Mayotte Hebdo n°945

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LE MOT DE LA RÉDACTION JEUNESSE : TEMPS DES ÉCHECS ? Lundi 22 février. À Saint-Chéron, en région parisienne, une collégienne de 14 ans est tuée à coup de couteau en tentant de s'interposer lors d'un affrontement entre bandes rivales. Rapidement, six mineurs sont placés en garde à vue. Le lendemain, un deuxième jeune décède à son tour suite à une nouvelle rixe opposant une quarantaine de jeunes. La classe politique réagit immédiatement, sous les yeux horrifiés du grand public. Nous sommes en France, en 2021, et des adolescents s'entretuent. La presse nationale s'agite. Mais à Mayotte, à quelques 8 000 kilomètres de Paris, ces réactions en cascade ont un goût amer. Car ici, dans le département le plus jeune de France, ces scènes de violences, de haine, entourées de colère, de peur et d'incompréhension, sont devenues tristement coutumières. Un mois après les évènements macabres de Petite-Terre, où trois personnes, dont deux adolescents, ont été assassinées, la famille de l'une des victimes sort du silence pour demander "justice et vérité pour Steve". Une justice souvent décriée comme trop laxiste à Mayotte, particulièrement avec les délinquants mineurs, mais qui fait l'objet d'une profonde refonte. Pour Mayotte Hebdo, l'un des défenseurs de cette réforme, le sénateur Thani, dévoile ce qui devrait changer à partir de septembre prochain en matière pénale. Enfin, et parce que les phénomènes de violence sont un problème qui touche la société tout entière, une anthropologue qui travaille auprès des mineurs du territoire, revient sur le sentiment d'exclusion et de rupture qui peuvent pousser des enfants à passer à l'acte. Bonne lecture.

Solène Peillard

Mayotte Hebdo • 1/2 Page Largeur FU • 190 x 130 mm • Visuel:24H24/7J7 • Parution=19/févr./2021 • Remise le=17/févr./2021

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TCHAKS LE CHIFFRE

LA PHRASE

L'ACTION

1,6 million

L’hôpital de PetiteTerre accueille ses premiers patients

C’est la somme débloquée dans le cadre de l’aide alimentaire à Mayotte, ont annoncé les ministres des Outremer et des Solidarités et de la Santé. Cette aide sera distribuée sous forme de chèques alimentaires à près de 13 300 familles identifiées par les services sociaux comme particulièrement précaires. En moyenne, chacune d’entre elles devrait ainsi recevoir 40 euros par mois, et pendant les trois prochains mois. La préfecture, les associations et les collectivités sont désormais tenues d’organiser les distributions aux bénéficiaires. La semaine dernière, certains acteurs de terrain, comme les associations, déploraient l’organisation changeante du dispositif. Dans le même temps, plusieurs maires s’offusquaient de voir des scènes de rassemblement susceptibles de propager le virus lors des distributions.

35 pompiers et membres de la sécurité civile ainsi que 15 tonnes de fret ont atterri ce mercredi à Dzaoudzi avec le détachement de l’Élément de Sécurité civile rapide d’intervention médicalisée (ESCRIM). Objectif : installer les premiers équipements de l’hôpital de Petite-Terre pour apporter un nouveau souffle au CHM, toujours sous tension face à la seconde vague de Covid-19 à Mayotte. Parmi les effectifs déployés pour une durée d’un mois, avant que des partenaires locaux ne prennent le relai : un médecin-chef, quatre médecins urgentistes, un anesthésiste, un pharmacien, des infirmiers et des auxiliaires de soins, ainsi que le matériel nécessaire pour armer deux lits de réanimation si besoin, et surtout installer les équipements indispensables pour permettre à la nouvelle unité d’atteindre un rythme de croisière

“Certains habitants ont tout perdu” Dans la nuit de lundi à mardi, la commune d’Acoua a été violemment frappée par un orage, qui a provoqué inondations et coulées de boue. Des scènes impressionnantes qui ont notamment poussé l’évacuation de plusieurs habitations, dont certaines ont été totalement détruites. Si une centaine de familles ont été sinistrées, aucune victime n’est à déplorer. En réaction, une chaîne de solidarité s’est rapidement mise en place notamment à travers des collectes de produits de première nécessité. Cette nouvelle catastrophe posant la question de la résilience urbaine. le conseil départemental a indiqué examiner “dans la mesure de ses compétences, les projets qui lui seraient soumis dans le cadre des réponses à apporter face aux conséquences de ces très violentes intempéries". De son côté, le ministère des Outre-mer a annoncé préparer, aux côtés de la préfecture, la demande de reconnaissance de catastrophe naturelle.

