Mayotte Hebdo n°984

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DOSE DE RAPPEL Covid-19

Grâce au rappel vaccinal, je renforce ma protection face au virus

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Pourquoi une dose de rappel est nécessaire ? La dose de rappel permet de renforcer l'immunité et éviter notamment les formes graves de la maladie La vaccination permet de nous protéger individuellement et collectivement et préserver notre territoire d'une nouvelle vague épidémique Elle permet également de conserver son pass sanitaire et donne ainsi la possibilité d'aller au restaurant et dans la plupart des lieux publics et de voyager plus facilement.

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Qui peut recevoir la dose de rappel ? Toutes les personnes de plus de 18 ans ayant un schéma vaccinal complet

Quand puis-je recevoir ma dose de rappel ? 3 mois après ma dernière injection ou 3 mois après une infection au Covid-19.

Retrouvez la carte des centres de vaccination sur le site de l'ARS MAYOTTE Pour le moment, même vaccinés, continuons à respecter les gestes barrières


LE MOT DE LA RÉDACTION

LA NATURE LE REPRENDRA Cette semaine, les vents et pluies se sont déchaînés sur la canopée mahoraise, conséquences directes d'Ana, première tempête tropicale de la saison, et du côté imprévisible de la nature. S'il est difficile, sur l'île au lagon, de savoir où placer le curseur entre développement économique et protection de l'environnement, nul ne peut ignorer cette dernière. L'exceptionnel patrimoine biologique de Mayotte, à l'image de l'îlot Mbouzi, sur lequel nous nous posons le temps de ce magazine, mérite toute la fierté et l'attention de la population mahoraise. Nul ne saurait cependant lui faire porter le blâme, alors qu'elle est enserrée dans une situation socio-économique dramatique. Lundi aprèsmidi s'embrasaient d'ailleurs les villages de Combani, de Kahani et de Majicavo Koropa. Les problèmes d'insécurité, comme les conséquences de la pollution, touchent les populations les plus défavorisées. Aux États-Unis, la ville de Los Angeles vient de frapper un grand coup en interdisant tout nouveau puits destiné à l'extraction de gaz et de pétrole. Bien souvent, ces engins sont placés dans les quartiers où vivent des minorités ethniques, à l'image de Long Beach. En plus d'être une cause commune, la préservation de la biodiversité serait donc, à terme, vecteur d'égalité. Au lieu d'opposer les causes environnementales au développement économique, faisons en sorte de comprendre que l'écologie est éminemment sociale.. Bonne lecture à toutes et à tous. Axel Nodinot

TOUTE L’ACTUALITÉ DE MAYOTTE AU QUOTIDIEN

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FI n°3839 Lundi 7 mars 2016 St Félicie

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Quel accueil se prépare pour la présiDente Du Fn ?

Le Lagon au patrimoine mondiaL de L'unesCo ?

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Grève à Panima

TéléThon 2016

Des propositions mais toujours pas D'issue

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Économie

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Les appeLs à projets de L'europe

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Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com

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FI n°3818 Vendredi 5 février 2016 Ste Agathe

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Edmond BéBé nous a quitté

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ViCe-reCtorat

UltimatUm oU véritable main tendUe ?

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FI n°3822 Jeudi 11 février 2016 Ste Héloïse

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PMU G.I.E. SIREN 775 671 258 RCS PARIS. © Kalle Gustafsson/TRUNK ARCHIVE.

Lu par près de 20.000 personnes chaque semaine (enquête Ipsos juillet 2009), ce quotidien vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre également un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.

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FI n°3997 mercredi 30 novembre 2016 St André

© CR: Gauthier Bouchet

Diffusé du lundi au vendredi, Flash Infos a été créé en 1999 et s’est depuis hissé au rang de 1er quotidien de l’île.


TCHAKS LE CHIFFRE

2 660 000 000 C'est, en euros, le produit intérieur brut (PIB) de Mayotte en 2019, selon une récente parution de l'INSEE. Cela représente une croissance de 6,6% par rapport à 2018, mais aussi un PIB par habitant assez faible, étant donnés les 274 056 personnes recensées par l'Institut national de la statistique et des études économiques. En effet, on compte 9706 euros par personne par an dans le 101ème département français, soit un peu plus du quart du PIB/habitant dans la France entière. Sur le plan commercial, l'île au lagon reste largement dépendante des importations, puisque le taux de couverture des échanges extérieurs, c'est-à-dire la part des exportations ramenée aux importations, n'est que de 7%. On peut toutefois noter que ce taux est en légère hausse par rapport aux années précédentes.

LA PHRASE

“ Une prise en charge en santé mentale pour les jeunes ”

Dahalani M'Houmadi, directeur général de l'association Mlezi Maoré, n'était pas peu fier devant le bâtiment abritant la nouvelle Maison de santé mentale, la première de l'histoire du jeune département. Située à Combani, elle a été inaugurée par Mlezi Maoré et le centre hospitalier de Mayotte (CHM), les deux organismes étant soutenus par l'Agence régionale de santé locale. Ouverte aux enfants et aux jeunes comme aux adultes souffrant de problèmes psychologiques, cette Maison de santé mentale permettra la prise en charge d'une quinzaine d'adolescents (en attendant le prochain accueil des personnes de plus de 19 ans), mais aussi un suivi de qualité pour celles et ceux qui en ont besoin. Cette nouvelle offre de soins sera ouverte du lundi au vendredi, de 8h15 à 17h.

ELLE FAIT L'ACTU

L'ACTION

Le couvre-feu s'éteint Mis en place il y a presque deux semaines, le couvre-feu de 20 heures à 5 heures du matin n'est désormais plus en vigueur à Mayotte. Le 26 janvier, la préfecture procédait en effet à un allègement des mesures sanitaires, revenant également sur les jauges de 6 personnes dans les bars et restaurants, les jauges de sorties en mer et l'interdiction du sport en intérieur. Seules mesures “ de freinage ” restantes : l'interdiction des manzarakas, des voulés, et de toute autre soirée d'ampleur à domicile. La préfecture de Mayotte a voulu cet assouplissement suite à la baisse des indicateurs liés au Covid-19 sur l'île au lagon. Alors que la première semaine de janvier a vu le taux d'incidence s'envoler au-dessus des 3000 cas positifs pour 100 000 habitants, il est désormais en-dessous des 500 pour 100 000.

Kueena rentre victorieuse des Comores Après avoir été sacrée lors du concours comorien Nyora, opposant des artistes des quatre îles de l'archipel, la Mahoraise Kueena a été accueillie en fanfare à l'aéroport international de Dzaoudzi, lors de son retour dans le département français. Musiciens et soutiens de la jeune chanteuse étaient en effet présents mardi après-midi, lors de l'atterrissage de son vol. Kueena avait aussi avec elle son chèque géant glané lors de la compétition, d'un montant de 5 millions de francs comoriens, soit 10 000 euros environ. Une somme qui lui permettra de construire son projet artistique, et notamment de travailler sur son premier album. Avant de viser la scène internationale, comme le souhaiterait cette admiratrice de Beyoncé. Pour mieux la connaître, il suffit de tourner quelques pages, puisque nous faisons son portrait cette semaine !

