Mayotte Hebdo n°996

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LE MOT DE LA RÉDACTION

SURPLOMB Ce dimanche, les Mahorais ainsi que l'ensemble des Français connaîtront leur prochain président de la République. Outre les soutiens des deux candidats, les indécis pouvaient encore les entendre se faire face, mercredi soir. Si Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont distillé durant cet exercice de nombreuses approximations, le premier s'est positionné en surplomb de la seconde, donnant l'impression d'être compétent contrairement à son interlocutrice, qui aurait pu le contrer de nombreuses fois si elle n'était pas restée coite. Au-delà de cette joute verbale digne mais de piètre qualité, il convient que celui ou celle qui sera élu.e prenne du recul. Au 1er tour, les finalistes ont recueilli 17 916 886 voix : 9 783 058 pour M. Macron, 8 133 828 pour Mme Le Pen. Leur ligne sera donc loin d'être majoritaire, et agir comme tel redonnerait toute crédibilité à un pouvoir présidentiel si concentré qu'il suscite un désintérêt des Français pour la politique, un ras-le-bol. Le peuple mahorais, considéré comme la plus petite réserve d'électeurs de France, le sait mieux que quinconque. Encore aujourd'hui, qui est à son chevet lorsqu'il subit les hausses ahurissantes des prix de l'essence, du gaz, des produits de première nécessité, qu'ils soient alimentaires ou hygiéniques ? Cette semaine, nous relayons cette colère en expliquant les raisons de cette inflation, sur le territoire le plus pauvre de la septième puissance mondiale.. Bonne lecture à toutes et à tous.

Axel Nodinot

TOUTE L’ACTUALITÉ DE MAYOTTE AU QUOTIDIEN

Lu par près de 20.000 personnes chaque semaine (enquête Ipsos juillet 2009), ce quotidien vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre également un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.

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FI n°3839 Lundi 7 mars 2016 St Félicie

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Port de Longoni

ConSeil départeMental

Quel accueil se prépare pour la présiDente Du Fn ?

Le Lagon au patrimoine mondiaL de L'unesCo ?

la dsP sur la sEllEttE

pas de changement sUr l’octroi de mer

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Grève à Panima

TéléThon 2016

Des propositions mais toujours pas D'issue

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Les appeLs à projets de L'europe

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Conditions d’entrée : Ces formations peuvent être accompagnées dans le cadre de la continuité territoriale sous réserve d’être inscrit au Pôle Emploi / d’avoir au moins 18 ans / d’avoir un foyer fiscal à Mayotte dont le quotient familial est inférieur à un montant actualisé chaque année / de ne pas avoir bénéficié d’une autre aide à la mobilité dans l’année / réussir le test de positionnement et l’entretien.

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TCHAKS LE CHIFFRE

57,15%

C'est, en pourcentage des voix exprimées, le score qu'avait enregistré Emmanuel Macron au second tour des élections présidentielles 2017 à Mayotte. Marine Le Pen, quant à elle, avait recueilli 42,85% des voix. Au premier tour, la candidate du Front national était pourtant devant celui de la République en marche (27,28% contre 19,13%). Cinq ans plus tard, si le duel oppose les deux mêmes personnes, la situation semble néanmoins bien différente. Les sondages et les scores du premier tour prévoient un écart entre M. Macron et Mme Le Pen bien moins important que celui de 2017. En outre, cette dernière devrait logiquement être première dans le 101ème département français, qui connaîtra à n'en pas douter une abstention élevée. Elle était de 54,27% lors du second tour, il y a cinq ans.

ELLE FAIT L'ACTU

LA PHRASE

L'ACTION

Lors d'un entretien à Flash Infos, le président du Conseil départemental de Mayotte, Ben Issa Ousseni, est revenu sur les projets de sa mandature, élue depuis l'année dernière. Après avoir qualifié lui-même la gratuité de la barge de "mesure phare et symbolique" de son mandat, le président du CD s'est attardé sur l'organisation des Jeux des Îles 2027, qui auront "besoin d'un engagement clair de l'Etat", du projet ferroviaire, nécessitant des "études de faisabilité et de viabilité", ou du boulevard urbain de Mamoudzou, "bien lancé". "Nous agirons au rythme de nos capacités, en allant chercher les financements nécessaires", résume Ben Issa Ousseni au sujet de ces projets qui, pour certains, sont déjà sur les rails depuis longtemps. Charge désormais à la locomotive du Conseil départemental d'avancer.

Voilà un projet qui permettrait de faire respirer un tant soit peu l'étouffante Kawéni. Mardi dernier, la société Cananga a prêté à titre gracieux un terrain à la ville de Mamoudzou, pour une durée de 20 ans. Un délai durant lequel la commune pourra faire de cette parcelle de 15 hectares, située sur les hauteurs de Kawéni, un parc agricole. L'objectif de cet aménagement, outre entrer dans une logique de "transformation" et de "rénovation urbaine" selon les termes d'Ambdilwahedou Soumaïla, maire de Mamoudzou, est aussi de "favoriser l'insertion" des jeunes du village. En filigrane, la société Cananga, qui possède des terrains jusqu'au nord de l'île, espère voir les équipes de la commune faire le ménage sur cette parcelle, actuellement occupée par des logements illégaux.

" Nous sommes jugés Un parc agricole à Kawéni sur les avancées "

LA SEMAINE DE PHIL

Bweni Mariame, 16 ans et championne de France de kickboxing Elle fait la fierté du sport mahorais. Cette semaine, Mariame Ahmed dite "Bweni" a remporté la médaille d'or aux championnats de France de kickboxing dans la catégorie des 16 ans. Une adolescente du lycée Younoussa Bamana qui est déjà une grande dame des sports de combat, puisqu'elle a débuté le karaté à l'âge de sept ans, raflant trois titres de championne de Mayotte. Cela ne fait que six mois que la jeune fille s'est mise au kickboxing, comme elle le déclarait à Flash Infos cette semaine. Et, si Bweni Mariame a déjà atteint le sommet de sa discipline cette semaine, elle garde la tête sur les épaules : "Plus tard, je souhaite devenir criminologue. Il est également important que je suive des études et que j'apprenne un métier en parallèle". Prochaine étape, l'année de terminale en métropole et les championnats d'Europe. Mais avant cela, son portrait, dans nos pages cette semaine !

