LE MOT DE LA RÉDACTION QUE FAIT LA JUSTICE ? Après chaque caillassage, chaque cambriolage, chaque agression, les mêmes questions essaiment sur les réseaux sociaux comme dans de nombreux esprits. Que font les forces de l'ordre ? Que font les juges ? Pour y répondre, les hari hari ne manquent pas : laxisme de la justice, surpopulation carcérale, complicité des magistrats… Chacun y va de son commentaire, de son scénario. Pourtant, et souvent dans l'ombre, le service de la protection judiciaire de la jeunesse opère, et surtout, encadre les mineurs une fois passés devant le juge. Car aux yeux de la loi, un enfant ne peut être considéré comme un adulte. Alors souvent, d'autres alternatives sont privilégiées à l'emprisonnement. Il faut dire que les 30 places du quartier des mineurs de Majicavo ne sauraient absorber à elles-seules les 800 à 900 mineurs suivis par la PJJ chaque année. Elles ne sauraient pas toujours, non plus, recréer des liens familiaux abîmés, refaire une éducation imparfaite, instaurer un respect de l'autorité jusqu'alors toujours défiée. Cette semaine, plongeons dans les différents dispositifs qui accueillent ces jeunes délinquants, les accompagnent jusqu'ils retrouvent, enfin, le droit chemin. Bonne lecture à toutes et à tous.
Solène Peillard
TOUTE L’ACTUALITÉ DE MAYOTTE AU QUOTIDIEN
Lu par près de 20.000 personnes chaque semaine (enquête Ipsos juillet 2009), ce quotidien vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre également un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.
tidien
er quo otteL e-Mai de May sé par nt
Le 1
diffu
Diffu
Diffu
nEME
Sur Abon
0 04.fr anadoo 0269 61 2 fos@w
flash-in
tiDiEn
Er quo ottEL E-MAi DE MAy SÉ PAr nt
LE 1
nEME
Sur Abon
0 04.fr anadoo 0269 61 2 fos@w
0 04.fr anadoo 0269 61 2 fos@w
flash-in
flash-in
FI n°3839 Lundi 7 mars 2016 St Félicie
tiDiEn
Er quo ottEL E-MAi DE MAy SÉ PAr nt
LE 1
0269 61 63 55
Fax : 0269 61 63 00
Diffu
nEME
Sur Abon
0 04.fr anadoo 0269 61 2 fos@w
VERRES À VIN, COCKTAIL, COUPE À GLACE...
BP 263 - ZI Kawéni - 97600 Mamoudzou - email : hd.mayotte@wanadoo.fr
flash-in
FI n°3822 Jeudi 11 février 2016 Ste Héloïse
à partir de
9€
RENSEIGNEMENTS Tél : 0639 67 04 07 | Mail : contact@mayotte-e-velos.yt
FI n°3818 Vendredi 5 février 2016 Ste Agathe
marine le Pen
environnement
Port de Longoni
ConSeil départeMental
Quel accueil se prépare pour la présiDente Du Fn ?
Le Lagon au patrimoine mondiaL de L'unesCo ?
la dsP sur la sEllEttE
pas de changement sUr l’octroi de mer
© Jonny CHADULI
Grève à Panima
TéléThon 2016
Des propositions mais toujours pas D'issue
DemanDez le programme
première parution : juillet 1999 - siret 02406197000018 - édition somapresse - n° Cppap : 0921 y 93207 - dir. publication : Laurent Canavate - red. chef : Gauthier dupraz - http://flash-infos.somapresse.com
4100% numérique
tiDiEn
Er quo ottEL E-MAi DE MAy SÉ PAr nt
LE 1
neMe
sur abon
FI n°3997 mercredi 30 novembre 2016 St André
© CR: Gauthier Bouchet
Diffusé du lundi au vendredi, Flash Infos a été créé en 1999 et s’est depuis hissé au rang de 1er quotidien de l’île.
1
Économie
SÉcuritÉ
Les appeLs à projets de L'europe
Couvre-feu pour Les mineurs
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
OUI, je m’abonne
1
Musique
Faits divers
Edmond BéBé nous a quitté
ViolEncE En cascadE
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
1
MCG VS SMart
ViCe-reCtorat
UltimatUm oU véritable main tendUe ?
l’institUtion répond aUx critiqUes
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
1
Pour une formule multiposte, nous demander un devis.
Bulletin d’abonnement
180 € par an g Pour vous abonner, il suffit de nous transmettre ce bon de commande, accompagné d’un virement ou d’un chèque à l’ordre de la Somapresse.
Nom : …………………………….…..…….………Prénom : ………………………..……..………………….…………. Société - Service : ……………………………………………….……….……………..….….….….……...…..…………. Adresse : ……………………………………………………….………….……………….….….….….….…..…………. Code postal : ……………….….….….….… Ville - Pays : ……………….………….……………….…….....…………. N° de téléphone : ………………….………………..E-mail :…………..….….….….…....………….……….…………….. Règlement :
c Chèque à l’ordre de SOMAPRESSE
c Virement
IBAN : FR76 1871 9000 9200 9206 6620 023 / BIC : BFCOYTYTXXX Signature, date (et cachet) : Abonnement d’un an renouvelable par tacite reconduction. Il pourra être dénoncé par simple courrier au moins un mois avant la date d’échéance.
