LE MOT DE LA RÉDACTION
L'OUTRE-MER CROÎT SANS Y CROIRE En cette fin d'année, il semblerait que la campagne présidentielle 2022 en soit à l'étape des territoires d'Outre-mer, avant de les oublier lors des fêtes de fin d'année. Emmanuel Macron (LREM) essaie par exemple de défendre son bilan à l'occasion du référendum sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie, boycotté par les indépendantistes kanaks. Jean-Luc Mélenchon (FI), de son côté, commence sa tournée ultramarine par la bouillonnante Guadeloupe, tandis que Fabien Roussel (PCF) draguera l'île voisine de La Réunion. Marine Le Pen (RN), elle, est à Mayotte en ce moment, pour faire campagne sur le thème de… L'immigration, sans surprise. Certes, le héros du Huis clos de Sartre affirmait que "L'enfer, c'est les autres". Mais ne faudrait-il pas balayer devant sa porte, et cesser d'élire des hommes tels que le maire de Chirongui, qui condamne le seul cinéma de l'île à une mauvaise gestion ? Ou encore réduire l'incroyable taux de natalité que connaît l'île ? Lorsque nous quitterons 2021, plus de 10 000 enfants y auront vu le jour, sans que leurs parents n'aient de vision viable de ce que sera le 101ème département français dans les prochaines années. L'accès restreint à la contraception et l'évolution tardive des mentalités, en effet, freinent encore le développement socio-économique de Mayotte. Difficile cependant d'en vouloir aux Outre-mer, lorsque leurs dirigeants y règnent sans les développer. Bonne lecture à toutes et à tous.
Axel Nodinot
TOUTE L’ACTUALITÉ DE MAYOTTE AU QUOTIDIEN
Lu par près de 20.000 personnes chaque semaine (enquête Ipsos juillet 2009), ce quotidien vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre également un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.
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FI n°3839 Lundi 7 mars 2016 St Félicie
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FI n°3822 Jeudi 11 février 2016 Ste Héloïse
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FI n°3818 Vendredi 5 février 2016 Ste Agathe
marine le Pen
environnement
Port de Longoni
ConSeil départeMental
Quel accueil se prépare pour la présiDente Du Fn ?
Le Lagon au patrimoine mondiaL de L'unesCo ?
la dsP sur la sEllEttE
pas de changement sUr l’octroi de mer
© Jonny CHADULI
Grève à Panima
TéléThon 2016
Des propositions mais toujours pas D'issue
DemanDez le programme
première parution : juillet 1999 - siret 02406197000018 - édition somapresse - n° Cppap : 0921 y 93207 - dir. publication : Laurent Canavate - red. chef : Gauthier dupraz - http://flash-infos.somapresse.com
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FI n°3997 mercredi 30 novembre 2016 St André
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Diffusé du lundi au vendredi, Flash Infos a été créé en 1999 et s’est depuis hissé au rang de 1er quotidien de l’île.
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Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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MCG VS SMart
ViCe-reCtorat
UltimatUm oU véritable main tendUe ?
l’institUtion répond aUx critiqUes
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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TCHAKS LE CHIFFRE 100€
C’est le montant du passeport culturel que le Conseil départemental souhaite déployer dès 2022. Ce dispositif est une aide dématérialisée de 100 euros à l’année, offerte aux jeunes de 15 à 25 ans, mais également disponible pour tout demandeur d’emploi de moins de 30 ans. Ce dispositif, qui existait déjà dans les autres départements français depuis 2021, offre 300 euros à tous les jeunes de 18 ans et plus sur une période de 24 mois, ainsi que 100 euros par an à tout jeune de 15 à 18 ans. Les offres du passeport culturel resteront les mêmes, seulement, à partir du premier janvier 2022, la jeunesse mahoraise pourra donc en bénéficier. Cette dernière pourra ainsi s'en servir pour accéder aux offres culturelles du territoire, même sans en avoir les moyens, une bonne manière de soutenir les acteurs et prestataires culturels de Mayotte. L’inscription au pass culture se fait via l’application ou le site gouvernemental dédié.
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LA PHRASE
“Le sentiment que l'action de la préfecture […] dans le département est illisible” Dans une lettre ouverte, Issihaka Abdillah, ancien élu et observateur de la vie politique mahoraise, s'adresse directement au préfet de Mayotte, Thierry Suquet, lui reprochant un manque de communication vis-à-vis des actions de l'Etat sur l'île. "Des actions sont certainement réalisées ou sont en cours de réalisation et pourtant l’impression générale laissée est celle d’une opacité, d’un manque de transparence et d’impact sur la société, d’immobilisme", assène Issihaka Abdillah. Ce dernier revient aussi sur les interrogations que suscitent l'ARS de Mayotte ("Durant trois années, les intérêts des Mahorais ont été relégués au second plan à cause de querelles tristement carriéristes") et le rectorat de Mayotte : "La menace sur la qualité de notre système éducatif est palpable", "La dégradation de notre système ne fait plus mystère, elle est manifeste".
L'ACTION
Un festival des jeunes talents à Bandraboua L'association Mafoumbouni organise ce week-end un festival pour les jeunes talents mahorais, intitulé Machaka Mchakaki. Cet événement, financé par la DRAJES (Délégation régionale académique à la jeunesse, à l'engagement et aux sports) de Mayotte et la commune de Bandraboua, aura lieu sur la place remblai du village, du 17 au 18 décembre 2021.Ce festival est ouvert à toutes et à tous et a pour but de valoriser les jeunes amateurs dans le milieu artistique, la liberté d’expression et la société mahoraise, mais aussi de leur permettre d’avoir accès à la culture. TV Mafoumbouni proposera de nombreuses activités durant les deux jours consécutifs : la journée du 17 décembre sera consacrée à des ateliers théâtre, peinture et découverte de l’art et de la culture, de 15h à 17h. Quant au lendemain, de nombreux artistes se produiront en théâtre, stand up, chants et danses, de 17h à 20h.
IL FAIT L’ACTU Andhanouni Saïd met la main sur son cinéma En résiliant le contrat de gestion du cinéma de Chirongui par l'association Ciné Musafiri, la commune soulève de nombreux doutes. Cette résiliation, décidée lors du conseil municipal du 12 décembre, a pour motif des "manquements graves" en matière de dépôts de comptes, ce que l'association conteste fermement. "Ils ont pris une décision abusive et illégale", clame Anthony Boché, son directeur, en affirmant que Ciné Musafiri saisira la justice. Malgré cela, le cinéma de Chirongui sera géré par la commune à partir du 1er janvier 2022. Malheureusement, cette dernière ne possède pas les compétences requises pour faire fonctionner un cinéma, et d'aucuns s'accordent à dire que l'établissement culturel vit ses derniers jours. N'oublions pas que pour Andhanouni Saïd, maire de Chirongui, "le futur, c'était mieux avant".
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LU DANS LA PRESSE
Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale
OPÉRATION SÉDUCTION EN OUTRE-MER POUR MARINE LE PEN, FABIEN ROUSSEL ET JEAN-LUC MÉLENCHON Le 14 décembre 2021, par Marie-Pierre Bourgeois pour bfmtv.com face à une forte immigration clandestine venant des Comores, à seulement quelques dizaines de kilomètres de ces terres françaises.
