LE MOT DE LA RÉDACTION
LA FIN DU CONFINEMENT, MAIS PAS DE LA GALÈRE Ouf de soulagement. À la mi-mars, le déconfinement s'organisait progressivement à Mayotte, après cinq semaines de restrictions. Petit à petit, établissements scolaires, lieux de culte, bars, restaurants et hôtels sont autorisés à rouvrir. Un semblant de retour à la normal qui signe aussi la reprise de l'activité économique, qui a dû essuyer 18% de pertes lors du premier confinement, un an plus tôt. À Mayotte, ce manque à gagner est considérablement moins lourd que sur l'Hexagone ou dans les autres outre-mer. Mais dans un territoire dépendant du fret et des liaisons aériennes, la galère est loin d'être finie pour nombre de sociétés et ce malgré le renforcement des aides de l'État. Cette semaine, des chefs d'entreprises du BTP, de l'hôtellerie et des commerçants prennent la parole. Et ils en ont gros. Bonne lecture à toutes et à tous. S.P
TOUTE L’ACTUALITÉ DE MAYOTTE AU QUOTIDIEN
Lu par près de 20.000 personnes chaque semaine (enquête Ipsos juillet 2009), ce quotidien vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre également un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.
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FI n°3839 Lundi 7 mars 2016 St Félicie
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Fax : 0269 61 63 00
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BP 263 - ZI Kawéni - 97600 Mamoudzou - email : hd.mayotte@wanadoo.fr
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FI n°3822 Jeudi 11 février 2016 Ste Héloïse
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RENSEIGNEMENTS Tél : 0639 67 04 07 | Mail : contact@mayotte-e-velos.yt
FI n°3818 Vendredi 5 février 2016 Ste Agathe
marine le Pen
environnement
Port de Longoni
ConSeil départeMental
Quel accueil se prépare pour la présiDente Du Fn ?
Le Lagon au patrimoine mondiaL de L'unesCo ?
la dsP sur la sEllEttE
pas de changement sUr l’octroi de mer
© Jonny CHADULI
Grève à Panima
TéléThon 2016
Des propositions mais toujours pas D'issue
DemanDez le programme
première parution : juillet 1999 - siret 02406197000018 - édition somapresse - n° Cppap : 0921 y 93207 - dir. publication : Laurent Canavate - red. chef : Gauthier dupraz - http://flash-infos.somapresse.com
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FI n°3997 mercredi 30 novembre 2016 St André
© CR: Gauthier Bouchet
Diffusé du lundi au vendredi, Flash Infos a été créé en 1999 et s’est depuis hissé au rang de 1er quotidien de l’île.
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Économie
SÉcuritÉ
Les appeLs à projets de L'europe
Couvre-feu pour Les mineurs
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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Musique
Faits divers
Edmond BéBé nous a quitté
ViolEncE En cascadE
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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MCG VS SMart
ViCe-reCtorat
UltimatUm oU véritable main tendUe ?
l’institUtion répond aUx critiqUes
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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TCHAKS L'ACTION
Des familles décasées à Majicavo retrouvent un logement Après plus d'un an de travaux, 30 maisons témoins innovantes ont été inaugurées jeudi dernier en présence du préfet. Elles devront très rapidement accueillir plusieurs familles délogées deux ans plus tôt d'habitats insalubres construits en haut de ce talus, sur la commune de Koungou, à MajicavoDubaï. Une opération qui s'inscrit dans le cadre d'une politique ambitieuse de lutte contre l'habitat indigne. A terme, le reste à charge pour les locataires s'élèvera à une centaine d'euros seulement.
LE CHIFFRE 9,6 millions
C’est le montant du budget annuel alloué en 2021 aux structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) à Mayotte. Une somme multipliée par 2,5 par rapport à l’année passée, puisque dans le même temps, le nombre de structures du genre a augmenté de 35%. Pour consommer cette enveloppe inédite, 19 structures ont répondu à l’appel, soit cinq de plus qu'en 2020. Parmi elles, le garage solidaire de Koungou, la régie du territoire Maesha Espoir ou encore Wenka Culture et l’association Nayma. Toutes pourront bénéficier de cette somme pour aider les personnes sans emploi ni formation à s’insérer dans la société à travers des projets innovants et engagés. Pour encourager cet élan, les structures qui ont demandé des fonds seront payées immédiatement, à la différence de la métropole.
LA PHRASE
“ C’est un pas historique et nous nous rendrons compte très vite de l’efficacité de ce que nous proposons. ” Après plusieurs stipulations, le Département et l’État ont finalement signé la nouvelle convention du groupement d’intérêt public (GIP) “L’Europe à Mayotte” pour la période 2021-2027. Contrairement à l’ancien programme où la préfecture avait l’entière autorité des fonds européens, celui-ci sera géré à parts égales entre les deux autorités, dans l’optique de faire émerger des jeunes cadres mahorais. “Cette nouvelle formule du GIP nous garantit une parité 50/50 avec l’État. Les décisions les plus importantes seront prises à la majorité des deux tiers. Et nous, nous veillerons à ce que la présidence soit bien alternée afin que nous l’assurions pour la période 2024-2027”, a résumé le président du Conseil départemental. Ce partenariat vise en effet à mieux préparer la collectivité au transfert de l’autorité de gestion à la fin du programme, qui lui permettra de disposer de façon autonome des fonds européens. “C’est un pas historique et nous nous rendrons compte très vite de l’efficacité de ce que nous proposons”, a ainsi salué le préfet
IL FAIT L’ACTU Un lycéen tué à coups de ciseaux Alors qu'il rejoignait son bus après la sortie des cours, Miki, 17 ans, a été attaqué à coups de ciseaux jeudi après-midi, près du lycée Nord de M'tsangadoua. Blessé aux poumons et à la tête, le jeune homme a été évacué au CHM de Mamoudzou avant d'être rapidement déclaré en état de mort cérébral. Il s'est finalement éteint vendredi. Dans le week-end, trois interpellations ont eu lieu. Deux mineurs et un majeur ont ainsi été déférés et mis en examen pour assassinat. Ils ont été présentés au juge des libertés puis placés en détention provisoire à Majicavo. Toute l'équipe de Mayotte Hebdo adresses ses sincères condoléances à la famille du jeune Miki.
