Fièvres prolongées inexpliquées
Fièvres prolongées inexpliquées • • • •
Grande variabilité étiologique Plus de 200 étiologies Stratégie diagnostique à adapter à chaque cas A travers l’étude de 2 cas : o Bilan initial et orienté minimal o Les grands cadres étiologiques (causes infectieuses, systémiques et néoplasiques) o Examen de seconde et troisième intention
Cas de madame Leila • • • • •
Femme, 46 ans, G2 P2 DDR : 9/6/2008, pas de contraception Originaire et demeurant à Bizerte Transférée le 20/06/2008 de l’hôpital régional de Bizerte pour « fièvre »
Cas de madame Leila • L’histoire de la maladie remonte ≈ début mai par des coliques hépatiques puis ≈ 20 Mai par une fièvre chiffrée à 39°C accompagnée d’une odynophagie • Ttt : ATB • Persistance de la fièvre, surtout vespérale • Consulte un généraliste de libre pratique • Adréssée à l’hopital régional de Bizerte → hospitalisation
Cas de madame Leila • • • • • •
Fébrile entre 38°- 39° Douleurs hypochondre droit, pas d’ictère Reste de l’examen : OK Biologie : NFS: Hb 12,7g/dl, GB 3000, Plq 175000 VS 95 H1, Fibrinémie 3,19g/l, CRP 48 bilirubine totale 4 µmol/l, PAL 89 U/l, ASAT 18 U/l, ALAT 12 U/l, Amylase 40 U/l, créat 68 µmol/l
Cas de madame Leila • • • • • • • • •
ECBU, hémocultures négatifs Prélèvement vaginal<0 Recherche BK crachats négative Sérologies : ASLO < 200 U/ml, Wright, widal<0 Rx thorax: OK Rx blondeau : OK Echographie abdominale et TDM abdominale : lithiase vésiculaire sans signes de cholécystite
Cas de madame Leila Transféree service médecine interne CHU Mongi Slim le 20/06/2008
AU TOTAL, • FIEVRE atteignant 39° chez une femme 46 ans, qui se plaint en outre de douleurs de l’hypochondre droit • avec un examen physique normal, • biologie SIB et leucopénie, prélèvements urines, crachats, vaginal négatifs, • Examens morphologiques normaux
FPI ???
FIÈVRE PROLONGÉE INEXPLIQUÉE • État fébrile prolongé supérieur à 38,3°C • Datant de plus de 3 semaines • Et pour lequel des investigations « adaptées » réalisées en ambulatoire, en hospitalisation brève ou après consultations répétées n’ont pas permis de diagnostic • Définition tient compte d’un élément quantitatif (la durée de la fièvre) et qualitatif (minimum d’investigations complémentaires) BILAN INITIAL ???
Le bilan initial optimalisé ou comment éviter qu'une fièvre soit tardivement expliquée ?
• Dès qu’une fièvre se prolonge, sans cause évidente, le clinicien doit être obsédé par la gravité de la méconnaissance d’une cause curable, et va essayer à ce stade, de trouver des indices par: • L’interrogatoire • L’examen clinique • Bilan initial de débrouillage • Au besoin des examens plus spécifiques
Indices
Exemples
Leila
Prise de médicaments
Allergie
Non
Toxicomanie, habitudes sexuelles
Sida, infections opportunistes
Non
Habitudes alimentaires : fromages frais
Brucellose
Non
Antécédents récents Ou lointains
Soins dentaires manœuvre instrumentale Tbc, néoplasie, valvulopathie…
Non
Antécédents familiaux et de l’entourage
contage
Non
Matériel étranger
Prothèse, pacemaker, sonde
Non
Profession
Vétérinaire , personnel de soins
Sans profession
Voyages (lieu, date, durée, prophylaxie)
Amibiase, paludisme
Non
Contact avec animaux ou morsures
Maladie des griffes du chat, brucellose…
Non
Signes associés
Cutanés, arthromyalgies, sueurs, prurit, toux, troubles digestifs, céphalées…
Douleurs de l’HCD
INDICES
EXEMPLES
Leila
Cutanés
Purpura, livédo, faux panaris, rash vespéral, pustules…
Eruption Mb Inf (ERYTHEME NOUEUX? MACULES? URTICAIRE ?
