Mayotte Hebdo n°967

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présente les

IIIème trophées de l’environnement Vous êtes une ASSOCIATION, ENTREPRISE, COLLECTIVITÉ ou une INITIATIVE SCOLAIRE, ou CITOYENNE. Vous faites des ACTIONS depuis 1 an en faveur de la PROTECTION de l’ENVIRONNEMENT à Mayotte. Contactez-nous avant le :

14 octobre 2021 pour faire connaître VOS engagements. Un JURY se réunira pour désigner CINQ NOMMÉS par catégorie. Pour répondre à l’appel : Veuillez remplir le formulaire

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LE MOT DE LA RÉDACTION

À S'EN RENDRE MALADE On les appelle communément les "fous". Tant par méconnaissance que par méfiance. Mais ils ne sont ni plus ni moins que des hommes, des femmes, des enfants, des aînés aux troubles psychiatriques variés. De cette particularité, découle le besoin d'une prise en charge médicale. Pour soigner les maux, d'abord, pour assister et accompagner, aussi. Mais cet accompagnement-là, dans les couloirs de l'hôpital, ne ressemble à aucun autre. Car l'enjeu dépasse bien la seule question de la santé. Il faut soigner, oui, mais aussi faire en sorte qu'ils ne se mettent pas – ou du moins, le moins possible – en danger, eux-mêmes ou les autres. Une mission délicate qui à Mayotte, repose sur une poignée de soignants. Dévoués, mais exténués. Depuis des mois, sous l'effet de la crise sanitaire notamment, l'état de la prise en charge psychiatrique sur le territoire se dégrade et peu à peu, un dilemme se pose pour les professionnels du secteur. Soigner, oui, mais à quel prix et dans quelles conditions ? Cette semaine, ils racontent. Bonne lecture à toutes et à tous.

TOUTE L’ACTUALITÉ DE MAYOTTE AU QUOTIDIEN

Lu par près de 20.000 personnes chaque semaine (enquête Ipsos juillet 2009), ce quotidien vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre également un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.

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FI n°3839 Lundi 7 mars 2016 St Félicie

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FI n°3822 Jeudi 11 février 2016 Ste Héloïse

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RENSEIGNEMENTS Tél : 0639 67 04 07 | Mail : contact@mayotte-e-velos.yt

FI n°3818 Vendredi 5 février 2016 Ste Agathe

marine le Pen

environnement

Port de Longoni

ConSeil départeMental

Quel accueil se prépare pour la présiDente Du Fn ?

Le Lagon au patrimoine mondiaL de L'unesCo ?

la dsP sur la sEllEttE

pas de changement sUr l’octroi de mer

© Jonny CHADULI

Grève à Panima

TéléThon 2016

Des propositions mais toujours pas D'issue

DemanDez le programme 1

Économie

SÉcuritÉ

Les appeLs à projets de L'europe

Couvre-feu pour Les mineurs

Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com

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première parution : juillet 1999 - siret 02406197000018 - édition somapresse - n° Cppap : 0921 y 93207 - dir. publication : Laurent Canavate - red. chef : Gauthier dupraz - http://flash-infos.somapresse.com

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FI n°3997 mercredi 30 novembre 2016 St André

© CR: Gauthier Bouchet

Diffusé du lundi au vendredi, Flash Infos a été créé en 1999 et s’est depuis hissé au rang de 1er quotidien de l’île.

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Musique

Faits divers

Edmond BéBé nous a quitté

ViolEncE En cascadE

Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com

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MCG VS SMart

ViCe-reCtorat

UltimatUm oU véritable main tendUe ?

l’institUtion répond aUx critiqUes

Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com

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TCHAKS LE CHIFFRE 40%

C’est la part des femmes mahoraises âgées de 18 à 44 ans qui ne prennent aucun mode de contraception. À l’occasion de la journée mondiale de la contraception, le 25 septembre dernier, une semaine de prévention est de sensibilisation organisée par l'ARS s’est tenue sur le territoire, dont le taux de fécondité s’élève à 4,2 enfants par femme, contre 1,8 en métropole. L'événement a également permis de sensibiliser les jeunes en milieu scolaire à l’éducation sexuelle de façon plus large, en abordant les notions de consentement, de violences, etc. De quoi faire écho à l’inauguration de l’espace de vie affective, relationnelle et sexuelle de Kawéni, piloté par Mlezi Maoré, un nouvel espace de vie pour mieux aborder l’ensemble de ces notions en toute liberté.

L'ACTION

Le village relais de Tsoundzou 2 enfin ouvert Annoncé en grande pompe par Annick Girardin, l’ancienne ministre des Outre-mer, comme une solution de relogement temporaire aux familles décasées, le village relais de Tsoundzou II, dénommé Étape Fulera accueillait ses premiers locataires samedi dernier. Gestionnaire du site, l’association Coallia a pour objectif d’accompagner les bénéficiaires mahorais vers la réinsertion professionnelle. Un défi de taille qui a pour vocation de se démultiplier sur le territoire, alors que les opérations de destruction de cases en tôle s’enchaînent aux quatre coins de l’île, dont la dernière en date a eu lieu ce lundi à Koungou. Les familles accueillies dans le village relais y seront logées pour six mois renouvelable au cas par cas. 240 occupants ont pu s’installer ce week-end dans les premières maisons livrées. Au total, le parc en comptera 31.

LA PHRASE

« Nous avons un manque criant d’accueils individuels et collectifs pour la petite enfance »

En collaboration avec Pôle emploi, la protection maternelle et infantile a organisé, ce mercredi 22 septembre, deux réunions d’informations au centre Kinga pour promouvoir et présenter le métier d’assistante maternelle, ses contraintes et ses modalités. Environ 50 demandeuses d’emplois ont fait le déplacement dans l’optique de se lancer dans l’aventure, qui semblent déjà les séduire. Et ce ne sont pas les places qui manquent puisque le département envisage de distribuer pas moins de 1 500 agréments d’ici cinq ans. Pour l’heure, avec seulement 13 crèches sur le territoire et sept assistantes maternelles agréées en activité, Mayotte piétine et peine à se professionnaliser.

IL FAIT L’ACTU Le maire de Mamoudzou fait mouche avec un arrêté limitant la circulation Afin de limiter la pollution et par la même, les embouteillages dans le chef-lieu, Ambdilwahedou Soumaïla, maire de Mamoudzou, a pris un arrêté inédit à Mayotte, qui ne plaît pas à tous les usagers. À partir du 1er octobre prochain, la circulation alternée sera désormais de mise dans toute la ville. Ainsi, les véhicules aux numéros de plaque d’immatriculation paire sont interdits de circuler à Mamoudzou centre, à Kawéni, à M’tsapéré et à Passamainty les lundis de 4h à 20h, et les plaques impaires seront elles proscrites les mardis, de 4h à 20h. Une décision prise à titre expérimental qui a suscité dès son annonce beaucoup de réactions négatives sur les réseaux sociaux…

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LU DANS LA PRESSE

Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale

« TROPIQUE DE LA VIOLENCE » : L’ÎLE DES ENFANTS PERDUS AU THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE Le 20 septembre 2021, par Laurence Péan pour La Croix Critique - Au théâtre de la Cité internationale, Alexandre Zeff adapte Tropique de la violence de Nathacha Appanah dans une mise en scène polymorphe où fusionnent vidéos, chants et percussions. « Quand je regarde le fond de la mer, je vois des rêves… il faut me croire. » Une voix off perce doucement l’obscurité quand apparaît en vidéo, projetée sur un tulle noir, une jeune fille qui tangue sur le kwassa qui l’emmène à Mayotte. Elle serre son bébé contre elle, le regard égaré sur la mer qui l’enserre. À peine débarquée, épuisée, elle confie son enfant à Marie, une infirmière blanche. Ainsi commence l’histoire de Moïse – celle aussi de milliers d’enfants venus des Comores s’échouer sur ce minuscule territoire français perdu dans l’océan Indien –, un œil vert, un œil noir, une peau d’encre. Puis Marie meurt, Moise a 15 ans. Éjecté brutalement d’une enfance protégée, livré à lui-même, il se réfugie dans l’immense bidonville de Kaweni, surnommé Gaza, aussitôt pris entre les griffes de Bruce, un chef de gang au verbe haché… « Pas de pitié. T’es comme nous autres, Mo. T’es Noir, t’es seul, t’es coincé ici, t’es à la rue. » Danse, vidéo, chant, rap Alexandre Zeff s’empare avec une incroyable énergie du roman éponyme de Nathacha Appanah, paru en 2016 et couronné de nombreux prix, dans une inventive scénographie où la beauté de la langue de la romancière mauricienne éclate dans toute sa sombre et puissante poésie (1). Superposant danse, vidéo, chant, rap, sa mise en scène polyphonique ne laisse aucun répit à