Les aspirants à la présidentielle se déplacent cette semaine dans les territoires ultra-marins, en pleine crise sanitaire et sociale, pour séduire les électeurs à 5 mois du premier tour. Faire campagne avant les fêtes en Outre-mer. C'est la stratégie adoptée par Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Fabien Roussel qui s'y déplacent cette semaine. Si le communiste n'était pas sur la ligne de départ en 2017, la candidate du RN et l'insoumis y ont réalisé leur meilleurs scores nationaux lors de la précédente présidentielle. Direction Mayotte puis la Réunion pour la députée du Pas-de-Calais, tout comme pour le chef du PC. Le leader de la France insoumise, lui, se rend en Guadeloupe avant de se rendre en Martinique. L'immigration clandestine des Comores dans le viseur de Le Pen Le moment est d'autant plus propice que la visite de Sébastien Lecornu en Guadeloupe et en Martinique en pleine crise sanitaire et sociale a fortement déçu. Le ministre n'a en effet passé qu'une seule journée à Pointe-à-Pitre avant d'enchaîner sur un déplacement express à Fort-de-France fin novembre. A Mayotte, Marine Le Pen rencontrera du 16 au 18 décembre le Grand Cadi, le référent de la religion musulmane à Mayotte, avant de visiter notamment un dispensaire et un établissement scolaire. Très durement touchée par la crise sanitaire, l'île fait également
Pour conclure son déplacement, la candidate tiendra un meeting à Mamoudzou dans lequel elle déclinera ses propositions pour lutter contre l'immigration illégale. La parlementaire est en terrain conquis alors qu'elle a récolté au premier tour en 2017 27,28% des voix, très loin devant son score métropolitain (21,3%). Marine Le Pen se rendra ensuite à la Réunion pour évoquer la filière de la canne à sucre qui s'inquiète de la levée des quotas de production au niveau européen. L'occasion pour la députée de faire entendre ses critiques sur le fonctionnement des institutions bruxelloises. Jordan Bardella, le président du RN par intérim, s'était déjà rendu sur l'île au début du mois. Lever l'obligation vaccinale des soignants pour Mélenchon Jean-Luc Mélenchon se rend de son côté en Guadeloupe ce mardi pour visiter le CHU des Abîmes. Cette visite se veut à haute valeur symbolique alors que la crise sociale est partie de l'obligation vaccinale pour les soignants. La France insoumise appelle de ses voeux l'annulation de cette obligation pour les personnels hospitaliers. Elle a pour l'instant été reportée au 31 décembre aux Antilles. Elle devrait également permettre au candidat de mettre l'accent sur ses propositions dans le domaine de la santé comme un moratoire sur la fermeture des lits et de marquer des points dans un territoire dans lequel il a obtenu 24,13% des voix contre 19,58% au niveau national. Quant à Fabien Roussel qui se rend cette semaine à la Réunion, ce sera l'occasion de détailler son plan d'urgence qui cherche à augmenter le pouvoir d'achat des populations ultramarines. Le communiste s'était déjà rendu fin novembre en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe. Les prix de l'alimentaire sont 38,2% plus élevés aux Antilles qu'en métropole, d'après l'INSEE.
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PORTRAIT
Axel Nodinot
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NIZAR ASSANI HANAFFI HABITÉ PAR SES CONVICTIONS Premier titulaire d'une carte d'agent immobilier sur l'île au lagon, Nizar Assani Hanaffi a tout lâché pour le secteur, devenant en 2018 le coprésident du comité territorial d'Action Logement à Mayotte. Depuis, le Sadois de 39 ans redouble de volonté pour porter le logement au cœur des préoccupations des élus et du peuple mahorais. Rencontre avec celui qui s'est construit à force d'engagement personnel et de remises en question professionnelles.
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PORTRAIT À l'évocation de la réputation des Sadois, présumés prétentieux par une partie des Mahorais, Nizar Assani Hanaffi répond que "pour chacun d'entre nous, il est nécessaire de faire en sorte de s'en sortir dans la vie, et de le faire honnêtement". Il faut dire que celui qui n'a pas encore 40 ans est très attaché au "cadre de vie que propose son village", y ayant passé toute sa jeunesse et sa scolarité. Il n'y a guère que le collège que le tout jeune Nizar, deuxième d'une fratrie de cinq enfants, effectue à Chiconi. Aujourd'hui, M. Assani Hanaffi vit toujours à Sada, en compagnie de sa "formidable femme", de ses trois enfants… Et d'une détermination rare. "Je fais l'aller-retour Sada – Mamoudzou tous les jours", s'exclame celui qui n'a peur ni des voyages, ni du changement.
Après son bac, obtenu en 2002, il part d'ailleurs en métropole pour trois années de licence de droit, à la suite desquelles il revient à Mayotte, pour un poste au sein du cabinet d'avocats de Thani Mohamed Soilihi. "J'y ai passé une année", témoigne Nizar Assani Hanaffi". Mais, ayant soif de terrain et de concret, il décide de démissionner et de reprendre ses études en 2006, à Calais, dans le cadre d'un BTS professions immobilières. "J'ai observé le territoire de Mayotte et ai observé que l'immobilier était un secteur en développement, que la population était en demande de logements, explique-t-il. J'ai recommencé à zéro."
Du Medef à Action Logement Son brevet en poche, le jeune homme revient à Mayotte en 2009, où il installe son entreprise Deltah Immo, devenant ainsi le premier agent immobilier officiel de l'île. "Lorsque je me suis installé, des confrères étaient déjà là, pondèret-il. Mais la nouvelle loi réclamait une carte professionnelle d'agent immobilier. J'ai donc obtenu la première carte sur le territoire." Une victoire de bien courte durée, tant les difficultés ont été nombreuses au départ. Le chef d'entreprise doit en effet faire face à une méconnaissance mahoraise au sujet de son métier, à laquelle il oppose une "approche pédagogique". Mais aussi à une période de vache maigre longue de trois années, les trois premières de son entreprise. "J'ai commencé mon activité sans rémunération,
explique Nizar Assani Hanaffi. Mon objectif était plutôt de payer mes charges et d'assurer le salaire de ma salariée."
Aujourd'hui, sa structure évolue toujours progressivement, comptant trois personnes, lui y compris. Les biens immobiliers qu'elle gère, quant à eux, sont bien plus nombreux, et éparpillés "sur tout le territoire". Mais le Sadois ne s'arrête pas là. Adhérent au Medef Mayotte depuis 2014 et membre du conseil d'administration du mouvement patronal depuis le mois de juin 2021, il s'intéresse à ses missions économiques et sociales. En 2018, Carla Baltus lui propose d'intégrer le comité territorial d'Action Logement à Mayotte, une organisation qui existe dans les 13 Outremer français. Le 18 septembre, il est élu président du comité territorial mahorais, composé de cinq membres du Medef et de quatre membres des organisations salariales. "Lorsque j'ai accepté cette mission, je ne m'attendais pas à cette quantité d'actions, avoue-t-il. Je découvrais la structure mais devais tout de suite être opérationnel."
"Favoriser l'accès au logement pour faciliter l'accès à l'emploi" Le lendemain de son élection, effectivement, Nizar doit décoller pour une convention nationale à Paris. Depuis, il ne cesse d'accorder son attention à l'association reconnue d'utilité sociale, qui a pour but de "favoriser l'accès au logement pour faciliter l'accès à l'emploi". Et, à Mayotte, le logement n'est plus qu'une simple question, mais bien une véritable problématique. "Aujourd'hui, ce n'est plus un sujet qu'il faut imaginer, mais notre quotidien, déclare Nizar Assani Hanaffi. Nous avons pour seul objectif de proposer du logement abordable pour les salariés des entreprises privées, mais aussi à tous les Mahorais, puisque nous participons au financement de beaucoup de politiques publiques telles qu'Action Cœur de Ville ou l'ANRU [Agence nationale pour la rénovation urbaine, NDLR]." Dans le 101ème département français, Action Logement doit faire face à une population nombreuse et jeune mais précaire, dont les conditions de vie sont parfois intolérables, ainsi qu'à une pénurie de logements disponibles. "Il suffit de se promener sur le
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territoire de Mayotte pour constater que peu de logements sont en bon état, qu'il y a beaucoup de bidonvilles, déplore-t-il. On se trompe même sur les habitants : on croit qu'il n'y a que les personnes en situation irrégulière qui vivent le mal-logement. Mais il y a beaucoup de fonctionnaires ou de salariés français ou en situation régulière pour qui c'est compliqué." Face à cet état de fait alarmant, que d'aucuns condamnent sans agir, l'objectif de l'association et de son président est de "proposer de la dignité".
"Porter le logement comme sujet majeur" Si Action Logement n'est pas que Nizar Assani Hanaffi, ce dernier est Action Logement. Parlant moins de sa personne que de l'association, l'agent immobilier détaille ses dispositifs, à l'image de ceux permettant une mobilité aux salariés mahorais. Renouvelé dans ses fonctions fin 2020, le coprésident accueille chaleureusement l'arrivée d'un "opérateur social construisant du logement", entérinée lors d'une convention ayant eu lieu le 1er décembre, et met un point d'honneur à communiquer sur les actions passées de l'association. Le 30 novembre, cette dernière inaugurait aussi se première agence sur la place Mariage, à Mamoudzou. "Construire plus de logements et achever ceux existants", tels sont désormais les objectifs d'Action Logement sur l'île, qui peuvent s'appuyer sur des aides de "50 000 euros pour l'achèvement et 100 000 euros pour la construction de logements". En 2021, 48 millions d'euros ont ainsi été versés à la SIM (Société immobilière de Mayotte).