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LU DANS LA PRESSE
Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale
Arabie saoudite : Mélanie, domestique malgache, forcée à la prostitution et enterrée à la pelleteuse Le 05 avril, par Fatma Ben Hamad pour Les Observateurs (France 24) Comme des centaines d’autres Malgaches, Mélanie, 22 ans, avait émigré en Arabie saoudite pour y travailler comme aide domestique. Le 15 mars, une vidéo montrant l’enterrement de la jeune femme, le corps recouvert à l'aide d'une pelleteuse, dans un cimetière non-musulman dans l’est du pays a choqué à Madagsacar, où les rites d’inhumation sont sacrés. Des associations dénoncent un trafic humain meurtrier des travailleuses d’Afrique de l’Est dans ce pays du Golfe. Le 15 mars, une association franco-malgache a alerté notre rédaction à propos de cette vidéo, filmée le 11 mars à Al-Jubail, ville de la côte est saoudienne. On y voit une inhumation se déroulant au cimetière de Jubai, l'un des rares cimetières non-musulman du pays. La vidéo, qui dure à peine une minute, a été tournée par l'une des femmes malgaches qui assistaient à l'enterrement. Sur un terrain de sable visiblement désert, une pelleteuse rabat de la terre sur le corps de Mélanie, enveloppée dans un kafan blanc, le tissu dans lequel est enveloppée la dépouille dans le rite islamique. On entend des cris de douleur de l'une des femmes malgaches, qui porte une abaya noire, tandis que celle qui filme tente de la calmer. Mélanie était travailleuse domestique, arrivée dans le pays en 2018. Elle est décédée de manière violente après qu'elle se soit échappée du logement de son employeur à Dammam (est).
“Mélanie a prévenu ses amies que si elle ne rentrait pas ce soir-là, elle serait morte” C'est l'association franco-malgache AZIG, qui apporte une aide administrative et psychologique aux travailleuses malgaches et africaines dans les pays considérés comme dangereux pour les travailleurs étrangers, qui a alerté la rédaction des Observateurs sur cette vidéo. Comme beaucoup de travailleuses malgaches dans les pays du Golfe, Mélanie était en contact avec Carrozza Heliarisoa, la coordinatrice de l'association basée en France. Depuis 2019, elle aide à rapatrier des travailleuses domestiques du Koweït, d'Oman ou d'Arabie saoudite. Elle considère que Mélanie, qui s'est tournée vers la prostitution après s'être échappée de chez son employeur, est décédée dans des circonstances douteuses. Elle relate les événements comme rapportés par des amies de la jeune femme: “ Le jour où Mélanie a été tuée, un client l'avait appelée et a loué une chambre d'hôtel, il a dit être seul, mais lorsqu'elle l'a rejoint, il y avait plusieurs autres personnes.
Mélanie a prévenu ses amies que si elle ne rentrait pas de ce rendez-vous, elle serait morte. Elle avait une importante somme d'argent sur elle. Lorsque le rendez-vous s'est terminé, ils l'ont égorgée et ont certainement pris son argent. Son amie a reçu une photo extrêmement choquante, où on voit son corps mutilé et ensanglanté gisant sur un drap, avec un message : “Tenez, votre amie est morte”. Ensuite, le corps a été retrouvé dans la brousse de Dammam en octobre 2020. J'ai prévenu l'ambassade malgache à Riyad, mais personne ne s'est mobilisé et son corps est resté dans la nature pendant deux ou trois mois. À ce moment-là, en octobre, l'aéroport de Riyad était fermé et environ 85 femmes malgaches avaient besoin de partir d'Arabie saoudite après avoir rompu leur contrat. Ce n'est que là que l'ambassade a récupéré son corps. La famille m'a donné une dérogation pour rapatrier sa dépouille. Mélanie a finalement été enterrée sans cercueil. C'est intolérable. À Madagascar, les morts sont très respectés : les funérailles doivent se passer selon des rites très précis. En 2019, une fille que j'étais censée rapatrier a été retrouvée enterrée là-bas. Dammam est un hub de prostitution. Il y a beaucoup de femmes malgaches qui sont proxénètes, elles travaillent souvent avec des proxénètes kényans et éthiopiens sur place. Les jeunes femmes envoient de l'argent à leur famille mais par le biais du proxénète qui n'envoie jamais la somme complète. Il arrive que ces jeunes femmes soient tuées par leur propre chef, si elles ont gagné assez d'argent pour pouvoir se permettre de s'affranchir de leur proxénète. Selon les informations que nous avons pu collecter, c'est probablement ce qui est arrivé à Mélanie. Et la famille n'est pas au courant de ce qui se passe dans la vie de leur fille. Beaucoup de femmes embauchées comme domestiques sont malmenées et ne supportent plus ce rythme et s'enfuient. Elles se retrouvent sans papiers, et des proxénètes les recrutent, souvent dans une maison reculée où elles elles sont gardées avec des armes à feu. Elles touchent 400 à 500 € par client selon la couleur de peau de la fille : plus elle est claire, mieux elle est payée. Les filles recrutées ont entre 16 et 25 ans, quand elles partent de Madagascar elles mentent sur leur âge. Ces filles sont seules, si nous en tant qu'associations ne sommes pas là, c'est fini pour elles. J'ai déjà du intervenir par téléphone pour calmer des jeunes femmes qui voulaient se suicider. Il y aussi des patrons qui les tabassent, les tuent et les enterrent quelque part, mais on n'a pas de moyen de .../...