Moise qui s’enfonce inexorablement dans la tragédie. Sur le plateau, de l’eau suinte ou ruisselle – la mer, un marécage, une pluie tropicale…–, une cabane délabrée est posée sur un sol rugueux, des lumières étouffées balaient ce décor crépusculaire. Alexandre Zeff ne cache rien de la violence brute affrontée par les parias de ce bidonville, des mineurs livrés à la peur et la misère. Même Stéphane le travailleur humanitaire ou Olivier le policier compréhensif finiront par renoncer… Les comédiens, à fleur de peau, incarnent avec une intense justesse cette effroyable vision d’un microcosme d’où tout espoir semble banni. Alexis Tieno campe un Moise d’une touchante fragilité, accroché au sac à dos de son enfance qui enferme son livre-talisman, L’Enfant et La Rivière d’Henri Bosco, et Mexianu Medenou un Bruce dominateur qui aime se déguiser en Batman. Tous deux se livrent un corps à corps parfaitement chorégraphié sur le rythme affolé des percussions de Damien Barcelona. Dans un halo rouge, perché au-dessus de la scène, le musicien frappe rageusement sa batterie, chaque coup asséné comme la pulsation du cœur de Gaza, cette « énorme poubelle fumante », où croupissent les enfants perdus de Mayotte, 101e département français. Jusqu’au 24 septembre. Puis le 9 octobre au théâtre Romain-Rolland de Villejuif (94) et le 9 novembre à l’EMC de Saint-Michel-sur-Orge. Rens. : theatredelacite.com (1) Rien ne t’appartient, son dernier roman, vient de paraître chez Gallimard (lire La Croix du 2 septembre).

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TRIBUNE LIBRE

CONTRIBUTION A LA CONFERENCE SUR L’AVENIR DE L’EUROPE M. Soula Said-Souffou Doctorant en droit public - Université Sorbonne Paris Nord

LES RUP : DES PARTENAIRES STRATÉGIQUES POUR L’AVENIR DE L’UNION EUROPÉENNE Pour construire une Europe plus forte dans un monde qui s’emporte, l’Union européenne a lancé, en septembre 2021, une grande conférence citoyenne pour débattre de “l’Union de demain” selon l’expression même d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission. Un tel exercice démocratique est le bienvenu, car malgré des décennies d’existence, l’objet politique qu’est l’Union reste encore relativement lointain, insaisissable, méconnu de millions de personnes qui, pourtant, en détiennent la citoyenneté (Art. 9 TUE et Art. 20 TFUE). Unir dans leurs diversités des peuples et des cultures aussi différentes que variées, et jadis en guerre, de Vilnius aux Canaries et de Stockholm à Mayotte, constitue en soi une victoire à saluer.

De nos jours, si le “territoire” de l’Union ne connait plus de conflits de haute intensité, il en va autrement du reste du monde et de son voisinage. Les crises économiques, sanitaires et politiques (notamment à l’est de l’Europe) et le durcissement des relations internationales invitent les Européens à redéfinir et, peut-être même, à recentrer leur projet politique pour être plus audibles, mieux respectés et faire face aux nouveaux défis internationaux (changements climatiques, immigration, commerce, terrorisme, défense, etc.). Dans ce cadre singulier, à plusieurs titres, les travaux de la conférence sur l’avenir de l’Europe sont l’occasion d’esquisser les enjeux ultramarins d’un tel exercice.

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RÉINVENTER L’ULTRAPÉRIPHÉRIE ET PROMOUVOIR LES COMPÉTENCES ULTRAMARINES À L’ÉCHELLE EUROPÉENNE Les régions ultrapériphériques (RUP) recèlent beaucoup de compétences et de potentialités à valoriser. En effet, dans ces régions, la conférence sur l’avenir de l’Europe revêt une importance toute particulière eu égard aux nombreuses revendications de la conférence des présidents des RUP (CPRUP), formulées sans cesse depuis 1995,

en matière de refondation des relations entre les RUP et l’Union. L’avènement du “concept d’ultrapériphérie”, sa “constitutionnalisation” à travers les articles 349 et 355 TFUE ainsi que l’arrêt “Mayotte ” de 2015 qui a sans nul doute consolidé le régime juridique de l’ultrapériphérie n’arrivent toujours pas, au premier regard, à stabiliser une lecture juridique qui soit de nature à éviter les interprétations restrictives de cette base juridique. Or, “l’arrêt Mayotte” reconnait que l’Art. 349 est à la fois suffisant pour arrêter des mesures spécifiques, d’une part, et pour circonscrire leurs champs d’application, d’autre part.

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TRIBUNE LIBRE Malgré les difficultés présentes, l’arrêt ouvre une nouvelle fenêtre dans les relations entre l’Union et les RUP. Pour autant, le combat de l’ultrapériphérie est loin d’être achevé. L’enjeu est de développer et consolider une vision partagée par les 27 sur l’ultrapériphérie à l’heure où MM. Folliot et Louy évoquent l’ultrapériphérie, notamment la partie française, comme un “empire oublié”, une “ négation inconsciente ” ou “ une réduction de notre horizon (…) ” . Or, le 21e siècle s’annonce à la fois spatial et “ insulaire ” en raison des enjeux liés aux ZEE et aux ambitions spatiales des grandes nations technologiques. Sur ces deux aspects stratégiques, les RUP constituent une chance pour l’Union. Dès lors, une révision des traités pourrait être l’occasion de réécrire, avec plus de clarté et d’ambition, l’Art. 349 pour faire suite à “ l’arrêt Mayotte ” ainsi qu’aux nombreux rapports engagés sur le sujet, le rapport Letchimy . Par ailleurs, si les États-Unis d’Amérique ont été capables de porter à la magistrature suprême une personnalité issue de la “ diversité ”, l’Europe qui a rêvé, notamment avec Hugo et Churchill, des “ États-Unis d’Europe ” et qui porte comme devise “ Unie dans la diversité ” pourrait porter la nomination de personnalités des RUP à la Commission et aux autres postes à responsabilités de l’Union.

DES RÉGIONS EUROPÉENNES, UN RAYONNEMENT MONDIAL L’avenir de l’Union, c’est une présence planétaire forte dans un monde qui s’emporte. En dehors de l’Union, l’Europe est présente dans le monde à travers ses 139 délégations, dans certains pays étrangers et auprès de certaines organisations internationales. La particularité des régions ultramarines réside à la fois dans leur localisation stratégique à travers le monde, une position dite “ ultrapériphérique ”, et dans leur appartenance à trois grandes nations maritimes (la France, L’Espagne et le Portugal). Le défi majeur du rayonnement de l’Union à travers les RUP consiste à réussir le dépassement d’une vision qui persiste à présenter les outremers comme des territoires “ assistés ” alors même qu’elles rendent à l’Union bien des services, dont un port spatial de premier rang avec Kourou et le déploiement d’applications militaires de télédétection et d’information géographique avec Mayotte. Ainsi, pour donner corps au concept encore théorique “ d’avant-poste ”, il serait opportun de créer des “ Hôtels de l’Europe ” dans les différentes RUP. De telles structures, à l’image des “ maisons France services ”, pourraient abriter l’ensemble des structures publiques et parapubliques, ou associatives le cas échéant (SGAR, directions Europe

des grandes collectivités, centres d’information Europe direct, centres de documentation européenne, etc.), compétentes sur les politiques européennes. Une telle mesure serait de nature à rendre plus visible et plus accessible l’Union en région et à créer plus de synergie avec les délégations de la Commission situées dans les États voisins. En outre, il semblerait opportun de procéder, de temps à autre, à la délocalisation d’un certain nombre d’évènements (sommets, conférences) d’envergure européenne dans les RUP. L’Union ce sont aussi des RUP plus rayonnantes dans le monde.

