LE MOT DE LA RÉDACTION
UNE VOLONTÉ DE FEU Dans les décombres fumants des immeubles ukrainiens ou sur un accident de la route à Mayotte, ils sont au front. Eux, ce sont les premiers à répondre, les héros du quotidien, ceux qui ne comptent pas leurs heures, les soldats du feu, bref, les sapeurs-pompiers. À Mayotte, la jeunesse du Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) n'a d'égale que celle du département. Il a fallu, en seulement quelques années, définir et écrire l'intégralité d'un projet pluriannuel, construire cinq centres de secours, former et recruter. Tout cela pour faire passer l'île au lagon de zéro sapeurs-pompiers professionnels à quelque 239 aujourd'hui. Si l'effort fut collectif, un homme se démarque par son travail incessant à la tête du SDIS mahorais : le Colonel Olivier Neis. L'hyperactif Alsacien et Varois d'adoption a aussi su tomber amoureux de Mayotte, en y ayant passé presque dix ans de sa vie, à apprendre et comprendre la vie quotidienne des Mahoraises et des Mahorais, sans jugement de valeur sur la culture dans laquelle il baigne. Jusqu'à en faire mentir Boris Vian, qui écrivait froidement dans L'arrache-cœur : "On ne reste pas parce qu'on aime certaines personnes ; on s'en va parce qu'on en déteste d'autres". Bonne lecture à toutes et à tous.
Axel Nodinot
TOUTE L’ACTUALITÉ DE MAYOTTE AU QUOTIDIEN
Lu par près de 20.000 personnes chaque semaine (enquête Ipsos juillet 2009), ce quotidien vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre également un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.
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FI n°3839 Lundi 7 mars 2016 St Félicie
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FI n°3822 Jeudi 11 février 2016 Ste Héloïse
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FI n°3818 Vendredi 5 février 2016 Ste Agathe
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Port de Longoni
ConSeil départeMental
Quel accueil se prépare pour la présiDente Du Fn ?
Le Lagon au patrimoine mondiaL de L'unesCo ?
la dsP sur la sEllEttE
pas de changement sUr l’octroi de mer
© Jonny CHADULI
Grève à Panima
TéléThon 2016
Des propositions mais toujours pas D'issue
DemanDez le programme
première parution : juillet 1999 - siret 02406197000018 - édition somapresse - n° Cppap : 0921 y 93207 - dir. publication : Laurent Canavate - red. chef : Gauthier dupraz - http://flash-infos.somapresse.com
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FI n°3997 mercredi 30 novembre 2016 St André
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Diffusé du lundi au vendredi, Flash Infos a été créé en 1999 et s’est depuis hissé au rang de 1er quotidien de l’île.
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Économie
SÉcuritÉ
Les appeLs à projets de L'europe
Couvre-feu pour Les mineurs
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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Musique
Faits divers
Edmond BéBé nous a quitté
ViolEncE En cascadE
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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MCG VS SMart
ViCe-reCtorat
UltimatUm oU véritable main tendUe ?
l’institUtion répond aUx critiqUes
Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com
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TCHAKS LE CHIFFRE
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Ce jeudi 31 mars 2022, l'île de Mayotte fêtait les 11 ans de sa départementalisation. Depuis 2011, de nombreuses choses ont été mises en place ou accélérées sur le territoire mahorais, même si une importante frange de la population tance encore l'État français d'un désengagement, notamment sur les questions d'immigration, de sécurité, de santé ou d'éducation. Il est vrai que Mayotte est le territoire français le moins développé, avec la Guyane. Mais cette dernière place au classement s'explique forcément par la jeunesse du 101ème département, qui connaît tous les jours des améliorations qui seront bénéfiques à son développement, avec ou sans loi Mayotte. Prochaine étape : l'alignement des prestations sociales mahoraises sur le droit français.
LA PHRASE
L'ACTION
Ce constat, amer mais bien réel, sur la commune de Mamoudzou, émane… De son maire. Lors de la pose de la première pierre du renouveau du quartier de Cavani Stade, Ambdilwahedou Soumaïla est effectivement revenu sur le besoin de nouvelles constructions au sein du chef-lieu mahorais. "C'est donc une très bonne chose que la SIM [Société immobilière de Mayotte, NDLR] se soit lancée dans la construction de ces logements qui vont permettre de loger dignement un grand nombre de familles mahoraises", a-t-il déclaré à Flash Infos, aux côtés d'autres sommités locales, telles que le sénateur Thani Mohamed Soilihi. Concrètement, 12 bâtiments comprenant quelque 500 logements, des bureaux et des commerces seront construits d'ici trois ans, pour un budget de 120 millions d'euros.
mahorais. Le cinéma de Chirongui a proposé, ce jeudi 31 mars, une diffusion d'opéra filmé. Il ne s'agissait pas de n'importe quelle œuvre, puisque c'est la fameuse Carmen de Georges Bizet que les spectateurs ont pu apprécier dans la salle sombre du pôle culturel Moussa Tchangalana. Filmée il n'y a que quelques années au sein du prestigieux opéra Bastille, l'œuvre nous fait apprécier les voix de Roberto Alagna (don José), Elina Garanca (Carmen) ou d'Ildar Abdrazakov (Escamillo), le tout dirigé par le chef d'orchestre britannique Mark Elder. En partenariat avec le rectorat de Mayotte, cette séance a permis à des élèves de découvrir l'opéra lors d'une diffusion mardi dernier. Mais aussi de diversifier et d'ouvrir l'offre culturelle de l'île au lagon, qui manque cruellement sur un territoire si jeune.
La Carmen "Il y a bien trop de logements insalubres de Chirongui dans la commune" C'est une première sur le territoire
IL FAIT L'ACTU Philippe Martinez contre les discriminations de Mayotte
LA SEMAINE DE PHIL
Connu pour ses prises de parole offensives tant que pour la moustache qui les abrite, Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT (Confédération générale du travail) foulait le sol mahorais en début de semaine. Le représentant de l'un des principaux syndicats français a déploré que le 101ème département ne jouisse toujours pas des mêmes lois que le reste de la France, trois ans et demi après sa dernière visite à Mayotte. Le représentant syndical a en outre affirmé, devant la presse et le préfet, Thierry Suquet, qu'il n'y avait "pas besoin d'une loi Mayotte pour réaffirmer le code du travail sur le territoire". Philippe Martinez a également rencontré des délégués syndicaux et travailleurs dans les domaines de l'éducation, de la santé, de la prison, du CD et du port.