ILS FONT L’ACTU Le FC M’tsapéré battu par Romorantin en coupe de France Un moment historique. Jeudi soir, les joueurs du FC M’tsapéré s’inclinaient face au SO Romorantin (N2), avec un score de 2 à 0, en 32ème de finale de la coupe de France. Malgré la défaite de ses joueurs, Mayotte retient leur prouesse incroyable : celle d’avoir été les premiers footballeurs de l’île à se qualifier à un tel niveau. Une rencontre qui avait dû être décalée de quatre jours, le temps que toute l’équipe puisse embarquer avec un test RT-PCR négatif. Bravo et merci aux joueurs du FCM d’avoir fait rayonner le 101ème département par-delà l’océan !

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LU DANS LA PRESSE

Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale

MAHORAIS : LES PAUVRES, VICTIMES DE RACISME Tribune libre de Georges Donald Potola (La Réunion)

Depuis quelque temps, on peut constater que certaines personnes extériorisent leur racisme envers les Mahorais. Elles ne sont pas nombreuses, mais nous devrons faire très attention, car le racisme est contagieux, les événements récents l'ont confirmé. Une gamine agressée gratuitement par une bande de délinquantes devant une école, attisée par les adeptes du Front haineux, rapidement les réseaux sociaux s’emballent et tous les Mahorais sont au banc des accusés. Bien entendu, pour ces personnes, la délinquance et le harcèlement n’existent pas parmi les Réunionnais et dans nos écoles. Autre pensée malsaine qui circule actuellement, c’est qu’il faut réserver les lits de réanimation pour les locaux, cela se traduit par "Laissez les Mahorais mourir chez eux"… Avec ce triste raisonnement, on patauge dans le caniveau. Réunionnais, il faut bien comprendre que les Mahorais sont français, mais vivent dans une grande pauvreté, aggravée par la problématique des migrants comoriens, et ils peuvent s’installer partout en France. Notre pays s’est accaparé Mayotte pour ses richesses minières du canal de Mozambique et son positionnement stratégique, les conditions de vie de la population autochtone sont le dernier des soucis du gouvernement français. De plus, l’épidémie de Covid a révélé les failles et le peu de moyens dont dispose Mayotte, 101ème département. Quant aux élus politiques comme ici chez nous [à La Réunion, ndlr], ils n'utilisent les Mahorais qu’à des fins électorales. Alors quand j’entends la mairesse de Saint-Louis réclamer la fermeture de notre aéroport pour Mayotte, je me pose des questions. Est-ce de la méchanceté ou du racisme ? Pourquoi ne parle-t-elle pas de fermer l’aéroport aux gens venus de l'Hexagone, principale source de contamination pour La Réunion ? Quand on voit le nombre de touristes qui débarquent sur l’île sans contrôle, ce matin même [jeudi 18 février], un fraudeur belge a été condamné pour faux et usage de faux, il risquait 3 ans de prison et 45 000 euros d'amende, mais ne s'en est sorti qu’avec une petite amende de 650 euros. Les variants brésilien et anglais arrivent d’Europe et non pas de Mayotte.

Si on doit fermer l’aéroport (hormis pour les vols commerciaux) qu'on le fasse pour tous les pays. Alors, pourquoi stigmatiser les Mahorais ? Quant à la violence exercée par des jeunes mahorais, là aussi, il faut arrêter de stigmatiser le quartier Fayard. En 2018, j'ai personnellement travaillé dans ce patelin sur un projet, j’ai été bien accueilli par des parents et des jeunes qui ont envie de s’en sortir, mais n’en ont pas les moyens. J’ai aussi et surtout vu la misère, la désolation, 90% des gens aux chômage, et abandonnés par la municipalité. J’avais rencontré le maire, Jean-Paul Virapoulle, j’ai ressenti son inintérêt pour ce quartier. Certes, il y a des problèmes de violence comme dans d’autres villes, mais ce n’est qu’une petite minorité. À titre de comparaison, à la même date, je menais des projets aussi au Port et à Saint-Pierre (Rivière des Galets, Terre-Sainte et Bois-d’olive), le maire, Monsieur Fontaine, m’avait reçu et des moyens ont été déployés pour des actions qui sont toujours en cours. On s’étonne qu’il ait été élu dès le premier tour. Idem pour Monsieur Hoarau, maire du Port, j’ai travaillé avec l'association FARFAR à la Rivière des Galets, j’ai vu les moyens débloqués par la mairie et le travail effectué par les acteurs sociaux pour combattre la pauvreté. Lui aussi élu au premier tour. Bien sûr que l'on peut et que l'on doit faire plus… Cependant, je ne peux croire que nous, Réunionnais, descendants d’esclaves et d’engagés, sommes devenus racistes envers les autres peuples de l’océan Indien avec qui nous partageons à peu près la même histoire. Réunionnais, sachez que malgré le métissage, nos cheveux moins ondulés, notre peau légèrement moins foncée, une bonne part de notre génome provient de la tribu des bois d’ébène, ceux-là mêmes qui ont vécu les pires atrocités de l’histoire de l’humanité…

