Mayotte Hebdo n°960

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LE MOT DE LA RÉDACTION

ON NE VOTE BIEN QU’AVEC LE CŒUR “À 13 ans, j’étais déjà bourré avec les bières des élus”, confie un jeune habitant de Mamoudzou. À chaque élection, le cirque est le même : les candidats déambulent dans les rues de leurs cantons, au volant d’une voiture sur le toit de laquelle est accrochée une enceinte dont la musique entête les passants. Chez chacun, des maraudes viennent toquer, offrant t-shirts floqués aux couleurs du parti, cartons de mabawas ou même liasse de billets. Tout est bon pour se faire élire. Tout, sauf miser sur la seule force de son programme, de ses convictions, de ses idées. Dans le 101ème département, le scrutin le plus important à l’échelle du territoire relève souvent plus d’un exercice de folklore, où les promesses politiques ont presque moins leur place que les intérêts personnels. Alors cette semaine, à la veille de l’avènement du prochain président du Département, Mayotte Hebdo vous propose de découvrir, non pas les candidats, mais plutôt ce que chacun est tenu d’attendre d’eux. Car c’est avant tout de cela qu’il s’agit : préparer l’avenir pour ne plus reproduire les erreurs du passé. Bonne lecture à toutes et à tous.

S.P

TOUTE L’ACTUALITÉ DE MAYOTTE AU QUOTIDIEN

Lu par près de 20.000 personnes chaque semaine (enquête Ipsos juillet 2009), ce quotidien vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre également un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.

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FI n°3839 Lundi 7 mars 2016 St Félicie

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Fax : 0269 61 63 00

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VERRES À VIN, COCKTAIL, COUPE À GLACE...

BP 263 - ZI Kawéni - 97600 Mamoudzou - email : hd.mayotte@wanadoo.fr

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FI n°3822 Jeudi 11 février 2016 Ste Héloïse

à partir de

9€

RENSEIGNEMENTS Tél : 0639 67 04 07 | Mail : contact@mayotte-e-velos.yt

FI n°3818 Vendredi 5 février 2016 Ste Agathe

marine le Pen

environnement

Port de Longoni

ConSeil départeMental

Quel accueil se prépare pour la présiDente Du Fn ?

Le Lagon au patrimoine mondiaL de L'unesCo ?

la dsP sur la sEllEttE

pas de changement sUr l’octroi de mer

© Jonny CHADULI

Grève à Panima

TéléThon 2016

Des propositions mais toujours pas D'issue

DemanDez le programme

première parution : juillet 1999 - siret 02406197000018 - édition somapresse - n° Cppap : 0921 y 93207 - dir. publication : Laurent Canavate - red. chef : Gauthier dupraz - http://flash-infos.somapresse.com

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FI n°3997 mercredi 30 novembre 2016 St André

© CR: Gauthier Bouchet

Diffusé du lundi au vendredi, Flash Infos a été créé en 1999 et s’est depuis hissé au rang de 1er quotidien de l’île.

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Économie

SÉcuritÉ

Les appeLs à projets de L'europe

Couvre-feu pour Les mineurs

Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com

OUI, je m’abonne

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Musique

Faits divers

Edmond BéBé nous a quitté

ViolEncE En cascadE

Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com

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MCG VS SMart

ViCe-reCtorat

UltimatUm oU véritable main tendUe ?

l’institUtion répond aUx critiqUes

Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com

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TCHAKS LE CHIFFRE 20 millions

C’est la somme débloquée par Paris pour deux projets socio-économiques aux Comores, dans le cadre du plan de développement France-Comores signé en juillet 2019. Une première tranche qui représente 30% des 150 millions d’euros totaux prévus pour soutenir un large éventail de projets au sein de l’Union voisine, dont les deux premiers “favoriseront la création d’emplois durables et mieux rémunérés comme le recommande les orientations fixées dans le cadre du plan Comores Émergent et du futur plan national d’investissement agricole."Sont plus précisément concernés le développement de la filière de la vanille, de la girofle et de l’ylang ylang et l’appui technique et financier à la diaspora comorienne souhaitant investir au pays.

LA PHRASE

“Nous devons agir immédiatement, collectivement, globalement, résolument” 300 hectares de forêt sont détruits chaque année à Mayotte, où 45% de la flore indigène est menacée de disparition et dont 80 à 90% des eaux usées ruissellent dans le lagon sans traitement. Candidat aux élections départementales, le député LR Mansour Kamardine vient de publier sa tribune "Face à l’urgence environnementale à Mayotte, nous devons agir immédiatement, collectivement, globalement, résolument". Urbanisation anarchique, explosion démographique, érosion des sols, pollution des cours d’eau et du lagon, déforestation… Pour l’élu, nombreux sont les facteurs qui représentent “un danger de mort” pour la biodiversité mahoraise. D’où la proposition du parlementaire d’organiser des états généraux de la préservation de l’environnement pour permettre notamment la reconquête de certains espaces et le reboisement de 10 000 arbres en six ans.