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LU DANS LA PRESSE

Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale

LE “MYSTÈRE DE MAYOTTE”, L’ARCHIPEL “PAUVRE ET MUSULMAN” OÙ LE PEN ARRIVE EN TÊTE DES VOTES Le 18 avril 2022, par Susana Gaviña pour ABC, via Courrier international. La candidate du Rassemblement national séduit les électeurs de ce département d’outre-mer, situé dans l’océan Indien, de confession très majoritairement musulmane. Sa recette ? Un discours sécuritaire et anti-immigration, selon ce journal conservateur espagnol. Il souffle un vent de paradoxe à Mayotte. Lors du premier tour de la présidentielle française, la candidate d’extrême droite, Marine Le Pen, y a récolté 42,6 % des voix (contre 27,2 % au premier tour en 2017), soit plus que Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise, 23,9 %) et Emmanuel Macron (La République en Marche, 16,9 %). Ainsi, comment expliquer que cette femme politique, “fléau pour l’Islam depuis des années”, arrive en tête des votes dans un archipel “où 95 % de la population est musulmane” ? demande ABC. Pour le quotidien conservateur espagnol, “le discours féroce sur l’immigration et la sécurité” de la leader du Rassemblement national fait la différence auprès des Mahorais. Le président sortant, Emmanuel Macron, était pourtant arrivé en tête du second tour en 2017, avec 57,1 % des voix, mais “n’a pas été à la hauteur des attentes” durant son quinquennat aux yeux des quelque 290 000 habitants de Mayotte, assure ABC. En 2018, quelques mois après la prise de fonction d’Emmanuel Macron, l’île de Mayotte avait été

secouée par un mouvement de protestation alimenté par l’insécurité et l’immigration irrégulière venue des Comores. La contestation sociale avait repris en février dernier. 77 % de la population sous le seuil de pauvreté En décembre 2021, Marine Le Pen s’était rendue dans l’archipel et avait été accueillie par “des chants et des fleurs”. La cheffe du RN se disait favorable “à une position ‘très ferme’ sur l’immigration clandestine” et avait “qualifié l’insécurité à Mayotte de ‘terrifiante’”, se remémore la journaliste Susana Gaviña. Le succès de Le Pen dans cet archipel “pauvre et musulman” repose aussi sur “le fait que le profil de ses électeurs soit beaucoup plus proche – comparé à celui des électeurs de Macron – de celui de la population de l’archipel : classe ouvrière, peu éduquée, à faible revenu et rurale”, ajoute le journal madrilène. À Mayotte, 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon un rapport de l’Observatoire des inégalités, publié en juin 2021. C’est plus que nulle part ailleurs sur le territoire français.

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PORTRAIT Nora Godeau

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BWENI MARIAME CHAMPIONNE DE KICKBOXING ET ASPIRANTE CRIMINOLOGUE

Mariame Ahmed, dite Bweni Mariame, vient de remporter le championnat de France de kickboxing féminin dans la catégorie 16 ans le 17 avril dernier. Déjà karateka accomplie, la jeune fille a commencé le kickboxing seulement six mois auparavant et a accédé à un niveau national en un temps record grâce à un entraînement intensif. Cette élève en classe de première au lycée Younoussa Bamana n’en oublie pas moins ses études et souhaite devenir criminologue plus tard.

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PORTRAIT Dans la chambre de Bweni Mariame, les récompenses sportives s’accumulent !

La jeune Bweni Mariame nous accueille dans la maison de ses parents à Passamaïnty où elle a passé toute son enfance et adolescence. Dans sa chambre, plusieurs coupes et diplômes sportifs ornent son bureau. La médaille de championne de France de kickboxing est en effet loin d’être sa première récompense sportive puisqu’elle a déjà été trois fois championne de Mayotte en karaté, discipline qu’elle pratique depuis ses 7 ans, et une fois vice-championne de La Réunion. D’où lui vient donc cette passion pour les sports de combat ? “ Ma famille est très sportive. Ma mère fait du volley, mon père du foot et mes frères font également du karaté ”, dévoile-t-elle. Père de 6 enfants, Tane Ahmed les a incités très tôt à pratiquer un sport de combat pour savoir se défendre dans le contexte de violence qui gangrène malheureusement l’île au lagon depuis de nombreuses années. “ Mon père est président de l’association Bassi Ivo qui lutte contre la violence sur l’île. Notre famille est donc très engagée dans

ce combat et mon père jugeait important que l’on sache se défendre en cas d’agression ”, nous confie la jeune fille. Si la passion du karaté n’a pas pris chez ses sœurs, Bweni Mariame s’est en revanche rapidement passionnée pour ce sport de combat. “ Mes copines m’ont souvent moquée en disant que c’était “ un sport de garçon ”, mais ça ne m’a jamais touchée. Je trouve au contraire important que les filles soient davantage mises en lumière dans les sports de combat à Mayotte. Au Maoré Boxing club par exemple, nous ne sommes que 4 filles, ce qui n’est pas beaucoup. Les préjugés sont encore trop présents sur l’île et je trouve ça dommage ! ”, estime la jeune fille. Heureusement, ces considérations de genre n’ont pas cours au sein de sa famille et son père est très fière que sa fille s’illustre dans les sports de combat. C’est d’ailleurs lui qui lui a donné son pseudonyme de Bweni Mariame ("Madame Mariame") afin de l’honorer. “ Je porte

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le même prénom que ma grand-mère paternelle, ce pseudonyme est donc une façon d’honorer la famille, mais aussi mon identité mahoraise ”, explique la championne.

UNE PASSION POUR LA CRIMINOLOGIE Souhaitant découvrir une autre discipline de combat, Bweni Mariame est passée du karaté au kickboxing il y a 6 mois, et a franchi les étapes en un temps record. “ Comme je fais du karaté depuis mon enfance, j’avais envie de changement. En plus, le kickboxing jouit d’une plus grande reconnaissance dans le milieu sportif, ce que je trouve plus motivant ”, explique la sportive qui s’entraîne 6h par semaine à cette discipline. “ C’est sûr que le karaté m’a permis d’avoir de l’avance, mais ce sont quand même des sports différents et j’ai dû m’adapter à ce nouvel art ”, raconte-elle. Cette faculté d’adaptation, la jeune fille l’utilise également pour concilier ses activités sportives avec ses études qu’elle est très loin de négliger. Après l’entraînement, elle s’applique à travailler ses cours avec assiduité. Elève en classe de Première au lycée Younoussa Bamana, cette passionnée de sciences a choisi la spécialité “ sciences de la vie et de la terre, sciences économiques et sociales, physique ”. “ Même si je songe bien sûr à passer pro en kickboxing, je sais qu’il faut aussi que j’apprenne un autre métier en parallèle et je compte mener de front le sport et les études ”, nous confie la championne qui a les pieds sur terre. Elle envisage de suivre des études de criminologie. Une idée qui lui a également été inspirée par la situation de Mayotte et par l’engagement de sa famille contre la violence. “ C’est une spécialité que l’on trouve très peu ici et je pense que je pourrais ainsi contribuer à aider mon île ”, explique la jeune sportive dont les deux passions forment donc un ensemble très cohérent. Elle nous confie que, parmi ses camarades du même âge, beaucoup songent à devenir médecins, mais très peu s’intéressent à la criminologie, discipline qu’elle juge importante de développer sur son île. “ La criminologie permet de déterminer le profil des criminels et surtout quels ont été les éléments déclencheurs de leurs actes ”, nous explique-t-elle. “ J’ai d’abord songé à devenir gendarme, mais je trouvais que les études étaient trop courtes ”, estime cette sportive à la soif de connaissances intellectuelles. L’année prochaine, Bweni Mariame part faire sa Terminale en métropole, probablement à Nantes où sa sœur aînée réside déjà. Après le bac, elle espère donc pouvoir intégrer une école de criminologie dont les études durent 5 ans. “ En parallèle, je continuerai bien sûr les entraînements de kickboxing et je compte aller aussi loin que je le pourrai dans cette discipline ! Mais je fais les choses par étapes. Mon prochain objectif est le championnat d’Europe ! ”, affirme cette jeune fille aussi passionnée que rigoureuse. n

Après plusieurs récompenses en karaté, Bweni Mariame devient championne de France de kickboxing.