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DÉLINQUANCE DES MINEURS (PARTIE1/2)

ET DEMAIN ? Dans les mémoires, le souvenir des trois personnes assassinées fin janvier en Petite-Terre court encore. Parmi elles, deux adolescents âgés de 14 et 16 ans. Sur le banc des accusés, une majorité de mineurs. Courent encore, aussi, les images de l'agression au couteau d'un jeune au pied de l'Intermarché Baobab. Dans le département le plus jeune de France, la délinquance ne fait pas de distinction d'âge. Tant au niveau des victimes que des présumés coupables. La situation est telle qu'elle semble être devenue banale. Reste aujourd'hui à comprendre pourquoi, et comment aller de l'avant pour composer avec cette jeunesse. Celle qui construit déjà l'île de demain.

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Conctance Daire

VIOLENCES EN PETITE-TERRE

LE POIGNANT APPEL DE LA FAMILLE DE STEVEN, MORT LE 24 JANVIER

De droite à gauche : la mère de Steven, sa petite sœur et Antoinette, sa sœur ainée.

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LE 24 FÉVRIER, LA FAMILLE DE STEVEN, L’ADOLESCENT MORT EN JANVIER DANS LES VIOLENCES QUI ONT AGITÉ LA PETITE-TERRE PENDANT TOUT UN WEEK-END, A ENVOYÉ UN PUISSANT TÉMOIGNAGE POUR DÉMENTIR CERTAINS PROPOS RELAYÉS DANS LES MÉDIAS À L’ÉPOQUE. ET RENDRE UN DERNIER HOMMAGE. “Steven, il était comme mon fils. Pourquoi c’est tombé sur lui ?”, interroge inlassablement Antoinette Ernestine, la voix douce et triste. Antoinette, c’est l’aînée de cette fratrie de cinq enfants d’origine malgache. Et depuis un mois, et ce jour fatal du 24 janvier, la famille n’arrive pas à faire son deuil. Si les médias locaux se sont largement fait l’écho des événements tragiques de ce week-end de janvier, où trois personnes, un homme de 36 ans, et deux adolescents de 15 et 14 ans ont perdu la vie à la suite d’affrontements entre bandes rivales des quartiers Cetam et de la Vigie, en Petite-Terre, les propos relayés ont parfois atteint les proches des victimes. Jusque dans leur chair. Aujourd’hui, la famille de Steven ne demande qu’une chose : “rétablir la vérité”. “On en a besoin, on n’arrive plus à dormir”, murmure la sœur aînée. C’est pour cette raison qu’ils ont décidé ensemble d’envoyer aux rédactions un texte vibrant pour réclamer enfin, “vérité et justice pour Steven”. “Des reportages et des articles de presse se font bien sûr l’écho de ces événements tragiques (...). Certains de ces articles nous ont choqués. Plus que cela, ils nous ont meurtris et ont ajouté de la douleur au deuil que nous vivons”, écrivent-ils dans ce plaidoyer relayé sur les réseaux sociaux. “Ne tuez pas Steven une deuxième fois, ne salissez pas sa mémoire !”

“JE N’AURAIS PAS CONFIÉ MON ENFANT À UN VOYOU” “Ces articles faisaient l’amalgame et la famille en parlait beaucoup. Alors là, le 24 février, pour la date anniversaire, et on a tous dit “il faut qu’on envoie quelque chose”’, retrace l’auteur de ces lignes. Plus d’une fois, l’oncle du jeune garçon l’a accueilli chez lui, en Grande-Terre, pour les weekends ou les vacances scolaires. Serviable, discret, Steven ne rechigne pas à donner un coup de main pour garder le bébé d’un an et demi ou faire un peu de ménage. “Il n’avait rien d’un voyou ! Je n’aurais pas confié mon enfant à un voyou”, poursuit-il.