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LU DANS LA PRESSE .../... vérifier. Combien de filles malgaches ont disparu ? Où sont leurs patrons, qu'en disent-ils ? ”
Près d’un tiers de la population du pays est constitué de travailleurs migrants En 2013, Madagascar a mis en place un décret suspendant la migration des travailleuses malgaches vers les pays du Golfe, notamment le Koweït, le Liban et l'Arabie saoudite, classée parmi les dix pires pays au monde pour les travailleurs et les travailleuses par l'indice de la confédération syndicale internationale (CSI) des droits dans le monde en 2019. Pourtant le pays compte plus de 10 millions de travailleurs migrants, soit presque un tiers de la population nationale, parmi lesquels 1,3 millions de femmes, dont près de 80 % sont travailleuses domestiques. Le royaume wahhabite a émis en 2009 une loi de lutte contre la traite humaine, qui punit ce délit d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 15 ans et d'une amende jusqu'à d'un million de riyals (226 779 euros). Pourtant, des plaintes pour trafic humain sont rarement déposées et les enquêtes rarement menées à bout, estime Rima Kalush, coordinatrice au centre de recherche Migrants Rights, qui recense les abus des droits des travailleurs migrants dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et tente de leur apporter de l'aide humanitaire et juridique. “ Notre travail est basé au Qatar, au Koweït et au Bahreïn, donc ce n'est pas évident d'apporter de l'aide aux travailleuses en Arabie saoudite par exemple. Parfois, dans un geste désespéré, nous lançons des appels à l'aide sur les réseaux sociaux, mais cela porte rarement ses fruits. Nous tentons aussi de contacter les ambassades. Nous savons par exemple que plusieurs ambassades africaines n'ont pas d'attaché qui s'occupe de la diaspora, donc nous essayons de voir qui nous connaissons sur place, de cette communauté, qui peut aider immédiatement. En général, les travailleuses domestiques sont exclues des réformes du travail car pour le gouvernement, elles ne font pas “activement” partie du système de travail, donc personne ne priorise leur intérêt. Cela s'explique par l'importance pour les citoyens saoudiens d'avoir une main d'œuvre abordable. Car les services publics saoudiens (éducation, santé) sont médiocres voire inexistants et ces travailleurs permettent aux citoyens de profiter d'un luxe et de garder le contrôle dessus. Il existe des refuges pour celles qui s'échappent de chez leur employeur, mais très peu de pays du CCG en ont : le Bahreïn ou le Koweït par exemple, mais pas les Émirats arabes unis. Même quand c'est le cas, il faut être accompagnée d'un local pour porter plainte et
accélérer les procédures. Souvent, après une plainte pour maltraitance, les autorités tentent une médiation entre les deux parties. Mais les travailleuses qui fuient leurs employeurs sont souvent traumatisées par leur expérience et perdues face à la bureaucratie complexe et veulent simplement quitter le pays. ”
“Les travailleuses n'ont pas le choix de l'employeur, et ne peuvent pas rentrer dans leurs pays” Me Taha Hadji est un avocat saoudien spécialisé dans les droits de l'Homme. Il milite pour les droits de plusieurs centaines de travailleurs et travailleuses migrants dans son pays, malgré d e n o m b re u s e s re s t r i c t i o n s l é g a l e s, c o m m e l'impossibilité de s'organiser dans des associations ou des syndicats. Il rappelle que les étrangers sont soumis au système de la kafala, un “parrainage” qui prévoit que leur passeport soit confisqué par leur “parrain”, ce qui rend toute fuite ou plainte impossible. Des réformes de ce système sont entrées en vigueur le 14 mars dernier, mais c'est sans espoir pour les travailleurs les plus vulnérables: “ Ces nouvelles lois ne protègent pas ces travailleuses : elles n'ont pas le choix de l'employeur, ni ne peuvent rentrer dans leurs pays d'origine. Les travailleuses domestiques logent souvent chez leur employeur et toute leur vie se passe derrière des portes closes, et on ne sait pas ce qui peut leur arriver. Beaucoup de cas d'abus sexuel, de torture physique et de maltraitance en témoignent. Beaucoup de travailleuses s'échappent de chez leur employeur et finissent par recourir à la prostitution ou à la mendicité. Après leur fuite, elles sont obligées d'être sous la houlette d'une personne tierce pour pouvoir travailler. Là, le chantage devient plus sévère. C'est à partir de là qu'une personne entre dans des cercles vicieux et dangereux : maltraitance, addiction, trafic sexuel… Et ne peut pas se diriger vers des institutions gouvernementales de peur d'être rendue à son kafil et potentiellement d'être incarcérée. ” Le ministère des Affaires étrangères malgache compte plus de 500 ressortissantes malgaches en Arabie saoudite, travaillant pour la plupart comme aide domestique. Le nombre de travailleurs migrants en Arabie saoudite a augmenté de 830 000 à 2,42 millions de travailleurs étrangers en dix ans.
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L E I T N E
S SURVIVRE L'ÉCONOMIE FACE À LA CRISE
Ils ont dû fermer un an plus tôt, puis ont pu rouvrir après plusieurs mois de confinement l'année dernière. Mais début 2021, rebelote. Si aujourd'hui, certaines entreprises locales sont de nouveaux autorisées à accueillir leurs clients sous certaines conditions, les problèmes de trésorerie s'accumulent, particulièrement chez les petits commerçants et les professionnels de l'hôtellerie. Pendant ce temps, pour d'autres secteurs, impossible de savoir quand l'activité pourra reprendre. Ils témoignent.