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DOSSIER

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Carburants, alimentation…

LES PRIX FLAMBENT Depuis quelques mois, et plus encore depuis la crise provoquée par la Russie en Ukraine, les prix augmentent considérablement. Nous nous concentrons cette semaine sur deux postes qui impactent au quotidien les foyers mahorais. Tout d'abord les carburants et le gaz, qui ne cessent de faire grimper les chiffres à la pompe pour les uns, et sont en pénuries temporaires pour l'autre. Les denrées alimentaires, ensuite, se trouvent être plus chères à Mayotte qu'en métropole, alors même qu'il existe un gouffre entre le niveau de vie des deux territoires. Comment alors expliquer cette flambée des prix ? Éléments de réponse dans notre dossier.

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DOSSIER

Axel Nodinot

CARBURANTS

L'USINE À GAZ DE L'INFLATION CRISE UKRAINIENNE, REPRISE D'ACTIVITÉ POST-COVID, RUÉE SUR LES BOUTEILLES DE GAZ… CHACUNE DE CES PROPOSITIONS EST VALABLE POUR EXPLIQUER LA HAUSSE EXCEPTIONNELLE DES PRIX DU GAZ ET DES CARBURANTS À MAYOTTE CES DERNIERS MOIS. LES FOYERS DU 101ème DÉPARTEMENT, QUI NE PEUVENT SE CONTENTER QUE D'UNE REMISE DE L'ETAT SUR L'ESSENCE, N'ONT DÉSORMAIS QU'À PRIER POUR QUE LE PRIX DES PRODUITS BRUTS BAISSE. D'aucuns soutiennent que les Mahorais sont résignés face à la relative pénurie de gaz et l'augmentation – bien moins relative – de la hausse des prix des carburants. Que nenni ! Sur les réseaux sociaux, les internautes semblent adeptes du dicton "mieux vaut en rire qu'en pleurer". Des dizaines de mèmes et d'espiègleries viennent fleurir le web mahorais au sujet de l'explosion des prix du gaz et de l'essence. Si le second degré est de rigueur en ligne, la population s'est néanmoins enflammée sur une potentielle hausse des prix. En se ruant sur les bouteilles de gaz disponibles sur l'île au lagon, les consommateurs ont provoqué une pénurie temporaire qui n'aurait jamais dû exister, à l'image des comportements observés dans les grandes surfaces lors des premiers confinements liés à la crise sanitaire. Le manque éphémère a donc été dû à un certain instinct grégaire, et non pas à une quelconque pénurie faisant suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie. À Mayotte, les bouteilles ne sont pas les mêmes que celles de métropole. Quand l'Hexagone doit compter en partie sur le gaz naturel de Russie, l'île au lagon tourne au butane importé des pays membres de l'OPEP, qu'il s'agisse de l'Inde ou de pays d'Amérique du Sud. Cependant, les hausses de prix, elles, sont bien réelles.

+ 25% POUR LE SANS PLOMB, + 31% POUR LE GAZOLE En tout juste 14 mois, de janvier 2021 à avril 2022 plus exactement, les carburants et le gaz ont atteint des hauteurs inouïes. Alors que les prix de vente maximum du sans plomb et du gazole étaient respectivement de 1,39€ et 1,15€ le litre au début de l'année dernière, ils sont désormais à 1,74€ et 1,51€, d'après les publications de la préfecture de Mayotte. Cette explosion représente une hausse de 25% pour le sans plomb et de 31% pour le gazole. "La structure de prix est la même tous les mois, on prend le prix du pétrolier sur les 15 premiers jours du mois précédent, explique Karine Poisson, directrice générale de TotalEnergies Mayotte. Ce qui veut dire qu'à partir du moment où le marché augmente, le prix de base du produit également. Tout est formalisé de façon claire, que ce soit les taxes qu'il peut y avoir au niveau de l'Etat et du fret, ainsi que des marges, qui sont validées par la préfecture et qui sont fixes d'un mois à l'autre." Seulement, si l'on observe les courbes, elles sont en hausse exponentielle depuis quelques semaines. Même sur le petit caillou de l'hémisphère sud qu'est Mayotte, la guerre menée par la Russie en Ukraine depuis le 24

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février a donc un effet, que l'on pourrait qualifier de papillon. "La crise en Ukraine pèse évidemment beaucoup sur le cours du pétrole mondial, continue Karine Poisson. Cela nous met dans une situation où la parité euro-dollar nous est aussi moins favorable, puisque le dollar augmente. Mais il y a aussi le post-Covid qui provoque une reprise d'activité, et donc beaucoup plus de demande, face à moins d'offre de l'autre côté." Quant à la bouteille de gaz de 12 kilos, elle est passée de 22,50€ en janvier 2021 à 29€ en avril 2022, ce qui correspond à une hausse de 29%. Des dépenses superflues pour les Mahoraises et les Mahorais qui, fautil le rappeler, vivent avec un PIB par habitant de 9380€

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en moyenne (Insee, 2015) contre 32967€ en France, et dont 77% se situent au-dessous du seuil de pauvreté.

RESSENTIMENT RÉUNIONNAIS La situation est donc dramatique pour les ménages de l'île aux parfums, qui doivent faire face à "l'odeur de l'essence" ces derniers mois. Autre motif de grogne sociale : les différences de tarifs existant entre Mayotte et le département voisin de La Réunion. De l'autre côté de Madagascar, "au 1er février 2022, le prix de la bouteille

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LA REMISE CARBURANT DE 15 CENTIMES, EFFICACE ? "Sur un territoire c o m m e M ay o t t e , honnêtement, je pense que les gens ont besoin d'aller faire le plein dans tous les cas. Il n'y a pas de transports en commun. Ça reste efficace, puisque c'est toujours ça de moins à dépenser pour le ménage, quel qu'il soit. Et comme [TotalEnergies] a ajouté une remise de 10 centimes, ces 25 centimes au litre chiffrent vite." Karine Poisson, directrice générale de TotalEnergies Mayotte.

