DOSE DE RAPPEL Covid-19
Grâce au rappel vaccinal, je renforce ma protection face au virus
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Pourquoi une dose de rappel est nécessaire ? La dose de rappel permet de renforcer l'immunité et éviter notamment les formes graves de la maladie La vaccination permet de nous protéger individuellement et collectivement et préserver notre territoire d'une nouvelle vague épidémique Elle permet également de conserver son pass sanitaire et donne ainsi la possibilité d'aller au restaurant et dans la plupart des lieux publics et de voyager plus facilement.
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Qui peut recevoir la dose de rappel ? Toutes les personnes de plus de 18 ans ayant un schéma vaccinal complet
Quand puis-je recevoir ma dose de rappel ? 3 mois après ma dernière injection ou 3 mois après une infection au Covid-19.
Retrouvez la carte des centres de vaccination sur le site de l'ARS MAYOTTE Pour le moment, même vaccinés, continuons à respecter les gestes barrières
LE MOT DE LA RÉDACTION
AVEC OU SANS MINISTRES Mardi dernier, Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, se fendait d'un tweet promouvant le bilan du gouvernement pour annoncer sa venue à La Réunion ce week-end. Certes, nos voisins ont subi de nombreux dégâts matériels, causés par le passage du cyclone Batsirai. Mais qu'en est-il de Mayotte, qui connait en ce moment un atroce épisode de violences, avec meurtres et mutilations en guise de points culminants ? La réponse se fait attendre, chez M. Lecornu, qui compte bien plus de visites prévues qu'effectuées sur l'île aux parfums. Peut-être profitera-t-il de la venue – hypothétique, elle aussi – d'un autre ministre, de la Justice celui-là. Eric Dupond-Moretti a en effet prévu de se déplacer à Mayotte les 17 et 18 février prochains. S'il n'est pas cas contact, comme ce fut le cas en décembre, le garde des Sceaux aura l'honneur de s'exprimer sur la situation pour le moins chaotique du département. L'un des pires exemples de ce chaos est Combani, réunissant quasiment chaque semaine des dizaines de délinquants au niveau du pont menant à Miréréni. Pourtant, les institutions et entreprises locales se bougent pour offrir un meilleur avenir au village de la commune de Tsingoni, qui verra d'ici cinq ans un centre commercial et un technopôle de santé sortir de terre, entre autres. Ainsi, Mayotte avance et se développe, sans attendre que les deux ministres lui témoignent une quelconque prise d'intérêt. Bonne lecture à toutes et à tous.
Axel Nodinot
Mayotte Hebdo • 1/2 Page Largeur FU • 190 x 130 mm • Question du jour • Parution 11/févr./2022 • Remise 07/févr./2022
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NOUVEAU PARI
TCHAKS LE CHIFFRE 1
S'il est difficile de s'en réjouir, c'est désormais le nombre de coupures d'eau hebdomadaires que subiront les foyers mahorais, d'après le nouveau calendrier de la SMAE – Mahoraise des Eaux. Depuis plusieurs semaines, chacun des villages de l'île devait en effet composer avec deux coupures d'eau par semaine, sans compter les soudaines interruptions impromptues de la Société mahoraise des eaux. Le week-end dernier, par exemple, plusieurs coupures d'eau ont été recensées dans les communes de Mtsangamouji et Tsingoni. Pour connaître dans le détail le planning hebdomadaire des coupures d'eau dans chaque secteur, consultez le tableau ci-dessous.
L'ACTION
Un boulevard urbain pour contourner Mamoudzou C'est le projet départemental qui semble en bonne voie, après sa validation par la Commission Nationale de débat public. Dans le détail, cette rocade relierait Majicavo Koropa à Tsoundzou 2, en desservant les villages présents sur le trajet. Elle prévoirait aussi une "voie verte" destinée aux vélos, ainsi qu'une voie de bus. Désormais, le projet passe en phase consultative, afin de définir son tracé exact et de communiquer auprès du peuple pour recueillir ses attentes. Rien n'est toutefois entériné. Pour rappel, la précédente mandature du Conseil départemental avait essuyé l'échec de la fameuse "voie de contournement" de Mamoudzou, qui était attendue pour relier l'entrée de Kawéni à Doujani afin d'éviter les embouteillages incessants du centre de la commune.
LA PHRASE
"Sortir Mayotte de l'indifférence"
C'est l'ambition de Manuel Schapira, réalisateur du film "Tropique de la violence", adapté du roman de Natacha Appanah paru en 2016. Les avant-premières du long-métrage intégralement tourné à Mayotte se déroulent en ce moment sur l'île au lagon, au cinéma de Chirongui, alors que sa sortie officielle dans les salles françaises ne se fera que le 23 mars 2022. Selon M. Schapira, "les retours sont unanimes. Particulièrement les jeunes. Ils sont fiers de voir leur île filmée avec de beaux moyens. Ils sont également fiers de voir des mecs d'ici raconter leur vécu". Le drame opposant puis réunissant deux jeunes hommes, l'un éduqué par une mère adoptive métropolitaine, l'autre survivant dans la misère, a tout pour séduire les cinéphiles. Dans tous les cas, il participera à projeter une image plus nuancée de Mayotte, qui a tendance à n'être dépeinte que comme un foyer de délinquance et d'immigration.
COUPURES Lundi : Commune de Chirongui, Commune de Bouéni, Cavani, Mandzarsoa, Mtsapéré, Doujani, Ambassadeur, Passamainty – Ngambo Titi, Mtsahara.
Mardi : Commune de Bandrélé, Kangani, Longoni, Trévani, Passamainty, Tsoundzou 1, Tsoundzou 2.
Mercredi : Commune de Chiconi, Commune de Pamandzi, Convalescence, Cavani Sud, Mamoudzou Haut, Miréréni (Tsingoni).
Jeudi : Commune de Ouangani, Kawéni, Hamjago, Vahibé.
Vendredi : Commune de Kani Kéli, Koungou, Majicavo Lamir, Majicavo Koropa, Hauts Vallons, Mtsamboro. Samedi : Commune de Labattoir, Commune de Bandraboua, Commune de Dembéni, Mtsangadoua, Combani, La Vigie. Dimanche : Commune de Mtsangamouji, Commune de Sada, Mamoudzou, Cavani – Mamoudzou, Kawéni, Tsingoni, Mroalé.