un coup de main pour réparer mon vélo…”, nous avait à l’époque confié Saïd*, un habitant de Labattoir. “C’est le réparateur de la maison !”, confirme Antoinette Ernestine. Et c’est d’ailleurs ce même caractère “bricoleur”, qui le poussera, en ce dimanche pluvieux de janvier, à affronter les trombes d’eau pour aller récupérer un escabeau près de la mosquée afin de réparer le toit de tôle du banga familial. “Il n’a pas pu récupérer l’escabeau, il a vu la bande de jeunes et il a fait demi-tour… Je ne sais pas pourquoi ils l’ont poursuivi. Il était là au mauvais endroit, au mauvais moment”, retrace sa sœur dans un souffle. La question la taraude et revient en boucle selon elle dans le voisinage, qui connaissait Steven, le garçon calme, fan de vêtements Nike - sa sœur lui en ramenait dès qu’elle en avait l’occasion - et qui “faisait beaucoup d’effort pour réussir à l’école”. Difficile de voir en lui une “cible” impliquée dans ces rivalités de bande… Mais bien plus une victime collatérale d’un fléau qui a gangrené le quartier pendant des mois. “Il aimait Mayotte, Mayotte l’avait adopté, et il avait adopté Mayotte”, ajoute son oncle. Mais Mayotte a enterré Steven. L’enquête, elle, se poursuit pour tenter de retrouver les auteurs de ce meurtre. En tout, quatre informations judiciaires ont été ouvertes à la suite de cet épisode de violences. Depuis l’interpellation de huit leaders présumés de la bande de Gotam en date du 25 janvier - un autre avait été interpellé plus tôt, et ce chiffre a sûrement grossi aujourd’hui -, et leur placement en détention provisoire, un calme, fragile, règne sur la Petite-Terre. n *Le prénom a été modifié

UN BRICOLEUR NÉ Un portrait qui corrobore d’ailleurs celui dressé par l’un de ses amis le jour de son enterrement. “J’y crois pas ! Le petit, le génial, qui pensait qu’à s’amuser, qui cherchait jamais les embrouilles ! Il était toujours là à vouloir donner

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Propos recueillis par Solène Peillard

ENTRETIEN AVEC ALISON MORANO, ANTHROPOLOGUE

“IL N’Y A PAS DE PROFIL TYPE DU DÉLINQUANT À MAYOTTE”

EN 2016, ALISON MORANO SE PENCHAIT SUR “LA CATÉGORIE SOCIALE DES MINEURS ISOLÉS À MAYOTTE”, DANS LE CADRE DE SON MÉMOIRE D’ANTHROPOLOGIE SOCIALE ET ETHNOLOGIE. DEPUIS, ELLE NE CESSE DE S’INTÉRESSER À LA SITUATION DE LA JEUNESSE DU TERRITOIRE ET ESTRÉGULIÈREMENT AMENÉ À RENCONTRER DES MINEURS QUI, EXCLUS D’UN POINT DE VUE SOCIAL, ONT SOMBRÉ DANS LA DÉLINQUANCE. Mayotte Hebdo : Qu’est-ce qui vous a amené à traiter de la condition sociale des mineurs à Mayotte et plus particulièrement de leur exclusion ? Alison Morano : J’ai d’abord travaillé sur les mineurs isolés, puis ceux non scolarisés. Et le point commun de ces deux situations était une exclusion à la fois sociale, scolaire, familiale, administrative... J’ai voulu faire de cette exclusion multiforme un fil rouge et petit à petit, j’ai été amené à traiter de l’errance. Je me suis immergée dans différentes structures, de l’aide sociale à l’enfance aux associations, en œuvrant à la fois avec les jeunes non scolarisés et avec la protection de l’enfance. Il y a plusieurs formes d’exclusion : familiale pour les mineurs isolés ; scolaire, qui est très

importante ici et sur laquelle j’ai beaucoup travaillé ; l’exclusion administrative de ceux qui ne remplissent pas les conditions immédiates à l’obtention d’un titre et qui se retrouvent relégués dans un espace de précarité et d’incertitude ou l’exclusion sociale en général dans des conditions de vie très éloignées de ce qui pourrait être satisfaisant. Ces exclusions se recoupent, se rejoignent et il y a une porosité des frontières entre chacune qui fait qu’un mineur peut conjuguer toutes ces formes-là et se retrouver dans une vulnérabilité extrême. L’exclusion familiale, le fait de ne pas avoir de cadre “contenant” est aussi un élément récurrent, que les parents soient sur le territoire ou non, cela ne désigne pas que les mineurs non accompagnés, ou mineurs isolés. L’absence de ce cadre rassurant, de

