Outre-mer 2022 Les candidats à la présidentielle face à la jeunesse ultramarine
© Delphine GHOSAROSSIAN
Présenté par Valérie Filain et Thierry Belmont Le jeudi et le vendredi en prime sur La 1ère
LES TERRITOIRES, TOUT LE MONDE EN PARLE. NOUS, ON Y INVESTIT.
En quatre ans, nous avons aidé les territoires à être plus inclusifs, plus durables, plus connectés et plus attractifs. L’intérêt général a choisi sa banque
banquedesterritoires.fr
LE MOT DE LA RÉDACTION
ÉGALITÉ TARIE La hausse actuelle des prix de l'essence, non régulée par l'État, nous ferait presque oublier que nombre de nos compatriotes n'ont pas accès à l'eau courante, qui devrait pourtant être considéré comme un droit universel. L'eau recouvre 72% de la planète bleue, constitue 65% de nos corps. Seulement, de trop nombreux foyers mahorais ne peuvent compter que sur un tuyau d'arrosage, un robinet extérieur ou encore la pluie. "Il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l'eau potable pour tous", résumait très justement Thomas Sankara, illustre président du Burkina Faso, dans une maxime appelant au partage des richesses. Car, à l'heure où une vingtaine de milliardaires possède autant que la moitié de l'humanité, il est bon de questionner le manque d'eau, devenu or bleu dans certaines contrées. Ainsi en est-il de Mayotte, département français souffrant tous les ans de coupures d'eau, alors même que la pluie inonde les villages et que les retenues collinaires débordent, faute de mise en service d'aménagements financés à coups de dizaines de millions d'euros. La bien nommée île au lagon doit aussi se préoccuper de son exceptionnel patrimoine naturel, terni par la pollution et l'érosion, elle-même occasionnée par les défrichages. Le sujet ne manque donc pas de déclinaisons, et le traiter cette semaine dans nos pages coulait de source. Bonne lecture à toutes et à tous.
Axel Nodinot
TOUTE L’ACTUALITÉ DE MAYOTTE AU QUOTIDIEN
Lu par près de 20.000 personnes chaque semaine (enquête Ipsos juillet 2009), ce quotidien vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre également un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.
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FI n°3839 Lundi 7 mars 2016 St Félicie
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FI n°3822 Jeudi 11 février 2016 Ste Héloïse
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FI n°3818 Vendredi 5 février 2016 Ste Agathe
marine le Pen
environnement
Port de Longoni
ConSeil départeMental
Quel accueil se prépare pour la présiDente Du Fn ?
Le Lagon au patrimoine mondiaL de L'unesCo ?
la dsP sur la sEllEttE
pas de changement sUr l’octroi de mer
© Jonny CHADULI
Grève à Panima
TéléThon 2016
Des propositions mais toujours pas D'issue
DemanDez le programme
première parution : juillet 1999 - siret 02406197000018 - édition somapresse - n° Cppap : 0921 y 93207 - dir. publication : Laurent Canavate - red. chef : Gauthier dupraz - http://flash-infos.somapresse.com
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FI n°3997 mercredi 30 novembre 2016 St André
© CR: Gauthier Bouchet
Diffusé du lundi au vendredi, Flash Infos a été créé en 1999 et s’est depuis hissé au rang de 1er quotidien de l’île.
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Économie
SÉcuritÉ
Les appeLs à projets de L'europe
Couvre-feu pour Les mineurs
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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Musique
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Edmond BéBé nous a quitté
ViolEncE En cascadE
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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MCG VS SMart
ViCe-reCtorat
UltimatUm oU véritable main tendUe ?
l’institUtion répond aUx critiqUes
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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TCHAKS L'ACTION
Un arbre de Pythagore à M'Bouini Si cette semaine est consacrée aux métiers de l'eau, c'est aussi celle des mathématiques. À cette occasion, l'action "Forme Éphé'Mer" a réuni 70 élèves de la commune de Kani Kéli sur la plage de M'Bouini, au sud, afin d'y célébrer l'un des mathématiciens les plus célèbres : Pythagore. L'auteur du fameux théorème a vu son œuvre être déclinée en un arbre géométrique tracé au râteau sur le sable, pour un résultat plus que convaincant. Les jeunes pousses ont pu multiplier les dessins de carrés sur le sol, du plus grand pour le tronc aux plus petits pour les feuilles, pour une œuvre inspirée des travaux de Sam Dougados, artiste français.
IL FAIT L'ACTU
LE CHIFFRE
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C'est, en années, la peine de prison la plus lourde infligée à la bande des coupeurs de route, qui avait sévi sur l'île en 2016. Neuf d'entre eux comparaissaient cette semaine devant la cour d'assises des mineurs, qui les a tous condamnés. Ainsi, les délinquants ont écopé de 11 à 18 ans de prison chacun, ainsi que d'une interdiction de cinq ans de port d'arme, et d'une interdiction définitive de pénétrer sur le territoire français pour six d'entre eux. Leur chef, qui a pris la peine maximale, est de nationalité française et ne peut donc pas être visé par cette interdiction. L'individu, qui a été reconnu par l'ensemble de ses compères comme l'instigateur des barrages et agressions, avait décidé de passer à l'action après le décasage de sa maison, au printemps 2016, à Tsoundzou 1.
LA PHRASE
"On a beaucoup pacifié les relations avec les Comores" Emmanuel Macron, président de la République mu en candidat lors d'une conférence de presse de près de quatre heures la semaine dernière, a évoqué Mayotte suite à une question d'un journaliste. Cette dernière faisait écho aux propos du ministre russe des affaires étrangères qui avait comparé la Crimée à "l'occupation illégale de Mayotte par la France", en 2018. Le candidat de la République en marche a tenu bon, en assurant que cette comparaison était "inappropriée" : "Les Mahoraises et les Mahorais sont attachés à la République. Je vous rappelle aussi qu'ils l'ont choisie, ils l'ont voulue, dans un contexte tendu avec la région historiquement". Il a ensuite embrayé sur la question de la lutte contre l'immigration clandestine.
LA SEMAINE DE PHIL
Warmed Omari en équipe de France espoirs Un Mahorais portera-t-il un jour les couleurs bleues du mythique maillot de l'équipe de France de football ? Si tel est le cas, Warmed Omari pourrait bien avoir un mot à dire dans la discussion. Le jeune homme de Mayotte vient en effet d'être appelé en espoirs, l'antichambre de l'équipe A, par le sélectionneur Sylvain Ripoll, ce dernier louant "une super saison" d'un Warmed Omari "très régulier et très appliqué". Face aux Îles Féroé, jeudi, dans un match comptant pour les qualifications à l'Euro 2013, puis dans un match amical contre l'Irlande du Nord, initialement prévu contre l'Ukraine, le Mahorais du Stade Rennais pourrait jouer quelques minutes. Avant d'intégrer, on l'espère, l'équipe de France pour de bon, et de mettre un terme aux convoitises des Comores, d'où il tire sa binationalité.
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LU DANS LA PRESSE
Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale
« TROPIQUE DE LA VIOLENCE » : UNE PLONGÉE DANS LE QUOTIDIEN DES MINEURS ISOLÉS DES BIDONVILLES DE MAYOTTE Le 22 mars 2022, par Pauline Conradsson pour Le Parisien. Âpre et bouleversant, le film de Manuel Schapira, inspiré du livre éponyme de Nathacha Appanah, nous plonge dans le quotidien ultra-violent des mineurs isolés des bidonvilles de Mayotte. Une claque.