L'ACTION

Les bus scolaires en droit de retrait pour les premières épreuves du bac Après le caillassage d’une dizaine de bus en trois jours la semaine dernière, les 256 transporteurs scolaires de la société Matis ont décidé de faire valoir leur droit de retrait pour une durée illimitée dès ce lundi 14 juin, jour du début des premières épreuves du baccalauréat. Ainsi, plusieurs établissements, à l’instar du lycée de Sada, mobilisent des minibus ou d’autres véhicules pour acheminer les bacheliers. En début de semaine, rectorat, préfecture et représentants syndicaux se sont rencontrés pour tenter de trouver un terrain d’entente. En vain. “Rien n’a abouti et il n’y a pas eu de nouvelle proposition pour améliorer les conditions de travail ou apporter les garanties juridiques et sociales que nous attendons”, déplorait Siaka, délégué FO, au sortir des échanges. Dans le même temps, les habitants du Centre ont érigé plusieurs barrages pour protester contre l’insécurité. Samedi, un homme de 26 ans est décédé à Combani après avoir été pris à partie par une bande d’individus, qui s’en sont également pris à des lycéens et à un contrôleur de bus.

ELLE FAIT L’ACTU La Mahoraise Larissa Salime Bé sacrée Miss Excellence 2021 C’est une première pour le 101ème département. Samedi, en direct depuis l’Alsace, Larissa Salime Bé, candidate mahoraise, a été élue Miss Excellence 2021, devant 21 autres jeunes femmes venues représenter leur région. “C'est la première fois que Mayotte arrive à cette place et c'est un honneur de représenter la France entière”, s’est réjouie la lauréate de 23 ans et originaire de Poroani. En 2019 et 2020, Mayotte remportait déjà la deuxième place du concours, preuve de l’engagement sans faille du comité organisateur porté par Moidj Abasse et Némati ToumbouDani. Bravo à ces femmes qui permettent à l'île de briller sur la scène nationale.

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LU DANS LA PRESSE

Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale

A MAYOTTE, LA POLICE AUX FRONTIÈRES FALSIFIE L’ÂGE D’UN MINEUR POUR L’EXPULSER Le 15 juin, par Yasmine Sellami pour Libération Dans le 101e département français, la lutte contre l’immigration clandestine est l’une des principales préoccupations de la préfecture : plus de la moitié des expulsions en France se font depuis Mayotte, parfois au détriment de la loi. Moustafid en a été victime. La petite ampoule suspendue aux fils électriques peine à éclairer la pièce où sont réunis Moustafid et sa famille. Assis à même le sol, appuyés contre des murs en parpaing, ils partagent un goûter pour fêter le retour de l’adolescent à la maison. «J’ai cru qu’ils allaient m’envoyer à Anjouan [aux Comores, ndlr] et que je n’allais jamais revenir !» confie le jeune de 15 ans, originaire des Comores. Sourire aux lèvres, sa mère affiche son soulagement : «Je n’arrivais plus à dormir ces dernières nuits. Je me demandais comment j’allais faire pour le ramener à Mayotte s’ils le renvoyaient, sachant que je n’ai pas assez d’argent… Heureusement, il a pu sortir !» Le lundi 7 juin, pendant l’une de ses patrouilles quotidiennes, la police aux frontières (PAF) interpelle Moustafid. Le lycéen était en route pour Mamoudzou, à une vingtaine de kilomètres de chez lui, pour chercher un stage censé commencer une semaine plus tard. «J’étais à moto avec quelqu’un qui m’avait pris en stop quand ils nous ont arrêtés», précise-t-il. Sans pièce d’identité sur lui, l’élève de seconde, originaire des Comores et installé à Mayotte depuis 2016, montre sa convention de stage. «Je voulais prouver que j’étais mineur, mais ils ne m’ont pas cru. Ils ont dit que n’importe qui pouvait faire une fausse convention et se balader avec. Alors ils m’ont mis les menottes et m’ont embarqué. Ça me faisait très mal.» De son côté, Nathalie Gimonet, la sous-préfète chargée de la lutte contre l’immigration clandestine (LIC) avance qu’«une convention de stage n’est pas un document certifié.» Alors qu’il est dans la camionnette de la police, Moustafid demande à appeler sa famille pour qu’elle lui apporte ses papiers, en vain. La PAF refuse et poursuit sa tournée de l’île avec le jeune homme à bord du véhicule. «J’étais très bavard. Je répétais que j’étais mineur pour qu’ils me laissent partir. Mais à un moment, l’un des policiers a frappé devant moi un homme qu’il était en train d’interroger… J’ai eu peur. Je n’ai plus rien dit», se souvient-il.