Vous pouvez également vous abonner en ligne en vous rendant sur notre site internet à l’adresse www.mayottehebdo.com/abonnements pour la version numérique. Pour toute demande, contactez-nous : contact@mayottehebdo.com
A retourner à : SOMAPRESSE - BP.60 - 7 rue Salamani - 97600 Mamoudzou
3
• M ay o t t e H e b d o • N ° 9 4 6 • 0 5 / 0 3 / 2 0 2 1
TCHAKS LE CHIFFRE 48 C’est le nombre d’étrangers en situation irrégulière interpellés lors d’une opération d’envergure menée par les forces de l’ordre, suite au weekend de violences qu’a connu Koungou. Mais difficile, pour l’heure, de savoir si les fauteurs de trouble figurent dans le lot. L’enquête de la gendarmerie doit en effet se poursuivre pour identifier les auteurs des faits. D’après les dernières informations disponibles, trois personnes ont été placées en garde à vue dans le cadre de ces investigations, et l’une d’entre elles a été incarcérée. Pour mémoire, les premières violences avaient éclaté vendredi 26 février, suite à une vague d’interpellations dans le quartier dit de la Jamaïque, où la mairie s’apprête à procéder à la destruction de 200 cases en tôle, dont la plupart n’ont ni accès à l’eau, ni à l'électricité. Les décasage ont d'ailleurs débuté lundi, soit la veille de la date officielle.
L'ACTION
LA PHRASE
Depuis l’arrivée du variant sudafricain à Mayotte et à La Réunion, la situation sanitaire s’est gravement dégradée sur les deux îles. Ainsi, Ambdilwahédou Soumaila et Vanessa Miranville, respectivement maire de Mamoudzou et de La Possession (La Réunion) ont cosigné une lettre adressée au gouvernement et dans laquelle ils réclament un “renforcement des moyens humains et matériels pour leurs établissements hospitaliers respectifs”. S’agissant du 101ème département, Ambdilwahédou Soumaila insiste notamment sur l’accélération des travaux concernant la piste longue ainsi que la “construction d’un deuxième centre hospitalier de référence permettants d’augmenter les capacités en lits”.
“Tréni Bilé”, le conseil départemental a annoncé vouloir mettre en service un “train bleu” mahorais à l’horizon 2040. Objectif principal : développer la mobilité dans un département où seuls 28% des ménages ont une voiture ou plus, mais aussi réduire les embouteillages, devenus légion à l’échelle de l’île, ainsi que la pollution. Mais d’ores et déjà, beaucoup de Mahorais ont montré leur scepticisme, à l’heure où la piste longue et le Caribus semblent encore balbutiants. Invité sur le plateau de Mayotte La 1ère, Mohamed Haissi Thomas, expert en transport public, s’est ainsi interrogé : “Ce n’est pas seulement un sujet technique. Il faut aussi se poser les questions : un train pour transporter qui ? Pour quelle demande ? Il faudra le financer, qui va le faire ?”
Les maires de “Le transport est un Mamoudzou et La droit et il y a matière Possession appellent à se plaindre” à renforcer les est loin d’être passée moyens hospitaliers L’information inaperçue. À travers son projet de
IL FAIT L’ACTU Un militaire du DLEM décède en exercice à Dzaoudzi Un soldat français de 22 ans a perdu la vie samedi 27 février, lors d’un exercice nautique au centre d’instruction et d’aguerrissement de la Légion étrangère à Mayotte. Le procureur de la République a annoncé ouvrir une enquête pour déterminer les circonstances exactes de la mort de Lucas Rochefeuille. Première classe affecté au 92ème régiment d’infanterie de ClermontFerrand, le jeune homme natif de La Réunion effectuait une mission de courte durée au sein du DLEM depuis le 11 décembre dernier.
4•
M ay o t t e H e b d o • N ° 9 4 6 • 0 5 / 0 3 / 2 0 2 1
LU DANS LA PRESSE
Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale
LE VOLCAN SOUS-MARIN FORMÉ IL Y A DEUX ANS AU LARGE DE MAYOTTE RESTE SOUS SURVEILLANCE Par L.T pour LCI
Un volcan sous-marin découvert en mai 2019 au large de Mayotte est toujours en activité. Il est surveillé comme le lait sur le feu. "Roi des mers", "nouvelle île", "monstre imaginaire", les Mahorais ne manquent pas d’imagination pour trouver un nom à leur nouveau voisin. Il s'agit d'un volcan qui s'est récemment formé sous l'océan indien à 50 kilomètres de Mayotte. Situé à 3500 mètres de profondeur, il mesure 800 mètres de hauteur et quatre kilomètres de diamètre. Sa naissance a entrainé des microséismes qui ont commencé à être ressentis en mai 2019 sur l’archipel. Depuis sa découverte, les scientifiques français accourent pour l’observer de plus près. La dernière mission océanographique, baptisée Mayobs 15, s’est déroulée à bord du navire Marion Dufresne. Les chercheurs ont découvert que le volcan dégageait des coulées de lave. En deux ans, il a recraché de quoi remplir l’équivalent de deux piscines olympiques. Les roches sont récupérées et analysées. Cette étude permettra de définir où se trouve
la chambre magmatique, cœur du volcan, le temps de séjour de la lave dans celle-ci et son chemin parcouru. Des sirènes pour alerter en cas de séisme ou de tsunami À Mayotte, les microséismes font des dégâts comme des fissures dans les murs. Les habitants apprennent à vivre avec. Les scientifiques surveillent le volcan en installant par exemple des sismomètres pour mesurer les déplacements du sol. Les moindres mouvements de la terre sont enregistrés. "Il faut être dans un endroit calme où il n’y a pas d’activité autour, personne qui marche, pas de routes, pas d’activités qui font trembler le sol", nous explique une scientifique. Lorsque l’activité mesurée est trop forte, la sirène retentit en ville. Il est prévu d'installer 23 autres sirènes sur l’archipel afin d'alerter en cas de séisme ou de tsunami. Anticipant une éventuelle catastrophe, les écoles se préparent d’ores et déjà au pire scénario. Des exercices d’évacuation sont ainsi effectués dans tous les établissements scolaires tous les trimestres.