Nizar Assani Hanaffi, quant à lui, continuera d'exercer ses fonctions bénévolement, et de gérer son entreprise. "Je n'ambitionne rien d'autre que d'exercer le métier que je fais actuellement, et assumer mes responsabilités en tant que père de famille, affirme-t-il. L'éducation de mes enfants est plus importante que beaucoup d'autres choses, pour que, demain, ils puissent concourir dans cette vie de plus en plus compliquée." Cette vie, le premier agent immobilier mahorais veut y incorporer la problématique du logement, "aussi importante, si ce n'est plus importante, que l'insécurité", défend-il : "Quand on a un toit au-dessus de la tête, je ne pense pas que l'on ait envie d'aller faire des bêtises dehors. Les élus locaux doivent porter le logement comme sujet majeur, c'est un choix politique courageux et passionné." Passionné, comme l'auteur de ces mots. n
" On croit qu'il n'y a que les personnes en situation irrégulière qui vivent le mal-logement " 9
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PARENTALITÉ
5, 6, 7… BASS
Il ne fait nul doute, pour les observateurs comme pour la plupart des Mahorais eux-mêmes, que la natalité est beaucoup trop haute sur l'île au lagon. Submergées par des conditions de vie pour le moins difficiles, les familles continuent pourtant d'avoir plus de quatre enfants par femme en moyenne. Le dossier statistique sur la perception de la parentalité et de la contraception, compilé par l'ARS en novembre 2020, donne quelques réponses à cette problématique, soulevée en 2016 par une enquête MFV-Mayotte conçue par l'INED (Institut national des études démographiques) et mise en œuvre par l'INSEE. Ce sont 3200 Mahoraises et Mahorais de 18 à 79 ans qui y avaient répondu, permettant de chiffrer l'un des principaux maux du 101ème département français.
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Axel Nodinot
ANALYSE
PLUS DE 10 000 NAISSANCES EN 2021 À MAYOTTE
AVEC 9913 NAISSANCES À LA FIN DU MOIS DE NOVEMBRE, L'ÎLE AU LAGON DÉPASSERA ALLÈGREMENT LES 10 000 NAISSANCES EN 2021. CES CHIFFRES, GRIMPANT AVEC LES ANNÉES MALGRÉ LA PRÉCARITÉ CARACTÉRISTIQUE DU 101ÈME DÉPARTEMENT FRANÇAIS, SONT LE RÉSULTAT DE LA MENTALITÉ MAHORAISE AU SUJET DE LA PARENTALITÉ. Record battu. Plus de dix milliers d'enfants auront vu le jour à Mayotte cette année, surpassant les 9770 nourrissons de 2019. Plus que jamais, Mayotte confirme ainsi son statut de première maternité de France, enregistrant 30 naissances par jour en novembre, et même plus de 1000 par mois en mars, avril et mai 2021. Se réjouir de ces performances serait pourtant bien téméraire, à la lumière de la précarité dont est victime la société mahoraise, possédant le plus faible PIB par habitant de France. Pourtant, le CHM continue de faire naître de plus en plus d'enfants, 4,2 en moyenne par femme, contre 1,8 en métropole. Les parents sont en outre plus jeunes à Mayotte, avec un âge moyen déclaré de 25 ans à la naissance du premier enfant, alors qu'il n'est que de 30,7 ans dans la France entière. Dans le 101ème département français, les enfants deviennent parents. 7% des pères l'ont été alors qu'ils étaient encore mineurs.
Les hommes ont d'ailleurs plus d'enfants que les femmes, et en désirent plus qu'elles. Les femmes mahoraises questionnées par l'INSEE veulent 5 enfants en moyenne, et considèrent avoir "trop d'enfants" à partir de 6. Quant aux hommes mahorais, ils veulent 7 enfants en moyenne, et pensent que c'est trop au-delà de 8. Ces différences sont motivées par plusieurs facteurs, selon Mlaili Condro. Le docteur en sciences du langage a aussi un œil avisé sur la société mahoraise, et notamment au sujet de la parentalité. "Ce n'est pas étonnant que les désirs des hommes soient plus élevés, il y a une instabilité matrimoniale de leur côté due à la polygamie », explique-t-il. « Et un mariage qui ne donne pas d'enfants est un mariage menacé."
"C'EST DIEU QUI DONNE" L'autre problème est la contraception, charge qui est encore considérée féminine sur le territoire. Si cette considération est inégalitaire, ce sont bien les femmes
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qui doivent subir les accouchements, sans parler de l'éducation, qu'elles assurent en grande partie pour beaucoup d'entre elles. Ainsi, c'est au-delà de trois enfants que les femmes mahoraises s'estiment en moins bonne santé. La religion est le dernier facteur de ces différences, symbolisé par le quart d'hommes ayant répondu "C'est Dieu qui donne" lorsqu'on leur demandait leur nombre
d'enfants souhaités. "Il y aussi cette conception de la naissance régie par la foi, la croyance en Dieu », confirme Mlaili Condro. « Mais c'est une conception qui n'est valable qu'à partir d'un certain âge, pas pour les nouvelles générations." Les jeunes de Mayotte sont en effet moins enclins à avoir de nombreux enfants, et le chercheur ne s'y trompe pas.
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DOSSIER
Les 18-25 ans désirent avoir 3 enfants, contre 2,4 en métropole, et l'enquête MFV-Mayotte de l'INED (Institut national des études démographiques) et de l'INSEE prouve que l'âge souhaité du premier enfant croît avec le niveau d'études. "Ces nouvelles générations sont confrontées à une société de loisirs, à une envie de voyager, et au travail, beaucoup plus ouvert aux femmes, analyse Mlaili Condro. C'est aussi dû au fait qu'une bonne part des Mahorais ont fréquenté l'école et ont été exposés à des cours où il a été question de contraception, de la conception d'un enfant. C'est donc un constat à relativiser selon les générations."
1% DES MAHORAIS FONT UN ENFANT POUR LEUR ÉPANOUISSEMENT Néanmoins, comment expliquer que le nombre d'enfants désirés soit plus fort à
Mayotte qu'ailleurs, et ce malgré la génération ? L'histoire sociétale de l'île au lagon n'est évidemment pas étrangère à ces velléités de parentalité, qui trouvent aussi leur source dans le besoin matériel. Ainsi, les motifs avancés par les personnes interrogées sont le soutien dans la vieillesse (59%), l'aide au travail (40%), la solidarité des grandes familles (39%), l'affirmation de soi (21%) ou encore les allocations (4%). Alors que 21% des Mahorais ne trouvent "aucun avantage" à faire des enfants, seuls 1% font un enfant pour leur épanouissement personnel. Loin de considérer ces réponses comme égoïstes, Mlaili Condro y voit plutôt un "pragmatisme" : "Je vais certainement vieillir, avoir des difficultés. Il vaut donc mieux avoir quelqu'un avec soi, dans une société où le système social n'est pas performant".
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La solidarité envers les personnes âgées, c'est indéniable, prend une forme différente à Mayotte par rapport aux sociétés occidentales. "À Mayotte, ce sont les enfants, pour l'instant, qui garantissent la solidarité lors de la vieillesse, défend Mlaili Condro. Les gens préfèrent, afin de finir dignement, voir leurs enfants s'occuper d'eux. Ce qui pourrait paraître égoïste est plutôt une forme de devoir : j'attends ceci de mon enfant, et mon enfant attendra également ceci des siens. Mais ça se prépare, ça suppose que j'ai préparé mes enfants pour ça, que je leur ai donné tout l'amour nécessaire. Et le mot juste est donner, comme donner la vie à un être." La patience est donc de rigueur, afin de voir la mentalité mahoraise liée à la parentalité se fondre à la modernité, et, enfin, accoucher d'une natalité contrôlée nécessaire au développement socio-économique de l'île. n
MAYOTTE, PREMIÈRE MATERNITÉ DE FRANCE Nombre de naissances par année, à Mayotte, selon l'INSEE.