Aux yeux de la préfecture, il est désormais majeur, et expulsable. La sous-préfète à la LIC réfute toute falsification d’âge : «Si sur l’OQTF, il est marqué «né en 2000», c’est que la personne l’a déclaré. Quand il n’y a pas de preuve, c’est sur déclaration. On n’invente pas de date de naissance.» Elle avance l’hypothèse d’un stratagème pour «se faire expulser volontairement car c’est une façon d’aller gratuitement aux Comores.» Un scénario régulièrement mis en avant par la préfecture pour justifier les cas similaires à celui de Moustafid. Deux nuits au CRA Maître Marjane Ghaem, l’avocate du jeune homme, enrage : «C’est la réponse facile ! S’il voulait partir, pourquoi a-t-il refusé de signer les papiers avec la fausse date de naissance ? Pourquoi a-t-il appelé ses proches pour qu’ils le sortent de là ?» C’est grâce à la mobilisation de trois de ses professeurs que l’adolescent échappe au «voyage gratuit» à Anjouan. Dès son placement en rétention, Moustafid profite des téléphones du CRA pour alerter sur sa situation. Il appelle Chloé Laboisne, enseignante en UPE2A, unité pédagogique pour les élèves allophones arrivants, qui l’a eu en classe pendant deux ans. Sans trop tarder, elle témoigne avec deux de ses collègues pour attester de la minorité de son élève. «C’est rare que des professeurs s’impliquent autant ici», s’enthousiasme maître Ghaem. Mais malgré une ordonnance de mainlevée de la part du juge des libertés et de la détention, l’adolescent passe deux nuits au CRA. Un problème technique aurait empêché de transmettre la notification au centre de rétention. Moustafid n’en sort que le mercredi 9 juin dans l’après-midi. Dès le lendemain matin, il repart à la recherche de son stage, cette fois avec sa pièce d’identité en poche…

L’hypothèse d’un stratagème La loi française interdit de placer en rétention en vue d’une expulsion, tout mineur étranger qui n’est pas accompagné de sa famille. Pourtant, Moustafid passe trois jours au centre de rétention administrative (CRA) de l’île. Dans cet espace où sont enfermés les étrangers avant leur éloignement, une obligation de quitter le territoire français (OQTF) sans délai lui est notifiée. Sur le document que Libération a pu consulter, la préfecture lui intime de quitter le territoire et mentionne qu’il est né le 4 décembre 2000. Soit cinq ans avant la date inscrite sur son acte de naissance, aussi consulté par Libération. En quelques heures, le jeune de quinze ans devient un adulte de vingt ans.

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DOSSIER

DÉPARTEMENTALES 2021

C'EST REPARTI POUR UN (PREMIER) TOUR Les dés sont lancés. Ce dimanche 20 juin, les électeurs mahorais passeront aux urnes pour élire le prochain président du Département, qui officiera – normalement – pour les six prochaines années, à compter du 27 juin, date du second tour. Mais dans la collectivité unique de Mayotte, qui exerce à la fois les compétences du département et de la région, le scrutin revêt un caractère particulier. Alors, pour quoi vote-t-on exactement ? Quels domaines sont du ressort des élus ? Quel budget leur est alloué ? Et pourquoi, sur de nombreux sujets, nos représentants semblent parfois être démissionnaires ou impuissants ? Explications.

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DOSSIER

S.P

LES ÉLECTIONS POUR LES NULS

UN DÉPARTEMENT, POUR QUOI FAIRE ?

PLUS PERSONNE NE L’IGNORE : DEPUIS LE 31 MARS 2011, MAYOTTE EST OFFICIELLEMENT LE 101ÈME DÉPARTEMENT FRANÇAIS, ET LE CINQUIÈME DES OUTRE-MER, COMME PRÉVU DANS LA LOI ORGANIQUE DU 3 AOÛT 2009, SUITE AU RÉFÉRENDUM ORGANISÉ EN MARS DE LA MÊME ANNÉE. DEPUIS, LE TERRITOIRE EST HABILITÉ À GÉRER SEUL CERTAINES COMPÉTENCES, ET D’AUTRES EN ÉTROITE COLLABORATION AVEC LES DIFFÉRENTES COLLECTIVITÉS ET LES SERVICES DE L’ÉTAT. QUELLES SONT-ELLES ? QUELS MOYENS LEUR SONT ALLOUÉ ? ÉLÉMENTS DE RÉPONSE.

• Action sociale, solidarité et cohésion territoriale : - l’enfance : aide sociale à l’enfance (ASE), protection maternelle et infantile (PMI), adoption, soutien aux familles en difficulté financière ; - les personnes handicapées : politiques d’hébergement et d’insertion sociale, prestation de compensation du handicap (PCH), maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ; - les personnes âgées : création et gestion de maisons de retraite, politique de maintien des personnes âgées à domicile (allocation personnalisée d’autonomie ou APA) ; - les prestations légales d’aide sociale : gestion du revenu de solidarité active (RSA), dont le montant est fixé au niveau national ; - l’élaboration du schéma départemental d'amélioration de l’accessibilité des services aux publics (SDAASP) ; - les actions relevant du Fonds social européen (FSE) pour les départements qui en font la demande (dans le cas de Mayotte, cette compétence est partagée entre le Département et la préfecture, qui avait jusqu’en avril dernier la pleine autorité des fonds européens).

• Éducation : - la construction, l’entretien et l’équipement des collèges ; - la gestion des agents techniciens, ouvriers et de service (TOS).

• Aménagement, transports et sécurité : - l’équipement rural, le remembrement, l’aménagement foncier, la gestion de l’eau et de la voirie rurale en tenant compte des priorités définies par les communes ; - les services de transport spécial des élèves handicapés vers les établissements scolaires ; - la gestion de la voirie départementale ; - la gestion des ports maritimes et intérieurs ou de certains aérodromes, or transfert de l’État de cette compétence à d’autres collectivités ;

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- le service départemental d’incendie et de secours (SDIS), également chargé des opérations de secours en cas d’accidents, de catastrophes naturelles, etc. ; - la police de circulation sur les routes départementales ; - la prévention de la délinquance, conjointement avec les communes.