5
• M ay o t t e H e b d o • N ° 9 4 6 • 0 5 / 0 3 / 2 0 2 1
DOSSIER
6•
M ay o t t e H e b d o • N ° 9 4 6 • 0 5 / 0 3 / 2 0 2 1
DÉLINQUANCE DES MINEURS (PARTIE 2/2)
QUELLES SOLUTIONS ? Après la réflexion, l'action. La semaine dernière, sociologue, politique et famille de victimes abordaient dans les colonnes de Mayotte Hebdo l'épineuse question de la délinquance des mineurs. À Mayotte, ils sont entre 800 et 900 à être confiés chaque année au service de la protection judiciaire de la jeunesse, ou la PJJ. Un suivi qui s'impose à tous les mineurs sous-main de justice et qui se déclinent à travers différents dispositifs pour éviter qu'ils ne sombrent un peu plus dans des schémas violents. Découvrez dans ce nouveau numéro quels sont ces outils, comment ces jeunes y sont pris en charge et surtout, le regard qu'ils portent désormais sur leurs parcours, leurs erreurs, leur avenir.
7
• M ay o t t e H e b d o • N ° 9 4 6 • 0 5 / 0 3 / 2 0 2 1
DOSSIER
Solène Peillard
RENCONTRES
DE CHEMIN D'ÉCUEILS EN FAMILLE D'ACCUEIL ILS ÉTAIENT, EN 2019, UNE QUARANTAINE DE MINEURS À ÊTRE PLACÉS PAR LE JUGE DES ENFANTS EN FAMILLE D'ACCUEIL À MAYOTTE. UNE MISSION CONFIÉE À LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE (PJJ) AFIN DE ROMPRE AVEC UN ENVIRONNEMENT FAMILIAL OU SOCIAL SOUVENT DIFFICILE. MAIS COMMENT TROUVER SA PLACE DANS UN FOYER QUI N'EST PAS CELUI DE SES PARENTS ? COMMENT SE REPENTIR, SE RECONSTRUIRE, LORSQU'ON EST ENCORE QU'UN ENFANT ? ILS RACONTENT. Sur ses genoux, Romain* fait danser une petite fille en robe rouge d’à peine un an, les bras tendus vers le ciel. La télévision, à l’autre bout du salon, diffuse dans la pièce les voix enfantines d’un dessin animé. Pendant quelques secondes, la bambine quitte des yeux l’écran aux formes colorées pour jeter un regard émerveillé au visage de l'adolescent. Ils se sourient comme s’ils s’étaient toujours connus. Comme s’ils avaient toujours vécu et grandi ensemble. Pourtant, Romain ne fait partie de la famille que depuis 2019. “Quand il est arrivé, il n’était pas du tout comme ça, je passais mes journées à le chercher de village en village”, se souvient Madame Alifa*, en
regardant sa petite-fille virevolter entre les mains du garçon. “Elle l’aime beaucoup, c’est comme un grand frère !” Romain n’a aucun lien de sang avec celles qui peuplent la maison. Son placement en famille d’accueil a été ordonné par le juge des enfants, devant lequel il comparaissait pour “ des bêtises ”, comme le résume sobrement l’adolescent de 14 ans en fixant le plancher entre ses pieds. Lorsqu’il s’agit d’évoquer les faits pour lesquels il a été condamné, Romain devient presque mutique. Une part de timidité, et assurément, une autre de regret. Alors son éducateur prend le relais, pour raconter l’histoire du jeune qu’il accompagne depuis le jour de son jugement.
8•
M ay o t t e H e b d o • N ° 9 4 6 • 0 5 / 0 3 / 2 0 2 1
“JE NE SAVAIS PAS QUE TOUT ÇA POUVAIT M’AMENER DEVANT LA JUSTICE” “Romain est impliqué dans deux affaires, mais les faits qu’il a commis ne sont pas très graves”, commence Mohamed Soumaila sans donner trop de détails. “C’est plus sa situation personnelle qui commençait à inquiéter, notamment un début de fréquentation de groupes, un début d’errance.” Romain se met alors à sécher les cours et fréquente de moins en moins le foyer familial. “Son jugement a déclenché une mise sous protection judiciaire pour poursuivre le travail éducatif. Si on le lâchait à ce moment-là, il risquait de sombrer”. D’ici la fin de l’année scolaire, il devrait pouvoir retourner
vivre auprès de sa véritable famille, en Petite-Terre. “C’est lui qui a proposé de rester ici le temps de terminer sa troisième ! Il sait que s’il retourne là-bas, il risque encore de recommencer les bêtises et d'arrêter l'école”, souligne Madame Alifa dans un regard bienveillant. “Il est luimême conscient de ses fragilités”, commente à son tour l’éducateur. D’ici peu, Romain devrait pouvoir réintégrer progressivement le cocon familial, uniquement les weekends, dans un premier temps. “Nous avons connu des débuts de retour en famille qui ont été difficiles car la famille rencontrait encore des difficultés à poser un cadre. Là, nous travaillons, en soutenant la maman sur cette dynamique-là, à travers des entretiens avec la psychologue, des entretiens avec le jeune, nous sensibilisons la maman à mettre en place
9
• M ay o t t e H e b d o • N ° 9 4 6 • 0 5 / 0 3 / 2 0 2 1
DOSSIER
un couvre-feu et prévenir immédiatement l’agent d’astreinte lorsque le jeune ne rentre pas”, égraine Mohamed.
