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The Wooden Wolf

l’homme Des hauTes soliTuDes Par Nicolas Bézard ~ Photo : Nicolas Bézard alex keiling, alias The wooDen wolf, esT un aéroliTe américain Tombé Dans les forêTs Du sunDgau il y a une TrenTaine D’années. sa musique – une folk viscérale eT chimiquemenT pure – aTTeinT, Dans son Dernier album songs of The nighT, Des sommeTs De sensibiliTé. renconTre avec l’auTeur De ceTTe envoûTanTe oDe à la nuiT.

Comment passe-t-on d’une petite enfance à Saint-Pierre-et-Miquelon à une adolescence dans le Sundgau ?

Mes parents se sont rencontrés dans une grotte, en Ardèche, dans les années 70. Mon père vient d’Alsace et ma mère est Québécoise, elle venait d’immigrer en France. Une partie importante de sa famille était originaire de Saint-Pierre-etMiquelon, et mes parents sont allés y vivre quelques années, attirés par l’aventure et le côté pratique d’avoir des proches sur place. Mais ce n’est pas parce que tu as des racines quelque part que tu y es forcément le bienvenu. Là-bas, le métropolitain reste un étranger. Je suis né et j’ai vécu mes quatre premières années sur l’île, puis le mal du pays a fait que nous sommes rentrés en France.

Il t’en reste quelque chose ?

Je me souviens d’avoir jeté une fois mes jouets par la fenêtre, et d’avoir été fasciné de les voir disparaître dans la neige. J’ai des souvenirs de blizzards interminables. Je me rappelle aussi d’un petit périple à pied sur l’isthme de dix kilomètres qui relie Langlade à Miquelon. Un endroit dingue, avec des vagues des deux côtés selon la marée. On avait récupéré des ossements de baleine échouée. Mon père avait trouvé deux côtes, ma mère une vertèbre, et mon grand frère me tirait sur une luge. De cette enfance insulaire, je crois que j’ai gardé l’amour de l’espace, du vide. À Saint-Pierre, ce silence du vide est partout. Et quand on te dit depuis tout petit que tu viens de là-bas, ça finit par déteindre sur ta personnalité. Il y a cette racine lointaine qui te rend fier et, crois-tu, un peu différent.

Et le fait d’habiter aujourd’hui dans les Vosges ?

L’altitude m’a toujours attiré. La solitude, la proximité de l’air pur et des dieux, la vue dégagée… Je pratique l’escalade depuis longtemps. C’est ma grande passion. Une forme de spiritualité. Je ne suis pas quelqu’un de très sociable, et cette solitude de la montagne me convient.

Ce paysage dans lequel tu vis fait-il écho à ta musique ?

Oui et non. C’est très beau quand je regarde par la fenêtre, mais il y a aussi le côté pragmatique de la famille. Je suis jeune papa, et ça me rattrape énormément. Le paysage en est changé. Je ne suis plus cet artiste libre de faire ce qu’il veut quand il veut, de travailler la nuit et de dormir le jour.

La montagne, c’est aussi le territoire du loup. Que représente-t-il pour toi ?

La noblesse, un animal plus humain que l’humain, mais que l’on continue d’avilir… Une créature qui est tout ce je ne suis pas, car je suis un loup en bois, je suis un faux loup. À choisir, j’aurais préféré être un vrai, avec des poils, et la possibilité de haïr les hommes sans me sentir coupable de quoi que ce soit.

Tes albums reprennent tous une terminologie appartenant à la musique classique : chaque opus est numéroté et fait référence à des formes comme la ballade, le prélude, les nocturnes…

J’ai baigné dans la musique classique toute mon enfance, c’était une grande chance, puis j’ai fait des études en musicologie. Un jour, j’ai vu le graphisme d’un disque de Brahms qui m’a plu et j’ai eu envie d’emprunter ce code pour mes propres albums.

As-tu également emprunté quelque chose de cette musique dans ta manière de composer ?

Oui, mais de façon inconsciente. Je pense avoir beaucoup appris de la dynamique propre à la musique classique. Ne pas masteriser tout à fond, par exemple.

Tu sembles très attaché à l’acoustique, à la manière de faire respirer chaque instrument, de ne pas l’utiliser de façon binaire.