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LU DANS LA PRESSE
Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale
MANUEL SCHAPIRA : « MAYOTTE, C’EST LA FRANCE, MAIS CE N’EST PAS LA FRANCE » Le 23 mars 2022, propos recueillis par Pascal Charrier pour La Croix. Le film tiré du roman Tropique de la violence, qui raconte la vie d’une bande de jeunes livrés à eux-mêmes à Mayotte, sort en salles ce mercredi 23 mars. Manuel Schapira, son réalisateur, parle de la difficulté de tourner un long métrage dans le département le plus pauvre de France, miné par la violence. La Croix : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’adapter le roman Tropique de la violence de Nathacha Appanah et d’aller tourner à Mayotte ? Manuel Schapira : Au départ, c’était juste une envie de cinéma. Delphine de Vigan, avec qui j’ai écrit l’adaptation du roman, m’a fait lire le livre. Elle pensait que cela correspondait à des thèmes que j’avais déjà abordés, des histoires de bandes. J’étais aussi intéressé par le côté absurde de Mayotte, que je ne connaissais pas. Mayotte, c’est la France, mais ce n’est pas la France. Comment se fait-il qu’on ne s’y intéresse pas plus ? Sur place, cela a été un choc total. Il y a des signes de la France partout, des drapeaux, des gendarmes, une administration. En même temps, un dénuement et un abandon total. Il faut tout faire venir, les prix sont exorbitants et les politiques locaux ne nous ont pas du tout soutenus. On peut même dire qu’ils étaient opposés au projet. En plus, nous étions confrontés à l’insécurité et à la complexité de trouver des jeunes qui ne sont pas des acteurs. Mais, pour moi, il n’était pas question de tourner ailleurs. Cet endroit est malheureusement unique. Combien de temps a duré le tournage ? M. S. : Nous avons tourné quatre semaines à Mayotte et deux semaines à La Réunion, pour des scènes d’intérieur et de nuit. Mais la préparation a duré plusieurs mois, le temps de trouver les acteurs sur l’île, tous de bidonvilles différents. Pour la première fois, ils ont formé une bande de cinéma, ils se sont rendu compte qu’ils avaient les mêmes envies et les mêmes problèmes. Ils sont même devenus amis. Le plus important, c’est que cela s’est fait sur le long terme. On y est allés, on est partis, revenus. On voulait s’éloigner du style reportage, pour raconter une histoire en s’appuyant sur l’ambiance de cette île, toujours à la limite de l’explosion. Comment avez-vous trouvé ces jeunes ? M. S. : Avec l’aide de Papa Mwegne, un musicien et journaliste originaire des Comores. On s’est baladés un peu partout, avec des associations, mais aussi des jeunes abordés dans la rue. Au début, ils ont cru que j’étais policier. C’est comme cela que nous avons rencontré Fazal, 19 ans, qui joue un des rôles principaux : Bruce, le chef de bande. Il prenait beaucoup de chimique, cette
drogue assez puissante, il voulait apprendre à lire pour ce rôle. Le film reposait aussi sur ses épaules, c’était un pari. Mais lui et tous les jeunes de la bande ont été là tous les jours. Ils nous ont donné tellement d’enthousiasme et d’énergie ! C’était assez rare que des gens s’intéressent à eux avec un projet, sur le long terme, même si des associations le font. Ce qui leur a aussi plu, c’est qu’on raconte leur vie. Quand on est partis, à la fin du tournage, certains pleuraient. C’était super de pouvoir revenir, une fois le film terminé, et de leur montrer. Dans quelles conditions avez-vous projeté le film sur place ? M. S. : Dans un cinéma, des collèges, des lycées, des associations, en prison, mais aussi dans le grand bidonville de Kawéni, notamment pour tous ceux qui ne peuvent pas bouger, parce qu’ils n’ont pas de papiers. C’était la première fois de leur vie que ces jeunes se voyaient au cinéma, la première fois qu’ils voyaient des endroits, des gens, des situations qu’ils connaissaient… C’était important pour eux d’exister. Même s’il n’y a jamais eu de fiction tournée à Mayotte, ce sont des gamins qui jouaient déjà des rôles entre eux. Ils ont des surnoms, se racontent beaucoup d’histoires. Ils en ont besoin, pour s’échapper de cette île et de leur quotidien. Comment a été perçu le film par les jeunes qui n’y ont pas participé ? M. S. : Beaucoup de ceux qui ne vivent pas dans des bidonvilles étaient plutôt contre le film, parce qu’il donnait une mauvaise image de Mayotte selon eux. Après, ils étaient très émus. Pour la plupart, ils vivent enfermés chez eux, personne n’ose sortir le soir. Voir la réalité de leur île, c’est aussi une manière de pouvoir en parler entre eux et de se rendre compte que ces autres jeunes, qu’ils ne connaissent pas, sont les premières victimes de la violence. C’est ce que raconte le film. Moi, j’ai l’impression qu’une grande partie de la violence sur l’île est liée au déni et au refus d’une partie de la population d’affronter cette situation. C’est paradoxal. Une partie des Mahorais se plaignent que l’on ne tienne pas compte des difficultés de leur île. En même temps, ils ne veulent pas qu’on en parle. Ce film raconte Mayotte. Évidemment, il y a plein de choses qu’il ne raconte pas, mais c’est bien une histoire de Mayotte.
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DOSSIER
GRAND ENTRETIEN
PAS DE FUMÉE SANS NEIS
Si son grade est celui d'un colonel hors classe, il est le général des soldats du feu mahorais. Olivier Neis fêtera son premier anniversaire à la tête du SDIS de Mayotte, le service départemental d'incendie et de secours, le 6 avril prochain. L'occasion d'une rencontre aux airs de bilan, avec celui qui a déjà passé huit années de sa vie sur l'île au lagon. Mais aussi de revenir sur les difficultés éprouvées par les sapeurspompiers de Mayotte, toujours présentes malgré les avancées enclenchées par un directeur polyvalent mais entier.
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DOSSIER
Propos recueillis par Axel Nodinot
PARCOURS
PLONGÉE DANS LE LOCH NEIS "ARRÊTE DE STRESSER !", LANCE OLIVIER NEIS À PATRICK HAON, OFFICIER DU SDIS, QUI SURVEILLE DE PRÈS L'ACTIVITÉ CYCLONIQUE AUX ABORDS DE L'ÎLE AU LAGON. PENCHÉ SUR SES ÉCRANS, LE DIRECTEUR DES SAPEURS-POMPIERS DE MAYOTTE RECOUPE LES SOURCES, POUR FINALEMENT EN CONCLURE QUE LE DÉPARTEMENT N'ESSUIERA QUE DE FAIBLES VENTS ET PLUIES. IL FAUT DIRE QUE L'ALSACIEN D'ORIGINE EN A VU D'AUTRES. Mayotte Hebdo : Qui est Olivier Neis ? Quel est son terroir d'origine ? Olivier Neis : Je suis né et j'ai grandi en Alsace. J'ai fait mes premières armes de sapeur-pompier volontaire en Alsace, dans un petit centre. Mon père était déjà sapeur-pompier. J'ai commencé le 1er juillet 1978, à l'âge de 13 ans, puisqu'il y avait à l'époque des "cadets sapeurs-pompiers". Je suis allé jusqu'à un DESS-DEA en défense et sécurité, et un Master 2 en droit de la communication à Sciences Po. J'ai aussi fait un DUT hygiène et sécurité. Et à côté, j'ai fait mon service militaire à la brigade, à Paris, avant le concours d'officier. Donc j'ai 13 ou 14 ans de sapeur-pompier volontaire avant de devenir professionnel. Puis, j'ai intégré le département du Var, comme officier, où j'ai fait 20 ans. Cinq ans à la direction, dix ans au centre de secours principal de Hyères, avec les îles d'Hyères que sont Porquerolles, Port-Cros, Bagaud et le Levant, mais aussi sur le centre de secours de Sanary-sur-Mer, pendant six ans. C'est là que j'ai appris ma carrière d'officier, avec le commandement sur le terrain, 950 heures de vol en hélicoptère bombardier d'eau. J'ai toujours été intéressé par le terrain, tout ce
qui est technique, véhicules... Je suis aussi spécialiste en sauvetage déblaiement, et en sécurité maritime. Et puis, en 2008, le directeur en place ici cherchait un adjoint, nous sommes tombés d'accord et je suis donc venu. M. H. : C'est l'envie de devenir sapeurpompier, comme votre père, qui a défini votre parcours et vos études ? O. N. : Pas du tout. Au départ, je voulais être ingénieur des eaux et forêts. Pour faire le bac professionnel correspondant, il fallait que je quitte l'Alsace, et, à l'époque, on ne quittait pas la famille comme ça. Le chemin faisant, j'ai fait un DUT hygiène et sécurité, et la passion des sapeurs-pompiers ne m'a plus quitté. Je n'en ai jamais fait mon métier, c'est resté une passion. Petit à petit, ça s'est construit, j'ai réussi le concours, et je suis resté des années au grade de lieutenant parce que j'avais du plaisir à faire ce que j'aimais : sauver des gens, faire des feux de forêt, des feux industriels... J'étais dans mon élément. M. H. : Les aînés considéraient les sapeurspompiers comme de véritables héros, les fameux "soldats du feu". Avez-vous
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l'impression que cette conception de sauveurs a changé aujourd'hui ? O. N. : C'est un phénomène de société. Je dis toujours qu'il y a 95% de la société qui trouvent que les pompiers sont des héros. Il y a 5% qui ne s'y trouvent pas, c'est sans doute ceux qui n'ont pas eu besoin de pompiers !
Non, c'est l'image d'Épinal : le camion rouge, la grande échelle... Oui, on fait un métier difficile, mais qu'est-ce qu'un héros ? Le sapeur-pompier est toujours le métier qui a la plus grande cote de popularité auprès de la population, que ce soit en France ou ailleurs. Voilà pourquoi : quand vous êtes dans une situation difficile, face à un accident, vous pensez à qui ? Les pompiers
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DOSSIER
sont le premier réflexe, parce qu'ils vont toujours vous répondre. Nous sommes le dernier maillon de la déstructuration d'une société. En Ukraine, il n'y a plus personne dans les immeubles, mais les pompiers continuent d'éteindre le feu. Pourquoi ? Pour préserver quelque chose, parce que c'est leur job, même s'il pleut des bombes. Et c'st aussi le premier maillon. Sur un accident de la circulation, les sapeurs-pompiers vont arriver en premier, extraire la victime de sa position indélicate, l'amener sur un brancard, et passer de cette zone dite sale à la zone propre, le milieu hospitalier. Ce sont ces deux extrêmes qui font que l'on se sent bien. Ce ne sont pas des anges-gardiens, mais ils sont là s'il se passe quelque chose. Nous sommes des citoyens investis, et notre devoir est de tout tenter pour le retour à une vie normale.
" JE N'EN AI JAMAIS FAIT MON MÉTIER, C'EST RESTÉ UNE PASSION " leur dire : "C'est bon, votre fille, on l'a ramené". Quand vous voyez les yeux d'une mère... Voilà, c'est très lourd. Mais il y a cette forme de reconnaissance.