TROIS FAMILLES EN TROIS MOIS De l’autre côté de la pièce, une jeune fille, les cheveux enroulés dans un châle rose assorti à sa robe, pose sur la table basse une assiette de samoussas. Elle, c’est Naïssa*, 17 ans. Installée dans la maison depuis le mois de décembre
dernier, elle aussi a déjà eu affaire à la justice. “C’est à cause des groupes de jeunes, c’est ce qui m’a amenée jusqu’ici.” Elle attrape du bout des doigts un pan de sa tunique, et le tort machinalement. “Des bagarres, des vidéos qui sortent par-ci, par-là. Je ne savais pas que tout ça pouvait m’amener devant la justice.” Si elle partage le même toit que Romain, l’histoire de Naïssa est bien différente. En trois mois, elle a déjà connu trois familles d’accueil. “Au début, ça a été très difficile pour
10•
M ay o t t e H e b d o • N ° 9 4 6 • 0 5 / 0 3 / 2 0 2 1
moi. J’ai commencé à fuguer quand j’étais dans ma première famille. Alors j’ai été placée à Chiconi, mais je ne me sentais pas du tout à l’aise, je ne faisais rien de la journée, on ne me parlait pas. Mais ici, je me sens beaucoup mieux.” Jamais loin, Madame Alifa acquiesce. “Quand elle est arrivée, elle dormait tout le temps, elle passait son temps dans sa chambre. Puis je l’ai vue changer : maintenant, elle se lève de bonne heure, elle aide un peu à la maison, pour le ménage.” Petit à petit, Naïssa s’adapte au cadre, à l’autorité érigés par sa nouvelle vie.
mère m’a fait prendre conscience de mes erreurs”. Une mère qu’elle ne retrouvera pas avant le mois d’avril, mais avec qui elle échange régulièrement par téléphone. “Le but du placement n’est jamais de rompre les liens avec la famille”, précise d’emblée l’éducateur qu’elle partage avec Romain et qui leur rend visite chaque semaine. “Nous rencontrons d’ailleurs des jeunes qui sont dans des situations délicates vis-à -vis de leur famille avant leur placement et notre travail à nous est qu’ils renouent.”
RENOUER AVEC LA FAMILLE D’ORIGINE
“CETTE AIDE, NOUS DEVONS L’ACCEPTER”
“Le changement de plusieurs familles, jusqu’à rencontrer la bonne n’est pas quelque chose d’évident à vivre pour les jeunes”, reconnaît Hugues Makengo, le directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), le service chargé de l’éducation, de la protection et de l’insertion des mineurs en conflit avec la loi. Celui-là même tenu de gérer les différents dispositifs de placement, entre autres. “Quand ça se paescuisse sse mal, ce n’est pas que la famille est mauvaise, mais simplement qu’elle ne correspond pas au profil, à la personnalité ou au parcours du mineur.” En face de lui, Mohamed hoche la tête sous son masque : "Ça fait partie de nos premières missions : préparer les jeunes pour qu’ils puissent s’intégrer correctement à leur nouvelle famille, ça conditionne pas mal la prise en charge du jeune pour l’après. Alors la singularité est une dimension très importante.”
Naïssa esquisse un sourire qui illumine la pièce. “La PJJ nous aide parfaitement dans tout ce dont on a besoin : elle aide nos familles, elle nous aide nous-même. Cette aide-là, nous devons l’accepter parce qu’elle a tous les avantages.” Des avantages, Madame Alifa en connaît d’autres depuis deux ans et demi, lorsqu’elle a décidé d’ouvrir sa porte à des enfants qui n’étaient pas les siens. “Ma fille venait de partir vivre en métropole, et l’autre s’est mariée. Je me suis retrouvée toute seule à la maison et ça me faisait peur. En plus, j’avais du temps pour accueillir des jeunes et les aider comme je pouvais”. Elle lève au plafond ses yeux en amande, cerclés d’un trait de crayon noir. “Maintenant, j’ai de la compagnie.” Puis, elle tourne la tête vers Romain, assis à côté d’elle. “Quand il partira, cela fera deux ans qu’il vivait ici. Je n’arrive pas vraiment à imaginer son départ, mais il y a des jeunes qui continuent de me donner des nouvelles et qui continuent de m’appeler, ça me fait chaud au coeur.” Un doux rire s’échappe de ses lèvres. “D’ailleurs Naïssa a déjà promis d’aider ma fille à faire du tissage après son départ. Elle sait très bien tresser !” En croquant à pleine bouche dans un samoussa, la petite fille en robe rouge jette un clin d'œil espiègle avant de retourner jouer dans le salouva de sa grand-mère, pas peu fière de pouvoir partager ses journées avec des camarades de jeu. n
D’ici quelques mois, Naïssa devrait passer son baccalauréat à Kahani, où elle est scolarisée. Et déjà, ses démêlées avec la justice semblent loin derrière elle. “Je voudrais aller en métropole, à Vannes ou à Rennes pour suivre une formation d’apprentissage pour devenir agent immobilier et pouvoir travailler. J’ai hâte d’avoir 18 ans, j’ai envie de faire beaucoup de choses.” Elle marque une courte pause. “M’éloigner de ma
* Les noms et prénoms ont été modifiés.
FAMILLE D’ACCUEIL, EN PRATIQUE À Mayotte, l’accueil en famille représente 50% des placements de mineurs délinquants. Ils sont aujourd’hui 28 à être ainsi accueillis au sein d’une dizaine de foyers répartis au quatre coins de l’île. “Nous disposons normalement de 24 places, mais les demandes sont toujours importantes”, commente la PJJ. “Le service est en permanence à 116% de sa capacité et compte donc trois à quatre jeunes de plus.” Les séjours peuvent durer de quelques jours, le temps qu’une place se libère dans un autre dispositif, plus approprié, jusqu’à plusieurs années. Les familles candidates doivent au préalable justifier d’une certaine stabilité sociale et économique pour accueillir au mieux les enfants placés - jusqu’à deux simultanément par foyer. Dans un second temps, elles sont entendues par un psychologue qui fait à son tour une évaluation des capacités de prises en charge, notamment sur le plan moral. Une fois le mineur placé, son éducateur lui rend visite à domicile une fois par semaine, à minima. Selon la situation, des liens plus ou moins étroits sont maintenus avec la famille d’origine, qui est aussi accompagnée par le référent de l’enfant, notamment lorsque ses parents manifestent des problèmes d’autorité.