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schémas éducatifs adaptés est un élément déterminant, au même titre que l’influence des bandes, qui peut par exemple encourager les comportements violents ou addictifs. Il n’y a pas un seul élément constitutif dans le parcours de vie des mineurs, c’est vraiment un ensemble, une chaise d’exclusions en quelques sorte. M.H : Comment l’exclusion, quelle qu’elle soit, peutelle encourager le passage à l’acte délictueux ? A.M : Au regard des observations que j’ai pu faire et à travers le recueil de différents témoignages, le sentiment général est que ces jeunes ne se sentent pas intégrés à la société. Eux-mêmes ont conscience qu’ils sont l’avenir de Mayotte, que c’est cette jeunesse qui construit le département, mais ils déplorent de n’avoir rien à faire. Même auprès des jeunes majeurs que j’ai rencontré en prison, c’est le discours qui revient. Certains déplorent aussi de ne pas avoir eu d’affectation au sortir de la troisième, alors ils ne trouvent pas d’école et finissent par rejoindre les groupes de leur quartier. Et à côté de ça les conditions sont extrêmement précaires... M.H : Pourtant, tous les jeunes délinquants n’agissent pas dans une logique de survie... A.M : Quand je suis arrivée à Mayotte, en 2015, on entendait des gens dire qu’ils s’étaient fait cambrioler

leur frigo par exemple. Aujourd’hui, je l’entends beaucoup moins. Est-ce qu’on ne le relève plus ou estce la délinquance qui a changé de forme ? Je pense très sincèrement que ces cinq dernières années, la délinquance s’est durcie. Au-delà de voler de la nourriture parce qu’on a faim, on en profite pour prendre un ordinateur. La précarité s’est aussi peut-être accentuée. Le chômage en tout cas est toujours le même, et c’est quelque chose qui revient beaucoup dans le discours des jeunes délinquants que j’ai rencontrés. Certains n’ont pas de perspective d’emploi, de formation, d’accès à un avenir un peu plus pérenne. Certains me l’ont clairement dit : “ Je n’ai rien à faire, il faut que je mange donc je dois aller voler ”. Cela leur permet de vivre un peu plus longtemps avec un peu d’argent. Je pense que les raisons de cette délinquance sont les mêmes, mais que la forme s’est durcie. Le phénomène d’influence des bandes peut aussi encourager une forme de délinquance plus dure. M.H : Ces jeunes perçoivent-ils le passage à l’acte comme une façon de se faire entendre, ou une forme de protestation envers les services publics ? A.M : En effet, et on le voit beaucoup en ce moment avec les caillassages d’ambulances, des forces de l’ordre ou de ce qui symbolise l’État. Je pense qu’il y a une forme de haine, de rancune pour cet État qui pour certains les a séparés de leurs parents, pour d’autres ne leur

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permet pas de s’insérer dans la société avec une situation administrative irrégulière. D’autres encore, malgré une situation régulière ou une nationalité française, ne parviennent pas à s’insérer sur le marché de l’emploi. De l’autre côté, une partie de la population se sent elle aussi abandonnée par un État jugé laxiste. Je pense que les pouvoirs publics essayent, en amenant plus de policiers notamment. Mais est-ce que la solution repose vraiment sur les forces de l’ordre, ou faut-il essayer de résoudre les soucis autrement, en commençant par la racine plutôt que par la manifestation du problème ? Sur le long terme, cela aura t-il un impact signifiant ? Je ne saurais pas le dire. Je serais mal placée pour juger ce qui est mis en place, mais au regard du nombre de MJC sur le territoire, on peut se demander s’il n’y a pas quelque chose à proposer ne serait-ce qu’à ce niveau-là. M.H : Dans l’imaginaire populaire mahorais, la délinquance serait majoritairement le

fait de personnes en situation irrégulière. Le résultat de vos travaux va-t-il en ce sens ? A.M : Dans le cadre de mes travaux sur l’errance, j’ai rencontré plusieurs jeunes qui sont tombés dans la délinquance, certains en étaient déjà sorti, d’autres non. J’ai alors fait très attention aux amalgames : on entend souvent à Mayotte qu’insécurité = immigration. Je ne nie pas qu’effectivement, dans les groupes de jeunes errants ou délinquants, il y a des mineurs natifs ou originaires des Comores, mais dans une proportion tout à fait équivalente avec les mineurs natifs de Mayotte. Ce sont d’ailleurs les jeunes eux-même qui m’ont très rapidement dit qu’il n’y avait pas que des Comoriens dans leurs bandes. Et effectivement, les chiffres officiels rejoignent ce discours-là. Après, quand on parle de “natif de Mayotte”, on ne vérifie pas d’où viennent les parents, c’est aussi un paramètre à prendre en compte.