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LU DANS LA PRESSE

Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale

MAYOTTE : LA GYMNASTIQUE AU SERVICE DE L’ÉMANCIPATION DES JEUNES FILLES Le 20 janvier 2022, par Charlotte Laroche pour Gym and News. Un club de gymnastique s’est monté à Mayotte. Une nouvelle offre en matière d’activités qui permet aux jeunes filles de s’émanciper par le sport. Une belle avancée pour les Mahoraises qui peuvent se retrouver exclues de toute pratique sportive. 65 adhérents, 8 entraîneurs. Le club gymnique de Passamainty n’a pas à rougir. Créé en février dernier, ce petit club situé sur l’île de Mayotte, à des milliers de kilomètres de la métropole, est bien plus qu’un club de gym. Par sa dimension sociale et sociétale, il permet une avancée majeure sur la place des femmes et des jeunes filles dans la société. Bien plus qu’une simple association sportive, le club gymnique de Passamainty pourrait presque être reconnu d’utilité publique. Il ouvre les esprits en permettant l’émancipation et l’autonomisation des jeunes mahoraises. “ On se retrouve confrontés à des problématiques propres à Mayotte avec des jeunes filles qui n’ont pas accès à la pratique d’activités de loisirs et qui sont plutôt souvent contraintes de rester à la maison pour réaliser les tâches ménagères ” , explique Cléa. Dès la création du club, les entraîneurs du club mahorais ont donc dû bousculer certaines habitudes. “ Au début de la saison, nous étions confrontés à des jeunes filles qui venaient une fois de temps en temps ou qui arrivaient souvent en retard. Nous avons donc fait un gros travail auprès des gyms et des parents afin qu’ils comprennent que la ponctualité est une notion importante et qu’il était important de respecter certaines règles de vie en communauté comme arriver à l’heure, revenir à chaque cours ou encore porter une tenue appropriée à la pratique d’un sport. C’est une réalité à laquelle nous avons dû faire face au début ” , confie Cléa. Par sa présence sur l’île, le club gymnique de Passamainty prône la pratique du sport pour tous. Sans distinction de sexe, de religion et de conditions sociales. Il n’est plus à prouver que les activités sportives sont non seulement un moyen d’occupation et de maintien de la santé mais aussi un levier de rapprochement des communautés. Reconnu comme un outil de progrès par les Nations Unies, le sport favorise l’émancipation et l’autonomisation des jeunes filles grâce au renforcement de leurs capacités. “ L’émancipation des jeunes mahoraises est pour nous une priorité. On dépasse le cadre de la simple pratique gymnique ” , analyse Cléa avant d’ajouter : “ Depuis l’ouverture du club, les mentalités commencent à changer. Et puis voir les jeunes filles s’épanouir dans la pratique de la gymnastique et se passionner par ce si beau sport est pour nous une belle victoire. ” La genèse Tout a commencé en février dernier lorsque Cléa, ancienne gymnaste au club d’Elancourt-Maurepas désormais professeur d’EPS à Mayotte, et une de ses amies, Morgane, décident de monter un club de gymnastique. Un sport méconnu sur l’île. Tout était donc à créer. De A à Z. De la recherche d’entraîneurs à la recherche de matériels. Pour pouvoir exister, les deux amies devaient en premier lieu monter une équipe d’entraîneurs. Le point d’ancrage

pour faire exister son club. Rapidement, elle s’entoure de 6 autres personnes, toutes particulièrement emballées par le projet. Cinq d’entre-eux sont originaires de métropole et ont déjà de l’expérience dans le milieu de la gymnastique en tant qu’entraîneur ou gymnaste, l’un est mahorais et est actuellement en cours de formation. Tous sont bénévoles et partagent la même passion pour la gymnastique. Alors faire grandir leur club les anime. Entre février et la rentrée de septembre, l’heure était à la mise en place avec le traitement de tout l’aspect administratif. Puis en septembre, les cours ont pu débuter. Babygym, gymnastique artistique féminine (GAF) et gymnastique acrobatique (GAC), différents créneaux sont proposés. Club principalement féminin, quelques masculins ont toutefois rejoint le club et découvrent la GAC, laissant au placard certains préjugés. Les cours se déroulent dans un dojo, à proximité du collège de Passamainti avec qui le club a signé une convention. Le matériel est pour le moment succinct et les agrès manquent mais le minimum est là permettant la pratique de la gymnastique dans de bonnes conditions. Tremplin, trampoline, plan incliné, les adhérents se familiarisent avec la gymnastique et adorent ça. “ Nous avons fait une collecte de justaucorps, les gens de métropoles ont répondu présents et c’était super de voir cet élan de solidarité. Aujourd’hui, nos adhérentes viennent s’entraîner en justaucorps, c’est quelque chose qui était impensable il y a encore quelques mois. On est fier de voir toutes les avancées qu’il y a pu avoir en si peu de temps. La route est encore longue mais chaque étape est une victoire. ” “ Depuis l’ouverture du club, les choses bougent“ , sourit d’ailleurs Cléa. “ Nous venons juste de recruter 3 jeunes mahorais de 15 ans afin qu’ils découvrent le métier d’entraîneur. ” Une nouvelle section va également voir le jour. “ Nous allons ouvrir une section GR dès la saison prochaine. Une gym entraîneur est venue se présenter à nous. ” Une nouvelle offre qui va permettre au petit club mahorais de poursuivre son développement. Mais aujourd’hui, le club gymnique de Passamainty cherche à poursuivre son développement et est à la recherche d’investisseurs pour s’équiper en matériel notamment. “ Nous sommes clairement en manque de matériel ” , regrette Cléa. “ Mais faire un appel aux dons à des particuliers ne nous semblent pas être la bonne solution. En revanche, si des entreprises souhaitent investir dans notre projet, cela nous permettrait de nous développer et d’offrir à nos adhérents du nouveau matériel. De les amener à découvrir les agrès et la gymnastique de manière plus approfondie. Donc si un investisseur nous lit, qu’il n’hésite pas à nous contacter. A plusieurs, on peut faire beaucoup. ” Si on ne parle pas encore de compétition, le club gymnique de Passamainty a toutefois plein de beaux projets en tête et compte bien poursuivre ses actions et ainsi permettre au plus grand nombre d’accéder à la pratique sportive. Un projet commun qui prend vie grâce à la passion et l’investissement incroyable d’un petit groupe de gymnastes passionnés.

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TRIBUNE

LE VISA POUR VENIR À MAYOTTE EXISTE DEPUIS 1976 ET LE VISA BALLADUR EST UN VISA ORDINAIRE ! LE MAYOTTE HEBDO NUMÉRO 983, PARU LE 21 JANVIER 2022 ET ABORDANT LE VISA BALLADUR, A FAIT RÉAGIR DE NOMBREUSES PERSONNES. PARMI ELLES, LE DÉPUTÉ DE MAYOTTE MANSOUR KAMARDINE, QUI A DEMANDÉ UN DROIT DE RÉPONSE AU PREMIER ARTICLE DU DOSSIER. LE VOICI. avec obligation de repartir à l’issue. Il était délivré soit à l’aéroport de Pamandzi, soit au port de Dzaoudzi. Les personnes qui prétendaient venir ici pour rendre visite à la famille ne repartaient souvent plus, en raison probablement de l’état d’abandon civique, économique et social dans lequel se trouvaient déjà les Comores indépendantes.

L’article “ un visa pour les gouverner tous ”, publié dans Flash Info du 24 janvier 2022, tombe comme un cheveu sur la soupe au moment où les débats au plan national s’inscrivent dans la perspective du renforcement de la lutte contre l’immigration, notamment en reprenant des propositions émises de Mayotte pour faire face à la déferlante migratoire dont est victime le 101ème département. Il appelle de ma part quelques observations que je souhaite soumettre à la sagacité de vos lecteurs. En 1er lieu, le régime des visas entre Mayotte et les Comores n’a pas commencé avec la décision d’Édouard Balladur du 18 janvier 1995. Le régime des visas entre Mayotte et le Comores remonte à 1976, date à laquelle a été créée la collectivité territoriale de Mayotte. Ainsi, tout comorien, par nature étranger arrivant à Mayotte, était soumis à une demande visa qu’il sollicitait à l’arrivée,

En second lieu, dans le même temps et alors que le visa était très facile à obtenir, a débuté le système des kwassa-kwassa. Le premier à avoir franchi le bras de mer des Comores vers Mayotte en kwassa-kwassa était le frère du président Ahmed d’Abdallah fuyant le régime du président Ali Soilihi. Cela remonte à 1978 ! La France ferma les yeux sur ce système des kwassa-kwassa pour prouver à la communauté internationale que le régime comorien d’alors était sanguinaire et ainsi justifier par la suite qu’il soit renversé. Des images de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) sur le site internet YouTube montrent encore des camps militaires édifiés à Pamandzi, par l’armée française, pour regrouper tous ceux, parfois arrivés par kwassa-kwassa, qui avaient fui les Comores. Puis, en 1989, lors d’une visite aux Comores, François Mitterrand déclarait aux comoriens son souhait “ qu'il n'y ait plus de barrières dressées, barrières théoriques, mais peu