de 12 kg était de 20,33 euros à La Réunion et de 25,43 euros à Mayotte, soit un surcoût à Mayotte de +25,43 %. Au 1er avril, le prix de la même quantité de gaz est de 22,96 euros à La Réunion et de 29,00 euros à Mayotte, soit un surcoût de +26,31 %", comme le rappelait Mansour Kamardine dans une publication du Journal officiel datée du 12 avril. Le député mahorais a notamment demandé au gouvernement "ce qui explique une augmentation plus importante des prix à Mayotte qu'à La Réunion. Il lui demande également ce qu'il entend mettre en œuvre pour réduire les différences de prix de plus de 26% au détriment des habitants de Mayotte. Il lui demande enfin s'il va décider d'une inspection des services de l'État sur les coûts d'importation des hydrocarbures par les opérateurs économiques ainsi que leurs marges sur ses produits." Quant aux différences de tarifs à la pompe entre l'île Bourbon et celle au lagon, Karine Poisson les résume en une "question de coût d'accès au produit". "Les lignes de fret maritime ne sont pas du tout les mêmes pour La Réunion

et Mayotte, déclare-t-elle. Nous avons un pétrolier par mois, qui vient pour remplir les stocks, mais ce coût d'approvisionnement est beaucoup plus élevé qu'à La Réunion. Sur le reste, c'est-à-dire les taxes et les marges, elles sont globalement les mêmes." Bien que les explications de TotalEnergies, en situation de monopole à Mayotte, paraissent logiques, il est compliqué pour un ménage qui voit son budget diminuer de les admettre. Fort heureusement, les Mahorais ne semblent pas encore décidés à fouler le pavé comme ce fut le cas en 2011, lors des manifestations contre la vie chère, ayant en partie dégénéré en émeutes. Mais, alors que la France est sur le point d'élire son prochain président de la République, il faudra que ce dernier se retrousse les manches au sujet des carburants, et plus généralement du pouvoir d'achat. Au risque de voir les ronds-points refleurir en jaune, et les rues s'embraser une nouvelle fois de la colère populaire. n

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L'HUMOUR DES MAHORAIS SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX

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Raïnat Aliloiffa

ALIMENTATION

DES PRODUITS TOUJOURS PLUS CHERS PRODUITS FRAIS, BOISSONS, CONSERVES, TOUT EST PLUS CHER À MAYOTTE. CES DERNIÈRES ANNÉES LE POUVOIR D’ACHAT DES MAHORAIS A NETTEMENT ÉTÉ ÉBRANLÉ À CAUSE DE LA FLAMBÉE DES PRIX. PLUSIEURS FACTEURS EXPLIQUENT CETTE AUGMENTATION, MAIS CES ARGUMENTS IMPORTENT PEU AUX CONSOMMATEURS QUI N’ONT QU’UNE SEULE PRÉOCCUPATION, CONSOMMER MOINS CHER.

C’EST LE CONSOMMATEUR QUI PAYE LE PRIX LE PLUS FORT Si l’on devait retenir un évènement en 2011 à Mayotte, ce serait la grève générale contre la vie chère. Durant plusieurs semaines, toute l’île a été mobilisée par les habitants, pour dénoncer le coût de la vie beaucoup plus élevé qu’en Métropole. Onze ans plus tard, tout est encore plus cher. “ Aujourd’hui nous sommes en 2022 et je ne trouve pas que les choses se sont améliorées, au contraire ! ”, souligne Balahachi Ousseni, membre du conseil d’administration

d’ASSECO, l’association études et consommation UI CFDT de Mayotte. Depuis 2011, les prix de nombreux produits ont en effet explosé, l’écart entre l’hexagone et le 101ème département ne cesse de se creuser, même si c’est tout le territoire national qui est impacté par l’inflation. Comment expliquer cette augmentation des prix dans les magasins ? À Mayotte une très grande majorité des produits est importée et cela entraine logiquement des prix plus chers qu’ailleurs. L’octroi de mer, l’imposition spécifique à Mayotte ainsi qu’aux autres départements français d’Outre-mer, est l’une des principales raisons. “ À Mayotte les taux de l'octroi de mer ne peuvent pas excéder un taux maximal de 90 % et, pour les produits alcooliques et les tabacs manufacturés, un taux maximal de 135 % ”, peut-on lire sur le site du Conseil départemental. Autre facteur de la flambée des prix, les tarifs portuaires pratiqués au port de Longoni, souvent décriés et jugés exorbitants. Selon

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Balahachi Ousseni, “ le Conseil départemental qui est responsable de la gestion du port, devrait exiger la fixation des tarifs de dédouanement, mais au lieu de cela, il laisse faire la gestionnaire du port. Il va forcément y avoir une répercussion sur tous les produits importés. ” Conséquence, les entreprises surenchérissent et “ à la fin c’est le consommateur qui paye le prix le plus fort et tout le monde n’a pas de revenus assez conséquents pour faire face à ces prix ”, continue-t-il. Les services de la préfecture qui doivent veiller sur la tarification des produits alimentaires n’ont pas pu s’exprimer à cause de la période de réserve avant l’élection présidentielle. Quant au conseil départemental, sollicité à plusieurs reprises, il n’a pas donné suite à notre demande d’interview.

LE BOUCLIER QUALITÉ-PRIX OUBLIÉ ? Suite aux différentes manifestations contre la vie chère dans les territoires d’Outre-mer en 2009 et en 2011, le gouvernement de l’époque a voulu faire un geste en adoptant la loi Lurel en décembre 2012. Cela a permis la création du bouclier qualité prix, également appelé BQP, qui s’applique sur l’ensemble de l’Outre-mer. Il

EN 2022 JE NE TROUVE PAS QUE LES CHOSES SE SONT AMÉLIORÉES, AU CONTRAIRE ! s’agit d’un dispositif destiné à lutter contre la vie chère en répertoriant une liste de produits alimentaires, d’hygiène et de santé disponibles dans les grandes et petites surfaces et dont “ le contenu et le prix total sont négociés chaque année par convention entre le pre?fet et les ope?rateurs e?conomiques locaux de la grande distribution ”, précise sur son site la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, la DEETS de Mayotte. Or si l’on en croit les dernières mises à jour, le BQP de l’île n’a pas été actualisé depuis

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2020. “ C’est quelque chose qui devrait être fait tous les ans à la même date. À la Réunion, le nouveau bouclier qualité prix est mis en place depuis le mois de mars et ils ont 150 produits ! ”, lance le représentant de l’association de consommateur ASSECO. À Mayotte, le dernier BQP recense 77 produits pour un prix global de 200€. Cependant, les prix de certains produits restent élevés et dépassent l’entendement à l’exemple de l’eau. Un pack d’eau plate de six bouteilles d’un litre et demi coûte entre 6 et 8€, contre un peu plus d’un euro en métropole, pour les moins chers. “ Dans quel endroit sur le territoire français on peut avoir une flambée des prix sur l’eau à part Mayotte ? ”, s’indigne Balahachi Ousseni.