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LU DANS LA PRESSE
Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale
DÉPARTEMENTALES À MAYOTTE : LA JUSTICE ANNULE L’ÉLECTION DU LR MANSOUR KAMARDINE Le 8 février 2022, par 20 Minutes avec l'AFP.
Le tribunal administratif a constaté des différences de signature de 57 électeurs entre le premier et le second tour. L’élection, en juin 2021, avait été gagnée par 38 voix d’avance.
a aussi été invalidée – ont répondu dans un communiqué que les juges avaient « une méconnaissance de la culture régionale et du niveau d’instruction générale ». Le Conseil d’Etat va être saisi
C’est un coup dur porté à l’homme fort de Mayotte. Le tribunal administratif de Mamoudzou a annulé lundi l’élection dans le canton de Sada de Mansour Kamardine, député LR de la 2e circonscription et figure de la politique locale, après avoir constaté des irrégularités sur le registre de signatures.
Les deux élus ont annoncé qu’ils comptaient saisir le Conseil d’Etat et qu’ils ne renonçaient pas dans l’intervalle à « la poursuite du travail » d’élus locaux. L’examen de ce litige par le Conseil d’Etat ne devrait pas intervenir avant les échéances électorales de cette année.
Le tribunal explique avoir constaté des différences de signature de 57 électeurs entre le premier et le second tour de ce scrutin, qui s’est tenu en juin dernier. Mansour Kamardine et sa binôme, Tahamida Ibrahim – également vice-présidente du conseil départemental dont l’élection
Mansour Kamardine et sa binôme avaient devancé de 38 voix en juin 2021 leurs adversaires sans étiquette, mais proches de la LREM, Mariam Saïd Kalame et Mohamed Assani Abdou, qui avaient contesté ce résultat devant la justice.
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PORTRAIT Raïnat Aliloiffa
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ELHAD SAÏD L'ESPOIR MAHORAIS DE CHÂTEAUROUX
Du haut de ses 18 ans, Elhad Saïd a déjà l’étoffe d’une star du football professionnel. Il vient de rejoindre le centre de formation de la Berrichonne de Châteauroux, qui évolue en National. Une nouvelle étape dans sa carrière de footballeur qui le rapproche de son objectif, devenir professionnel et jouer dans les grands clubs.
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PORTRAIT du RC Lens, mais, à cause de la Covid-19, il ne pourra jouer avec la réserve. Qu’à cela ne tienne ! Le jeune footballeur ne baisse pas les bras, continue les entraînements, et une nouvelle opportunité se présente à lui. « Le club de Châteauroux cherchait un ailier gauche. Elhad a fait une semaine d’essai, ça s’est bien passé et ils l’ont retenu », explique son frère, Dhoulkamal Saïd.
Il entre en U-19 et cela lui permet de jouer plus. « Je m’entraîne avec la réserve, la Nationale 3, et les week-ends je joue avec les groupes nationaux. Mon objectif est de maintenir Châteauroux en U-19 National », précise le joueur. Le centre de formation de la Berrichonne de Châteauroux est réputé pour être exigeant, la discipline est de rigueur et Elhad doit s’y plier. « On doit manger équilibré, on dort à des heures précises pour éviter les blessures. Mais j’étais déjà habitué à ça. » Le footballeur a signé un contrat qui se terminera en juin 2022, à la suite duquel il
Son talent est indéniable. Elhad Saïd, jeune footballeur originaire de Mayotte, a su se frayer
« Je travaille dur, je sais ce que je veux. » un chemin dans le monde du football pour se hisser sur le podium des talents prometteurs. Il a commencé à jouer dans sa ville natale de Limoges grâce à son grand-frère, Dhoulkamal Saïd. « Il m’a initié au foot alors que je n’avais que 5 ans. J’y ai pris goût et je n’ai jamais voulu arrêter », raconte-t-il. Le jeune garçon passe par plusieurs clubs de Limoges avant d’être recruté dans le très prestigieux Racing Club de Lens à l’âge de 11 ans. Elhad y évolue pendant six ans, gravit les échelons et intègre l’antichambre
« C’est très important de ne pas oublier son histoire, ses origines. » espère décrocher un contrat professionnel. Ça ne sera pas facile, il le sait, mais Elhad se donne les moyens pour y arriver. « Je travaille dur, je sais ce que je veux. L’idéal pour moi est de commencer dans mon club de formation, à Châteauroux, avant d’aller ailleurs. » Il rêve de jouer dans les grands clubs nationaux et européens tels que le Paris Saint-Germain ou le FC Barcelone, à l’instar de ses idoles, Lionel Messi, Neymar et Kylian Mbappé.
Le football, une affaire de famille Elhad Saïd suit les pas de son grand-frère, qui n’est autre qu’Ismael Boura, actuellement en prêt dans le club de Ligue 2 du Havre, où
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il est titulaire. Le football est avant tout une passion partagée par toute la famille. Les parents des deux joueurs n’ont ainsi pas hésité à déménager plusieurs fois afin de permettre à leurs enfants d’évoluer dans différents clubs. « Je suis reconnaissant, j’ai conscience des sacrifices qu’ils ont fait, de leur investissement et je les remercie pour cela », déclare Elhad Saïd. Des sacrifices, toute la famille en a fait, particulièrement le grand-frère Dhoulkamal, qui a fait le choix de mettre sa carrière professionnelle de côté pour celles de ses petits-frères footballeurs. « J’ai refusé un CDI à Limoges et j’ai préféré déménager à Lens pour qu’Elhad puisse entrer au RCL. Nos parents étaient avec nous mais ne comprenaient pas le monde du football. C’était donc moi qui encadrais mes frères », assure Dhoulkamal. C’est toujours le cas aujourd’hui. Ce dernier est très protecteur envers sa fratrie, notamment avec Elhad, et n’hésite pas à remettre les pendules à l’heure lorsque cela est nécessaire. « Je ne veux pas qu’ils oublient d’où l’on vient, de la misère qu’on a vécue. Ils évoluent dans le monde du football professionnel, ils gagnent de l’argent mais il ne faut pas qu’ils dérivent, car demain ils peuvent tout perdre. Ils doivent avancer tout en gardant les pieds sur terre », explique Dhoulkamal Saïd. Des valeurs partagées par l’ex-Lensois. « C’est très important de ne pas oublier son histoire, ses origines. » Ses origines, il y pense souvent. Elhad Saïd reconnait avoir de la chance d’être né et d’avoir grandi en métropole car cela lui a permis d’évoluer dans des clubs qui ont les structures adéquates. Ce qui n’est pas le cas des joueurs de Mayotte, qui doivent quitter le territoire pour que leurs carrières évoluent. n
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AMÉNAGEMENT
COMBANI, C'EST LE FUTUR ! Les caillassages, les grenades lacrymogènes, les routes barrées, les affrontements avec Miréréni… Voilà les images qu'évoque Combani. Mais le village de la commune de Tsingoni, situé au centre de l'île, bénéficie d'une position idéale pour les pouvoirs publics, entrepreneurs et autres investisseurs. Ces derniers ne s'y trompent pas, en affichant une volonté claire de placer leurs billes à Combani pour désenclaver l'hégémonique Mamoudzou. Ainsi, le centre commercial Ylang Ylang, qui devrait voir le jour l'année prochaine, et le second hôpital de Mayotte, dont la construction devrait débuter en 2025, sont autant de clés qu'a désormais le secteur pour cesser de n'être qu'un foyer de la délinquance.