J’aime que ça grince plutôt que ce soit bien joué, j’aime entendre la vie. J’aime ce qui est rubato, peutêtre aussi parce que j’ai du mal à garder le rythme, mais l’inverse est aussi vrai : j’ai du mal à garder le rythme parce que je n’ai pas envie de le garder. La vie est rubato, le cœur est irrégulier, alors je ne vois pas pourquoi on s’obstinerait à rester sur un tempo égal.

Le fil conducteur de ce nouvel opus, c’est la nuit. Et dans tes nuits, on assassine un président, on rêve d’une amoureuse, on lit John Fante en se saoulant ou en écoutant le silence qui fait du bruit. C’est un moment crucial, la nuit ?

La nuit fait apparaître tout ce qu’on ne voit pas le jour malgré la lumière. Quand il y a trop de lumière, certains détails restent invisibles. La nuit révèle plein de choses, et elle me manque cruellement maintenant que je suis papa. J’aime son vide, son silence. Et s’il y a un peu d’alcool en plus, alors on est calmé, sédaté, moins embrouillé. Et même formellement, le mot « nuit » est mon préféré de la langue française.

Ce dernier album, tu l’as conçu la nuit ?

C’est la question que je redoute, car on va croire qu’il y a tromperie sur la marchandise. La parentalité et le confinement ont fait que je n’ai pas pu enregistrer Songs of the night la nuit, contrairement aux opus précédents. Il a fallu trouver autre chose, travailler quand ma compagne partait en balade avec le bébé. Alors, pour une heure ou deux, je retrouvais ce plaisir du mec solitaire qui peut créer – dans l’urgence bien sûr, mais j’y suis arrivé.

Peut-on parler d’une contrainte productive ?

Je ne crois pas. Depuis que je suis père, j’ai beaucoup moins de guitares dans les mains, de stylos entre les doigts. L’ennui a toujours été mon terreau – c’est là que tout sort, chez moi – mais avec un enfant, tu n’as plus le temps de t’ennuyer. De mon point de vue, la paternité et la création sont deux choses assez incompatibles.

Tu chantes en anglais et apportes beaucoup de soin à tes textes, qui ressemblent à de petites histoires à la Richard Brautigan, à la Raymond Carver ou Charles Bukowski. Ce sont des références pour toi ?

Pour les deux derniers que je connais, oui. Ces auteurs ont réussi à préserver leur espace de liberté dans ce monde américain insensé, pour ne pas dire à gerber. Il y a un côté européen chez eux. Tous ont éprouvé le besoin de se barrer, d’échapper au cauchemar climatisé. Et en même temps, ils sont différents. Carver arrive à susciter des émotions en

décrivant le banal plat, avec de petites anecdotes croustillantes. Bukowski, il a l’art de faire pousser des fleurs au milieu de la merde, et elles n’en paraissent que plus belles à nos yeux. Henri Miller, c’est lorsqu’il se perd qu’il m’intéresse le plus, quand il part en philosophe. Là, c’est d’une force incroyable. Mais j’aime aussi la littérature française. C’est tout sauf original, mais l’auteur français qui me touche le plus est Albert Camus. Son intelligence me coupe le souffle. Il va dans une direction qui me plaît, celle des grandes questions existentielles : qui sommes-nous ? D’où vient notre souffrance ?

Le cinéma est également présent dans ta musique. D’où vient le dialogue que l’on entend en ouverture de Lonely Pants ?

C’est la fin de Eyes Wide Shut, de Stanley Kubrick. Dans la dernière réplique de la dernière scène de son dernier film, il nous balance ce fuck, ce « allez vous faire foutre », et là-dessus il tire le rideau. Je trouve ça classe.

Kubrick, c’est une admiration ?

Oui dans le sens où chacun de ses films est différent. Il est allé dans tous les sens et il a été génial dans chacun de ces sens.

C’est le cinéma que tu aimes ?

Pas seulement. J’aime l’émotion, et je la trouve surtout dans les grands films populaires. Danse avec les Loups est un film qui correspond à ma personne. Je suis obligé de me retenir de ne pas le voir plus d’une fois par an. C’est mon film depuis que je suis gamin et plus le temps passe, plus je le trouve d’actualité. Ça parle d’écologie, d’absolu. Et la musique est inoubliable.