PLUS DE VIGILANCE DURANT LE MOIS DE RAMADAN La flambée des prix annuelle est une chose, mais celle constatée à l’approche et pendant le mois du ramadan à Mayotte en est une autre. Les Mahorais sont aujourd’hui

habitués à constater une augmentation des tarifs durant cette période, alors pour éviter les abus, la DEETS a décidé de redoubler de vigilance cette année. Un thermomètre des prix des produits spécialement consommés pendant le ramadan est établi et tous les commerçants sont tenus de le respecter. L’objectif de cette opération est “ de garder une vigilance particulière sur l’évolution des prix des produits alimentaires, la disponibilité de ces derniers sur la période et de sensibiliser les opérateurs au respect des réglementations applicables à leur secteur d’activité ”, indique la DEETS dans un communiqué de presse. Les marchés, lieux d’approvisionnement privilégiés par la population durant le mois de ramadan sont particulièrement surveillés. Des contrôles ont déjà été effectués et des sanctions pour non respect des règles vont tomber. Mais cela suffira-til à rendre les produits alimentaires moins chers ? Rien n’est moins sûr. Avec l’inflation mondiale, la théorie d’une augmentation des prix à Mayotte est plus plausible. n

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COMPARATIF DE 7 PRODUITS À MAYOTTE ET EN MÉTROPOLE MAYOTTE

MÉTROPOLE

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Propos recueillis par Alexis Duclos

DANIEL ZAÏDANI ET THANI MOHAMED SOILIHI DÉFENDENT LEURS CANDIDATS AVANT LE SECOND TOUR A quatre jours du deuxième tour de l’élection présidentielle, Daniel Zaïdani et Thani Mohamed Soilihi ont accepté de répondre à une interview croisée. Le seul conseiller départemental à soutenir Marine Le Pen et le sénateur issu du parti d’Emmanuel Macron défendent deux projets bien distincts. Mayotte Hebdo : Vos candidats sont arrivés en tête en premier tour avec une abstention importante pour un scrutin présidentiel (26.3%). Comment mobiliser les électeurs pour le deuxième tour ? Thani Mohamed Soilihi : Effectivement, nous avons affaire à une abstention importante pour une élection présidentielle, spécialement à Mayotte (59,69 %) où Marine Le Pen arrive en tête. En vue du second tour, nous, la Team Macron, nous mobilisons en nous adressant en priorité aux abstentionnistes en réalisant un important travail d’explication du bilan du président de la République et de son projet sur le terrain.

Daniel Zaïdani : Il y a trois paramètres à prendre en compte. A Mayotte, l’engouement est souvent moindre pour les élections nationales. On a aussi le problème des procurations. Beaucoup de gens sont inscrits uniquement pour continuer à voter aux élections locales, mais elles ne le font pas pour la présidentielle. Enfin, vous l’avez vu dans le travail que nous faisons, nous privilégions le contact direct.

Après le meeting de Marine Le Pen en décembre, nous n’en avons pas fait d’autre.

M.H. : Sur quels points justement, ce duel peut-il se décider ? T.M.S. : Le sérieux et la solidité du projet

d’Emmanuel Macron sont les éléments moteurs de notre campagne. Le président a fait ses preuves, malgré une succession inédite de crises majeures : d’abord celle des gilets jaunes, la pandémie du Covid, la guerre en Ukraine. Nonobstant ces circonstances, il s’est engagé pour une Europe solidaire qui nous protège face aux crises, le chômage est au plus bas (7,4 % au national), la France n’a jamais été aussi attractive pour l’investissement international, notre pays a retrouvé un leadership certain au niveau européen et mondial, la pandémie a été convenablement gérée, le pouvoir d’achat des Français a augmenté, les impôts ont diminué pour tous… A Mayotte aussi, quoiqu’en disent ses détracteurs, Emmanuel Macron a un bilan largement positif. En face, le projet de Marine Le Pen est mouvant, peu crédible, non financé, dangereux, inconstitutionnel. Se rendant compte de la fragilité de son projet, elle rétropédale sur nombre de ses promesses,



notamment sur la sortie de l’Europe, la tenue de référendums, le voile, la double nationalité… Son manque d’expérience, et son populisme exacerbé ne sont plus à démontrer, soulignant ainsi qu’elle n’a nullement l’étoffe d’une cheffe d’Etat.

D.Z. : En premier lieu, nous considérons

qu’Emmanuel Macron a eu la chance de pouvoir exercer pendant cinq ans. Il est même venu ici en 2019 pour faire des promesses. Et on peut dire qu’après trois ans, le compte n’y est pas. Il n’a pas eu les solutions escomptées. Il y a eu un échec total, rien n’a été fait. Même sous François Hollande, il y a eu l’indexation, le revenu de solidarité active (RSA) est passé de 25 à 50 % en l’espace de trois ans. Avec Emmanuel Macron, il n’y a eu aucune augmentation des aides sociales. Enfin, il ne faut pas sousestimer la déception des électeurs de Jean-Luc Mélenchon ou Valérie Pécresse. Ils seront moins décidés à aller voter ce dimanche.

M.H. : Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont choisi tous les deux de s’adresser par vidéo aux électeurs mahorais. Quelle est l’importance de Mayotte à leurs yeux ? T.M.S. : L’importance de Mayotte aux yeux

d’Emmanuel Macron est incontestable, le président connaissant et saluant notre attachement atavique et viscéral à la France. Il a manifesté cet intérêt par un investissement et un engagement sans précédent au profit de Mayotte, de par l’augmentation des dotations aux collectivités, sa proximité durant la pandémie à l’occasion de laquelle les Mahorais avons été traités à l’égal de nos concitoyens. La circonstance que les résultats sur l’insécurité et l’immigration, aux origines anciennes, peinent encore à se voir, ne doit pas nous décourager ni nous fourvoyer, la continuation de ces efforts étant seule à même de redresser la situation de façon pérenne. L’intérêt d’Emmanuel Macron et des Macronistes pour Mayotte au quotidien tranche considérablement avec les apparitions de Marine Le Pen à l’occasion des élections européennes et présidentielles seulement.

D.Z. : Marine Le Pen a un attachement particulier pour l’outre-mer. Dans le cadre de son mandat de député, elle a fait plusieurs interventions en évoquant Mayotte. Elle venue présenter en décembre son projet pour Mayotte. Elle l’a fait même avant de donner son programme national. Il est clair et défini. Malgré l’éloignement de la métropole, elle a rappelé l’attachement de Mayotte à la France. En retour, elle est consciente que l’île a besoin de gages.

M.H. : Parlons programme maintenant, plusieurs points sont annoncés de part et d’autre. Mais comment les financer ? T.M.S. :

Les spécialistes affirment que le programme d’Emmanuel Macron est l’un des plus crédibles, avec des financements fléchés. Quant à celui de Marine Le Pen, il contient un chiffrage et dépenses hasardeux et démagogiques avec la baisse de la TVA (12 milliards), la suppression de l’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans (4 milliards), la nationalisation des autoroutes (50 milliards). Le projet de Marine Le Pen est déficitaire de presque 90 milliards selon l’institut Montaigne. Pour finir de s’en convaincre, il suffit de rappeler les propos suivants du prix Nobel d’économie Jean Tirole : “ Le programme de Marine Le Pen est une liste à la Prévert de dépenses supplémentaires, largement sous-estimées à 69 milliards d’euros par an, financées à l’aide de recettes hélas en partie fictive ”.