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Axel Nodinot
COMMERCE
COMBANI, CENTRE ÉCONOMIQUE
MENÉE PAR L'OPÉRATEUR IMMOBILIER RÉUNIONNAIS CBO TERRITORIA, LA CONSTRUCTION DU CENTRE COMMERCIAL YLANG YLANG À COMBANI SUIT SON COURS. PRÉVU POUR LE DEUXIÈME SEMESTRE 2023, CET ENSEMBLE D'ENVERGURE PERMETTRA DE DRAINER LA CLIENTÈLE DE L'OUEST DE L'ÎLE, ET DONC DE DÉSENGORGER LES COMMUNES DE MAMOUDZOU ET KOUNGOU. UN DÉVELOPPEMENT QUI EN AMÈNERA D'AUTRES, ET PERMETTRA AU VILLAGE DE LA COMMUNE DE TSINGONI DE DEVENIR LE PÔLE ÉCONOMIQUE DU CENTRE. Un Jumbo Score, un Mr Bricolage et un C'Tam regroupés dans le même ensemble commercial… À Combani ! C'est ce que pourront apprécier les Mahorais, et surtout les habitants du centre et de l'ouest de l'île, à la fin de l'année 2023. Dans environ un an et demi, en effet, les chalands se presseront sur le parking du centre commercial Ylang Ylang. Celui-ci sera situé sur un terrain de 2,9 hectares, derrière la station-essence Total, au niveau de la sortie sud du village. Quant aux bâtiments commerciaux, ils s'étendront sur quasiment 8000 mètres carrés. "À ce jour, les surfaces sont commercialisées à hauteur de 79%", affirme Cédric Giraud, directeur du développement de CBo Territoria La Réunion – Mayotte. Le groupe réunionnais côté en bourse, qui s'occupe du projet, est déjà bien connu à Mayotte, puisqu'il est à l'origine du rachat de l'immeuble où se trouve C'Tam, à Kawéni, en 2016. C'est dans le même village
que l'entreprise construisait en 2018 le centre Kinga, dans lequel se trouvent aujourd'hui les locaux de l'ARS, de la CSSM ou du SDIS.
24 MOIS, 24 MILLIONS D'EUROS En octobre dernier, CBo Territoria récidivait donc sur l'île au lagon, en annonçant le début de la construction d'un centre commercial à Combani. Depuis, les baux commerciaux ont été signés avec des enseignes telles que Carrefour, pour un supermarché Score de plus de 1900 m2 qui sera géré par le groupe Bernard Hayot (BDM-GBH). Mais aussi C'Tam, qui occupera une surface de 1200 m2 pour son second magasin à Mayotte, comme Mr Bricolage, qui s'implante dans le centre en plus du Jumbo de Majicavo. L'ensemble commercial sera complété par une galerie de 17 boutiques (1400 m2), un comptoir de vente et un entrepôt Distrimax (groupe
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Le centre commercial Ylang Ylang réunira plusieurs grandes enseignes, telles que Jumbo Score, C'Tam ou Mr Bricolage.
Cananga, 955 m2), et une enseigne de restauration rapide (300 m2). De plus, 2,8 hectares supplémentaires ont été acquis par CBo Territoria, qui y construira de l'immobilier "en foncière et en promotion", selon le groupe. Débutés en fin d'année 2021 par le groupe Colas, les travaux devraient s'achever au second semestre 2023, même si les imprévus sont nombreux. Mais, plus que les mesures sanitaires liées à la pandémie de Covid-19 ou les affrontements des bandes de Combani et de Miréréni, c'est la pluie qui freine le chantier. "L’avancement des travaux du futur centre commercial Ylang Ylang de Combani ne souffre pas particulièrement des restrictions sanitaires, déclare Cédric Giraud. Il suit son cours malgré les difficultés normales de la saison des pluies à Mayotte". Même son de cloche chez Philippe Enfru, responsable de la promotion immobilière de Colas : "Les intempéries que l'on a depuis la fin de l'année dernière nous ont fait prendre 20 jours de retard, durant lesquels nous n'avons pas pu travailler, et notamment faire le terrassement". Quant aux frasques des délinquants, qui bloquent régulièrement le pont
de Combani, elles ne représentent qu'un jour ou deux de retard. "Les machines peuvent passer de l'autre côté, et si le terrassement ne peut pas être fait le jour même, il l'est le lendemain ou le surlendemain", tempère Philippe Enfru. Le décalage sur les délais de livraison, s'il existera, ne sera donc vraisemblablement pas important.