Cet album est plus artisanal que le précédent.

J’ai toujours eu envie de faire un album lo-fi. Mais cet opus sonne bien mieux que ce que j’aurais pu imaginer. Pendant le confinement, j’ai acheté un vieux Tascam et j’ai été bluffé par la qualité de l’enregistrement, je ne m’y attendais pas du tout. Au final, c’est peut-être mon album qui sonne le mieux.

Le Tascam, c’est cet enregistreur K7 4 pistes avec lequel Bruce Springsteen a conçu seul Nebraska, son légendaire album lo-fi ?

Oui. Beaucoup d’artistes ont utilisé ce médiumlà, mais je pense qu’ils ont plus joué le jeu que moi, car leurs albums sonnent différemment. Le lo-fi, c’est la spontanéité, l’éclair de génie : tu as ton dictaphone, une idée, tu chantes ton machin, et si plus tard tu tentes de le refaire, tu ne retrouveras jamais la même énergie. C’est ce qu’on appelle la malédiction de la maquette. Elle te plaira toujours plus que l’enregistrement studio.

Tu as tout réalisé toi-même sur cet album, y compris les peintures qui illustrent la pochette. Tu peins en autodidacte ?

Oui, mais il y a des inspirations, un mélange de plein de choses, Egon Schiele, Paul Klee… Ce que je préfère, c’est l’Art Brut, même si la définition qu’on en fait est aujourd’hui très vague. Ce n’est pas un hasard si on assimile l’art brut aux handicapés, car il est question de thérapie : les choses sortent, il y a un apaisement. Quant à ce que je fais, c’est difficile à expliquer. Je me cherche encore, et c’est probablement ça qui m’intéresse : l’absence de fil conducteur.

C’est du jaillissement ou quelque chose de plus pensé ?

C’est truffé de choses inconscientes que je retrouve aussi dans mes textes. Par exemple, le rapport très spécial à l’anatomie, à toutes ces choses sublimes et dégueulasses que dissimule notre peau : les os, les organes, les viscères. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai besoin d’en parler.

Comment naît une chanson ?

Parfois, il y a la magie de l’inspiration, et tout sort très vite. En quelques minutes la chanson est faite à 99 %. Parfois, elle arrivera au bout d’une journée, ou au bout de 20 ans de cogitation métaphysique. J’aime moins quand elle se fait en piochant dans les boites à paroles et à musiques, au prétexte que tel riff est vachement bien et que telle phrase claque, et que ça vaudrait peut-être le coup de les associer pour voir. Ce genre de bricolage, la plupart du temps, ça ne prend pas.

Dans cet album, l’amour est une nouvelle fois au cœur de ton écriture.

Oui, mais de façon plus cruelle. Je dissèque le quotidien de deux parents. Il faut s’avouer à soimême qu’une relation de couple, ça s’effrite un peu avec le temps. Et en même temps, il y a d’autres choses qui se construisent. Pour moi, la vraie construction, c’est la parentalité. On devient père, on est de moins en moins amant. Et l’amoureuse disparaît elle aussi derrière la maman. Il faudrait en être conscient et rester vigilant, continuer d’entretenir la flamme, mais ce n’est pas facile.

Est-ce qu’une chanson, ça peut sauver la vie ?

Ça s’est vu. Quelqu’un était au bord du précipice, et il s’est senti compris en écoutant une chanson. Il s’agit juste de se sentir entendu et moins seul. Pourquoi les gens dépressifs écoutent de la musique de dépressif ? Parce que moins + moins = plus, et que ça fait du bien de savoir que quelqu’un, quelque part, a déjà ressenti votre souffrance. J’ai tenté d’écouter La compagnie créole quand j’étais en dépression, mais ça ne marche pas. J’écoute La compagnie créole quand je suis heureux, mais quand je suis déprimé, je vais plutôt me mettre un Songs : Ohia de Jason Molina.

Comment as-tu appris à jouer de la guitare ?