POUR L’AVENIR DE L’UNION DANS LE MONDE, MIEUX INVESTIR DANS LES RUP L’avenir de l’Europe c’est l’avenir des États membres et l’avenir des États c’est aussi l’avenir des régions. Des régions plus fortes, ce sont des États plus forts, mieux armés pour faire face à une économie mondiale toujours plus compétitive, toujours plus agressive. Dès lors que de nombreux pays tels que la Chine développent des îles artificielles, de nouvelles routes commerciales, de nouveaux ports et de nouvelles bases militaires à l’international, les RUP ne sauraient demeurer de simples “ comptoirs ” sans projet solide de réarmement industriel et militaire. Par conséquent, les investissements pourraient être d’une autre nature, et certainement d’une autre mesure pour faire gagner les RUP en compétitivité économique et en capacité de défense dans leurs zones géographiques respectives. Les investissements prioritaires pourraient être davantage en rapport avec les réalités économiques régionales et non dictées par des orientations méconnaissant les enjeux régionaux. C’est aussi cela l’avenir de l’Europe : mieux s’adapter pour être plus forte et plus réactive face aux changements. Dans les RUP, faute de moyens suffisants pour assurer efficacement la surveillance des ZEE, les ressources sont pillées et menacent les grands équilibres économiques et environnementaux. Demain, la rareté pourrait commander l’action militaire pour maîtriser les ressources restantes. La paix perpétuelle est une chimère. Dès lors, les RUP n’étant pas outillés pour faire face à des conflits de haute intensité, une réflexion lucide sur le sujet mériterait d’être engagée. Une Europe qui protège est une Europe qui prend conscience de cette réalité et qui agit avec anticipation, aux côtés des États, pour être prête, le moment venu, à faire face à l’inéluctable. C’est en agissant ainsi qu’elle donnera corps au concept “ d’avant-postes stratégiques ” utilisé, à dessein, à l’endroit des RUP.

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Dans de telles conditions, et pour l’avenir de l’Europe, il apparaît opportun d’envisager, dans un cadre renouvelé du Fonds européen pour la défense ou d’autres instruments spécifiques, un programme de modernisation et de renforcement, conjoint avec les États membres concernés, des installations de sécurité et de défense des RUP pour être en mesure de faire face à des conflits de haute intensité pouvant découler du durcissement latent des relations internationales.

POUR UNE EUROPE DE LA PAIX, FAIRE RECULER LES GUERRES DANS LE MONDE Si tu veux la paix, prépare la guerre, dit l’adage souvent attribué à l’auteur romain Végèce . Une Europe plus forte est une Europe moins naïve, une Europe plus armée face à la montée croissante des violences et des intégrismes en son sein et dans son voisinage continental ou ultrapériphérique. L’Union est condamnée à faire gagner la paix et à promouvoir la stabilité. Le modèle de la paix à un prix. C’est le prix de la liberté et le prix de la liberté ne se négocie pas. Il s’acquitte. Pour la paix, l’Europe s’est armée d’une politique de sécurité et de défense commune (PSDC ). Plusieurs spécialistes se sont longuement exprimés sur ses différentes composantes. S’agissant de la situation particulière des RUP, nous retenons le rapport du commissaire Barnier relatif à la création d’une force européenne de sécurité civile qui invite les autorités européennes à faire des RUP un pilier majeur de cette politique de sécurité dans le monde. En effet, les RUP disposent déjà de forces permanentes de souveraineté, de sécurité intérieure et de sécurité civile, qui, mieux armées et plus étoffées, pourraient être davantage mobilisées pour participer à l’affirmation d’une Europe de la paix et de la sécurité dans le monde. Cette vision mériterait d’être prise en compte dans l’amélioration de l’autonomie stratégique européenne. Par ailleurs, les équilibres internationaux issus de la Seconde Guerre mondiale sont de plus en plus remis en cause par les puissances émergentes. Une évolution du conseil de sécurité semble incontournable, à long terme. Une représentation unique des 27 États membres au conseil de sécurité et à l’OTAN mériterait davantage de considération, aussi ambitieuse que puisse paraître une telle perspective. Le défi majeur à relever consisterait notamment à définir les contours et les conditions d’exercice de ces représentations uniques. Enfin, une

défense européenne dotée d’une véritable autonomie stratégique semble également constituer une nécessité impérieuse pour l’avenir de l’Union dans un monde qui réarme massivement.

UNE EUROPE QUI PROTÈGE ET QUI SE PROTÈGE Une Europe plus attractive est une Europe qui se protège et protège également ses citoyens du détournement de sa législation. Il ne s’agit en rien de plonger dans la xénophobie et l’isolationnisme, mais de s’adapter aux nouveaux flux migratoires consécutifs à la grande pauvreté, aux changements climatiques et à la déstabilisation de certaines régions du monde. À cet égard, les Açores, Mayotte et la Guyane, notamment, mériteraient une attention particulière compte tenu des flux irréguliers qui menacent leurs équilibres environnementaux, économiques et sociaux. Ainsi, l’Europe est appelée à mieux garder ses frontières pour être en situation de mieux accueillir et intégrer celles et ceux qui ont vocation à demeurer sur son sol. Le renforcement de l’agence Frontex constitue une avancée majeure. S’agissant des régions françaises, il serait opportun de procéder à l’abrogation de l’article 138 de la convention d’application de l’accord de Schengen pour permettre l’entrée desdites régions dans l’espace Schengen et l’intervention de l’agence Frontex, en cours de renforcement, pour la sécurisation des frontières. L’Espagne et le Portugal ont intégré leurs RUP à ces dispositifs dès la signature de la convention de 1995.

POUR UNE REPRÉSENTATION PARLEMENTAIRE PLUS PROCHE DE LA POPULATION ET DES COLLECTIVITÉS LOCALES Penser l’avenir de l’Union, c’est rêver et préparer une démocratie plus représentative des citoyens et des collectivités locales. Les institutions européennes sont souvent dépeintes comme des organes autocratiques. Quant au parlement européen, et malgré ses compétences élargies par les derniers traités, il n’arrive pas à incarner suffisamment la proximité, le cœur battant de la démocratie européenne. Dès lors, une prochaine réforme institutionnelle pourrait faire évoluer le comité des régions en véritable “ sénat

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TRIBUNE LIBRE européen ” et le parlement européen en “ Assemblée européenne ”. Cet approfondissement du projet politique et démocratique est nécessaire pour donner une nouvelle impulsion au projet européen, rapprocher l’Union de ces citoyens et faire reculer l’euroscepticisme qui nourrit les extrémismes et exacerbe les passions nationalistes.

UNE EUROPE PLUS ENGAGÉE SUR L’ÉCONOMIE BLEUE ET LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES Construire une Europe plus vertueuse, c’est bâtir un monde plus soutenable. Éloignées des grands réseaux continentaux d’interconnexion (routes, voies ferrées, énergie, etc.), les RUP ressentent un besoin impérieux de bâtir des interconnexions maritimes plus fortes entre elles et entre elles et le continent européen. Les difficultés d’approvisionnement, occasionnées par ces défauts de connexions fluidifiées, augmentent le coût des importations et provoquent des phénomènes de pénuries et de “ vie chère ” dans des territoires où le PIB demeure inférieur à la moyenne européenne. Ainsi, ces “ avant-postes ” appellent des politiques d’interconnexion plus ambitieuses pour lutter contre l’éloignement et l’isolement qui sont générateurs de monopoles. Les RUP souhaitent également une évolution sur l’application des normes des produits des pays voisins. Si ces derniers, avec le bénéfice des APE, peuvent exporter vers l’Union, sans application stricte des normes européennes, alors la réciprocité pourrait être envisagée, naturellement sous certaines conditions, pour permettre aux RUP de développer une coopération commerciale plus forte avec leurs voisins. Ces circuits plus courts pourraient faciliter la création de compagnies maritimes régionales pouvant assurer un approvisionnement moins onéreux et plus régulier. Les RUP sont également exposées aux risques de dégazages sauvages et de marées noires. Or, à l’image de l’agence Frontex, l’Agence européenne de sécurité maritime chargée d’assurer la sécurité maritime et la prévention des pollutions causées par les navires dans l’Union est, pour l’heure, juridiquement incompétente dans les RUP. Le règlement concerné mériterait d’être révisé pour inclure les RUP dans son champ d’intervention territoriale. L’économie bleue, qui a tout son sens dans ces territoires qui abritent l’essentiel de la zone économique exclusive européenne (25 millions de km2), se trouve menacée par ces lacunes juridiques qu’il convient de lever.

Enfin, les questions liées aux licences de pêche, aux thoniers senneurs et au développement des pêcheries locales restent entières. Elles requièrent des réponses fortes et ambitieuses.

POUR UNE COOPÉRATION PROTECTRICE DES INTÉRÊTS ULTRAMARINS Une Europe plus forte est aussi une Europe qui agit pour protéger et développer son économie régionale. Il s’agit notamment de faciliter l’interopérabilité entre les fonds structurels et le Fonds européen de développement (FED ). Il y a encore, sur ce sujet, plus de verbes que de vertèbres dans l’ossature d’une véritable solution efficace et pérenne. Les vitrines, que sont les RUP, ont besoin d’être protégées de la casse d’une concurrence qui est vécue comme déloyale, car pouvant découler de la générosité des Accords de partenariat économique (APE). Comme nous le disions plus haut, de tels accords octroient des avantages aux États ACP en matière d’importation vers le marché unique, alors même que ces produits ne sont pas soumis aux normes européennes que doivent pourtant appliquer les RUP à grands frais. Ces accords mettent à mal le peu de compétitivité que peuvent encore détenir les RUP. Une réflexion approfondie mériterait d’être menée sur cette question qui relève, pour l’ultrapériphérie, de la survie économique.