• Action culturelle et sportive : - la création et la gestion des bibliothèques de prêt, services d’archives, musées, protection du patrimoine, etc. partagées entre le département et les communes, au même titre que les compétences liées au sport, au tourisme, à la promotion des langues régionales et à l’éducation populaire.

FONDS EUROPÉENS : UNE GESTION DÉSORMAIS PARTAGÉE “Un pas historique”. En avril dernier, Jean-François Colombet, préfet de Mayotte, ne tarissait pas d’éloges concernant la nouvelle convention, tout juste signée, du groupement d’intérêt public “L’Europe à Mayotte”, pour la période 2021-2027. Car contrairement à l’ancien programme, où la préfecture avait l’entière autorité des fonds européens, celui-ci sera désormais géré à parts égales entre le Département et les services de l’État, au rythme de trois ans pour chacun. Ainsi, les discussions “les plus importantes” seront prises à la majorité des deux tiers. Un partenariat nécessaire, qui fait également office de coup d’essai pour la collectivité : “L’objectif est de mieux préparer le conseil départemental à ce qui arrivera de façon inévitable à la fin du programme, c’est-à-dire le transfert de l’autorité de gestion comme cela s’est passé dans les régions en métropole”, précise le délégué du gouvernement. À la tête de ce nouveau groupement d’intérêt public, Ali Soula, un Mahorais, magnat de la finance, qui travaille actuellement à Bercy. “Nous tenons absolument à ce qu’il y ait des jeunes cadres mahorais compétents qui viennent rejoindre ce GIP”, développe Jean-François Colombet. Une cinquantaine d’agents composeront l’équipe du groupement d’intérêt public, dont une trentaine mis à disposition par l’État et le Conseil départemental. Le budget annuel de ce nouveau programme est estimé à 6 millions d’euros. Il sera en partie financé par l’Union européenne, le reste étant partagé également entre l’État et le Département.

DES COMPÉTENCES CLARIFIÉES En 2015, la loi NOTRe (nouvelle organisation territoriale de la République) redistribue les cartes afin de clarifier les rôles de certaines collectivités. D’abord, elle supprime la clause générale de compétence pour les départements et les régions. Ce dispositif permettait jusqu’alors à ces collectivités d’étendre leur champ d’action sous réserve que cela présente un intérêt public local, et sans empiéter sur les compétences des autres autorités publiques, étatiques ou territoriales. Parallèlement, le principe des compétences partagées a été maintenu dans les domaines transversaux comme la sécurité et l’éducation, des compétences confiées aux maires et au président du département. “Plus globalement cette nouvelle définition des compétences s’accompagne d’un accroissement du rôle des régions, d’un renforcement de l’intercommunalité et de l’amélioration de la transparence et de la gestion des collectivités territoriales”, peut-on lire sur le site vie-publique.fr. À Mayotte, l’entrée en vigueur de la loi NOTRe s’est notamment traduite par l’élaboration du schéma régional de développement touristique, le texte prévoyant le transfert de la promotion du tourisme des communes vers les communautés de communes, à l’instar de l’aménagement et du développement économique. D’où la naissance des offices de tourisme intercommunaux.

DÉPARTEMENT D’OUTRE-MER, À QUOI ÇA SERT ? Entre département métropolitain et département ultramarin, la différence n’est pas que sémantique. Si les lois et règlements nationaux s’appliquent de plein droit dans les territoires domiens comme en Hexagone, des adaptations peuvent être décidées dans ces jeunes collectivités aux “caractéristiques et contraintes particulières”, géographiques évidemment, mais aussi culturelles, sociales et économiques, comme stipulé dans la Constitution. Des différences qui justifient, à Mayotte, la non application de certains dispositifs légaux dans de nombreux domaines. “La Guadeloupe et La Réunion sont, à la fois, départements d’outre-mer et régions d’outre-mer. La Guyane, la Martinique et Mayotte (qui exerce les compétences des départements et des régions d'outre-mer et qui prend le nom de Département de Mayotte) sont trois collectivités uniques”, rappelle la direction de l’information légale et administrative. “La régionalisation initiée par la loi du 31 décembre 1982 a créé des régions d’outre-mer (ROM) gérant les mêmes territoires que les DOM, mais avec des institutions séparées et en quelque sorte superposées. C’est pour mettre fin à cette complexité que l’article 73 de la Constitution prévoit que les DOM et les ROM peuvent évoluer vers le statut de collectivité unique, destinée à se substituer au département et à la région.”