J’ai commencé par du saxophone au conservatoire, mais c’était trop tôt. Je voulais jouer La Panthère rose, des trucs comme ça. Un jour, mon frère a trouvé la guitare de notre mère dans le grenier. Elle n’avait que deux ou trois cordes mais c’était suffisant pour jouer Nirvana. Tu imagines ? Tu as 9 ans, tu écoutes du Nirvana, et ta prof du conservatoire, elle te parle de Benjamin Britten… On a donc appris par nous-mêmes, d’après les grilles d’accords principaux que nous dessinait notre mère. On s’est entraîné, et petit à petit on a pu jouer les trucs qu’on aimait écouter. Aujourd’hui, je joue moins bien que lorsque j’avais 17 ans et que je faisais du jazz manouche. Ma technique est moins bonne, et c’est tant mieux parce que la virtuosité m’ennuie.

Pourquoi ?

Parce qu’avoir un bel instrument dans les mains et prendre le temps de l’écouter raisonner, c’est beaucoup plus intéressant. Plus tu ajoutes des notes, et moins tu l’entends.

Que se passe-t-il en toi quand tu joues de la guitare ?

Une vibration. Une guitare, quand tu la cales bien contre toi et que tu joues, c’est formidable. Et quand tu te mets à poil avec une contrebasse dans le coin d’une pièce, c’est la même chose, tu sens que ça raisonne à l’intérieur de toi.

D’ailleurs, dans ta musique, il y a des bleus et des bosses, des matières rugueuses ou plus douces, comme le violoncelle, ou le Minimoog qui s’invite discrètement sur cet album. Et ta voix. Quel instrument c’est, la voix ?

Dans le meilleur des cas, celui du triche pas, de la spontanéité, de l’émotion qui parle à tout le monde. La voix se moque des frontières, des langues. Un Ouzbek qui ne parle pas ta langue peut te comprendre si tu parviens à faire passer les émotions dans ta chanson. J’ai la chance d’avoir toujours entendu quelqu’un chanter à la maison. Ma mère chantait, elle faisait des tierces ou des quintes sur ce que nous chantions. Ça m’a complètement forgé l’oreille.

Tu t’entends bien avec ta voix ?

Pas tout le temps. J’ai le grain éraillé, car j’ai les cordes vocales légèrement asymétriques. Mais dès qu’il y a du stress, elles ont tendance à se remettre en place. La voix devient alors beaucoup plus claire, elle est comme nettoyée. J’ai enregistré tous mes albums en étant peinard, avec ma voix éraflée. Mais quand je suis en concert, je ne veux pas que les gens m’entendent avec une voix claire, parce que ça n’est pas moi.

Qu’incarnait pour toi Daniel Johnston, l’auteur compositeur interprète américain auquel tu rends hommage dans Daniel (Dream) ?

Il représentait l’émotion, la fragilité, l’esprit lo-fi par excellence. Dès ses premiers morceaux, tout était là, et ça aurait été un gâchis qu’il les enregistre dans de beaux studios. Sa musique est l’expression brute de la vie. Une complainte profonde, habitée. Dans certains titres, vue de l’extérieur, on a l’impression d’avoir affaire à de petites chansonnettes un peu débiles, alors qu’elles sont formidables de justesse et de profondeur philosophiques. Si tu regardes le texte de Speeding Motorcycle par exemple, il est question d’une moto qui accélère, qui est comme ton cœur, et où il y aurait encore de la place pour mettre une nana à l’arrière… Johnston s’en fout, il fait ça avec trois fois rien, et c’est poétique et brut comme un diamant pas taillé.

Lorsque l’on se place dans la lignée musicale d’un Jason Molina ou d’un Kurt Cobain, comme cela semble être le cas pour toi, comment viton avec cette image archétypale du chanteur mélancolique, dépressif, suicidaire ?

Celui qui tombe dans l’imitation prend le risque d’être ridicule. Et puis le « je vais me défoncer et picoler pour faire comme... » c’est difficile à

mettre en œuvre. Adolescent, j’étais sans doute un peu dans le mimétisme, oui, mais maintenant je sais que je suis moi, et je ne joue aucun rôle. Évidemment je suis fier d’être assimilé à ces artistes. Si ma musique ressemble à la leur, ce n’est pas un hasard. On partage la même sensibilité, les mêmes appétences esthétiques.

La même colère ?