11
• M ay o t t e H e b d o • N ° 9 4 6 • 0 5 / 0 3 / 2 0 2 1
DOSSIER
C.D
REPORTAGE
AU CENTRE ÉDUCATIF RENFORCÉ DE MAYOTTE, LES TIMIDES PREMIERS PAS DES MINEURS DÉLINQUANTS VERS LA RÉINSERTION
ILS ONT ENTRE 13 ET 17 ANS ET SONT DÉJÀ PASSÉS DEVANT LE JUGE POUR DES FAITS DÉLICTUELS OU CRIMINELS. MAIS POUR ÉVITER L’INCARCÉRATION SYSTÉMATIQUE, ET SURTOUT LA RÉCIDIVE, LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE A LA LOURDE TÂCHE D’ACCOMPAGNER CES JEUNES VERS LA RÉINSERTION. L’UN DE SES DISPOSITIFS, LE CENTRE ÉDUCATIF RENFORCÉ (CER) DE MAYOTTE ACCUEILLE CERTAINS DE CES MINEURS REPRIS DE JUSTICE, POUR DES SESSIONS DE QUATRE MOIS INTENSIFS. Sous sa casquette blanche et ses équipements dignes d’un jardinier professionnel, Ibrahim* a un sourire banane. “Aujourd’hui, on s’est levé tôt, on a fait du sport et là, il faut couper les
feuilles”, rembobine-t-il la mine satisfaite, pour décrire sa journée déjà bien entamée. Un joli programme… et surtout inhabituel pour le jeune homme de 17 ans, plutôt
12•
M ay o t t e H e b d o • N ° 9 4 6 • 0 5 / 0 3 / 2 0 2 1
accoutumé aux grasses matinées et aux longues aprèsmidi d’oisiveté. Scolarisé jusqu’en 3ème, le mineur a atterri au centre éducatif renforcé de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) de Mayotte, après un passage par la case délinquance. Intégré au centre depuis le mois de décembre, il commence, doucement, à se projeter vers l’avenir. “J’aimerais bien faire un stage de cuisine”, poursuit celui qui n’hésite pas à donner à un coup de spatule pour “aider la femme qui nous prépare à manger”. À côté de lui, son acolyte a la langue moins pendue. Assis à l’ombre l’air revêche, Ahmed* débite ses réponses par monosyllabes. “Oui”, “non”, “CM2”, marmonne-t-il à chaque fois qu’on lui tend la perche. “Moi, je veux faire de l’entretien de climatiseur”, lâche enfin le taiseux, poussé par les encouragements de ses éducateurs. “C’est plutôt le premier qui était bavard”, nuance quelques minutes plus tard Erwan Bourhis Humbert, le coordinateur de ce centre géré par Mlézi, association habilitée par l’Etat et le département. Sur les six mineurs à sa charge, rares
sont ceux qui ont le contact humain facile, surtout avec les adultes.
SITUATION “PRÉOCCUPANTE” POUR LES MINEURS PRIVÉS DE LIBERTÉ Et c’est justement là que le CER entre en jeu. Ce dispositif fait partie de l’arsenal de la PJJ pour accompagner les jeunes vers la réinsertion. Créé en 2019 sur l’île aux parfums, le centre a déjà réalisé six sessions, pour une capacité de huit mineurs maximum. Avec le Dago (l'Établissement de placement éducatif), l’UEHD (Unité d’hébergement diversifié), ou encore les centres éducatifs fermés et renforcés de La Réunion, ce sont en moyenne 100 jeunes qui sont placés chaque année depuis 2017 par la PJJ. Objectif : redonner un cadre pour ces mineurs, happés trop tôt par la délinquance… Et éviter leur incarcération systématique, qui peut les embourber encore davantage dans un cycle
13
• M ay o t t e H e b d o • N ° 9 4 6 • 0 5 / 0 3 / 2 0 2 1
DOSSIER
de violences. Au niveau national, un récent rapport de la contrôleure des lieux de privation de liberté a d’ailleurs jugé la situation des mineurs enfermés “préoccupante” : au 1er janvier 2020, 804 mineurs étaient incarcérés, contre 672 dix ans plus tôt.
9% DE MINEURS NON ACCOMPAGNÉS Pour éviter les barreaux, le juge des enfants ou d’instruction, sur proposition de l’éducateur de la PJJ, et en fonction du profil et de la gravité de la condamnation, peut donc décider du placement du jeune en centre éducatif renforcé. Là, le mineur - entre 13 et 17 ans - entame un parcours musclé qui va durer quatre mois. La session actuelle court donc jusqu’au 26 avril. A chaque fois, les candidats font l’objet d’un examen minutieux, pour former le groupe. Car il vaut mieux éviter les rivalités de bande… ou encore respecter les interdictions de contact avec des co-auteurs décidées par le tribunal, par exemple. Ceux qui échouent là ont pour la plupart écopé de peines pour des vols avec violence, indique le responsable du CER. Information non négligeable : les mineurs non accompagnés ne représentent que 9% des effectifs suivis par la PJJ. “En cherchant bien, nous trouvons toujours des familles éloignées”, analyse Hugues Makengo, son directeur territorial à Mayotte.