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Ce qu’il faut souligner, c’est l’hétérogénéité des profils et la porosité des frontières entre les différentes formes d’exclusion. J’ai surtout rencontrés des adolescents âgés de 13 à 18 ou 19 ans. Ils m’expliquent que dans les bandes, il n’y a pas d’homogénéité d’âge ou de situation sociale ou familiale. Ça va du petit au grand, de celui né sur le territoire à celui né aux Comores, vivant avec ou sans parents, scolarisés ou non. C’est quelque chose qui revient beaucoup : il n’y a pas de profil type du délinquant ou de l’errant à Mayotte, ce sont les conditions qui sont déterminantes. Même au niveau de la situation sociale ou familiale, il n’y a pas de point commun. Ils se retrouvent dans la même galère, mais c’est tout. M.H : Comment alors lutter contre ces formes d’exclusion et de délinquance ? A.M : Je pense que l’important, c’est déjà d’écouter les jeunes qui sont exclus ou en rupture. Ils ne se sentent pas écoutés, pas entendus. Il faudrait peut-être mettre en place des comités de quartier par exemple, dans lesquels les jeunes auraient leur mot à dire et où l’on pourrait s’intéresser à eux, se demander pourquoi ils

agissent comme ça, quelles sont leurs envies, leurs projets. Leur donner la parole est quelque chose de primordial. Lorsque je termine un entretien avec un jeune, il arrive souvent qu’il me remercie de l’avoir écouté, de lui avoir posé des questions sur qui il est, ce qu’il veut devenir. Il faut aussi évidemment proposer un peu plus d’activités adaptées à différents âges, il n’y a pas que les terrains de foot qu’il faut mettre en avant. Il y a d’autres profils de jeunes qui aimeraient peut-être faire autre chose. Il faudrait aussi envisager que ces activités ne soient pas exclusives sur le plan administratif pour qu’elles soient accessibles au plus grand nombre. Pour les formations par exemple, c’est très difficile d’y accéder sans titre de séjour. Je ne veux pas focaliser sur ce genre de jeunes évidemment, mais je pense qu’à terme, le fait d’exclure administrativement une partie de la jeunesse peut devenir un source de colère et de ressentiment. Beaucoup d’entre eux sont nés ou ont grandit ici, donc leur exclusion créé une population assez révoltée. L’exclusion scolaire favorise également beaucoup le sentiment de rejet, de ne pas être intégré dans la société. Quand un jeune ne peut pas aller à l’école mais voit les autres le faire, ça créé une véritable barrière.n

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Propos recueillis par Solène Peillard

ENTRETIEN AVEC LE SÉNATEUR THANI MOHAMED SOILIHI

“UNE RÉFORME NE SE SUFFIT PAS À ELLE-MÊME, IL FAUT LUI DONNER LES MOYENS”

EN SEPTEMBRE PROCHAIN, LA RÉFORME PORTANT SUR LA JUSTICE DES MINEURS ENTRERA EN VIGUEUR SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE NATIONAL. PARMI SES FERVENTS DÉFENSEURS, LE SÉNATEUR MAHORAIS THANI MOHAMED SOILIHI, PAR AILLEURS AVOCAT DE PROFESSION. QUE LE TEXTE PRÉVOIT-IL ? COMMENT S’APPLIQUERA-T-IL À MAYOTTE ? EXPLICATIONS. Mayotte Hebdo : Pourquoi réformer la justice des mineurs ? Thani Mohamed Soilihi : Ça fait plus de onze ans qu’on en parle. La justice des mineurs avait été instituée par une ordonnance datant de 1945, au sortir de la guerre, sous l’égide du général de Gaulle. Cette justice a toujours voulu lier répression, certes, mais aussi éducation, puisqu’un mineur, un enfant, ne peut pas être appréhendé comme un adulte qui lui agit en pleine connaissance de cause. Cette philosophie-là n’a jamais changé, tous les gouvernements confondus ont toujours

tenu à maintenir cet équilibre entre éducation et répression. Par contre, l’ordonnance a été retouchée pas moins de 39 fois. Ces réformes successives ont eu pour effet de défigurer le texte original. C’est donc pour ça qu’il est question de réformer cette ordonnance. Et en septembre dernier, le texte a enfin été déposé par Madame Nicole Belloubet [garde des Sceaux sous le gouvernement Philippe, ndlr] sous forme d’ordonnance, grâce à une habilitation accordée par le Parlement. Là, il fallait rectifier l’ordonnance mais avec la crise liée au Covid, cela a pris du retard et entrera donc en vigueur en septembre.