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DOSSIER

LA POLITIQUE POUR LES NULS

RÉPARTITION DU BUDGET

Budget primitif 2021 adopté en avril dernier par le Conseil départemental

ent m e n n o i t Fonc lions d’euros 318.7 mil

nt e m e s s i t Inves lions d’euros 167.6 mil

Budget total : 486,3 millions d’euros prévus pour l’année. Source : Département de Mayotte

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Les dépenses réelles de fonctionnement dans le détail 42.3% 42.3%

24.1% 24.1%

24,4% 24,4%

En

%

0,5% 0,5%

5.1% 5.1%

0.1% 0.1%

1.2% 1.2%

2.3% 2.3%

Charges de personnel et frais assimilés Charges à caractère général* Atténuations de produits 116 116

En millions d'

Allocation personnalisée d’autonomie Autres charges de gestion** Frais de fonctionnement des groupes d’élus Charges financières

66 66

67 67

€ 1,5 1,5

14 14

Charges exceptionnelles

0.2 0.2

3,2 3,2

6,3 6,3

Total : 274,2 millions d'€ Source : Département de Mayotte

Au total, les dépenses réelles prévisionnelles de fonctionnement du Conseil départemental s’élèvent à 274,2 millions d’euros pour l’année 2021. Les opérations d’ordre de transfert entre section (jeux d'écritures sans flux financiers réels) alourdissent quant à elles la note de quelque 15 millions d’euros. Les recettes sont elles estimées 318,7 millions d’euros (soit près de trois millions de moins que l’an passé). Celles-ci proviennent en grande majorité des dotations de l’État ainsi que des impôts et taxes, représentant respectivement 46% des produits réels. * Les charges à caractère général incluent différents postes comme le transport scolaire (32 voire 39 millions d’euros), les frais de contentieux (10,7 millions), la formation professionnelle (8 millions) et les taxes foncières (4 millions). ** Les autres charges de gestion incluent le renforcement de la politique volontariste en matière sociale (4 millions), les bourses et frais de déplacement des lycéens et étudiants (14,5 millions), le financement du Sdis (12 millions) et du STM (12 millions), ainsi que l’accompagnement du tissu associatif via les subventions de fonctionnement (22 millions).

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DOSSIER

L’investissement dans le détail 42.6% 42.6% 35.8% 35.8%

Total : 167,6 millions d'€

En

Source : Département de Mayotte

%

3% 3%

3.7% 3.7%

6% 6%

3% 2.4% 3% 2.4%

3.6% 3.6%

Remboursements d’emprunts Subventions d’investissement à destination des communes, intercommunalités et entreprises

71.4 71.4

60

En millions d'

Travaux ou immobilisation en cours* Immobilisations incorporelles ou frais d’études**

60

Immobilisations corporelles Autres immobilisation financières Opérations patrimoniales Opérations d’ordre de transfert entre section

€ 6.2 6.2

5

5

10

10 4

4

5

5

6

6

Pour l’année en cours, le budget d’investissement prévisionnel du Conseil départemental s’équilibre à 167,6 millions d’euros en recettes et en dépenses. Ce chiffre inclut 75% de résultats, soit 126 millions d’euros. “En effet, les résultats inscrits aux recettes d’investissement sont composées du résultat de fonctionnement de 2020 (56,2 millions d’euros), du résultat d’investissement de 2020 (40,4 millions d’euros) et du résultat prévisionnel de fonctionnement de 2021 (29,5 millions)", précise le Département. * Les dépenses des travaux en cours, évaluées à 71 millions d’euros, concernent principalement la poursuite de l’aménagement des pistes rurales à vocation agricole pour le désenclavement des exploitations agricoles (8 millions d’euros environ), la poursuite du programme d’électrification rurale et de désenclavement du territoire (12 millions), la poursuite du programme de réfection du réseau routier départemental, en particulier au sud de l’île (16 millions), les quatre pôles d’échanges multimodaux de Grande-Terre, les abribus et le HUB de Kahani (6 millions), la poursuite du programme des équipements sportifs (5 millions d’euros, dont 3 pour la restructuration du complexe sportif de Cavani), la première phase des travaux de réhabilitation de l’extension des deux premiers quais du port de Longoni et du terminal gazier, en lien avec le projet d’exploitation au Mozambique (13 millions) et le raccordement au numérique des sites prioritaires et la liaison de Petite-Terre (4 millions). ** Les cinq millions mobilisés en frais d’études prévoient le lancement de concours de maîtrise d'œuvre portant sur 15 projets structurants pour le territoire. Ces études portent essentiellement sur des infrastructures sportives et complexes culturels, deux centres médico-sociaux ou encore des études de faisabilité sur la création d’un réseau ferroviaire.

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En millions d'

94

Enfance, famille et santé* Social, solidarité et insertion Culture et patrimoine

Total : 163.8 millions d'€

Environnement Jeunesse, sport et vie associative

Source : Département de Mayotte

Enseignement et éducation Transport et mobilité 14.1 13.9 3.8

2

1.6

5.1

14

14

1.3

Aménagement Développement économique et coopération Pilotage et gestion des ressources

L’ensemble de ces secteurs ne dépendent pas exclusivement du financement du Conseil départemental et peuvent bénéficier de fonds nationaux ou européens. * S’y ajoute un autre budget annexe, celui prévu pour la santé et protection de l’enfance à hauteur de 63,7 millions d’euros, ainsi affectés grâce aux 96 millions d’euros d’excédents générés en 2020.