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franchissables, entre tous les Comoriens que vous êtes, eux et vous ”. Il est donc inexact d’affirmer qu’Edouard Balladur fut le premier à instaurer un visa. Il est tout aussi inexact d’affirmer que le système avec visa à l’arrivée ou sans visa fonctionnait. La réalité est que le visa entre les deux états existe depuis le début, que c’est bel et bien François Mitterrand qui le supprima pour assouvir une promesse qu’il avait faite à son ami Ahmed Abdallah lors de la présidentielle de 1974. Sa décision était éminemment politique et alignée sur les revendications étrangères comoriennes lorsqu’il évoqua, comme motif, qu’il faut renouer l’unité des comoriens qui seraient “ Mayotte et les autres et les autres et Mayotte ”. L’idée sous-jacente était déjà probablement de créer le nombre à Mayotte pour que la France non gaulliste et les Comores obtiennent par la force du nombre ce qu’ils avaient perdu dans les urnes en décembre 1974, à l’occasion de la consultation en vue de l’indépendance des Comores. Vint alors Edouard Balladur, Premier Ministre en visite officielle à Mayotte, au cours de laquelle il décida de restaurer ledit visa, non plus à l’arrivée mais au départ des Comores, auprès de nos services consulaires. Cette mesure provoqua un bras de fer entre les deux pays, car pour les Comores ce projet venait contrarier leur dessein d’envahissement, alors que la quasi-totalité des demandes de visa déposées régulièrement auprès de l’ambassade de France à Moroni recevait une suite favorable. En troisième lieu, cet article affirme qu’il y aurait 10 000 morts dans la traversée mais sans aucune précision quant au mode de calcul effectué pour obtenir ce nombre. Il s’agit en fait d’un glissement sémantique d’un nombre de “ 10 000 disparus ” cités dans un rapport parlementaire vers “ 10 000 morts ”. Ce chiffre englobe donc les malheureux candidats à l’immigration clandestine décédés en mer en kwassa-kwassa, ceux qui ont péri en fuyant les différentes répressions des autorités comoriennes sur leur population, ainsi que tous ceux qui ont rejoint clandestinement la terre après un échouage sans encombre pour leur vie. En quatrième lieu, l’article n’évoque pas non plus le fait que le visa ordinaire dit Balladur est venu tenter de canaliser les mouvements de populations étrangères qui commençaient déjà à poser problème du fait de leur impact sur Mayotte et qui avaient rapidement montré les limites de l’absence de visa et du visa délivré à l’arrivée. Qu’elle est à ce jour l’état de la situation ? Mayotte demeure un territoire envahi par une immigration

rythmée par un ballet incessant de kwassa-kwassa qui a débuté dès 1978 et qui n’a jamais cessé, y compris quand le visa à l’arrivée était supprimé. Mayotte est le seul territoire français où la population étrangère est plus importante que la population française. Avec 75 % des effectifs scolaires composé d’enfants dont les mères sont des étrangères d’origine comorienne - quand elles ne sont pas en situation irrégulière – avec 75% des naissances d’origine étrangères, plus personne, même le plus aveugle, ne peut ignorer la submersion migratoire et le remplacement des populations ! Aussi, venir dénoncer la mesure administrative qu’est le visa dit “ Balladur ”, dont la vocation est d’affirmer la souveraineté française à Mayotte et de réduire l’immigration clandestine, me paraît un peu fort de café ! Cette posture confine à l’imposture et ne rend service ni à Mayotte, ni à l’État comorien, ni même aux candidats à l’immigration. J’affirme que tous ceux qui aiment ce pays ami et voisin que sont les Comores et ses populations ne peuvent avoir pour seul et unique ambition la suppression du visa ordinaire - le visa au départ est la règle de base partout dans le monde, y compris entre des pays amis - mesure que les mahorais n’accepteront jamais sauf à chercher le chaos, car il est le seul moyen de l’affirmation de la francité de notre île au moment où les Comoriens considèrent sans vergogne que c’est leur propriété. Aimer les Comoriens, c’est proposer de les aider à développer leur pays et à fixer les populations locales sur leur territoire. À titre d’exemple, moi qui aime Mayotte, les Mahorais, même si les situations ne sont pas comparables - les Mahorais étant des Français qui se rendent chez eux quand ils vont en France - je plaide pour un développement économique et social du 101ème département pour favoriser le maintien de nos compatriotes à Mayotte, où ils seront souvent plus heureux que dans l’importe quelle ville européenne. Parce que nous voulons trouver un espoir pour nos voisins et amis comoriens, nous avons proposé, en 2019, la mobilisation de notre aide publique au développement (APD) à hauteur de 150 millions d’euros sur trois ans en lieu et place des 7 millions d’euros annuels alloués précédemment. Je regrette vivement que ce programme ait du mal à démarrer et se déployer en faveur des populations comoriennes. Dois-je rappeler, que les moyens dégagés par la France en 2005 à l’occasion de la conférence des bailleurs de fonds des Comores qui s’était tenue à Maurice n’ont pas pu être mobilisés par les Comores dont le seul projet qui les unit semble à ce jour l’intégration par la force de Mayotte dans leur Giron.

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PORTRAIT Raïnat Aliloiffa

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KUEENA REINE EN DEVENIR DU RNB – SOUL

La chanteuse à la voix d’or a su conquérir le coeur du public comorien lors de sa participation à la deuxième édition du concours Nyora, qu’elle a gagné. La carrière de Kueena prend désormais une autre tournure, les opportunités se présentent et l’artiste compte bien les embrasser. Mais qui est réellement Kueena ? Quelles sont ses aspirations ? La chanteuse se livre en toute intimité.

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PORTRAIT Son sourire enjôleur a su charmer les coeurs des milliers de téléspectateurs qui ont suivi l’aventure des candidats du concours Nyora. Mais si Kueena a fait partie des favoris dès le début de la compétition, c’est surtout grâce à sa voix envoûtante. À la surprise générale, elle est arrivée en tête des votes du public et du jury. “ J’espérais aller loin, mais je ne pensais pas gagner ”, reconnaît-elle. Pourtant ce fut bien le cas et, depuis, la chanteuse vit un rêve éveillé. Ce concours lui ouvre la porte de tous les possibles. Le chèque de 5 millions de francs comoriens qu’elle a remporté, soit 10 000 euros, va lui permettre de préparer son album.

“ J’espérais aller loin, mais je ne pensais pas gagner ” Il sera disponible à Mayotte, mais également aux Comores, et dans toutes les îles voisines pour ainsi toucher le public international. Et si Kueena est déterminée à aller aussi loin, c’est parce que la musique est tout son univers. “ Je chante depuis l’âge de quatre ans. Mes soeurs s’improvisaient professeures de chant et me donnaient des cours, des conseils ”, se souvient la jeune femme originaire de Labattoir et Combani. Toute sa famille a détecté son talent et l’a poussée à continuer dans cette voie. “ Mes parents ont toujours été derrière moi, j’avais même

des oncles qui faisaient de la musique traditionnelle et qui m’emmenaient en concert avec eux pour que je puisse chanter sur scène. ” L’adolescente qu’elle était tente alors de passer le pré-casting de la Nouvelle Star en 2015, mais n’est pas sélectionnée à cause de son mauvais anglais. “ Cet épisode de ma vie a cassé mon moral ”, révèle Kueena. Quelques mois plus tard, une tragédie touche sa famille. La jeune femme perd en effet l’une de ses soeurs et n’a plus goût à rien. “ J’ai arrêté la musique, je voulais juste être présente pour ma famille ”, raconte-t-elle. Malgré les encouragements de sa mère qui l’incite à continuer, Kueena refuse de chanter. Arrive alors un homme qui changera sa vie. Son actuel manager et bras droit, Kais Darouechi. “ Il m’a motivée, il était toujours derrière moi, il m’a poussée à continuer. ” Kueena reprend alors goût à la musique pour le plus grand bonheur de son entourage.