2021 : 9913 (fin novembre) 2020 : 9180 2019 : 9770 2018 : 9590 2017 : 9760 2016 : 9500 2015 : 9000 2014 : 7310
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Axel Nodinot
CONTRACEPTION
LES JEUNES SORTENT COUVERTS SI LES MENTALITÉS PROGRESSENT D'ELLES-MÊMES AU SUJET DE LA NATALITÉ, IL EST UN SECTEUR SUR LEQUEL LES INSTITUTIONS MAHORAISES PEUVENT AGIR : LA CONTRACEPTION. SON ACCÈS ET SA CONCEPTION, ENCORE TROP ARCHAÏQUES SUR LE TERRITOIRE, SONT AMÉLIORÉS PAR L'ARS (AGENCE RÉGIONALE DE SANTÉ) ET LES ASSOCIATIONS, QUI CIBLENT LES NOUVELLES GÉNÉRATIONS DE L'ÎLE. Les chiffres de l'enquête de l'INED et de l'INSEE, compilés en novembre 2020, sont troublants : 44% des personnes mahoraises âgées de 18 à 44 ans n'utilisent aucun moyen de contraception lorsqu'elles font l'amour. N'en déplaise à la technique du "retrait", fortement citée par les interrogés. Pour Fatiha Djabour, directrice adjointe de la Santé publique à l'ARS de Mayotte, ce manque de recours à la contraception tient en trois points. "Il y a déjà le problème de l'accès, affirmet-elle. On a des taux de natalité si importants qu'ils occupent toutes les professions de santé. Les structures de soins ont donc moins de moyens et de temps pour le sujet de la contraception. Le deuxième enjeu concerne toute la précarité que l'on a sur le territoire, et notamment la question de disposer ou pas d'une couverture sociale."
UNE CHARGE QUI EST AUSSI MASCULINE Le troisième facteur, sociétal, tient en une défiance à propos des moyens de contraception. "Nous avons des spécificités qui sont propres à notre territoire, donc on n'est clairement pas sur le même contexte que dans l'Hexagone", continue Fatiha Djabour, explicitée par Mlaili Condro, docteur en sciences du langage. "Je pense que, pour beaucoup d'hommes, la capote est une sorte d'obstacle à l'épanouissement sexuel, analyset-il. Pour beaucoup d'entre eux, la contraception est l'une des charges que la femme a à porter dans un couple, ça relève de sa responsabilité. L'homme se donne toute liberté de jouir, d'avoir ce
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DOSSIER
rapport non-protégé et de le vivre dans la chaleur du corps humain." Rééquilibrer ce rapport homme-femme à la contraception est donc l'un des objectifs de l'ARS, qui multiplie les campagnes de sensibilisation. "Nous sommes bien conscients que travailler sur une campagne de communication ne suffit pas, déclare la directrice adjointe de la Santé publique de l'agence. Nous souhaitons vraiment provoquer une réflexion." Ainsi, l'ARS a profité de la journée mondiale de la contraception, le 26 septembre dernier, pour mettre en place une campagne d'affichage et plusieurs initiatives, avec notamment "un café intergénérationnel du Repema [Réseau périnatal de Mayotte, NDLR], des consultations menées par des sages-femmes de PMI dans le camion Repemobile dans différents villages avec prescription de contraceptifs et distribution de préservatifs ". Ces derniers sont justement au cœur de la stratégie de l'ARS,
afin de remobiliser les hommes mahorais sur la contraception : "Nous avons un objectif bien précis, puisque nous visons une distribution de 300 000 préservatifs, majoritairement externes".
UN BILLET D'AVION POUR UN SELFIE AVEC UN PRÉSERVATIF Et l'agence régionale de santé n'est pas la seule à décapoter les tabous. C'est aussi l'objectif de l'AEJM, l'association des étudiants et des jeunes de Mayotte, qui lance depuis plusieurs années son concours "Selfise ton préservatif". Du 30 novembre 2021 au 6 février 2022, les jeunes de 15 à 25 ans sont ainsi appelés à publier un selfie avec un préservatif, ainsi qu'un message de prévention. "L'objectif est de sensibiliser le maximum de jeunes sur l'utilisation du préservatif, explique Roukia Arfachadi, coordinatrice santé de l'AEJM. C'est
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plus facile de le mettre en avant avec leurs phrases que d'utiliser des formules toutes faites." Le 14 février, les auteurs des meilleurs selfies seront conviés par l'association, qui leur remettra "de nombreux lots", dont un aller-retour DzaoudziParis et un smartphone. Au quotidien, l'AEJM intervient aussi dans les établissements scolaires sur les questions de prévention en matière de santé sexuelle et de contraception. "C'est ouvert, les jeunes peuvent poser leurs questions, continue Roukia Arfachadi. On a aussi un camion devant l'établissement, qui sert à la même chose. On va vers eux, on leur amène des préservatifs, et on a une mallette de contraception avec tous les moyens existants." Les actions de sensibilisation se multiplient donc auprès des jeunes, qui étaient encore 31% à ne pas utiliser de contraception en 2016. Mais les choses changent. "Lors de nos événements, on a des jeunes qui viennent nous demander des préservatifs, parce qu'ils ont envie de se protéger, ne veulent pas avoir d'enfants, ni attraper
des maladies", affirme la coordinatrice santé de l'AEJM, rejointe par l'ARS. "Les jeunes ont des aspirations autres, souhaitent avoir moins d'enfants que leurs aînés, confirme Fatiha Djabour. On ne fait pas les mêmes choix selon le niveau d'étude et les moyens dont on dispose. Les hommes viennent par exemple au camion de la Repemobile pour demander des informations. On a quand même distribué plus de 2800 préservatif, 67 plaquettes de pilules, 10 implants ont été posés… Les gens adhèrent." L'objectif, que ce soit pour l'Etat ou les associations, est donc de vulgariser l'utilisation du préservatif et des autres moyens de contraception, en levant les tabous. Reste désormais aux jeunes mahoraises et mahorais d'assumer leur sexualité et d'avoir conscience des risques : en 2016, 70% des femmes ayant déjà eu un enfant utilisaient un moyen de contraception. Parmi celles qui n'avaient pas (encore) d'enfant, elles n'étaient que 14%. n
ET POUR L'IVG ? Dans le plus jeune des départements français, 10% des femmes interrogées ont subi une interruption volontaire de grossesse (contre 1,6% en France), ainsi que 7% des 18-24 ans (contre 2,8% en France). L'âge moyen de la première IVG, à Mayotte est de 23 ans, et de 20 ans pour les femmes en ayant subi plusieurs. On peut logiquement supposer une baisse de ces chiffres avec une démocratisation de la contraception.
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Axel Nodinot
FLASHBACK
UNE LONGUE LUTTE CONTRE LA SURNATALITÉ LA CAMPAGNE DE PLANIFICATION « 1, 2, 3, BASS », ENCOURAGEANT LES MAHORAISES ET MAHORAIS À NE PAS AVOIR PLUS DE TROIS ENFANTS, A CONNU UN FRANC SUCCÈS AU MILIEU DES ANNÉES 1990. RETOUR SUR CETTE POLITIQUE DE CONTRÔLE DE LA NATALITÉ, ET SUR SON ARRÊT. La population mahoraise de la fin du XXème comportait-elle des adhérents de la pensée malthusienne ? Pour rappel, Thomas Malthus, économiste de la fin du XVIIIème et du début du XIXème siècle, défendait dans sa théorie que la procréation des familles peu sûres de pouvoir nourrir leurs enfants devait être restreinte, trouvant autant de soutiens que d'opposants. La campagne « 1, 2, 3,
bass », déployée dans les années 1990 à Mayotte, tenait purement et simplement du malthusianisme. Cette politique de planification familiale enjouait effectivement la population mahoraise à limiter et espacer les naissances. L'évocation de cette campagne sur tous les supports avait, à l'époque, fait prendre conscience au peuple de la nécessité de freiner le taux de natalité, afin d'avoir
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Cellule d’Education pour la Planification Familiale (CEPF) en 2001 s’est adouci dans la forme : « famille moins nombreuse égale famille plus heureuse ». Alors que tous les observateurs de l'époque s'accordent à dire que l'impact de la campagne 1, 2, 3, bass marqua tous les esprits de l'île au lagon, comment expliquer que, vingt-cinq ans plus tard, les résultats ne soient pas plus probants ? « Ce qui nous a manqué, ce sont des relais, explique Fatiha Djabour, directrice adjointe de la Santé publique à l'ARS de Mayotte. Il y a eu la campagne 123Bass, et après, plus rien. » Le nombre moyen d'enfants par femme n'a effectivement pas évolué entre 2004 et 2020, alors même que la population a continué d'augmenter, surchargeant toujours plus les parcelles habitables de l'île au lagon.