D.Z. : Nous n’avons pas d’argent magique

comme Emmanuel Macron. Celui-ci veut financer son programme par l’endettement alors qu’il atteint déjà 600 millions d’euros au cours de son mandat. Il y aura des mesures qui permettront de réduire le déficit de l’Etat, notamment par la suppression d’un certain nombre de choses. Il y aura un une réduction et un contrôle des allocations versées aux étrangers. Concernant la quotepart versée par la France à l’Union européenne, Marine Le Pen veut la réduire. Nous ne touchons que 25 % de ce que nous donnons à l’Europe. Et malgré la baisse de la TVA sur le panier de la ménagère, notre budget s’équilibre à 68 milliards en recettes et en dépenses.

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M.H. : A Mayotte, les électeurs attendent des mesures sur les domaines régaliens (immigration, sécurité, justice). Quelles réponses pouvez-vous leur apporter ? T.M.S. : En la matière, comme précisé

plus haut, les efforts durant le quinquennat d’Emmanuel Macron ont été sans précédents : destructions records de bidonvilles et reconduite à la frontière de 100 000 clandestins, augmentation de 40 % des forces de l’ordre avec la création de deux brigades supplémentaires de gendarmerie, adaptation du droit de la nationalité, mise en place d’une brigade de prévention de la délinquance juvénile, d’un centre éducatif renforcé, etc… Ces efforts seront continués et intensifiés par Emmanuel Macron, qui a d’ores et déjà annoncé la construction d’une cité judiciaire. Une lutte plus soutenue devra être menée contre l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers ; un centre éducatif fermé devrait également voir prochainement le jour.

D.Z. : Il y a un projet de loi déjà prévu au

niveau de la justice. Il comporte une meilleure représentation des juges. Nous souhaitons également encourager les policiers dans leurs fonctions. Je prends par exemple l’exemple de Petite-Terre, ce week-end (voir par ailleurs). Les gendarmes ne sont pas en nombre et il n’y a pas eu d’interpellations. Il y a sur l’île clairement des donneurs d’ordre qui font défaut. On veut également renforcer les policiers en termes d’effectif. Emmanuel Macron a annoncé que le nombre de forces de l’ordre avait augmenté de 40%. Les policiers eux-mêmes n’ont pas vu cette augmentation.

M.H. : Toujours sur le domaine de l’immigration, les relations avec les Comores dont sont originaires la major ité des migrants sont primordiales. Quelle est la meilleure approche selon vous ? T.M.S. : La meilleure approche est celle entreprise par Emmanuel Macron : d’abord

commencer par la mise en place d’un accordcadre d’Etat à Etat sur la base duquel des échanges doivent se développer ; faut-il rappeler qu’il s’agit du premier du genre ? Ensuite faire vivre cet accord par l’aide au développement afin de permettre aux Comores de mieux fixer sa population chez elle et en usant de fermeté lorsque ces termes ne sont pas respectés. Là aussi, les résultats viendront avec le temps. La méthode qui consisterait à ignorer le voisinage en entretenant uniquement des rapports de force ne mènerait nulle part.

D.Z. : Dans les premières actions du gouvernement, le ministre des Affaires étrangères ira aux Comores pour faire un point sur la situation. Ce qui n’a pas été le cas durant les derniers mandats. Il rappellera que Mayotte, c’est la France, et qu’aucune revendication ne sera tolérée. Les vagues d’immigration doivent cesser et les reconductions acceptées. S’il n’y a pas de collaboration, il y aura des sanctions comme l’arrêt des visas vers la métropole. Ils sont utilisés par les commerçants et les politiques notamment. Je pense également au gel des avoirs comme c’est fait actuellement avec les oligarques russes. M.H. : Le département est connu pour être le plus jeune de France (60% de la population a moins de 24 ans selon l’Insee). Comment leur assurer un débouché à la sortie d’école ? T.M.S. : Par la formation et la création

d’entreprises et d’emplois. Sur ces trois points, le quinquennat qui vient de s’écouler a été exemplaire, malgré la crise sanitaire. Il convient naturellement de poursuivre dans cette voie, en faisant mieux coïncider les formations aux besoins du territoire. Il faudra également développer l’ingénierie locale afin de plus et mieux réaliser et résolument s’engager dans les domaines de l’environnement et du développement durable.

D.Z. : Marine Le Pen est la seule à proposer des exonérations d’impôts pour les moins de 30 ans. Il s’agit d’une politique volontariste qui va

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créer des emplois. C’est le cas également avec la retraite à 60 ans. En faisant partir les plus anciens, on permet qu’ils soient remplacés par les jeunes. Concernant l’éducation, il y a une réelle volonté de construire des établissements et de subdiviser les classes en école primaire. Il y a également une nécessité d’améliorer le niveau de français par des heures supplémentaires en primaire, mais aussi aux collèges.

M.H. : La convergence des droits est poursuivie depuis des années. Quand sera-t-elle complète ? T.M.S. : Le projet départemental avait prévu

une convergence des droits à l’horizon 2036. Le récent projet de loi Mayotte avait ramené cette échéance à 2031, au motif qu’une date plus rapprochée entraînerait des conséquences économiques négatives, notamment par l’incapacité des employeurs à l’assumer. Les partenaires sociaux et le Gouvernement devraient entrer en discussion pour trouver une échéance acceptable par tous et en finir avec cette aberration constituée par l’exode de centaines de Mahorais vers d’autres départements où les droits sont meilleurs.

D.Z. : Nous proposons une loi-programme sur quinze ans. Elle doit nous permettre de faire tous les rattrapages nécessaires. Certains mettront que quelques années, mais au plus tard, elle devra se faire dans les quinze ans.

M.H. : La mer est souvent citée comme un atout pour Mayotte, mais peu de choses ont vu le jour. Avez-vous des idées à défendre pour développer le littoral ultramarin ? T.M.S. : Pour Mayotte, la construction de quais

intercommunaux et du transport maritime serait une véritable bouffée d’oxygène pour la circulation au sein du département. La valorisation de nos magnifiques plages également. Une montée en puissance de l’ingénierie et des capacités de nos collectivités, notamment les intercommunalités, est nécessaire pour y parvenir. C’est le cas

actuellement, accélérons le mouvement ! Pourquoi ne pas à terme céder la zone des pas géométriques et le foncier du littoral aux collectivités ?

D.Z. : Parmi ses mesures, Marine Le Pen

veut relancer l’activité aquacole. Celle-ci a disparu parce qu’elle n’était pas soutenue ni accompagnée par le gouvernement, alors qu’elle créait de la richesse. Il faut tout reprendre à zéro. Concernant l’éolien en mer défendu par Emmanuel Macron, nous nous y opposons. Nous ne voulons pas de ces bâtons dans le lagon.

M.H. : L’environnement est un défi majeur sur un territoire densément peuplé. Comment le préserver ? T.M.S. : Il s’agit en tous cas d’une impérieuse

nécessité et d’une priorité qu’il convient de traiter d’urgence, sous peine de voir notre environnement et notre lagon, en particulier, rapidement se dégrader et mourir. Un plan d’urgence devrait être mis en place par les collectivités avec l’aide de l’Etat, pour sauver notre environnement et sa biodiversité. Cette protection n’aurait que des avantages, en assainissant nos lieux de vie, développant l’attractivité de Mayotte et créant des emplois. L’Europe nous serait aussi d’une grande aide, de par notamment les fonds RUP (destinés aux régions ultrapériphériques). La préservation de l’environnement doit en parallèle faire l’objet d’une éducation et d’une sensibilisation dès le plus jeune âge.