Nyora, un coup de pouce et de grands projets C’est d'ailleurs son manager qui l’a inscrite au concours Nyora. “ On voulait qu’elle soit médiatisée, qu’elle soit connue partout en France et à l’international. Passer par les Comores permet de toucher plus de monde et d'avoir du réseau ”, explique l’agent. Kueena marchera-t-elle sur les pas de Soprano, Rohff ou Alonzo ? C’est du moins ce qu’espère son équipe. Gagner Nyora lui donne aussi plus de crédibilité aux yeux des professionnels de la musique. “ En remportant le concours, Kueena est devenue ambassadrice de Comores Telecom, le premier opérateur du pays. Lorsqu’elle voudra collaborer avec un artiste en France, Comores Telecom pourra envoyer un SMS aux 800 000 habitants de l’archipel pour les mettre au courant, et c’est un argument de taille ”, explique Kais Darouechi. C’est donc toute une stratégie que ce dernier a mis en place pour propulser sa muse sur le devant de la scène. La principale concernée vise encore plus loin puisqu’elle a pour projet de passer le prochain casting de The Voice France.

Des sacrifices nécessaires pour réussir Du haut de ses 25 ans, Kueena est maman d’une petite fille de trois ans. Trouver l’équilibre

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entre sa carrière de chanteuse et sa vie de mère n’est pas toujours évident. L’artiste doit parfois faire des sacrifices pour réussir. Et même si elle est persuadée de faire les bons choix pour son avenir et celui de sa fille, cela ne l’empêche pas d’être nostalgique à certains moments. “ L’aventure Nyora a été dure à vivre sur le plan personnel. Je suis partie deux mois, c’est toujours dur pour une mère de laisser son enfants. J’ai parfois pleuré en pensant à elle ”, révèle Kueena. Malgré

ce poids, la chanteuse n’a jamais songé à déclarer forfait. Elle se considère comme une femme forte et motivée qui fera tout son possible pour réaliser ses rêves. “ Kueena a un fort caractère et elle n’abandonne jamais. C’est pour cela que je suis persuadé qu’elle sera une grande chanteuse ”, souligne son manager. Admirative de divas telles que Beyoncé, Mariah Carey ou Rihanna, Kueena est bien déterminée à trouver sa place parmi ces grands noms. n

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DOSSIER

ENVIRONNEMENT

MBOUZI, LA BEAUTÉ CACHÉE

Le 26 janvier 2007, l'îlot Mbouzi et ses eaux devenaient la première réserve naturelle nationale de Mayotte. Quinze ans plus tard, force est de constater que le caillou vert situé entre Grande Terre et Petite Terre est encore méconnu des Mahorais. Pourtant, l'îlot est un véritable trésor environnemental que les Naturalistes, gestionnaires de la réserve, s'efforcent de préserver. Entre son histoire riche, sa biodiversité exceptionnelle et les fléaux qui la guettent, écartons les feuillages de ses denses sous-bois pour nous intéresser à la beauté cachée de Mbouzi.

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Gwen Le Bigot

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DOSSIER

Axel Nodinot

PATRIMOINE

MBOUZI, UN JOYAU VERT & BLEU

AVEC 11 HECTARES DE FORÊT PRIMAIRE ET DE NOMBREUSES ESPÈCES ENDÉMIQUES DE L'ARCHIPEL DES COMORES, DE MAYOTTE, VOIRE DE L'ÎLOT LUI-MÊME, LE “ CHISSIOUA MBOUZI ” EST UN VÉRITABLE VIVIER DE BIODIVERSITÉ. C'EST POURQUOI IL EST DEVENU, EN 2007, LA PREMIÈRE RÉSERVE NATURELLE NATIONALE DU DÉPARTEMENT, ET L'UNE DES DEUX SEULES RÉSERVES FRANÇAISES COMPORTANT UNE PARTIE TERRESTRE ET UNE PARTIE MARITIME.

Il y a d'abord cette silhouette, ces reliefs verts que l'on aperçoit du bateau. Puis, à mesure que l'embarcation se rapproche se dévoile toute l'immensité de Mbouzi, la densité de ses feuillages se rapportant au ramage de ses oiseaux. Malgré une marque persistante du passage humain sur cette terre, à l'image du bâtiment de la léproserie, l'ambiance est paisible et le paysage brut, en témoignent les 11 hectares de forêt primaire à ébène que l'îlot a pu conserver malgré les défrichages. S'il est loin d'être interdit aux visiteurs, ceux-ci doivent en revanche respecter de nombreuses consignes liées au statut de réserve naturelle nationale. Ainsi sont interdits les animaux, la cueillette, les feux, les bivouacs, la pêche, le mouillage ou encore les déchets, afin de laisser la nature se développer autant que faire se peut.

DES ANALYSES CONSTANTES La “ RNN ” de Mbouzi comporte une biodiversité exceptionnelle, avec notamment

plus de 200 espèces animales, qu'elles soient marines ou terrestres, plus de 300 types d'insectes et autant d'espèces végétales. Ce sont ces dernières qui constituent le coeur du patrimoine naturel de l'îlot. En effet, sur ces centaines de plantes, nombreuses sont celles qui n'existent que dans la région de l'archipel des Comores. Certaines sont même endémiques de l'île de Mayotte. Mieux encore, une plante est “ endémique stricte ” de l'îlot ! Il s'agit de l'Acalypha mayottensis, découverte en 2018 et n'existant nulle part ailleurs sur la planète. “ C'est une grande fierté, commente Nicolas Gommichon, garde de la réserve. Peut-être qu'elle est sur Grande Terre mais on ne le sait pas encore. ” Son collègue, Anrif Hamidou, cherche d'autres stations de cette plante sur l'îlot. Pour savoir si une espèce – qu'elle soit animale ou végétale – a déjà été répertoriée, les gardes prennent sa photo et sa position GPS, avant de l'envoyer à des chercheurs, qui leur répondent. Pour l'Acalypha

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Crédit RNN

mayottensis, par exemple, un suivi est nécessaire pour ne pas la perdre. “ On est quasiment sûrs qu'il y a [sur l'îlot] des espèces qu'on ne connaît pas encore, à décrire scientifiquement, inventorier, mettre dans des bases de données, continue Nicolas Gommichon. Parfois, quand on voit quelque chose, ce n'est que la deuxième fois qu'on en parle sur la planète, il a été cité une fois en Afrique, une fois à Madagascar... Ce genre de situation est assez récurrente. ” Ainsi en est-il des insectes, analysés à l'aide de la technique du “ parapluie japonais ” : après avoir tendu un tissu au pied d'un arbre, on tape ses branches pour les faire tomber. “ C'est au petit bonheur la chance ”, avoue le

garde, qui ajoute néanmoins que des araignées jamais vues ont été découvertes de cette manière.