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DOSSIER
TÉMOIGNAGES
UN AN APRÈS LE CONFINEMENT, QUEL BILAN POUR LES ENTREPRISES ? PARTOUT EN FRANCE ET DANS LE MONDE, LA PANDÉMIE A LAISSÉ DE LOURDES TRACES SUR L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE. POURTANT DANS LES CHIFFRES, LA BAISSE DE CETTE ACTIVITÉ À MAYOTTE EST BIEN PLUS FAIBLE QU’EN MÉTROPOLE OU DANS LES AUTRES OUTRE-MER. MAIS AU SORTIR D’UN SECOND CONFINEMENT INSULAIRE, LA SITUATION SEMBLE, POUR CERTAINS, ENCORE LOIN D’ÊTRE RÉGLÉE. À Mayotte, l'impact économique de la crise sanitaire affichait, en plein cœur du premier confinement, le taux le plus faible de France. Avec une baisse de 18% de l'activité sur le territoire (contre 7% trois mois plus tard), pour environ 28% à La Réunion, aux Antilles et en Guyane, l'île a en effet été deux fois moins impactée que le reste du pays. Pour autant, elle n'a pas été épargnée. "Le secteur marchand a été touché dans la même ampleur qu’en métropole. C’est le poids important du secteur non marchand à Mayotte qui a permis d’amortir l’impact sur le PIB", résumait alors l'Insee. En d'autres termes, le 101ème département n'a pas mieux vécu le confinement que les autres - le secteur marchand ayant d’ailleurs été touché de la même façon qu’en métropole, avec 35% de baisse d'activité -, mais sur un territoire où
l'administration et l'emploi public pèsent deux fois plus lourd que l’Hexagone, ses effets ont été plus discrets. Au début du premier confinement, soit dès le 17 mars 2020, 68% des entreprises mahoraises ont fermé leurs portes, selon la Boutique de Gestion qui a conduit une enquête auprès de 132 de ses adhérents. “54 % des entreprises ont déclaré être en difficulté financière à cause du confinement. À la reprise de l’activité, il s’agit de 87 % des entreprises qui sont en réelle difficulté”, détaille encore la BGE. Douche froide.
LE BTP SOULAGÉ, L’HÔTELLERIE AU POINT MORT 10•
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NON ESSEN En tête de gondole, le secteur de la construction est, selon l’Insee, le plus touché lors du premier confinement, avec une activité réduite de 90% du fait de l’arrêt quasi complet des chantiers. Un coup dur qui ne s’est toutefois par réitéré quelques mois plus tard, lorsqu’à l’inverse du territoire national, Mayotte était une seconde fois confinée début février. “Nous n’avons pas été assujettis au confinement, nos salariés et collaborateurs ont pu continuer à travailler”, sourit Julian Champiat, président de la Fédération mahoraise du bâtiments et des travaux publics (FMBTP). “Il y a eu des ralentissements au niveau des délais de livraison puisque nous sommes limités par le fret aérien. Mais aujourd’hui, 100% des chantiers ont repris.” Mais pour d’autres, la traversée du désert est loin d’être finie. Du côté de l’hôtellerie, “les plannings de réservations sont quasiment vides pour le mois d’avril”, déplore à son tour Charles-Henri Mandallaz, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie de Mayotte (UMIH). “On a des annulations en cascade, et aucune nouvelle réservation à cause des restrictions de l’aérien”. Pour les voyages touristiques ou d’affaires, les motifs impérieux et septaines à l’arrivée restent encore trop lourds, d’autant plus pour les séjours de courte durée. “En voyant les conditions sanitaires s’améliorer, on espérait un déblocage, mais on arrive sur le ramadan, et c’est toujours un mois creux pour le secteur.”
AIDES DE L’ÉTAT : UN SOULAGEMENT… POUR L’INSTANT
Si l’hôtellerie reste “moribonde”, comme le reconnaît Charles-Henri Mandallaz, “notre secteur est encore protégé par les aides de l’État”. Et pour cause : l’hôtellerie bénéficie de fonds supérieurs aux aides classiques, et les entrepreneurs du milieu peuvent bénéficier d’une indemnité qui peut correspondre jusqu’à 20% du chiffre d’affaires perdu. “Grâce à cela, la première année s’est passée à peu près correctement, on a réussi à passer le cap puisque beaucoup d’entre nous ont contracté des prêts garantis par l’État, mais même si un délai nous a été octroyé pour le remboursement, il n’en demeure pas moins que ce sont des avances de trésorerie.” Mais alors que beaucoup d’entreprises ont déjà “mangé l’enveloppe”, “il faudra bien rembourser tôt ou tard”. Et certaines n’ont déjà plus les moyens de relancer leur activité. À ce jour, aucun établissement du secteur n’a encore déposé le bilan à Mayotte. Mais selon le patron de l’UMIH, “il y a eu des arrêts de contrats, des CDD non renouvelés, des départs non compensés…” Alors, “il y a un réel risque de fermeture dans les mois qui viennent et certains se posent d’ailleurs déjà la question”, craint Charles-Henri Mandallaz. S’ajoutent à cela “des problématiques qui s’accumulent depuis un an de façon assez préoccupante” : la lassitude des gérants, des personnels, la fatigue morale, mentale…”On essaie déjà de faire survivre l’existant et après on verra.” n
LE POINT SUR LES AIDES DE L’ÉTAT Fin février, alors qu’un deuxième confinement local venait d’être décidé quelques semaines plus tôt, le gouvernement annonçait de nouvelles aides pour les entreprises mahoraises impactées par la crise sanitaire. Parmi elles, le doublement du plafond de l’aide du fonds de solidarité pendant la durée du confinement, pour le porter à 3 000 € ; le maintien de l’aide du fonds de solidarité pour les entreprises fermées administrativement ; la prise en charge de la totalité de l’activité partielle pour les entreprises mahoraises les plus touchées par le confinement et la crise sanitaire ; le report de charges fiscales et sociales pour toutes les entreprises et l'exonération des cotisations patronales pour certaines entreprises. Entre mars 2020 et février 2021, 98,1 millions d’euros ont été versés à plus de 6 000 entreprises locales dans le cadre du fonds de solidarité. Le montant des prêts garantis par l’État destinés à soutenir la trésorerie des entreprises locales s'élève à 81,3 millions d’euros. 25,1 millions d’euros ont été consacrés à l’indemnisation de l’activité partielle au profit de 9 100 salariés de Mayotte. L’État a accompagné 72 entreprises en matière de formation professionnelle au profit de 518 salariés placés en activité partielle en renforçant les moyens du FNE-formation, à hauteur de 342 600 euros, en complément de l’indemnisation de l’activité partielle, afin d’investir dans les compétences et préparer la reprise. Les reports d’imposition directe ont bénéficié à 36 entreprises et le remboursement accélérée du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) à 27 entreprises pour un montant global de 1,7 millions d’euros. En matière de cotisations sociales, le montant des exonérations ou des reports s’élève pour 2020 à 35,9 millions d’euros.