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M.H : Concrètement, qu’est-ce que la réforme changera à compter de septembre ? T.M.S : Elle ne change pas fondamentalement la philosophie de la justice pénale, qui reposera toujours sur la répression et l’éducation, mais elle va faire en sorte que la réponse pénale soit rendue plus rapidement. Aujourd’hui, lorsqu’un mineur commet des faits, il y a bien évidemment une phase d’enquête, d’instruction devant le juge des enfants, etc. Le délai moyen de ce traitement est de 18 mois. Donc ça peut être certes moins, mais ça peut aussi être beaucoup plus. Certaines affaires ont même défrayé la chronique puisqu’entre la commission des faits et le jugement, les personnes concernées étaient devenues majeures. Quand la réponse pénale tarde autant, quel sens peut-on lui donner ? Ainsi, le texte de réforme veut que le mineur soit présenté devant le juge très rapidement, entre 10 jours et trois mois, qui sont des délais incompressibles pour ne pas bâcler les procédures. Cette première comparution est

très importante puisqu’il y a tout de suite une réponse qui est apportée. L’autre apport, c’est que la victime est convoquée dès cette phase alors que dans la procédure qui vaut jusqu’à présent, elle n’est convoquée qu’au moment du procès, donc au bout de 18 mois, un an ou quatre ans... Une procédure de césure a été mise en place dans le cadre de la réforme. Autrement dit, on coupe en deux la procédure avec ce moment phare immédiatement après les faits ainsi qu’avec la mise en place d’une mise à l’épreuve éducative avant le jugement final. Si entre temps, la situation du mineur a évolué favorablement ou défavorablement, la réponse pénale sera différente. M.H : Tous les dispositifs prévus par la réforme pourront-ils être appliqués à Mayotte, où les moyens, les structures compétentes et les effectifs ne sont pas les mêmes qu’en métropole ? T.M.S : C’est la particularité en matière pénale : la loi pénale, et même celle des mineurs, est valable pour tout le territoire français. Il n’y a pas de particularité lorsqu’il s’agit d’un texte pénal. Donc bien évidemment, l’ensemble

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de ces dispositions sera applicable ici, comme partout ailleurs sur le territoire national. À Mayotte, il y a beaucoup d’enfumage, les gens parlent de sujets qu’ils ne connaissent ou ne maîtrisent pas. Si l’on veut faire des exceptions pénales, il faudrait que Mayotte soit hors de la France. S’il y a des particularités ici, c’est en matière sociale, par rapport au Code du travail, etc. Ce sont des sujets qui, à certaines conditions, peuvent effectivement connaître quelques particularités, mais pas la matière pénale. M.H : Vous demandez depuis longtemps la création d’un centre éducatif fermé sur le territoire. Pourquoi aujourd’hui, et ce malgré l’ampleur de la délinquance des mineurs à Mayotte, une telle structure n’existe toujours pas ? T.M.S : Je le dis partout : une réforme ne se suffit pas à elle-même, il faut lui donner les moyens, qu’il s’agisse en effet d’un centre éducatif fermé, mais aussi d’autres dispositions. Cette nouvelle procédure, pour

qu’elle puisse fonctionner, nécessitera des juges en plus, des magistrats en plus, des greffiers en plus, des fonctionnaires en plus à la PJJ... La réponse pénale est multiple et diversifiée. Là aussi, il faudrait tordre le cou à ceux qui pensent que la justice des mineurs est laxiste. Je ne connais pas un magistrat ou un juge qui se lève le matin en se disant : “ Je vais être laxiste à l’égard des mineurs ! ”. S’il y a des décisions prises qui peuvent paraître laxistes, c’est qu’en fait, les moyens pour les faire appliquer n’existent pas. Certains ont refusé de voter cette réforme parce qu’ils l’estimaient trop sévère vis-à-vis des mineurs. C’est dire ! Mais à Mayotte, lorsqu’un juge doit passer par la case centre éducatif fermé, il n’a plus que le choix de le laisser dehors ou de le mettre au quartier des mineurs à Majicavo, pour des faits qui ne méritent pas de prison ferme. Parfois, la décision est prise de ne pas l’y envoyer, ou avec un temps d’emprisonnement très limité. Alors, le mineur peut ne pas comprendre pourquoi

CENTRE ÉDUCATIF FERMÉ : UN PROBLÈME DE COÛT ? En 2019, les mineurs délinquants représentaient 7% de l’activité pénale à Mayotte, selon la PJJ. Or, en l’absence d’un centre éducatif fermé mahorais, entre 20 et 30 jeunes sont envoyés outre-mer tout au long de l’année, vers des structures réunionnaises. Pour une autre figure politique, interrogée sous couvert d’anonymat, le plus gros frein à la création d’un centre local pourrait être financier. En effet, les centres éducatifs fermés représentent les dispositifs les plus coûteux de la protection judiciaire de la jeunesse, du fait du fort taux d’encadrement. “En outre, le coût de journée moyen a fortement augmenté au cours des dernières années, du fait en particulier de la réévaluation des moyens humains et de l'augmentation des coûts dans le secteur public”, pointait déjà du doigt le Sénat en 2018, qui estimait, l'année suivante, à 672 euros le coût d’un jour de fonctionnement par mineur pris en charge. “Ramené au ratio de la population de Mayotte, on ne fait pas le poids”, confie encore notre source, qui rappelle qu’avec près de 10 000 naissances à l’année, "les millions investis ne seraient pas jetés par la fenêtre, car peu importe le coût, il s’agit de mettre en échec la montée d’une certaine forme de violence chez les jeunes”. D’autant plus que les coûts liés au fonctionnement d’un centre d’éducatif fermé demeurent moins lourds qu’un placement en détention.