MBOUZI “ DOIT ÊTRE UN EXEMPLE POUR MAYOTTE ” Preuve de l'attrait de la faune et de la flore de Mbouzi, l'afflux constant de chercheurs et scientifiques étrangers sur ce petit morceau de terre. Il y a quelques mois, une équipe d'entomologistes belges venait observer la population d'insectes. L'Acalypha mayottensis, quant à elle, a été découverte par un Mexicain et un

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Espagnol. Nos compatriotes de La Réunion, intéressés par l'aspect volcanique, ont aussi foulé l'îlot à plusieurs reprises, pour y poser un sismomètre et analyser les gaz s'échappant de la mangrove. “ C'est un lieu de découverte assez prisé, se félicite Nicolas. Et on a un écosystème unique au monde dans la grande ravine, avec un cortège floristique particulier de forêt sèche, avec du phyllartron, de l'ébène des Comores, du Commiphora arafy... C'est un milieu que l'on retrouve un peu à Saziley, l'autre lieu comparable de forêt sèche à Mayotte, mais sinon, c'est extrêmement difficile d'en voir, et surtout aussi développé que ça. ” Léa Bernagou, coordinatrice et animatrice à l'éducation à l'environnement et au développement durable sur la réserve naturelle nationale, confirme la richesse de l'îlot, sur terre ou sous les eaux. “ C'est un site sentinelle, qui doit être un exemple pour Mayotte, affirme-t-elle. Sur la partie marine, nous avons constaté une différence entre l'est de l'îlot et l'ouest, avec tous les apports du bassin versant de Passamainty. L'ouest est beaucoup plus envasé, avec des espèces caractéristiques de ce milieu. Il y a aussi des herbiers. Avec la zone passe en S et les îlots Hajangoua, ce serait une zone fréquentée par les dugongs. On voit également des dauphins, mais aussi des tortues imbriquées et vertes. ”

UNE LUTTE CONSTANTE POUR LA PRÉSERVATION Ce sont toutes ces espèces que les Naturalistes de Mayotte s'acharnent à protéger, malgré des dérives difficiles à maîtriser. Les braconniers, notamment, continuent de visiter l'îlot de nuit, à la recherche de makis ou de tortues. “ Une nuit, on campait à la Léproserie avec des scientifiques, et on a entendu des bruits de pas, raconte Paul Delifion, chargé du projet de dératisation. C'était des braconniers qui repartaient vers leur bateau. ” Prudents, les chercheurs se gardent d'une confrontation qui aurait pu mal tourner. “ C'est seulement quand ils ont pris la mer que nous les avons éclairés avec nos lampes ”, continue-t-il. Autre problématique : les activités nautiques pratiquées dans les eaux de la réserve, malgré les bouées la délimitant. “ On constate quand même souvent

des infractions, de la part de jet-skis, du ski nautique, des prestataires, déplore Léa Bernagou. Il y a un non-respect de la réglementation, alors qu'ils la connaissent parfaitement. ” Les gestionnaires et gardes de la réserve naturelle nationale doivent aussi se frotter au manque de considération des politiques publiques pour la cause environnementale, en témoigne le projet départemental de 1992. Ce dernier prévoyait d'extraire 160 000 mètres cubes de roche sur Mbouzi, destinés à servir de remblais pour la construction de la piste de l'aéroport de Dzaoudzi. “ Nous sommes quelques associations à mener des projets, mais on voit bien que, lorsqu'un grand projet d'infrastructure vient, la piste longue typiquement, notre capacité de convaincre n'est probablement pas prise aussi sérieusement que celle du développement économique ”, regrette François Beudard. Le directeur des Naturalistes de Mayotte ne constate toutefois pas de désintérêt de la part des Mahorais : “ Les gens aiment la biodiversité en général, sont assez fiers de leur île et de ses espèces emblématiques. C'est plus une méconnaissance, malgré beaucoup de programmes de sensibilisation. La culture sur brûlis est quelque chose d'ancestral, le changement a donc du mal à percer. Notre impact n'est nettement pas suffisant, tout comme le niveau d'implication des institutions. ” Un constat intransigeant, témoignant d'une volonté écologique de fer. n

UN EXCEPTIONNEL BASSIN DE VIE L'îlot Mbouzi, c'est : 307 espèces végétales 224 types de poissons 12 oiseaux 4 mammifères marins 4 espèces de gecko et plusieurs reptiles Plus de 300 espèces d'insectes Et une plante n'existant nulle part ailleurs : l'Acalypha mayottensis.

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LA LANTANA ÉTOUFFE L'ÎLOT La lantana camara est une plante tropicale envahissante. Sur l'îlot Mbouzi, elle recouvre des patchs entiers de végétation et empêche les autres espèces de pousser. En plus d'un développement très rapide, elle laisse tomber des graines lorsqu'on l'arrache, ce qui rend son éradication extrêmement difficile.

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Axel Nodinot

HISTOIRE

UN PASSÉ MOUVEMENTÉ

AVANT D'ACCÉDER AU STATUT DE RÉSERVE, L'ÎLOT MBOUZI A CONNU TOUR À TOUR DES LÉPREUX, DES CHÈVRES, DES AGRICULTEURS, OU ENCORE DES MAKIS IMPORTÉS PAR L'HOMME. TOUTES CES POPULATIONS ONT FAÇONNÉ LA VÉGÉTATION SI PARTICULIÈRE DE LA ZONE, ÉVOLUANT ET CICATRISANT ENCORE DES VAGUES DE CULTURE SUCCESSIVES. de terre plusieurs dizaines de lépreux. Ces derniers, qui seront même plus d'une centaine en 1949 et 1950, sont autonomes. Ils cultivent en effet la terre et s'organisent en trois quartiers de bangas autour de

La Léproserie est le seul bâtiment restant sur l'îlot.

Lorsque l'on débarque au niveau de la baie des makis, au nord-est de Mbouzi, il suffit de faire quelques pas dans les terres pour apercevoir dans les feuillages des murs verts et rouges, désormais dépourvus de tuiles et de portes suite à des vols. Ce bâtiment, c'est la Léproserie, nommée ainsi d'après la première communauté s'étant installée – de force moins que de gré – sur l'îlot. Avant elle, au cours du XIXème siècle, un lazaret existait déjà pour y mettre les arrivants malades en quarantaine. À part cela, il n'y avait guère que quelques pêcheurs et agriculteurs qui s'intéressaient à l'îlot, ainsi qu'un élevage de chèvres, d'où son nom. Mais, à partir de 1936 et jusqu'au milieu des années 1950, on envoie sur le morceau

“ Une Grande Terre en miniature ” la Léproserie : les Grand-Comoriens, les Anjouanais, et, bien sûr, les Mahorais. Désormais à la retraite, le botaniste Vincent Boullet a étudié en 2017 et 2019 la végétation de l'îlot, pour le compte du Conservatoire botanique national de Mascarin, à La Réunion, dont il préside d'ailleurs le Conseil scientifique. “ Je connais assez bien Mayotte, j'y travaille depuis 2003 ! ”, lance celui qui a cartographié l'état des végétations de Mbouzi. De tous temps, poursuit-il, “ le plateau se trouvant dans les hauteurs de l'îlot a été très largement cultivé. Je me suis donc penché sur la capacité de restauration naturelle de la végétation après des périodes de fortes

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“ Il y avait 15 makis sur la superficie d'une palette ! " cultures ”. Car plusieurs phases agricoles ont eu lieu sur le territoire de 82 hectares. En 1952 débute l'évacuation des lépreux, due à l'apparition de médicaments efficaces pour guérir la maladie. Les derniers d'entre eux quittent Mbouzi à la fin de l'année 1955.

UNE LUTTE CONSTANTE ENTRE VÉGÉTATION ET AGRICULTURE S'ensuit une période creuse, comme l'explique Vincent Boullet : “ Il n'y avait pas un attrait extraordinaire pour l'îlot, de crainte de la maladie. Il y a donc eu un abandon et une reprise du territoire par les arbustes ”. En parallèle, la Direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DAAF) de Mayotte de l'époque lance un programme de replantation de bois noirs, tels que l'ébène. L'objectif ? Empêcher l'apparition de padzas et stabiliser les sols. “ Cela n'a été fait que sur de petites surfaces, mais les ombrages apportés par cette replantation ont permis une revégétalisation ”, commente le botaniste. C'était sans compter sur une deuxième vague de cultures, initiée dans les années 1970 par des agriculteurs de Passamainty. Ces derniers procèdent de nouveau à des défrichements sur le plateau de Mbouzi, afin d'y planter bananiers, cocotiers, manguiers, jaquiers, orangers et arbres à pain. Sans oublier les ravages causés par les inévitables troupeaux de chèvres. Près de vingt ans plus tard, c'est la volonté du Département d'ouvrir une carrière sur l'îlot, destinée au remblai de la piste longue, qui stoppe cette vague agricole. Si l'extraction de pierre n'a heureusement jamais vu le jour, tous les cultivateurs sont expulsés en 1992. Tous ? Non ! Un irréductible agriculteur résiste à l'injonction et, en 1997, s'installe avec ses chèvres, comme pour ne pas que l'îlot en soit vierge. Seul, il défriche une nouvelle fois quelque 2 hectares de boisements, provoquant une troisième vague agricole

très restreinte, avant d'être expulsé en 1998. C'est l'époque à laquelle commence un autre épisode de l'histoire de Mbouzi, celui de Terre d'asile.