UN DÉVELOPPEMENT GÉNÉRAL DE COMBANI ? De quoi rassurer CBo Territoria, qui a consenti à investir entre 23 et 24 millions d'euros sur le projet. Une somme conséquente, compte tenu de la réputation chaotique de Combani, que le groupe réunionnais tente d'oublier en promouvant le potentiel économique du secteur. "Le futur équipement bénéficie d'une position centrale stratégique sur l'île, récite Cédric Giraud. À la croisée des routes départementales reliant le nord, le sud et l’ouest du territoire, le nouveau centre répond à un déficit d’équipement commercial de la zone." Le directeur du développement ajoute que le choix ministériel de Combani pour l'implantation du second hôpital de Mayotte (voir l'article suivant) a
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été déterminant. "La position stratégique de Combani se confirme par le choix d’implantation du deuxième hôpital à Combani, continue-t-il. Aussi, nous croyons fermement que l’implantation
d’entreprises et d’activités commerciales génèrera du développement local et de la création d’emplois. Les principales enseignes du futur centre ont d’ailleurs tout intérêt à recruter du personnel
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C'est à la sortie sud de Combani que le centre commercial se construit actuellement.
local et formé. Tous ces ingrédients devraient permettre à Combani de se faire connaitre sous un meilleur jour." Tous les espoirs sont permis, en effet, pour le village de la commune de Tsingoni. La construction de ce centre commercial sera non seulement vectrice d'emplois pour la jeunesse de la zone, mais permettra aussi la mise en place de voies de contournement permettant de fluidifier le trafic, qui est actuellement infernal au niveau du carrefour du Douka Bé. Ces nouveaux axes seront aussi les bienvenus pour les automobilistes, qui doivent
régulièrement passer par Tsararano – Coconi ou par le nord de l'île pour esquiver le pont de Combani lorsque les jeunes le bloquent. À plus large échelle, cet ensemble sera vraisemblablement un bienfait pour la commune de Mamoudzou, constamment en quête de solutions pour lutter contre les embouteillages. Le fait d'avoir un supermarché dans le centre évitera aux clients de se déplacer dans le chef-lieu de Mayotte. Désormais, aux pouvoirs publics locaux de s'emparer de cette initiative commerciale, afin de proposer le meilleur quotidien possible aux habitants dans les prochaines années. n
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Axel Nodinot
SANTÉ
UN NOUVEL HÔPITAL DE 400 LITS
IL Y A DIX JOURS, SÉBASTIEN LECORNU, MINISTRE DES OUTRE-MER, ANNONÇAIT LA SÉLECTION DU SITE DE COMBANI POUR LA CONSTRUCTION DU SECOND HÔPITAL DE MAYOTTE, APRÈS DES ÉTUDES MENÉES PAR L'AGENCE RÉGIONALE DE SANTÉ ET LE CNIS (COMITÉ NATIONAL DE L’INVESTISSEMENT EN SANTÉ). SI LE PROJET EN EST ENCORE AU STADE DE L'ÉTUDE, LE PREMIER COUP DE PIOCHE EST PRÉVU POUR 2025, ET PERMETTRA UNE DÉCENTRALISATION DES LITS ET DES PATIENTS SUR L'ÎLE. Un "projet majeur de transformation du tissu hospitalier de l’île au bénéfice de la santé des Mahoraises et des Mahorais", rien de moins. Voilà ce qu'a déclaré Sébastien Lecornu le 1er février dernier, lors du choix de Combani pour l'implantation du nouvel hôpital de Mayotte. Ce sera le deuxième de l'île au lagon, après le CHM de Mamoudzou, et le troisième établissement de santé d'importance si l'on compte le site Martial Henry en Petite Terre, néanmoins antenne du Centre Hospitalier de Mayotte. S'il faudra attendre 2025 pour voir les premières pierres de ce bâtiment surgir de terre, la nouvelle technopole de santé représentera une aubaine pour les habitants du département, sa croissance démographique étant selon toute vraisemblance encore exponentielle dans les décennies à venir. "L’objectif est d’augmenter les capacités de prise en charge hospitalière sur l’île", réaffirmait le ministre des Outre-mer au début du mois.
Mais le choix de Combani comporte bien d'autres avantages, comme le faisait remarquer Ben Issa Ousseni, président du Conseil départemental, dans une lettre à Sébastien Lecornu datée du 5 novembre 2021. Le village "se situe à mi-chemin entre le sud et le nord, à 25 minutes de Mamoudzou, et est souvent présenté à juste raison comme la deuxième capitale économique de Mayotte. Les atouts de cette situation géographique sont nombreux : présence du RSMA, de nombreux services publics de proximité, construction d’un centre commercial important, présence d’une station-service, accès direct vers le port de Longoni…", précisait l'élu de Tsingoni, rappelant que le CD s'était prononcé en faveur de ce site en avril 2021, lors d'une contribution dans le cadre du projet de loi Mayotte. En outre, la présence d'un établissement de santé de cette ampleur permettra aussi de soulager les hôpitaux périphériques de référence de Kahani et de
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Dzoumogné, qui ne peuvent accueillir qu'un nombre limité de patients.
UNE TASK-FORCE ARS – CHM Loin de n'être qu'une action menée par le gouvernement et le département, le choix de Combani fait suite à des travaux d’expertise mandatés par l’ARS de Mayotte, qui s'est penchée sur sept sites. Après avoir balayé tous les critères techniques nécessaires à la construction d’un hôpital de grande dimension, c'est donc le village du centre qui a été l'heureux élu. "Le site de Combani présente les intérêts géographiques et morphologiques répondant le mieux aux besoins de ce projet", affirmait Olivier Brahic,
directeur général de l'ARS, il y a quelques jours, avant une réunion avec des membres du CNIS, le Comité national de l’investissement en santé. Ce dernier enverra d'ailleurs des experts entre le mois de mars et celui d'avril "afin de pouvoir engager les prochaines étapes du projet", en vue d'un dépôt de dossier au mois de juin. C'est seulement après cela qu'arrivera l'appel à projets. "C'est énorme !", réagit d'emblée Philippe Enfru, responsable de la promotion immobilière de la Colas Mayotte, face au montant des travaux. Alors que le budget prévisionnel s'élevait au départ à 192 millions d'euros, la facture devrait allègrement dépasser les 200 millions. "Un hôpital, c'est complexe à construire, il
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LA FIN DU GOLF DE COMBANI ? Si le site du centre commercial en construction était vierge, celui du nouvel hôpital pourrait bien ne pas l'être. Selon certaines sources, l'établissement de santé prendrait la place de l'actuel golf des ylangs, au nord du village de Combani. faut donc forcément des moyens qu'aucune agence n'a, surtout à Mayotte, analyse Philippe Enfru. C'est un chantier tellement important que tous les gros vont répondre, ce sera sans doute même géré par les instances nationales." Le cadre voit juste, puisque les 19 hectares du futur nécessitent une force de frappe financière de premier ordre. Pour engranger les investissements, une "task-force" commune a d'ailleurs été créée entre le CHM et l'ARS. Pour le moment, une aide de 172 millions d'euros est déjà prévue, de la part du Fonds pour la Modernisation et l'Investissement en Santé. Le Ségur de la Santé assure également 67 millions supplémentaires pour l'établissement, qui seront cependant utilisés dans le cadre d'autres investissements (voir encadré). Le CNIS apporte en outre son appui constant à cette fameuse task-force.