TROIS PHASES, DE LA RUPTURE À LA RÉINSERTION Et à peine arrivés, les voilà mis dans le bain. Réveil matin, 6h30, du sport, quatre à cinq heures par jour, une itinérance à Mayotte ou à La Réunion si la situation sanitaire le permet, un accompagnement quasi individualisé et “peu de temps de repos”... Sacré planning ! “On a fait par exemple de la via ferrata à Bouéni, et dans ces situations, ils sont obligés de faire confiance à l’adulte. Cela casse leur fonctionnement habituel”, illustre Erwan Bourhis Humbert. Ce parcours du combattant dure pendant un mois. “C’est la phase de rupture, pour rompre avec leur mode de vie car nous avons souvent à faire à des jeunes très marginalisés avec des horaires nocturnes, des consommations de stupéfiants, une déscolarisation”, explique le coordinateur. A l’issue de cette première phase, place à la “remobilisation”. De retour au centre, les jeunes (ex ?)-délinquants commencent à travailler leur projet individuel. Ils sont alors accompagnés d’un psychologue et d’un enseignant de l’Education nationale pour revoir les bases. Car s’ils parlent tous français en général, ces mineurs montrent des lacunes. A la mi-janvier, les six de la session actuelle ont justement entamé cette phase de montée en compétences, qui peut
14•
M ay o t t e H e b d o • N ° 9 4 6 • 0 5 / 0 3 / 2 0 2 1
durer jusqu’à deux mois. “On les aide à faire leur CV, pour trouver un stage”, ajoute une éducatrice. Enfin, en fonction de leur avancée, chacun peut entamer la troisième et dernière phase, celle de la réinsertion vers l’extérieur, qui peut signifier la rescolarisation, l’entrée dans une formation ou encore un stage.
SANS SUIVI, LE RISQUE DE LA RÉCIDIVE Et c’est gagné ! Enfin, pas tout à fait. Car le risque de récidive existe bel et bien, “surtout s’ils ne sont pas suivis”, constate Hugues Makengo. Chiffres à l’appui ? “Non, mais il peut nous arriver de les retrouver entre trois et six mois après leur sortie des dispositifs d’insertion”, acquiesce Erwan Bourhis Humbert. Pour garantir une réinsertion durable, et surtout faire baisser la délinquance à Mayotte, la seule action du CER ne peut suffire. “Souvent, nous récupérons des jeunes entrés en délinquance mais qui relèvent plus de parcours d’enfants maltraités, qui ont faim, qui sont élevés dans des familles élargies”, présente le directeur de
la PJJ. D’où la nécessité de renforcer aussi le travail de la protection de l’enfance mené en amont par l’ASE, qui dépend du département. Dernier défi et non des moindres : faire reconnaître les compétences acquises pendant le passage du mineur au centre éducatif. Un travail partenarial à mener aussi du côté des missions locales. Car si, à l’issue de son suivi, le jeune obtient un livret de compétences, il est important de capitaliser par une certification des organismes agréés. “Ici, à Mayotte, les problèmes avec la jeunesse sont tellement importants, en termes de scolarisation, de chômage, qu’il apparaît presque normal que ceux repris de justice ne soient pas priorisés (pour obtenir cette certification)”, déplore Hugues Makengo. Avant de conclure, sous les bruits de la tondeuse en marche dans les mains d’un Ibrahim concentré au-dessus de ses herbes folles : “même avec tous mes diplômes, je suis incapable de faire ce qu’il fait…”n *Les prénoms ont été modifiés
15
• M ay o t t e H e b d o • N ° 9 4 6 • 0 5 / 0 3 / 2 0 2 1
DOSSIER
Propos recueillis par Solène Peillard. (Crédit photo : G.M.)
ENTRETIEN AVEC HUGUES MAKENGO, DIRECTEUR TERRITORIAL DE LA PJJ
“L’INSERTION EST LE MEILLEUR MOYEN DE PRÉVENIR LA DÉLINQUANCE” TOUS LES MINEURS SOUS-MAIN DE JUSTICE SONT SUIVIS PAR LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE, OU PJJ. ENTRE LES UNITÉS ÉDUCATIVES DE MILIEU OUVERT, L’ACCUEIL DE JOUR, LE PLACEMENT JUDICIAIRE OU EN DÉTENTION, EN CENTRE RENFORCÉ OU EN FAMILLE D’ACCUEIL, LES DISPOSITIFS MÊLANT ÉDUCATION ET RÉPRESSION SONT VARIÉS, MAIS POURSUIVENT TOUS LE MÊME OBJECTIF : REMETTRE LES JEUNES DÉLINQUANTS DANS LE DROIT CHEMIN ET ÉVITER À TOUT PRIX LA RÉCIDIVE. Mayotte Hebdo : Comment se déclinent les missions de la PJJ à Mayotte ? Hugues Makengo : Tout d’abord, nos missions sont nationales. La PJJ encadre exclusivement les mineurs délinquants confiés par l’autorité judiciaire et très accessoirement des mineurs au civil dans le cadre des mesures d’investigations bien que cette dernière part soit assez importante à Mayotte. Cet encadrement se déroule sur trois grands axes. Il y a d’abord le milieu ouvert, donc les services accueillent les jeunes “libres”, Ces équipes pluridisciplinaires (éducateurs, psychologues et assistantes sociales) sont le socle de l’action éducative. Ils préconisent aux magistrats les orientations
des mineurs vers l’accès aux activités de jour par exemple. Ensuite, nous avons une mission d’insertion, qui priorise les jeunes déscolarisés et en rupture notamment, pour les moins de 18 ans et plus de 16 ans. Ce dispositif nous permet de ramener ces mineurs vers le droit commun, afin qu’ils accèdent à ce que propose par exemple la Mission locale pour les jeunes de 16 à 25 ans. Notre dernière mission concerne le placement judiciaire. Il peut se faire en famille d’accueil - ce que l’on appelle “UEHD, pour unité éducative d’hébergement diversifié". À Mayotte, cela concerne environ 30 jeunes pour une vingtaine de familles à travers l’île. Dans ce cadre-là, nous travaillons aussi avec Mlezi Maoré à travers deux structures : le
16•
M ay o t t e H e b d o • N ° 9 4 6 • 0 5 / 0 3 / 2 0 2 1
centre éducatif renforcé, qui se trouve à Bandrélé, où les jeunes sont placés pendant quatre mois dans une idée de rupture, de remobilisation et de réinsertion. À côté, nous avons l’hébergement classique dans un établissement de placement éducatif, cette fois à Tsoundzou, qui compte aujourd’hui 12 places et devrait prochainement passer à 15. L’ordonnance de placement est de six mois renouvelables. M.H : Comment est prise la décision d'envoyer un jeune vers une structure plutôt qu'une autre ? H.M : Tout ces dispositifs sont à la disposition des magistrats, et prioritairement du juge des enfants, ainsi que des juges d’instruction qui traitent les dossiers impliquant des mineurs. En s’appuyant sur la personnalité et le profil des jeunes qu’ils suivent, les éducateurs peuvent faire des propositions d’alternative à l’incarcération, comme le placement ou l’insertion. Chaque mineur passe par le milieu ouvert, et selon sa situation, il est renvoyé vers le dispositif le plus adapté. Aujourd’hui, 30% de jeunes sont dans d’autres dispositifs en plus du milieu ouvert. Certains jeunes primodélinquants font aussi l’objet de mesures spécifiques sur un laps de temps assez court, de quatre à six mois (stages de citoyenneté, réparations ou compositions pénales).