D.Z. : Dans le projet présenté ici, elle s’est

engagée à créer une usine d’incinération (N.D.L.R. les déchets sont actuellement enfouis) afin de réduire la production de déchets. Il faut également mieux accompagner les collectivités par rapport à l’organisation du traitement. On parle beaucoup du Sidevam (le syndicat en charge de la collecte), mais celui-ci est mal doté pour ses missions. Le projet est une amélioration de ses finances.

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M.H. : Les élus locaux attendent des réponses sur plusieurs grands projets (Piste longue, grand port maritime). Lesquels sont susceptibles de voir rapidement le jour ? T.M.S. : La réélection d’Emmanuel Macron est

le gage que ces grands projets verront le jour le plus rapidement possible. La piste longue, le grand port maritime, le second hôpital, la cité judiciaire, sont des promesses qu’il mettra un point d’honneur à réaliser. Mais cela ne pourra se faire sans le concours étroit des élus locaux. Le projet de loi Mayotte prévoyait notamment de faciliter le recueil de matériaux le temps de la construction de la piste. Un travail en confiance entre les élus d’une part et l’Etat et ses services d’autre part, doit se nouer ; l’importance des parrainages mahorais pour Emmanuel Macron va grandement y contribuer.

D.Z. : Marine Le Pen s’est positionnée pour le

projet gazier. Les investissements pour celui-ci seront soutenus. La piste longue est également dans la loi-programme qui doit voir le jour en janvier 2023. La candidate se laisse au moins six mois pour travailler sur cette loi avec toutes les collectivités d’outre-mer.

conséquent pas de souci à se faire. En revanche, ils en ont à se faire du côté de Marine Le Pen qui n’a pas hésité à les qualifier de “ punks à chiens ”, “ marginaux crasseux ”, montrant son irrespect envers une partie des Français, qu’elle tente malhonnêtement de séduire maintenant.

D.Z. : Pour moi, le report des voix de Jean-

Luc Mélenchon ne peut pas se faire. Le seul et unique argument avancé pour contrer Marine Le Pen est sur le volet du racisme. Je tiens à rappeler que le Rassemblement national est un parti patriote, nationaliste et souverainiste. C’est donc l’équivalent à Mayotte d’un parti départementaliste. Marine Le Pen voit bien que les Mahorais sont attachés comme elle à la France. En lisant son programme, ce que je comprends, c’est qu’elle est la seule aujourd’hui à défendre le pouvoir d’achat, la sécurité et le rattrapage social. Alors que tout le monde est conscient que le programme d’Emmanuel Macron est creux. Il a d’ailleurs pris les idées de Valérie Pécresse et Yannick Jadot. Et dernièrement, il reprend celles de Marine Le Pen concernant le septennat et le vote à la proportionnelle. Il n’a pas de projet structurant.

M.H. : Jean-Luc Mélenchon a terminé deuxième à Mayotte avec 24% des voix, en prévenant “ qu’aucune voix n'irait au RN ”. Quel message s o u h a i t e r i e z - vo u s p a s s e r a u x électeurs de gauche, dont le choix peut s’avérer déterminant le 24 avril ? T.M.S. :

Le candidat Emmanuel Macron n’a pas écarté la possibilité d’inclure des parties des programmes des autres candidats pour enrichir, et compléter le sien ; il a souvent pris en compte les contributions de la sorte, notamment à l’occasion des débats qu’il a multipliés durant son quinquennat. Au demeurant, Emmanuel Macron a d’ores et déjà pris plusieurs mesures qualifiées de “ gauche ” (reste à charge zéro, valorisation des retraites des agriculteurs, boulier énergie, baisse des impôts, sans oublier le “ quoiqu’il en coûte ” au plus fort de la pandémie…). Les électeurs de gauche n’ont par

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L.G

LA PROMESSE D’UN NOUVEL ÉLAN POUR L’AGRICULTURE MAHORAISE Attendue depuis longtemps à Mayotte, la première promotion du brevet professionnel responsable d'entreprise agricole (BPREA) a débuté sa formation mifévrier au centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) de Coconi. De quoi donner un coup de pouce à la filière qui peine à se structurer sur l’île. Quinze étudiants, neuf formateurs permanents, 35 heures de cours par semaine, voilà ce que représente le brevet professionnel responsable d'entreprise agricole (BPREA°. Pendant dix mois, les élèves apprendront au détour d’ateliers pratiques et de cours théoriques comment gérer une entreprise agricole. “ Les étudiants voient un peu de tout, que ce soit en maraîchage ou en élevage ”, explique Mélanie Loriot, formatrice en agronomie, coordinatrice de la formation BPREA et responsable des formations au sein du centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) de Coconi. Du choix des plants en passant par le diagnostic des sols, les semis puis la récolte, ou encore les règles élémentaires de zootechnie, les agriculteurs sauront tout faire. “ Nous avons la chance d’avoir un plateau technique parfait où nous pouvons tout faire sur place et nous complétons avec des visites d’exploitations ”, affirme la formatrice avant de poursuivre : “ L’intérêt est avant tout de présenter des exemples

concrets pour coller au contexte local ”. De quoi donner aux futurs diplômés toutes les clés en main pour monter un projet viable et respectueux de l’environnement.

Un métier où tout doit être pensé Les pieds dans la terre et la tête dans les chiffres l’agriculteur d’aujourd’hui doit également apprendre à être un responsable d'entreprise. “ Tâches administratives, gestion et autonomie ”, telle est la thématique du cours du jour. “ Nous allons voir comment réguler son activité en fonction de ses objectifs ”, s’exclame Mélanie Loriot, un feutre dans une main et une pile de petits papiers adhésifs dans l’autre. L’exercice ? Écrire une action, un objectif et une finalité à mettre en œuvre avec comme exemple l’exploitation agricole de Latouldine Madi, à Barakani, présentée comme un “cas d’école”. Très studieux, les étudiants remplissent

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un à un les papiers de couleurs qui viennent compléter une arborescence bigarrée au tableau. “Ne pas polluer”, “vivre de son activité”, “faire découvrir l’agriculture mahoraise”, autant d’objectifs que s’est fixé l’agriculteur. “Cette formation me permet de bien ficeler mon projet et de mieux cerner certains points à améliorer”, confie modestement le Mahorais. Alors qu’il s’est lancé il y a quelques années dans l’aventure agraire, grâce au BPREA, le producteur pourra obtenir la capacité agricole et avec elle des aides lui permettant de développer son activité, mais aussi de

Mélanie Loriot, formatrice en agronomie, coordinatrice de la formation BPREA et responsable des formations au sein du CFPPA de Coconi.

se verser un salaire décent. “Mon souhait serait de faire de l’agrotourisme. J’ai toujours eu envie d'accueillir du monde chez moi, leur faire découvrir mon travail et vendre le fruit de mes récoltes. Avec le BPREA, je pourrais obtenir une légitimité supplémentaire”, dit Latouldine en souriant. Celui-ci repart ravi avec un projet en pleine construction et peut-être des réservations toujours plus nombreuses pour les curieux qui souhaitent découvrir son jardin mahorais.n

Une partie de la formation se déroule dans les serres du lycée agricole de Coconi.