selon Olivier Brahic. Le directeur général de l'Agence régionale de santé souhaite effectivement copier peu ou prou la capacité du centre hospitalier de Mamoudzou, qui comportait 473 lits en 2020, pour la doubler. De nombreux services seront également dupliqués du chef-lieu à Combani, afin d'avoir le plus grand nombre de pôles médicaux possible. Enfin, l'accès au futur établissement sera rendu possible par une amélioration du réseau routier à l'intérieur du village et sur sa périphérie, sous la responsabilité partagée de l'Etat, via la DEAL, du département et de la commune de Tsingoni. Après la création récente de la première maison de santé mentale sur leurs terres, les habitants de Combani – et plus généralement du centre de Mayotte – pourront profiter d'une offre de santé locale conséquente d'ici la fin de la décennie. Si le chantier débute bien en 2025. n
Ultimement, le deuxième hôpital de Mayotte comportera "entre 380 et 420 lits",
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LES PROJETS DU CHM EN 2022 Outre l'arrivée en avril de Jean-Mathieu Defour, nouveau directeur du CHM en provenance du CH de Bastia, sont prévus un agrandissement du bloc obstétrical et des urgences gynéco obstétriques, l'augmentation du nombre de box de néonatalogie, la mise en place d’une unité dédiée de psychiatrie à Petite-Terre, et l'acquisition d’un second scanner. Pour ces projets d’investissement, le CHM va bénéficier de 134,5 millions d’euros d’aides, dont les 67 millions du Ségur de la Santé.
La première maison de santé mentale a déjà été inaugurée à Combani, le 24 janvier dernier.
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Propos recueillis par Raïnat Aliloiffa
ENTRETIEN
" FAIRE DE COMBANI LA DEUXIÈME CAPITALE "
LE MAIRE DE TSINGONI, BACAR MOHAMED, A DE GRANDES AMBITIONS POUR COMBANI. IL MET TOUT EN OEUVRE POUR QUE LE VILLAGE DEVIENNE LE DEUXIÈME COEUR ÉCONOMIQUE DE L’ÎLE. LES ATOUTS TOURISTIQUES DE COMBANI NE SONT PAS EN RESTE, LE MAIRE A DE GRANDS PROJETS POUR ATTIRER LE MAXIMUM DE TOURISTES DANS CET ENDROIT QUI CACHE CERTAINES BEAUTÉS DE LA NATURE. BACAR MOHAMED ASSURE VOULOIR OFFRIR UNE VIE MEILLEURE À SES ADMINISTRÉS ET POUR CELA, LES DÉCISIONS POLITIQUES DOIVENT ALLER EN CE SENS.
M ayo t t e H e b d o : E n t re p r i s e s , administrations, banques… Le village de Combani a changé au fil des années, mais il reste encore beaucoup à faire. Quels sont vos futurs projets, ceux qui contribueront au rayonnement de ce village ? Bacar Mohamed : La priorité de la municipalité depuis l’ancienne mandature est de développer l’économie et le tourisme de la commune de Tsingoni. On veut faire de Combani la deuxième capitale économique, touristique et sanitaire de Mayotte, et ainsi
donner de l’emploi à toute la population de la commune. Notre premier projet consiste à créer une zone d’activité économique à Combani grâce à sa position géographique et stratégique et des possibilités énormes de terrain. Dans cette zone d’activité économique, nous avons choisi d’installer un centre commercial en partenariat avec les entreprises, et autour, il y aura une galerie marchande avec des boutiques, des restaurants, des services. Nous allons aussi implanter une usine de traitement des produits agricoles et
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" LES MARCHANDS DE SOMMEIL NE VONT PAS DORMIR LONGTEMPS ! "
permettre la vente de produits locaux. Nous pensons aussi construire une maison médicale qui regroupera une dizaine de médecins de tous bords, sur 800 mètres carrés. Elle complètera les services du deuxième hôpital de Mayotte qui va arriver. M.H. : Qu’en est-il du développement touristique ? B.M. : C’est un projet qui va s’étaler sur tout le territoire communal afin d’être équilibré et cohérent. La municipalité a décidé de créer à Mhogoni un village
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touristique et commercial. On pourra y retrouver un parc aquatique, un parc botanique, un espace événementiel, et une maison de l’artisanat. M.H. : Toutes ces nouvelles activités augmenteront le trafic à Combani, qui est déjà très dense. Que comptez-vous faire pour atténuer les embouteillages qui sont déjà infernaux ? B.M. : Nous avons pensé à créer une déviation de la zone d’activité économique. Un contournement de Combani sud-est vers Bajoni et Miréréni. Mais surtout le contournement sud-ouest-nord, en partant de la zone d'activité vers Mtsangamouji, en passant derrière le service technique actuel. Nous allons également créer une voie de contournement du nord de Combani. Cette route permettra également d’accéder à l'hôpital. Nous n'avons pas oublié la réhabilitation des routes internes, en collaboration avec le département puisque toutes ces routes
qui traversent Miréréni, Combani, Mroalé et Tsingoni sont la propriété du département. Les réhabilitations et les constructions nouvelles sont nécessaires à la bonne circulation sur Combani et le reste des villages. La sécurité routière n'est pas oubliée car beaucoup de véhicules traversent actuellement nos villages et se chevauchent. M.H. : Quelle est l’échéance de tous ces projets ? B.M. : Nous prévoyons de tout faire d’ici la fin de cette mandature. Pratiquement tous les projets ont déjà des financements. Nous sommes partis sur des projets conceptionréalisation pour aller plus vite et c’est faisable. M.H. : L’insécurité est un fléau pour Combani. Elle freine son développement car certaines entreprises préfèrent partir, et d’autres n’osent pas s’y installer. Comment comptez-vous y remédier à votre niveau ?