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Raïnat Aliloiffa
TÉMOIGNAGE : MARCEL RINALDY, CHEF D’ENTREPRISE À MAYOTTE
“ON A LA SENSATION DE FAIRE LA MANCHE POUR SURVIVRE” DEPUIS LE MOIS DE MARS 2020, LES ENTREPRISES MAHORAISES, À L’IMAGE DU RESTE DU TERRITOIRE, ONT VU LEUR MONDE S’ÉCROULER. LA CRISE SANITAIRE S’EST TRANSFORMÉE EN CRISE ÉCONOMIQUE POUR ELLES. L’ÉTAT A MIS EN PLACE UN PLAN D’AIDES SANS PRÉCÉDENT. MAIS QUI NE SUFFIT PLUS. Le chef de l’État l’avait assuré, le gouvernement fera face à la crise sanitaire “ quoi qu’il en coûte ”. Effectivement, il a cassé la tirelire pour soutenir notamment les entreprises. Principale aide, le fonds de solidarité a permis à des milliers de sociétés de survivre, tant bien que mal, depuis mars 2020. À Mayotte, “ 98,1 millions d’euros ont été versés à 6.138 entreprises mahoraises ” à la mi-mars, selon la préfecture. Si le coup de pouce financier est spécialement créé pour épauler les petites entreprises durement impactées par la crise, il est tout de même difficile pour elles de remonter la pente. Parmi les commerçants de l’île, ceux de l’aéroport sont les plus touchés selon Marcel Rinaldy, président du groupe 3M. “ Eux seuls comptabilisent plus de trois millions de perte de chiffres d’affaires en 2020. Si vous rajoutez ce début d’année 2021, on dépasse les
3,6 millions. ” Pour le marché global sur le territoire, le chef d’entreprise estime les pertes des commerçants à 25% de leurs chiffres d’affaires. Le montant du prêt garanti par l’État, destiné à soutenir la trésorerie des entreprises, a également explosé. Il s’élève à 81,3 millions d’euros sur le 101ème département. Mais toutes ces aides et subventions n’ont pas évité le chômage, notamment partiel de milliers de salariés. “ 25,1 millions d’euros ont été consacrés à l’indemnisation de l’activité partielle au profit de 9.100 salariés de Mayotte ”, affirme la préfecture. Les charges ont été la principale source d’angoisse des chefs d’entreprises. Certaines ont été allégées, d’autres reportées. Pas moins de 35,9 millions d’euros étaient en jeu en 2020…
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I T N E S S E “ CES INDEMNITÉS SONT LOIN D’ÊTRE SUFFISANTES ”
L’État a déployé les moyens pour aider les entreprises, mais “ ces indemnités sont loin d’être suffisantes ” aux yeux de Marcel Rinaldy. De plus, les commerçants de Mayotte font les frais du monopole aérien. Le fret ayant diminué dans le même temps, la principale compagnie qui dessert l’île veut amortir les coûts. “ Entre mars 2020 et aujourd’hui, on est passés à une augmentation du prix du fret de 60% ”, indique Marcel Rinaldy. À cela s’ajoute l’octroi de mer sur la marchandise et le transport, “ donc c’est la double peine pour nous ”, dénonce le chef d’entreprise. Toutes ces pertes et ces aides attribuées sont une chose, mais l’année particulière qui vient de s’écouler a eu un impact non négligeable sur le moral les patrons. “ Ce n’est pas drôle de devoir passer ses journées à remplir des dossiers. On a la sensation de faire la manche pour survivre ”, confie Marcel Rinaldy. n
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ON ESSE DOSSIER
Raïnat Aliloiffa
NT
TÉMOIGNAGES
DES AIDES QUI SE FONT ATTENDRE ET DES COMMERÇANTS AU FOND DU GOUFFRE
LES COMMERCES DITS NON ESSENTIELS SONT À LA LIMITE DU SUPPORTABLE. LE DEUXIÈME CONFINEMENT A ÉTÉ PARTICULIÈREMENT DIFFICILE POUR CEUX QUI ONT DÛ BAISSER LEURS RIDEAUX DU JOUR AU LENDEMAIN. LES AIDES PROMISES N’ONT PAS ÉTÉ VERSÉES, CERTAINS COMMERÇANTS ONT DONC ÉTÉ CONTRAINTS DE METTRE LA CLÉ SOUS LA PORTE. LES SURVIVANTS ESSAYENT DE SORTIR LA TÊTE DE L’EAU PAR LEUR PROPRES MOYENS, MAIS TOUS CRAIGNENT DE NE PLUS S’EN SORTIR SI PERSONNE NE LEUR VIENT EN AIDE. MAINTENANT PLUS QUE JAMAIS, LES CLIENTS SONT ATTENDUS DANS CES PETITES BOUTIQUES. ILS SONT LEUR UNIQUE ESPOIR.