Les différents présidents du Département Ahmed Attoumani Douchina • Instituteur jusqu’en 2012 • Conseiller général de 2004 à 2015 dans le canton de Kani-Kéli • Président du Conseil général de 2008 à 2011 (UMP, ex LR) • Conseiller départemental pour le canton de Bouéni de 2015 à aujourd’hui. En mars 2008, il prend la présidence du Conseil général de Mayotte, il est le dernier président avant la départementalisation en 2011. S’il est réélu conseiller départemental en 2011, il perd la présidence face à Daniel Zaïdani à 10 voix contre 9.

Daniel Zaïdani • Conseiller général puis départemental de 2011 à 2015 dans le canton de Pamandzi • Président du Conseil Départemental de 2011 à 2015 (divers gauche)

Il prend la tête du Conseil Départemental en 2011, juste après le passage du statut de Mayotte en département. À 35 ans, il est, pour le moment, le plus jeune homme élu à un tel rang en France et a dû assurer la transition entre Conseil général et départemental. Il a permis la mise en place de la fiscalité de droit commun, et a pu renforcer les liens avec l’Europe, en faisant passer Mayotte au statut de région ultrapériphérique européenne.

Soibahadine Ibrahim Ramadani • Docteur en sciences de l’éducation • Sénateur de 2004 à 2011 • Président du département de 2015 à aujourd’hui (LR) Soibahadine Ramadani a été le président du département le plus longtemps en place, mais n’a pas souhaité être candidat à sa propre réélection. Il considère l’assainissement des finances départementales comme l’action majeure de sa présidence : les 53 millions d’euros de déficit à son arrivée ont été remplacés par 53 millions d’excédent. Sa mandature a été marquée par de nombreux mouvements sociaux.

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Propos recueillis par S.P

ENTRETIEN AVEC LE SÉNATEUR THANI MOHAMED SOILIHI

“NI LE DÉPARTEMENT ET ENCORE MOINS LA RÉGION N’ONT ÉTÉ ABOUTIS”

LE TOILETTAGE INSTITUTIONNEL EST L’UN DE SES FERS DE LANCE. CAR, DEPUIS SA DÉPARTEMENTALISATION, LA COLLECTIVITÉ UNIQUE DE MAYOTTE DOIT ÉGALEMENT EXERCER DES COMPÉTENCES RÉGIONALES, MAIS SANS RECEVOIR LES DOTATIONS PRÉVUES À CET EFFET. UNE AMBIVALENCE QUI, SELON LE SÉNATEUR THANI MOHAMED SOILIHI (LREM), EXPLIQUERAIT LE RETARD DE L’ÎLE DANS PLUSIEURS VOLETS, LE DÉPARTEMENT À LUI SEUL NE POUVANT EXERCER TOUTES LES COMPÉTENCES.

Mayotte Hebdo : En 2019, vous présentiez vos travaux sur l’évolution institutionnelle de Mayotte devant le Conseil départemental. Pourquoi une réforme en la matière est-elle nécessaire selon vous ? Thani Mohamed Soilihi : Sur le papier, Mayotte est un département-région, ou en d’autres termes, une collectivité unique, et c’est la première du genre ! C’est une création faite sous la présidence

de Sarkozy, qui envisageait une réforme des collectivités afin de faire disparaître l’échelon départemental, mais il n’a pas pu le faire avant la fin de son mandat. Mayotte est le seul département français dans le secteur du canal du Mozambique, alors il fallait naturellement lui adjoindre une région. Mais le choix a été fait de ne pas faire comme à La Réunion, où il y a une région d’un côté et un département de l’autre, mais plutôt de faire une seule et

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même collectivité au sein de laquelle seraient exercées les compétences des deux collectivités, donc à la fois départementales et régionales. Et c’est toujours le cas aujourd’hui, du moins sur le papier. C’est d’ailleurs à cette question que les Mahorais avaient répondu “Oui” à plus de 95% : “Voulez-vous que la collectivité de Mayotte devienne un département d’outre-mer qui exerce à la fois les compétences dévolues aux DOM et celles dévolue aux régions d’outre-mer ?”. Mais dans les faits, ni le département et encore moins la région n’ont été aboutis. Les compétences régionales n’ont été exercées qu’au fur et à mesure : tout ce qui concerne l’ARS, Pôle Emploi, les constructions scolaires du secondaire, tous ces champs de compétence en principe exercés par la région, ne reçoivent pas à Mayotte les dotations automatiques qui vont avec. Les dotations sont calculées au prorata de la population, qu’il s’agisse de la commune, de l’intercommunalité, du département ou de la région. Pour Mayotte, il n’y a

pas de dotations régionales dévolues à un budget chaque année. La seule chose qui est prévue c’est que les compétences effectives, comme celles citées plus tôt, font l’objet d’un accompagnement par l’État. Pour les constructions scolaires par exemple, ce sont des fonds débloqués spécifiquement par Paris. Mais cette situation ne peut pas être satisfaisante : tous les ménages privés ont besoin de savoir de quelle somme ils disposent chaque mois, alors quand vous êtes une région, que vous êtes censés chapeauter le département, et que vous ne savez pas de quel budget vous disposez à l’année, ça pose un sérieux problème. Du coup, on se retrouve chaque année à mendier en quelque sorte pour que chaque projet aboutisse. Ce qui est dramatique, c’est que cette mendicité est valable aussi pour les autres collectivités. Aujourd’hui, les maires qui ont des projets, qui veulent par exemple refaire la peinture dans leur commune, sont obligés d’aller demander des bouts de financement par-ci par-là.

