Mayotte Hebdo n°969

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LE MOT DE LA RÉDACTION

"UN HOMME SANS CULTURE EST UN ARBRE SANS FRUIT" Selon les endroits à travers le monde, le mois d'octobre est celui d'Halloween, ou de la lutte contre le cancer du sein. Mais à Mayotte, il est aussi celui de la musique. Depuis près de 15 ans, c'est le moment choisi par le festival Milatsika pour proposer une programmation éclectique à un public cosmopolite. Plus récemment, le festival Kayamba a lui aussi émergé pour faire se rencontrer musiques traditionnelles et électroniques. Cette semaine, Mayotte Hebdo revient sur les ambitions de ces deux événements, dont le succès prouve, année après année, édition après édition, que le public local est bel et bien à l'affut, et prêt à s'ouvrir à de nouveaux horizons. De quoi tordre le cou à ceux qui seraient tentés de croire que la culture, ici, ne repose que sur la tradition locale. Et prouver par la même que dans le terreau mahorais, de belles initiatives émergent et même, se pérennisent. Un élan qui inspire même les associations intervenant auprès des jeunes. Bonne lecture à toutes et à tous.

Mayotte Hebdo/FLASH infos • 1/2 Page Largeur FU • 190 x 130 mm • Visuel:Quinté+ Week-end • Parution=08/oct./2021 • Remise le=05/oct./2021

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TCHAKS

L'ACTION

LE CHIFFRE 59 000

C’est le nombre de personnes touchées chaque année en France par le cancer du sein. Il représente ainsi le plus fréquent dans le pays et le type de cancer le plus meurtrier. Pourtant, près de 20 000 cancers du sein sont attribuables à des facteurs de risques évitables. Alors, pour sensibiliser un plus large public, notamment à l’importance de l’auto-palpation, le traditionnel mois d’Octobre Rose revient pour une édition 2021. Pour l’occasion, le réseau de dépistage des cancers, Rédéca, organise tout au long du mois différentes manifestations gratuites et ouvetes à tous à Mayotte, dont le programme complet est à retrouver sur le site internet www. reseaux-sante-mayotte.fr.

LA PHRASE

“Le point négatif, Un première “étape ce sont vraiment historique” en faveur les terrains et les de la piste longue infrastructures” La direction générale de l’aviation civile (DGAC) a inauguré ce lundi à Pamandzi la nouvelle maison du projet pour la piste longue. Un bâtiment censé permettre à tous d’obtenir les dernières informations liées au projet et d’échanger sur cette infrastructure majeure grâce à une permanence hebdomadaire notamment. Une façon de rendre le chantier “chaque jour plus concret”, alors qu’il est déjà en phase “opérationnelle”, assure Damien Cazé, directeur de la DGAC. Objectif pour les prochaines semaines : le choix du meilleur scénario, qui doit être acté d’ici à la fin de l’année. Deux possibilités sont sur la table : soit allonger la piste au sud pour rejoindre la piste convergente ; soit construire une piste convergente plus longue, prenant appui directement sur l’extrémité sud de la piste actuelle. “C’est le plus gros projet d’aéroport porté en France et en Europe”, souligne la DGAC.

Demi-finaliste malheureux de la dernière édition de la Coupe de France avec son club du GFA Rumilly Vallières, Houssame Boinali est revenu quatre jours à Mayotte. Un séjour au cours duquel le natif de M’Tsangamouji a pu échanger avec pléthore de footballeurs et de dirigeants. Selon le latéral droit, le 101ème département regorge de talents. Encore faut-il que les jeunes puissent s’entraîner dans de bonnes conditions : “Le point négatif dans tout cela, ce sont vraiment les terrains et les infrastructures. L’État doit vraiment faire un effort. D’autant plus que le comité régional olympique et sportif et la ligue de football s’investissent et sont à fond derrière les athlètes. Malheureusement, ils n’ont pas la main sur tous ces travaux. C’est un gros frein dans la progression de ces jeunes”, considère celui qui projette de passer ses diplômes d'entraîneur.

ELLE FAIT L’ACTU Anna Ousseni élue miss Mayotte Mercredi soir, Anlia Charifa a cédé sa couronne à Anna Ousseni, élue miss Mayotte 2021, sur l’estrade spécialement érigée au Koropa. Âgée de 24 ans, la jeune femme originaire de Sada et diplômée d’un Bachelor Responsable de zone import-export souhaiterait voir son île devenir “un territoire moteur en matière de tourisme balnéaire”. Mais ses aspirations sont larges, puisqu’elle espère aussi pouvoir sensibiliser le grand public au cancer du sein, en plein mois d’Octobre Rose. Lors de la cérémonie à l'issue de laquelle elle a été élue, Anna Ousseni a ainsi déclaré : “Être élue miss signifie pour moi valoriser la beauté de Mayotte, la beauté de la femme mahoraise et être l’ambassadrice de la richesse de notre île. Je veux être celle qui parle de nos atouts, de nos richesses, de notre histoire, et faire la fierté des Mahorais.” Prochaine étape le 11 décembre, avec l’élection de la prochaine Miss France, où Anna portera les couleurs de son île.