M. H. : Vous avez des expériences professionnelles qui vous ont marqué ?
M. H. : Quand on est sapeur-pompier, est-il nécessaire d'avoir une humanité particulière ?
O. N. : Il y a une intervention que j'ai faite, il y a fort longtemps. Une gamine tombe de son scooter, parce qu'elle s'est fait renverser un dimanche après-midi. On fait le massage, on la ramène. Même s'il y avait des dégâts, on va voir les parents avec le médecin pour
O. N. : Bien sûr. Mais tout le monde a de l'humanité, nous, c'est le métier. On dit qu'on a l'ADN du pompier, du gendarme, du machin, ou qu'on ne l'a pas. Je ne sais pas... J'essaierai de me poser la question à la retraite !
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M. H. : Vous parliez de toutes les spécialités que vous maîtrisez. Est-ce important, pour vous, d'avoir cette polyvalence à haut niveau ? O. N. : Un sapeur-pompier est un pluritechnicien. J'ai toujours considéré que, plus on monte en grade, plus il faut savoir une connaissance à minima de l'ensemble des spécialités. Ma chance, à l'époque, c'est que nous avions cette liberté de pouvoir faire plusieurs spécialités, toutes en fait. Aujourd'hui, on demande à un pompier d'en connaître deux. En fonction des aléas et des enjeux, on a cette vision un peu plus claire, on arrive à se dessiner cette réponse. On n'est pas obligé de l'avoir mais je considère que c'est un plus. Aujourd'hui, chaque spécialité a son conseiller technique départemental, qui répond à toutes nos questions sur le temps de l'action, l'engagement matériel... M. H. : Est-ce que le fait de compter sur des conseillers techniques ne déresponsabilise pas les cadres des SDIS ? O. N. : On ne va pas parler de crédibilité. Un directeur est quelqu'un qui a suffisamment d'outils dans sa besace pour savoir lequel utiliser. Il faut savoir qu'il n'y a pas une intervention qui est la même. Vous n'avez jamais les mêmes contextes, espaces, enjeux... Par exemple, une explosion à Kyiv et une explosion au gaz à Sanary, ce n'est pas du tout la même chose. À Kyiv, c'est partout, dans une guerre urgente, alors qu'en métropole, une
explosion est délimitée dans l'espace, et on travaille pour régler le problème vite et en sécurité. n
1 AN APRÈS, ELLE RECONNAÎT SA VOIX Une autre intervention que j'ai faite, c'était le 1er janvier 1993, sur une petite route de campagne de La Crau, encore dans le Var. Une voiture se fait rentrer dedans par une autre, et il y a une dame à l'intérieur, complètement incarcérée, la mâchoire inférieure explosée. Le temps de la désincarcération, je reste avec elle, pour lui parler. Longtemps après, très longtemps, puisque nous sommes à Sanary en 2003, je me balade en civil, on fait les boutiques avec ma femme. Dans l'une d'entre elles, nous parlons. Et la dame du magasin s'arrête, et me dit : "Vous pouvez parler ? - Si vous voulez, je vous parle de quoi, de la pluie, du beau temps ? - Non, c'est vous. - C'est moi quoi ? - C'est vous, le soir du Nouvel An à La Crau." Oui, c'était moi, et la gérante du magasin avait effectivement les cicatrices de ce jourlà. C'est fort, en termes d'émotion, mais on n'attend rien.
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DOSSIER
Propos recueillis par Axel Nodinot
2008 - 2016
L'ARCHITECTE DES CASERNES MAHORAISES
AVANT SON RETOUR EN TANT QUE DIRECTEUR DU SERVICE DÉPARTEMENTAL D'INCENDIE ET DE SECOURS DE MAYOTTE, IL Y A UN AN, OLIVIER NEIS Y ÉTAIT DÉJÀ DIRECTEUR ADJOINT, DE 2008 À 2016. UNE TRANCHE DE VIE PASSÉE À CONSTRUIRE LES BASES DES CASERNES ACTUELLES, ET À APPRENDRE À CONNAÎTRE LA SOCIÉTÉ MAHORAISE EN PROFONDEUR, JUSQU'À Y ÊTRE ATTACHÉ. Mayotte Hebdo : Vous avez déjà passé de nombreuses années à Mayotte. En 2008, lorsque vous arrivez sur l'île, ce n'est qu'une opportunité que vous saisissez ? Olivier Neis : Non, c'est un choix. Peut-être qu'après 20 ans dans le département du Var, j'avais envie de challenge. En 2008, j'ai 44 ans, une carrière, une maison une piscine. Ce n'est pas moi. Vous verrez, c'est à ce moment qu'on se remet totalement en cause, qu'on a envie de tout balancer, de tout recommencer. Ici, il y avait des histoires avec un directeur qui n'avait apparemment pas pris la mesure de la société mahoraise. Il s'avère que je vais rester de 2008 à 2015 en tant que directeur adjoint. Quand j'arrive, aucun sapeurpompier n'est professionnel. Ils avaient des statuts de contractuels, d'agents du Conseil général... Tout commence avec la préfecture, qui décide de créer une espèce d'unité de sécurité civile à Mayotte, en 1985. Le Conseil général va oeuvrer, avec deux casernes : Petite Terre et Kawéni. Le 1er janvier 2008, j'arrive pour un essai de trois mois, pour voir si j'allais tenir.
Apparemment, l'essai a été concluant ! Jusqu'à 2010, on va transformer le statut de tous ces agents. On leur fait repasser des examens, et vont devenir des sapeurspompiers équivalents à tous ceux de France. En 2010, on ouvre les casernes de Kahani, Longoni, Acoua et Chirongui. À partir de la départementalisation, on va ouvrir un service. M. H. : Ce n'est pas banal, pour un métropolitain, de rester plus de 7 ans à Mayotte. C'est le fait de participer à la construction de quelque chose qui vous pousse à rester ? O. N. : C'est le phénomène du hasard. Je suis censé rester à Mayotte jusqu'en 2012. Sauf qu'en 2012, Mayotte est un jeune département, et la départementalisation ne se passe pas comme ça, il faut l'écrire. Et écrire la départementalisation ne se fait pas en un jour. En tant qu'adjoint, je suis dans la préfiguration du passage de SIS en SDIS, prévu pour 2014-2015. Je me lance dans un truc, je ne vois pas le temps passer. On va
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écrire, alors que l'on vient juste d'ouvrir des casernes, que rien n'est palpable, la construction de quelque chose. Avec un jeune qui vient m'aider, on va planter les piquets sur les terrains et dessiner les contours du SDIS de Mayotte. Je partais de la caserne de Kawéni en voiture, et je chronométrais pour avoir une répartition judicieuse de l'ensemble des casernes. Quand nous passons en SDIS en juillet 2014, un nouveau directeur arrive, je finis ça et je m'en vais début 2016. M. H. : Même si cette mission ne vous laisse pas beaucoup de temps libre, personnellement, quel est votre rapport à Mayotte ? O. N. : Mayotte, je l'ai faite en long, en large et en travers, à pied, en voiture... J'ai eu quelques anicroches quand je suis arrivé, et des collègues m'ont dit d'apprendre à comprendre et à connaître Mayotte. La première problématique, c'est la solitude de l'insularité. En métropole, quand vous en avez ras-le-bol, vous prenez les skis, vous allez à la neige, le maillot de bain, vous allez à la mer, voir le copain dans le département d'à côté... À Mayotte, c'est une route qui tourne, comme dans votre tête, ça peut tourner tout le temps. M. H. : Alors, comment avez-vous fait pour contrer cela ? O. N. : J'ai écouté tout ce qu'on pouvait me dire et je suis allé voir. Comment les Mahorais vivent chez eux. Ce qu'est la vie en banga, en maison mahoraise en dur, la gestion de l'électricité, de l'eau courante, la religion, la communauté, la famille, le village, la hiérarchie matriarcale... Les bwenis, elles s'occupent de la maison, de la famille, des enfants, silencieuses. Saudf quand elles ont décidé de reprendre la main, et là il n'y a personne qui se met en face d'elles. Il faut l'apprendre, le comprendre, comme leur vie. On peut être choqué de voir qu'un homme a plusieurs femmes et plein d'enfants, moi je ne le suis pas. Et puis il faut apprendre l'économie.