L’EUROPE DE LA CONNAISSANCE, LA CLÉ DE LA NOUVELLE CROISSANCE L’avenir de l’Europe, c’est aussi l’avenir de l’éducation, de la recherche et de l’innovation. Il conviendrait d’éviter le décrochage scolaire dans certains pays et régions pour éviter, à long terme, le décrochage économique et industriel. Le taux d’illettrisme dans les RUP est encore trop élevé et constitue un “ frein majeur au développement  ”. La santé du système éducatif est pourtant une assurance vie de premier rang dans une économie de plus en plus compétitive. Dès lors, l’Union pourrait renforcer ses politiques en matière de multilinguisme en accompagnant davantage la reconnaissance et l’apprentissage des langues régionales et la maîtrise des langues nationales. Dans les RUP, du fait de l’éloignement et des lacunes de certains systèmes éducatifs, le soutien à la mobilité des étudiants, des stagiaires et du corps enseignant est déterminant. En définitive, c’est une nouvelle ambition, plus forte et

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plus militante encore, qui est demandée à l’Union après le programme “ Éducation et formation 2020 (ET 2020)”. Enfin, l’avenir de l’Union dépend aussi de sa capacité et des moyens qu’elle entend consacrer à la réduction de l’écart qui continue de se creuser, proportionnellement à sa population, entre elles, les USA et certains pays émergents, en matière de recherche-développement (R&D), si elle souhaite réellement instaurer une “ croissance intelligente, durable et inclusive”.

marins à 52 milliards d’euros avec des enjeux colossaux pour l’Asie-Pacifique donnera une dimension plus engagée à cette présidence française. Si les Européens arrivent à accorder leurs violons, l’Union de demain sera une ambition commerciale plus offensive, une politique R&D plus ambitieuse, une défense et une sécurité communes dotées d’une véritable autonomie stratégique, une diplomatie plus forte et plus unie et une réindustrialisation nécessaire et vertueuse écologiquement.

*** Au 1er janvier 2022, la France prendra la présidence du Conseil européen. Le souffle de ce pays fondateur est attendu pour entamer l’approfondissement du projet politique et pour recentrer l’Union sur des sujets stratégiques pour l’avenir. La tenue, en janvier 2022, d’un sommet européen consacré à la défense semble aller dans ce sens. Nul doute que l’annulation inattendue du contrat entre l’Australie (alliée des USA et du RoyaumeUni) et la France portant sur la construction de 12 sous-

I

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 15 décembre 2015. Parlement européen et Commission européenne contre Conseil de l’Union européenne.

Recours en annulation – Règlement (UE) no 1385/2013 – Directive 2013/62/UE – Directive 2013/64/UE – Base juridique – Article 349 TFUE – RUP de l’Union européenne – Modification du statut de Mayotte à l’égard de l’Union européenne. Affaires jointes C-132/14 à C-136/14. II

Folliot, Philippe, et Xavier Louy. France-sur-mer, un Empire oublié. Éditions du Rocher, 2009.

III

Serge LETCHIMY. L’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : Contribution à l’application du cadre dérogatoire au service

d’un projet global de développement des régions ultrapériphériques. Rapport au Premier ministre, monsieur Jean-Marc AYRAULT, 24 mai 2013. Le FED, doté de 7,953 milliards, est l’instrument phare de l’Union pour soutenir la coopération en matière de défense en Europe et constitue

IV

un tremplin vers l’autonomie stratégique de l’UE (CE). V

Écrivain romain de la fin du IVe et de la première moitié du Ve siècle de notre ère.

VI

La (PSDC) définit le cadre de mesures de l’Union dans le domaine de la défense et de la gestion des crises, y compris la coopération et la

coordination en matière de défense entre les États membres (Europarl). VII

BARNIER, Michel. “ Pour une force européenne de protection civile: Europe aid ”. Rapport de mission. Bruxelles, mai 2006. https://www.pompiers.fr/

sites/default/files/text-reference/rapport_barnier_08052006.pdf. VIII

Accord relatif à la suppression graduelle des contrôles de personnes aux frontières intérieures signé à Schengen (Luxembourg) le 14 juin

1985 entre la République fédérale d’Allemagne, la France, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. La Convention d’application de l’Accord de Schengen (Convention de Schengen) fut signée le19 juin 1990. IX X

Créée par le règlement (CE) n° 1406/2002 à la suite de l’accident de l’Erika. Elle a débuté ses activités en 2003.

Grâce aux outre-mer, les zones économiques exclusives de tous les États de l’Union européenne (UE) représentent un domaine maritime de

25 millions de km2, soit le plus grand du monde. Leurs ressources potentielles constituent une chance (…) pour l’Europe dans la compétition économique et sur la scène internationale (MM. ANTOINETTE, Jean-Étienne, Joël GUERRIAU, et Richard TUHEIAVA. “ Zones économiques exclusives (ZEE) ultramarines : le moment de vérité ”. Fait au nom de la Délégation sénatoriale à l’outre-mer. Paris: Sénat, 9 avril 2014). XI

Le FED soutient les États ACP et PTOM en voie de développement.

XII

Marie, Claude-Valentin. “ Contrepoint - Le défi de l’illettrisme et de l’échec scolaire dans les départements d’outre-mer ”, Informations sociales 2014/6,

no n° 186 (s. d.): 125. XIII

Les États-Unis disposent d’un budget fédéral qui leur permet de consacrer 127 milliards de dollars par an à la recherche, quand l’UE, dont le

budget n’est pas de nature fédérale, n’y consacre que 4 milliards chaque année (Gaillard, Marion. “ De la stratégie de Lisbonne à la stratégie Europe 2020 ”. La Documentation française, Découverte de la vie publique, 5 (11 novembre 2018).

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Raïnat Aliloiffa

Photo Franco Di Sangro

PORTRAIT

MARCEL SÉJOUR 12•

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FIN DE SÉJOUR POUR MARCEL APRÈS 28 ANS À PEINDRE MAYOTTE Peintre autodidacte, devenu mahorais au fil des années, Marcel Séjour quitte Mayotte après 28 ans passés dans cette île où il a tant appris. Mais avant de plier bagage, il se met au service des Mahorais une dernière fois à travers une exposition qui a lieu du 13 au 25 septembre sur le parking du cinéma Alpajoe. Un dernier travail demandé par le conseil départemental.

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Photo Franco Di Sangro

PORTRAIT

Entouré d’enfants à la curiosité débordante, Marcel Séjour n’est pas dans son élément. Lui le peintre solitaire préfère passer des heures, enfermé dans son atelier à dessiner et peindre. Mais il sait qu’il a une mission à accomplir auprès de ces jeunes venus le voir à son exposition. « Les interventions avec les enfants se passent plutôt bien. Je pensais avoir affaire à des ados mous ou surexcités, mais ce n’est pas le cas », assure-t-il tout sourire. Rassuré, Marcel Séjour leur révèle ses secrets, ses astuces qui font de lui un artiste peintre unique en son genre. Les adolescents boivent ses paroles, les yeux rêveurs, certains imaginant être à leur tour des peintres de renoms. « J’aime dessiner et peindre et il m’a inspirée, j’ai envie de continuer pour être meilleure que lui », lance Mamouna, une collégienne de 14 ans visiblement très ambitieuse. Et Mayotte aura besoin de jeunes engagés dans l’art pictural comme elle, puisque Marcel Séjour s’apprête à déménager son

atelier dans sa région natale en Vendée. Il quitte cette île pour laquelle il a tant donné et qui le lui a bien rendu. L’artiste part le cœur serré, mais ce départ est nécessaire. « J’ai envie d’avoir envie. Cela fait 28 ans que je suis là, j’en ai un peu ras-le-bol. La première année où je suis arrivé, je voyais de la tôle, des feuilles de cocotiers, un rayon de soleil dessus et je m’émerveillais. Maintenant, quand je vois de la tôle, c’est de la tôle », résume-til. Marcel Séjour prend donc ses distances pour avoir à nouveau envie, mais Mayotte restera toujours dans son cœur et son esprit. Il prépare déjà la suite puisque l’exposition actuelle n’est certainement pas la dernière qu’il fera pour l’île aux parfums. Une autre est prévue en 2025 à la maison de Mayotte à Paris, et si le peintre préfère partir c’est également pour mieux la préparer. En attendant, il se focalise sur l’actuelle exposition demandée par le conseil départemental. Ses tableaux mettent en scène des moments de vie quotidienne