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HADJIA MLANAO, GÉRANTE DU MAGASIN SELFIE : “ LES AIDES, ON LES ATTEND ENCORE… ” “ Le confinement a été très dur parce qu’on ne savait pas où on allait. J’ai fait la demande de chômage partiel pour mes salariés et on me l’a refusé parce qu’apparemment il fallait le faire avant de mettre les gens en chômage partiel. Mais le confinement a été annoncé le jour pour le lendemain, comment veulent-ils qu’on anticipe ? J’ai dû faire plusieurs courriers à la Dieccte et à la préfecture pour que finalement ils acceptent. Mais ce n’était que le début du combat parce qu’ils me renvoyaient le dossier tous les jours pour me dire qu’il y avait une erreur, qu’il manquait un document, etc. Mon dossier a finalement été validé, mais je n’ai toujours pas reçu l’argent. J’ai donc payé mes employés par mes propres moyens en attendant de me faire rembourser. Ce deuxième confinement est plus compliqué parce que lors du premier j’avais fait la demande et j’ai eu toutes les aides sans problèmes. Concernant les aides de l’État n’en parlons même pas ! Le préfet a dit que Mayotte allait bénéficier d’un régime spécial, que les employeurs salariés allaient avoir quelque chose, finalement on n’a rien reçu. Il n’y a pas eu de décret en ce sens, donc impossible de faire la demande. Encore une fois Mayotte est reléguée au dernier rang. Les aides, on les attend encore. Les charges continuent de tomber, on doit payer nos salariés, à un moment donné on n’arrivera plus à se relever. Heureusement les clients reviennent petit à petit, on ne va pas rattraper les pertes, mais on se console comme on peut. Pendant le confinement j’ai publié quelques articles en ligne, certains clients m’ont appelée pour passer commande, mais les sommes enregistrées sont dérisoires, ce n’est pas ça qui va sauver le magasin. Je compte sur le ramadan pour pouvoir renflouer un peu les caisses. ”
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DOSSIER
FATIMA IBRAHIM, GÉRANTE DU MAGASIN ETHNIK : “SI ON CONTINUE COMME ÇA, BEAUCOUP VONT FERMER” “ On a eu aucune aide, même pas le chômage partiel qu’ils nous avaient promis, j’ai fait la demande mais pour l’instant je n’ai rien reçu parce qu’ils ont changé tous leurs critères. Mon comptable a essuyé trois refus. De toute façon ils ne remboursent que 70%, sur un Smic cela représente 850€, je fais quoi avec ça ? Je me débrouille comme je peux, j’ai puisé dans ma trésorerie pour payer mon salarié. On est vraiment mal chaussé à Mayotte. On nous parle d’aide de l’État, mais jusqu’à présent on n’a aucune nouvelle. Il y a aussi la CCI qui propose un prêt à taux zéro, mais j’estime que ce n’est pas une aide parce que tôt ou tard on devra rembourser.
N ESSEN On est français que lorsqu’il faut pomper l’argent du contribuable, mais quand il faut aider les Mahorais on est français qu’à moitié. Je suis vraiment déçue par nos élus qui ne font rien pour nous aider. À La Réunion ce sont les élus qui vont sur le front défendre les intérêts de la population alors que les nôtres sont derrière. Je connais des commerçants qui ont déjà déposé le bilan, et si on continue comme ça, beaucoup vont fermer. Juste avant le confinement j’avais commandé une nouvelle collection, mais il m’était impossible de la payer. Heureusement le fournisseur a été compréhensif et il a accepté d’être payé petit à petit. Chacun se débrouille comme il peut. J’ai vu des collègues commerçants qui ont fait entrer discrètement les clients dans leur magasins, les rideaux à moitié baissés mais c’est leur choix. D’un côté je les comprends parce que ce n’est pas évident pour nous. Et la goutte d’eau qui a fait déborder le vase c’est l’injustice que l’on subit. Les rayons textiles et autres produits non essentiels dans les grands magasins sont restés ouverts alors que l’on nous a demandé de fermer. La loi est mal faite. Et pour couronner le tout, je n’ai même pas pu partir acheter ma nouvelle marchandise à cause du motif impérieux. Ils ne nous permettent même pas de voyager en tant que commerçant pour aller acheter nos produits alors que l’année dernière c’était possible. ”
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ZACHARIA, GÉRANT DU MAGASIN ZAK BOUTIK “J’AI DÉCIDÉ DE FERMER L’UNE DE MES BOUTIQUES”
NTIEL
“ Le fait d’avoir fermé au mois de février est le scénario le moins catastrophique parce qu’avec la période de pluie, le début d’année, le mois de février est plutôt calme. Comme la plupart de mes collègues je trouve que les aides mettent plus de temps à arriver, contrairement au premier confinement. Ce qui est étonnant parce qu’on pourrait penser que la situation n’est pas nouvelle, et que les autorités sont plus rodées… Mais je constate que ce n’est pas le cas, je n’ai toujours pas reçu de chômage partiel pour mes employés. Je les paye donc avec ma propre trésorerie parce que ma priorité est qu’ils aient un salaire à la fin du mois. Mais je ne vais pas tenir longtemps comme ça parce que les charge continuent de tomber alors que les pertes sur le chiffre d’affaires sont énormes. En février j’ai enregistré 100% de pertes, et en mars nous sommes à au moins 60%. Comme c’est parti, l’année 2021 sera pire que 2020, elle l’est déjà. J’ai 15 000€ de loyer en retard. J’ai donc décidé de fermer l’une de mes trois boutiques parce qu’il y avait trop frais. Je suis également en retard sur le paiement des charges comme l’assurance, l’électricité, l’eau, le téléphone et les frais de pénalité s’accumulent. Le fait de reporter nos charges ne sert à rien parce qu’ils ne font que déplacer le problème. Ils devraient plutôt payer une partie. En plus de cela, j’ai dû chambouler ma stratégie de commerce. Avant on commandait dans les pays d’Asie mais désormais c’est très compliqué alors j’achète mes produits en Europe et ça coûte automatiquement plus cher. Les marges augmentent et les bénéfices diminuent. J’ai très envie d’attaquer le ramadan, pour apaiser les tensions, et relancer l’activité.