PROGRESSIVITÉ ET COMMUNICATION
le meilleur développement économique et social possible.
8 ENFANTS PAR FEMME EN 1978 L'IEDOM (Institut d'émission des départements d'outre-mer) revient sur cette campagne dans un rapport intitulé « Mayotte en 2005 ». On peut y lire que « les programmes de maîtrise de la natalité mis en place depuis une vingtaine d’années ont porté leurs fruits et devraient se poursuivre. En effet entre 1978 et 2004, le niveau de fécondité a fortement diminué tout en restant élevé, passant de 8,1 à 4,5 enfants par femme selon les données de l’INSEE ». Plus que les chiffres affolants, le rapport revient surtout sur la stratégie de limitation des naissances dans le futur département français : « Afin d’être acceptés plus aisément, les premiers programmes de planification familiale, lancés au début des années 80, reposaient sur l’idée d’espacement des naissances. Il s’agissait d’estomper dans les esprits l’association « faire beaucoup d’enfants, c’est une retraite assurée ». La seconde campagne de limitation du nombre de naissances (1994-1998) a été plus affirmative à travers le slogan « 1, 2, 3, bass ». Enfin, le dernier programme lancé par la
La réponse tient peut-être dans la réorganisation de la santé mahoraise ayant eu lieu à l'époque. Le directeur de Nariké M'sada, Moncef Mouhoudhoire, est au front depuis de nombreuses années au sujet de la santé sexuelle à Mayotte. « La campagne 1, 2, 3, bass a été pilotée par le COPES, ancêtre de l'IREPS, et a été financée par la DASS, ancêtre de l'ARS, et la caisse de prévoyance sociale, ancêtre de la CSSM, explique-til. Elle a effectivement très bien fonctionné, mais je ne me suis jamais posé la question sur son arrêt. » Si Moncef Mouhoudhoire n'était qu'un acteur de cette campagne, le docteur Abdoulkarim Abaine, lui, était l'un des décideurs qui siégeait au sein du COPES. « La sensibilisation a basculé de la DASS à la PMI, mais il y a eu une baisse des campagnes médiatiques, réagit ce dernier. C'est quelque chose qui s'est effiloché progressivement, jusqu'à maintenant. » Peu à peu, l'arrivée de l'ARS dans le paysage sanitaire mahorais a aussi redistribué les cartes, et les actions de communication pour le contrôle de naissances se sont diluées, sinon décentralisées. Le docteur Abaine soulève aussi un second problème : le manque de vision à long terme. « Si la campagne 1, 2, 3, bass a si bien marché, c'est grâce à la progressivité des campagnes », affirme-til, confirmant l'analyse de l'IEDOM en 2005. Sur la question religieuse, épineuse à l'époque, Abdoulkarim Abaine rappelle que des débats télévisés avaient eu lieu, entre les autorités sanitaires et un grand foundi de l'époque, « argument contre argument, Coran contre Coran ». La preuve, s'il était encore utile de le rappeler, que la communication est la clé de la réussite, hier comme aujourd'hui. n
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DOSSIER
Propos recueillis par Axel Nodinot et Rachelle Zoubert
MICRO-TROTTOIR
COMBIEN VOUDRIEZ-VOUS D'ENFANTS ?
DANS LA RUE, LES MAHORAISES ET MAHORAIS INTERROGÉS SONT GLOBALEMENT D'ACCORD POUR AFFIRMER QUE LE 101ÈME DÉPARTEMENT FRANÇAIS COMPTE ENCORE TROP D'ENFANTS PAR FEMME. CEPENDANT, LORSQUE L'ON TOUCHE À LEUR SPHÈRE INTIME, CES PERSONNES N'HÉSITENT PAS À DIRE QU'ELLES SOUHAITERAIENT AVOIR QUATRE, SIX, VOIRE HUIT ENFANTS ! AU SUJET DE LA CONTRACEPTION, LES INTERROGÉS SONT NOMBREUX À AFFIRMER QU'ILS UTILISENT LE PRÉSERVATIF, CE QUI NE REFLÈTE PAS LES ENQUÊTES MENÉES PAR L'INED ET L'INSEE CES DERNIÈRES ANNÉES. LES TABOUS SEXUELS AU SEIN DE LA FAMILLE MAHORAISE SONT ÉGALEMENT RÉGULIÈREMENT DÉCRIÉS, PAR LES JEUNES ET LES MOINS JEUNES. ON RELÈVE TOUTEFOIS UNE AMÉLIORATION PROGRESSIVE DES MENTALITÉS, SI L'ON SE FIE À CES RÉPONSES, ÉMANANT DES NOUVELLES GÉNÉRATIONS DE L'ÎLE.
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EL-ANRIF, 15 ANS Moi j'ai deux frères, et je voudrais avoir deux ou quatre enfants plus tard. Mais pour l'instant je suis jeune, je fais ma vie !
JUNIOR, 21 ANS Je voudrais six à huit enfants. D'ailleurs c'est peu, moi je viens d'une famille de treize enfants donc six ça va ! Après il faut les éduquer, j'ai déjà vu des enfants se battre avec des parents, c'est un problème très sérieux.
ADIDJA, 22 ANS Moi je ne veux pas d'enfants, ou bien un seul, un enfant unique. Sinon c'est trop de charges ! Je ne pourrai pas.
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IKRAM, 29 ANS Pour moi, les femmes ne font pas assez d'enfants. Ma mère en a sept, moi j'en ai trois. Et bien sûr que j'en veux plus. Je n'utilise pas de contraception, je suis pour la nature, pour tout ce qui est naturel, mais chacun doit prendre ses responsabilités.
CHAKIRA, 43 ANS
NASMA, 18 ANS
J'ai trois enfants, et j'ai fait ce qu'il fallait pour ne plus en avoir ! Je les ai éduqués, mais je pense qu'il y a un tabou à Mayotte sur le rapport homme-femme, la contraception, le sexe.
Moi je voudrais deux enfants, c'est suffisant. Mais pour l'instant je n'en veux pas, donc on utilise des capotes !
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SOUWA, 19 ANS Il y a trop de naissances à la maternité du CHM. Mayotte est le département français où il y a le plus de naissances. Moi j'en voudrais 4, c'est pas beaucoup. Deux filles qui jouent ensemble et idem pour les deux garçons.
NAIDA, 29 ANS Aujourd'hui les femmes ont de moins en moins d'enfants. Elles travaillent, et avoir des enfants c'est plus de charges, de responsabilités. Plus tard, j'en voudrais trois, et pour l'instant je prends la pilule.
AHMED, 56 ANS Ce ne sont pas les femmes mahoraises qui font trop d'enfants, mais les clandestins. J'ai une fille, je n'utilise pas de contraception, mais si Dieu me donne, pourquoi pas !
SITI, 50 ANS Les femmes font trop d'enfants ! Moi j'en ai six, mais à partir de sept, neuf, c'est beaucoup ! Je connais mon cycle et je contrôle pour éviter les risques d'enfants, mais je ne prends aucune contraception.
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L.G
MAYOTTE AUSSI FÊTE LE CLIMAT
Samedi 11 décembre, Mayotte célébrait la journée mondiale du climat à Bandrélé. Une édition 2021, sur le thème du changement climatique, organisée par la fédération mahoraise des associations environnementales (FMAE), l'association 976 sud prévention et la mairie de Bandrélé.