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Mayotte, comme une évidence Autrefois professeur, Marcel Séjour avait le choix de se rendre à Saint-Pierre-et-Miquelon ou à Mayotte. « Je ne savais pas où était Mayotte, j’ai donc dû chercher et quand j’ai su où c’était, je me suis dit que ça ne sera certainement pas à Saint-Pierre-etMiquelon ! » De là naît une véritable histoire d’amour qui deviendra plus forte avec le temps. Lui qui était censé rester quatre ans sur l’île, y passe presque 30 ans. Et un principal élément a été le facteur déterminant de sa décision. « La toute première chose qui m’a fasciné et qui me fascine encore, c’est la combinaison des peaux noires,

Photo Franco Di Sangro

en rapport avec le vieux Mayotte puisque « le moderne ne m’intéresse pas », indique Marcel Séjour. La collectivité a commandé 26 portraits d’anciens présidents, et le musée de Mayotte, le Muma, un tableau historique du territoire. Le peintre a immédiatement pensé au serment de Sada. « Ce tableau est celui dans lequel je me suis le plus investi du point de vue affectif, il m’a révélé des choses. En faisant ce tableau, j’ai compris ce qui a uni ces genslà à ce moment-là », déroule l’artiste. Une manière aussi de remonter le temps et d’avoir l’impression d’assister à cette partie de l’histoire.

de la lumière et de la couleur. Ce mélange des trois me fascine. Avec les peaux blanches, je m’ennuie très vite. Des peaux blanches habillées en noir, c’est pire », avoue le peintre sans langue de bois. Mais la vie d’artiste-peintre n’est pas tout rose à Mayotte, et Marcel Séjour a dû faire quelques sacrifices pour poursuivre sa passion. « Avant d’arriver ici, j’adorais peindre à l’extérieur. Mais les conditions de luminosité sont différentes sur cette île. Ici, la lumière est bien entre 6h et 7h30 le matin et entre 15h30 et 17h. Cela ne me laisse pas beaucoup de temps pour travailler, alors je ne fais pratiquement que du travail de studio. Ce n’est pas plus mal puisque je me sens moins en sécurité en pleine nature ici. » Il lui a aussi été difficile de vivre uniquement de ses tableaux pendant de longues années. Cela n’est possible pour lui que depuis sept ou huit ans. De retour dans sa Vendée d’ici quelques semaines, Marcel Séjour pourra à nouveau peindre à l’extérieur. Alors il photographie avec ses yeux et préserve dans sa mémoire les paysages ensoleillés et colorés de l’île aux parfums pour ensuite les peindre sur un tableau lorsque la chaleur de Mayotte lui manquera. n

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DOSSIER

PSYCHIATRIE (1/2)

SOIGNER OU PARTIR

La semaine dernière, la condamnation à 12 ans de réclusion d'un homme atteint de schizophrénie et reconnu coupable du meurtre de son frère a relancé la question de la prise en charge des maladies mentales dans le département qui s'avère être le plus grand désert médical de France. Particulièrement depuis le début de la crise sanitaire, nombre de soignants spécialisés dans la psychiatrie ont fait le choix de partir, plutôt que de continuer à soigner dans des conditions qui ne garantissent pas toujours la santé, voire la sécurité, de leurs patients. Depuis, les recrutements manquent et de nouveau, la prise en charge, l'offre et le suivi des soins interrogent.

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DOSSIER

C.D

JUSTICE

FRATRICIDE EN 2018 : 2 JOURS DE PROCÈS AUX ASSISES POUR L’HOMME ACCUSÉ D’AVOIR TUÉ SON FRÈRE À COUPS DE MACHETTE C’EST UNE AFFAIRE QUI AVAIT FAIT DU BRUIT, EN 2018. UN MATIN, UN HOMME S’ÉTAIT PRÉSENTÉ DEVANT UN POLICIER MUNICIPAL CAR IL AVAIT TUÉ SON FRÈRE, ATTEINT DE SCHIZOPHRÉNIE. UN DOSSIER SUR FOND DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES, QUI INTERROGE UNE FOIS DE PLUS LA QUESTION DE LA PRISE EN CHARGE DES MALADIES MENTALES DANS LE 101ÈME DÉPARTEMENT. Il porte une chemise aux bordures bleues nuit, large, informe et froissée. Elle recouvre son imposante carrure qui étouffe un peu ses mots quand il s’adresse aux juges. Le col est défait. Comme s’il tombait du lit. “J’ai entendu, mais j’ai rien compris”, lâche l’accusé de sa voix bourrue, après la lecture

par le président de l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction. Puis d’ajouter dans un grognement à peine audible : “J’ai pas fait exprès… j’en avais marre… je suis passé à l’acte.” Et pas n’importe quel acte : un fratricide sur fond de troubles psychiatriques, pour lequel s’est ouvert ce mercredi un procès

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de deux jours devant la cour d’Assises, au tribunal judiciaire de Mamoudzou. L’affaire qui amène cet homme d’une quarantaine d’années à la barre n’a rien d’anodin. Les faits remontent au 26 septembre 2018. Il est tôt, ce matin-là, quand un agent de la police municipale découvre sur son palier Monsieur B., une machette à la main, passablement excité. L’homme lui avoue avoir tué son frère. Ensemble, ils se

D’après leur entourage, ils “se battent souvent avec les poings ou des couteaux”. La victime, surtout, enchaîne les phases d’hospitalisation et de rechutes, depuis une première bouffée délirante en 2004, à l’âge de 18 ans. Entre-temps, d’autres expertises font état d’une schizophrénie avec hallucinations auditives, idée délirante de persécution, déséquilibre caractériel et conduites addictives. Sa dernière hospitalisation, en date de septembre 2018 se solde par la fugue de l’intéressé. À l’époque, le témoignage de l’un de ses soignants expliquait ainsi, qu’il “aurait dû bénéficier d’un service de soins pour pathologies psychiatriques chroniques, mais il n’y a pas de structures adaptées ici. Je pensais même que c’était lui qui allait provoquer un drame”.

“JE VIENS DE BUTER MON PETIT FRÈRE” Bref, quelques jours après le dernier passage de la victime en service de soins, l’ambiance n’est naturellement pas au beau fixe dans le banga vétuste où la fratrie vit dans des conditions précaires, sans eau ni électricité. La tension monte, jusqu’au geste fatal, à en croire une bande sonore glaçante dont le président fait la lecture à l’audience. “Je viens de buter mon petitfrère, j’appelle depuis hier soir, personne ne réagit”, aurait dit l’accusé au téléphone. Lequel aurait agi en légitime défense, les gendarmes ayant refusé d’après lui de se déplacer, malgré ses appels à l’aide.

LA RESPONSABILITÉ PÉNALE EN QUESTION dirigent vers un banga en bord de route, dans la commune de Bandrélé. Et là, gisant ensanglanté sous un drap vert brodé de fil rouge, face contre terre, le corps de la victime s’expose inerte aux yeux de ce premier témoin matinal. La gendarmerie est dépêchée sur place, aux côtés du SMUR, qui ne peut que constater le décès. Cinq plaies au crâne ont ôté toute chance de survie à la victime.

CONNUS POUR LEURS TROUBLES MENTAUX Placé en garde à vue, Monsieur B. reconnaît les faits et justifie son geste par le comportement violent de son frère, qui “l’insultait, le menaçait, et frappait partout dans le domicile”, explique-t-il alors aux gendarmes. Il faut dire que les deux sont connus dans le coin pour leurs troubles mentaux, des prises en charge psychiatriques et une consommation de chimique.

D’après l’expertise psychiatrique, Monsieur B. souffre lui aussi d’un déséquilibre caractériel et psychotique majeur doublé d’une déficience intellectuelle et d’une personnalité borderline. Malgré cette description fournie, et une possible altération de son discernement au moment des faits, l’instruction a conclu qu’il pouvait être tenu responsable de ses actes. “On se rapproche plus ici du cas, par exemple, d’une femme victime de violences conjugales qui finit par passer à l’acte que dans l’irresponsabilité pénale”, acquiesce Maître Gibello-Autran, l’avocate de l’accusé. Nonobstant, les troubles psychiatriques de deux frères seront bien au cœur de ce procès de deux jours. La première journée ce mercredi était ainsi consacrée à l’audition des experts, dans le but de déterminer dans quel état psychique se trouvaient la victime et l’accusé au moment des faits. Une première analyse laisse penser qu’ils avaient probablement interrompu leurs traitements médicamenteux depuis déjà plusieurs jours... n