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il a été enfermé puis libéré, et il risque d’y ressortir plus dangereux qu’il n’y est entré.

M.H : Avec la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron, l’année prochaine, cela laisse peu de temps...

Les moyens peuvent être présents et toutes les cases doivent être cochées. Pour l’instant, nous avons un centre éducatif renforcé, un travail de terrain qui est fait, par les associations, au sein des familles d’accueil notamment. Le cran au-dessus, c’est ce centre éducatif fermé. Dans l’arsenal législatif, la justice pénale des mineurs et des majeurs est différente, mais le juge peut considérer ou non l’excuse de minorité (que la réforme conserve), qui permet que la peine soit deux fois moins élevée que si la personne mise en cause était majeure. La marge de manœuvre du magistrat est d’autant plus limitée si toutes les structures prévues dans le cadre de cette réponse pénale font défaut. Or à Mayotte, on manque évidemment de moyens pour faire fonctionner comme il faut la justice des mineurs. Pourquoi ce vœu de créer un centre n’est-il toujours pas exaucé ? Je ne le sais pas moi-même. Et je ne suis pas le seul à demander la création d'un centre ! Mais le manque de moyens concerne aussi le champ de l’enquête : il faut des officiers de police judiciaire qui maîtrisent la particularité de cette justice pour que les procédures ne craignent pas d’être annulées pour vice de procédure. Les enquêteurs ont eux-aussi besoin de ce renfort de moyens.

T.M.S : Vous savez, le jour où on arrêtera de faire des annonces et des programmations j’arrêterai la politique ! Si le centre est annoncé un mois avant la fin du quinquennat et que les moyens sont mis sur la table, je m’en contenterais. Les promesses d’un président n’engagent pas forcément son successeur mais en réalité, elles le devraient. Ce n’est pas une demande que je formule comme ça : la réponse à cette demande apporterait un plus dans la résolution de la délinquance des jeunes à Mayotte. Nous avons pu avoir un centre éducatif renforcé parce que nous l’avons demandé avec insistance, il n’y a pas de raison pour que nous n’ayons pas de centre éducatif fermé !

Au regard des mes demandes, on pourrait croire que je suis sévère avec ce gouvernement, mais c’est justement parce qu’il a exercé pas mal de demandes. Pour moi, l’absence de ce centre éducatif fermé est en quelque sorte un trou dans la raquette. Le fait que nous soyons le département le plus jeune va peut-être faire bouger les choses, il faut rappeler que plus de la moitié de la population de Mayotte est mineure. Connaissez-vous beaucoup de territoires français à être dans ce cas ? Depuis l’époque Belloubet, et même avant, il a été acté de créer une vingtaine de nouveaux centres éducatifs fermés dans toute la France. Je crois que parmi ces 20 nouveaux centres, Mayotte en mérite bien un.

M.H : Au-delà de la jeunesse de la population, comment expliquez-vous que la délinquance juvénile à Mayotte monte en puissance année après année ? T.M.S : Je crois que depuis trop longtemps, les jeunes se sentent non inquiétés, sans réponse à la hauteur de ce qui se passe. Mais il y a d’autres facteurs à prendre en compte comme l’abandon de certains parents, causés en partie, mais pas uniquement, par l’immigration clandestine puisque dans certaines situations, l’autorité parentale fait défaut. Et pendant longtemps, avant l’arrivée d’Issa Abdou [le vice-président du conseil départemental, en charge des affaires sociales, ndlr], on ne s’est pas préoccupé de la partie préventive. Sur l’île, on insiste beaucoup sur la répression, mais la prévention est tout aussi importante, voire plus, puisque c’est elle qui fait qu’un mineur ne passe pas à l’acte. Nous avons trop accumulé les manquements, et nous sommes maitnenant en train de payer cash toutes ces années-là. Nous étions face à une bombe à retardement, et aujourd’hui la mèche a été allumée. Je ne veux pas avoir la critique facile, mais c’est une responsabilité collective, partagée. Les mesures concrètes pour éviter que cela arrive n’ont pas été assez nombreuses. n

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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayottehebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédactrice en chef Solène Peillard

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Couverture :

violences des mineurs 1/2 Et demain ?

Journalistes Romain Guille Raïnat Aliloiffa Constance Daire Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mohamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com


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