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LU DANS LA PRESSE

Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale

UN NOUVEAU SOUFFLE POUR L’IMMOBILIER D’ENTREPRISE MAHORAIS Le mardi 5 octobre 2021 par Ludovic Belzamine pour Megazap.fr Alors que 80% des entreprises mahoraises se disent insatisfaites de leur situation immobilière, l’implantation à Mayotte d’Inovista, société reconnue de conseil en immobilier d’entreprise, augure un bol d’air pour ce secteur d’activité.

locaux ou immeubles à Mamoudzou, Kaweni ou HautsVallons. Des échanges en cours devraient aboutir à la mise sur le marché de plusieurs immeubles ou terrains autour de Longoni et en Petite-Terre. Ces projets ont ainsi justifié la création d’un bureau Inovista à Mamoudzou.

Département français depuis 2011, Mayotte rentre dans une transition économique, urbaine et sociétale. Autour d’un des plus beaux lagons du monde, le tourisme, les services, la production et le commerce de gros se développent progressivement à côté du commerce de détail, historiquement très dynamique. Mais, selon une étude d’Inovista Consulting & Research (Filiale du groupe dédiée aux études, présente à Mayotte depuis 2016) auprès des entreprises de Mayotte 91% pensent que le territoire a un parc immobilier trop faible et n’offre pas assez de locaux, 66,7 % trouvent leur situation immobilière non adaptée à leur activité et 45% la qualifient d’opaque. Seules 20% d’entre elles sont satisfaites de leurs situations immobilières.

Ce dernier permettra d’accompagner au plus près les acteurs de la construction et animation de la Ville, tout en créant de la richesse et du savoirfaire localement. “ C’est là aussi notre engagement pour Mayotte : être dans la co-construction, dans le développement et non dans un effet d’aubaine, sans création de valeur sur place ”, explique Vincent Le Baliner, gérant d’Inovista. Les entreprises à la recherche de locaux pourront désormais avoir accès à une vision plus exhaustive des disponibilités permettant d’accompagner au mieux leurs projets de déménagement, au service de leurs croissances.

Inovista Consulting & Research accompagne depuis plus de 5 ans les entreprises et institutionnels de Mayotte et de La Réunion dans la compréhension économique et immobilière du territoire. C’est ainsi que ses équipes ont notamment participé aux études amenant à la création de zones d’activités à Ironi Bé ou en Petite-Terre. Les départements commercialisation et gestion locative d’Inovista ont, eux, obtenu plusieurs mandats pour des

C’est à Miguel-Ange Fary Olax que sera confié la responsabilité du bureau de Mayotte. Diplômé de l’université de La Réunion, ayant exercé plusieurs postes en BtoB et BtoC, Miguel-Ange est installé à Mayotte depuis 1 an où il assurait pour le compte d’une des premières entreprises de Mayotte des missions immobilières. En lien avec les équipes du groupe, il a pour mission d’accompagner les entreprises souhaitant installer ou faire grandir leurs activités dans l’ile aux parfums. “ Il incarnera pleinement les méthodes et valeurs d’Inovista : engagement, professionnalisme, transparence. ”, conclut Vincent Le Baliner.

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S.P

Photo Franco Di Sangro

PORTRAIT

SAINDOU ASSANI 6•

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LE NOUVEAU PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ PUBLIQUE LOCALE Le conseiller départemental du canton de Ouangani a pris vendredi ses nouvelles fonctions de président de la société publique locale, une structure qui, à Mayotte, a souffert d’une mauvaise réputation, sur laquelle l’homme politique entend tirer définitivement un trait.

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Photo Franco Di Sangro

PORTRAIT

“Au début, personne ne pariait sur moi”, s’amuse aujourd’hui Saindou Assani. Pourtant, à l’été dernier, il devient pour la première fois conseiller départemental dans le canton de Ouangani. A l’origine, l’ancien directeur général des services par intérim à la mairie de Kani-Kéli n’était pas le binôme inscrit sur les listes aux côtés de Bibi Chanfi. Mais lorsque son partenaire initial se retire de la course à la présidence pour des raisons de santé, Saindou Assani décide de franchir le cap et se présente. “Je n’avais jamais été élu jusqu’alors, mais j’ai toujours travaillé avec les mandatures municipales, je connais les rouages, l’administration, la population, alors je me suis dit que j’avais une expérience à apporter”.

Un coup de poker gagnant pour l’homme issu du parti sortant lors des dernières municipales. Désormais, et depuis ce vendredi 8 octobre, c’est un tout nouveau rôle qui lui est confié, en plus de ses fonctions politiques, puisque Saindou Assani vient d’être nommé président de la société publique locale, mieux connue sous le nom de SPL976, une structure juridique à disposition des collectivités - ses actionnaires - pour la gestion de leurs services publics. Une casquette supplémentaire qui lui permettra de mettre à profit ses 10 années d’expérience en tant qu’économiste et sa formation technique dans le secteur du BTS.