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DOSSIER

TÉMOIGNAGE

SOIGNER, MAIS À QUEL PRIX ? QUELQUES MOIS PLUS TÔT, LE SERVICE PSYCHIATRIQUE DU CHM CONNAISSAIT UNE VAGUE MASSIVE DE DÉPART DE SES SOIGNANTS, ÉREINTÉS PAR LA CRISE SANITAIRE. SOPHIE* FAIT PARTIE DE CEUX QUI ONT PRÉFÉRÉ PARTIR PLUTÔT QUE DE CONTINUER À SOIGNER DES PATIENTS DANS DES CONDITIONS QUI SELON ELLE, NE PERMETTENT PAS D'ASSURER UN SUIVI MÉDICAL OPTIMAL. ELLE RACONTE. Assurément, son métier, Sophie* l'a dans la peau. Car si la psychiatrie, au plus près de patients parfois instables, peut s'avérer être un exercice à haut risque, elle reste d'abord l'opportunité de soigner et d'offrir une prise en charge à des personnes souvent marginalisées, de limiter les risques qu'elles représentent pour les autres et pour elles-mêmes. Une mission chère au cœur de l'infirmière, qui a pourtant décidé, il y a quelques mois, de démissionner du poste qu'elle occupait depuis plusieurs années au sein du service psychiatrique du CHM. "Beaucoup de choses m'ont poussée à partir", regrette la jeune femme qui évoque "de grosses difficultés liées aux soins médicaux". Et les exemples ne manquent pas. D'abord, le départ de plusieurs médecins, recrutés pour des missions de très courtes durées – trois mois – sans être systématiquement renouvelés ou remplacés, faute de candidats. "Ça altère et fragilise énormément l'offre et la qualité des soins en psychiatrie, parce que d'un médecin à l'autre, les pratiques

ne sont pas les mêmes, alors les patients et les infirmiers doivent à chaque fois se réhabituer…"

DES PATIENTS (DONC DES SOINS) PAS COMME LES AUTRES "À un moment donné, on n'avait même plus de médecin d'astreinte", se souvient encore Sophie. "Et quand il y en avait, ils ne se déplaçaient pas toujours…" Une situation particulièrement délicate dès lors qu'une mise en chambre d'isolement devient nécessaire. "Souvent, les équipes, surtout celles de nuit, se sont retrouvées en grande difficulté lorsque la violence montait chez un patient, l’une des solutions pouvait alors être l’isolement", précise la professionnelle de santé. Or, si un infirmier peut procéder à l'installation du patient dans une chambre spéciale, une régularisation doit légalement être faite par un médecin au bout d'une heure. "Lorsque les médecins ne se déplacent pas ou ne prescrivent pas à distance et que le patient se met en danger ou met en danger autrui, que devons-nous faire ?"

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À p l u s i e u r s rep r i s e s, S o p h i e s i g n a l e c e s dysfonctionnements qui engagent tant la responsabilité légale des équipes que leur devoir d'assistance. "On me répondait que ça fonctionnait ainsi depuis des années sans que ça ne pose jamais problème, et que de toute façon, 'on est à Mayotte'…" Alors, la situation persiste. "Les régularisations se faisaient le lendemain, le délai légal était déjà dépassé, les prescriptions étaient hasardeuses…" Et les carences ne s'arrêtent pas là. "Il n'y a pas suffisamment de lits pour garder des patients sur le long terme, et il y a un manque de structures à travers l'île vers lesquelles les réorienter pour qu'ils poursuivent leurs soins durablement", déplore l'infirmière désormais rentrée en métropole. "En tant que soignants, on s'est souvent retrouvé face à des familles qui sont très anxieuses de savoir comment va se passer la suite, surtout quand les patients sont très difficiles à approcher…"

DES FRAGILITÉS ACCENTUÉES PAR LA CRISE SANITAIRE Si ces problèmes ne sont pas nouveaux, ceux liés au recrutement se sont particulièrement accentué depuis le début de la crise sanitaire, allant jusqu'à gêner l'organisation des consultations partout à travers l'île. "Dans les dispensaires, il n'y avait que des demijournées consacrées à la psychiatrie chaque semaine, alors que certains patients méritent d'être vus beaucoup plus régulièrement", assure Sophie. Concernant les visites à domicile, le constat n'est pas plus réjouissant : "Pour moi, il n'y a pas assez de soignants pour faire et des consultations en centre médico-psychologique (CMP), et du domicile. L’équipe des urgences censée travailler sur la thérapie familiale, etc. faisait d’ailleurs un peu plus de visites à domicile pour pallier le manque de moyens humains du CMP, alors qu’à la base l’équipe d’urgence ne doit intervenir que pour certains patients précis qui avaient des problématiques familiales à gérer. Ça pour moi, ça témoigne bien des grosses carences en termes d’offres de soin." Au premier confinement, en mars 2020, toutes les consultations en dispensaire sont suspendues. Autrement dit, seul le CMP de Mamoudzou recevait encore des patients. "Sauf que certains patients, encore accrochés aux soins, avaient déjà leur repère dans le dispensaire où ils étaient suivis habituellement et dont l’état était encore fragile. Alors ils ne sont pas revenus à Mamoudzou et ont totalement décroché médicalement. Et cela peut conduire à une mise en danger du patient…"

UNE RESPONSABILITÉ À GRANDE ÉCHELLE Cette mise en danger, les soignants et les familles ne sont pas les seuls à y être confrontés. "Le manque de structures, on le ressent et on le voit souvent nous aussi, particulièrement à Mayotte", concède Aldric Jamey, ni infirmier, ni psychiatre, mais bel et bien policier. Car faute de suivi régulier, certains patients atteints de lourds troubles psychiatriques peuvent avoir un comportement dangereux, et s'avérer particulièrement difficiles à raisonner. Surtout pour des personnes n'étant pas formées pour. "Le vrai problème quand on intervient auprès de personnes malades, c'est de savoir les gérer alors qu'il est parfois impossible de leur parler et qu'ils peuvent devenir d'un coup très agressifs sans aucune explication", commente le policier. "Et ces réactions imprévisibles représentent une grosse mise en danger pour lui, pour nous, et potentiellement pour les personnes présentes autour." À ce sujet, Aldric Jamey se remémore une intervention bien particulière : "C'était un schizophrène armé d'un couteau à crans. Selon des témoins, il avait menacé des gens en pleine rue." Dépêchée sur place, l'équipe de police tente alors d'approcher l'homme "sans l'effrayer ou l'énerver pour éviter que la situation ne dégénère. Dans ces situations, on doit bien choisir chacun de nos mots, de nos gestes, pour faire en sorte qu'il nous laisse le palper, le fouiller…" Finalement, après 30 longues minutes de conversation, l'homme se laisse approcher. "Le point clé a été de trouver le bon sujet de conversation pour entrer dans son jeu et finir par s'en faire un copain en quelque sorte." La confiance instaurée, "on a pu récupérer le couteau puis appeler les pompiers pour qu'ils le prennent en charge." Après une heure d'attente, le véhicule de secours arrive enfin. "Une fois installé dans le camion, il a compris qu'il allait être conduit en service psy, et là, il a fait une crise." Trois pompiers et deux policiers seront nécessaires pour maîtriser l'homme, très difficilement. "La force est souvent décuplée en cas de crise", analyse Aldric Jamey. "Les patients que nous avons ne sont pas comme les autres", rappelait un infirmier gréviste quelques mois plus tôt. D'où la nécessité d'organiser, enfin, une prise en charge optimale et d'assurer un suivi sur le long terme. Car il n'est ici pas seulement question de santé, mais aussi de sécurité. * Nom d'emprunt

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DOSSIER

ENTRETIEN : CHRISTOPHE BLANCHARD, DIRECTEUR DU CHM PAR INTÉRIM

“UN PATIENT NE PEUT PAS VOIR QUATRE MÉDECINS EN UN MOIS” APRÈS UN AN ET DEMI DE CRISE SANITAIRE ET UN BREF ÉPISODE DE GRÈVE, LE SERVICE PSYCHIATRIQUE DU CHM SE TROUVE ÊTRE DANS UNE SITUATION PARTICULIÈREMENT PRÉOCCUPANTE, PRINCIPALEMENT À CAUSE DE DIFFICULTÉS PERSISTANTES À RECRUTER DURABLEMENT. DIRECTEUR PAR INTÉRIM DU CENTRE HOSPITALIER DE MAMOUDZOU, CHRISTOPHE BLANCHARD REVIENT SUR LES ÉVÈNEMENTS DES DERNIERS MOIS ET DÉVOILE DES PROJETS D’AVENIR, ET SURTOUT, D’AMPLEUR.