Veineux
Thrombose veineuse
NON
Artériels
Abolition pouls
NON
Cardiaques
Souffle, signes pseudo mitraux
PAS DE SOUFFLE
Pulmonaires
Crépitants, matité, souffle
Aires ganglionnaires
Adénopathies
PAS DE GANGLIONS
Abdomen, fosses lombaires, touchers
Douleur, souffle, collection suppurée, hépatomégalie, splénomégalie, masse (tumeur ou abcès)
DOULEURS HYPOCHONDRE DROIT ABDOMEN PAR AILLEURS SOUPLE FOSSE LOMBAIRE ET TOUCHERS OK
Neurologiques
Signes méningés, neurologiques focaux, confusion
PAS DE SD MENINGE NI SIGNE DE LOCALISATION
Articulaire
Arthralgies, arthrite
OK
ORL, stomatologiques Oeil
OK Hémorragie, kératite, uvéite
OK
Cas de madame Leila Bilan initial • L’ECBU, les hémocultures, le PV, les sérologies bactériennes (wright, widal, syphilis, rickettsioses, mycoplasme, lyme, chlamydiae) et virales (CMV, hépatite B et C, VIH), la recherche de BK dans les crachats, les urines ainsi que l’IDR à la tuberculine <0 • Rx thorax RAS • Panoramique dentaire : pas de granulome • Echographie abdominale et TDM abdominale : lithiase vésiculaire sans signes de cholécystite • Echographie cardiaque: discret décollement péricardique • AAN et ANCA négatifs → Bilan initial orienté négatif → FPI
La fièvre de madame Leila se prolonge, quelles sont les étiologies?
FIEVRES VIRALES Primo-infection à CMV de l’adulte sain
• Fièvre isolée ou associée à myalgies, arthralgies, pharyngite, rash, splénomégalie, hépatomégalie • Fièvre peut atteindre 41°, dure en moyenne 18 jours, jusqu’à 42 jours • Biologie : hyperleucocytose, Sd mononucléosique, élévation des ALAT
Infection à VIH • Lors de la primo-infection, la fièvre ne dépasse pas trois semaines • Peut être isolée et prolongée • Sans terrain, sans association à des adénopathies ou une diarrhée Infection à Epstein-Barr Virus • Primo-infection à EBV : fièvre prolongée jusqu’à 4 à 6 semaines • Jeune âge, asthénie, élévation des transaminases • → MNI test
La fièvre de madame Leila se prolonge, quelles sont les étiologies? FIVRES BACTERIENNES 1. Infections focalisées 2. Infections diffuses
Foyers infectieux focalisés pouvant être à l’origine d’un tableau de FPI SIЀGE Système nerveux central Sphère ORL et stomatologie Os, articulations Peau Thorax Abdomen, Pelvis
NATURE Abcès, méningite chronique Sinusite chronique, granulome dentaire Spondylodiscite, ostéite, ostéomyélite Infection sur cathéter, plaie Pleurésie enkystée postérieure Abcès (foie, voies biliaires, pancréas, prostate, psoas, sous diaphragmatique, péri néphrétique) Salpingite, ovarite, endométrite Cholécystite, angiocholite, empyème vésiculaire, péritonite tuberculeuse
FIEVRES BACTERIENNES 1. Infections focalisées 2. Infections diffuses Tuberculose +++ Endocardites infectieuses à hémocultures Infection à mycoplasma hominis, legionella, chlamydia psittaci, yersinia Bactériémie à gonocoques Fièvre de Haverill ou septicémie à streptobacillus moniliformis Maladie des griffes du chat Maladie de Whipple
FIEVRES PARASITAIRES ET FUNGIQUES • Les parasitoses : Leishmaniose viscérale L’amibiase L’hydatidose
• Les infections fungiques : Septicémies à Candida albicans Cryptococcose neuro-méningée Aspergillose
La fièvre de madame Leila se prolonge, quelles sont les étiologies? MALADIES SYSTEMIQUES (Connectivites)
Lupus érythémateux systémique : • Femme jeune,péricardite, leucopénie avec lymphopénie, SIB • Mais pas de signes cutanés, articulaires… • → AAN négatifs
MALADIES SYSTEMIQUES (vascularites)
La périartérite noueuse :
– Fièvre peut être inaugurale, Dg évoqué devant arthromyalgies, signes neurologiques périphériques (paresthésies, multinévrite), douleurs abdominales, lésions cutanées de vascularite (nodules, livédo, purpura), atteinte rénale → sérologie hépatite B, EMG, artério, biopsie neuromusculaire, cutanée