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La tâche pourrait sembler délicate, tant l’image de la SPL a été entachée ces dernières années. En 2017, la Cour des comptes épinglait les finances de la société publique locale, en constatant 1,5 millions d’euros de dépenses sur les fonds publics, dont 71% pour des charges de personnel alors qu’aucun chiffre d’affaire n’était alors réalisé. Plus récemment, en 2020, le tribunal administratif condamnait Daniel Zaïdani, ancien directeur général de la structure, à trois mois de prison avec sursis pour des faits d’atteinte à l’égalité des marchés publics. Mais depuis, l’eau a coulé sous les ponts et “Les gens ne connaissent pas la situation actuelle de la SPL”, regrette Saindou Assani. Alors que la présidence précédente devait liquider la structure, elle réussit finalement à la sauver in extremis en négociant avec l’ancien président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani, un accord cadre permettant de relancer ses activités.

Depuis, les projets pleuvent. Après la rénovation des anciens bureaux de la SIM, la SPL planche aujourd’hui sur le plateau couvert de M’tsangamouji et celui de Chiconi, dont le démarrage des travaux est prévu pour l’année prochaine. Désormais, le nouveau président de la société pour les six années à venir entend accélérer le lancement de plusieurs chantiers “qui ne nécessitent pas d’études trop longues”, et cite en exemple les centres médico-sociaux de Dzoumogné, Koungou, Labattoir et Chirongui. Une politique qui fait déjà des adeptes : “Une ouverture d’actionnariat a été initiée par l’ancienne équipe et la commune de M’tsamboro vient de délibérer pour intégrer la structure”, applaudit Saindou Assani. “Je vais tout faire pour intégrer l’interco’ centre ouest (3CO) et d’autres communes.” De quoi tirer un trait sur le passé tumultueux de la structure. n

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DOSSIER

MAYOTTE

CARREFOUR DES CULTURES Ils ont su devenir incontournables dans le paysage culturel mahorais. En octobre, deux rendez-vous incontournables s'installent chaque année sur le territoire : les festivals Milastika et Kayamba. Avec des approches différentes, tous deux réinventent la musique à Mayotte, soit en mêlant tradition et modernité, soit en invitant le public à consommer les rythmes différemment. Preuve en est que non, la culture n'est pas morte à Mayotte. Et le caractère cosmopolite de l'île en fait même sa richesse. Et un moteur pour la jeunesse.

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DOSSIER

S.P.

ÉVÈNEMENT

MILATSIKA

RÉINVENTE LE RAPPORT À LA MUSIQUE

APRÈS L’ANNULATION DE L’ÉDITION 2020 POUR CAUSE DE COVID, L’HISTORIQUE FESTIVAL MILATSIKA REVIENT DU 14 AU 16 OCTOBRE SUR LE PLATEAU DE CHICONI. UNE 15ÈME ÉDITION QUI, FIDÈLE AUX PREMIÈRES HEURES DE L’ÉVÉNEMENT, PROPOSERA UNE FOIS ENCORE AUX MAHORAIS D’OUVRIR LEURS HORIZONS MUSICAUX. Dans le paysage culturel mahorais, Milatsika est un mastodonte. Il faut dire que le festival organise cette année sa 15ème édition. Du jamais vu sur le territoire pour un événement musical. Mélange de langues mahoraise et malgache, son nom résume à lui seul la philosophie de l’organisation : “milatsika”, terme kibushi se traduisant par “besoin de nous”, et qui, à Mayotte, signifie “notre tradition”, ou “notre culture”. De quoi symboliser le caractère cosmopolite de l’île, et des populations qui la peuplent. “Quand on va au Milatsika, toutes les catégories d’âge et d’origine y sont représentées : il y a des occidentaux, des Mahorais, des Malgaches, des Comoriens, des familles, des jeunes, des moins jeunes…”, sourit Del Zid, organisateur de la première heure. Preuve qu’en près de 20 ans, la formule inédite du festival a su (re)trouver son public année après année. “La démarche qui le sous-tend est de dépasser l’opposition fausse entre tradition et modernité

en démontrant qu’une identité doit puiser à ses racines pour se construire dans la sphère contemporaine, à la façon d’un arbre qui croît et se ramifie”, défend fermement l’organisation qui entend dépasser “les clichés folkloriques”. Car sur le plateau de Chiconi, où est érigé chaque année la scène du Milatsika, la musique n’est pas qu’un simple support de danse. “A Mayotte, celle que l’on écoute et connaît revêt surtout un rôle de divertissement. Notre but n’est bien évidemment pas d’empêcher les gens de danser, mais avant tout de leur montrer que la musique permet de réfléchir, de méditer, de guérir l’âme par l’art”, développe encore Del Zid. “Et je pense qu’aujourd’hui le public a compris le principe : la majorité des gens qui viennent ne connaissent pas le programme, mais ils viennent quand même parce qu’ils savent qu’ils vont découvrir quelque chose de nouveau, sortir de leur zone de confort”. Le secret de la longévité du festival reposerait-il ici ?