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Les lendemains d'affrontements, la zone du pont de Combani a des airs de zone de guerre.
B.M. : Je vais prendre ce dossier en main et le travail doit sérieusement être fait avec la population en premier, les services de l'État, la justice et le département. La commune ne peut pas tout faire. Nous allons nous pencher sur cette question en apportant des réponses avec tous les partenaires concernés. Il en va de notre vie et de notre sécurité. Nous allons opérer sur trois niveaux : la répression, la dénonciation, l'insertion sociale et professionnelle. M.H. : De quelles manières cela va-t-il s’articuler ? B.M. : Au niveau de la répression, nous demandons à chaque partenaire de prendre ses responsabilités. La commune va faire appliquer à la lettre son plan local d’urbanisme. On pourra construire uniquement sur les zones définies et nous détruirons toutes les constructions illégales, notamment les bangas en tôle construits dans l'anarchie totale et sans respect des règles et des autorisations administratives. Les marchands de sommeil ne vont pas dormir longtemps ! Et nous allons attaquer tous ceux qui donnent des attestations d’hébergement de complaisance parce qu’ils nous mettent dans des difficultés. Nous travaillons
déjà avec notre avocat et nous demandons aux services judiciaires de nous suivre pour que la loi soit respectée. Nous allons également poursuivre en justice les personnes qui déclarent des enfants qui ne sont pas les leurs. Et non seulement nous allons les dénoncer, mais nous demanderons à la Caisse de sécurité sociale et au département de leur retirer les prestations sociales. Ce sera également le cas pour toutes les familles ayant des enfants délinquants. Je demanderai à l’État de retirer leurs titres de séjour et s’ils sont Français, qu’on leur retire les prestations sociales. De plus, nous proposerons des formations et de l’emploi, nous avons un service dédié à cela. Mais, nous devons être aidés par la préfecture qui délivre les séjours, et le département. Nous allons rapidement recruter cinquante jeunes en errance ayant une situation administrative, qui n'ont ni formation, ni qualification, ni diplômes et leur donner un emploi. Il n'y a pas de place pour les fauteurs des troubles, les criminels, les violeurs, les dealers, les voleurs à Combani et encore moins dans la commune de Tsingoni. Chacun doit travailler pour gagner sa vie. À travers tous ces projets, nous avons besoin de la tranquillité, de la stabilité et de la protection de l’environnement. n
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Raïnat Aliloiffa
ENTREPRENEURIAT
COMBANI, ENTRE OPPORTUNITÉS ET INSÉCURITÉ LE VILLAGE DE COMBANI A DES ATOUTS QUI CONTRIBUENT À SON RAYONNEMENT ET QUI ONT SÉDUIT CERTAINS ENTREPRENEURS, AYANT FAIT LE CHOIX D’IMPLANTER LEURS ENTREPRISES. LA POSITION GÉOGRAPHIQUE ET LE DYNAMISME DE COMBANI LES ATTIRENT, MAIS, DEPUIS PLUS D’UN AN, L’INSÉCURITÉ QUI S’EST INSTALLÉE JOUE LES TROUBLE-FÊTE. LES CHEFS D’ENTREPRISES SONT ÉTOUFFÉS PAR LES AFFRONTEMENTS ENTRE BANDES RIVALES ET CERTAINS DÉCIDENT DE FAIRE PROSPÉRER LEURS SOCIÉTÉS AILLEURS.
« Combani est une pépite à exploiter pour les entrepreneurs. » Thoyrati Bacar, gérante du snack Matou, implanté depuis trois mois dans le village, ne tarit pas d’éloges pour sa terre natale. Elle a décidé d’ouvrir son restaurant à Combani parce qu’elle a su voir son potentiel et les opportunités qui peuvent se présenter à elle. « Beaucoup de gens travaillent à Combani mais ne sont pas d’ici, il faut bien qu’ils se restaurent quelque part. Il y a aussi pas mal de trafic, ceux qui sont de passage s’arrêtent pour acheter à manger », explique-t-elle. Thoyrati, à l'instar des autres entrepreneurs du village, bénéficie de ce dynamisme. Ainsi, certains ont tout quitté pour s’installer à Combani, à l’exemple des gérantes du salon de thé John & Okama's. Elles sont parties de Mangajou pour aller à Combani en 2019. « On cherchait un endroit plus dynamique en semaine, là où il y a du monde, et on ne voulait pas aller à
Mamoudzou. Quand on a trouvé le local à Combani on a été séduites », raconte Aïna Kamardine, l’une des gérantes du salon de thé. Même son de cloche pour Soalihat Tany, qui tient une boutique de produits cosmétiques appelée So Boutik. « J’ai choisi Combani parce que c’est devenu une zone stratégique et attractive. Le monde qu’il y a en journée me permet d’avoir plus de visibilité. » Installer son entreprise à Combani est une belle opportunité, mais depuis peu, le rêve est devenu un cauchemar.
L’INSÉCURITÉ, UN FREIN POUR LE DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES Le village a tout pour être le nouveau coeur économique de Mayotte. Les entrepreneurs sont prêts à investir mais l’insécurité qui s’y est installée depuis plus d’un an pousse certains à partir. Les propriétaires de John &
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Le salon de thé John & Okama's, pour déguster de petites douceurs.