LA FOLIE DE TERRE D'ASILE En 1997, une association investit la bien nommée baie des makis, à l'endroit de l'ancienne Léproserie. Emmenée par Brigitte Gandon, une métropolitaine, il s'agit de “ Terre d'asile ”, qui se propose de recueillir les makis blessés et maltraités de Grande Terre. Dans le détail, les membres de l'association leur administraient des soins vétérinaires, et les nourrissaient grâce à des rations quotidiennes de bananes, de manioc ou de riz. Si l'intention paraît au départ noble, l'impact sur les lémuriens a été dramatique, comme l'explique Nicolas Gommichon, garde de la réserve naturelle nationale de Mbouzi. “ On comptait environ 750 makis sur 3 hectares, c'est énorme, affirme-t-il. L'apport de nourriture a modifié le comportement social des makis, qui sont déjà des animaux éminemment sociables. Ils étaient plus agressifs entre eux et envers les visiteurs, il y avait de la compétition sexuelle, plus de reproduction, et ils ne savaient pas se nourrir seuls. ” Si les makis ont désormais repris leur évolution naturelle sur l'îlot et que “ leur implantation a été assez transparente par rapport à l'histoire de la végétation ”, selon Vincent Boullet, d'autres visiteurs ont afflué sur Mbouzi suite à la venue de Terre d'asile et de ses rations de nourriture. Ce sont les rats, qui prolifèrent encore sur le territoire. En 2007, alors que celui-ci est classé réserve naturelle et que les Naturalistes de Mayotte sont désignés pour la gérer, l'association est toujours là. Elle y demeurera jusqu'en 2012, à la suite d'un décret prohibant le nourrissage des makis. “ Leur nombre a chuté en deux ans, explique Nicolas Gommichon. Aujourd'hui, on en compte environ 150 sur les 82 hectares de l'îlot. On a des photos d'avant où il y avait 15 makis sur la superficie d'une palette ! ” Désormais, et ce depuis dix ans, seules les espèces végétales peuplent Mbouzi, bien encadrées par les Naturalistes. Actrices d'un reboisement exceptionnel, elles ont cependant été influencées par cette histoire mouvementée, comme l'explique Vincent Boullet : “ L'îlot Mbouzi est un territoire assez étonnant, et vraiment intéressant. Ce sont des espèces endémiques et des essences indigènes qui l'ont recolonisé, y compris là où il y avait des bangas ! C'est une Grande Terre en miniature, avec la même diversité d'habitats du versant ouest, humide, au versant est, sec. Comme doit l'être Mtsamboro, je pense. ” Reste désormais à étudier dans le détail le plus grand îlot de Mayotte. n

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Axel Nodinot

PRÉSERVATION

LES NATURALISTES À LA BAGUETTE

APRÈS AVOIR DEMANDÉ LE CLASSEMENT DE L'ÎLOT MBOUZI EN RÉSERVE NATURELLE NATIONALE, L'ASSOCIATION DES NATURALISTES DE MAYOTTE EST DEVENUE SA GESTIONNAIRE EN 2008. DEPUIS, SES MEMBRES FONT AU MIEUX POUR RECONSTITUER LE PATRIMOINE NATUREL DE L'ÎLOT, ET LE PRÉSERVER DES BRACONNIERS, DES RATS OU DES PLANTES ENVAHISSANTES, SELON UN PLAN DE GESTION PLURIANNUEL. tout en repérant des espèces animales sur les branches. Un groupe de makis, un papillon, un gecko ou un oiseau, rien n'échappe aux Naturalistes de Mayotte, intarissables d'anecdotes sur la réserve naturelle nationale dont ils sont gestionnaires. Ils sont plus précisément trois personnes à veiller sur elle : Léa Bernagou s'occupe de la partie marine, quand les gardes Anrif Hamidou et Nicolas Gommichon parcourent les ravines sillonnant l'îlot. Mais leurs missions sont loin de se résumer à cela. Suivis scientifiques, communication et même animation... Le poste est riche.

UN ÎLOT “ EN PLEINE CICATRISATION ” Les Naturalistes profitent des journées du patrimoine pour faire découvrir Mbouzi.

“ Fais gaffe, ça glisse ! ” Il est vrai qu'attiré par la richesse de la canopée de Mbouzi, notre regard peut vite en oublier son sol pentu, jonché de roches et de racines noueuses. Nicolas Gommichon et Paul Defilion, eux, sont rompus à l'exercice, évitant de trébucher

Pour Nicolas Gommichon, l'un des deux gardes de la réserve, il s'agit d'une véritable “ reconquête de certaines espèces floristiques ”. “ L'étude du botaniste Vincent Boullet prouve que l'îlot a été cultivé à outrance, spécifie-t-il. Il est en pleine cicatrisation, avec certaines zones vraiment endommagées. ” Les gestionnaires doivent donc mettre en place des suivis,

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parcours pour avoir des indices, ce qui permet de se balader de manière ludique ”, se félicite Nicolas.

UN BUDGET ANNUEL DE 161 000 €

Anrif Hamidou, Léa Bernagou et Nicolas Gommichon.

pour évaluer l'évolution de cette cicatrisation, le plus souvent par espèce. “ Makis, oiseaux, insectes, mangrove, milieu marin, état de santé du corail, détaille Nicolas. Nous devons évaluer la croissance des espèces, et observer le comportement de la nature. ” S'il avoue aussi devoir s'atteler à des tâches administratives et logistiques, le garde voit le verre à moitié plein en relevant la diversité de ses missions et la bonne coopération entre les membres de l'association. “ On travaille beaucoup en équipe ”, confirme Léa Bernagou, coordinatrice et animatrice à l'Éducation à l'environnement et au développement durable de la réserve. “ Il y a une partie administrative, avec les mails, et logistique, puisqu'on organise des animations, des sorties, de la sensibilisation auprès des scolaires, c'est assez varié. ” Dernière opération en date, un ramassage de déchets sur les plages de l'îlot, ouvert au grand public pour le sensibiliser. Si Nicolas Gommichon pondère en affirmant qu'ils n'ont “ pas un besoin extrême de public, étant dans la conservation ”, ces initiatives permettent de faire découvrir le joyau qu'est Mbouzi. “ On fait souvent des chantiers d'arrachage, par exemple sur les plantes exotiques envahissantes telles que le lantana, avec des associations d'insertion professionnelle ou des jeunes en difficulté, continue-t-il. C'est aussi professionnalisant, puisqu'on fait de la formation sur la reconnaissance des espèces exotiques envahissantes. Ensuite, ils reproduiront ces actions sur Grande Terre, au sein de leur structure, donc il y a un côté acquisition de connaissances. ” Lors des manifestations telles que les journées du patrimoine ou la Fête de la Nature, la jeunesse est aussi à l'honneur. “ Sur les journées du patrimoine, on peut avoir une carte au trésor pour les jeunes, qui découvrent certaines espèces, doivent les repérer sur le

Pour organiser ces opérations, en complément des chantiers de gestion de la réserve naturelle nationale de Mbouzi, les Naturalistes doivent composer avec les moyens mis à leur disposition. “ De manière contractuelle, c'est le ministère de la Transition écologique qui délègue à la DEAL [Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement, NDLR] l'attribution et le suivi de la dotation liée aux réserves naturelles nationales ”, explique François Beudard, directeur des Naturalistes de Mayotte. Ainsi, des conventions cadres sous forme de délégation de service public lient la DEAL à l'association depuis 2007. Jusqu'en 2012, les Naturalistes ont récolté et compilé les données scientifiques, avant d'entamer un premier plan de gestion de 2013 à 2017, puis un second, allant de 2018 à 2027. Pour mener à bien les activités de ce plan, l'association bénéficie d'une dotation annuelle. “ La DEAL signe avec les Naturalistes une convention pluriannuelle de cinq ans, de 2018 à 2022, continue François Beudard. De manière annuelle, la DEAL édite une convention financière de délégation de la dotation. Celle-ci était un peu sous-dimensionnée jusque fin 2020, puisqu'elle était de 128 000 euros, pour un effectif de 2,5 employés. En 2021, il y a eu deux éléments de revalorisation, pour arriver à 161 000 euros. ” En plus de cette dotation, l'association peut aussi mobiliser des financements, tels que des appels à projet, qui sont conciliables avec le plan de gestion de la réserve. De quoi mettre en place des opérations telles que celle visant à éradiquer les rats, qui pullulent sur l'îlot et menacent la faune et la flore locales. n

En décembre 2021, les Naturalistes menaient une opération de ramassage ouverte au public.