Mayotte Hebdo : En juillet, le personnel du service psychiatrique du CHM faisait valoir son droit de retrait, dix jours avant de rejoindre un mouvement de grève commun à plusieurs unités, suite à de nombreux départs d’infirmiers et médecins non remplacés. Qu’en est-il depuis ? Christophe Blanchard : La situation de la psychiatrie est pour nous une priorité absolue, et elle fait partie à part entière de la feuille de mission que m’avait confiée Dominique Voynet. Avec le développement de l’offre de soins médico-sociaux à Mayotte, certains psychiatres ont préféré aller exercer dans le monde associatif, moins contraignant que le milieu hospitalier. En effet, il y a eu beaucoup de départs liés à la crise sanitaire qui a été très éprouvante pour les soignants, donc plus de médecins dans un service déjà archi saturé en temps normal. À un moment

donné, on ne tournait plus qu’avec un seul psychiatre, il y a même eu un week-end où on n’en n’avait plus du tout… Alors beaucoup de soignants sont partis parce qu’ils arrivaient à saturation. Il y a deux mois, nous avons dû fermer purement et simplement le centre médicopsychiatrique (CMP) et les urgences psychiatrique à cause de départs massifs survenus au même moment. Mais depuis, nous avons mis en place des équipes de psychologues et d’infirmiers en binôme qui vont dans les CMP pour y suivre la file active. Là non plus, ce n’est pas satisfaisant et ça ne me convient pas mais ça a au moins le mérite d’exister et ça signifie qu’on ne perd plus de vue les patients, ils sont suivis, on sait où ils sont, comment ils vont, vers qui les orienter en cas de problèmes, etc.

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Maintenant, avec les boîtes d’intérim, on arrive à combler mais ce n’est pas satisfaisant : un patient qui a un problème psychique ou de santé mentale ne peut pas voir quatre médecins différents en un mois, au risque d’être plus atteint qu'avant. La psychiatrie demande des soins au long cours. M.H : L’intérim étant une solution ponctuelle, comment comptez-vous pérenniser les recrutements sur le long terme ? C.B : Fin septembre, le directeur des soins infirmiers part avec le directeur des affaires médicales à Paris pour faire tous les salons et congrès du secteur pour essayer d’accélérer nos recrutements et “faire de la pub” pour Mayotte. Car si on veut être attractif, on doit pouvoir se montrer. On a

LA PSYCHIATRIE EN CHIFFRES* En interne : 10 lits de psychiatrie, dont 2 d’isolement • 315 séjours en 2020, pour une durée totale de 2 782 jours d’hospitalisation, soit une durée moyenne de 8,9 jours • 184 patients hospitalisés, dont 74 à la demande d’un tiers, 17 à la demande du préfet et 4 pour péril imminent En externe : • 8 196 consultations sur l’ensemble des secteurs • 4 918 consultations en CMP, dont 140 pour des patients de moins de 16 ans pour une file active de 1 321 patients • 1 139 consultations réalisée par l’équipe mobile de crise et de liaison pour une file active de 472 patients • 1 143 consultation en pédopsychiatrie * Chiffres issus de l’activité hospitalière en psychiatrie sur l’année 2020, en train forte baisse par rapport aux années précédentes, du fait de la crise sanitaire. (Sources : CHM)

cette chance d’être en dotation globale de financement, on n’a pas de tarification à l’activité comme dans les autres hôpitaux, ce qui représente un réel souci financier dans les autres départements d’outre-mer. Mais en Guyane par exemple, ils ont des mesures de rémunération différentes des autres alors il faudrait que Mayotte soit en mesure de s’aligner, sans aller leur piquer leurs soignants non plus, car ce n’est bien évidemment pas le but. M.H : Au-delà de l’image négative de Mayotte à l’extérieur, l’état des locaux du CMP et leur faible capacité ne risquent-ils pas de freiner les embauches ? C.B : Le retard pris à ce niveau ne date pas d’hier. Alors qu’en Martinique, par exemple, on compte 200 et quelques lits de psychiatrie pour 376 000 habitants, il n’y en a que 10 à Mayotte, pour 100 000 habitants de moins. Alors, l’objectif que nous poursuivons en lien avec l’ARS, c’est qu’on puisse développer la psychiatrie au sein du deuxième centre hospitalier annoncé par le président de la République. Aujourd’hui, la psychiatrie ce n’est plus forcément des patients enfermés dans des chambres, mais aussi de l’ambulatoire avec des patients qui viennent prendre leur traitement puis rentrent chez eux. Tout ça est à étudier, mais on s’est mis d’accord avec l’ARS pour la rédaction d’un projet de pôle de santé mentale à part entière. Aujourd’hui, elle est rattachée à la médecine, ce qui complique souvent la fluidité des démarches. Donc l’idée est de sortir la psychiatrie du pôle médecine. Pour cela, on va se faire accompagner par un psychiatre qui va arriver prochainement, je suis également en contact avec le centre hospitalier universitaire de de ClermontFerrand où un professeur serait partant pour nous prêter main forte pour la rédaction de notre projet. On sera aussi amené à travailler avec le secteur associatif, dans un souci de continuité des soins. Une fois qu’un patient a été hospitalisé pour un traitement lourd au CHM, on ne peut pas le mettre à la

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porte. Il y a tout un suivi après, aussi bien avec les CMP privés que le CMP hospitalier à venir. L’offre est en train de se développer très rapidement. M.H : Cela permettra-t-il aussi d’augmenter les capacités de prise en charge ? C.B : Nous sommes aussi en train de voir avec l’ARS pour réhabiliter le bâtiment de maternité à Dzaoudzi pour y installer 10 lits de psy, et 10 autres dans le bâtiment d’en face, ce qui nous permettrait, j’espère,

d’avoir au total 30 lits de psy d’ici l’année prochaine, soit un triplement de nos capacités actuelles. Ça ne sera toujours pas satisfaisant, mais ce n’est pas négligeable pour autant, d’autant que notre bâtiment actuel n’est pas en état, donc nous allons également le réhabiliter et y faire des opérations tiroirs, de la consultation, etc. Ces travaux devraient débuter début 2022. La priorité était dans un premier temps de trouver des remplaçants, puis du personnel intéressé par ce projet, et il y en a ! n

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L.G

DES VÉLOS ET DES SCOOTERS ÉLECTRIQUES EN LOCATION LONGUE DURÉE, LE PARI DE MOB’HELIOS À MAYOTTE

Depuis bientôt deux ans, l’entreprise familiale Mob’helios planche sur un projet à vocation expérimentale et démonstrative en matière de transition énergétique à Mayotte. À partir de 2022, elle compte lancer sa location longue durée de vélos et de scooters électriques avant de s’attaquer au parc automobile pour les trajets occasionnels d’ici deux ans. L’idée ? Faire adopter une mobilité douce sur un territoire pollué et embouteillé. « Nous ne pouvons pratiquement plus circuler à cause des embouteillages. Non seulement les voitures font du bruit, mais en plus elles polluent. » C’est à l’origine de ce constat simple que les époux Perron décident de se lancer dans une idée révolutionnaire, via la société Mob’helios fondée fin 2019. Faire du deux roues électriques une solution alternative et pérenne au parc automobile pour les trajets quotidiens de moins de seulement

quelques kilomètres. Une nouvelle qui tombe à pic trois jours après l’arrêté signé par le maire de Mamoudzou relatif à l’interdiction de circulation sur l’ensemble du réseau routier de la commune des véhicules personnels de plus de 15 ans à partir du 1er octobre. S’il faudra encore attendre quelques mois avant de voir s’implanter les trois premiers modules ateliers, aménagés dans

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des conteneurs recyclés, le projet fait déjà saliver. « La commande est imminente ! Il faut compter entre trois et quatre mois pour la fabrication. L’incertitude repose davantage sur le délai de transit maritime », déroule Cécile, ingénieur diplômée de l’Industrie et des Mines. Les toits seront équipés de panneaux solaires tandis que l’intérieur permettra de réaliser tous les entretiens réguliers. L’objectif : ouvrir le premier espace sur le parking de la barge à Dzaoudzi début 2022 où se trouveront 40 vélos citadin et tout-terrain, prêts à déambuler aux quatre coins de l’île grâce à une autonomie oscillant entre 80 et 100 kilomètres en fonction de l’utilisation et du degré d’assistance demandé. Avant de proposer le même concept avec des scooters en milieu d’année prochaine. Dans l’espoir d’inverser les mentalités, l’entreprise familiale table sur des locations longue durée à des tarifs relativement bas, qui comprennent le changement à volonté des batteries, la maintenance ou encore les assurances vol et casse. Comment ? En devenant une société coopérative d’intérêt collectif, qui relève du champ de l’économie sociale et solidaire, avec le soutien des deux communes de Petite-Terre, Dzaoudzi-Labattoir et Pamandzi, et de Taxi Vanille 976. « L’idée d’associer les collectivités est de faire en sorte que leurs politiques de mobilité et d’aménagement publique soient cohérentes avec nos stratégies de déploiement et d’offre proposée aux clients », précise l’ancienne directrice du Parc naturel marin. Et surtout de permettre de faire baisser les prix de revient des prestations pour « qu’elles soient accessibles à toutes les tranches de la population ».

