mayotte. Les gendarmes et les policiers se font caillasser quasi quotidiennement. Il ne faut pas se mentir, Mayotte est une zone difficile. Si l’on compare la taille du
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territoire avec le nombre de délinquants qui y sévissent, le ratio est impressionnant, c’est du jamais vu ! Les délinquants sont organisés en bandes de jeunes d’une vingtaine à une trentaine d’individus avec un meneur qui peut être majeur ou pas. Rien que sur Petite-Terre, territoire minuscule, on a recensé au minimum cinq à six bandes de ce genre qui se cachent dans la forêt ou la brousse ce qui rend leur interpellation très compliquée. En effet, ils connaissent le terrain et pas les forces de l’ordre, ce qui leur donne une longueur d’avance. MH : Quel âge ont en moyenne ces jeunes délinquants ? Sont-ils des mineurs isolés ? AS : Ils ont souvent entre 13 et 17 ans, mais certains sont beaucoup plus jeunes car ces bandes enrôlent parfois des enfants de moins de 10 ans de force avec eux sous peine de représailles. C’est ainsi qu’à Mayotte certains enfants de huit ans sont déjà recherchés pour violences en tout genre. Certains sont en effet des mineurs isolés, mais pas tous. MH : Y a-t-il réellement un lien entre cette hausse de la délinquance et la hausse de l’immigration clandestine en provenance des Comores comme une grande partie de la population mahoraise semble le penser ? AS : L’immigration clandestine est l’un des facteurs, mais ce n’est pas le seul. Par exemple un certain nombre d’étrangers en situation irrégulière (ESI) sont des délinquants évadés des prisons comoriennes et venus se réfugier à Mayotte où ils continuent à perpétrer leurs méfaits. Beaucoup de délinquants sont par ailleurs des enfants français, certes nés de parents ESI, mais par conséquent non expulsables même si leurs parents sont susceptibles de l’être. Il y a également le facteur social à prendre en compte. Beaucoup d’ESI vivent dans des conditions très difficiles au sein des bidonvilles qui fleurissent à Mayotte. Face à une telle pauvreté, la tentation est
parfois grande pour certains d’entre eux de commettre des vols ou cambriolages. MH : Que faudrait-il faire à votre avis pour stopper cette hausse inquiétante de la délinquance à Mayotte ? AS : Les forces de l’ordre sont extrêmement motivées ici, mais on a un manque cruel de moyens humains et matériels. Nous sommes largement en sous-effectif ici par rapport au travail demandé. Les policiers sont à bout de nerf car l’on exige d’eux des résultats sans vouloir mettre les moyens qu’il faudrait pour les obtenir. Le préfet est en train de jouer avec un briquet devant un baril d’essence. Nous, policiers, aimerions agir plus efficacement, mais on attend que l’État nous donne le feu vert car il n’a pas l’air de bien se rendre compte de la réalité du terrain. S’il n’y a pas davantage de cohésion entre le préfet, la police et la justice, on ne pourra rien faire pour améliorer la situation à Mayotte. C’est ce que le syndicat Alternative Police s’efforce de faire comprendre à l’État, mais ce n’est pas gagné pour le moment. MH : Vous avez donc le sentiment de ne pas être épaulés correctement par la justice ? AS : Absolument. Pourquoi à votre avis y a-t-il de plus en plus de bandes de délinquants à Mayotte ? A mon sens, c’est parce qu’il y a de moins en moins de sanctions exemplaires de la part de la justice. Pour moi il n’y a que très peu de collaboration entre la police et la justice sur ce territoire, ce qui fait que la “ peur du gendarme ” n’existe plus chez les délinquants. Ces derniers se croient exempts de toute sanction. Beaucoup de mineurs délinquants que nous arrêtons sont relâchés presque immédiatement par la justice entre autres parce que la prison de Majicavo est déjà pleine à craquer, mais aussi parce qu’il n’existe quasiment pas de structures pour encadrer et rééduquer ces mineurs sur le territoire. Par ailleurs, même quand les délinquants sont incarcérés, ils vivent cette période d’enfermementcomme
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“ des vacances ” comparée à leurs conditions habituelles de vie, beaucoup plus rudes et difficiles. J’en veux pour preuve que certains refusent de quitter la prison et se font “ jeter de force ” dehors par les autorités. MH : En tant que membre du GAO (Groupe d’Appui Opérationnel), vous êtes au plus près de la lutte contre l’immigration clandestine. A votre avis, l’État fait-il ce qu’il faut pour réellement mener à bien cette lutte ? AS : La lutte contre l’immigration clandestine est l’une des priorités du préfet. La nouvelle directive exige 31 000 reconduites à la frontière pour 2021. On exige donc de nous toujours davantage de chiffres, mais sans vouloir y mettre les moyens car nous sommes en sous-effectif et complètement overbookés. Les brigades du centre de rétention administratif (CRA) sont surmenées. Ils sont environ une centaine à gérer cet établissement, il en faudrait au moins le double pour que le travail soit fait correctement d’autant plus que les locaux sont trop petits et inadaptés à l’ampleur de la tâche demandée. MH : Qu’en est-il des conditions sanitaires au CRA ? AS : Avec la crise sanitaire actuelle, les brigades du CRA craignent pour leur santé car le protocole sanitaire est trop léger. L’infirmière du CHM chargée de réaliser les tests antigéniques parmi les ESI recense en effet de deux à cinq cas positifs par jour. Ces cas sont envoyés au CHM, mais avant cela les policiers ont été au contact de ces personnes. En tant que membre du GAO, je suis amené à toucher également des personnes dont j’ignore s’ils sont positifs ou non. Certes, nous avons des gants et des masques, mais à mon sens cela n’est pas suffisant pour nous protéger efficacement du virus. Nous aimerions faire notre travail en toute sécurité, ce qui n’est pas le cas pour le moment. En outre l’arrêté n°2021-cab-079 émis par le préfet stipule que les policiers et gendarmes sont exemptés de septaine et de test lorsqu’ils viennent travailler à Mayotte. Ils prennent leur poste dès le lendemain de leur arrivée, ce qui n’est pas normal. Le syndicat Alternative Police s’efforce en ce moment de faire casser cet arrêté en exigeant une septaine et un test pour tout policier et gendarme mettant le pied sur le territoire. n
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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayottehebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédactrice en chef Solène Peillard
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