"MAYOTTE, C'EST UNE ROUTE QUI TOURNE, COMME DANS VOTRE TÊTE, ÇA PEUT TOURNER TOUT LE TEMPS" Le chiffre papier de l'INSEE, c'est bien, mais la réalité, ce sont les interventions. On en fait beaucoup chez les gens qui n'ont pas été repérés dans la statistique. Mon métier, c'est de garantir le même droit aux secours à tous les gens de l'île, qu'ils soient blancs, noirs, riches, pauvres, catholiques, musulmans... J'ai découvert ce petit monde très sympathique. M. H. : Pourquoi vous partez, en 2016 ? O. N. : Ce n'est pas que j'en avais assez, mais j'étais arrivé au bout de ce que je m'étais fixé. J'aurais pu rester ad vitam aeternam, mais je n'amenais plus rien. Il fallait que quelqu'un d'autre amène son peps, son envie, son énergie. M. H. : Et donc, vous partez en Dordogne pour cinq ans. Qu'est-ce que ça fait de revenir en métropole ? O. N. : Oui, j'arrive en Dordogne en tant que directeur adjoint. Le troisième plus grand département de France, des gens extraordinaires, j'ai vécu des choses incroyables avec des équipes géniales, mais comme partout ! Il suffit, dans le monde des sapeurs-pompiers, de retrouver la connexion. Les textes et règlements sont les mêmes, seuls le lien humain et l'envie restent à retrouver. Et Mayotte m'a rattrapé. n
UN POMPIER GLOBE-TROTTERX "Tous les ans, Hyères accueille la semaine de la voile. En 1994, la mairie devait se doter d'une embarcation capable de faire du remorquage pour les Jeux Olympiques. Moi, j'étais responsable des services techniques, et je montais un dossier sur la VIR, la vedette d'intervention rapide, qui permettait d'embarquer un VSAV et un fourgon sur l'eau, avec deux fois 350 chevaux diesel, c'était une fusée... Bref, j'ai trouvé un chantier à Arcachon, et, à l'époque de la conception, la France fournissait du matériel au Vietnam. Des Vietnamiens sont venus voir ce bateau et en ont acquis. Et le seul qui était capable de parler du bateau et du système d'incendie, c'était moi. Je suis donc devenu technical engineer pour eux, j'y ai passé quelques mois. J'ai travaillé en Corse, aux Etats-Unis, en Allemagne, j'ai fait Mulhouse - Athènes en stop, j'ai fait Mulhouse - Cap Nord [en Norvège, NDLR] à mobylette, aller-retour, un truc de dingue !"
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DOSSIER
Propos recueillis par Axel Nodinot
BILAN
LE SDIS SOUS LA COUPE D'UN COLONEL VOILÀ UN AN, LE COLONEL HORS-CLASSE OLIVIER NEIS ÉTAIT REÇU EN GRANDE POMPE PAR LE PRÉFET JEAN-FRANÇOIS COLOMBET ET LES REPRÉSENTANTS DES AUTORITÉS LOCALES À L'OCCASION DE SON INVESTITURE. PROCHE DU TERRAIN, LE DIRECTEUR DU SERVICE DÉPARTEMENTAL D'INCENDIE ET DE SECOURS A IMMÉDIATEMENT PRIS LA TEMPÉRATURE DES TROUPES, ET LA MESURE DES NOMBREUX ENJEUX PRIMORDIAUX POUR LE SERVICE. Mayotte Hebdo : L'année dernière, vous revenez à Mayotte en tant que directeur du SDIS, avec une cérémonie d'investiture grandiose, place de la République. Comment s'est passé le retour ? Olivier Neis : J'arrive ici début mars 2021. J'ai un avantage sur tout le monde : je sais comment il faut faire, donc je leur ai tous parlé. Le premier jour, je débarque de l'avion, je me change, j'arrive en tenue, et je dis : "Allez, on va saluer l'équipage du VSAV qui faisait les évacuations sanitaires pendant le Covid". J'ai été à la caserne de Petite Terre, sur le chantier, à l'hôpital, tout ça en trois heures. On barge, je m'arrête à Kawéni pour saluer, je viens au SDIS, et tout l'état-major se réunit dans la salle du Conseil d'administration, et je leur dis : "Parlez-moi, j'écoute". Et là, j'ai eu tout ce qui n'allait pas. M. H. : C'est le SDIS qui vous rappelle personnellement ?
O. N. : Il y a un proverbe qui dit qu'on ne retourne jamais sur les terres sur lesquelles on a déjà chassé. C'est toujours compliqué car, si d'autres sont passés entre deux passages, la critique est facile. Mais il ne faut jamais critiquer ce qui a été fait avant, parce qu'on ne sait pas dans quel contexte cette personne a pris ces décisions. J'avais surtout entendu le sentiment qu'il n'y avait plus d'unité des sapeurs-pompiers de Mayotte : chacun était dans son coin, Covid oblige, seulement un peu de visio pour les cadres, mais ça s'arrêtait là. Je leur ai promis qu'avant la fin 2021, sauf Covid ce qui a été le cas, tous les retards de galons et de médailles seront rattrapés, sur trois cérémonies. En fait, je me suis laissé porter par leurs initiatives. On voyait bien qu'ils avaient besoin d'être reconnus, de se retrouver... Depuis, on vit dans cette espèce d'osmose qui permet, à travers des réunions, de se dire les choses avec franchise, honnêteté, et de construire.
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DOSSIER
"BEAUCOUP ONT PEUR, MAIS IL Y A LA MISSION, IL FAUT Y ALLER" M. H. : Durant le discours de votre investiture, il y a un an, vous avez dit une chose intéressante : que les sapeurspompiers contribuent à la protection de l'environnement. C'est encore plus important à Mayotte, qui témoigne d'une biodiversité précieuse. Comment cet aspect se traduit-il dans vos missions ? O. N. : C'est simple, ça se traduit déjà au quotidien, par l'hygiène, personnelle et commune. On équipe toutes nos casernes de micro-stations d'épuration, on traite, on nettoie à la vapeur, on interdit les plastiques, parce qu'à Mayotte tout va au même endroit, dans la mangrove. On renforce aussi notre matériel, avec des camions équipés de canons pour taper loin sans être obligé de casser la broussaille, on travaille avec l'ONF sur l'aménagement des pistes... L'environnement est primordial. Même sur un feu de forêt, qui est un combat contre
quelque chose de terrible. Quand tu es chef de secteur, et que tu as 700 bonhommes sur le terrain, c'est une bataille pour ces 700 vies. Après, quand tu rentres chez toi, la nature reprend ses droits, la végétation se régénère, pour celle qui peut se régénérer. Puis, tu repasses 15 ans après, la végétation a repoussé, avec une autre configuration, et tu te dis que oui, ça vaut le coup de se battre. Il faut qu'on dise aux gens d'arrêter de couper les arbres, et de mettre des bananiers à la place. S'il n'y a plus de végétaux, la flotte ne sera plus freinée que par le caillou. On travaille aussi sur la pollution maritime au port de Longoni, mais si on parle de tous les projets on ne s'arrêtera jamais. M. H. : Parmi ces projets, il en est un qui vient de se concrétiser, l'ouverture du centre avancé de Passi Kéli. Pouvez-vous en parler ? O. N. : Passi Kéli est écrit dans les projets de 2008. Le président du Conseil départemental, M. Douchina, avait fait construire une partie de la caserne. Quand je suis parti en 2016, ça
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devait se faire, et quand je suis revenu en 2021, on me dit que les collectivités vont reprendre les bâtiments. Quand Ben Issa Ousseni est arrivé au CD, je lui ai fait part du travail effectué en 2008, on a récupéré le bâtiment, fait les travaux, et, depuis le 5 mars, il est opérationnel. Nous l'inaugurerons lors de la journée nationale des sapeurs-pompiers [le 25 juin 2022, NDLR]. M. H. : Entre votre départ et votre retour, la délinquance a explosé à Mayotte. Il y a quelques mois, les camions de pompiers étaient fréquemment victimes de caillassages, à Kahani, sur le pont de Dzoumogné... Trouvez-vous que la situation ait changé? O. N. : Oui, ça a beaucoup changé. Mais chat échaudé craint l'eau froide, nous continuons de travailler sur nos véhicules, qui ont toutes leurs vitres équipées d'un film de protection. Non pas pour résister, mais pour éviter qu'elles ne volent en éclats et qu'il y ait des blessés. D'autres mesures de sécurité seront bientôt mises en place. L'incivilité n'est pas propre à Mayotte. La société est en mal de beaucoup de choses, a la critique facile grâce aux réseaux sociaux. Il y a 100 ans, c'était la guerre des boutons, ils se déclaraient la guerre entre gamins et entre villages. Dans d'autres pays, il y a aussi souvent des conflits entre villages, entre ethnies...
M. H. : Les sapeurs-pompiers étaient affectés psychologiquement. Comment avez-vous tenu, pendant cette période compliquée ? O. N. : Pour tout sapeur-pompier ayant été pris à parti, verbalement ou physiquement, on dépose systématiquement une plainte. Beaucoup ont peur, mais, je ne sais pas si c'est la force de caractère des sapeurs-pompiers, mais il y a la mission. Et la mission, il faut y aller. Vous ne savez pas qui est au bout. Un jour, ce sera l'un des vôtres. Il faut être prêt. On adapte : la nuit, s'ils n'ont pas besoin de mettre le gyrophare et le deux-tons, ils ne le mettent pas. Sur un barrage, ils font demi-tour si c'est trop dangereux. On attend que les forces de l'ordre ouvrent et on y va. C'est pareil pour le SMUR. n
ENCORE 2 CASERNES À POSITIONNER
Aujourd'hui, l'île de Mayotte compte 6 casernes, à Acoua, Longoni, Kawéni, Petite Terre, Kahani et Chirongui, en plus du centre avancé de Passi Kéli. Pour Olivier Neis, il manque deux casernes, qui prendront place à Handréma et Dembéni.