Okama's, arrivées à Combani avec beaucoup d’espoirs, songent à quitter les lieux. « Le contexte sécuritaire a changé, je suis dépitée par la situation, je n’ai pas du tout envie de rester. C’est de plus en plus compliqué de travailler sereinement », dévoile Aïna Kamardine. Les moments d’affrontements entre les bandes rivales de Combani et Miréréni ont un réel impact sur leur rendement. « Pendant les jours de conflits on perd 70% de notre chiffre d’affaires. D’une manière globale, sur l’année 2021, on a enregistré une baisse de 30%. » Une diminution drastique qui remet tout en question car, même lors des instants d’accalmie, la peur de se faire agresser est toujours présente et les clients n’osent pas se rendre au salon de thé. « On est une activité de loisir, les gens ne prennent pas de risque pour cela. Et même si ça reprend petit à petit ce n’est plus comme avant », regrette Aïna Kamardine. En effet, beaucoup optent pour la vente à emporter et ne profitent pas de l’endroit alors que les gérantes ont consacré du temps pour l’embellir. D’autres clients demandent la livraison à domicile – lorsque cela est possible – afin d’éviter tout risque, mais tous les entrepreneurs ne peuvent pas offrir ce service. « La plupart de mes clientes demandent la livraison parce qu’elles ont peur de passer par Combani et ça ne m’arrange pas, ce sont des frais supplémentaires », indique Soalihat Tany, la
gérante du magasin de cosmétiques. Elle aussi a ouvert sa boutique avec des rêves et des objectifs à atteindre. Aujourd’hui, elle regrette son choix. « Au début j’étais contente mais maintenant je me demande pourquoi je me suis mise là… »
« JE NE PARTIRAI PAS, JE RESTE LÀ. » L’insécurité à Combani est un poids qui assène les entrepreneurs, mais ils n’ont pas l’intention de baisser les bras. « Malgré tout je ne partirai pas, je resterai là parce que c’est chez moi. Si je pars, je donnerai raison aux délinquants. On doit rester et contribuer au développement de Combani », relativise la gérante de So Boutik. Cette dernière n’est pas la seule à penser ainsi. Thoyrati Bacar, à la tête du snack Matou, voit au-delà de l’aspect sécuritaire et n’a aucun intérêt à quitter Combani. « En tant que restauratrice j’ai tout ici. Je fais mes courses ici et je n’ai pas besoin d’aller à Mamoudzou. Cela me fait gagner du temps », affirme-t-elle. Elle encourage même les autres entrepreneurs à s’installer à Combani. « Il faut plus d’activités et d’entreprises pour qu’il y ait plus de monde qui vienne. Cela sera bénéfique pour tout le monde. La concurrence est parfois positive », continue-t-elle. Voilà un élan d’espoir qui laisse penser que le développement de Combani est sur la bonne voie. n
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L.G
CLAP DE FIN POUR LE PREMIER SUIVI DES POLLUTIONS CHIMIQUES EN CONTINUUM Depuis l’année 2009, le parc naturel marin de Mayotte suit les pollutions chimiques dans le lagon. En 2018, le projet en continuum terre-mer voit le jour en lien avec le BRGM. Pendant quatre ans, les équipes à terre et en mer ont analysé les polluants présents dans les eaux de l’île aux parfums. Bisphénol, caféine, paraben, phytosanitaire, Des molécules jamais anti-inflammatoire, édulcorant, identifiées hydrocarbure… Au total, 60 molécules polluantes ont été identifiées dans trois bassins versants et leurs masses d'eau littorales associées au cœur du 101ème département. L’office français de la biodiversité (OFB), le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) ont travaillé main dans la main afin de réaliser cette étude durant quatre années. “La dernière campagne de terrain s’achève cette semaine et nous aurons les résultats finaux d’ici deux ou trois mois”, explique Clément Lelabousse, docteur en océanographie et chargé de mission au sein du Parc naturel marin de Mayotte. Mais alors quel bilan les scientifiques pourront-ils tirer de ces travaux de recherche ?
Si des projets comme celui-ci ont déjà eu lieu à divers endroits en France, ce programme permettra une innovation majeure pour le territoire. “Sur un tout petit territoire comme Mayotte, tout ce qui se passe à terre a des répercussions en mer”, témoigne l’océanographe. L’objectif de la mission ? Améliorer les connaissances relatives aux pressions qui s’exercent sur les masses d’eau mahoraises, mais aussi sur le comportement de ces substances sur les milieux naturels. “Nous menons des travaux de recherche et de développement sur les polluants afin d’élargir le spectre de ceux présents sur l’île.”
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de concentration de certains polluants.” Lors des différentes campagnes sur le terrain, les équipes compétentes ont réalisé des prélèvements ponctuels dans les cours d’eau, les estuaires, à l’intérieur et à l’extérieur du lagon. “En complément des échantillonnages réalisés à un instant T, nous avons utilisé la technique d’échantillonneurs passifs intégratifs (EIP) qui permet d’avoir une idée de la concentration en polluant des masses d’eau sur une période plus longue”, détaille le chargé de mission. Envoyés dans des laboratoires métropolitains, les prélèvements pourraient aider à déterminer l’impact de ces produits chimiques sur la biodiversité. Sans grande surprise, les premières pistes pointent du doigt le manque d’assainissement sur l’île, mais aussi des pratiques comme les lavages de voitures ou les lessives en rivière. Pour connaître l’intégralité des résultats, il faudra encore un peu de patience avant qu’ils ne soient intégralement publiés. Sans jouer les lanceurs d'alerte, les personnels chargés de cette mission espèrent que des changements de comportements soient opérés et que la nature mahoraise puisse couler des jours heureux… n
Si certaines molécules identifiées n'étonnent personne, d’autres issues de produits phytosanitaires notamment sont interdites à la vente et continuent à polluer les eaux turquoise du lagon. “Cette étude nous servira d’outil pour présenter aux institutions et aux pouvoirs publics la réalité du terrain et des substances utilisées à Mayotte”, affirme Clément Lelabousse. Un bon moyen de faire changer les choses et d’engendrer une prise de conscience collective.
Une problématique de santé publique “60 molécules ce n’est pas énorme. Dans l’estuaire de la Seine, entre 600 et 6000 substances différentes ont été identifiées. La problématique ici est le taux
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LITTÉRATURE
LISEZ MAYOTTE
PATRICK TURGIS, CONTES COURTS ET CARRIÈRE RAPIDE
Patrick Turgis, Contes des nuits noires, Histoires mahoraises, éditions L'Harmattan, 2001.
Entraînés par les mots, nous pénétrons dans les profondeurs mystérieuses de la forêt, dans le secret des eaux du lagon, et même dans la pénombre des cases aux toits de palmes tressées... Ces contes nous transportent dans un passé fabuleux et magique, au temps où les animaux et les hommes se parlaient encore, bien avant que ne se dresse vers le ciel le premier minaret...