Qu’il est dur à regarder ce film ! Abrupt, cru, violent, il nous retourne comme rarement, abordant le sujet des mineurs isolés des bidonvilles de Mayotte, le plus jeune et le plus pauvre des départements français. Dans « Tropique de la violence », long-métrage de Manuel Schapira tiré du livre éponyme de Nathacha Appanah, on suit Moïse, un jeune collégien de l’île. Venu des Comores, il a débarqué, tout bébé, avec ses parents, à bord d’un « kwassa-kwassa », ces petits bateaux de pêche à moteur conduits par un passeur, pour chercher une vie meilleure. Comme des milliers de gens, chaque année. À peine arrivé à Mayotte, sa mère l’a abandonné. Une infirmière française l’a adopté. Quand celle-ci meurt brutalement d’un AVC, la vie du garçon bascule. Il s’enfuit, loin de ce milieu protégé. Le début d’une descente aux enfers. Il intègre un gang, perd pied, influençable comme peut l’être un gamin de treize ans. Sa vie devient violence, drogue, errance.
extrêmement précis et fidèle à la réalité. Peut-être parce que c’est si loin, là-bas, dans l’océan Indien, la métropole ne s’intéresse pas au sort de ces 3 000 jeunes, qui errent dans ces décharges à ciel ouvert, où déambulent les chiens errants. Dans des abris de fortune aux toits de tôle, ils vivent au rythme des coups de marteaux sur le métal des chaudronniers, un des petits boulots de ces quartiers. Violence, vols, barrages routiers pour racketter les automobilistes sont leur quotidien. Pour passer le temps, et rêver d’ailleurs, ils sniffent de la « chimique », une drogue artisanale qui fait des ravages. Beaucoup sont des Anjouanais, du nom de cette île de l’archipel des Comores, la plus proche de l’île française. On assiste, impuissant, à ces parcours de vies fragiles et abîmées, qui chavirent. La beauté du film, bouleversant, réside dans ce regard, sans fard et sans jugement, d’une grande délicatesse. À travers les yeux de Moïse, souvent silencieux, c’est le sort d’une jeunesse perdue qui saute aux yeux. Un sentiment de gâchis immense.
Le sort d’une jeunesse perdue Le film, tourné sur place avec de vrais habitants des bidonvilles, s’apparente à un documentaire, tant il est
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PORTRAIT Nora Godeau
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BABA M’BAYE UN ARTISTE AUX
MULTIPLES FACETTES
Installé depuis 14 ans sur l’île aux parfums, l’artiste sénégalais Baba M’Baye est un acteur phare du monde artistique mahorais. Peintre et artiste plasticien, il a à c?ur de transmettre sa passion aux plus jeunes, mais également auprès des détenus de la maison d’arrêt de Majicavo, où il réalise des ateliers. Sollicité dans beaucoup de festivals d’art contemporain, Baba M’Baye possède aussi une autre passion : la cuisine. Il y a quelques mois, il a même ouvert son propre restaurant de spécialités sénégalaises à Mamoudzou, le Terenga (« hospitalité » en wolof). Ce lieu lui sert aussi de galerie d’art pour exposer les talentueux artistes de l’île au lagon.
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PORTRAIT
De Dakar à Mamoudzou, en passant par la Gambie et le Maroc, le parcours de l’artiste Baba M’Baye est pour le moins impressionnant. Né en 1967 dans une famille de 17 enfants, il a commencé le dessin dès l’âge de 5 ans. « J’étais un enfant plutôt turbulent et le fait de dessiner me canalisait », raconte l’artiste au sein de son restaurant, le Terenga, dont les murs sont entièrement recouverts de toiles d’artistes de la région. A l’école, son don a été repéré par ses instituteurs qui lui faisaient dessiner des schémas de biologie au tableau. Son goût pour les images ne vient toutefois pas de nulle part, puisque le père de Baba était chef opérateur d’un cinéma de Dakar. « Mon père me faisait dessiner les affiches pour les films indiens », se souvient le peintre. De la même manière, sa passion pour la cuisine est également une tradition familiale, sa grand-mère étant une cuisinière très connue au Sénégal. Il a cependant suivi dans un premier temps l’appel de la création artistique, commençant
par réaliser des « tableaux de sable » représentant des scènes de la vie quotidienne africaine. « Je dessinais dans un style réaliste quand j’étais jeune, car je voulais parler de ma culture à travers mes ?uvres », explique-t-il. « L’abstrait est venu plus tard, au moment où j’ai eu envie de traduire mes idées sur la toile », ajoute-t-il. En tout cas, ses « tableaux de sable » colorés, réalisés sur contreplaqué, ont tout de suite connu le succès. « J’ai rencontré une amatrice d’art au Sénégal grâce à laquelle j’ai pu vendre mes tableaux en Angleterre », raconte Baba, dont le succès ne s’est jamais démenti par la suite, bien que son art ait évolué. Après les « tableaux de sable », il a expérimenté la technique du verre écrasé, puis le dessin sur vitre. Outre l’Angleterre, il a été également exposé à Paris puis à Casablanca. De fil en aiguille, les commandes de tableaux se sont enchaînées, en particulier pour décorer les restaurants et cafés en Europe et en Afrique. Il est resté au Sénégal jusqu’en 1998, puis ses activités artistiques l’ont amené à vivre en Gambie et
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au Maroc pendant plusieurs années. A Agadir, il a même ouvert une école d’arts plastiques pour sensibiliser la jeunesse aux arts.
DEPUIS 2007, L’AVENTURE MAHORAISE C’est en suivant son ancienne épouse enseignante qu’il a finalement atterri sur l’île aux parfums, un territoire qui l’a particulièrement inspiré puisqu’il a décidé d’y poser ses valises pendant 14 ans. « Ici je me sens utile. Il y a encore peu d’artistes et tout reste à créer. C’est donc plus facile qu’ailleurs pour développer des projets, malgré les difficultés structurelles », développe Baba qui est devenu en très peu de temps un acteur culturel phare de l’île. Lauréat du festival des arts contemporains des Comores il y a quelques années, il a également monté deux Maisons des Artistes, l’une à Bouéni de 2014 à 2017, et l’autre à Dembéni de 2017 à 2018. Si elles ont malheureusement dû fermer faute de moyens, ces Maisons des Artistes ont néanmoins permis à l’artiste sénégalais de promouvoir son art pendant quelque temps et de réaliser de nombreux projets avec les jeunes Mahorais. « A Bouéni, je logeais de jeunes artistes que j’encadrais les week-ends. Nous avons pu faire quelques belles expositions là-bas », se souvient le peintre. L’histoire de Mayotte l’intéresse également beaucoup et il a contribué à l’élaboration du Musée de Mayotte (Muma). C’est notamment lui qui a conçu « la chambre des contes » (pièce consacrée à la présentation de contes mahorais) de A à Z avec ses boiseries en forme de fleurs d’Ylang. La valorisation des racines des peuples est une thématique très importante aux yeux de Baba. « Il faut être fier de qui l’on est », martèle-t-il. D’où sa contribution à beaucoup de projets archéologiques mahorais. La culture de l’île au lagon lui parle particulièrement car elle est pour lui « profondément ancrée dans la culture africaine malgré ses autres influences ». A la Maison des Arts de Dembéni, il a d’ailleurs chapeauté le projet « woya shi havi » (« d’où vienstu ? ») avec une association artistique de La Réunion. Ce projet consistait à faire une recherche sur les différents peuplements de Mayotte et à créer des objets inspirés des différentes cultures qui ont marqué l’île à savoir la culture bantoue, malgache et arabo-persane. « L’art que l’on crée reflète notre personnalité profonde », explique-t-il. « La création est un reflet de l’âme de l’artiste », ajoute-il encore avec une certaine poésie. Baba est également persuadé que l’art peut être « un vecteur d’insertion et de réussite sociale ». « Tout dépend de ce qu’on en fait », précise-t-il. C’est la raison pour laquelle il réalise également des ateliers à la prison de Majicavo en faisant travailler les détenus sur les thématiques de la
violence, des regrets, du pardon et de la renaissance. « J’essaie de faire en sorte qu’ils traduisent leurs sentiments sous forme d’images », explique l’artiste qui travaille donc sur tous les fronts et essaie de faire des arts plastiques un véritable outil de transformation humaine. En parallèle, il poursuit évidemment ses créations personnelles à michemin entre le réalisme et l’abstrait. Il trouve en tout cas son inspiration dans son vécu et dans la vie de tous les jours. S’il a désormais souhaité épanouir son autre passion, la cuisine, avec l’ouverture du Terenga, il en a fait toutefois un véritable lieu d’art en réalisant une bonne partie de son décor de ses propres mains avec l’aide de certains de ses élèves. Une manière originale d’allier les deux grandes passions de sa vie issues de ses racines familiales !. n
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EAU À MAYOTTE
L'OR BLEU
Ce mercredi avait lieu la journée mondiale de l'eau. Sauf qu'en 2022, les habitants du 101ème département français ne peuvent toujours pas jouir de l'eau potable comme ils l'entendent. Comme toute île, Mayotte dépend grandement de l'eau, que ce soit pour se déplacer, importer, travailler ou se nourrir. Cependant, la consommation à outrance menace également de ternir le lagon et ses tons saphir. L'eau est une richesse impondérable pour les Mahorais, dont nous devons tous prendre soin.