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Rappeler la menace du réchauffement de la planète et la nécessité d'agir pour en limiter les effets, tel est l’objectif de la journée mondiale du climat. Un événement fêté chaque année au début du mois de décembre aux quatre coins du globe. Tables rondes, ateliers, stands et visites de la mangrove, les protecteurs du climat novices ou initiés ont pu célébrer cette journée comme il se doit. “Notre souhait est de créer un observatoire du changement climatique à Mayotte", affirme le président de la fédération mahoraise des associations environnementales (FMAE), Ali Madi. Durant deux heures les participants ont débattu des enjeux d'adaptation et d'atténuation aux changements climatiques sur l’île aux parfums, lors d’ateliers à la mairie de Bandrélé. Pendant ce temps-là, un second groupe suivait Manrifa Moustoifa Ali, chargé de mission sensibilisation et appui à la biodiversité au comité français de l'union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Une addition salée pour le climat à Mayotte ?
Sur les pas de Manrifa Moustoifa Ali, les curieux viennent visiter le site de production du sel de Bandrélé. Une sortie en lien avec la thématique du jour car la zone exploitée pour sa ressource en sel s'érode d'année en année. Mais alors est-ce la production de sel qui est responsable de cela ? Et surtout comment est-il fabriqué ? A Mayotte, les mamas shingo, détiennent un savoir-faire qu’elles se transmettent de mères en filles. Pour fabriquer cet or blanc, elles prélèvent de la vase dans la mangrove qu’elles rincent abondamment. Puis, elles font chauffer l’eau qu’elles ont recueilli, ce qui provoque une évaporation et fait apparaître les cristaux de sel. Bien que cette fabrication ancestrale ne nécessite pas de produits chimiques ou des rejets toxiques, la terre dépourvue de sel se retrouve amassée sous forme de dunes tout autour du lieu où les mamas shingo prélèvent la vase. “A force d’extraire de la vase on voit apparaître une dépression, un trou au milieu de la mangrove. Ensuite quand la marée l’eau rentre mais elle n’arrive plus à s’échapper à marée basse et stagne”, explique en bon professeur le chargé de mission de l’UICN. Bien que la production de sel soit en partie responsable de cette détérioration, les marées viennent également participer à l’érosion du site. Pour remédier à cela, l’association 976 sud prévention a fait appel aux experts de l’UICN pour réaliser des recherches et un diagnostic. “L’étude va consister à faire la topographie du site pour modéliser la circulation de l'eau. Ainsi, nous pourrons savoir si nous pouvons déplacer la terre et où la déplacer pour ne pas créer des dommages supplémentaires dans la zone”, détaille Manrifa Moustoifa Ali. Cartographie du site, étude de la concentration en sel, mais aussi de l’intensité des vagues, dès lors que les associations auront obtenu les autorisations du Conservatoire du littoral, propriétaire de la zone, les scientifiques débuteront leur travail de fourmi. Aujourd’hui encore peu d’études sont réalisées sur le climat et l’impact du changement climatique à Mayotte. En revanche, les dommages de l’activité humaine sur les milieux naturels s'avèrent quant à eux indéniables et il est urgent d’agir pour préserver ce patrimoine exceptionnel… n
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LITTÉRATURE
LISEZ MAYOTTE
MAYOTTE EXISTE PAR SES DEVINETTES ET PRÉJUGÉS
Maandhui Ousseni, Wano, Proverbes, superstitions et devinettes de Mayotte, éditions B'wi, 1993.
Le développement que connaît Mayotte depuis plusieurs années crée des besoins nouveaux, d'autres manières d'être, d'aller et venir, une autre façon de passer ses soirées. Une rencontre importante entre deux cultures s'opère, celle du dedans de l'île et celle qui, venant du monde, modèle les pensées, dicte les comportements, influence les choix. C'est dans ce contexte que le présent ouvrage trouve sa place : la culture orale qui a besoin d'être dite pour exister et s'enrichir risquait demain de ne trouver personne pour lui assurer vie. Elle devait donc ne pas mourir entrer dans le silence de l'écrit. Ces devinettes, proverbes, idées reçues sont l'âme de l'île… des îles.
APRÈS L’ÉCOLE ET LA BANGA, LE PROVERBE EST NOTRE TROISIÈME FIL CONDUCTEUR, À LA FOIS PAR SON INTÉRÊT INTRINSÈQUE ET PARCE QU’IL EST L’UNE DES PORTES D’ENTRÉE PLAISANTES DE LA CONNAISSANCE DE MAYOTTE. EN EFFET, TOUT LE MONDE PEUT GOÛTER LES PROVERBES QUI LUI RESTENT EN TÊTE ET QUI, INDÉPENDAMMENT DE LA LEÇON QU’ILS DONNENT, FASCINENT PAR LEUR FORMULATION ET LES HORIZONS QU’ILS OUVRENT. ON PEUT ICI RAPPELER QUE LES RECHERCHES SUR LES PROVERBES FONT PARTIE DES PREMIERS TRAVAUX SUR MAYOTTE. EN EFFET, L’ARTICLE INAUGURAL DE SOPHIE BLANCHY SUR L’ÎLE AUX PARFUMS, PARU EN 1981 DANS LE TREIZIÈME VOLUME DES CAHIERS DE LITTÉRATURE ORALE DE L’ASEMI – ASIE DU SUD-EST ET MONDE INSULINDIEN -, S’INTITULE “ ISLAM ET LITTÉRATURES DANS L’ARCHIPEL DES COMORES ”. C’EST, DANS L’ÉTAT ACTUEL DE NOS RECHERCHES, LE PREMIER ARTICLE SCIENTIFIQUE SUR L’ÎLE SOUS LE TITRE : “ PROVERBES MAHORAIS ”. Cette chronique littéraire a notamment pour vocation de suggérer aux lecteurs ce que nous appelons les classiques de Mayotte – et qui fera l’objet de la prochaine série -, c’est-à-dire un certain nombre d’ouvrages fondamentaux pour mieux connaître et savourer l’île aux parfums. Nous avons déjà évoqué le premier beau livre sur les mabanga de Mayotte ; nous souhaitons à présent parler de l’ouvrage de référence sur les proverbes : Wano. Ce dernier mot se retrouve dans le roman de Nassur Attoumani intitulé Le Calvaire des baobabs (2000), au moment de la description du type de la koko à Mayotte, cette vieille femme qui s’occupe des enfants, mais aussi des rumeurs : « Dans les moments d’excitation de la mère d’Ali Hamada, mieux valait se taire que la contredire. À son insu, ses brus l’avaient surnommée « Ertéf » car cette vieille avait vraiment du bagou. Certes, les adultes comparaient sa bouche à un mortier à parole. Mais la vérité était toute autre. Non ! Koko Ertéf n’était ni un livre d’histoire, ni une encyclopédie. Elle était plus qu’une simple bibliothèque cantonale. Histoires drôles, contes, légendes, wano (Note de l’auteur : devinettes), souvenirs d’enfance, arbres généalogiques de toute la presqu’île, ragots les plus invraisemblables sur les villageois de la région, secrets les mieux gardés dans les familles et qu’aucun enfant n’aurait jamais imaginés, tout, absolument toute la vie des uns et des autres dégringolait de ses lèvres. Pêle-mêle. On ne lui connaissait aucune retenue. À cause peut-être de son âge avancé, cette vieille femme avait la bénédiction de tout un chacun. Tout le monde l’appelait affectueusement Koko Ertéf. Ertéf était la prononciation mahoraise de O.R.T.F. (Note de l’auteur : office de radio, télévision française), dont le siège se trouvait alors à Dzaoudzi. Pour tout Hagnoundrou, Koko Ertéf incarnait donc