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DOSSIER
Propos recueillis par Axel Nodinot
ENTRETIEN
" LE BILAN EST POSITIF, MAIS MITIGÉ " C'EST SANS FARD QU'AHMED ALLAOUI, PRINCIPAL REPRÉSENTANT SYNDICAL DES SAPEURS-POMPIERS DE MAYOTTE, NOUS RÉPOND ET NOUS REÇOIT DANS LES LOCAUX DE LA CASERNE DE KAWÉNI, FRAÎCHEMENT GARNIE DE PORTAILS AUTOMATIQUES ET DE BARBELÉS. "AVANT, LES GENS POUVAIENT TRAVERSER LE CENTRE !", S'EXCLAME LE SAPEUR-POMPIER. SI CE DERNIER ACCORDE À LA PREMIÈRE ANNÉE D'OLIVIER NEIS QUELQUES FRANCHES RÉUSSITES, IL N'OUBLIE PAS POUR AUTANT QUE LES INFRASTRUCTURES, LA SÉCURITÉ ET LE BIEN-ÊTRE DES AGENTS DU SDIS SONT ENCORE AU RANG DE PROJETS.
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Mayotte Hebdo : Il y a quelques mois, les véhicules des sapeurs-pompiers étaient victimes de caillassages, comme à Kahani ou au niveau du pont de Dzoumogné. Quel était l'état d'esprit de vos collègues, qui savaient qu'un risque existait à chaque intervention ? Ahmed Allaoui : Nous sortons de chez nous pour aller au boulot, et pour apporter de l'aide à la population. Vous comprenez donc que, quand on se fait caillasser et agresser, on est découragés. Les collègues ont peur, réellement. Au point que les agents de la caserne de Longoni ont peur d'aller dans les zones de Koungou ou Dzoumogné. Le personnel n'est pas serein à l'idée d'intervenir, et c'est un danger pour la population. Parce qu'au lieu d'intervenir en 5 minutes, si l'on doit attendre les forces de l'ordre, on interviendra en 30 minutes, voire une heure, puisqu'eux aussi se font caillasser… L'autre problème, c'est que Mayotte est tout petit, on habite aussi dans ces villages. Il y a un risque que l'on nous reconnaisse, et qu'on soit victimes d'agressions. Nous avons remarqué qu'il y a un sentiment de défiance envers tout ce qui tient de l'autorité publique.
" ILS N'ONT PLUS DE VIE DE FAMILLE " standards métropolitains. La sécurisation des centres a été effectuée à Kawéni et à Pamandzi. Les lits de la caserne, qui n'étaient pas conformes, ont tous été changés. Des choses se sont faites depuis un an, mais on parle quand même d'un bilan mitigé. M. H. : Pourquoi ce bilan est-il "mitigé" ?
M. H. : On a quand même le sentiment que les caillassages se sont calmés ces derniers temps, sur les sapeurs-pompiers du moins. Vous le confirmez ? A. A. : Effectivement, ça s'est calmé. Mais la pression est toujours là. Aujourd'hui, lorsqu'on intervient dans ces zones, c'est juste un dégagement d'urgence : on prend la victime et on part plus loin faire notre travail. C'est dangereux, car il y a des gens qu'on ne peut pas déplacer comme ça, sans avis médical. Mais la situation est telle que nous sommes obligés de bouger.
"IL Y A DE LA SOUFFRANCE" M. H. : Cela fait un an que le Colonel Olivier Neis a pris les rênes du SDIS de Mayotte. Quel bilan faitesvous de cette première année ? A. A. : Avant tout, c'est quelqu'un que nous avons bien connu. Personnellement, quand je suis rentré chez les pompiers, il était directeur adjoint. On a une affinité de travail. On peut dire qu'aujourd'hui, le bilan est positif, mais mitigé. La planification des centres a été effectuée : le centre de Petite Terre, dont les travaux ne démarraient jamais, est actuellement en phase finale. L'école départementale de Kahani a également été planifiée. Les plans de la caserne de Kahani vont sortir. Ici, à Kawéni, notre programme de rénovation se situe aux alentours d'un million et demi d'euros, destiné à refaire le centre pour qu'il corresponde à des
A. A. : La direction du SDIS [au centre Kinga, NDLR] est dans un standard métropolitain. Quand on regarde la différence avec les centres de secours, elle est énorme. À Kahani, en saison des pluies, c'est inondé. Ici, on a eu des inondations aussi. Chirongui, c'est pas encore ça. On ne se plaint pas parce que nous savons que les travaux vont arriver, mais quand ? Les casernes de Longoni et d'Acoua ne sont pas fermées, pas sécurisées. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de dialogue social, il existe. Mais il faut écouter ce qui vient du terrain. On peut vous donner tout ce que vous voulez, mais si vous vous sentez mal au travail, ça ne servira strictement à rien. J'ai des collègues ici qui sont obligés de réveiller leurs enfants à 3 heures du matin tous les jours, pour les amener chez la nounou et pointer à Kawéni. Certains collègues qui travaillent ici et vivent dans le sud demandent leur mutation depuis plus de 10 ans ! Il y a de la souffrance, ils ne voient pas leurs enfants, ils n'ont plus de vie de famille. Nous allons ouvrir le centre avancé de Passi Kéli, et nous avons demandé que des agents du sud y soient affectés, mais on ne nous a pas écoutés, ni consultés. C'est comme l'organigramme du SDIS : il n'est jamais sorti, alors que nous le réclamons. Nous voyons des gens recrutés, mais jamais l'organigramme. C'est une revendication claire qui ne connait pas d'avancées. Pareil pour les formations : des gens en bénéficient mais les agents ne sont jamais au courant en amont, les offres de formation ne sont pas publiées dans les centres. Le directeur est à l'écoute, mais tout n'est pas parfait.
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DOSSIER
"L'OBJECTIF EST QUE MAYOTTE RATTRAPE LES AUTRES" M. H. : En face du SDIS, à l'Agence régionale de santé de Mayotte, on réclame des Mahorais aux postes de direction. Partagez-vous cette revendication ? A. A. : Vous savez, on ne peut pas construire un territoire sans ses résidents. Les métropolitains amènent des compétences, mais, s'ils ne connaissent pas les coutumes, la langue, ils n'y arriveront pas. Il est donc important de responsabiliser les
sapeurs-pompiers de Mayotte, de leur faire acquérir des compétences. Certains prennent Mayotte pour un tremplin. Il faut de l'accompagnement, de la formation pour que, lorsque les métropolitains partent, les Mahorais puissent s'en sortir seuls. L'objectif est que Mayotte rattrape les autres. Certains ne transfèrent pas leurs compétences : un responsable du SDIS, parti il y a quelques années, n'avait rien laissé derrière lui ! Celui qui arrive est alors obligé de repartir à zéro. Il y a un autre problème : les responsables mahorais n'osent parfois pas prendre de décisions, et renvoient vers le directeur. C'est pour cela que je dis qu'il faut les
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Le SDIS ne trouve pas d'entrepreneur pour finaliser la rénovation de la cuisine de la caserne de Kawéni, en piteux état.
accompagner à assumer les responsabilités qui sont les leurs. M. H. : En ce sens, accueillir un directeur qui avait déjà passé 7 ans sur le territoire n'était-il pas un avantage ? A. A. : Oui, on a un chef qui connaît notre mode de fonctionnement et le niveau de compétence de chacun, et qui va essayer d'apporter des solutions. Sauf que nous connaître est peut-être aussi un frein, qui le pousse à ne pas faire certaines choses qu'il faudrait faire. Quoi qu'il en soit, le protocole a été bâclé. Nous avions un excellent protocole, l'un des meilleurs de France, signé par les organisations syndicales et la direction, mais tout n'a pas été mis en place. Il manque un suivi des chantiers
réalisés. Nous n'avons pas d'ingénieur en bâtiment, que nous demandons depuis 2018, pour suivre notre budget pluriannuel [60 millions d'euros sur deux mandats de trois ans, NDLR]. Ils voulaient un ingénieur avec 15 ans d'expérience. Mais je suis désolé, un profil de ce type ne vient pas à Mayotte, il reste chez lui ! En conclusion, de très bonnes choses ont été faites, mais le travail reste énorme. n
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DOSSIER
Propos recueillis par Axel Nodinot
SAPEURS-POMPIERS
LES RÉPONSES DE NEIS AUX SYNDICATS
SI LES REPRÉSENTANTS SYNDICAUX DES SAPEURS-POMPIERS DE MAYOTTE LOUENT VOLONTIERS SES QUALITÉS D'ÉCOUTE, SA CONNAISSANCE DU TERRAIN ET LES NOMBREUSES ACTIONS BÉNÉFIQUES AU BIEN-ÊTRE DES SOLDATS DU FEU MENÉES CETTE ANNÉE, QUELQUES ASTÉRISQUES VIENNENT QUESTIONNER LE BILAN D'OLIVIER NEIS À LA TÊTE DU SDIS. LE PRINCIPAL INTÉRESSÉ Y RÉPOND SANS LANGUE DE BOIS.