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DOSSIER
Propos recueillis par Axel Nodinot
ENTRETIEN
FOURNIR LES MAHORAIS EN EAU, " C'EST SPORTIF "
BIEN QU'HABITANT LE 101ÈME DÉPARTEMENT FRANÇAIS DEPUIS 2011, LES MAHORAIS N'ONT, POUR CERTAINS, TOUJOURS PAS D'ACCÈS À L'EAU POTABLE. PIRE, L'INTÉGRALITÉ DE LA POPULATION DE L'ÎLE SUBIT DES COUPURES HEBDOMADAIRES DURANT PLUSIEURS MOIS TOUS LES ANS. LA SMAE – MAHORAISE DES EAUX DOIT EN FAIT FAIRE FACE À UNE PRODUCTION TROP FAIBLE, MALGRÉ LE DÉBORDEMENT DES RETENUES COLLINAIRES, COMME NOUS L'EXPLIQUE SA DIRECTRICE, FRANÇOISE FOURNIAL. Mayotte Hebdo : Au mois de février, nous sommes passés de deux à une seule coupure d'eau hebdomadaire. Pourquoi la fin des coupures n'intervient-elle que cette semaine ? Françoise Fournial : Oui, on ne fait plus de coupures d'eau depuis lundi, comme annoncé par le SMEAM [Syndicat mixte d'eau et d'assainissement de Mayotte, NDLR]. On essaie de voir si le système tient, car c'est assez sportif. Nous espérons donc que le système tiendra. M. H. : Quand l'on voit les retenues collinaires déborder, et notamment celle de Combani, le manque d'eau potable est
difficile à comprendre pour les foyers mahorais. Comment leur expliquezvous ? F. F. : Ce qu'il faut expliquer, c'est que n'est pas une problématique de ressource. La ressource, on l'a. C'est une problématique de capacité de production. La population mahoraise étant en augmentation exponentielle, la consommation augmente chaque année. À tire d'exemple, nous avons posé cette année plus de 2000 nouveaux compteurs sur notre réseau. Il y a plus de tirage, et, à un moment, les installations sont en limite de capacité de production. Effectivement, la retenue de Combani est pleine, celle de Dzoumogné l'est presque,
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il y a de nouveau de l'eau dans les rivières, mais il faut que nous l'envoyons chez les abonnés, là est la difficulté. Nos usines tournent au maximum de ce qu'elles sont en capacité de produire. M. H. : Le port de Longoni, pour adapter ses équipements, doit courir après l'augmentation de
la population mahoraise. Vous considérez-vous dans le même cas de figure ? F. F. : Oui, c'est ça. Le SMEAM a fait quelques travaux pour essayer de compenser cette capacité de production : un nouveau forage a été mis en service à Poroani, deux forages sont passés d'une capacité de
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production de 30 mètres cubes à 50 m3… De notre côté, on essaye d'optimiser au maximum tous nos ouvrages. Mais il y a des adaptations à faire, des équipements à ajouter, pour avoir une exploitation plus fluide. M. H. : Et pourquoi dites-vous que c'est sportif ? F. F. : Une usine, normalement, devrait tourner 20 heures sur 24. Nous, on tourne 24 heures sur 24 au maximum de notre
capacité. Donc, s'il y a le moindre incident sur ces usines ou sur le réseau, ça a tout de suite un impact sur la distribution d'eau et sur les abonnés. Les capacités de stockage sont aussi inférieures à ce qu'elles devraient être : beaucoup de nos réservoirs ont une capacité de stockage de 3 à 6 heures, alors qu'elle devrait être de 24 heures. C'est pour cela que je dis que c'est sportif, c'est qu'on n'a pas le droit d'arrêter, à aucun moment, on n'a pas le droit à l'erreur. Donc le fait de lever les tours d'eau est une bonne chose, je pense
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que c'est ce qu'attend la population, mais il faut voir que le fait de lever ce dernier tour d'eau tend encore un peu plus la production. S'il y a un problème, les réservoirs se vident, et ça a un impact sur la population via des coupures inopinées. M. H. : Quels projets sont prévus pour améliorer la production, et en finir avec ces coupures annuelles ? F. F. : Nous ne sommes qu'exploitants, c'est le SMEAM qui porte tous les projets d'investissement, et beaucoup de choses sont en cours. Le problème, c'est qu'un projet ne sort pas de terre en deux minutes, il faut un certain
temps d'étude, lancer les marchés, la réalisation… De nouveaux forages, plus rapides, et de nouvelles stations de dessalement sont par exemple discutés. Mais dans l'immédiat, il faut faire avec ce qu'on a. M. H. : À plusieurs reprises, des enfants se sont noyés dans les retenues collinaires, en s'y baignant. Des gens y font aussi leur lessive. Quelles mesures de sécurité sont mises en place pour empêcher cela ? F. F. : Le SMEAM a des agents postés sur site pour empêcher les gens d'y accéder. Mais s'ils ne respectent pas les consignes, c'est compliqué…n
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L.G
EMPLOI
LE PORT DE LONGONI, PORTE OUVERTE SUR LE MONDE ET L’AVENIR DANS LE CADRE DE LA SEMAINE DE L’EMPLOI MARITIME DU 21 AU 25 MARS 2022, UNE TRENTAINE DE DEMANDEURS D’EMPLOI MAHORAIS ONT PU VISITER LE PORT DE LONGONI. L’OBJECTIF ? DÉCOUVRIR LES DIFFÉRENTS CORPS DE MÉTIERS QUI S’OFFRENT À EUX DANS L’UN DES LIEUX LES PLUS IMPORTANTS DE L’ÎLE. Grues, stackers, portiques, conteneurs… Autant de termes qui ne vous disent peutêtre rien mais qui rythment le quotidien des dockers du port de Longoni. Avec en moyenne 200 camions par jour, deux quais de 140 et 240 mètres, pas le temps de chômer pour les quelque 200 employés du port. Du lundi au dimanche, depuis 1992, les équipes assurent la réception des conteneurs qui alimentent l’île aux parfums et ses habitants. “Il n’y a pas de jours fériés ni d’horaires fixes. Les employés doivent être sur le pont dès lors qu’un bateau arrive”, explique Jean-Brice Ervais, attaché à la direction du port, dont le gestionnaire n’est autre que Mayotte Channel Gateway, société gérée par Ida Nel. Porte d’entrée de tous les navires marchands sur le territoire, Longoni est “condamné à se développer proportionnellement à sa population”.