AGRÉGÉ DE LETTRES MODERNES ET DOCTEUR EN LITTÉRATURES FRANCOPHONES, CHRISTOPHE COSKER EST L’AUTEUR DE NOMBREUX OUVRAGES DE RÉFÉRENCE SUR LA LITTÉRATURE DE L’ÎLE AUX PARFUMS, NOTAMMENT UNE PETITE HISTOIRE DES LETTRES FRANCOPHONES À MAYOTTE (2015) DONT IL REPREND, APPROFONDIT ET ACTUALISE, DANS CETTE CHRONIQUE LITTÉRAIRE, LA MATIÈRE. Parmi les origines « lointaines » de la littérature à Mayotte, il en est une autre sur laquelle nous aimerions revenir : Patrick Turgis. Il s’agit d’une figure énigmatique qui publie trois livres entre 2001 et 2003, puis disparaît. Nous n’avons pas, à ce jour, retrouvé sa trace, ni trouvé d’entretiens par lui donnés. Dans l’histoire de la littérature à Mayotte, il occupe néanmoins une place de choix puisqu’il est, à notre connaissance, le premier Métropolitain à écrire des fictions sur Mayotte, inaugurant ce que nous appelons l’écriture mzungu. Contes de la nuit noire. Histoires mahoraises paraît en 2001 dans la collection « La Légende des mondes » de la maison d’édition L’Harmattan. Maoré. nouvelles paraît également en 2001 dans la collection « Lettres de l’océan Indien » chez le même éditeur. Tanahéli. Chroniques mahoraises, publié en 2003, constitue le chant du cygne de l’auteur et paraît également dans la collection « Lettres de l’océan Indien ».
Prenons-en pour exemple la langouste qui ne laisse pas Dakatcha-le-crabe indifférent. Les plongeurs et les gourmets apprécieront : « Ce fut ainsi qu’ils parvinrent aux confins de la plaine de corail. Dakatcha sentit qu’il arrivait à la frontière entre la terre et l’eau. Au-delà des derniers coraux s’ouvrait, béant, l’immense précipice de l’océan d’un bleu si intense qu’il en devenait noir. Dakatcha restait là, immobile, comme hypnotisé… C’était à peine s’il écoutait les explications de Pueza qui gesticulait de tous ses tentacules… Son regard sans but plongeait au plus profond des eaux… Malheureusement, ni Alouvou-le-Mérou, ni Kikawa-la-Carangue ne nageaient dans les parages. Ils allaient s’en retourner lorsque, surgie comme par magie du fond du gouffre, Dakatcha vit s’avancer la créature la plus belle qu’il eût jamais rencontrée. Tout en elle n’était que grâce : ses antennes souples et fines, sa carapace verte striée de rayure noires et jaunes, son corps voluptueux… Elle venait vers eux. Je te présente Dziva-la-Langouste. » (p. 64-65)
Si l’on compare les trois livres, on remarque d’abord la prédilection de l’auteur pour le genre bref, qu’il s’agisse du conte, de la nouvelle ou encore de la chronique. Dès son premier ouvrage, il nous semble que le style de l’écrivain est affirmé. Construisant un bestiaire de treize animaux susceptibles de symboliser Mayotte, et jouant avec les noms vernaculaires de ces derniers, il produit des histoires de style poétique.
Le livre suivant reste dans le monde des humains et nous propose un panel d’histoires relatives à Mayotte. On trouve une belle histoire d’amour dans « La Veuve d’Handrema », un frisson surnaturel dans « Le Manguier des âmes », un couple mixte dans « À l’ombre des badamiers », un inceste dans « Nadzi », une affaire de m?urs sordide dans « Quatre s?urs », la polygamie dans « Salim Ahmadi et ses trois épouses ». Et le
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recueil se termine par quelques nouvelles sur la grande île voisine Madagascar. Le troisième et dernier livre de l’auteur constitue une combinaison et un dépassement de ceux qui précèdent. En effet, l’auteur y invente une ville mahoraise fictive qu’il nomme Tanahéli. Il imagine ensuite l’histoire d’une dizaine de membres de ce village auxquels il donne des noms allégoriques, comme naguère à la faune de Mayotte. Le lecteur choisira donc de suivre à sa guise : Shida-le-paresseux, Kibarouwa-le-tâcheron, Kiraÿ-l’Ambitieux, Mulaval’ivrogne, Soussou-la-gueuse, Baco-le-domestique, Anzou-le-comorien, Mahandja-la-marmite, Adhalale-fou ou encore Bakoko l’ancien. Pour notre part, nous choisissons de suivre Kiraÿ, l’ambitieux qui finit mal, assistant, impuissant, à la fin d’un monde sur lequel il a régné :
« De la terrasse de sa case, il ne voit même pas la mer, rien que les murs de briques des maisons d’en face. Des maisons neuves construites là où autrefois poussaient des pieds d’ananas et des bananiers. Le village est parti à l’assaut de la montagne. Parcelle après parcelle, la commune l’a méthodiquement exproprié, avec des indemnisations de misère… Ils ont même poussé le cynisme jusqu'à lui proposer un fauteuil roulant d’occasion. On a arraché les arbres, tracé des routes, creusé des caniveaux… Puis les maçons se sont mis à l’ouvrage… Kiraÿ a vu tout cela, assis sur sa terrasse, impuissant. Personne ne semble se souvenir que ces terres lui appartenaient. Pas même sa fille aînée qui habite la maison voisine avec sa marmaille. Ils ne se parlent plus : une histoire de chèvres… ou de gamins… Les deux autres, le garçon et la fille cadette, ont quitté Tanahéli : le garçon est parti s’installer à la Réunion, il touche le R.M.I. Et noie son exil dans le rhum ; il paraît que la cadette vit en ménage à Dzaoudzi, avec un légionnaire… » (p. 65)
Christophe Cosker
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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayottehebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Axel Nodinot
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Couverture :
Aménagement, Combani c'est le turfu !
Journalistes Axel Nodinot Romain Guille Raïnat Aliloiffa Lise Gaeta Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com