Oui, une colère déguisée. J’aimerais qu’elle sorte de façon plus frontale. J’aime aussi d’autres songwriters. Vic Chesnutt par exemple – tiens, encore un qui est mort d’une overdose… Mais je pense m’être sauvé de tout ça en fondant une famille. Ça remet les idées en place. Je me suis rendu compte que de verser dans l’autodestruction, le côté sombre et torturé, c’est trop facile. À un moment, on a aussi envie d’aller bien.

La mise en danger, elle est dans ta pratique de l’escalade ?

Tu peux te faire mal. Je me suis fait mal à une cheville l’année dernière. Mais il s’agit d’une activité très saine. Il y a bien sûr l’aspect physique, la souplesse, la motricité, la coordination, mais il y a aussi une dimension métaphysique très forte : on se libère, on s’élève. L’escalade, c’est d’abord de la concentration. On est focalisé sur sa prise, et rien d’autre n’existe que ce présent-là. C’est tout le contraire de la scène, où je pense à mille choses en même temps que je joue, et où je me sens parfois angoissé, pétrifié.

À cause de quoi ?

De la pression. Je suis en vitrine, dévisagé, et pas en train de chanter chez moi devant un micro. Quand je fais de l’escalade, j’échappe à tout ça. C’est un exutoire, et une très belle forme de méditation.

L’industrie musicale a beaucoup changé ces dernières années, avec la numérisation, la dématérialisation des supports. On fait de moins en moins la différence entre une musique qui se consomme et une musique qui s’écoute. Quel est ton regard sur cette évolution ?

En dix ans, j’ai vu les choses empirer. Le support CD est passé de mode. La musique est de moins en moins considérée. On consomme à l’aveugle sur les plateformes – on prend, on jette. J’ai connu une époque où on se rendait chez le disquaire avec nos 130 balles en poche, conscient qu’on ne pourrait s’offrir qu’un seul album. Alors on passait en revue tous les disques, on étudiait les pochettes à la loupe, on demandait à les écouter, et à la fin on faisait notre choix. Une fois rentré chez soi, la religion continuait : étude minutieuse du livret, enregistrement sur cassette pour pouvoir passer les morceaux sur son Walkman… C’était merveilleux. Aujourd’hui, on est pollué par un trop plein de musique. On en met tout le temps, partout, à toutes les sauces. Comment susciter encore une envie, une attention valable avec ce bruit de fond incessant qui nous étouffe ? Pour reprendre le titre d’un essai de Pascal Quignard, j’en suis presque arrivé à La haine de la musique. D’ailleurs j’en écoute très peu. Je privilégie la qualité d’une écoute attentive, à la quantité.

Ton disque sort en vinyle. Quel support est-ce pour toi ?

Le vinyle est plus grand, donc la musique est plus grande. C’est un fait. N’importe quel ingénieur du son te dira que l’ampleur des fréquences est plus grande, qu’il y a plus de sensibilité, plus de choses qui sont révélées. L’objet lui-même est plus visible, plus cher aussi. Il correspond à quelqu’un que le téléchargement n’attire pas, qui a besoin de concret, de rituel, de plaisir. Le vinyle est sans doute ce qui nous sauve un peu du marasme en ce moment.

Tu travailles sur l’écriture d’un album en français. Que peux-tu nous en dire en quelques mots ?

Écrire, j’y arrive, mais pourquoi est-ce si compliqué de faire sonner les mots en français ? Quand je chante en français, ma voix n’est plus la même. C’est une langue sans accent tonique et techniquement, ça complique les choses. D’ailleurs, ce qui m’attire le plus dans la musique francophone actuelle, ce n’est pas forcément ce qui est chanté, mais les textes parlés comme dans Programme, le groupe d’Arnaud Michniak, ou Singe Chromés. La langue y est davantage mise en valeur que par le chant. Il y a évidemment des exceptions. Bertrand Cantat, ou Léo Ferré, qui proposait d’un côté un répertoire chanté et de l’autre des slams de 15 minutes d’une poésie folle. J’aime aussi les chansons d’Alain Leprest, qui est dans un entredeux. Pour ma part, je tâtonne. Je ne suis pas encore à l’aise avec mes textes en français, mais je sens que de belles choses arrivent.

— SONGS OF THE NIGHT, OP.7,

The Wooden Wolf, #14 Records / Araki Records / Médiapop Records www.mediapop-editions.fr

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