DES ÉQUIPES EN CONSTANTE EXPANSION Dès 10 heures, le groupe d’une trentaine de demandeurs d’emploi se retrouve devant les grilles du port pour une distribution de gilets de signalisation et de casques, mais aussi pour une vérification des pièces d’identité. L’endroit “n’est pas un lieu public”, rappelle Jean-Brice Ervais. Ici se jouent de nombreux enjeux stratégiques et n’importe qui ne peut pas entrer ou même circuler comme il le souhaite. À bord d’un bus affrété spécialement pour l'occasion, les visiteurs commencent le tour du propriétaire. Avec ses huit kilomètres carrés, le port accueille des cargaisons en provenance du monde entier : Asie, Afrique, Europe, Amériques ou encore Océanie, Longoni voit défiler jour après jour toutes les nationalités sur ses quais.
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Mais alors quelles sont les compétences requises pour être employé sur les docks mahorais ? “Lorsque l’on pense au travail dans un port, on pense à des compétences physiques, mais les divers métiers que l’on y trouve demandent également de la technique”, précise l’attaché à la direction du port. Être précis, savoir gérer la pression, adhérer aux règles de sécurité, telles sont les prérequis
pour intégrer les équipes portuaires. “On a longtemps pensé que ce lieu ne proposait que des professions réservées aux hommes, mais on retrouve une grande variété de professions”, détaille Henry Jacques-Martial, chargé de mission relations institutionnelles en poste depuis 2015. Sécurité, outillage, manœuvre, capitainerie… Il y a pléthore de possibilités.
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UN PORT, DES POSSIBILITÉS Pour Daroussi Nahum, travailler au sein du port de Longoni a fait naître une vocation. “J’ai commencé par une formation agricole, puis un brevet de technicien supérieur comptable, c’est d’ailleurs en cette qualité que je suis rentrée. Puis, j’ai suivi une reconversion en interne pour devenir responsable d'exploitation”, confie celui qui se dit passionné par son métier. “Je travaille avec une équipe jeune et dynamique. J’aime l’utilisation des outils informatiques, le terrain, l'administratif. Nos missions sont très variées et chaque opération est différente”, confie Daroussi Nahum. Avoir la possibilité d’évoluer professionnellement, d’être polyvalent et de se former
UN PORT “CONDAMNÉ À SE DÉVELOPPER PROPORTIONNELLEMENT À SA POPULATION” dans divers domaines, voilà ce qui lui plaît tant. Un engouement que semblait partagé les demandeurs d’emploi qui, les yeux grands écarquillés, n'ont pas manqué de poser diverses questions et de se projeter déjà aux manettes des grues les plus hautes du port…n
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DOSSIER
Raïnat Aliloiffa
TRANSPORTS
À LA DÉCOUVERTE DES MÉTIERS DU STM LA BARGE. CERTAINS HABITANTS DE MAYOTTE LA PRENNENT QUOTIDIENNEMENT MAIS CONNAISSEZ-VOUS RÉELLEMENT LES DIFFÉRENTS CORPS DE MÉTIERS QUI ASSURENT LE SERVICE ? MATELOT, TECHNICIEN, COMMANDANT… DES MÉTIERS DE L’OMBRE QUI SONT INDISPENSABLES AU SERVICE DES TRANSPORTS MARITIMES DE MAYOTTE, PREMIER TRANSPORTEUR MARITIME D’EUROPE AVEC 5,2 MILLIONS DE PASSAGERS PAR AN ET 700 000 VÉHICULES. Vêtue de son salouva et de ses chaussures à talons, Ramzati est une femme mahoraise ordinaire. À une exception près, elle est commandante au service des transports maritimes de Mayotte. Elle occupe le poste le plus élevé dans l’équipage embarqué. « Je suis responsable de tout ce qu’il se passe dans le bateau. S’il y a un problème, c’est moi qui dois rendre des comptes même si je ne suis pas à bord », explique-t-elle aux jeunes suivis par Apprentis d’Auteuil, qui ont rencontré quelques professionnels du STM ce mardi. Certains sont surpris de voir une femme à cette place, puisque les clichés veulent que le métier de commandant soit occupé par un homme. Zamrati tord le cou à ces préjugés. Elle prend plaisir tous les jours à troquer sa tenue traditionnelle pour l’uniforme bleu porté par tous les agents du STM présents à bord des navires. « Aujourd’hui il n’y a pas de métiers faits pour les hommes et d’autres pour les femmes. Quand on veut, on peut. »
Elle se souvient avoir été la seule fille de sa classe lorsqu’elle passait son CAP matelot et son baccalauréat professionnel gestion des entreprises. Cela ne l’a jamais découragée, bien au contraire. Elle est aujourd’hui contente d’avoir résisté puisqu’en sept ans de carrière au STM, elle est passée du poste le plus bas, celui de matelot, au plus élevé, commandant. Cependant, cette réussite a quelques inconvénients. Sa vie de famille est parfois sacrifiée pour pouvoir assurer sa mission de service public. « On travaille pendant deux semaines, puis on a une semaine de récupération. Ceux qui habitent loin n’ont pas le temps de rentrer chez eux car soit on commence très tôt, soit on finit très tard, alors certains n’ont pas d’autre choix que de dormir au travail », raconte-t-elle. Ramzati n’est pas la seule à devoir faire des sacrifices. Houmadi est chef technicien au STM, et malgré la pression qu’il subit chaque jour, il continue de se dévouer corps et âme à son travail. « La commandante est
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« C’EST UNE PASSION AVANT TOUT, C’EST UN RÊVE D’ENFANCE » le cerveau du bateau et moi je suis le cœur. Je veille au bon fonctionnement des moteurs. J’ai une longue checklist que je dois respecter à la lettre tous les jours. Je dois tout vérifier pour que les bateaux soient opérationnels à 4 heures du matin. » Par conséquent, comme les autres, il fait beaucoup d’heures supplémentaires, mais pour Houmadi ce n’est qu’un détail. « C’est une passion avant tout, c’est un rêve d’enfance que je réalise. Je suis heureux parce que j’aime vraiment ce que je fais, et puis je travaille chez moi, je suis au service de mon île. » Cet ancien pêcheur ne regrette pas d’avoir changé de métier, et, après 18 ans de bons et loyaux services semés parfois de stress et de désagréments, il est prêt à finir sa carrière au STM.