La première promotion du brevet professionnel responsable d'entreprise agricole (BPREA) a commencé en février.

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LITTÉRATURE

LISEZ MAYOTTE Guy Fontaine, Mayotte, éditions Karthala, 1995.

Réunionnais, Guy Fontaine est maître de conférences en géographie. Titulaire d'un doctorat sur "La société et l'économie de Mayotte", il est vicedoyen de la faculté des lettres et des sciences humaines de l'Université de la Réunion et directeur du département de géographie.

ÊTRE MAHORAIS, UN "COMBAT PERMANENT" AGRÉGÉ DE LETTRES MODERNES ET DOCTEUR EN LITTÉRATURES FRANCOPHONES, CHRISTOPHE COSKER EST L’AUTEUR DE NOMBREUX OUVRAGES DE RÉFÉRENCE SUR LA LITTÉRATURE DE L’ÎLE AUX PARFUMS, NOTAMMENT UNE PETITE HISTOIRE DES LETTRES FRANCOPHONES À MAYOTTE (2015) DONT IL REPREND, APPROFONDIT ET ACTUALISE, DANS CETTE CHRONIQUE LITTÉRAIRE, LA MATIÈRE. En 1995, le géographe Guy Fontaine publie, chez un éditeur dont le nom est emprunté au volcan de la Grande-Comore appelé le Karthala, un livre éponyme : Mayotte. Sur la première de couverture, sous le nom de l’île, une photographie dont l’arrière-plan a été flouté. Au premier plan, une belle jeune femme au regard oblique, maquillée et parée de bijoux, enveloppée dans un saluva de couleur vive. L’image exotique et mystérieuse de Mayotte… Nassur Attoumani s’en prend, avec une certaine véhémence, à une remarque linguistique de l’ouvrage qui nous intéresse aujourd’hui : “ Toujours à propos de la nourriture, le docteur Guy Fontaine soutient, dans son ouvrage intitulé Mayotte, qu’étymologiquement le mot shungu vient de nyongo. Certes, cet éminent spécialiste de la culture ma[h]oraise n’a donné aucune explication pour confirmer sa thèse, mais il apparaît bien évident que, soit il ne parle pas shimaore, soit il n’a rien compris à ce que ses interlocuteurs lui ont raconté, soit il est trop savant pour oser écrire une contrevérité aussi aberrante [sic]. Et pour cause ? ” (p. 71) On sent bien ici Nassur Attoumani hérissé et la façon dont il présente sa critique consiste à exhausser son adversaire jusqu’au Capitole – “ docteur ”, “ éminent spécialiste ” – avant de

le jeter du haut de la roche tarpéienne – “ n’a rien compris ” et “ oser écrire une contrevérité ”. Nous laisserons le lecteur décider si l’allégation d’une erreur étymologique suffit à ruiner l’ensemble de la réflexion d’un livre. Guy Fontaine inaugure son ouvrage, en s’opposant aux facilités de l’exotisme : “ Un préjugé, largement répandu, veut que les conditions existant dans les régions tropicales soient particulièrement propices voire idylliques : soleil, mer, douceur de vivre, autant de clichés paradisiaques qui ont fait le bonheur des écrivains et des poètes. Malheureusement, la situation est autre. Le Mahorais doit engager un combat permanent ” (p. 10) Le géographe étudie donc le climat comme rapport entre terre et température, et non plus au prisme de ce que ressent le voyageur originaire des pays tempérés, voire froids, de l’hémisphère nord. En outre, Guy Fontaine suggère d’intéressantes pistes sur l’hybridité de Mayotte, notamment lorsqu’il en décrit la médecine, ou plutôt les deux médecines concurrentes : “ Même dans le domaine de la santé, la réalité islamique est des plus tangibles. La médecine locale est une réalité bien mahoraise. À la fois répandue et organisée, elle précède le recours à la médecine mzoungou mais la complète parfois. Cheikh (saint homme musulman) ou mwalimu (maître) assure la guérison par la lecture de

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prières et textes coraniques et médicaux (fort anciens et très complets) et par l’administration de remèdes variés. Cette médecine préventive se traduit par les talismans, amulettes contenant des versets du Coran que les Mahorais portent autour du cou ou du bras. Fundi Herboriste et, si nécessaire, fundi djinn (medium d’esprits) complèteront les prescriptions. ” (p. 39) En d’autres termes, lorsqu’un mahorais est malade, il a le choix entre trois types de remèdes : les remèdes naturels locaux offerts par les plantes de l’île, les remèdes traditionnels et surnaturels liés aux croyances et enfin la médecine venue d’occident. Guy Fontaine s’intéresse également à la géographie humaine : “ Mosaïques de races, de cultures, de modes de vie, de langues, tout concourt à montrer que se prolonge ici l’histoire de la rencontre de groupes différents qui se heurtèrent à plusieurs reprises, s’influencèrent, s’infléchirent par le combat et par l’alliance. Entre métropolitains et Mahorais, il n’existe aucune dépendance culturelle et politique, ce qui nous donne un éclairage nouveau à la formule : “ Nous voulons être français pour être libres ”. Cela démontre que le Mahorais a le sens inné de la stratégie : l’alliance avec la France est plus une alternative pratique pour la population qu’un arrangement symbiotique. C’est toute cette sagesse mahoraise qui ressort du

proverbe “ Haya iyo nguo ndjeou, tsi kulumatru uyipindra ” (le savoir-vivre est un habit blanc, tout le monde ne peut le porter). ” (p. 35) Le rapport entre Mahorais et Métropolitains, ainsi que la francité de Mayotte sont l’une des clefs de voûte de la compréhension de l’île. Le proverbe chromatique sur lequel la citation se termine se présente comme la quintessence de l’ensemble de l’histoire coloniale puis départementaliste de l’île aux parfums. Guy Fontaine décrit enfin une Mayotte éternelle dont ses analyses géographiques montrent le trompe-l’œil : “ Des femmes pilant du riz, des enfants transportant leur fagot de bois, des paysans armés de leur shombo (coupe-coupe et grattoir), la litanie monotone d’enfants à l’école coranique sont autant de scènes familières de la vie quotidienne qui fascinent le regard de l’étranger. N’a-t-on pas tendance à penser qu’il s’agit là d’un monde figé où la vie s’écoule dans heurt, dans l’immobilisme. Mayotte constituerait-elle un de ces derniers refuges d’un monde intact et pur ayant échappé au ‘péché originel de la civilisation moderne, technologique’ ” (p. 44)

Christophe Cosker

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