D’autres vont être suivis en insertion, notamment sur la mesure éducative d’activité de jour (MEAJ) de 24 places entre la PJJ et le dispositif Daradja des Apprentis d’Auteuil. Les faits graves amènent d’autres mineurs directement en détention à Majicavo, dont le quartier des mineurs compte 30 places. Nous disposons aussi de places dans les établissements de La Réunion, lorsque nous n’avons plus de places ou encore quand l’éloignement s’avère nécessaire, notamment en cas de faits délictueux commis en bande. En 2019, nous avons suivi environ 950 jeunes, contre 900 l’année d’avant. En 2020, nous en comptions 830, sans doute du fait du confinement. En flux continu, c’est entre 400 et 450 mineurs qui sont accompagnés quotidiennement par nos différents services, en sachant que certains vont rentrer et d’autres sortir en cours d’année. Mon action consiste à donner les moyens aux services de la PJJ du territoire, des moyens humains et matériels, les moyens de s’inscrire dans la déclinaison des politiques publiques (culture, sport, insertion) et de la politique de la ville pour mieux prévenir la délinquance et la récidive. Nous mettons aussi en œuvre une politique de promotion de la santé qui nécessite une collaboration
17
• M ay o t t e H e b d o • N ° 9 4 6 • 0 5 / 0 3 / 2 0 2 1
DOSSIER
et les valeurs républicaines, la place de la victime. Cela concernera 150 jeunes sur 30 semaines, et nous proposerons un stage d’insertion maritime en collaboration avec l’école maritime, l’école de voile et d’autres partenaires.
LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE À MAYOTTE EN CHIFFRES En 2019, 955 jeunes ont été suivis par la PJJ à Mayotte, pour 1 744 mesures éducatives ou d'investigation. Parmi eux, 91,8% de garçons et 36,8% mineurs âgés de 16 à 17 ans. Dans le détail, 67,8% sont placés en milieu ouvert (dans leur lieu de vie habituel). 27,9% des jeunes ont fait l'objet de mesures d'investigation, des enquêtes sur l'environnement du jeune et de sa famille, au pénal comme au civil. Enfin, les 4,4% restants ont été ciblés par des mesures de placement en foyers, en centres éducatifs fermé ou renforcé ou en famille d'accueil. Sur le territoire, la PJJ comptait 68 agents en 2020, dont 55,8% d'éducateurs répartis sur cinq unités éducatives.
avec l’ARS et les acteurs de santé au bénéfice des mineurs sous-main de justice. MH : Plusieurs politiques mahorais demandent depuis plusieurs années la création d’un centre éducatif fermé, une autre alternative à l’incarcération. L’absence de ce dispositif signifie-t-elle que la PJJ manque de moyens à Mayotte ? H.M : Les dispositifs qui fonctionnent aujourd’hui permettent de prendre en charge les mineurs qui en ont besoin, à La Réunion ou à Mayotte. Pour l’instant, j’estime que nous disposons d’assez de moyens. Ils ont d’ailleurs beaucoup évolué entre 2013 et 2020, comme en témoigne l’ouverture du centre éducatif renforcé il y a deux ans et demi. Nous avons aussi mis en place début 2019 des mesures éducatives d’activité, et suivront bientôt dans le cadre de la justice de proximité des stages de peine ou d’alternatives aux poursuites ou à l’incarcération sur plusieurs thématiques, comme les violences sexuelles, la citoyenneté
La démographie de Mayotte montre bien la part importante de la jeunesse. En amont de la PJJ, il y a sans doute à faire du côté de la Protection de l’enfance et de la prévention spécialisée pour l’aide aux familles et le repérage des enfants errants. Je crois qu’il faut investir davantage les dispositifs de la Loi du 5 mars 2007 (qui réforme la protection de l'enfance afin de renforcer la prévention notamment, ndlr) et la PJJ a un rôle à jouer aux cotés des municipalités. Les différentes collectivités municipales peuvent organiser des rencontres pour des jeunes qui ne sont pas encore en délinquance, mais qui sont signalés par l’Éducation nationale ou par les quartiers, de manière à agir assez tôt dans les Conseils pour les droits et devoirs des familles et l’accompagnement parental. Je pense qu’il ne faut pas attendre que les mineurs passent une première fois devant le juge pour réagir. Mais il faut absolument qu’à Mayotte d’autres dispositifs soient développés avant l’étape PJJ pour faire de la prévention spécialisée, qui consiste à faire aller des éducateurs dans la rue pour qu’ils puissent approcher les jeunes, les groupes qui sont dans l’errance. Certains jeunes sont en grande précarité affective ou sociale et passent à l’acte dès l’enfance, parce qu’ils n’ont pas de présence parentale, ou quelqu’un qui montre le chemin, comme le font les éducateurs. C’est un volet qu’il faut vraiment travailler, d’autant plus ici. Le plus compliqué, en général, sont les 1618 ans, puisqu’ils n’ont plus l’obligation de scolarité et c’est parfois là que les problèmes deviennent plus sérieux. Mais certains jeunes, d’autant plus ici, sont déjà dans une violence extrême avant cet âge. Et c’est là qu’il devient urgent d’agir, pour que les plus jeunes n’intègrent pas ces nouveaux groupes que l’on voit se former notamment sur Petite-Terre qui caillassent, y compris les forces de l’ordre, ou commettent des
18•
M ay o t t e H e b d o • N ° 9 4 6 • 0 5 / 0 3 / 2 0 2 1