DONNER ENVIE AUX JEUNES DE S’ENGAGER À l’occasion de la semaine des métiers maritimes, Pôle emploi a organisé cette rencontre entre les travailleurs du service des transports maritimes de Mayotte et les
jeunes suivis par Apprentis d’Auteuil. L’objectif est de susciter des envies de carrière au sein de ce service du Conseil départemental, mais les sacrifices nécessaires pour mener à bien son travail ont refroidi les jeunes qui ont pu échanger avec les agents. « Les métiers du STM sont fascinants mais je n’ai pas envie de m’engager là-dedans parce que je ne pourrais pas supporter d’être loin de ma famille pendant deux semaines », affirme Kalmachi, une jeune femme. « Le parcours de la commandante est impressionnant, elle donne l’exemple mais ce n’est pas pour autant que j’ai envie de faire la même chose », ajoute Harthati, également présente lors de la rencontre. Si la gente féminine semble catégorique, les hommes sont plus ouverts. « Je me cherche encore pour l’instant, mais travailler dans les transports maritimes m’intéresse. J’aime le fait d’être au plus près des gens et d’assurer une mission de service public », assure Ali Faïz. Du côté du STM, la porte est ouverte, puisque la direction annonce une prochaine campagne de recrutements qui permettra d’améliorer les services proposés. n
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LE DIRECTEUR D’EXPLOITATION DU STM RÉPOND AUX POLÉMIQUES Mayotte Hebdo : Le STM est souvent pointé du doigt pour les nombreux retards des barges. Comment justifiez-vous ces retards ? Rémi Chatagnon : Je suis au plus près des mécontentements des usagers. Je les comprends totalement. Ce que ne voient pas les gens c’est tout ce qu’il se passe en off. On est soumis à la même réglementation que l’aviation. Les mécaniciens ont une checklist à dérouler et ça ne se fait pas en deux minutes. Nos métiers sont très encadrés, nous sommes soumis à beaucoup de contraintes techniques et administratives et les amphi-
dromes nécessitent beaucoup d’entretien. Le souci c’est qu’on est mauvais en termes de communication, mais on va essayer de communiquer d’une meilleure façon pour que les gens comprennent mieux. Une chose est sûre, on ne peut pas faire mieux en ce moment. M.H. : Le STM est le premier transporteur maritime d’Europe et pourtant on a l’impression que les moyens investis ne sont pas à la hauteur… R.C. : Le problème c’est qu’on a été délaissés par beaucoup d’institutions. La présidence
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du Conseil départemental est derrière nous pour nous aider mais il y a tout à faire ! On manque d’infrastructures adéquates, on a du mal à envoyer nos agents en formation. Heureusement on a l’école maritime qui forme des professionnels. Ici on n’a même plus de médecin du travail pour les métiers maritimes, on ne peut donc pas effectuer les visites médicales. M.H. : Quelles solutions proposez-vous à long terme pour que le STM puisse assurer sa mission sans tous ces aléas ? R.C. : On est en train de tout réorganiser, ce n’est pas un travail de deux jours mais de trois à quatre ans. D’ici l’année prochaine, le STM va augmenter sa flotte et on
« IL N’Y A PAS DE MÉTIERS FAITS POUR LES HOMMES ET D’AUTRES POUR LES FEMMES » aura besoin de recruter une cinquantaine de personnes de tous niveaux. On va d’abord privilégier la promotion interne de nos agents, puis après on verra les postes disponibles. On se penche aussi sur plusieurs projets parce que la population à Mayotte est en train d’exploser donc il faut que l’on soit en mesure d’assurer notre mission de service public. n
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FORMATION
« LA PÊCHE EST L’AVENIR DE L’ÎLE » LES PÊCHEURS PROFESSIONNELS DE MAYOTTE TRAVAILLENT DANS DES CONDITIONS TRÈS ÉLOIGNÉES DE CELLES DE LEURS COLLÈGUES MÉTROPOLITAINS. LA VÉTUSTÉ DU MATÉRIEL ET LA DIFFICILE STRUCTURATION DE LA FILIÈRE RENDENT LE TRAVAIL PÉNIBLE. PAR CONSÉQUENT, LES PLUS JEUNES NE SONT PAS SÉDUITS PAR LE MÉTIER DE PÊCHEUR.
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« ON DOIT MONTRER QUE L’ON PEUT S’EN SORTIR EN ÉTANT PÊCHEUR » C’est un fait, les pêcheurs de Mayotte sont âgés. « La moyenne d’âge est de plus de 50 ans, avant c’était plus jeune », assure Charif Abdallah, le premier vice-président de la chambre de l’agriculture de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte (Capam), également président de la commission pêche. Et pour cause, la fonction n’attire plus les jeunes. Plusieurs raisons expliquent ce désamour, à commencer par la mauvaise réputation du métier. « Socialement, c’est considéré comme un métier secondaire réservé aux pauvres », rappelle Charif Abdallah. De plus, le matériel utilisé par les professionnels est préhistorique. Les embarcations sont en réalité des barques qui sont équipées du strict minimum, certaines ne possèdent même pas de GPS ni de radio VHF. « On est condamnés à travailler dans de mauvaises conditions. Comment voulez-vous que les jeunes aient envie d’être pêcheurs ? », questionne le professionnel. En réalité, certains jeunes semblent être intéressés
par la filière, à l’exemple de Kalmachi Abdallah, inscrite à Apprentis d’Auteuil et à la recherche de formation. « Mon père est pêcheur et j’aimerais suivre ses pas. J’aime aller en mer, quand j’y vais je me sens libre », raconte la jeune fille. Même son de cloche pour son camarade Ali Faïz Salim. « À Mayotte on a tendance à dire qu’être pêcheur c’est un métier de pauvre, mais j’ai eu l’opportunité de discuter avec des pêcheurs et en fait c’est très intéressant. »
« LA PÊCHE MANQUE DE BONNE PUBLICITÉ » Si les jeunes ne vont pas à la pêche, la pêche doit aller vers eux. Pour cela, il est nécessaire de parler de la profession en de bons termes. « Le problème à Mayotte c’est que la pêche manque de bonne publicité. On doit montrer que l’on peut s’en sortir en étant pêcheur, que ce n’est pas un sous métier », estime Charif Abdallah. Cela peut passer par une sensibilisation dans les écoles ou par plus de formations. L’école d’apprentissage maritime de Mayotte forme déjà des pêcheurs mais cela n’est
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pas suffisant. « Les jeunes qui sortent de cette école ne s’intéressent pas à la pêche. D’ailleurs très peu deviennent pêcheurs, c’est du gâchis », soutient le professionnel. Le Pôle emploi, qui finance les formations, a l’ambition d’impliquer un peu plus cette jeunesse. « On veut faire embarquer les personnes quelques jours pour qu’elles se rendent compte de la réalité. On a aussi d’autres projets de formation avec l’école d’apprentissage maritime », annonce Stéphane Gouy, conseiller référent du secteur maritime à Pôle emploi. Et Charif Abdallah d’ajouter : « Je pense que, si on les recrute depuis la classe de troisième, on peut avoir de bons pêcheurs plus tard. On doit y mettre les moyens car la pêche est l’avenir de l’île. »
NÉCESSITÉ DE RESTRUCTURER LA FILIÈRE « En 2014, Mayotte est devenu une région ultrapériphérique mais la transition avec les pêcheurs n’a pas été encadrée. Nous avons toujours les mêmes bateaux et ils ne sont pas aux normes européennes », affirme le premier viceprésident de la Capam. Certaines embarcations qui étaient dans un piètre état se sont même retrouvées immobilisées et n’ont plus le droit d’aller en mer. « Depuis 2018 on nous parle de renouvellement de la flotte, mais on n’a rien eu de concret. En attendant on est obligés d’utiliser les bateaux que l’on a, sinon on n’aura pas de poissons à Mayotte », selon Charif Abdallah.
Le renouvellement des bateaux est également nécessaire afin que les pêcheurs de l’île en dépassent les frontières. Les Seychellois peuvent venir pêcher dans les eaux mahoraises, mais l’inverse n’est pas possible car les conditions ne sont pas réunies. « Les petits bateaux sont limités à 18 kilomètres des côtes, ce n’est pas grand-chose. Seuls les grands bateaux peuvent aller loin, jusqu’à Madagascar », explique le conseiller référent du secteur maritime à Pôle emploi. Seulement voilà, la flotte mahoraise possède très peu de grands bateaux. La modernisation est une chose, mais le nombre de professionnels est un autre casse-tête. La profession compte actuellement 150 pêcheurs actifs à Mayotte, selon la Capam. Un chiffre qui n’est pas amené à augmenter puisque non seulement les jeunes ne sont pas attirés, mais la flotte de pêche de Mayotte sera aussi restreinte à partir du 31 décembre 2025. « Cela signifie que dès le 1er janvier 2026, si quelqu’un veut entrer, il faudra que quelqu’un sorte parce qu’on ne pourra pas rajouter de nouveaux bateaux. Le nombre de bateaux professionnels sera limité », assure Stéphane Gouy. Ce dernier redoute une situation où l'importation de poisson deviendrait nécessaire car les quantités pêchées par les Mahorais ne suffiraient pas. Le comble pour une île. Ceci dit, c’est déjà le cas, puisqu’une partie des poissons que l’on voit dans les poissonneries ne se trouvent pas dans les eaux mahoraises. n
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L.G
ENVIRONNEMENT
UN SUIVI DES POLLUTIONS CHIMIQUES À MAYOTTE DEPUIS L’ANNÉE 2009, LE PARC NATUREL MARIN DE MAYOTTE SUIT LES POLLUTIONS CHIMIQUES DANS LE LAGON. EN 2018, LE PROJET EN CONTINUUM TERRE-MER VOIT LE JOUR EN LIEN AVEC LE BRGM. PENDANT QUATRE ANS, LES ÉQUIPES À TERRE ET EN MER ONT ANALYSÉ LES POLLUANTS PRÉSENTS DANS LES EAUX DE L’ÎLE AUX PARFUMS. Bisphénol, caféine, parabène, phytosanitaire, anti-inflammatoire, édulcorant, hydrocarbure… Au total, 60 molécules polluantes ont été identifiées dans trois bassins versants et leurs masses d'eau littorales associées au cœur du 101ème département. L’office français de la biodiversité (OFB), le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) ont travaillé main dans la main afin de réaliser cette étude durant quatre années. “La dernière campagne de terrain s’achève cette semaine et nous aurons les résultats finaux d’ici deux ou trois mois”, explique Clément Lelabousse, docteur en océanographie et chargé de mission au sein du Parc naturel marin de Mayotte. Mais alors quel bilan les scientifiques pourront-ils tirer de ces travaux de recherche ?