Mayotte Hebdo : Globalement, les représentants syndicaux tirent un bilan positif de votre année passée à la tête du SDIS. Mais parlons de leurs revendications, et notamment de leur volonté d'avoir un organigramme. Olivier Neis : Construire un organigramme à Mayotte, c'est complexe. Il me manque des officiers, et notamment 18 lieutenants. Je ne les ai pas. Je ne vais pas construire un organigramme avec des trous. On est en train de les préparer, une vingtaine passe le concours. Depuis le 1er janvier 2022, il y a un groupement de formation. Je peux dire qu'il faut un directeur, un chef de service, trois services... Mais je n'ai personne à y mettre. Je me donne deux ans pour le construire, et surtout pour construire le reste, et l'organigramme s'écrira de lui-même. M. H. : La grande demande de vos représentants syndicaux concerne les mutations. Qu'en est-il ?
O. N. : C'est le vieux briscard de 2008 qui vous parle, parce qu'on m'a joué ce couplet des dizaines de fois. Le plus souvent, les demandes de changements d'affectations concernent des histoires personnelles, affectives, qui ne regardent pas le service. Après, je comprends. Cela fait plusieurs années qu'il n'y a pas eu de mutations. Et il y a énormément de monde qui habite au centre ou au sud, qui doivent venir à Kawéni ou au nord. C'est pour cela que je voulais toutes les demandes de mutations pour le 15 mars. Sur 239 sapeurs-pompiers professionnels, j'en ai eu 4. Mais demain matin ils y sont ! À condition qu'il y ait des gens qui veulent passer du sud à Kawéni. Et il faut qu'il y ait de tout dans une caserne : des jeunes, des moins jeunes, et des gens proches de la retraite. Ils ont du mal à le comprendre, mais c'est ma philosophie et ça le restera. On a besoin de jeunes partout, une caserne qui a une moyenne d'âge trop élevée est un danger.
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M. H. : Il existe aussi un sentiment, commun à vos voisins de l'ARS, qu'il y a un manque de Mahorais aux postes de responsabilités. Qu'en dites-vous ? O. N. : C'est l'une de mes ambitions. Je peux chercher la compétence en métropole, je l'aurai pour un ou deux ans. Et après ? Ce que je veux, ce sont des cadres. Deux capitaines préparent actuellement le concours de commandant, ce sont deux capitaines mahorais. La vingtaine qui se présente au concours de lieutenant de première classe, ce ne sont que des Mahorais. Il faut faire monter la compétence locale. L'objectif est d'avoir un jour un directeur mahorais, même s'il ne pourra être là que pour cinq ans. Mais je ne suis pas persuadé qu'un directeur mahorais, pour l'avoir vu dans d'autres outremer, sera perçu de la bonne façon, parce qu'il y a toujours le doute lié au village, à la famille, à sa neutralité dans les décisions. Et puis l'expérience extérieure, le sang neuf, est nécessaire. M. H. : Les Mahorais sont d'accord avec cela. Le problème, c'est que certains cadres métropolitains viennent sans transmettre leur expérience et leurs compétences aux locaux.
"IL FAUT FAIRE MONTER LA COMPÉTENCE LOCALE" O. N. : La transmission des compétences ne se fait pas comme ça. On ne devient pas chef de groupement sans avoir été chercher des compétences à l'extérieur. Le problème de Mayotte, c'est que c'est trop petit, il n'y a pas assez d'interventions risque industriel, d'interventions risque chimique. Il faut aller en métropole, et encore, pas n'importe où, dans les grosses structures. Moi, qui suis issu de l'est de la France, je suis passé à Paris dans une très grosse structure, pour aller dans le Var faire de tout et progresser. Quand j'arrive avec ces bagages à Mayotte, j'ai une perception, je veux sécuriser le port de Longoni, je veux sécuriser l'industriel suite à l'incendie d'Enzo. On a fait en sorte d'amener ces réponses, que je tire de mon expérience. Quand je dis qu'il faut acheter un FMOGP, on me demande ce que c'est. C'est un fourgon mousse grande puissance, qui n'existe que sur les sites industriels majeurs. Or, je considère qu'avec le port et la zone industrielle de Kawéni, on a suffisamment de sites à préserver. Et puis on est sur une île, on ne peut pas demander de l'aide au département d'à côté. n
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Propos recueillis par Axel Nodinot
SOCIÉTÉ
"J'AI TOUJOURS PRIS DU PLAISIR"
AVEC BIENTÔT DIX ANS DE SON EXISTENCE PASSÉS SUR LE SOL DU 101ÈME DÉPARTEMENT FRANÇAIS, LE COLONEL NEIS BÉNÉFICIE D'UNE VISION LARGE DE LA SOCIÉTÉ MAHORAISE. DEPUIS SON BÂTIMENT DE KAWÉNI, LE DIRECTEUR DU SDIS PROPOSE DES RÉPONSES AUX PROBLÈMES DE MAYOTTE, EN N'EXCLUANT PAS D'Y REVENIR APRÈS SA RETRAITE.
"POURQUOI ON NE FERAIT PAS DE LA FORMATION AGRICOLE ET INDUSTRIELLE DANS LES PAYS VOISINS ?" Mayotte Hebdo : Mayotte vient de fêter les 11 ans de sa départementalisation. Selon vous, que manque-t-il à l'île pour se développer ?
Olivier Neis : Il manque de l'action. Il y a tous les ingrédients, la recette est écrite. Mais on ne fait pas. Je prends un exemple. Une administration a fait tout ce qu'il faut : les concours, le choix de l'architecte, le programme, le site, le permis de construire. À la notification aux entreprises, au moment d'attaquer les travaux, plus rien. C'est toujours comme ça. Il faut faciliter le montage des dossiers administratifs, parce qu'on perd du temps, et donc de l'argent ! Mayotte a besoin de foncer, il n'y a plus le temps. En tout cas, pour les pompiers, si un cyclone passe aujourd'hui, Kahani n'existe plus, ni Chirongui, et Longoni et Kawéni sont au niveau de la mer. M. H. : Pour vous, comment résoudre les incivilités qui gâchent la vie des Mahorais ? O. N. : Grâce au partage des richesses. Mayotte, c'est l'eldorado, la perle de l'Océan Indien, il y a de l'eau, de l'électricité, de l'argent, des salaires... Tout cela à mi-chemin entre l'Afrique et Madagascar, troisième pays le plus pauvre du monde. Quel est le salaire
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moyen à Madagascar ? Et aux Comores ? Il y a tout ici, mais c'est un petit caillou qui fait une trentaine de kilomètres de long sur une quinzaine de large. Et l'économie souterraine y est exacerbée. Les habitants des communes ont aussi pris le chemin de la résolution des problèmes, eux-mêmes.
les Comores, la Tanzanie, le Mozambique ? C'est ma vision des choses. Au niveau des secours, on fait de la coopération régionale. Mais non, rien n'est perdu, mais la tâche est ardue.
M. H. : Justement, vous qui êtes un homme de terrain, les problèmes sociétaux peuvent-ils être résolus par la politique, ou la réponse viendra-t-elle de la base ?
O. N. : D'avoir servi Mayotte. Je ne suis pas venu chercher quelque chose, je suis venu pour donner un coup de main.
O. N. : Ce n'est pas la politique, mais les élus, qui doivent construire avec le monde associatif, l'Etat et les services. Et ce n'est pas qu'à Mayotte, c'est partout, sauf que nous sommes sur une île. Mettez-vous à la place d'un gamin de 15 ans qui est né ici, et dont les parents ont été renvoyés. Il est seul, on ne s'occupe pas de lui, il ne va pas à l'école. Que peut-on lui apporter ? S'il se fait piquer, on va lui dire que ce n'est pas bien au tribunal, mais où est-ce qu'on lui a appris la notion du bien et du mal ? Pour moi, la formation et l'acquisition de connaissances sont primordiales. L'éducation aussi, dans le cercle familial. J'ai du mal à me dire qu'un gamin de 15 ans placé sur un banc, qui va avoir la Justice en face de lui, sachant que sa seule vision est le prochain repas, le prochain lieu où dormir... Est-ce que c'est juste ? Il ne faut pas leur faire croire à un monde qu'ils ne connaitront peutêtre jamais. C'est comme quand on apprend aux petits Mahorais nos ancêtres les Gaulois : tu ne t'y retrouves pas, tu n'adhères pas, tu ne comprends même pas.