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“Non, le seul secret, c'est la persévérance, la motivation”, balaye le musicien d’un revers de la main. De quoi raviver le douloureux souvenir de l’année 2011, où le mouvement de grève qui secoue alors l’île pousse l’organisation à annuler l'événement, laissant un déficit de 40 à 50 000 euros dans les caisses de l’association Milatsika. “On a cru devoir fermer définitivement boutique à ce moment-là”, retrace Del Zid, amer. “Mais nous avions déjà une image et un honneur à conserver, que nous avons construits édition après édition”. Alors, poussés par leur passion pour la musique et ce qu’elle véhicule, les cinq membres permanents de l’organisation parviennent finalement à sortir la tête de l’eau et reviennent finalement plus forts dès l’année suivante, grâce au

concours des institutions locales que sont la Direction des affaires culturelles ou le Département notamment. "Économiquement, un tel événement n’est pas rentable, il faut savoir s’accrocher. Mais maintenant, on sait qu’on est très attendu chaque année, alors on ne peut plus se permettre de décevoir”, conclut le père du rendez-vous culturel.

UNE PROGRAMMATION ÉCLECTIQUE Du jeudi 14 au samedi 16 octobre, des artistes de tous les horizons se succèderont sur la scène du plateau de Chirongui, afin de proposer au public mahorais une large palette sonore et culturelle.

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DOSSIER

Jeudi 14 octobre, retrouvez Sisygambis à travers une performance vidéo-musicale “De la Méditerranée à l’océan Indien”. Sisygambis traverse des territoires que réunit la musique de transe, fil conducteur du parcours, de l’Égypte à Mayotte, de Zanzibar à Madagascar, via la Tanzanie, le Kenya, les Comores, le désert d’Arabie, la Malaisie, l’Australie… Le projet artistique joue d’une interaction entre musiques traditionnelles et électroniques, images de cultures ancestrales et contemporaines, via le fil rouge de rituels rares et puissants, l’espace des paysages, les détails de la vie quotidienne, la marque des gestes, la singularité des voix ordinaires ou

extraordinaires, la beauté et la présence de ces hommes et de ces femmes, à l’autre bout de notre monde commun. Vendredi 15 octobre, la place sera faite au local Bodostyle, finaliste du concours “ jeune talent SFR ” en 2008, il sort sa première mixtape intitulée Maore Yatru, produite par DJ H. Après plusieurs collaborations artistiques, il sort sa deuxième mixtape en 2011, Yangou Musique (ma musique). La sortie en 2013 de son premier album Mahabari (les nouvelles) ne fait que confirmer son talent à travers des répertoires intégrés dans un registre musical qui inclut rap, reggae one drop, mgodro et sega…. Son

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faisant sa renommée à l’international. Sa façon de jouer de la basse est si unique que même des artistes comme Manu Dibango, Mamady Keita, Wyclef Jean, Marcus Miller et Lucas van Meerwijk l’ont saluée. Le Mahorais Lathéral viendra conclure ce deuxième soir avec ses rythmes traditionnels. Lauréat du concours “ 9 semaines et un jour ”, édition 2007, Lathéral cultive le rythme mgodro accéléré, s’accommodant d’un mélange tradition et cuivres, donnant de nouvelles sonorités. Les textes souvent incisifs de ses chansons, font une analyse pertinente de la situation politique et sociale dans les îles comoriennes et celle de Mayotte en particulier, ce qui lui a inspiré l’album Mayotte Département ? Vendredi 16 octobre, les Mahorais du groupe Talangu viendront ouvrir le dernier soir de festivités. Originaires de Chiconi, les six musiciens de la formation, passionnés de musique et d’écriture, orientent leur création vers le hip-hop, le reggae et la pop, en y ajoutant une touche de musique traditionnelle mahoraise. Suivra la performance du légendaire Baco et son groupe Urban Plant, grand nom de la musique locale. Une invitation au voyage, dans un univers sonore où les genres sont décomposés et reconstruits et habillés de textes conscients et profonds, portés par une voix chaude et solaire. Puis, tout droit venu d’Angers, le duo Bonbon Vodou fera vibrer sa voix douce marquée par la culture africaine et réunionnaise. Les deux pieds dans 20 pays, le binôme joue d’instruments glanés au gré des voyages, mais aussi d’un boxon hétéroclite d’objets quotidiens. dernier album qui s’intitule Roho, une coproduction avec le collectif DIX-15, reste un projet authentique alliant l’afrobeat, le mgodro et la musique du monde. Il sera suivi, le même jour, du groupe Cadavreski, aux multiples influences artistiques. Du rap-à-texte au disco, en passant par la chanson, Cadavreski se joue des genres, et les concerts s'enchaînent. Les plumes, les beats et les scratchs plus aiguisés que jamais, Cadavreski parcourt le monde pour distiller sa déferlante d'énergie, de bonne humeur et d'esprit, de poésie et d’amour-toujours… Puis, la chanteuse, bassiste et percussionniste Manou Gallo viendra offrir au public mahorais son énergie irrésistible, doublée d’une puissance remarquable,