La maladie de Wegener : – Atteinte ORL rhinite, sinusite trainante et anomalies radiologiques pulmonaires, atteinte rénale glomérulaire → Biopsie, recherche des ANCA
(La maladie de Horton) : → biopsie artère temporale
MALADIES SYSTEMIQUES La maladie de Still de l’adulte : • Dg difficile • Fièvre irrégulière, hectique, avec souvent des pics très élevés, arthralgies, myalgies, éruption (rash, macules) fugace, odynophagie • Biologie: hyperleucocytose, ↗ferritine, ↘fraction glycosylée Granulomatoses : sarcoïdose, maladie de Crohn
La fièvre de madame Leila se prolonge, quelles sont les étiologies? FIЀVRES NÉOPLASIQUES • 1. Tumeurs solides : K du rein K du foie, K du poumon, K digestifs
• 2. Hémopathies : Myélodysplasies Lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens Myélome Leucémies
Comment prescrire les examens complémentaires devant une FPI? • Pas de stratégie fixe • TROIS ÉTAPES dans la décision des examens complémentaires Bilan initial, clinique et paraclinique Etape de réflexion Examens complémentaires faits à titre systématique
Examens à pratiquer (Bilan initial) • NFS, VS, fibrinémie, CRP, électrophorèse des protides • Transaminases, bili, PAL, gamma GT, LDH • Urée, créatinémie, compte d’Addis et protéinurie des 24 heures • Hémocultures, ECBU, ± coproculture • Recherche BK crachats et urines • RX thorax (face et profil) • IDR à la tuberculine • Echographie abdominopelvienne
Examens à pratiquer (Bilan initial) En fonction des cas : • Rx sinus, panoramique dentaire • Sérologies Wright, typhoïde, yersiniose, fièvre Q, mycoplasma pneumoniae, toxoplasmose, TPHA-VDRL, VIH, EBV, CMV, hépatites B et C • ACE • TSH • AAN • ANCA • Facteur rhumatoïde • ECA • TDM abdominopelvienne • Échographie cardiaque
ETAPE DE LA RÉFLEXION • Refaire une radiographie pulmonaire • Examiner attentivement et complètement le malade et le réexaminer régulièrement • Vérifier par soi même le résultat des examens initiaux • S’assurer que tous ceux que l’on a prescrits ont bien été réalisés et qu’ils sont négatifs • Se rappeler que certains examens sont opérateur dépendants
Examens complémentaires de 2ème intention • • • • • • • • • • • • •
TDM abdominopelvienne (si non faite) TDM thoracique Biopsie de l’artère temporale (si âge > 60 ans) Echodoppler veineux des membres inférieurs Myélogramme et biopsie ostéomédullaire avec culture médullaire et recherche de parasites Ponction biopsie du foie Ponction lombaire Fibroscopie bronchique (avec lavage alvéolaire) FOGD, colonoscopie, transit grêle, lavement baryté UIV, cystoscopie Laparoscopie Scintigraphie ….
Cas de madame Leila • TDM thoracoabdominale (juillet 2008) : adénopathies médiastinales (sous carinaire, interbronchiques, au niveau de la chaine médiastinale et de la loge de Baréty) mesurant entre 10 et 22 mm. • Fibroscopie bronchique : normale • Lavage bronchoalvéolaire : prédominance lymphocytaire ne montrait pas de cellules suspectes de malignité ni de bacilles acido-alcolo-résistants. • BOM : absence d’infiltration ou de prolifération tumorale • Scanner cérébral (céphalées invalidantes): normal. • En revanche, l’étude du liquide céphalorachidien (9 juillet 2008) montrait une méningite lymphocytaire.
Cas de madame Leila • Devant l’association adénopathies médiastinales et méningite lymphocytaire, le diagnostic d’une tuberculose a été évoqué et une quadruple thérapie antituberculeuse a été débutée le 9 juillet 2008. • L’IRM cérébromédullaire était normale. Une apyrexie transitoire a été obtenue au 12ème jour de traitement antituberculeux puis reprise de la fièvre une semaine plus tard. Devant l’intensité des coliques hépatiques, la cholecystectomie par abord coelioscopique a été réalisée.