DES MOLÉCULES JAMAIS IDENTIFIÉES Si des projets comme celui-ci ont déjà eu lieu à divers endroits en France, ce programme permettra une innovation majeure pour le territoire. “Sur un tout petit territoire comme Mayotte, tout ce qui se passe à terre a des répercussions en mer”, témoigne l’océanographe. L’objectif de la mission ? Améliorer les connaissances relatives aux pressions qui s’exercent sur les masses d’eau mahoraises, mais aussi sur le comportement de ces substances sur les milieux naturels. “Nous menons des travaux de recherche et de développement sur les polluants afin d’élargir le spectre de ceux présents sur l’île.” Si certaines molécules identifiées n'étonnent personne, d’autres issues de produits phytosanitaires notamment sont interdites
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à la vente et continuent à polluer les eaux turquoise du lagon. “Cette étude nous servira d’outil pour présenter aux institutions et aux pouvoirs publics la réalité du terrain et des substances utilisées à Mayotte”, affirme Clément Lelabousse. Un bon moyen de faire changer les choses et d’engendrer une prise de conscience collective.
UNE PROBLÉMATIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE “60 molécules ce n’est pas énorme. Dans l’estuaire de la Seine, entre 600 et 6000 substances différentes ont été identifiées. La problématique ici est le taux de concentration de certains polluants.” Lors des différentes campagnes sur le terrain, les équipes compétentes ont réalisé des prélèvements ponctuels dans les cours d’eau, les estuaires, à l’intérieur et à l’extérieur du lagon. “En complément des
échantillonnages réalisés à un instant T, nous avons utilisé la technique d’échantillonneurs passifs intégratifs (EIP) qui permet d’avoir une idée de la concentration en polluant des masses d’eau sur une période plus longue”, détaille le chargé de mission. Envoyés dans des laboratoires métropolitains, les prélèvements pourraient aider à déterminer l’impact de ces produits chimiques sur la biodiversité. Sans grande surprise, les premières pistes pointent du doigt le manque d’assainissement sur l’île, mais aussi des pratiques comme les lavages de voitures ou les lessives en rivière. Pour connaître l’intégralité des résultats, il faudra encore un peu de patience avant qu’ils ne soient intégralement publiés. Sans jouer les lanceurs d'alerte, les personnels chargés de cette mission espèrent que des changements de comportements soient opérés et que la nature mahoraise puisse couler des jours heureux… n
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Alexis Duclos
LA SÉCUR À L'AUBE DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DES 10 ET 24 AVRIL PROCHAINS, FLASH INFOS ET MAYOTTE HEBDO VOUS DE CERTAINS DE LEURS SOUTIENS MAHORAIS. DURANT CE MOIS SERONT AINSI ABORDÉS Marine Le Pen (Rassemblement national)
Les Mahorais subissent une dégradation continue de leur sécurité. Les agressions physiques se multiplient. L’ultraviolence, souvent gratuite, devient un phénomène banal. Elue Présidente, la restauration de l’ordre et de la sécurité sera une priorité absolue pour Marine Le Pen. Aussi, la mise en œuvre d’une loi de programmation pour la sécurité et la justice permettra de créer jusqu’à 10000 postes de policiers et gendarmes, de doubler le nombre de magistrats et de leurs donner les moyens d’agir. Bien évidemment, une partie de ces nouvelles recrues sera affectée à Mayotte. Cette loi mettra fin à l’impunité des mineurs délinquants en sanctionnant dès la première infraction. A ce titre, la majorité pénale sera abaissée à seize ans. Et pour plus d’efficacité, la loi accompagnera les communes de plus de 10000 habitants à renforcer leurs polices municipales et leurs dispositifs de videoprotection. Par ailleurs, l’ensemble des chiffres disponibles à Mayotte, nous montrent que la criminalité et la délinquance sont d’abord liés à la submersion de l’immigration clandestine. A ce titre, Marine Le Pen se propose, dès le début de son quinquennat, de mettre un terme à l’immigration illégale en soumettant aux français « par la voie la plus démocratique qui soit » un référendum sur un projet de loi sur l’immigration qui s’appliquera sur toute la France y compris en Outre-Mer (suppression du droit du sol, expulsion des délinquants étrangers, fin de la régularisation des clandestins, …). Enfin, avec l’arrivée de Marine Le Pen au pouvoir, un changement diplomatique s’amorcera vis-à-vis de l’Union des Comores (pas d’expulsion, pas de visa pour la France). Daniel Zaïdani, président du comité de soutien à Mayotte de la candidate Marine Le Pen.
Emmanuel Macron (la République en Marche)
La sécurité est un droit fondamental car sans sécurité il ne saurait y avoir de liberté et d’épanouissement individuel. Au-delà de l’augmentation des moyens financiers et humains depuis 2017 et du renforcement des outils nationaux d’action contre la délinquance, la criminalité et le terrorisme, Emmanuel Macron a souhaité prendre à bras le corps les problèmes spécifiques des Outre-mer, avec notamment l’unification des directions de la police nationale à Mayotte, au 1er janvier 2019. Ou encore avec déclinaison et une adaptation du “Grenelle” dans chacun des territoires d’Outre-mer, pour lutter contre les violences faites aux femmes. Dès 2017, le Président de la République a placé la protection au cœur de son action. - Les moyens ont été considérablement renforcés. Plus de sécurité avec 400 forces de l’ordre supplémentaires, plus de moyens pour lutter contre l’immigration clandestine avec l’opération Shikandra et plus de fermeté avec le durcissement des conditions d’accès au droit du sol portées par le sénateur Thani Mohamed Soilihi. Des mesures qui prouvent déjà leur efficacité et la volonté du Président, Emmanuel Macron, de réduire l’immigration clandestine et de faire de Mayotte un département sûr. - 22 000 reconduites à la frontières depuis le début de l’année, près de 6 000 embarcations illégales interceptées et 70% de tentatives d’entrées stoppées. Depuis 2017, l’État a reconstitué des forces indispensables. Il ne suffisait pas de déplorer l’insécurité, il fallait donner les moyens d’agir . Et c’est ce qu’a fait Emmanuel Macron. - 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires ont été recrutés, la construction de 15 000 places de prison lancée et les offensives contre les points de trafic de drogue renforcées. Pour les années à venir,Il faut aller au bout de ce réarmement, juridique et matériel, pour faire respecter nos lois et nos valeurs par tous. Comité de soutien mahorais d'Emmanuel Macron