cette caisse à ragots qui parlait shimaore (Note de l’auteur : la langue mahoraise) et shizungu (Note de l’auteur : le français). » (p. 87-88) Comme l’indique une note de Nassur Attoumani, wano signifie « devinette » et entre ici dans un réseau qui renvoie aux formes de la littérature orale. Or, cette matière est mise en valeur, dès 1993, par Ousséni Maandhui dans Wano. Proverbes, superstitions et devinettes de Mayotte. Il s’agit, comme le beau livre précédemment évoqué, d’une production des éditions B’wi qui rencontre un succès qui incite le vice-rectorat à en faire la récompense aux élèves ayant obtenu les meilleurs résultats aux examens de l’Éducation Nationale. Wano. Proverbes, superstitions et devinettes de Mayotte se présente, comme son titre l’indique, en quatre volets. Le premier est celui qui se trouve au centre, à savoir les proverbes de Mayotte. Parmi eux, ce sont surtout ceux liés à la mer qui retiennent notre attention. Ils rappellent que l’île aux parfums est une société insulaire tournée vers l’élément salé – l’onde amère : « Seul le pêcheur connaît les dangers de la mer » (p. 18) – Taambu ya baharini mlozi de ayi juwao. La mise en garde contre le danger, contre tous les dangers étant bonne à prendre pour tout homme. On trouve ensuite un proverbe qui met en scène le piroguier, mais qui est aussi et surtout une incitation au courage voire à l’obstination : « Quand on n’a pas encore atteint la côte, on ne se lasse pas de ramer » (p. 19) – Nehika mtru ka waswili uhavuni, mtru ka lemewa uvura kasi. Vient ensuite notre proverbe préféré qui indique, à partir d’un exemple maritime, la proximité entre le danger et sa solution : « Là
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où il y a des vagues, il y a une passe » (p. 24) – Vwendza duja de vwendza mlongo. Le deuxième volet s’intitule « Superstitions ». Il est présenté comme une traduction de « Kitabikoko », ce qui explique le détour par la vieille femme, koko en langue vernaculaire, de Nassur Attoumani. En effet, kitabi-koko signifie d’abord le livre de la vieille femme. Par conséquent, la traduction par « superstitions » mérite explication. La superstition est une croyance – excessive – telle qu’elle est perçue par quelqu’un qui n’y adhère pas. Ousséni Maandhui ne définit pas la superstition, mais il en énumère les lieux : - la vie quotidienne – « Lorsque vous marchez seul sur la plage la nuit, les djinns prennent possession de vous » (p. 47) ; - le corps – « On ne tresse pas ses cheveux à la nuit tombée, sinon il vous arrive simultanément du bonheur et du malheur » (p. 51) ; - les petits enfants – « On doit toujours prendre un bébé de face, sinon il se transforme en diable et ne saura jamais parler. » (p. 58) ; - les animaux et les insectes « Lorsque le margouillat ‘crie’, c’est qu’un visiteur arrive chez vous » (p. 62) ; - l’univers – « Une étoile filante, c’est quelqu’un qui a dit du mal du prophète Muhammad ; il est donc poursuivi par des tisons » (p. 63) ; - les hommes – « Si la Kaaba (la Pierre Noire de la Mecque) est si noire, c’est parce que les hommes commettent trop de péchés. » (p. 66) - femmes et femmes enceinte – « Une femme ne doit pas siffler : cela fait mourir les anges » (p. 70). On retrouve le kitabikoko sous forme de catalogue dans Brûlante est ma terre (1991) d’Abdou Salam Baco : « Le temps passait lentement. Les jours vécus, les paroles, les mots, les actes, les espoirs, se fondaient peu à peu dans la magie, cette science occulte et crainte qui codifiait mon existence, cette science sibylline qui paraissait maîtresse de toutes les situations imaginables. Si je marchais involontairement sur une crotte, cela me porterait bonheur. Si je cognais mon pied sur un objet, c’est que quelqu’un dit du bien de moi. S’il pleuvait en même temps que le soleil brille, c’est que le Diable procède à la circoncision de ses enfants. Si je malmenais mes parents, je brûlerais éternellement dans les flammes de l’enfer. Si je me baladais tout seul au beau milieu de la nuit au bord de la mer, je serais possédé par le Diable. Si je séchais l’école coranique, Dieu me punirait. Si le tonnerre gronde, c’est parce que les mauvais anges ont commis une erreur qui a provoqué la colère de Dieu. Si je voyais dans le ciel le trait de lumière d’une étoile filante, c’est parce que les anges essaient de détruire le grand Satan qui les espionnait. Si un chien aboie lugubrement et avec insistance, c’est qu’un malheur est imminent. Si je porte constamment un gris-gris, jamais un mauvais esprit ne pourra faire main basse sur moi. Si j’étais frappé par une injustice, inutile de comprendre : c’était déjà écrit dans le grand cahier là-haut. Si un arc-en-ciel se dessinait dans le ciel et se perdait à l’horizon, c’est que les pécheurs, qui brûlaient en Enfer, étaient autorisés à se désaltérer. Si je marchais sur des restes de repas, j’attraperais un épouvantable éléphantiasis. Si je m’asseyais sur le Coran; je deviendrais hernieux.
Si je jouais de la guitare, je commettrais un péché parce que c’est un instrument satanique. Si la Ka’aba est si noire, c'est parce que les gens sur terre commettent tellement de péchés. Certaines choses me paraissaient abracadabrantes, pourtant j’y croyais dur comme fer. Je croyais au mythe du miracle que pouvait effectuer la magie. » (p. 49) Même si nous ne sommes pas superstitieux, nous conseillons tout de même au lecteur de faire comme nous en fin de chronique, en touchant du bois ou en jetant du sel pardessus son épaule. Revenons à présent sur les deux dernières parties du livre d’Ousséni Maandhui : Wano. Proverbes, superstitions et devinettes de Mayotte (1993). Après les proverbes et les superstitions viennent les préjugés : « Il s’agit d’un ensemble de pensées populaires transmises d’une génération à une autre et qui se fondent sur l’expérience collective. À Mayotte, les préjugés prennent parfois leur source dans les contacts entre deux races. Ces a priori reposent aussi sur les rivalités entre deux villages proches dans leur comportement, leurs habitudes, leur langage. Chaque occasion est saisie pour se moquer d’autrui de façon souvent sympathique mais parfois méchante. Ces modes de pensée collectifs restent vivaces à Mayotte, même si leur origine est parfois oubliée. » (p. 72) Nous prendrons l’exemple suivant qui relie le sucre, aliment particulièrement apprécié à Mayotte et possédant également une valeur métaphorique, à la ville septentrionale de la grande île, Mtsamboro : « Mtzamboro ula sukari nyengi. / À Mtzamboro, on est gourmands de sucre. / À la belle époque de l’usine sucrière de Dzoumogné, des ouvriers de Mtzamboro voulurent créer sur la terre les « rivières de miel » décrites dans le Coran. Ils décidèrent de sucrer la rivière qui traverse Mtzamboro. Ainsi, pendant que certains en amont versaient des sacs de sucre, d’autres en aval vérifiaient l’entreprise en goûtant l’eau de la rivière. Cela n’a jamais marché, mais Mtzamboro avait acquis sa réputation. Ne dit-on pas : ‘triya mtsamboro’ pour dire ‘verse encore le sucre’ ? » (p. 83) C’est cette croyance qui est à l’origine d’un texte bref des Anachroniques de Mayotte (2012) de Nassur Attoumani, « Lodosomono et le sac de sucre », dont nous recommandons la lecture. Et le livre se termine sur la catégorie la plus originale, celle qui inaugure le titre en langue vernaculaire, wano ou devinette. Nous choisirons un exemple dans la première section consacrée à la campagne et au jardin. Parmi les mets à la fois impressionnants et impeccables à Mayotte, l’on voit parfois dans les arbres ou au bord de la route, un fruit impressionnant, le jaque. Vous pouvez tenter d’en acheter une tranche et d’huiler vos mains afin de le dépiauter. Le jeu en vaut la chandelle. Dans l’île aux parfums, qui devient alors l’île aux fruits, il est l’objet d’un grand nombre de devinettes : - « Ma vache est pleine de boutons, de quoi s’agit-il ? - Ma tête est pleine de piquant, de quoi s’agit-il ? - Ma vache est battue par tous ceux qui passent à côté d’elle, de quoi s’agit-il ? - J’ai tué une vache, j’ai jeté les boyaux, de quoi s’agit-il ? » (p. 90) Si vous n’avez pas la réponse, il n’est que de donner votre langue, non pas au chat, mais à la mosquée, comme on dit ici.