Cas de madame Leila • Biopsie hépatique : lésions d’hépatite granulomateuse → dg de tuberculose dans une forme multifocale ganglionnaire, hépatique et méningée. Cependant, la persistance de la fièvre et des adénopathies médiastinales au deuxième mois du traitement antituberculeux et la négativité de la recherche du BK dans le LCR à l’examen direct, à la culture et par PCR nous ont conduit à proposer une • Biobsie ganglionnaire par médiastinoscopie. L’examen histologique confirmait définitivement le diagnostic de tuberculose ganglionnaire
Cas de monsieur Ahmed • Homme, né avril 1950, ATCD: • Mars 1995 pour syncope et FA → avlocardyl®, AVK • Juillet et Decembre 1995 pour surdosage en AVK • Mai 1996 pour syncope passage en FA → antiarhytmique et aspégic • Oct 1996 pour passage en FA mal toléré → avlocardyl® • Nov 1997 (médecine interne) céphalées, vertiges, toux productive et fièvre, Examen normal hormis fièvre 38°7→ Erythromycine® • Hématurie → urologie HCN → cystoscopie normale
Cas de monsieur Ahmed • Aout 2003, il était alors sous avlocardyl®, cordarone® et lipanthyl ®et régime diabétique • Fièvre, douleurs lombaires et brulures mictionnelles, • Examen 39°5, douleur ébranlement lombaire D • NFS GB 7100 Hb 14,9, VS 4mm 1ère H, CRP 10 mg/l, glycémie 5,33 mmol, ASAT 25 ALAT 28 CPK 137 LDH 304, ECBU : urines claires, leucocyturie 1000/mm, culture négative, hémocultures<0, AUSP et échographie rénale : OK • Le lendemain, fébrile à 40°, hypoglycémie 0,3g/l, • Pas de problème chirurgical, persistance de la fièvre et douleurs → bactrim® genta®
Cas de monsieur Ahmed • Mis sortant à sa demande sous ce ttt avec RDV d’UIV • UIV (23/09/03) : normale • Scanner abdomino-pelvien : hypertrophie des deux bras de la surrénale G sans image nodulaire, scanner abdominopelvien normal. • Réhospitalisé en oct 2003 pour complément d’investigations • Examen : bon état général, température 38°C, avec des pics à 40°, PA 15/9 cm Hg, pouls 68
Cas de monsieur Ahmed • NFS : GB 5000 Hb 14,6g/dl, VS 5 mm 1ère H, CRP<8mg/l, glycémie 5,44 mmol, ECBU : urines légèrement trouble, leucocyturie 1000/mm, culture négative. • Recherche de BK dans les crachats et les urines à la culture<0 • Uroscanner normal Devant cette fièvre prolongée associée à des douleurs lombaires chez un patient qui a présenté un épisode d’hématurie macroscopique et à ce stade des investigations, on pouvait raisonnablement éliminer :
Cas de monsieur Ahmed • Une suppuration profonde abdomino pelvienne (abcès périnéphrétique avec pyurie absente ou intermittente, abcès du psoas ou sous diaphragmatique, prostate) • Une tuberculose urogénitale • Un K du rein • Une spondylodiscite • Un hématome (psoas, rétropéritonéal, rénal)
Un seul examen simple a permis de faire le diagnostic? • QUEL EST CET EXAMEN ? ET QUEL EST CE DIAGNOSTIC? • Vérification de la température par soi même • NORMALE • Prise de la température des urines prise lors de la miction • NORMALE → DIAGNOSTIC : THERMOPATHOMIMIE
La fièvre simulée • Classique chez les enfants recherchant des bénéfices secondaires, ou chez les militaires, Manipulation ou échange de thermomètre • Quand y penser ? – Absence de signes de maladie évolutive à l’examen clinique et aux tests biologiques habituels; – Dissociation entre pouls et température; – Discordance entre un état clinique bien conservé et la séméiologie thermique; – Aberration de la courbe thermale, absence de frissons, de sudation lors de la défervescence, fièvre trop élevée; – Les nombreuses hospitalisations précédentes et les sorties contre avis médical, tr de la personnalité.
La fièvre simulée • Une autre forme des fièvres simulées, encore plus trompeuse appartenant au Sd de Münchausen LA THERMOPATHOPSYCHOSE • Ici la fièvre est provoquée, réelle mais factice • Sujet appartenant de près ou de loin au milieu médical • Auto inoculation de pyrogènes ou de substances septiques • Indices: infection qui se prolonge malgré une antibiothérapie adaptée, mise en évidence de germes souvent multiples, d’origine salivaire par ex