M. H. : Votre moment le plus difficile ?
M. H. : C'est un peu défaitiste...
O. N. : À la retraite ! Mais je prévois de travailler dans le coopératif, toujours, peut-être de faire des missions de formation. De filer un coup de main aux associations, les Restos du Coeur, d'être au service de l'autre. Et peutêtre de venir régulièrement à Mayotte, filer un coup de main. Quoi qu'il arrive, je prendrai et j'ai toujours pris du plaisir. n
O. N. : Non, pas du tout, il faut leur apprendre un métier. Et au-delà de cet apprentissage manuel, de chercher là où ils sont bien. Pourquoi ils viennent tous ici ? Pourquoi on ne ferait pas de la formation agricole, de la formation industrielle dans les pays tels que Madagascar,
M. H. : Quelle est votre plus grande fierté, à Mayotte ?
O. N. : La solitude du commandement. Quand vous avez sorti tous les moyens, que vous êtes à la limite de ce que l'on appelle la "rupture capacitaire", et qu'il faut prendre une décision, vous êtes seul. M. H. : Comment voyez-vous le SDIS de Mayotte dans dix ans ? O. N. : Si les projets se réalisent, je vois un SDIS construit, avec un encadrement de qualité, beaucoup de Mahorais à des postes stratégiques, une vitesse de croisière. Un SDIS encore jeune, mais dans la force de l'âge. Dans dix ans, on sera peut-être à 300 professionnels, parce qu'il faudra du monde dans les deux casernes à venir. M. H. : Et comment voyez-vous Olivier Neis, dans dix ans ?
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Axel Nodinot
L'ÉCONOM À L'AUBE DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DES 10 ET 24 AVRIL PROCHAINS, FLASH INFOS ET MAYOTTE HEBDO VOUS DE CERTAINS DE LEURS SOUTIENS MAHORAIS. DURANT CE MOIS SERONT AINSI ABORDÉS Marine Le Pen (Rassemblement national)
L’étendue des problèmes à résoudre à Mayotte nécessite d’agir et de créer rapidement les conditions favorables à un développement économique pérenne. Aussi, élue Présidente de la République, Marine Le Pen fera voter, dès le début de l’année 2023, une grande loi-programme de l’Outre-mer qui nous donnera une visibilité à court, moyen et long terme. À Mayotte, cette loi-programme aura pour ambition de construire une économie permettant de créer des emplois (avec d’une part une retraite décente à 60 ans et d’autre part les réalisations suivantes : la piste longue, l’usine de traitement de déchets et le second centre hospitalier en grande-terre) et d’augmenter le pouvoir d’achat en supprimant l’octroi de mer sur les produits en provenance de la France et de l’Union européenne. Bien évidemment, la perte de recettes pour les collectivités locales qu’entrainera cette réforme sera compensée à l’euro près par une augmentation de leur dotation globale de fonctionnement. Par ailleurs, pour favoriser l’investissement et renforcer l’attractivité économique, Marine Le Pen créera des zones franches sur le 101ème département et rétablira les dispositifs de défiscalisation (en référence aux lois Pons et Girardin). Les chefs d’entreprise de moins de 30 ans ne payeront ni l’impôt sur les sociétés ni l’impôt sur les revenus. Enfin, le développement de l’économie bleue ne sera pas en reste puisqu’élue Présidente, Marine rétablira l’investissement et l’innovation dans l’aquaculture. La restructuration du secteur du tourisme sera indispensable pour attirer davantage les voyageurs étrangers. Et la modernisation du port de Longoni permettra de faire de Mayotte, la base arrière du projet gazier du canal de Mozambique. Daniel Zaïdani, président du comité de soutien à Mayotte de la candidate Marine Le Pen.
* Malgré nos sollicitations, les soutiens mahorais de Valérie Pécresse (Les Républicains) et d'Emmanuel Macron (La République en Marche) ne nous ont pas répondu.
MIE (4/5) PROPOSENT CHAQUE SEMAINE UN TOUR D'HORIZON DES PROGRAMMES DES CANDIDATS À L'ÉLYSÉE, EN COMPAGNIE LA REPRÉSENTATION NATIONALE, L'ÉDUCATION, L'ÉCONOMIE, LA SÉCURITÉ ET LA SANTÉ. Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise/Union populaire) Le programme économique de Mélenchon est marqué par une politique économique de relance forte au service du bien-être et du pouvoir d’achat. - Un constat : une pauvreté qui touche plus de 3 Mahorais sur 4, un sous-investissement chronique de l’Etat : désert médical, files d’attente devant les services publics, bouchons chroniques, des élèves sans affectation… - Des mesures fortes au service des Mahorais et Mahoraises : Voter Mélenchon, c’est la garantie du SMIC à 1 400 € net, de la retraite à 60 ans, de l’allocation d’autonomie de 1 063 € par mois pour les jeunes étudiants. Voter Mélenchon, c’est améliorer votre pouvoir d’achat en bloquant les prix de biens de première nécessité (comme l’essence) et en diminuant les impôts de ceux qui gagnent moins de 4000 € par mois. C’est aussi la hausse du point d’indice dans la fonction publique et la titularisation des contractuels. - Un programme précis et financé au service de votre bien-être De nombreux observateurs reconnaissent le sérieux de son programme, comme le Président du MEDEF qui prend Mélenchon « au sérieux » et reconnaît qu’il est « prêt à gouverner ». Certains se demandent pourtant encore « c’est bien, mais où va-t-il trouver l’argent ? » Tout d’abord pas un euro de vos impôts ne sera donné aux cabinets de conseil contrairement à Macron qui a dépensé en un an plus d’un milliard d’euros. Le cercle vertueux de la relance fait que chaque euro d’investissement public rapportera 1.30 € : ainsi les grands chantiers rempliront le carnet de commandes des entreprises qui embaucheront, distribueront des salaires qui augmenteront la consommation et génèreront des rentrées fiscales… Le rétablissement de l’ISF et la lutte contre la fraude fiscale complètent ces mesures. Comité de soutien mahorais de Jean-Luc Mélenchon
LE POUVOIR D'ACHAT, PRÉOCCUPATION REINE
Il reste trois semaines avant d’aller de se rendre aux urnes pour le premier tour des élections présidentielles. Et si certains candidats bénéficient de comités de soutien sur Mayotte pour faire campagne, d’autres n’ont pas cette chance. Malgré cela, elles et ils proposent nombre de mesures pour améliorer le pouvoir d'achat des Français. Les salaires, pièce centrale du pouvoir d'achat, augmenteraient si Yannick Jadot (Europe écologie Les Verts), Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), Valérie Pécresse (Les républicains), Fabien Roussel (Parti communiste), Philippe Poutou (Nouveau parti anticapitaliste) et Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) étaient au pouvoir. Cette dernière propose un SMIC à 2000 euros net, plus que MM. Poutou (1800€), Roussel (1500€), Jadot (1500€), Mélenchon (1400€) et Lassalle
(1400€). Anne Hidalgo (Parti socialiste) propose quant à elle une revalorisation de 15% du SMIC. Sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, trois camps se distinguent : ceux qui veulent l'imposer (MM. Poutou, Mélenchon, Roussel et Jadot), celles qui veulent sanctionner les entreprises (Mmes Pécresse et Hidalgo), et ceux qui ne veulent que favoriser les entreprises proposant une rémunération égale (MM. Dupont-Aignan et Zemmour). Les minima sociaux sont aussi au coeur de la campagne présidentielle. Si Eric Zemmour (Reconquête !) veut les interdire aux étrangers, Jean Lassalle (Résistons !) et Yannick Jadot veulent instaurer un revenu citoyen. Fabien Roussel ambitionne d'ouvrir le RSA (Revenu de solidarité active) aux jeunes de moins de 25 ans, tandis qu'Emmanuel Macron (La République en marche), Valérie
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Pécresse et Nicolas Dupont-Aignan conditionneraient le versement du RSA à des heures de travail hebdomadaires. Quant à Nathalie Arthaud, elle assurerait à tous les Français un revenu minimum de 2000 euros net mensuels. Y compris pour les retraites, que Philippe Poutou revaloriserait à 1800€, Jean-Luc Mélenchon (France insoumise) à 1400€, Fabien Roussel à 1200€, Emmanuel Macron à 1100€, Marine Le Pen (Rassemblement national) et Yannick Jadot à 1000€. Anne Hidalgo ne veut que "revaloriser" les retraites, ce qu'Eric Zemmour ne ferait que pour les veuves et veufs. Autre volet du pouvoir d'achat, l'imposition comporte de nombreuses mesures mises sur la table par les candidats. Philippe Poutou, Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon sont partisans d'un impôt sur le revenu plus progressif, avec plus de tranches qu'actuellement. Yannick Jadot
souhaite individualiser l'impôt, quand Nicolas DupontAignan préfère ne pas alourdir son barême. Pour les grandes fortunes, le rétablissement de l'ISF supprimé par Emmanuel Macron serait mis en place par Jean Lassalle, Fabien Roussel, Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou. Yannick Jadot et Anne Hidalgo le rétabliraient sous conditions, tandis que Nicolas Dupont-Aignan créerait un Impôt sur les très grandes fortunes. D'autres, comme Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Eric Zemmour, allègeraient encore l'IFI, impôt sur la fortune immobilière qui remplace l'ISF. Nathalie Arthaud est encore la plus extrême à ce sujet, prônant une expropriation des grandes fortunes françaises et de leurs sociétés.