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DOSSIER
Raïnat Aliloiffa
N O N TÉMOIGNAGE
N E S S E
INCOMPRÉHENSION ET SENTIMENT D’ABANDON CHEZ LES GÉRANTS DE SALLES DE SPORT
LE DÉCONFINEMENT N’A PAS FAIT QUE DES HEUREUX. CERTAINS PROFESSIONNELS NE SONT TOUJOURS PAS AUTORISÉS À REPRENDRE LEURS ACTIVITÉS À L’IMAGE DES GÉRANTS DES SALLES DE SPORT. UNE DÉCISION JUGÉE INJUSTE PAR LES PRINCIPAUX CONCERNÉS QUI ASSURENT ÊTRE EN MESURE D’ACCUEILLIR LEURS ADHÉRENTS. Ils attendaient le déconfinement avec impatience, mais à la place, ils n’ont reçu que désillusion et mauvaises surprises. Les salles de sport resteront fermées jusqu’à nouvel ordre… À l’inverse des sports collectifs en plein-air. Une mesure incompréhensible pour les principaux concernés. “Certains vont reprendre les tournois, ce qui n’est pas logique puisque la plupart des contaminations dans le sport ont lieu dans les sports collectifs”, dénonce Julien Lalanne, gérant de la salle l’Orange Bleue à Mamoudzou. Du côté de la délégation de la jeunesse et du sport, cette différence de traitement a une explication logique. “Les activités en plein-air sont moins exposées à
la contamination contrairement aux activités dans des lieux fermés”, explique Madeleine Delaperriere, déléguée de la jeunesse et du sport à Mayotte. Mais aucune explication ne saurait calmer la colère des professionnels qui se sentent exclus du déconfinement progressif prôné par le préfet. Une impression de déjà vu pour Anli Fafi, gérant de la salle de sport Maybodyform. “À la suite du premier déconfinement l’année dernière, nous avons été mis à l’écart et nous n’avons pas pu reprendre notre activité aussi rapidement que les autres. Et cette fois-ci, ils répètent la même chose.” D’autant plus que les salles de sport se disent prêtes à recevoir leurs adhérents :
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L E I T N elles avaient déjà été obligées d’appliquer un protocole sanitaire stricte lors de la reprise. “Nous avons du gel hydroalcoolique partout, les gens devaient venir habillés en tenue de sport, il y avait une jauge maximale de personnes dans la salle. Les machines étaient nettoyées avant et après chaque utilisation, le masque était obligatoire pendant chaque déplacement, etc. Nous avons investi du temps et de l’argent dans toutes ces mesures et aujourd’hui, on nous demande de fermer nos portes”, s’emporte Julien Lalanne.
“NOUS SOMMES LIVRÉS À NOUS-MÊMES” Le sentiment d’abandon vient s’ajouter à la désillusion des gérants des salles de sport. “Les autorités compétentes ne nous donnent aucune information alors qu’elles sont censées nous rassurer et nous accompagner. Nous sommes clairement livrés à nous-même”, accuse Anli Fafi. Un point de vue partagé par le responsable de l’Orange Bleue. “Nous sommes complètement dans le flou à Mayotte. Malheureusement, nous ne sommes pas assez nombreux ici pour faire le poids. Nous aimerions juste avoir un calendrier
clair pour savoir où nous allons.” Une requête difficile à honorer pour Madeleine Delaperriere. “Nous ne sommes pas en mesure de leur apporter des réponses pour le moment. Je comprends que cela soit compliqué pour eux, mais je ne peux pas donner de date pour la réouverture. Les décisions se prennent au jour le jour”, indique-t-elle. Pendant ce temps, les salles de sport doivent continuer à payer leurs charges. Et les aides et les plans B ne suffisent plus ! “Pour l’instant, nous tenons grâce aux prélèvements des adhérents qui continuent, mais nous ne ferons pas long feu de cette manière. Nous avons besoin d’ouvrir”, lance d’un ton désespéré Julien Lalanne. Pour sa part, le propriétaire de Maybodyform puise dans ses dernières ressources. “Lors du premier confinement, j’ai eu droit à un prêt, mais je suis en train de l’utiliser pour survivre alors qu’il devait servir à investir et redémarrer du bon pied.” Et si certains affirment être prêts à faire plus de sacrifices pour ouvrir rapidement, la déléguée de la jeunesse et du sport promet que les protocoles déjà établis lors de la première reprise ne changeront pas. “Ils sont déjà assez restrictifs”, conclut-elle. n
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DOSSIER
NON ESS C.D
TÉMOIGNAGE
DISCOTHÈQUES DE MAYOTTE : UN AN APRÈS LA FERMETURE, LE LOFT PLIE MAIS NE ROMPT PAS
RAREMENT ENTENDUES DEPUIS LE DÉBUT DE LA CRISE SANITAIRE, LES BOÎTES DE NUIT FONT PARTIE DES ENTREPRISES LES PLUS TOUCHÉES PAR SES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES. OBLIGÉ DE FERMER SES PORTES DEPUIS LE 17 MARS 2020, KASSIM ELHAD, QUI GÈRE LE LOFT À MAMOUDZOU, PEINE À JOINDRE LES DEUX BOUTS. MAIS IMPOSSIBLE POUR LUI DE RENONCER À CETTE AFFAIRE, DANS LAQUELLE IL A TOUT INVESTI DEPUIS PRESQUE QUINZE ANS.