RITÉ (3/5) PROPOSENT CHAQUE SEMAINE UN TOUR D'HORIZON DES PROGRAMMES DES CANDIDATS À L'ÉLYSÉE, EN COMPAGNIE LA REPRÉSENTATION NATIONALE, L'ÉDUCATION, L'ÉCONOMIE, LA SÉCURITÉ ET LA SANTÉ. Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise/Union populaire) La problématique de la sécurité est un problème central à Mayotte et nul responsable politique ne niera ou ne minimisera son ampleur. Les mahorais et mahoraises en souffrent et leur sécurité doit être garantie. Force est de constater que les réponses apportées jusqu’alors n’ont pas permis de faire reculer l’insécurité qui y règne. Alors quelles solutions ? 1-Restaurer l’autorité de l’Etat en donnant à la police et à la justice les moyens de fonctionner correctement. Le département est largement sous doté comparé à la métropole et le surmenage conduit aux burn-outs et l’absentéisme. Toutefois la seule réponse judiciaire, certes indispensable, est insuffisante. 2- Donner les moyens à l’école de fonctionner en n’écartant pas des jeunes du parcours scolaire. C’est un fléau qui est un terreau de la délinquance. 3- Mettre en place des structures et mesures de suivi des jeunes délinquants pour éviter toute récidive. 4- Faire reculer la pauvreté pour faire reculer l'insécurité en créant des emplois publics, en augmentant le SMIC (1400 euros) et en donnant à tout jeune souhaitant poursuivre ses études une aide de plus de 1000 euros 5- En menant une discussion et une coopération franche et sincère avec les Comores afin de faire stopper cette immigration massive vers notre département. Comité de soutien mahorais de Jean-Luc Mélenchon
LA SÉCURITÉ, VRAI MARQUEUR POLITIQUE D
Si certains candidats bénéficient de comités de soutien sur Mayotte pour faire campagne, d’autres n’ont pas cette chance. On a donc repéré les différentes mesures qu’ils proposent pour améliorer la sécurité. Sujet majeur à Mayotte, il est très rare que le thème de l’insécurité ne soit pas abordé lors des repas de famille ou entre amis. À l’approche de l’élection présidentielle, tous les candidats ont fait des propositions pour lutter contre ce phénomène. Et ils le font souvent de manière chiffrée, à l’image du recrutement de policiers demandé par beaucoup. ”30.000 représentants des forces de l’ordre” sont promis par Nicolas DupontAignan (Debout la France), même nombre pour Fabien Roussel (Parti communiste) qui préfère “des policiers de proximité”. Jean Lassalle (Résistons !), récemment passé à Mayotte, veut “6.000” policiers ou gendarmes de plus. Anne Hidalgo (Parti socialiste) et Éric Zemmour
(Reconquête !) promettent aussi d’augmenter leur nombre, mais ne se lancent pas dans des estimations chiffrées. Un abaissement de la majorité pénale plébiscité par la droite Vrai marqueur politique, les candidats les plus à droite, comme Nicolas Dupont-Aignan et Éric Zemmour, estiment que la sécurité serait renforcée en baissant la majorité pénale à 16 ans. Le deuxième est d’ailleurs le prétendant qui a sans doute le plus axé sa campagne sur la sécurité et l’immigration. L’ancien chroniqueur veut “une grande loi de programmation sur cinq ans” dédiée à la sécurité et l’instauration de “la présomption de légitime défense pour les policiers”. C’est-à-dire que chaque policier ayant fait usage de son arme ne pourrait pas être poursuivi de la même manière que les autres justiciables. En matière d’immigration, les
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DE CETTE CAMPAGNE
deux candidats sont pour la suppression du droit du sol, Éric Zemmour allant plus loin en étant contre le regroupement familial et en promettant “un ministre de la remigration”. À gauche, l’immigration n’est pas abordée de la même manière. Ainsi, Yannick Jadot (Europe écologie-Les Verts) émet l’idée de “régulariser les personnes installées en France”. Dans le même état d’esprit, Anne Hidalgo préfère “régulariser les sans-papiers établis en France depuis un long délai”. Pareil pour la sécurité, les deux candidats sont favorables aux alternatives à la prison, tout comme Fabien Roussel qui est absolument contre le fait d’enfermer les jeunes entre 13 et 16 ans. Des idées totalement à l’opposé de Nicolas Dupont-Aignan et Éric Zemmour. Le premier propose de créer “40.000 places de prison” dans les casernes abandonnées, tandis que son concurrent en réclame 10.000, tout en expulsant 10.000 prisonniers étrangers.
Le NPA veut désarmer la police Seule candidate à faire peu de propositions en matière de sécurité, Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) propose simplement de dépénaliser le cannabis et promeut “la liberté de circulation des migrants”, étant contre toutes formes de frontières. À l’extrême gauche aussi, Philippe Poutou (Nouveau parti anticapitaliste) a lui aussi choisi des idées radicalement différentes des autres candidats. Pas favorable à l’augmentation du nombre de policiers, il suggère plutôt de les désarmer et cible même plusieurs armes utilisées aujourd’hui (tasers, LBD, grenades de désencerclement). Comme JeanLuc Mélenchon (La France Insoumise), il propose la suppression de la brigade anti-criminalité. Totalement opposé à la loi de sécurité globale promulguée en 2021, il réclame purement et simplement son abrogation. La majeure partie des candidats à l'élection présidentielle ont déjà promis une augmentation du nombre de policiers et de gendarmes.
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NOUVELLES TÊTES ET AMBITIONS CHEZ YES WE CAN NETTE Afin de débuter l’année 2022 sous les meilleures hospices, l’association Yes We Can Nette s’est entourée d’une toute nouvelle équipe. Direction, coordination, animation et médiation, les salariés souhaitent voir plus grand pour la structure dans les mois à venir et ont des projets plein la tête. “Ramassez des déchets recyclables et achetez vos produits alimentaires de première nécessité jusqu'à 40% moins cher que dans le commerce grâce à votre “compte canette” dans notre épicerie solidaire.” Voilà ce que propose l’association Yes We Can Nette à ses bénéficiaires ! Depuis 2016, la structure éco-solidaire souhaite lutter contre la prolifération des déchets dans les villes mahoraises et la pollution qu’ils entraînent. Un symbole : la canette. Coca-Cola, Ice Tea, Oasis, ces petits bouts d’aluminium se retrouvent partout au bord des routes, des cours d’eau, mais aussi dans les eaux du lagon. Pour encourager une prise de conscience collective, Gilles Chavaunaud, président de l’association, et ses employés développent des projets destinés à faire bouger les choses dans l’océan d’indifférence qui entoure la question de la surconsommation à Mayotte.
Un nouveau départ “Tout est parti d’une rencontre au marché de Coconi et me voilà ici”, sourit Nadia Bernier. Pour cette ex-infirmière libérale venue à
Mayotte pour rejoindre son conjoint, une aventure inédite commence. “Pendant 16 ans, j’ai assuré la gestion de mon cabinet. J’apporte mes compétences de direction et j'apprends de nouvelles choses au sein du milieu associatif”, explique l’ancienne habitante du Loiret. Un poste enrichissant donc et des domaines d’activités finalement pas si éloignés, “la santé et l’environnement sont très liés”. Pleine d’énergie et volontaire, la nouvelle directrice et coordinatrice de l’association Yes We Can Nette espère pouvoir mener à bien les projets lancés par ses prédécesseurs. “Cette structure est un beau produit, maintenant il faut que les gens restent et puissent passer le flambeau à des locaux qui connaissent mieux que quiconque leur territoire”, avance-t-elle en se tournant vers son collègue Ali Zoubeir. Embauché depuis la fin d’année 2021, le nouveau médiateur de l’association sait exactement où il met les pieds. “Je connais Yes We Can Nette depuis ses débuts en 2016. J’y avais effectué un service civique fin 2020 et c’est tout naturellement que je me suis tourné vers eux lorsque j’ai cherché un poste”, détaille l’habitant de M’Tsapéré.
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Sensible à la préservation de la nature, le jeune salarié a notamment réalisé une formation en technique d'animation environnementale.