Ensuite, place à la Réunionnaise Queen Favie, son coffre puissant et ses textes ciselés. Ses lyrics affirment un engagement de tous les instants. Queen Favie, une artiste aux influences hip-hop, reggae, soul, afro, dub et trap, élève avec elle, les femmes au rang des reines. Elle raconte leurs histoires, leur redonnant courage et espoir, avec une énergie positive qui la caractérise si bien. Enfin, le groupe mahorais Mwalim Klan se verra confier la mission de clôturer l’événement. Son style se veut original, innovant et authentique, marqué par le reggae et le shigoma. Une formule qui séduit, puisque ceux qui se définissent comme les messagers de Jah ont déjà fait les premières parties d’Alpha Blondy, The Wailers ou encore Tiken Jah Fakoli. Rien que ça… n

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DOSSIER

L.G.

EVÉNEMENT

KAYAMBA,

LE FESTIVAL QUI MÊLE MUSIQUES TRADITIONNELLES ET ÉLECTRONIQUES APRÈS UNE ÉDITION 2020 AVORTÉE À CAUSE DU COVID, LE JEUNE FESTIVAL DE MUSIQUE KAYAMBA REVIENT SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE EN OCTOBRE 2021. AU PROGRAMME : CINQ ARTISTES D’ICI ET D’AILLEURS QUI VIENDRONT PRÉSENTER LEURS NOUVELLES CRÉATIONS AU PUBLIC MAHORAIS QUE LES ORGANISATEURS ESPÈRENT NOMBREUX.

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DOSSIER

Vous aimez la modernité mais restez attachés à vos racines ? Vous aimez la culture mais préférez faire la fête ? Vous voulez danser sur des rythmes qui bougent mais ne savez que choisir entre musique traditionnelle ou électro ? Ne cherchez plus, le Kayamba est fait pour vous. Une soirée musicale ou les styles et l’ambiance montent crescendo. Cinq artistes originaires de l’océan Indien, d’Afrique mais aussi d’Europe réunis le

23 octobre à Musical Plage pour enflammer le dancefloor ensablé. Comme l’explique Yohann Legraverant, fan de musique électro et de concerts, le Kayamba est né d’un constat. Celui du manque de scènes musicales sur l’île. L’amateur de festivals est alors devenu organisateur. Avec un groupe d’amis, ils ont monté la première édition du Kayamba qui souffle aujourd’hui sa troisième bougie

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avec une programmation toujours plus diversifiée, tant sur le plan culturel que musical. En parallèle du festival, les organisateurs ont organisé des résidences artistiques d’une dizaine de jours sur l’île où les stars de l’événement pourront travailler en lien avec des structures et artistes mahorais. L’occasion de promouvoir le mélange des genres, et qui sait, peut-être créer des vocations. “ Ce qu’on recherche avec le Kayamba c’est créer des connexions. Trouver une complémentarité entre les artistes et toucher de nouveaux musiciens ou chanteurs qui souhaiteraient venir se produire à Mayotte. Notre rêve serait qu’un artiste mahorais de musique traditionnelle inclue des sonorités électroniques dans ses compositions ou à l’inverse un artiste électro ajoute des musiques traditionnelles à ses productions et qu’il arrive à s’exporter grâce à ses créations ”, explique l’organisateur.

Ou encore, L-Had. “ Il est un maître de l’utende, un art oratoire ancestral de Mayotte aujourd’hui disparu. Avec des instruments de différents continents, il habille par la musique cet art poétique habituellement nu avec comme objectif de le rendre à nouveau populaire sur l’île et de le faire découvrir au reste du monde. ” Et enfin, Praktika. “ Durant plusieurs années, le producteur et DJ a sillonné le continent africain à la recherche de son identité sonore orientée techno qu’il a petit à petit façonnée grâce à ses rencontres et sa curiosité pour les techniques et instruments traditionnels.” Sur place les festivaliers pourront se garer sur un parking sécurisé et bénéficier d’une buvette pour se restaurer. Seules conditions ? Se munir de son pass sanitaire et réserver ses billets en ligne. Alors prêt à faire la fête ? Rendez-vous le 23 octobre prochain à Musical plage !. n