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SENTIEL
DES INVESTISSEMENTS JUSTE AVANT LA CRISE Tandis que l’hôtel le Rocher, dont dépend le Ningha club de Petite-Terre, a continué à héberger des clients et que le Koropa, grâce à son espace extérieur et sa piscine, a pu aussi, pendant un temps, ouvrir ses portes aux amoureux de la fête, le Loft a donc pris la poussière, seul dans son coin. Et ce, alors même que son gérant lui prévoyait une nouvelle jeunesse : un cadeau à 15 000 euros, qui s’ajoutaient aux quelque 500 000 euros investis depuis la reprise du club en 2007. Commandés en novembre 2019, de solides assises en fonte, des panneaux acoustiques et des morceaux de mousse attendent sagement de jours meilleurs. “Ça doit être la deuxième fois que des gens s’assoient là-dessus !”, lance Kassim en tapotant le coussin recouvert d’une belle toile ignifugée noire.
“Quand je leur ai dit que vous veniez, les gars ont voulu enlever les toiles d’araignées, je leur ai dit “non surtout pas !”. Il faut qu’on voie comment c’est, depuis un an.” Alors que Kassim Elhad ouvre la porte métallique du Loft dans un grincement, quelque chose d’autre saute aux yeux. Ou plutôt prend le nez : cette reconnaissable odeur de bar, savant mélange d’alcools renversés et de danses endiablées. Une année entière de fermeture n’a pas permis d’évacuer ces effluves, qui collent aux murs comme de vieux posters. Et l’espace d’un clignement d’yeux nostalgique, l’on pourrait presque entendre à nouveau les notes taper sur les baffles, comme si le Covid-19 et sa chape de plomb n’étaient pas passés par là. Oups ! Une flaque d’eau interrompt vite la rêverie. “Oui, avec cette saison des pluies de fou, j’ai eu des inondations”, fait remarquer le patron en pointant du doigt la gouttière qui fait la jonction entre ses deux salles principales. À Mayotte, les discothèques comme le Loft se comptent sur les doigts de la main. Encore moins, si l’on considère ceux pour qui le monde de la nuit ne constitue pas la seule activité, comme le réputé Zen Eat, ou encore le Barfly. “Eux, officiellement, ils sont aussi restaurants, alors je suis un peu le seul à ne pas du tout pouvoir ouvrir”, soupire Kassim. Une rareté qui peut expliquer la discrétion des boîtes de nuit de l’île depuis le début de la crise, pendant que le collectif du monde économique de Mayotte (CMEM) et l’union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) 976, tapaient du poing sur la table à chaque nouvelle restriction imposée.
Heureusement, 2019 a été un bon cru. 300 000 euros de chiffre d’affaires, au bas mot. Mais quand même. Après une année blanche, le gérant a aujourd’hui tout le mal du monde à obtenir les précieuses aides de l’État et du Département, pour garder la tête hors de l’eau. “Je ne vais pas mentir, il y a un historique derrière avec l’administration, et là ils m’ont eu avec le Covid”, concède Kassim, l’œil malicieux. Car depuis qu’il a repris l’affaire en 2007, l’entrepreneur n’a pas vraiment déposé ses bilans… Même s’il a scrupuleusement gardé les traces de ses comptes, assure-t-il. “À l’époque, c’était difficile à Mayotte de trouver un expert comptable pour les certifier.”
DES LOYERS ET DES DETTES Un point partout, balle au centre : le gérant du Loft a fini par envoyer toutes les pièces au mois d’octobre 2020. Et s’est engagé à verser 1 700 euros par mois pour rembourser sa dette au trésor public. “Mais tant que je n’ai pas le moratoire, je ne peux rien demander comme aides”, décortique ce businessman aguerri par des années de lutte pour maintenir son bébé à flots. Le Loft est en stand by, donc, un peu comme son boss. S’il a pu demander l’activité partielle pour ses quatre employés, lui “s’économise”. “Je dors, j’ai éteint mon organisme.” Comme pour se préparer à affronter les prochaines batailles, qui ne tarderont d’ailleurs pas à éclater. “Mon proprio a fini par me traîner au tribunal, il me fait un poisson d’avril !”, s’amuse Kassim, pas vraiment effrayé à l’idée de croiser le fer avec son bailleur, à qui il doit quelques loyers de retard. “Le Covid me tuera peut-être. Pas ses conséquences”, balancet-il, d’un air de défi. n
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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayottehebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédactrice en chef Solène Peillard
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Couverture :
Commerces non éssentiels : le fond du trou...
Journalistes Romain Guille Raïnat Aliloiffa Constance Daire Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mohamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com
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