Une épicerie ambulante “Je suis à Mayotte depuis 23 ans et j’ai vu la situation se dégrader. Je suis optimiste pour l’avenir car les nouvelles générations peuvent faire changer les choses, mais pour cela il faut que celles-ci soient sensibilisées
pour ne pas reproduire les erreurs du passé”, argumente-t-il. S’il se souvient du temps où il cherchait les bouteilles consignées pour récupérer leur caution, Ali voudrait aujourd’hui que tout le monde montre le bon exemple. “Je fais de la médiation tous les jours dans mon entourage, mais le chemin est encore long, surtout auprès de nos anciens.” Bientôt, celui-ci devrait pouvoir frimer à bord de l’épicerie ambulante de l’association et sa remorque destinée à collecter les canettes usagées… Un nouveau projet sur roues en 2022. n
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LITTÉRATURE
LISEZ MAYOTTE
LES CONTES DE NASSUR AGRÉGÉ DE LETTRES MODERNES ET DOCTEUR EN LITTÉRATURES FRANCOPHONES, CHRISTOPHE COSKER EST L’AUTEUR DE NOMBREUX OUVRAGES DE RÉFÉRENCE SUR LA LITTÉRATURE DE L’ÎLE AUX PARFUMS, NOTAMMENT UNE PETITE HISTOIRE DES LETTRES FRANCOPHONES À MAYOTTE (2015) DONT IL REPREND, APPROFONDIT ET ACTUALISE, DANS CETTE CHRONIQUE LITTÉRAIRE, LA MATIÈRE.
Nassur Attoumani, Contes traditionnels de Mayotte, éditions L'Harmattan, 2003.
Comme dans toute société à tradition orale, où seule la parole des anciens permet de transmettre les us et les coutumes, les mythes, les légendes et les contes locaux, Mayotte n'a pas failli à cette règle. Ce recueil de contes se veut donc un trait d'union entre l'enseignement traditionnel et moderne.
En 2003, l’écrivain francophone le plus prolifique de Mayotte, Nassur Attoumani, publie un recueil de Contes traditionnels de Mayotte, dans la collection « La Légende des mondes » de la maison d’édition L’Harmattan. Il fait ici avant tout œuvre de secrétaire, ayant recueilli les contes de deux bouches : « Les contes qui figurent dans ce recueil sont, à ce jour, inédits. Je les ai recueillis à Boueni, en 1997, de la bouche même de Fatima Boinali Dany dit[e] Mya Tamadouni et de Fatima Bouroudi, dit[e] Mya Némati. » (p. 7). Commençons par indiquer qu’après les recueils de Claude Allibert, Noël Jacques Gueunier et Sophie Blanchy, l’adjectif « inédit » est pour le moins discutable. Nous verrons néanmoins qu’il sera encore utilisé par Abdou Salam Baco quatre ans plus tard. Parmi les intérêts du recueil de Nassur Attoumani, il y a d’abord le classement ternaire qu’il propose en « conte merveilleux », « chantefable » et « conte de mœurs ». Dans les cas qui précèdent, c’est souvent un motif et ses variantes qui retenaient l’attention des collectionneurs et régissaient l’ordre du texte. Ces trois catégories indiquent moins des frontières qu’elles ne donnent des informations sur la forme et le but du genre du conte. En effet, tout conte ou presque est chantefable dans la mesure où il contient un morceau lyrique, c’est-àdire un refrain chanté dont le sens est, ou non, compréhensible. Le conte est ensuite souvent merveilleux, et rendu tel par des objets et ou des êtres. Ainsi, dans « L’Orphelin de père », on trouve un tapis volant ou encore un couvre-chef qui rend invisible. Mais tout conte est un conte de mœurs qui vise à enseigner une leçon. Cette leçon est d’abord morale, qui revient comme une litanie incitant à la persévérance. Elle est
ensuite éthique et renvoie à une phrase de Youssouf Saïd dans Mayotte : légendes et histoires drôles (1986) : « Il ne suffit pas d’avoir l’apparence humaine pour être humain : les défauts trahissent la nature animale ». En d’autres termes, l’enseignement des fables consiste à se méfier des apparences pour percer le mal derrière tout ce qui peut séduire. Issue du texte intitulé « Parmi les hommes, il y a des animaux », cette légende inspire aussi le prologue de la pièce de théâtre d’Alain-Kamal Martial intitulée La Rupture de la chair (2004). Le conte de Nassur Attoumani que nous souhaitons approfondir dans cette chronique est peut-être le plus provoquant du recueil. Il s’intitule « La Fille du pauvre » et commence ainsi : « Jadis dans un village, vivaient deux voisins. L’un était riche, l’autre était pauvre. Si pauvre qu’il avait du mal à se nourrir. Alors l’homme riche qui était roi, l’aidait à subvenir à ses besoins. Et dans ce village, vivait également un cheikh [Note de l’auteur : à Mayotte, dignitaire religieux, versé dans le Coran et spécialiste des confréries musulmanes.]. Ce dernier se rendait chez le roi pour y enseigner le Coran. Il y emmenait tous ses livres car, le roi ne se déplaçait jamais chez le cheikh. Or le nécessiteux qui croulait sous le poids de la misère était le père d’une fille unique. Les années succédèrent aux années et pas un seul jour la faim et la soif n’épargnèrent l’indigent dont la fille atteignit l’âge nubile. Les étudiants qui suivaient l’enseignement coranique, s’adossaient à la palissade mitoyenne qui séparait la cour du Riche de celle du Pauvre. Chaque jour, la fille de ce dernier venait également s’adosser de l’autre côté de la palissade mitoyenne et
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elle écoutait les enseignements du cheikh. Un jour, elle proféra : - Instruisez-vous tant que vous voulez, dussiez-vous apprendre par cœur même la quatrième de couverture du Livre, je suis capable de vous tromper. » (p. 145) Le conte commence de façon traditionnelle par l’existence de pauvres et de riches. Mais l’énumération laissant place à l’opposition, le lecteur attentif pressent la mise en place d’une ironie du sort. Et en effet, le savoir résidant chez le puissant sheikh est remis en cause par la fille du pauvre qui revendique la puissance – qui se trouvera vérifiée – de ce que certains appellent l’éternel féminin. En effet, le roi emprisonne la jeune fille sur un îlot dont elle parvient à s’enfuir pour le séduire incognito. Enceinte de lui, elle ne peut lui cacher longtemps une grossesse dont il est, sans le savoir, l’auteur. Après un moment de furie, son épouse le détrompe au moyen de l’anneau qu’il a donné à une maîtresse qui n’était autre que sa femme. Nous ne terminerons pas cette chronique sans dire un mot de la deuxième partie du titre : « Nos Ancêtres… les menteurs ». Ce sous-titre à double détente commence par une notion extrêmement positive dans la société
traditionnelle de Mayotte, à savoir l’aînesse. Mais le titre est interrompu par des points de suspension auxquels met fin le terme négatif de « menteur ». Tout le plaisir du sous-titre réside dans son ambiguïté. Les ancêtres sont en effet détenteurs de l’expérience, de la sagesse et de la vérité. Mais ils choisissent pour véhicule de leurs connaissances le mensonge, c’està-dire la fiction du conte. Enfin, l’expression « nos ancêtres… les menteurs » déclenche un signal d’alerte chez le lecteur francophone, parce qu’il rappelle un cliché de l’enseignement colonial : « nos ancêtres les Gaulois ». Cette caricature de la politique d’assimilation consiste à exporter le programme de l’histoire française aux quatre coins du monde et de l’empire, sans égard pour l’histoire locale. Ainsi le recueil de contes possèdet-il une valeur postcoloniale, cherchant à rétablir une origine authentique. Celui qui le souhaite pourra prolonger la lecture du recueil de contes de Nassur Attoumani par un essai qui s’intéresse au même thème, mais de façon différente. Il est signé Mohamed Moindjié et s’intitule : Au nom de mes ancêtres (qui ne sont pas des Gaulois) (2013).
Christophe Cosker
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Excellence sportive Une délibération du 30 novembre 2021 met à disposition des locaux du Centre Abdallah Mamy et des installations sportives du Complexe de Cavani pour la Ligue Mahoraise de football afin d’y développer une Section d’Excellence Sportive Scolaire.
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