Un million d’euros pour deux station de charge solaires

de réaménagement de la gare maritime de PetiteTerre. « Nous avons fait une demande d’autorisation d’occupation temporaire auprès du préfet avec l’avis du maire de la commune pour y être intégrés », souligne Cécile. Quant à l’aéroport, il s’agit davantage d’une hypothèse de travail, en raison notamment « de la plus grande échelle de temps sur laquelle nous évoluons ».

Mais ce n’est pas tout. À l’horizon 2023-2024, Mob’hélios souhaite développer deux stations de charge solaire d’une capacité de 600 mètres carrés à destination des voitures, avec l’appui technique du technocentre de Renault basé à Guyencourt et financier de l’Ademe (agence de la transition écologique). Le but consiste alors à troquer son deux roues pour un véhicule à l’occasion d’une virée en groupe ou des courses. Reste à travailler « sur la levée des fonds », puisque cette autre activité se chiffre à un million d’euros. Pour leur emplacement, les discussions vont bon train avec le conseil départemental dans le cadre du chantier

Peu importe les aléas, la famille Perron se la joue optimiste et croit en son projet à vocation environnementale. D’autant plus après la fête du vélo organisée samedi dernier à Mamoudzou. « Nous avons pu identifier certains freins chez ceux qui ne pratiquent pas encore, répondre aux objections et proposer des solutions rassurantes. » Si le développement des pistes cyclables est à la hauteur de l’enjeu, les deux roues risquent bien de pulluler dans un avenir proche. De bon augure pour les portefeuilles et la santé des futurs consommateurs. n

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LITTÉRATURE

LISEZ MAYOTTE

"TU CROIS QUE MOI J'AI CHOISI D'ÊTRE ANALPHABÈTE ?" Les anachronniques de Mayotte Nassur Attoumani (Éditions Ndzé)

Recueil de nouvelles ou chronique romancée d'un mahorais nommé Lodosomono, attachant et naïf ? Mais aussi, ana de pensées profondes : "Mieux vaut discuter avec un édenté que de se disputer avec un sourd." ? Ou encore contes revisités : "Le cavalier magique" ? Côté anachronisme : "Ramsès II", "Machiavel", "La panthère rose" sont dans un jury désigné par "La Française des jeux". Satire caustique : "Le Procureur pénal international souhaiterait le voir lapider"... Comment définir ces textes ? Les anachroniques de Mayotte sont tout cela à la fois, avec l'humour en bonus : "Judas Iscariote veut vendre le verdict à CNN pour la modique somme de 30 piastres..." (2013)

AGRÉGÉ DE LETTRES MODERNES ET DOCTEUR EN LITTÉRATURES FRANCOPHONES, CHRISTOPHE COSKER EST L’AUTEUR DE NOMBREUX OUVRAGES DE RÉFÉRENCE SUR LA LITTÉRATURE DE L’ÎLE AUX PARFUMS, NOTAMMENT UNE PETITE HISTOIRE DES LETTRES FRANCOPHONES À MAYOTTE (2015) DONT IL REPREND, APPROFONDIT ET ACTUALISE, DANS CETTE CHRONIQUE LITTÉRAIRE, LA MATIÈRE. Savez-vous dire “ analphabète ” en mahorais ? Nyombe kayasoma. Il s’agit d’une belle expression périphrastique, sauf pour celui qui en fait les frais, qui signifie : la vache qui n’a pas lu. Or, cette image est d’autant plus parlante que, dans une société rurale traditionnelle comme celle de Mayotte – et qui disparaît progressivement -, garder les vaches, c’est-à-dire les cabris, ou aller chercher le zébu, est une activité alternative à l’école. Dans Brûlante est ma terre (1991) d’Abdou Salam Baco, on trouve le dialogue suivant entre celui qui va à l’école contre son gré et celui qui est empêché d’y aller, contre son gré également : “ Tu as tort ; tu crois que moi j'ai choisi d'être analphabète ? On dit que le destin de tout un chacun est tracé d’avance, mais le mien, je crois que c’est mon père qui l’a tout tracé ; ayant sans doute une mauvaise opinion de ceux qui envoient leurs fils à l’école, il m’a gardé avec lui pour prendre soin de son cheptel. Alors voilà, je sais où est ma place maintenant dans la société : au bas de l’échelle. ” (p. 69) L’écho avec le personnage de Mshinda dans Sur le chemin de l’école est frappant et montre la banalité de la réalité retranscrite. Voici la réponse de celui qui n’aime pas l’école qu’il fréquente et n’a pas encore conscience de sa chance : “ Pouah ! Je ne pense pas que le fait d’aller à

l’école soit un privilège ; ce que je sais par contre, c’est qu’au début je supportais bien ce calvaire que tu appelles privilège, mais plus je grandis, plus ce maudit bâtiment blanc me rend claustrophobe ; pire encore, je ne peux plus maintenant me faire accompagner de qui je veux, comme je veux ; je ne peux plus m’amuser avec qui je veux et quand je veux, et tu appelles ça bon avenir, toi ! Mais regarde comme tu es libre toi. ” (p. 69-70) Une fois de plus, deux univers de croyances s’opposent sur le rapport entre liberté et éducation. Les deux points de vue paraissent irréconciliables alors même que les personnages qui les incarnent sont amis. En outre, ils devraient, en fin de dialogue et pour être cohérents avec leurs discours, échanger leur place. On voit donc que, dans les narrations d’Abdou Salam Baco, le mot “ analphabète ” – ou son transfert culturel en langue vernaculaire nyombe kayasoma – affleure sous le texte. Mais c’est sans doute chez Nassur Attoumani qu’il prend l’ampleur d’un thème. Il est défini et évalué dans un entretien que l’écrivain de Mayotte donne à Magali Nirina-Marson sous le titre “ Le Rire dans tous ses états et sans état d’âme ” et qui est publié, en 2011, dans Les Comores : une littérature en archipel : “ Dans le shimaore, l’une des langues vernaculaires de Mayotte, un analphabète se dit “ Gnombe kayasoma ”. Littéralement, cela se traduit par ‘vache qui n’a pas lu’. L’analphabétisme est donc la plus

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insultante de toutes les tares de notre société. Pour ne pas permettre que leurs enfants soient catalogués de ‘vache qui n’a pas lu’ [sic], les parents ne baissent jamais les bras pour nous obliger à nous instruire. ” (p. 180) Nassur Attoumani met ingénieusement en scène cette expression dans l’un des textes brefs du recueil Les Anachroniques de Mayotte (2012). Il s’agit de celui intitulé “ Un bouvier incroyable ”, dans lequel le personnage de Lodosomono réussit à se marier avec la princesse, après avoir offert à son père le roi la plus grosse vache du royaume : “ ‘Voilà encore une vache !’ ai-je conclu. Je lui ai alors passé la corde au cou. Car une personne qui ne connaît pas le mois qu’il traverse est, à mon humble avis, une sacrée vache. Majesté ! Vous vouliez des vaches ? ‘des vaches qui n’ont pas lu ?’ Alors, en voici un échantillon. Je l’ai prélevé dans votre troupeau’. ” (p. 119) Dans ce passage, on sent bien affleurer le shimaore sous le français, de la vache à l’analphabète, c’est-à-dire au nyombe kayasoma. Une telle nouvelle est l’occasion de réfléchir sur la relativité du savoir et de rappeler la catégorie

d’“ érudit illettré ” que Nassur Attoumani construit dans son essai Mayotte : identité bafouée (2003) pour rendre hommage aux conteurs qui ne sont pas allés à l’école publique : “ Avant toute considération, je tiens à saluer bien bas les créateurs illettrés des contes. Rappelons qu’aucun d’eux n’a jamais été à l’école laïque. Aujourd’hui, la sauvegarde et la transmission de cette richesse monumentale passeraient par le collectage, la transcription, la traduction et par conséquent l’édition du produit intellectuel maorais, par le biais du livre. ” (p. 18) N’allons pas croire que l’analphabétisme et l’illettrisme coïncident avec l’ignorance du français. Car il y a plus d’un pays dans le monde, et souvent plus d’une langue par pays, n’en déplaise à l’officielle ! Il nous paraissait important de terminer cette première série de chroniques littéraires consacrées à l’école sur la figure à débattre en plusieurs langues, de l’analphabète ou nyombe kayasoma, qui ne doit pas hésiter à se battre pour sortir son épingle du jeu. Comme le dit un proverbe, ulima ulindra : le savoir est une échelle !

Christophe Cosker

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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayottehebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédactrice en chef Solène Peillard

# 967

Couverture :

Psychiatrie (1/2) Soigner ou partir

Journalistes Romain Guille Raïnat Aliloiffa Constance Daire Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mohamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com

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