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M.H : Pourquoi, alors, votre projet de loi de toilettage institutionnel n'a-t-il jamais abouti ? T.M.S : Il n’a jamais été discuté ni à l’Assemblée, ni au Sénat. C’est un projet

qui a fait l’objet de travaux dirigés par le président Soibahadine Ibrahim Ramadani avant d’être confié aux parlementaires. Moi j’étais celui qui m’en suis saisi et qui, à l’appui de ces travaux, a préparé et déposé deux propositions de loi au Sénat. Mais ils

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n’ont jamais fait l’objet de discussions parce que l’idée était qu’il y ait des échanges entre les collectivités, le département, les parlementaires et l’État pour déterminer ce qui était faisable ou non, ou ce qui devait attendre. Mais il n’y a pas eu d’unanimité auprès des parlementaires pour faire avancer ces propositions de loi. Or, sur ce genre de question, il faut être unanimement d’accord, on ne peut pas se permettre de ne pas avoir d’accord sur quelque chose d’aussi important et d’aussi structurant pour le département. D’ailleurs, en 2014, à la demande du président Zaïdani, il y avait eu un projet similaire, où il avait demandé aux parlementaires de changer le mode de scrutin et d’augmenter le nombre d’élus de la collectivité. Je m’étais emparé du sujet de la même manière, j’avais préparé une proposition de loi et la commission des lois du Sénat avait commencé à l’examiner mais pendant l’examen, d’autres élus mahorais, dont Soibahadine qui était devenu président du conseil départemental entre temps, avaient écrit au président de la commission pour dire qu’il fallait stopper ce projet parce que Mayotte n’était pas encore prête... M.H : Aujourd’hui encore, nombre de figures politiques locales s’opposent à ce toilettage… T.M.S : Je ne l’explique pas. Je crois qu’avec une telle réforme, on aurait pu voir plus clair dans les projections politiques de Mayotte puisque le changement du mode de scrutin départemental aurait fait qu’au lieu de se pointer devant les électeurs avec 13 binômes, on se présenterait avec des listes, comme pour les élections municipales, avec un programme et une gouvernance annoncée. Alors que là, une fois le président élu, il faut élire les conseillers départementaux puis se réunir, dans un troisième temps, pour former une majorité et s’accorder dans un quatrième temps pour définir un programme politique à mener. Ce qui me semble complètement absurde puisque cela ne donne pas un cap clair dès le départ et ne permet pas non plus d’avoir des compétences et des dotations claires. Tout ça est de nature à handicaper le département, voire même à faire dépendre plus que nécessaire les élus locaux de l’État. À Mayotte, les élus du département dépendent excessivement de l’État et du préfet à cause de ça ! Pour les constructions scolaires par exemple, une dotation est prévue dans le cadre du plan de convergence à hauteur de 500 millions d’euros sur trois ans. Mais pour d’autres projets ou secteurs, c’est exclusivement à la demande, donc il faut lancer un appel à projet pour obtenir des dotations de la préfecture. Donc ça n’a rien

d’étonnant de voir que les choses mettent parfois du temps à avancer… Cela féodalise les élus vis-à-vis du préfet. Pour moi, une bonne partie du retard de l’île est dû à ça. M.H : En ce sens, un tel projet de loi n’est-il pas succeptible d’éloigner davantage Mayotte de Paris en termes de gouvernance, comme certains le craignent ? T.MS : Mayotte est liée à la France par la Constitution et par la volonté des Mahorais. Et rien de ce qui n’était proposé dans le toilettage institutionnel ne remettait cela en cause. Il ne s’agit pas de toucher au statut de Mayotte, puisqu’on ne peut pas le faire sans passer par la voie d’un référendum. On n’était pas obligé de tout garder dans le projet de toilettage, mais si déjà on changeait le mode de scrutin et qu’on augmentait le nombre d’élus, ils seraient suffisamment nombreux pour s’occuper des compétences départementales et régionales… C’était d’ailleurs le projet du président Zaïdani, qui projetait de passer de 26 à 39 conseillers départementaux. Cela peut paraître beaucoup aux yeux de certains, mais ça ne l’est pas lorsqu’on regarde dans les autres collectivités. En Guyane, collectivité unique où le nombre d’habitants est similaire à celui de Mayotte, il y a 51 élus… Je ne vois pas où est le risque ou le danger pour notre territoire. Ce que je déplore, c’est qu’on ne fait pas les choix minimaux qui permettraient à cette île d’avoir un cap clair et d’avoir une projection cohérente et précise. J’espère que les prochains élus départementaux vont très rapidement faire ce travail d’évolution institutionnelle et que pour la prochaine élection, on n’aura plus un processus en trois ou quatre temps. Cela permettra aux prochains candidats de se préparer à former des listes et un programme. Aujourd’hui, les binômes proposent des programmes que je trouve très bien mais qui ne sont pensés qu’à l’échelle de leur canton. Cela revient à imaginer la même piscine départementale pour chacun de ces cantons… Ce sont souvent les mêmes programmes démultipliés sur les 13 circonscriptions, ce n’est pas cohérent, alors que chaque liste, chaque groupe devrait réfléchir pour l’île entière, mais avec le système actuel on se l’interdit. À titre d’exemple, les candidats de Sada n’échangent pas avec les candidats de M’tsamboro, même s’ils sont du même parti… •