Christophe Cosker
29
• M ay o t t e H e b d o • N ° 9 7 9 • 1 7 / 1 2 / 2 0 2 1
SPORT
CLASSEMENTS & MATCHS Equipe
Pts
J
G
N
P
Dif
1
FC Mtsapéré
43
19
13
4
2
32
FOOTBALL
2
Jumeaux de Mzouazia
43
17
14
1
2
26
Régional 1
3
AS Rosador
30
20
9
4
7
-1
4
USCP Anteou
28
18
8
5
5
10
5
AS Bandraboua
28
19
7
5
5
1
6
Tchanga SC
25
20
6
7
7
1
7
ASJ Moinatrindri
23
20
6
5
9
-8
8
Diables noirs de Combani
21
20
6
4
9
Samedi 18 décembre 2021 – 15h00
ASJ Moinatrindri – UCS de Sada USCP Anteou – USCJ Koungou Diables noirs de Combani – FC Mtsapéré AS Sada – AS Bandraboua ASC Kawéni – AS Rosador Reporté : Jumeaux de Mzouazia – Tchanga SC
Régional 2 Samedi 18 décembre 2021 – 15h00
Bandrélé FC – Foudre 2000 AS Neige de Malamani – AJ Kani Kéli ASC Abeilles – FC Labattoir USC Kangani – Olympique Miréréni FC Majicavo – AS Kawéni Enfants de Mayotte – FC Dembéni
Régional 1 féminines Dimanche 19 décembre 2021 – 15h30
Entente Ol. Miréréni / FCO Tsingoni – Club Unicornis Olympique de Sada – ASO Espoir Chiconi Devils Pamandzi – ASJ Handréma Entente Abeilles / EFF / AJM – USC Labattoir Jumelles de Mzouazia – FC Mtsapéré Exempté : Racine du Nord
-9
AS Sada
21
20
6
3
10
UCS de Sada
20
20
5
6
-12
11
USCJ Koungou
15
19
3
6
-11
12
ASC Kawéni
13
18
5
2
-15
9
-14
Equipe
Pts
J
G
N
P
Dif
1
AJ Kani Kéli
40
20
10
10
0
16
2
Bandrélé FC
37
20
11
4
5
18
3
ASC Abeilles
36
18
10
6
2
19
4
AS Neige de Malamani
32
20
9
5
6
4
5
FC Dembéni
25
19
6
8
4
2
6
Olympique Miréréni
25
19
7
4
8
0
7
Foudre 2000
24
20
7
4
8
-5
8
FC Majicavo
23
17
7
3
7
-2
9
USC Kangani
20
18
6
3
9
-7
10
Enfants de Mayotte
18
19
6
1
12
-23
11
AS Kawéni
18
19
5
3
11
-9
12
FC Labattoir
17
20
4
5
11
-13
Equipe
Pts
J
G
N
P
Dif
1
Jumelles de Mzouazia
44
18
13
5
0
68
2
FC Mtsapéré
41
16
13
2
1
44
3
Club Unicornis
34
17
10
4
3
14
4
USC Labattoir
28
16
8
4
4
7
5
Entente Ol. Miréréni / FCO Tsingoni
25
17
8
2
6
0
6
Olympique de Sada
23
17
7
3
6
-23
7
ASJ Handréma
21
16
6
3
7
8
8
Devils Pamandzi
15
18
5
2
9
-38
9
Racine du Nord
14
18
3
5
10
-13
10
ASO Espoir Chiconi
10
17
2
6
8
-29
11
Entente Abeilles / EFF / AJM
0
16
0
2
12
-36
Equipe
Pts
J
G
P
Dif
VOLLEY
1
VCM
27
9
9
0
24
2
ZAMFI
21
9
7
2
16
Régionale 1 masculine
3
VCT
15
8
5
3
6
4
LAREEC
14
9
5
4
0
Trêve hivernale – Reprise le 15 janvier 2022
5
MAV
11
8
4
4
-4
6
VCV
10
8
3
5
-4
7
SPORTOUS
4
9
1
8
-18
8
VBM
0
8
0
8
-22
30•
M ay o t t e H e b d o • N ° 9 7 9 • 1 7 / 1 2 / 2 0 2 1
BASKET Prénationale masculine
Trêve hivernale – Reprise le 22 janvier 2022
Prénationale féminine Trêve hivernale – Reprise le 22 janvier 2022
Equipe
Pts
J
G
P
Diff.
1
Gladiator de Doujani
16
10
7
2
141
2
Vautour club de Labattoir
15
8
7
1
213
3
Rapides éclairs
15
8
7
1
150
4
Fuz'Ellips de Cavani
14
9
5
4
-30
5
Basket club de Mtsapéré
13
8
5
3
70
6
Colorado Beetle Mtsahara
13
10
3
7
-45
7
Etoile bleue de Kawéni
12
8
4
4
43
8
Koropa Fusion
11
9
3
5
-53
9
Tonic club Omnisport
10
8
3
4
-86
10
Scolo Dunks
10
8
2
6
-203
11
ABS Sada
8
8
1
6
-180
Equipe
Pts
J
G
P
Diff.
1
Golden Force
12
6
6
0
138
2
Fuz'Ellips de Cavani
8
4
4
0
328
3
Chicago club de Mamoudzou
8
5
3
2
-81
4
Basket club Iloni
8
6
2
4
-19
5
Magic Basket Passamainty
7
4
1
3
61
6
Vautour club de Labattoir
7
6
1
5
-168
7
Wakaïdi 2015
7
7
0
7
-303
8
Basket club de Mtsapéré
6
4
2
2
44
Equipe
Pts
J
G
N
P
Diff.
HANDBALL
1
CH Combani
18
6
6
0
0
59
2
Tchanga Handball
15
6
4
1
1
35
Prénationale Poule A
3
AJH Tsimkoura
13
6
3
1
2
27
4
TCO Mamoudzou
11
5
3
0
2
58
18/12 à 17h30 : AJH Tsimkoura – TCO Mamoudzou 19/12 à 14h : HC Labattoir – HC Passamainty 19/12 à 17h30 : CH Combani – Tsingoni Handball HC Acoua – Tchanga Handball
5
HC Acoua
11
5
3
0
2
12
6
HC Passamainty
8
6
1
0
5
-68
7
HC Labattoir
6
5
1
0
4
-43
8
Tsingoni Handball
5
5
0
0
5
-80
Equipe
Pts
J
G
N
P
Diff.
1
ASC Tsingoni
16
6
5
0
1
67
Prénationale Poule B
2
HC Bandrélé
16
6
5
0
1
27
3
PC Bouéni
15
5
5
0
0
39
17/12 à 19h : HC Bandrélé – ASC Tsingoni 18/12 à 16h : AJH Koungou – AC Chiconi 18/12 à 17h30 : PC Bouéni – Sohoa Handball Alakarabu Hand – HC Kani Kéli
4
AJH Koungou
12
6
3
0
3
3
5
AC Chiconi
12
6
3
0
3
-2
6
Sohoa Handball
10
6
2
0
4
-24
7
Alakarabu Hand
6
6
0
0
6
-83
8
HC Kani Kéli
5
5
0
0
5
-27
Prénationale féminine 17/12 à 19h : CH Combani – HC Bandrélé 18/12 à 16h : AJH Tsimkoura – HC Passamainty 18/12 à 17h : USM Mbouanatsa – TCO Mamoudzou 19/12 à 17h30 : HC Kani Kéli – PC Bouéni Haima Sada – ASC Tsingoni Exempté : Moinatrindri HC
Equipe
Pts
J
G
N
P
Diff.
1
ASC Tsingoni
12
4
4
0
0
91
2
PC Bouéni
12
4
4
0
0
46
3
CH Combani
12
4
4
0
0
30
4
HC Bandrélé
10
4
2
2
0
15
5
TCO Mamoudzou
10
5
2
1
2
-12
6
AJH Tsimkoura
9
4
2
1
1
11
7
Moinatrindri HC
9
5
2
0
3
-29
8
Haima Sada
6
4
1
0
3
-11
9
HC Kani Kéli
6
4
1
0
3
-12
10
HC Passamainty
5
5
0
0
5
-56
11
USM Mbouanatsa
5
5
0
0
5
-73
31
• M ay o t t e H e b d o • N ° 9 7 9 • 1 7 / 1 2 / 2 0 2 1
MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayottehebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Axel Nodinot
# 979
Couverture :
Parentalité 5.6.7... Bass
Journalistes Romain Guille Raïnat Aliloiffa Lise Gaeta Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com
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