LES ARTISTES ET LE FESTIVAL Envie d’en savoir plus ? Les organisateurs de l’événement vous présentent les artistes. Tout d’abord, Blakaz. “ À travers son projet, l’artiste explore les territoires de l’océan Indien à la recherche de nouvelles sonorités en utilisant ses synthétiseurs tout en respectant l’âme des musiques traditionnelles. Il restituera en live avec l’artiste L-Had le travail réalisé durant leur semaine de résidence artistique au Pôle culturel de Chirongui, avant de prolonger le plaisir avec un DJ set spécial Blakaz ”. Puis, Cornelius Doctor & Tushen Raï, deux militants qui participent activement à la richesse et à l’ouverture d’esprit de la scène électronique lyonnaise. “ Les DJs et producteurs se sont lancés dans l’aventure d’un label pas comme les autres en 2017. Ce label met en avant une communauté internationale d’artistes qui cassent les codes classiques de la club culture house/techno avec des touches acid/ cosmic/dark disco voir new wave, des sonorités folkloriques, les polyrythmies des musiques non-occidentales, ou encore la polyphonie de chants traditionnels, entre autres ! ”. Mais aussi, Deena Abdelwahed. “ Quand elle joue, Deena Abdelwahed n’est pas là pour vous faire danser avec votre morceau préféré. Elle recherche plutôt l’innovation, l’aventure sonore, avec une électro hybride puissante à la rencontre de la bass music anglaise et de la musique arabo-berbère. Très vite qualifiée d’étoile montante de la scène techno, elle a acquis une réputation mondiale pour ses sélections musicales underground sur les plus grandes scènes européennes. ”

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DOSSIER

L.G.

PORTRAIT

LE DJ ET PRODUCTEUR

PRAKTIKA FAIT SE RENCONTRER MUSIQUES TRADITIONNELLES ET ÉLECTRONIQUES

PARMI LES ARTISTES ATTENDUS SUR LA SCÈNE DU FESTIVAL KAYAMBA SAMEDI 23 OCTOBRE, PRAKTIKA. CELUI-CI VIENDRA FAIRE DÉCOUVRIR AU PUBLIC MAHORAIS DES SONORITÉS QU’IL A RAMENÉ AU COURS DE CINQ ANNÉES DE VIE SUR LE CONTINENT AFRICAIN ET QU’IL MÊLE AVEC DEXTÉRITÉ À DES RYTHMES ÉLECTRONIQUES.

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Au détour de ses voyages en Afrique de l’Ouest, Jérôme Fouqueray, alias Praktika, a découvert la fusion entre sonorités traditionnelles et électroniques. Musicien depuis toujours, il affirme avoir trouvé dans la musique africaine une approche différente du cinquième art. “Pour moi qui détestais le solfège étant petit, découvrir que l’on peut faire de la musique sans dépendre d’une partition a été une réelle révélation. Dans les musiques africaines, il y a beaucoup d’improvisation, de rythme. Un même morceau peut durer 3 comme 20 minutes. Quand on joue, le temps s’arrête”, s’extasie l’artiste. Au total, Praktika a vécu cinq ans en Afrique où il a pu, aux côtés d’artistes locaux, découvrir de nouvelles sonorités et travailler sur des projets innovants. “J’ai d’abord vécu au Burkina Faso où j’ai participé à la création du festival Africa Bass

Culture (ABC), qui mêle des cultures musicales traditionnelles et électroniques. Puis, un an plus tard, je suis parti en Côte d’Ivoire où j’ai multiplié les rencontres avec des musiciens locaux. Par la suite, j’ai posé mes valises au Mali où je me suis formé à la production avant de rentrer en France où j'ai commencé à me produire dans des concerts”. Un parcours initiatique pour le Dj qui donne aujourd’hui des représentations en live partout en France.

POURQUOI LE KAYAMBA ? Interpellé par l’un des organisateurs du Kayamba lors d’un festival en 2020, Praktika a tout de suite accepté de participer à l’édition 2021. “Je trouve que la programmation du festival est riche. Je ne connais pas personnellement tous les artistes qui seront présents mais je les suis et apprécie beaucoup leur travail. Le Kayamba sera pour moi l’occasion de découvrir Mayotte et de rencontrer les artistes avec qui je partagerai la scène”, se réjouit Praktika. En plus, de donner un concert le 23 octobre, l’artiste va réaliser une résidence artistique à l’école de musique de Mamoudzou. Làbas, il donnera aux élèves des cours sur un logiciel permettant de créer de la musique électronique. Très ambitieux, il espère en une semaine pouvoir monter un spectacle avec les jeunes et les initier au mariage entre musique traditionnelle et électronique. Dj, producteur, musicien mais aussi enseignant, rien ne semble arrêter l’artiste. Aujourd’hui, Jérôme Fouqueray affirme ne pas vouloir se limiter à un genre musical. Il espère ainsi, à travers de nouvelles rencontres et de nouveaux voyages, découvrir des sonorités qui continueront à le faire danser et vibrer. Puisse sa venue à Mayotte lui être favorable !

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L.G

QUAND PRÉSERVATION DE L’ENVIRONNEMENT RIME AVEC ÉDUCATION AU LYCÉE DE SADA Entre janvier et juin 2021, les élèves de la Seconde Parcours du lycée de Sada ont réalisé un magazine intitulé “La pollution et la protection du lagon”. Un projet encadré par deux professeurs, Yann Legal et Ahmadou Fall. Au-delà de l'intérêt pédagogique, cette aventure a surtout été un moteur de sensibilisation.