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Axel Nodinot

REPORTAGE

LES RATS, CE FLÉAU À TAS DE BLÉ, LE RAT S'Y MET. MULTIPLIÉE LORS DE L'INTRODUCTION DE MAKIS SUR MBOUZI DANS LES ANNÉES 1990, LA POPULATION DE RATS Y ATTEINT JUSQU'À 6000 INDIVIDUS EN SAISON HUMIDE. POUR ÉVITER QUE LES RONGEURS NE DÉVASTENT LA VÉGÉTATION ET LA FAUNE AMBIANTES, UNE MISSION DE DÉRATISATION EST MENÉE PAR L'ÉQUIPE DE LA RÉSERVE, BIEN ÉPAULÉE PAR LES TAAF, LES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES. Écartant toiles d'araignée et branches trop souples de son passage, Paul Defilion avance vers les caméras qu'il a placé sur les crêtes de Mbouzi. Il y a quelques mois, le jeune

homme a été missionné par les Naturalistes de Mayotte et les Terres australes et antarctiques françaises pour y mettre en place le projet RECIM, ou “ Restauration écologique de l'îlot Mbouzi ”. L'objectif ? Débarrasser la réserve naturelle nationale

“ La réserve naturelle, c'est un statut juridique, les rats s'en foutent ” des milliers de rats qui y pullulent. “ C'est une espèce terrible qui s'attaque à tout, y compris aux espèces à protéger ”, affirme Paul, dépassant un tronc d'arbre ayant perdu son écorce,

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remplacée par des traces de crocs. Arrivée sur l'un des lieux où ont été disposées des caméras, l'équipe de la réserve constate le nombre de vidéos captées par les caméras, mais aussi que les appâts disposés devant les appareils ont tous été mangés par les rats, comme le sont de nombreux œufs d'oiseaux sur l'îlot.

COMMENT TUER UN RAT ? “ Ma première mission a été de connaître leur nombre ”, explique Paul. Pour estimer leur population, le chef de projet met en place un protocole CMR – capture marquage recapture – à l'aide de bagues numérotées sur les oreilles des rats, tous les jours et pendant plusieurs jours. “ À la fin, le nombre de recaptures sera plus grand que celui des nouvelles captures ”, continue-t-il. Le scientifique a donc estimé la population de rats sur Mbouzi à environ 1500 individus en saison sèche, pour environ 5700 en saison humide, soit 70 rats par hectare. “ Les rats s'adaptent à leur ressource en nourriture et leur population fluctue, précise-t-il. Autour de la Léproserie, leur nombre a explosé à cause de la nourriture apportée pour les makis. ” Reste désormais le gros de l'opération : l'éradication de l'espèce sur l'îlot Mbouzi. “ Le rat se reproduit très vite,

affirme Paul Defilion. S'il reste une seule femelle, avec ses petits, ils se reproduisent avec consanguinité et c'est reparti. En deux mois, la population est reconstituée. Il faut donc mener des actions pour l'endiguer. La réserve naturelle, c'est un statut juridique, les rats s'en foutent ”. Avant son arrivée, seules de petites et régulières opérations de capture, notamment aux pieds de vanille de Humblot, étaient menées sur l'îlot. Mais “ le piégeage mécanique fonctionne très mal, seulement sur une île très petite, et demande un travail indéfini dans le temps ”, selon le chercheur. “ Il faut faire un one shot, réduire la population à zéro et faire ce qu'il faut pour ne pas qu'ils reviennent. ”

BRODIFACOUM EX MACHINA Pour cela, il privilégie un épandage de biocide chimique, le brodifacoum, en faisant des lignes régulières et espacées sur la totalité de l'îlot. “ Mais, tu vois le relief ici, rétorque-t-il. L'épandage à la main n'est pas possible à Mbouzi, avec ses falaises. On ne va pas trancher des lignes à la machette dans la végétation. Je suis là pour protéger la biodiversité, il faut que je garde ça en tête. ” Paul Defilion préfère donc un épandage aérien, “ plus rapide, plus précis ”. Mais il n'est pas seul à décider de cela. Assis sur la terrasse de la Léproserie, le jeune homme évoque le

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Conseil scientifique du patrimoine naturel (CSPN), qu'il doit convaincre à propos du produit qu'il compte utiliser pour éradiquer les rats. Ainsi se déroule son plaidoyer : “ Le brodifacoum est un anti-vitamine K, qui empêche la coagulation du sang chez les mammifères. Or, les rats sont hémophiles, donc ils mourront d'hémorragies internes dans leur trou, sans laisser de cadavres au sol. Le brodifacoum disparaît très rapidement de l'environnement, n'est pas ou peu soluble dans l'eau, donc il ne rentre pas dans les plantes, donc pas dans la chaîne alimentaire, ni ne rentre dans les sols avec l'eau. Les crabes n'y sont pas sensibles, ni les reptiles, ni les insectes. ” Les oiseaux, qui peuvent y être sensibles, ne semblent pas être intéressés par les appâts, selon

les captures vidéo des 10 caméras placées actuellement sur l'îlot. Le plus grand problème, concernant ce biocide chimique, est son utilisation interdite en mangrove. “ Les appâts peuvent tomber dans l'eau, être mangés par les poissons, et provoquer une possible faible bioaccumulation dans la chaîne alimentaire marine ”, reconnaît Paul. “ J'aurai de la mortalité, je vais tuer des choses, si je fais comme ça, continue-t-il. Je dois m'assurer que ce ne sont pas des espèces protégées, ou que je ne vais pas en mettre en danger. La chouette effraie, par exemple, aura du mal à survivre, mais il y en a des milliers sur Grande Terre, ce n'est pas une espèce en danger ni endémique. ” Concrètement, deux épandages aériens seront opérés en l'espace de 15 jours, en gardant une réserve d'urgence si des rats restent en vie. Puis, un

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466 728 € dispositif de détection devra ensuite être mis en place pour empêcher le retour des rongeurs sur l'îlot. “ C'est là où le bât blesse pour Mbouzi, conclut Paul Defilion. Il suffit d'un pêcheur, qui a un vieux filet dans sa pirogue, avec un rat sous ce filet, pour le réintroduire sur Mbouzi ”. Le rendezvous est désormais pris à la saison sèche 2023, créneau prévu pour l'éradication. n

C'est le montant alloué au projet RECIM contre les rats. Ce budget a trois sources de financement : un contrat plan État-région, une petite part de la dotation annuelle de la réserve, et une aide européenne prenant la forme de prêt de matériel et de conseil.

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L.G

LA BRIGADE ENVIRONNEMENT DE MAMOUDZOU LANCE LA GUERRE AUX DÉCHETS Depuis novembre 2021, des agents de prévention environnementale et d’incivilité de la division de la prévention et de la sécurité urbaine (DPSU) de Mamoudzou interviennent toutes les deux semaines dans les quartiers les plus isolés de la commune afin de faire évoluer les mentalités sur la question des déchets. Si l’heure est à la sensibilisation, les verbalisations débuteront dès le mois de février. Canettes, bouteilles, carcasses de voitures et déchets ménagers en tout genre poussent comme des champignons sur l’île aux parfums. Partout, des quantités astronomiques de détritus viennent polluer les paysages et les eaux du lagon. Armés de leurs chaussures de sécurité et de leur pédagogie, les agents de prévention environnementale et d'incivilité de la ville chef-lieu travaillent à faire changer les mentalités. “Odi… Caribou !” Mission après mission, l'équipe de quatre à cinq agents fait du porte-à-porte et sillonne les quartiers difficiles d’accès en amont de Mamoudzou. “Lorsque nous arrivons, nous nous répartissons en deux ou trois équipes pour élargir notre champ d’action.