violences devant les établissements scolaires. Ils ne sont pas représentatifs de la majorité des jeunes suivis par la PJJ, mais on ne doit pas pour autant nier leur existence et surtout travailler tous ensembles - services de l’État, associations, municipalités et collectivités pour développer les dispositifs d'accompagnement et d’encadrement de ces jeunes. L’État met les moyens nécessaires, et cette année encore nous profitons de 200 000 euros supplémentaires pour mettre en place les actions de la justice de proximité. Si on trouve des acteurs volontaires pour travailler avec ces jeunes, les familles d’accueil prêtes à les recevoir, je pense que l’on pourra trouver des solutions. Mais la délinquance est d’abord une affaire de société : il n’y a pas de société sans délinquance malheureusement. M.H : Comment prévenir la récidive auprès de mineurs ayant déjà été condamnés par le juge et confiés à la PJJ ? H.M : L’activité de jour est très importante et devrait être davantage développée au regard de l’adhésion de nombreux mineurs dont les profils permet un retour vers le droit chemin via l’insertion et un accompagnement à l’accès aux droits. En revanche, Il y a certains profils de mineurs très dangereux, personne ne peut le nier, mais ils ne sont pas majoritaires fort heureusement. Nous travaillons sur la question des phénomènes de bandes et de violences pour mieux les encadrer et les accompagner. Nous devons continuer à développer plus de partenariats avec le monde de l’insertion, car elle est le meilleur moyen de prévenir la délinquance et sans elle, on n’aboutira à rien. L’étape d’après, c’est le droit commun, qui passe obligatoirement par la levée des barrières administratives pour ceux qui sont régularisables. La plupart des jeunes, quand ils sont suivis, ne récidivent pas, ou très peu. Les deux derniers mois d’un placement sont les plus cruciaux car c’est l’étape de la préparation à la sortie, d’où le relai fondamental avec le monde de l’insertion. Une fois que le mineur n’est plus suivi, s’il revient à son milieu naturel sans insertion, il peut être tenté de récidiver, d’autant plus s’il est laissé seul, qu’un éducateur n’est plus là pour le suivre. M.H : Comment s'organise le suivi des jeunes une fois qu’ils ont quitté les dispositifs de la PJJ ? H.M : Tant que nous avons une ordonnance du juge, nous continuons à les suivre. Mais dès lors qu’elle prend fin, on ne peut pas les suivre ad vitam aeternam. Je rappelle
que l’éducation à la PJJ est contrainte donc dans les respects des principes constitutionnels seul l’autorité judiciaire peut nous confier un mineur et jeune majeur avec une ordonnance sur une durée déterminée. Je souligne une fois de plus l’importance du partenariat pour la PJJ, si les relais au niveau du droit commun, les dispositifs de formation ou autres n’intègrent pas ces jeunes-là, on se retrouve avec des jeunes qui rechutent. C’est en cela que cette question de délinquance des mineurs est l’affaire de tous : de l’État, et c’est à travers la PJJ et l’autorité judiciaire qu’il l’exerce, mais il faut des liens avec les autres services de l’État pour ne pas laisser ces jeunes de côté, et nous y travaillons, et c’est aussi avec les collectivités territoriales et avec les associations œuvrant dans les communes. M.H : Une partie de l’opinion publique estime qu’il existe chez les jeunes délinquants un sentiment d’impunité, comme le prouvent régulièrement les ripostes de riverains lors de caillassages... H.M : Je pense que ce sentiment est légitime : les personnes qui le disent ont besoin de réponses et les élus sont dans leur rôle lorsqu’ils réclament plus de moyens humains ou matériels. Ce que je sais de la justice des mineurs, c’est qu’elle n’est pas laxiste, mais elle a peut-être pour “ défaut ” d’être trop lente à l’ère de la révolution numérique. On sait aujourd’hui qu’il faut attendre en moyenne 18 mois pour qu’un mineur qui commet un premier méfait soit définitivement condamné. Personnellement, j’en ai rencontré beaucoup, dans différents territoires et différents services, qui étaient jugés au bout de deux, voire trois ans. Et parfois, sur ce laps de temps, le mineur va commettre d’autres faits. Cela peut donner un sentiment d’impunité, mais ce qui est sûr, c’est que les jugements, lorsqu’ils arrivent, sont sévères. Avec la réforme de la justice des mineurs qui doit entrer en vigueur en septembre (voir Mayotte Hebdo n°945, ndlr), là où on met 18 mois en moyenne, le délai obligatoire passera à neuf mois pour prononcer un jugement définitif. Cela va aussi être un nouveau paradigme pour les professionnels de l’éducation et les magistrats. C'est pour cela que des formations vont être mises en place très rapidement. Je pense et j’espère que l’opinion publique aura un nouveau regard sur la justice des mineurs. n
19
• M ay o t t e H e b d o • N ° 9 4 6 • 0 5 / 0 3 / 2 0 2 1
MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayottehebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédactrice en chef Solène Peillard
# 946
Couverture :
violences des mineurs 2/2 Quelles solutions ? ?
Journalistes Romain Guille Raïnat Aliloiffa Constance Daire Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mohamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com