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Livres

21 VIraGES De Fred Poulet – En exergue

On connaissait Fred Poulet chanteur inspiré et fou de vélo (Walking Indurain), cinéaste expérimental et fou de foot (Substitute tourné avec Vikash Dhorasso pendant la Coupe du Monde 2006), on découvre un écrivain en immersion dans les pensées du légendaire Marco Pantani à la veille de l’étape de l’Alpe d’Huez sur le Tour de France 1997. Impossible cette nuit-là pour le pirate cabossé de trouver le sommeil. Alors, il se fait l’ascension en solitaire dans son lit, comme un chemin de croix en 21 virages, repense à l’année blanche qu’il vient de passer après un terrible accident, se tourmente en pensant à la femme qu’il a rencontrée en boîte de nuit… Mais, c’est quand le malheureux grimpeur affronte une terrible fringale que le livre atteint véritablement des sommets. (P.S.)

lESFOrmESDu VISIBlE Philippe Descola – Seuil

On constate trop souvent le décloisonnement des disciplines alors que leur croisement ouvre tant de perspectives. Alors quand l’ethnologie foule le territoire de l’Histoire de l’art, on applaudit des deux mains. Dans cette somme, l’anthropologue Philippe Descola mêle, avec une verve poétique sans nulle autre pareille, rigueur scientifique, anecdote et commentaire illustré, pour dénicher chez les Aborigènes, chez les Koryaks en extrêmeorient russe ou chez des moines florentins, entre autres dizaines d’exemples leur capacité à faire apparaître l’invisible – entendez le nonhumain, dans la sphère de la figuration. D’une telle lecture, on ne peut sortir que troublé, émerveillé. Transcendé. (E.A.)

lE CInÉma QuE JE FaIS, ÉCrITS ET EnTrETIEnS De marguerite Duras – P.O.l.

Comme ses écrits, le cinéma de Marguerite Duras est avant tout une expérience poétique à la radicalité formelle augmentée d’explorations musicales, sonores et photographiques tout aussi liminaires. La maison P.O.L. rassemble pour la première fois un ensemble de textes inédits autour des dix-neuf films réalisés par l’autrice entre 1960 et la fin des années 1980. Interviews, dossiers de presse, notes de tournages et autres nourrissent cet ouvrage arrêté sur nos phares nocturnes que sont Détruire, dit-elle, Des journées entières dans les arbres ou Les Enfants, toute dernière œuvre cinématographique de l’écrivaine. La réflexion sur le cinéma que menait celle qui possédait le pouvoir inlassable de nous transporter vers l’émotion, vers les territoires inconnus de la langue, de la passion, des contrées inconscientes, nous éclaire d’une nouvelle et absolue maturité. Et, dans cet audelà, nous autorise à continuer à nous faire notre cinéma. (V.B.)

l’OrIGInEDu mOnSTrE D’Émilie Gleason – les requins marteaux

Après le Déluge, passé dans un « paquebot zoologique » où toutes les espèces copulent entre elles, Sem, la fille de Noé, est chargée par Dieu de perpétuer l’espèce. Manque de pot, les rares survivants sont des abrutis, son père la pourchasse, juché sur une tortue, et ses deux frères sont des détraqués… Dans cette BD totalement déjantée, où fusent les répliques absurdes (« J’ai horreur d’avoir le sillon interfessier humide ! »), Émilie Gleason (prix Révélation à Angoulême en 2019) livre une parodie trash et délurée du récit biblique. C’est drôle et irrévérencieux, mais aussi pessimiste : on se demande, à la fin de l’histoire, si l’humanité mérite d’être sauvée… (N.Q.)

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