Ne pas polluer ? Mais pourquoi donc ? C’est ce qu’ont cherché à comprendre les élèves de la classe de Seconde Parcours 2020-2021 du lycée de Sada. Pendant six mois, ils ont travaillé quatre heures par semaine à l’élaboration d’un journal environnemental afin de sensibiliser leurs lecteurs à la préservation de la faune et

de la flore de Mayotte. Abordant tour à tour les thématiques de la pollution, des déchets plastiques, de la mangrove, des coraux ou encore des espèces qui peuplent le lagon. En une vingtaine de pages, ils ont pointé du doigt les problématiques et les enjeux

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auxquels sont soumis les espaces naturels mahorais. Aujourd’hui, le magazine tiré à cinquante exemplaires trône dans la bibliothèque de ses auteurs et sert également d’outils de travail à des enseignants de l'établissement scolaire.

Une porte ouverte sur la connaissance Très fier de ce projet, Ahmadou Fall revient sur les domaines dans lesquels les étudiants ont travaillé. “Les élèves de Seconde Parcours ont des difficultés sur le plan scolaire. Les amener à réaliser un travail de recherche documentaire et d’écriture a été un réel défi qu’ils ont relevé avec brio", se réjouit le professeur documentaliste. Après avoir choisi la thématique de ce magazine avec son collègue de lettres, Yann Legal, ils ont laissé aux élèves le libre choix des titres et sous-titres du projet. Ils ont alors décidé de traiter deux termes diamétralement opposés, “pollution” et “protection”. C’est ainsi que le journal est né. En binômes, les élèves ont commencé leur enquête sur Internet. Chercher une information, vérifier ses sources, dénicher des images d’illustration puis mettre en page leurs articles... Les jeunes sont devenus de véritables journalistes en herbe ! “Notre objectif premier était de les sensibiliser, de leur apporter des connaissances et de leur faire prendre conscience des problématiques environnementales. Par la suite, ils ont appris à produire un travail de qualité tant dans la recherche d’informations que dans la qualité de leur expression écrite, mais aussi dans le respect de la propriété intellectuelle”, détaille Ahmadou Fall.

Susciter des vocations Au détour de ce projet, les professeurs se sont rendu compte avec beaucoup de tristesse que la plupart de leurs élèves ne connaissaient pas ou peu le lagon. Impossible alors pour eux de penser aux conséquences que pouvait avoir leur comportement du quotidien sur cet écosystème fragile... “Nous leur avons expliqué qu’en jetant leurs déchets n'importe où, ceux-ci se retrouvaient directement dans l’estomac des poissons qu’ils consommaient”, précise le professeur documentaliste.

À la fin de ce projet, les élèves ont assuré avoir modifié leur comportement et prennent aujourd’hui plaisir à se documenter sur le sujet. Au CDI du lycée, ils empruntent et lisent avec envie les ouvrages traitant de l'environnement à Mayotte. Et pour certains, la vocation que le projet a suscitée est toute autre, ils envisagent d’apprendre à nager pour aller découvrir de leurs propres yeux les richesses de l'un des plus beaux lagons du monde. n

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LITTÉRATURE

LISEZ MAYOTTE

DANS L’ANTRE DES JEUNES HOMMES MAHORAIS

Faïdati et les contrebandiers de Soulou Laurence Lavrand (Editions L’Harmattan) 2011, l'île de Mayotte est paralysée par les grèves. Une jeune fille, Faïdati, rêve de venir faire ses études en France ; des jeunes gens, désoeuvrés et en colère, traînent sur les barrages ; les ruines d'une vieille usine sucrière sont hantées la nuit... Découvrez la vie à Mayotte à travers le regard de Faïdati, entre mystère, émotions, révolte et amitié. (2013)

AGRÉGÉ DE LETTRES MODERNES ET DOCTEUR EN LITTÉRATURES FRANCOPHONES, CHRISTOPHE COSKER EST L’AUTEUR DE NOMBREUX OUVRAGES DE RÉFÉRENCE SUR LA LITTÉRATURE DE L’ÎLE AUX PARFUMS, NOTAMMENT UNE PETITE HISTOIRE DES LETTRES FRANCOPHONES À MAYOTTE (2015) DONT IL REPREND, APPROFONDIT ET ACTUALISE, DANS CETTE CHRONIQUE LITTÉRAIRE, LA MATIÈRE. Parmi les livres qui s’écrivent à Mayotte sur Mayotte, certains sont composés par ceux que les Mahorais appellent les wazungu. Parmi eux, la plus prolixe est un auteur pour la jeunesse du nom de Laurence Lavrand. Et dans l’un de ses romans, elle décrit par le menu le banga du frère de son héroïne Faïdati qui est, comme le titre l’indique, aux prises avec des “ contrebandiers de Soulou ”, l’action se situant dans les ruines d’une ancienne usine sucrière, vestige de la colonisation. La description du banga commence de façon documentaire et presque ethnographique, comme le signale la note entre parenthèses :“ Au fond de la cour, derrière la maison, se dressait le banga (à l’âge de 15 ou 16 ans, le garçon quitte la maison familiale et construit, à côté, une petite case) de son frère, la porte donnant sur le mur du fond. Il y habitait depuis l’été de ses seize ans. ” (p. 20) Le banga est donc attenant à la maison familiale. C’est la case qui permet à l’adolescent de sexe masculin de s’émanciper progressivement. On a confirmation des matériaux utilisés pour construire cette case - boue séchée et feuilles de cocotiers - ainsi que de la façon dont elle est construite, à savoir grâce à l’entraide collective, musada en langue vernaculaire : “ Avec des amis d’alors, il avait érigé les montants de bois, monté lentement les murs de boue séchée mêlée à de la paille puis posé le toit de feuilles de cocotier au tressage si serré que la pluie ne pouvait y pénétrer. Il aurait préféré de