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Léa Soidriddine

REPORTAGE

LE JEU DE LA DRAGUE ÉLECTORALE SUR L’ÎLE AUX PARFUMS À MAYOTTE COMME DANS LES AUTRES DÉPARTEMENTS, LES CAMPAGNES POLITIQUES SONT DES PÉRIODES RICHES EN ÉVÉNEMENTS. MAIS LOIN DES MEETINGS CLASSIQUES QUE L’ON PEUT VOIR EN MÉTROPOLE, LES CANDIDATS DE MAYOTTE FRÔLENT “LA DRAGUE ÉLECTORALE”. ZOOM SUR CES ÉLÉMENTS DE CAMPAGNE. “On va faire un vrai voulé aujourd’hui”, lance Nadjib*, un carton de 8.5 à la main. Il est 11h, une dizaine de jeunes garçons sont installés à leur spot, dans les rues de M’gombani. Au-delà d’un carton de bières, on leur a posé de la viande et des cuisses de poulet. Le seul repas de la journée pour plusieurs d’entre eux. “Ceux qui veulent se faire élire nous posent ça le matin, c’est comme ça ici, et avec ça ils arrivent à avoir plein de jeunes derrière eux”, soupire Rayan*, en ouvrant la première canette. Mais ce matin, parmi ces jeunes, seuls trois sont majeurs, et l’un d’entre eux a déjà prévu de ne pas voter. “À chaque fois qu’il y a les élections on les voit, mais dès que c’est fini, il n’y a plus personne”, explique Nadjib, c’est d’ailleurs pour ça que lui ne votera pas. Le schéma se répète élection après élection et pourtant, rien ne change pour eux. “Ils disent tous qu’ils vont nous aider quand ils seront

élus et pourtant, on galère toujours”. Comme ces jeunes, des dizaines et des dizaines de groupes se font approcher par des candidats qui espèrent obtenir le maximum de voix sur l’île. Un combat qui semble perdu d’avance chez certains mais peut être le début d’une volonté d’engagement pour d’autres. Un engagement qui reste superficiel, ne se basant pas sur des idées mais sur celui qui aura le plus donné. À manger, une voiture, de la peinture pour la maison, la drague électorale s’habille différemment pour s’adapter aux besoins des votants.

“MEETING OU CONCERT ?” Quelques heures après le lancement du fameux voulé, le groupe de jeunes voit l’installation d’un podium devant la MJC de M'gombani. Des chaises par dizaines y

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sont aussi installées. Barrières, décorations en masse, les jeunes rient à gorge déployée. “Meeting ou concert aujourd’hui ?”, demande Amir*, comme si toute cette campagne n’était qu’un jeu à leurs yeux. “Dimanche dernier, ils avaient même ramené Walter, comme si ceux qui écoutent Vibes sont ceux qui votent”, désespère Nadjib. Toutefois, le groupe comprend cette façon de faire. “Ma mère, si un candidat lui donne quelque chose, elle votera pour lui. La politique ça l’intéresse pas mais elle se dira qu’il mérite, comme il lui a donné”, soutient Ahmed*, qui, du haut de ses 18, s’apprête à voter pour la toute première fois. S’il a choisi son candidat, il ne dira pas qui est l’heureux élu. “Ce n’est pas ceux qui nous donnent des bières en tout cas.” Il commence par sourire puis se désole de la situation. “Là ils font des meetings, on dirait des soirées, on ne sait même pas ce qu’ils vont faire pour nous après. Ils sont juste contents parce qu’il y a du monde.” Le jeune homme déplore cette situation qu’il voit depuis des années. “À 13 ans j’étais déjà bourré avec les bières des élus, pourtant aujourd’hui je ne vote pas pour eux” conclue-t-il, visiblement excédé par le phénomène.

L’AMOUR PAR PORTE-À-PORTE La drague électorale ne s’arrête pas là. Mayotte étant une petite île où “ tout le monde se connaît ”, les candidats prennent le temps de faire du porte-à-porte pour se présenter aux familles. Mais loin de présenter leur programme lors de ces tournées, ils viennent se présenter en tant que personne. “Il y en a un qui est venu chez ma mère hier et elle était presque honorée de le recevoir, je suis sûr qu’elle va voter pour lui”, craint Rayan, conscient que ce n’est pas comme ça que les conditions de vie vont s’améliorer pour les habitants de l’île. Ce porte-à-porte est d’autant plus important pour les candidats cette année, puisqu’ils ont dû faire face à des restrictions en termes de meeting, au vu de la situation sanitaire. Toutefois, le fond des programmes ne semble pas avoir été plus creusé que les années précédentes, comme si l’ensemble des Mahorais votent plus pour un candidat… que pour ses idées. • * Les prénoms ont été modifiés.

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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayottehebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédactrice en chef Solène Peillard

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Couverture :

départementales 2021 premier tour

Journalistes Romain Guille Raïnat Aliloiffa Constance Daire Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mohamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com

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