Au fil des semaines, nous nous rendons compte que les habitants comprennent et certains dénoncent ceux qui jettent leurs déchets n’importe où”, explique Ahmed Naïly, l’un des agents de terrain.

Faire changer les mentalités Sur les hauteurs de Passamaïnty, les ordures sont partout ! Ici, pas de bennes ou de passage des camions poubelles. Conséquence ? De nombreuses décharges sauvages voient le jour. Sous un panneau “Dechet Interdi”, un monticule d’immondices attend la prochaine pluie

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qui continueraient à se débarrasser de leurs déchets où bon leur semble. “À terme, notre objectif est d’étoffer l’équipe et d’arriver à 15 agents sur le terrain”, affirme Chamassi Chaharoumani. Avant d’ajouter : “Leur rôle est avant tout celui de médiateurs, ils ont une connaissance fine du terrain. La répression viendra en complément de la prévention, mais les amendes ne sont pas une solution miracle et le plus important est d'apporter une réponse pérenne à ce problème.” Après quelques mois de dur labeur, Abou, Ahmed, Mohamed, Brahimou, se réjouissent de voir leur travail porter ses fruits. “À chaque sortie, nous réalisons des rapports. Nos équipes agissent en lien avec les services de la mairie et le Cadema (communauté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou) qui organisent ensuite des opérations de collecte sur les lieux indiqués”, affirme le groupe d’agents de la DPSU, heureux de voir son action récompensée. n

Entre 38 à 1.500 euros d’amende en fonction de la nature de vos déchets pour dévaler la pente et filer directement dans l’océan Indien. Pour le directeur de la division de la prévention et de la sécurité urbaine (DPSU) Chamassi Chaharoumani, la vraie problématique est avant tout éducative. “L’idée de la politique menée par la municipalité de Mamoudzou est de faire changer les mentalités. Que la population prenne conscience que ce n'est pas grand-chose de jeter ses déchets à la poubelle plutôt que n’importe où”, détaille l’ancien capitaine de la police nationale. Le but de la brigade prévention environnementale et incivilité consiste en la lutte contre l’insalubrité, les tags, ou encore les garages clandestins qui déversent des produits toxiques dans les cours d’eau mahorais.

Unis pour un avenir plus vert Dès février 2022, les agents sur le terrain auront le pouvoir de verbaliser les contrevenants (voir encadré)

Pour le dépôt sauvage de déchets sur le domaine public, vous risquez 750 euros et jusqu’à 1.500 euros si l’abandon est effectué avec un véhicule. Si vous brûlez ou éliminez des déchets par voie illicite, vous vous exposez à une amende pouvant aller jusqu’à 450 euros. Si vous jetez un déchet par terre, vous risquez au minimum 38 euros d’amende, le prix de celle-ci étant déterminé par la nature dangereuse du déchet pour l’environnement. Pour tout dépôt non autorisé de véhicule hors d’usage sur le domaine public, vous vous exposez à une amende allant jusqu’à 1.500 euros.

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LITTÉRATURE

LISEZ MAYOTTE

LES CLASSIQUES : YOUSSOUF SAÏD, ENCORE AGRÉGÉ DE LETTRES MODERNES ET DOCTEUR EN LITTÉRATURES FRANCOPHONES, CHRISTOPHE COSKER EST L’AUTEUR DE NOMBREUX OUVRAGES DE RÉFÉRENCE SUR LA LITTÉRATURE DE L’ÎLE AUX PARFUMS, NOTAMMENT UNE PETITE HISTOIRE DES LETTRES FRANCOPHONES À MAYOTTE (2015) DONT IL REPREND, APPROFONDIT ET ACTUALISE, DANS CETTE CHRONIQUE LITTÉRAIRE, LA MATIÈRE.

Youssouf Saïd, Mayotte, légendes et histoires drôles, éditions UDIR, 1986.

Comportant de nombreuses illustrations en couleur et en noir et blanc, signées Saindou Abdallah, l'ouvrage a été présenté par Sophie Blanchy, tandis que la photo de couverture est signée Laurent Stieltjes.

Une fois n’est pas coutume, mais le texte nous semble d’importance, nous aimerions consacrer une deuxième chronique consécutive à Mayotte : légendes et histoires drôles (1986) de Youssouf Saïd, premier manuscrit francophone signé par un Mahorais. En effet, nous n’avons notamment pas eu le temps de dire que l’ouvrage avait été préfacé par Sophie Blanchy qui, dans son texte liminaire, essaie de répondre à la question : “ Qu’est-ce qui fait rire à Mayotte ? ”. Et voici comment s’achève ladite préface : “ Même s’il apparaît comme hétérogène, ce recueil où la grosse plaisanterie côtoie un humour doux-amer trace, par touches légères, un certain portrait de Mayotte : un autoportrait en réalité, celui qu’esquissent, dans une création collective, les villageois réunis sur quelque shilindro (place publique), après les travaux du jour, riant ensemble, pour les vaincre, des problèmes de la vie. Cet humour est donc aussi, bien souvent, un enseignement, une leçon de sagesse. ” Ce livre réunit ce qui fait, selon nous, le texte de Mayotte : connaissance et plaisir, plaisir et connaissance. Le plaisir réside dans la gamme d’humour proposée, de la plaisanterie grossière à l’humour délicat. La connaissance est à la fois du lieu et de l’auteur. En effet, Youssouf Saïd mérite que l’on s’arrête un instant sur sa personne, notamment parce qu’il y a ce que l’ancien préfet Philippe Boisadam, dans un essai intitulé Que faire de Mayotte ? (2009) appelle l “ ’affaire Youssouf Saïd ” dont voici,

sinon les aboutissants, au moins quelques tenants : “ Il s’agissait pour Youssouf Saïd de se présenter contre le président sortant Ahmed Abdallah et il est très probable que celui-ci soit intervenu auprès de François Mitterrand pour que le préfet lui notifie l’interdiction de sortie de la collectivité. Le président comorien ne voulait pas prendre le risque d’avoir un adversaire supplémentaire contre lui, de surcroît mahorais, d’autant plus que celui-ci représentait une opposition très déterminée mettant en cause sa gestion et son autocratie. ” (p. 197) Youssouf Saïd est donc non seulement écrivain, mais aussi homme politique et adversaire d’Ahmed Abdallah Abderemane, celui qui, en 1975, déclare l’indépendance unilatérale de l’archipel des Comores. Il revient sur cet aspect de sa vie dans quelques-uns des fragments : “ Un Mahorais à Paris ”. Le dernier texte qui retient notre attention et dont nous aimerions parler s’intitule “ Un porteur au-dessus au de la moyenne ”. Parmi les corvées les plus détestées pendant la période coloniale, on trouve notamment l’obligation de la chaise à porteurs – que l’on voit sur de nombreuses photographies de l’époque. Voici comment un indigène réussit, en manière de pied de nez au colon, à y échapper : “ Depuis son plus jeune âge, Saïd Ali Sheikh se distinguait, par sa taille remarquablement élancée, et son esprit vif. Or, malgré son rang social assez élevé, il lui arriva d’être désigné pour cette tâche de burzani, pénible et humiliante. Il trouva finalement un moyen

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de l’éviter, en laissant croire qu’il était nettement plus grand que ses trois autres camarades : en fait il posait la barre sur sa tête au lieu de la mettre sur son épaule ! La chaise était

dangereusement déséquilibrée et on l'élimina en constatant qu’il était beaucoup trop grand ! ” (p. 14)

Christophe Cosker

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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayottehebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Axel Nodinot

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Couverture :

Mbouzi, la beauté cachée

Journalistes Axel Nodinot Romain Guille Raïnat Aliloiffa Lise Gaeta Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com



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