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L.G
MAYBIOTECH TRANSFORME LES ESPÈCES INVASIVES INDÉSIRABLES EN ATOUT ESSENTIEL POUR L’ÉLEVAGE La startup mahoraise de biotechnologie « MayBiotech » lance un projet pour la valorisation économique des espèces végétales envahissantes de Mayotte. Une innovation qui pourrait bien révolutionner le rapport à ces plantes indésirables reléguées au rang de déchet. Forêts, rivières, mangroves… Les espèces exotiques envahissantes se multiplient sur les terres mahoraises. Une menace qui pèse sur l’écosystème exceptionnel de l’île. “Mayotte possède une flore riche et diversifiée, avec des plantes endémiques, dont certaines sont utilisées en médecine traditionnelle”, affirme docteur Mohamed Issouf, le créateur de la start-up MayBiotech. Lauréat de l’appel à projet Innovation Mayotte, financé par le conseil départemental et l’agence de développement et d’innovation de Mayotte (ADIM), la société répond à des enjeux d’actualité et “se positionne au cœur de l’agriculture et de l’alimentation durables”.
Développer des aliments pour les élevages “La valorisation de ces plantes envahissantes pourrait permettre d’allier préservation de la biodiversité, production d’une alimentation saine, réduction des intrants chimiques dans les exploitations agricoles et de structurer une filière économique créatrice d’emplois”, détaille le docteur en science de la vie et de la santé. En partenariat avec l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), le Parc naturel marin de Mayotte et SantéSocioVéto, le projet a pour mission d’étudier le potentiel
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antiparasitaire des plantes envahissantes. Le but ? Développer des nouveaux aliments pour animaux à destination des élevages locaux.
Valoriser les espèces invasives arrachées Après avoir travaillé en tant que chercheur à l’INRA durant plusieurs années, Mohamed Issouf décide, à son retour à Mayotte, d’apporter sa pierre à l’édifice et de porter un projet structurant pour son territoire. “On voit un regain d’intérêt pour les plantes depuis quelques années”, explique-t-il. “Dès lors que les espèces invasives sont arrachées, ce sont des déchets. Notre objectif est de les valoriser.”
En février 2022, l’entreprise a signé un contrat de prestation et de partenariat avec l’INRAE qui permettra de réaliser au cours de l’année, les premières étapes du volet de recherche. Un projet ambitieux qui s’organise entre le 101ème département et la France métropolitaine. Porté au niveau local par la biologiste Sittirati Mohamed et le docteur Mohamed Issouf, MayBiotech travaille sur les propriétés des plantes envahissantes, mais aussi des espèces médicinales. “Notre but est de créer notre laboratoire. Nous achetons actuellement du matériel pour pouvoir mener des expérimentations”, confie le spécialiste en maladies infectieuses. Grâce à ses travaux, Maybiotech pourrait bientôt breveter les premiers compléments alimentaires Made in Mayotte à destination des élevages. n
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LITTÉRATURE
LISEZ MAYOTTE Abdou Salam Baco, Contes inédits de Mayotte, Archives départementales de Mayotte, 2010.
Abdou Salam Baco publie une série de sept recueils de contes mahorais, classés et réunis selon les thèmes suivants : fables, légendes, djinns 1 et djinns 2, méchanceté, sagesse, et shimaoré.
LE CONTE, UN ART ORAL AGRÉGÉ DE LETTRES MODERNES ET DOCTEUR EN LITTÉRATURES FRANCOPHONES, CHRISTOPHE COSKER EST L’AUTEUR DE NOMBREUX OUVRAGES DE RÉFÉRENCE SUR LA LITTÉRATURE DE L’ÎLE AUX PARFUMS, NOTAMMENT UNE PETITE HISTOIRE DES LETTRES FRANCOPHONES À MAYOTTE (2015) DONT IL REPREND, APPROFONDIT ET ACTUALISE, DANS CETTE CHRONIQUE LITTÉRAIRE, LA MATIÈRE. En 2010, Abdou Salam Baco, l’autre père des lettres francophones de Mayotte avec Nassur Attoumani, publie à son tour – et c’est l’une des nombreuses convergences qui les unissent -, ou plutôt dirige, une série de sept ouvrages en collaboration avec les Archives départementales de Mayotte. Ce sont donc sept recueils de Contes inédits de Mayotte qui voient le jour et l’adjectif « inédit » - dont nous avons déjà dit un mot précédemment - est ici relativement usé (certains parleraient de corde !). Voici une partie de l’avant-propos d’Ahamed Attoumani Douchina, alors président du Conseil général de Mayotte : « Depuis plusieurs années, les Archives départementales de Mayotte s’attachent à collecter la mémoire de Mayotte à travers des campagnes d’entretiens enregistrés, qui sont ensuite mis à la disposition du public. Ces témoignages offrent des points de vue uniques sur l’histoire, le patrimoine et la culture de notre île. Dans la continuité de ce projet, une attention particulière a été apportée aux contes et légendes de Mayotte : ces récits, pleins de vie et de sagesse populaire, ont été transmis de génération en génération par la voie de l’oral. Éléments essentiels du patrimoine immatériel, ces contes traditionnels, bien que toujours présents dans la mémoire collective, risquent aujourd’hui d’être perdus et oubliés. En allant les collecter dans les villages, en les enregistrant, en les traduisant, les Archives départementales visent ainsi à préserver ce patrimoine en empêchant sa disparition pure et simple. » (p. 5)
Cet avant-texte, dont nous laissons au lecteur le soin de lire la suite, figure en tête de chacun des sept volumes. Il n’est, mais dans le premier tome seulement, pas le seul avant-lire. On découvre également une introduction d’Abdou Salam qui revient sur les fonctions, la classification et les techniques du conte. Fort de son expertise d’historien et de sa pratique d’écrivain, Abdou Salam Baco dirige et contribue à la mise en forme du patrimoine de Mayotte. L’auteur se fait ici traducteur et secrétaire. Mais la frontière est parfois mince avec celle d’écrivain, car qui raconte ou écrit un conte pourtant mille fois entendu, le réinvente dans une certaine mesure. La série des Contes inédits de Mayotte a donc été pensée en sept volumes dont les six premiers sont thématiques et le dernier linguistique. Voyons comment la matière des contes est abordée sous l’égide d’Abdou Salam Baco. Les deux premiers tomes s’intitulent respectivement « Fables » et « Légendes ». Ainsi la réflexion s’ouvret-elle sur la question du nom de la forme des récits transmis à l’oral. Les deux tomes suivants s’intéressent au personnage surnaturel majeur des contes, le djinn et en offre donc une galerie au lecteur souhaitant éprouver du plaisir à se faire peur. Le cinquième tome approfondit le thème négatif de la « Méchanceté » et le suivant le contrebalance, étant consacré à la « Sagesse ». Enfin, le septième et dernier
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volume, intitulé « Shimaoré », du nom de la langue principale de l’île, reprend un conte de chacun des volumes précédent et l’offre au lecteur en langue originale. Plutôt que de choisir, ce qui n’irait pas sans difficulté, l’un des textes d’un des sept volumes, nous préférons laisser de côté les énoncés pour en revenir à l’énonciation. En effet, le conte n’est pas fait pour finir dans un livre et être lu comme une œuvre littéraire – ce qu’il est pourtant indéniablement -, il est au contraire fait pour être entendu. Il donne lieu à une cérémonie dans un contexte particulier rappelé par Abdou Salam Baco : « Tout d’abord, cette littérature orale répond aux besoins esthétiques et émotionnels du peuple, auquel elle apporte des divertissements, une détente dans une atmosphère de fête. Le soir, après le repas, contes et devinettes marquent la fin de la journée de labeur, et les conteurs trouvent là l’occasion de se délivrer de leurs problèmes psychologiques et/ou existentiels, même s’il est vrai, hélas, que cela se
produit de moins en moins de nos jours de façon spontanée. » (p. 7) Le conte est donc une forme orale qui ne va pas seule, mais avec, par exemple, la devinette. Il est la récompense d’une journée de travail et le délassement qui lui succède. Il est enfin une pratique qui se perd, car le conteur a bien souvent été remplacé par le téléviseur, aujourd’hui sans doute le téléphone portable qui, plus encore, ajoute la solitude par l’illusion de la communication sans visage, là où le téléviseur avait, à tout le moins, l’avantage de rassembler, de mettre en présence et de faire communier dans un spectacle vécu ensemble. Abdou Salam Baco, passeur de contes, rappelle à celui qui ne fera l’expérience du conte que celle sur le papier qu’il manque les battements des mains, les mines et gesticulations du conteur, ainsi que les chants mystérieux qui font irruption et exercent une sorte de charme.
Christophe Cosker
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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayottehebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@somapresse.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Axel Nodinot
# 993
Couverture :
Sapeurs-pompiers
Journalistes Axel Nodinot Romain Guille Raïnat Aliloiffa Lise Gaeta Alexis Duclos Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Comptabilité Catherine Chiggiato comptabilite@somapresse.com Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com