la tôle, bien sûr, mais la famille n’en avait pas les moyens. ” (p. 20) Ici, le caractère traditionnel de l’habitation n’est pas seulement lié à une volonté culturelle, mais aussi à la situation économique modeste de la famille. Le paragraphe suivant indique le point de vue féminin de la description d’un habitat éphémère masculin : “ Une petite fenêtre perçait le mur principal, permettant à la lumière du jour d’éclairer cette chambre personnelle qui faisait rêver Faïdati. Elle partageait en effet la sienne avec ses deux petites sœurs, Amina et Echati. Heureusement, elle avait réussi jusqu’à présent à leur interdire de toucher ses affaires de classe, se rappelant la honte de son amie Youmna qui, n’ayant pas eu le temps de recopier son devoir, avait un jour rendu une copie bariolée d’arabesques multicolores faites par son jeune frère de trois ans. ” (p. 20-21) Qui, en effet, se plaint du soin des travaux parfois rendus par les élèves de Mayotte devrait se demander où se situe leur bureau et si leur habitation possède l’eau courante et l’électricité ou s’il leur faut chercher un coin d’éclairage public, à la nuit tombée, pour réviser les leçons. Le point de vue est ici non seulement féminin, mais aussi et surtout envieux de celui qui possède une chambre à lui pour grandir en appréciant un peu de solitude et de tranquillité. Si Faïdati connaît l’intérieur du banga de son frère Nafuhondine, c’est parce qu’il lui revient d’en remplir le réfrigérateur et d’y faire

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le ménage : “ Le banga était silencieux. Une heure plus tôt, elle avait aperçu Nafuhondine quitter la maison, la guitare sur le dos. Il allait disparaître, peut-être jusque tard dans la nuit, mais gare à elle s’il ne trouvait pas à son retour une portion de riz dans le petit frigo de la cuisine. ” (p. 21) Comme confirmé dans le premier beau livre sur Mayotte, le banga est avant tout une façade décorée :“ Il avait peint sur la porte de son banga des têtes de mort destinées à signifier aux intrus qu’ils n’étaient pas les bienvenus dans son repaire. Cela faisait peur à Amina et Echati, mais fascinait Zidane qui, du haut de ses 10 ans, était éperdu d’admiration pour son grand frère, qu’il rêvait d’imiter. ” (p. 22) Les têtes de mort ont ici pour valeur de maintenir le secret et la vie privée. On imagine qu’elles pourraient se trouver sur un journal intime ou tout autre objet cher à un adolescent et à l’accès duquel il tente d’interdire le profane, l’intrus, l’adulte. Grâce à la narratrice, nous pénétrons enfin dans la tanière du jeune homme : “ Faïdati, elle, n’aimait guère entrer dans cette pièce meublée d’un matelas, d’une table basse où était posée une lampe alimentée par une rallonge qui traversait la cour jusqu’à la cuisine. C’est pourtant elle qui avait dû coudre

les rideaux accrochés à la fenêtre et à la porte et garantissait non la sécurité, mais un peu d’intimité à Nafuhondine lorsqu’il recevait. Un serrure ou un cadenas aurait coûté de l’argent. La porte était donc fermée par une targette de bois qui n’aurait dissuadé aucun voleur. De toute façon, comme il exigeait qu’on lui fasse la vaisselle et parfois le balayage, Nafuhondine était obligé de laisser son logis accessible. Faïdati poussa le loquet, souleva le tissu à grosses fleurs. Comme à chaque fois elle jeta un regard désapprobateur sur les murs ornés de posters de stars du ballon et de filles en tenue légère ou toutes nues. Où trouvait-il donc ces images, lui qu’on ne voyait jamais une revue à la main ? ” (p. 21) L’impression immédiate de la sœur qui pénètre dans l’univers masculin de son frère est le malaise. L’adolescente sent bien qu’il s’agit là d’un repaire de garçons, d’une garçonnière à tous les sens du terme, ce que confirment, non seulement les images de sportifs, mais également celles de pin-ups, “ filles en tenue légère ou toutes nues ”. Mais c’est moins l’image de la femme qui la surprend que le fait de chercher à savoir d’où proviennent ces images collectionnées par quelqu’un qui ne lit pas !

Christophe Cosker

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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayottehebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédactrice en chef Solène Peillard

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Couverture :

Carrefour des cultures

Journalistes Romain Guille Raïnat Aliloiffa Constance Daire Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mohamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com

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